Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 janvier 2023 1 30 /01 /janvier /2023 00:00
Sainte Martine de Rome, vierge et martyre († 226)

Sainte Martine naquit à Rome de parents illustres. Son père avait été trois fois consul et s'était distingué par une foi vive et une charité ardente. Après sa mort, Martine vendit ses biens et consacra l'argent à des œuvres de miséricorde.

L'empereur Alexandre (222-235) régnait et persécutait les chrétiens

Des gens occupés à rechercher les serviteurs de Jésus-Christ trouvèrent sainte Martine en prières dans une église et l'arrêtèrent. Comme elle ne fit aucune difficulté de les suivre, ils crurent avoir fait une conquête ; mais, conduite à l'empereur, elle refusa de sacrifier aux idoles ; celui-ci ne l'en fit pas moins conduire au temple d'Apollon. En y entrant, Martine, s'armant du signe de la Croix, pria Jésus-Christ, et à l'instant il se fit un effroyable tremblement de terre qui renversa une partie du temple et brisa l'idole. L'empereur, irrité, commanda qu'on frappât la vierge à coups de poings et qu'on l'écorchât avec des ongles de fer; Martine souffrit avec une telle patience que les bourreaux, lassés, furent remplacés par d'autres qu'une lumière divine renversa et convertit.

Conduite de nouveau devant l'empereur, Martine refusa pour la seconde fois de sacrifier aux idoles; Alexandre la fit attacher à quatre pieux et fouetter si cruellement et si longtemps que les bourreaux s'arrêtèrent de fatigue. Martine fut reconduite en prison, et on versa dans ses plaies de l'huile bouillante ; mais des Anges vinrent la fortifier et la consoler. Le lendemain, la vierge fut conduite au temple de Diane que le démon quitta aussitôt avec des hurlements horribles, en même temps la foudre renversait et brûlait une partie du temple avec ses prêtres.

L'empereur, effrayé, laissa Martine aux mains du président Justin qui la fit si cruellement déchirer avec des peignes de fer, qu'il la crut morte; mais s'apercevant qu'il se trompait: "Martine, lui dit-il, ne veux-tu pas sacrifier aux dieux et te préserver des supplices qui te sont préparés ?
J'ai mon Seigneur Jésus-Christ qui me fortifie, et je ne sacrifierai pas à vos démons." Le président, furieux, commanda de la reconduire en prison.

 

L'empereur, informé de ce qui s'était passé, ordonna que Martine fût menée dans l'amphithéâtre afin d'y être exposée aux bêtes; mais un lion, qu'on lâcha pour la dévorer, vint se coucher à ses pieds et lécha ses plaies; mais comme on le ramenait à son antre, il se jeta sur un conseiller d´Alexandre et le dévora.

Ramenée en sa prison, Martine fut encore une fois conduite au temple de Diane, et comme elle refusait toujours de sacrifier, on déchira de nouveau son pauvre corps. "Martine, lui dit un des bourreaux, reconnais Diane pour déesse, et tu seras délivrée. – Je suis chrétienne et je confesse Jésus-Christ."

Sur ces paroles, on la jeta dans un grand feu préparé à l'avance, mais le vent et la pluie, qui survinrent à l'instant, dispersèrent le bûcher et brûlèrent les spectateurs. On retint la Sainte trois jours durant dans le temple, après toutefois qu'on lui eût fait couper les cheveux. L'empereur la croyait magicienne et s'imaginait que sa force résidait dans sa chevelure.

Elle fut tout ce temps sans rien prendre, chantant continuellement les louanges de Dieu. Ne sachant plus que faire, Alexandre lui fit couper la tête. Le corps de Martine demeura plusieurs jours exposé sur la place publique, défendu par deux aigles qui restèrent jusqu'au moment où un nommé Ritorius put lui donner une honorable sépulture.

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/81/Santi_Luca_e_Martina_al_Foro_Romano_-_01_-_Panairjdde.jpg/450px-Santi_Luca_e_Martina_al_Foro_Romano_-_01_-_Panairjdde.jpg
Église Saint-Luc et Sainte-Martine à Rome

Sainte Martine et Sainte Agnès devant la Vierge par El Greco

Sainte Martine et Sainte Agnès devant la Vierge par El Greco

Sainte Martine de Rome, vierge et martyre († 226)

Sources : (1) P. Giry, Vie des Saints, p. 62-64; (2) Wikipedia ; (3) Sanctoral

 

Partager cet article
Repost0
29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 09:47

À l'intérieur de cette guerre civile (1793-1796), il y a un système d'extermination conçu au plus haut niveau de l'État, mise en œuvre au plus haut niveau de l'État, avec des services d'État qui sont l'administration et l'armée française s'inscrivent dans cette logique, en reprenant le mot de l'époque, d'''extermination'' de la population de la Vendée et de l'"anéantissement" de son territoire. Pour mettre en œuvre cette politique d'"extermination" et d'"anéantissement", l'État s'est refugié derrière trois lois qu'il a fait voter en consciences partagées, puisque ce sont des lois.

Reynald Secher

François Athanase Charette de La Contrie, huile sur toile de Paulin Guérin, 1819, musée d'Art et d'Histoire de Cholet

François Athanase Charette de La Contrie, huile sur toile de Paulin Guérin, 1819, musée d'Art et d'Histoire de Cholet

Tout ce qui est dit dans ce film ("la guerre de Vendée et le système d'extermination") est exact. Le scandale, il n'est pas là, le scandale justement est que l'on ne connaisse pas cela. Cette œuvre (cinématographique) met un terme à ce que j'appelle le ''mémoricide''. Tout ce qui est dit à travers de ce film est exact. Bien entendu, c'est présenté sous l'angle romanesque, mais c'est le roman de ces héros comme Charette ou d'autres que l'on pourrait citer comme Cathelineau, etc. Parce que leurs vies sont des vies de héros.

Reynald Secher

Partager cet article
Repost0
29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Gildas le Sage, prêtre († 570)

Né en Angleterre, Gildas alla à l'école avec les futurs saints Pol et Samson. Ordonné prêtre, il partit aussitôt en mission en Irlande, évangélisée un siècle plus tôt par saint Patrick, en Angleterre et en Bretagne. 

Saint Gildas réforma et fonda plusieurs monastères.

Peu de temps avant sa mort, il se retira sur l'île d'Houat (Morbihan) où il mourut. L'abbaye de Rhuys a conservé son tombeau et développé son culte... Saint Gildas est connu sous les formes bretonnes Sant Veltas ou sant Gueltas.

Son surnom lui vient des nombreuses études philosophiques qu'il fit dans sa jeunesse.

 

Statue de Gildas près du village de Saint-Gildas-de-Rhuys

Statue de Gildas près du village de Saint-Gildas-de-Rhuys

 

Statue de Gildas à côté du Grand-Mont

 

Sources: 123

 

- Les Sept saints fondateurs de la Bretagne

- Les saints bretons

Partager cet article
Repost0
28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 09:08
Réintégrons les suspendus

15 septembre 2021 - 28 janvier 2023, 500 jours. La France est le dernier pays d'Europe à ne pas réintégrer ses soignants non injectés.

Leur liberté c'est d'obéir au risque d'être banni de la société. C'est clair, non?

Source video : Twitter

Partager cet article
Repost0
28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 00:05
Saint Charlemagne

Voici quelle est notre tâche. À l'extérieur, protéger, les armes à la main, avec le secours de la grâce divine, la sainte Église du Christ de l'invasion des païens et de la dévastation des infidèles; et à l'intérieur, défendre le contenu de la foi catholique.

Charlemagne cité dans Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 141-142

Petit-fils de Charles Martel, Charlemagne est roi des Francs, roi des Lombards, fondateur & empereur d’Europe (1), fondateur des écoles au concile de Mayence (813), Patron des écoliers, instituteurs et professeurs. 

 

"Defensor Ecclesiae", Charlemagne mit au service de l'Eglise son pouvoir en identifiant totalement la société civile et la société religieuse. 

 

Sous son règne, l'art des manuscrits s'enrichit considérablement avec les enluminures mais surtout la minuscule Caroline. Le monachisme et l'instauration de la Règle de Saint Benoît conduisent à la fondation de nombreux monastères et écoles dans tout l'empire.

 

De nombreux érudits de toute l'Europe viennent à la Cour de Charlemagne, et en y partageant leurs connaissances.

"La lumière de la tradition chrétienne éclaire la Renaissance carolingienne. Alcuin (735-804) dirige l'École du palais à Aix-la-Chapelle et celle de Tours. Sous son autorité, des écoles sont fondées dans toute l'Europe. [...] Alcuin [...] reste un augustinien. [...] L'École du Palais copie les manuscrits des auteurs latins, qui, par les monastères atteindront les grands classiques français. Alcuin inscrit pour plusieurs siècles la culture de l'Occident dans la catholicité. Les Germains découvrent la culture antique grâce aux chrétiens. Cette culture est christianisée et transmise par les moines aux poètes et littérateurs futurs. La littérature des Temps féodaux est même si riche de culture antique qu'il est mensonger de parler de Renaissance littéraire au XVe siècle." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, tome2, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. Cimes, 2e éd. revue et augmentée, Paris 2015, p. 97.)

 

La loi (privilèges, droits, coutumes) est "intangible", elle "appartient au peuple" et le roi ne peut y "toucher quant au fond." "En 792, il (le roi) évoque les nombreuses plaintes de ceux qui 'n'ont pas conservé leur loi'. Si quelqu'un dit qu'on lui a refusé le bénéfice de sa loi, écrit le roi, les missi doivent bien dire que ce n'est ni la volonté ni l'ordre du roi. On punira le missus ou le comte qui aura confondu les lois. Pour limiter les contentieux, le roi prescrit que l'on fasse enquête pour savoir 'quelle est la loi de chacun, d'après son nom' ! En fait, "lorsque le roi ajoute aux lois, c'est pour clarifier les ambiguïtés et combler les lacunes, non pour changer le sens de la législation." (2)

 

Au moment de mourir, Charlemagne dit à ses fils : 

‘’Prenez soin de la défense du Saint-Siège, ainsi que l’ont pris notre aïeul Charles Martel, notre père le roi Pépin, et Nous par après eux. Efforcez-vous de le défendre autant que le requiert la raison !’’’(3)

Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 34

Frédéric Ier, surnommé Barberousse, empereur germanique, fit canoniser Charlemagne en 1165 par Pascal III, un anti-pape. Mais si Frédéric Barberousse voyait dans cette canonisation un geste d’une grande portée politique en sa faveur, il n’en demeure pas moins que la canonisation de Charlemagne fut accomplie d’une manière tout à fait conforme au droit de l’époque, par des pasteurs légitimes. En effet, jusqu’à ce moment-là, les canonisations n’étaient pas réservées au Saint-Siège et n’étaient pas accomplies selon les procédures que nous connaissons aujourd’hui (lesquelles ont été définitivement fixées au XVIIIe siècle par le pape Benoît XIV 1740-1758, et ont été ensuite simplifiées à la fin du XXe siècle). Au XIIe siècle donc encore, comme pendant tous les premiers siècles de la Chrétienté, ce que nous appelons aujourd’hui une "canonisation" consistait en une cérémonie solennelle que l’on appelait souvent "élévation (ou exaltation) des reliques", puisque il y était procédé, par l’évêque du lieu (ou le métropolitain), en reconnaissance de la sainteté d’un personnage et des miracles accomplis sur sa tombe, au placement de ses restes mortels dans une châsse que l’on disposait sur un autel. Dès lors, ces reliques seraient publiquement honorées et le saint auquel elles avaient appartenu ferait l’objet d’un culte officiel, ce qui était confirmé par la proclamation de la date à laquelle on célébrerait dorénavant sa fête. A cette époque, il n’y avait pas non plus de distinction entre "bienheureux" et "saint". L’élévation des reliques de Charlemagne eut lieu le 29 décembre 1165, et fut accomplie de manière régulière par l’archevêque Renaud de Dassel, de Cologne, et par l’évêque Alexandre II, de Liège. Il est vrai qu’ils reçurent pour cela l’aval d’un décret de l’antipape Pascal III. (4)

 

Sainte Jeanne d’Arc en personne aurait dit au roi Charles VII : "Saint Louis et saint Charlemagne sont à genoux devant Lui, faisant sa prière pour vous". Louis XI décide de fêter la saint Charlemagne le 28 janvier et de faire de cette journée un jour férié célébré comme un dimanche.

 

Beaucoup de diocèses du nord de la France le mirent à leur calendrier et en 1661, l'Université de Paris le choisit pour patron.

 

Actuellement, Aix-la-Chapelle en Allemagne, fait vénérer ses reliques, mais l'Église a retiré de son calendrier l'empereur qui convertit les Saxons par l'épée plutôt que par la prédication pacifique de l'Evangile.

 

Comme l’a très bien fait observer Dom Guéranger dans la notice qu’il a consacrée au Bienheureux Charlemagne, les contestations ne se firent jour que sous l’influence et en conséquence du poison que l’hérésie protestante distilla dans la Chrétienté.

 

Le titre de bienheureux a été toléré par le pape Benoît XIV (5), qui trancha de manière non équivoque : là où ce culte était établi, on ne pouvait ni le blâmer ni l’éradiquer ; et l’on pouvait l’honorer et l’invoquer comme "Bienheureux Charlemagne". 

 

L’extension du culte est toutefois définitivement limitée par le pape Pie IX en 1850.(6)

 

"Quand bien même on admettrait que ce grand prince eût commis des fautes, c'est aux premières années de son règne qu'il faudrait les reporter; alors il serait juste, en même temps, de considérer dans le reste de sa vie les traces admirables de la plus sincère pénitence. N'est-ce pas un spectacle merveilleux que devoir un si grand guerrier, parvenu à la monarchie universelle, s'exercer continuellement, non seulement à la sobriété, si rare dans sa race, mais encore à des jeûnes comparables à ceux des plus fervents solitaires, porter le cilice jusqu'à la mort, assister de jour et de nuit aux Offices de l'Eglise, jusque dans ses campagnes, sous la tente ; secourir par l'aumône, qui, comme parle l'Ecriture, couvre la multitude des péchés, non seulement tous les pauvres de ses Etais, qui venaient implorer sa charité, mais jusqu'aux chrétiens de l'Afrique, de l'Egypte, de la Syrie, de la Palestine, en faveur desquels il épuisa souvent ses trésors? Mais, ce qui dépasse tout, et nous découvre dans Charlemagne, d'un seul trait, l'ensemble des vertus chrétiennes que l'on peut désirer dans un prince, c'est qu'il ne parut avoir reçu le pouvoir suprême que pour le faire servira l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre." (Dom Gueranger, Année Liturgique, 28 janvier)

https://twitter.com/CercleRoi/status/1619250261419233283/photo/1

https://twitter.com/CercleRoi/status/1619250261419233283/photo/1

Sources 

(1) https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Saint-_Charlemagne/32800

(2) Jean Favier, Charlemagne, Texto, Le Goût de l'histoire, Lonrai 2013, p. 334-348 

(3) Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 34

(4) http://leblogdumesnil.unblog.fr/2014/01/28/2014-13-du-bienheureux-charlemagne-roi-des-francs-et-empereur-doccident/

(5) https://nominis.cef.fr/contenus/saint/520/Bienheureux-Charlemagne.html

(6) https://fr.aleteia.org/2018/01/28/28-janvier-la-quasi-fete-du-quasi-saint-charlemagne/

 

Partager cet article
Repost0
28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Thomas d'Aquin, Dominicain, docteur de l'Eglise (1225-1274) - Mémoire

Né dans une noble famille napolitaine, élevé à l'abbaye bénédictine du Mont-Cassin, Thomas choisit cependant, à 19 ans, d'entrer chez les Frères Prêcheurs. Ce n'est guère du goût de sa famille, qui le fait enlever et enfermer. L'ordre dominicain est un ordre mendiant, fondé quelques années plus tôt, et il n'avait pas bonne presse dans l'aristocratie.

 

Au bout d'un an, Thomas peut enfin suivre sa vocation. On l'envoie à Paris pour y suivre les cours de la bouillonnante Université. Il a comme professeur saint Albert le Grand. Pour ce dernier, il faut faire confiance à la raison et à l'intelligence de l'homme pour chercher Dieu. Le philosophe le plus approprié à cette recherche est Aristote. Saint Thomas retient la leçon.

 

Lors de ses études, ses camarades l'appellent le "bœuf muet" en raison de sa corpulence, de sa discrétion, de son humilité qui pouvait passer pour de la timidité et de son goût pour la réflexion solitaire. Son maître Albert le Grand, apprenant que ses camarades le nommaient ainsi, déclara : "lorsque le bœuf mugira, il fera trembler l’Occident ! ". La postérité considérable de son jeune étudiant lui donna raison.

Saint Thomas d'Aquin, Dominicain, docteur de l'Eglise (1225-1274) - Mémoire

Devenu professeur, il s'attelle à un gigantesque travail pour la mettre en œuvre. Connaissant très bien Aristote et ses commentateurs, mais aussi la Bible et la tradition patristique chrétienne, il élabore une pensée originale, qu'il expose dans de multiples ouvrages, dont le plus connu est la "Somme Théologique" (1266-1273). Dans cette œuvre composée de trois parties, Thomas rassemble toutes les connaissance utiles au salut de façon ordonnée. Il concilie les acquis de la pensée aristotélicienne et les exigences de la foi chrétienne, raison et foi, nature et grâce. L'intérêt pour la culture grecque ne disparut cependant jamais, il ne fit même que croître. Dès la fin du VIe siècle, Grégoire, évêque d'Agrigente, multiplie les références à Aristote dans les dix livres de ses Commentaires sur l'Ecclésiaste.

 

Jacques de Venise rédige des gloses sur les œuvres d'Aristote qu'il est le premier à traduire directement du grec en latin avant 1127. Ce clerc italien, qui vécut à Constantinople travailla au Mont-Saint-Michel." (Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Seuil, Paris 2008, p. 28; 67.)

 

Thomas situe en Dieu les racines du droit naturel : toute la nature, avec l'ordre qu'elle renferme, est un fruit de la bonté de Dieu. La connaissance du droit se tire de l'observation de la nature, l'ordre naturel lui-même procède du Dieu-Amour. Ainsi, les sources profanes et païennes, issues de la raison naturelle observant le monde naturel, ne sont nullement à mépriser pour la connaissance du droit.

 

Son autorité est telle qu'en naît une école philosophique : le thomisme (affirmation fondamentale de l'Être comme réalité universelle), qui reste pendant plusieurs siècles la doctrine sur laquelle se fond la pensée européenne. 

Oublié à l'époque moderne (la plupart des écoles de théologie depuis le XIXe siècle adoptèrent pour manuel d'études les Sentences de Pierre Lombard, dont les franciscains Duns Scot et Occam suivaient l'ordre de préférence à Saint Thomas), le thomisme réapparaît au début du XXe siècle à travers le néo-thomisme suite à l'initiative de Léon XIII, en 1879, dans Æterni Patris "sur la restauration dans les écoles catholiques de la philosophie chrétienne selon l'esprit du docteur angélique", mais redevient marginal suite au Concile Vatican II, bien que le Décret Optatam Totius (n° 16) sur la formation des prêtres, demande qu'on le prenne pour maître ("Pour mettre en lumière, autant qu’il est possible, les mystères du salut, ils apprendront à les pénétrer plus à fond, et à en percevoir la cohérence, par un travail spéculatif, avec saint Thomas pour maître").

 

C'est le commentaire de la Somme théologique de Cajetan qu'en 1879, Léon XIII ordonna de lire, joint à la Somme. Aujourd'hui, la philosophie contemporaine, par son retour à l'étude des philosophes médiévaux, prend de plus en plus en compte l'influence de Thomas d'Aquin.

 

L'exorciste romain don Amorth reconnaissait en 2016 en saint Thomas "le plus grand théologien chrétien." (Gabriele Amorth, avec Stefano Stimamiglio, Le Démon ne peut rien contre la miséricorde de Dieu, Téqui, Paris 2016.)

 

"Thomas d'Aquin démontra qu'entre foi chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle." (Benoit XVI, Audience générale Place Saint-Pierre, 2 juin 2010)

 

Afficher l'image d'origine Thomas d'Aquin soutient que la foi chrétienne n'est ni incompatible, ni contradictoire avec un exercice de la raison conforme à ses principes (Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, p. 60). Les vérités de la foi et celles de la raison peuvent être intégrées dans un système synthétique harmonieux, sans se contredire. Il pose comme principe le respect de l'ordre rationnel, créé et voulu par Dieu pour permettre à l'homme de connaître la vérité.

 

Alors qu'au XIIIe siècle en Europe, l'environnement est entièrement chrétien, que l'existence de Dieu repose sur la foi et que Thomas d'Aquin s'adresse à des théologiens, il reprend les preuves aristotéliciennes de l'existence de Dieu (Summa contra Gentiles I, 13, et S. Th., I, q. 2) selon 5 voies (Quinquae viae) :

1. par le Premier moteur (Argumentum ex motu) : les choses sont constamment en mouvement, or il est nécessaire qu'il y ait une cause motrice à tout mouvement. Afin de ne pas remonter d'une cause motrice à une autre, il faut reconnaître l'existence d'un « Premier moteur non mû », c'est Dieu.

2. par la causalité efficiente (Argumentum ex ratione causae efficientis) : nous observons un enchaînement de causes à effet dans la nature, or il est impossible de remonter de causes à causes à l'infini ; il faut nécessairement une cause première : c'est Dieu.

3. par la contingence (en) (Argumentum ex contingentia) : il y a dans l'univers des choses nécessaires qui n'ont pas en elles-mêmes le fondement de leur nécessité. Il faut donc un Être par Lui-même nécessaire qui est Dieu.

4. par les degrés des êtres (en) (Argumentum ex gradu) : preuve reprise de Platon, qui a remarqué qu'il y a des perfections dans les choses (bien, beau, amour, etc.) mais à des degrés différents. Or il faut nécessairement qu'il y ait un Être qui possède ces perfections à un degré maximum, puisque dans la nature toutes les perfections sont limitées.

5. par l'ordre du monde (Argumentum ex fine) : on observe un ordre dans la nature, l'œil est ordonné à la vue, le poumon à la respiration, etc. Or à tout ordre il faut une intelligence qui le commande. Cette Intelligence ordinatrice est celle de Dieu.

 

Thomas d'Aquin ne cherche pas tant à prouver l'existence de Dieu qu'à trouver les conditions de possibilité qu'a l'homme pour remonter à Dieu par les forces de sa raison. C'est pourquoi il ne propose pas de "preuves" au sens moderne et juridique, mais des "voies".

 

Thomas d'Aquin écarte la position de Platon pour qui les idées sont des substances totalement séparées des corps sensibles.

 

"Le fait de connaître ces substances séparées ne nous permettrait pas de juger des choses sensibles" (Somme théologique, Ire partie, qu. 84, article 2 )

 

L'intelligence connaît par les sens, mais selon le mode propre de l'intelligence : universellement, immatériellement et nécessairement : "Disons donc que l’âme connaît les corps au moyen de l’intelligence, d’une connaissance immatérielle, universelle et nécessaire."

 

Il faut aussi écarter la position de Démocrite pour qui les sens et l'intelligence étaient exactement la même chose. Seul Aristote avait une position intermédiaire satisfaisante. C'est sur ce dernier que Thomas d'Aquin s'inspire afin de développer une théorie de la connaissance réaliste.

 

Deux franciscains de marque, en revanche, Alexandre de Hales (1180-1245) et Robert Grosseteste (1175-1253), même s'ils employaient certains concepts aristotéliciens, rejetaient la science païenne et invoquaient un retour au Tout indistinct, qui représentaient pour eux la tradition platonicienne et augustinienne.

 

Thomas d'Aquin, en suivant l'Éthique à Nicomaque d'Aristote, développe une morale finaliste, c'est-à-dire que tous les actes humains sont effectués en vue d'une fin, et toutes les fins en vue d'une fin suprême. La partie morale est extrêmement importante en volume dans toute l'œuvre de Thomas d'Aquin. Les actes moraux vont en effet permettre à l'homme de remonter jusqu'à Dieu.

 

Thomas d'Aquin place le bien suprême de la vie morale naturelle, dans ce qu'il appelle le bonheur, et le bien suprême de la vie surnaturelle dans la béatitude, c'est-à-dire la connaissance de Dieu. C'est la fin de tous les hommes : "l'homme et les autres créatures raisonnables [les anges] atteignent leur fin ultime par la connaissance et l'amour de Dieu" (Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 8)

 

Thomas subordonne la dignité de l'homme à l'élévation "de l'être vers les réalités divines" (Somme théologique, IIea-IIe, q. 175, a. 1 ad 2). Si l'homme est capax Dei, capable de connaître et d'aimer Dieu (S. Augustin, De Trinitate, XIV, 811), le péché l'en empêche. La dignité peut donc se perdre. C'est ce qu'exprime précisément le texte de l'offertoire (Dieu qui avez donné une dignité à la substance humaine de manière admirable et l'avez reformée de manière plus admirable encore...) : si Dieu a restauré, formé à nouveau (reformasti) la dignité de la "substance humaine", c'est parce qu'elle avait été perdue par le péché.

 

L'homme a donc une dignité s'il est uni à Dieu, il la perd s'il s'en éloigne. Saint Thomas est explicite : "En péchant, l'homme déchoit de la dignité de sa nature" (Quodlibet 5, q. 1, a. 2c). "Par le péché l'homme s'écarte de l'ordre prescrit par la raison; c'est pourquoi il déchoit de la dignité humaine qui consiste à naître libre et à exister pour soi; il tombe ainsi dans la servitude qui est celle des bêtes..." (Somme théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 2 ad 3). Dans la théologie traditionnelle, la dignité de l'homme consiste donc à vivre en chrétien, elle se perd par le péché. (Maxence HECQUARD, Les fondements philosophiques de la démocratie moderne, 3e édition, Pierre-Guillaume de Roux, Préface de Pierre MAGNARD, Paris 2016, p. 357).

 

Pour Saint Thomas, le tyrannicide est légitime, car le tyran a violé l'ordre du cosmos, la violence à son endroit est donc légitime, juste.

 

"Toute loi a pour but le salut général des hommes, et c’est à ce titre qu’elle est en vigueur ; du moment où elle s’écarte de cette fin, elle cesse d’être obligatoire." Somme Théologique (Ia IIae, Question 96, Article 6)

"Aussi toute loi portée par les hommes n’a raison de loi que dans la mesure où elle dérive de la loi de nature. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n’est plus alors une loi, mais une corruption de la loi."

Et "puisque la tyrannie n’est pas moins fréquente, au contraire, sous le gouvernement de plusieurs que sous celui d’un seul, il s’en suit, qu’il est simplement meilleur de vivre sous un Roi que de vivre en république."

 

 

Les principes de la politique thomiste sont catholiques, c’est-à-dire valables pour tous les temps et pour tous les lieux.

 

Ils se résument en ces propositions :

 

1) Dieu est cause première et fin dernière de l’homme et de l’univers.

 

2) La société est un moyen naturel pour l’homme d’atteindre sa fin. Elle n’a pas seulement valeur de jouissance, elle a valeur de perfection.

 

3) Le pouvoir vient de Dieu. Il se fonde avec le consentement implicite ou explicite de la société. Aucune constitution politique ne s’impose.

 

4) Le pouvoir séculier et le pouvoir ecclésiastique sont distincts. L’Etat a pour fin le bien commun temporel, l’Eglise a pour fin le salut des âmes. L’Etat s’ordonne à l’Eglise dans la mesure où la fin temporelle s’ordonne à la fin éternelle.

 

Abbé Bernard Roland-Gosselin - La doctrine politique de saint Thomas d'Aquin (1928).

 

S. Ignace de Loyola, au XVIe siècle, choisira Thomas d'Aquin comme docteur officiel de son ordre et l'édition des oeuvres de S. Thomas, commentée par Cajetan comme textes de référence pour l'éducation religieuse des jésuites.

 

À l'Université de Salamanque en Espagne, les jésuites adoptent Saint Thomas de préférence à Pierre Lombard. Bien que la scolastique franciscaine survive avec des chaires de "scotisme", c'est la tradition de Saint Thomas qui va l'emporter, et de là, dans l'enseignement du monde clérical catholique. 

 

S. Thomas consacre aussi une question de sa Somme théologique à prouver que la guerre peut être juste (2a 2ae, q. 40) si certaines conditions sont remplies (une intention droite, une cause juste, être le seul moyen, un espoir raisonnable de victoire, des moyens non intrinsèquement mauvais, des moyens proportionnés à la cause défendue).

 

La contre-réforme catholique du Concile de Trente en 1545 provoquera un retour considérable au travail de Thomas d'Aquin, afin de lutter contre les thèses de Luther, qui récusera en théologie l'usage de la raison sans la révélation et de la philosophie antique non chrétienne.

 

L'école de Salamanque, avec des commentateurs tels que Francisco Suarez, ou le cardinal Cajetan, qui commentera la Somme théologique et qui tentera de ramener Luther à la foi catholique avec des arguments thomistes, propulsera Thomas d'Aquin au-devant de la scène intellectuelle. C'est grâce à Cajetan que la parole de Thomas arrivera au Concile de Trente, qui s'en inspirera largement.

 

 

Le champ d'étude du diable chez Saint Thomas ‘’demeure extrêmement mesuré et représente seulement 1% de sa théologie. ... Ce chiffre ridicule nous invite à ne jamais majorer l'importance du diable dans la vie spirituelle comme dans les études spéculatives.

Saint Thomas consacre aux assauts du démon rarement plus de 5 % d’une œuvre.

… (Dans De spiritualis creaturis de 1267-1268) ... Saint Thomas n’y nomme le diable qu’en passant, simplement pour s’assurer si cet ange est purement spirituel ou s’il a un corps aérien. Les mots Satan ou diable y sont totalement absents. … L’Aquinate ne s’intéresse en ce traité qu’aux bons anges, même si certains de ses développements sur ces substances spirituelles peuvent concerner indifféremment les bons ou les mauvais esprits. Est-ce parce qu’il développa ailleurs, durant cette même période, sa propre démonologie, c’est-à-dire dans Summa theologica, I, q. 114, ou dans le Questiones disputatæ de potentia q. 6, qu’il ne le fit pas ici . Nous pensons plutôt que la vraie raison est celle-ci : ce grand mystique aimait ce qui est aimable, la beauté des anges et non la laideur des démons.’’ (Père Jean-Baptiste GOLFIER, Tactiques du diable et délivrances, Dieu fait-il concourir les démons au salut des hommes ?, éd. Artège-Lethielleux, 2018, p. 154-156.)

 

Dans la lignée de l'évangéliste saint Jean, de saint Paul et des Pères de l'Église, la pensée de Thomas d'Aquin est d'une orientation nettement contemplative et elle est tout aussi profondément spirituelle que doctrinale. On peut même dire qu'elle est d'autant plus spirituelle qu'elle est plus rigoureusement doctrinale. (Jean-Pierre TORRELL, Saint Thomas D'aquin, Maître Spirituel - Initiation 2, Editions Universitaires de Fribourg, 2003)

 

Le 6 décembre 1273, alors qu'il résidait à Naples (1272-1274), un de ses confrères affirma l'avoir vu en lévitation devant le Crucifix qui lui disait : "Tu as bien écrit de moi, Thomas, que désires-tu comme récompense ?", Thomas d'Aquin aurait alors répondu : "Seigneur rien d'autre que toi". (Guillaume de Tocco, Ystoria sancti Thome, chap. 34). Malgré cette apparition, et alors que Thomas d'Aquin était en train de travailler sur le sacrement de pénitence, il laissa volontairement inachevée sa Somme de théologie.

 

"En vérité mon fils, je ne puis plus écrire. Tout ce que j'ai écrit et enseigné me semble un brin de paille auprès de ce que j'ai vu et de ce qui m'a été dévoilé. Désormais j'espère de la bonté de mon Dieu que la fin de ma vie suivra de près la fin de mes travaux", dit Thomas à frère Reginald.

 

Et effectivement, Thomas n'écrivit plus rien après le 6 décembre 1273 jusqu'à sa mort trois mois plus tard le 7 mars 1274. On raconte qu'il voulut mettre au feu tout ce qu'il avait écrit.

 

Thomas meurt sur la route qui le conduisait au Concile de Lyon, le 7 mars 1274, dans l'abbaye cistercienne de Fossanuova.

 

Je vous reçois, ô salut de mon âme. C'est par amour de vous que j'ai étudié, veillé des nuits entières et que je me suis épuisé ; c'est vous que j'ai prêché et enseigné.

S. Thomas d'Aquin recevant la communion sur le point de mourir

Saint Thomas d'Aquin, Dominicain, docteur de l'Eglise (1225-1274) - Mémoire

Il est canonisé en 1323, cinquante ans plus tard. On célèbre sa mémoire au jour anniversaire du transfert de son corps au couvent des dominicains de Toulouse, les Jacobins, en 1369.

 

En 1567, Pie V proclame Thomas Docteur de l'Église et fait publier la première édition complète et imprimée des oeuvres de S. Thomas.

 

Il est le Saint Patron de l'Enseignement Catholique. 

 

Dans toute son oeuvre ne se trouve qu'une erreur : sa doctrine selon laquelle certains hommes (dont les enfants morts sans baptême) étaient séparés de Dieu à jamais parce qu'ils n'avaient pas reçu la prédication de l'Évangile. Le Concile Vatican II le contredit : "Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal". (GS n° 22, 5).

Le Triomphe de Saint Thomas, 1323, Lippo Memmi, Francesco Traini, Pise, Santa Caterina, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 65.

Le Triomphe de Saint Thomas, 1323, Lippo Memmi, Francesco Traini, Pise, Santa Caterina, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 65.

Sources: (1); (2); (3); (4) Docteur angélique; (5) F. FICARRA, Les Dominicains, éd. de Vecchi, Paris 2005; (6) Jean-Pierre TORRELL, Saint Thomas D'aquin, Maître Spirituel - Initiation 2, Editions Universitaires de Fribourg, 2003; (7) Michel VILLEY, La Formation de la pensée juridique moderne, Texte établi, révisé et présenté par Stéphane RIALS, Quadrige PUF, Mercuès 2006, p. 329-330.

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2023 5 27 /01 /janvier /2023 00:00
Sainte Angèle Merici, Fondatrice de la Congrégation des Ursulines († 1540)

Sainte Angèle Merici naît à Desonzano en 1474, dans la région lombarde en Italie, sur le lac de Garde. Ses parents, profondément chrétiens, désirent que leurs enfants trouvent leur bonheur dans la gloire de Dieu. Pour réaliser cet idéal, ils font un vrai sanctuaire de la maison paternelle où chacun travaille sous le regard de Dieu et récite la prière en commun. Une lecture dans un livre de piété, ou dans la Vie des Saints, termine la journée.

A ces pieuses pratiques, Angèle ajoute les rigueurs de la pénitence. Elle voue sa virginité au Seigneur à l'âge de neuf ans et renonce le jour même à toute parure.

 

La réputation de sainteté d'Angèle Merici se répand jusque dans la ville de Brescia (Italie).

 

Les Patengoli, riche famille et grands bienfaiteurs des oeuvres pies, habitent la cité de Brescia. En 1516, ayant perdu coup sur coup leurs deux fils, ils invitent Angèle à venir habiter avec eux pour les consoler dans leur peine. A partir de ce moment, sainte Angèle se fixe à Brescia, édifiant la ville par ses vertus. Chaque jour, on la voit en compagnie de jeunes filles de son âge, rassembler les fillettes et leur enseigner la doctrine chrétienne, visiter les pauvres et les malades, instruire les grandes personnes qui viennent, en foule, écouter leurs conférences. Ces pieuses filles s'ingénient à rechercher les pécheurs jusque dans leur lieu de travail.

 

Suivant une pratique très usitée à cette époque, Angèle entreprend plusieurs pèlerinages. Un jour qu'elle se rend à Jérusalem avec un groupe de pèlerins, une mystérieuse cécité se déclare dans la ville de Candie, l'affligeant tout le reste du parcours, pour ne cesser qu'à son retour exactement au même endroit où elle avait perdu l'usage de la vue. Dans cette pénible circonstance, elle a une vision comme un symbole du renoncement qui doit être à la base de tous ses projets (Cf. "La prière d'abandon de Sainte Angèle Merici").

 

Elle prit d'abord l'habit du Tiers-Ordre de saint François et réunit des jeunes filles pour les former aux oeuvres de charité. 

 

On vient voir Angèle de loin pour écouter ses conseils. Elle réconforte, apaise et réconcilie. Des clercs viennent même la consulter.

 

Image illustrative de l'article Clément VII En 1525, au cours de l’année sainte, elle rencontre à Rome le pape Clément VII qui, instruit des vertus et des miracles d'Angèle, lui demande de rester à Rome. Elle refuse. Le pape s’incline. De retour à Brescia, elle continue son apostolat. Mais le temps passe et le désir de réaliser sa vocation la presse de passer à l’action.

 

Le souvenir de la merveilleuse vision demeurait toujours au fond de son coeur. Un jour, Angèle réunit douze jeunes filles qui désiraient tendre à la vie parfaite. Elle leur proposa de mener une vie retirée dans leurs demeures et les rassemblaient fréquemment pour les former à la pratique des vertus chrétiennes. En 1533, ce noviciat achevé, sainte Angèle Merici leur révéla son plan, leur démontrant que l'ignorance religieuse était la cause des ravages exercés par le protestantisme et que la fondation d'une société de religieuses d'une forme nouvelle pour l'époque, unissant la vie contemplative à l'instruction des enfants, constituerait un remède efficace à l'état déplorable qui régnait dans l'Église.

 

Image illustrative de l'article Ursule de Cologne Afin de mieux atteindre toutes les âmes dans le besoin, Angèle implanta les bases d'un Ordre sans clôture. A une époque où il était d'usage de tenir les religieuses à l'écart du monde dans un monastère, consacrées à la vie contemplative, dans les desseins de Dieu, la congrégation des Ursulines devait rayonner à travers le monde par l'éducation des jeunes filles, le soin aux malades et les nécessiteux dans les maisons qui seraient appelées couvents des Ursulines. Le 25 novembre 1535, à Brescia, les premières religieuses du nouvel institut prononcèrent les trois vœux traditionnels de pauvreté, chasteté et obéissance, ajoutant celui de se consacrer à l'enseignement. Les sœurs d'Angèle parcouraient les prisons et les hôpitaux, recherchaient les pauvres pour les instruire et rompaient généreusement leur pain avec eux.

 

Envoyée réconforter une personne qui a perdu son mari et ses fils à la guerre et qui entre dans une grave dépression, Angèle reste deux ans auprès d’elle puis s’installe à Brescia où sa renommée de sagesse et de sainteté grandit.

 

Remontant le cours du mal jusqu'à sa source, Angèle Merici pensait qu'on ne pouvait réformer les mœurs que par la famille, laquelle dépendait surtout de la mère. Elle réalisait que la mauvaise éducation des jeunes filles provenait de la carence de mères chrétiennes.

 

Angèle plaça sa congrégation sous le patronage de sainte Ursule, princesse bretonne des Cornouailles du Ve siècle qui, pour fuir son prétendant, fit un pèlerinage de trois ans. Capturée par les Huns à son retour, elle refusa d'épouser leur chef Uldin (ou son petit-fils Attila ?), et d'abjurer sa foi. Les Huns, qui assiégeaient la ville de Cologne, la massacrèrent, criblée de flèches, ainsi que ses suivantes vierges. Sainte Ursule est invoquée en temps de guerre pour obtenir une bonne mort, un bon mariage, mais aussi comme protectrice des jeunes filles.

 

Dieu avait gratifié Angèle des dons éminents de science infuse et de prophétie. Elle parlait latin sans l'avoir étudié, expliquait les passages les plus difficiles des Livres Saints et traitait les questions théologiques avec une si admirable fermeté et précision, que les plus doctes personnages recouraient volontiers à ses lumières. Ses dernières années furent marquées par de fréquentes extases.

 

Le 25 novembre 1535, 28 jeunes filles décident de se donner à Dieu. Pas de vœu public. Pas de règle. Le simple don de soi dans l’accompagnement de chacun. C’est le concile de Trente qui transforme cette Compagnie en ordre religieux cloîtré et lui précise sa mission d’éducation. Mais la spiritualité d’accueil et la pédagogie d’accompagnement d’Angèle bousculeront les ordres et les statuts et donneront naissance à une postérité foisonnante.

 

Sainte Angèle Merici mourut le 28 janvier 1540. Pendant trois nuits, toute la ville de Brescia contempla une lumière extraordinaire au-dessus de la chapelle où reposait le corps de la Sainte qui s'est conservé intact de toute corruption.

 

Le pape Pie VII la canonisa en 1807.

Sainte Angèle de Mérici. Italie, XVIIe siècle.

Sainte Angèle de Mérici. Italie, XVIIe siècle.

Aujourd’hui, Angèle a de nombreuses filles à travers le monde qui vivent de différentes façons : Ordre religieux, monastères autonomes, Unions, Fédérations, Institut séculier. Des laïcs, depuis quelques décennies, ont fait le choix, de vivre du charisme d’Angèle Merici. Ils s’appellent "Associés" et demandent aux Ursulines de leur transmettre la spiritualité méricienne, afin de vivre l’Évangile à la manière d’Angèle.

Partager cet article
Repost0
25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 00:00
Conversion de saint Paul

Conversion de Saint Paul. Jésus apparaît à Saül, le futur saint Paul, sur le chemin de Damas où il devait "ramener à Jérusalem, ceux (des chrétiens) de là-bas, enchaînés, pour qu’ils subissent leur châtiment"  (Ac 22,5), c'est-à-dire être emprisonnés et mis à mort (Ac 26,10). De persécuteur des chrétiens, il devient alors un des plus ardents défenseurs de la foi, une des "colonnes" de l'Église. La conversion de Paul est racontée dans Actes 9,3-19 ; 22,5-16; 26,10-18. (1)

 

Paul était Juif, de la tribu de Benjamin ; il naquit citoyen romain à Tarse, en Cilicie, dont les habitants étaient considérés comme citoyens romains. Son attachement aux traditions de ses pères, sa présence au supplice de S. Étienne, son acharnement à poursuivre les disciples de Jésus-Christ, à les traîner en prison, à les battre, ont poussé les interprètes de l'Écriture à voir en lui la réalisation de la prophétie de Jacob, concernant son fils Benjamin : "Benjamin est un loup ravisseur." Mais une hymne chrétienne a heureusement complété l'application de la prophétie, en disant : "Le loup ravisseur s'est changé en agneau."

Saül (c'était le premier nom du grand Apôtre) approchait de Damas, où il allait persécuter les chrétiens, accompagné de soldats et d'émissaires de la synagogue de Jérusalem, quand tout à coup il fut renversé à terre par une force invisible. Une éblouissante clarté l'environna et une voix lui dit :

« Saul, pourquoi me persécutes-tu ?

- Qui es-tu, Seigneur ?

- Je suis Jésus, que tu persécutes.

- Seigneur, que veux-tu que je fasse ?

- Lève-toi, entre dans la ville, et là tu apprendras ce que tu dois faire. » Saul était devenu aveugle ; ses compagnons le conduisirent à Damas. Un serviteur de Dieu, nommé Ananias, averti en songe, alla le trouver, lui rendit la vue et lui conféra le baptême.

Conversion de Saint Paul, Michel-Ange, 1542

Conversion de Saint Paul, Michel-Ange, 1542

Dès lors, Saül, devenu Paul, n'est pas seulement un converti, un chrétien, c'est un apôtre. C'est l'Apôtre par excellence, qui étonnera le monde et fera l'admiration des siècles par ses écrits sublimes et inspirés, par ses saintes audaces, ses travaux, les merveilles de son apostolat et la gloire de son martyre.

Que de leçons dans cette conversion étrange et foudroyante ! Nous y voyons la puissance toute divine de la grâce à laquelle rien ne résiste ; la sagesse de Dieu qui se plaît à confondre la fausse sagesse du monde ; la miséricorde inénarrable du Seigneur, qui ne rebute personne et peut faire du plus grand des pécheurs le plus insigne des saints.

Ne désespérons jamais du salut de personne, tout est possible à la prière et à la grâce. Nous ne comprendrons bien qu'au Ciel quelle a été l'influence de la prière dans le monde et combien de pécheurs devront leur salut à l'intercession des justes. Saint Augustin a dit fort justement : "Si Étienne n'avait pas prié, nous n'aurions pas saint Paul !" (2)

 

"S'ouvrir à la puissance dynamique du Ressuscité (Phil 3,12) passe nécessairement par un processus de dépossession de soi-même qui dure toute la vie, comme Paul âgé et prisonnier l'écrira aux Philippiens. (Phil 2,3 "Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes", 3,7-11 "Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte.  Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi.  Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort,  avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts"; et Gal 4,9 qui donne une définition de la conversion en ce sens : "Mais maintenant que vous avez connu Dieu – ou plutôt que vous avez été connus par lui – comment pouvez-vous de nouveau vous tourner vers ces forces inconsistantes et misérables, dont vous voulez de nouveau être esclaves comme autrefois ?") 

 

Quant à son passé persécuteur, il lui sert surtout à évoquer d'une manière concrète et familière à ses lecteurs l'"adversaire de Dieu" (le théomachos), gonflé d'orgueil et de démesure, plutôt qu'à opposer son passé de Juif "zélé" à un "après" chrétien. La "conversion" de Saül fut autre chose qu'un transfert de fidélité de la Loi au Christ; elle fut davantage une transformation spirituelle ou morale; elle était découverte des effets de l'action de Dieu sur celui qui répondait à son appel.

 

Aussi Saint Paul insistera-t-il sur la valeur rédemptrice de la souffrance plus qu'aucun autre de ses contemporains. "Éprouver la puissance de la Résurrection, c'est participer aux souffrances du Christ" et "devenir semblable à lui dans sa mort." (Phil 3,10-12 ; 2 Cor 4,10). Paul a forgé dans l'épître aux Galates 2,19-20 l'expression de "con-crucifixion" très caractéristiques de cette association-participation aux souffrances du Christ qu'il éprouve. La conversion ne peut être qu'union mystique au Christ souffrant; elle est crucifixion avec le Christ. L'apôtre va donc beaucoup plus loin que ses maîtres pharisiens pour qui la mort était le passage vers la résurrection.

 

De même, le message de Paul se distingue de celui des autres apôtres : il ne raconte pas Jésus tel que la Tradition en diffusait de proche en proche les paroles et les gestes, mais il prêche le Christ ressuscité, tel qu'il s'est révélé à lui dans des manifestations particulières du Divin. (Gal 1,11-12 "Frères, je tiens à ce que vous le sachiez, l’Évangile que j’ai proclamé n’est pas une invention humaine.  12 Ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par révélation de Jésus Christ.")

 

Les croyants forment un corps mystique puisqu'au baptême chacun "revêt le Christ" (Gal 3,26-27 "en effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ") et que le banquet eucharistique est constitué par la communion de tous au Corps du Christ. (1 Cor 10,17 "Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.") (3)

Conversion de Saint Paul, (Détail) 1600-1601, Caravage, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 59.

Conversion de Saint Paul, (Détail) 1600-1601, Caravage, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 59.

Sources: (1) Dominique LE TOURNEAU, Les Mots du christianisme, Catholicisme, Orthodoxie, Protestantisme, Bibliothèque de Culture religieuse, Fayard, La Flèche 2005, p. 180 ; (2) L'Evangile au quotidien ; (3) Marie-Françoise BASLEZ, Saint Paul, Fayard, Saint Amand-Montrond 1991, p. 80, 91 et note 52 p. 332, 92, et 100.

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2023 2 24 /01 /janvier /2023 00:00
Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 62.

Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 62.

François de Sales naquit au château de Sales, en Savoie, en 1567. Issu d’une vieille famille aristocratique du duché de Savoie, il choisit le chemin de la foi. Consacrant sa vie à Dieu, il renonça à tous ses titres de noblesse. Le futur saint était l'aîné de six frères et sœurs.

 

Lors de son baptême, il reçut le prénom de "François" en vénération pour François d'Assise.

 

Après ses premières années d'études, on l'envoya au collège des jésuites à Paris.

 

François aimait aller prier devant l'image de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, dans l'église aujourd'hui détruite de Saint-Étienne des Grès à Paris; ce fut là qu'il fit voeu de chasteté, et qu'il recouvra miraculeusement la paix de son âme, troublée par une horrible tentation de désespoir. En souvenir sera érigée en 1692 une chapelle Saint-François-de-Sales dans cette église (l'une des plus anciennes églises de Paris, fondée par Saint Denis, qui, malheureusement, sera détruite par les vandales révolutionnaires en 1792).

 

Après avoir fait son droit à Padoue, François embrassa l'état ecclésiastique. [1]

Saint François de Sales, évêque et Docteur de l'Eglise (+1622) Nommer ce saint, c'est personnifier la vertu de douceur ; il fut le saint aimable par excellence et, sous ce rapport particulièrement, le parfait imitateur de Celui qui a dit : "Apprenez de Moi que Je suis doux et humble de cœur." [2]

 

"Écartant le rigorisme desséchant d'une certaine Église, ce grand maître fut, comme d'aucuns l'ont dit, le 'saint de la douceur de Dieu', indulgent à l'égard de la faiblesse humaine, en un temps où le Dieu des chrétiens était encore le Dieu de l'Ancien Testament." [3]

 

Jeune homme, il mena la vie des anges. Prêtre, il se montra digne émule des plus grands apôtres, par ses travaux et par les innombrables conversions qu'il opéra parmi les protestants. Évêque, il fut le rempart de la foi, le père de son peuple, le docteur de la piété chrétienne, un Pontife incomparable. 

 

"On disait communément, écrit sainte Jeanne de Chantal, qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de gagner sa faveur que de lui faire du mal, et que c'était la seule vengeance qu'il sût exercer." -- "Il avait un cœur tout à fait innocent, dit la même sainte ; jamais il ne fit aucun acte par malice ou amertume de cœur. Jamais on n'a vu un cœur si doux, si humble, si débonnaire, si gracieux et si affable qu'était le sien."

 

Les armes de François de Sales étaient celles de l'amour. C'est d'ailleurs l'une de ses devises : 

 

Rien par force, tout par amour.

François de Sales incarna de façon exemplaire, au cours d'une existence souvent harassante, les plus hautes vertus évangéliques au point d'être appelé le Docteur de l'amour. [4]
 

 

Reconstituons le contexte historique quelques années avant la prise de fonction de François. Berne, en Suisse, qui s'était déclaré pour la Réforme en 1528, dépêcha plusieurs "évangélistes" à Genève en 1530 (tels que Ami Perrin, Malbuisson, Clauder Roger et surtout Farel). La religieuse Jeanne de Jussie, du couvent de Sainte-Claire, relata ainsi les troubles qui secouèrent Genève à partir de l'arrivée des troupes et des "évangélistes" bernois : "Et le jour de Monsieur Saint François (d'Assise), un mardi [1530], à dix heures du matin, arrivèrent à Morges les fourriers des Suisses pour prendre logis pour l'armée. Le mercredi, jeudi et vendredi, arrivèrent les troupes des deux cantons de Berne et Fribourg, audit Morges, et firent de grands maux... ils commencèrent à piller, dérober, à fourrager les pauvres gens, et ne laissèrent blé, vin, chair ni meubles par les maisons et châteaux des nobles, et puis brûlèrent tout, qui ne fut pas petite perte... Non contents encore, ces hérétiques rompirent la sacristie et toutes les armoires... et prirent tous les ornements qu'ils trouvèrent et emportèrent tout avec l'horloge du couvent, toutes les couvertures et linges des frères, tellement qu'il ne resta chose aucune... Et tous les prêtres [catholiques] qu'ils trouvaient portant longue robe la leur ôtaient, les dépouillaient et battaient, à toutes les images qu'ils trouvaient tant en plate peinture (fresque) qu'en tableaux, ils leurs crevaient les yeux avec la pointe de leurs piques et épées, et crachaient contre... ils brûlèrent tous les livres, tant de la chanterie qu'autres..."

 

"Le lundi, environ midi [1530], l'armée entra dedans Genève, poursuit soeur Jeanne de Jussie; ils menaient dix-neuf grosses pièces d'artillerie... Les luthériens se firent ouvrir l'église cathédrale Saint-Pierre. Le prédicateur Guillaume Farel se mit en chaire et prêchait en langue allemande. Ses auditeurs sautaient par-dessus les autels comme chèvres et bêtes brutes... Ces chiens abattirent l'autel de l'Oratoire et mirent en pièces la verrière où était en peinture l'image de monsieur Saint Antoine... Ils rompirent aussi une belle croix de pierre... et au couvent des Augustins rompirent plusieurs belles images, et au couvent des Jacobins rompirent de belles croix de pierre...

 

Au mois d'août 1532, les hérétiques firent descendre les cloches du prieuré de Saint-Victor, et puis abattre jusqu'au fondement tout le monastère. En ce même mois, le jour de la Décollation de Saint Jean Baptiste, ils abattirent une petite et fort jolie église de Saint Laurent, et fut aussi abattue l'église de Madame Sainte Marguerite... 

 

L'an 1534,... la veille de Pentecôte, à dix heures de nuit, les hérétiques [luthériens] coupèrent les têtes à six images [statues] devant la porte des Cordeliers, puis les jetèrent dans les puits de Sainte-Claire. Le jour de la Saint-Denis fut découverte [le toit démonté] l'église paroissiale de Saint-Léger hors la ville, et puis entièrement rasée et abattue, et tous les autels rompus et mis en pièces. [5]

 

(En 1535) Expulsion des soeurs de Sainte-Claire. Le dimanche dans les octaves de la Visitation vinrent les syndics [réformés]... Le syndic ordonna à la mère abbesse d'ouvrir les portes (les Soeurs de Ste Claire ou Clarisses appartenaient à un ordre cloîtré). [L]es soeurs s'étant assemblées, Farel les harangua, ... vantant le mariage, la liberté. La mère abbesse l'arrêta mais fut expulsée. Le jour de monsieur saint Barthélémy, vinrent grandes compagnies tous en armes et bien embâtonnées [bien armés] et de toutes sortes d'armes.... ils vinrent heurter à la grande porte du couvent Sainte-Claire. La porte une fois ouverte, le chef de la troupe ordonna aux soeurs 'de par messieurs de la ville que plus ne dites aucun office, haut ni lus, et de ne plus ouïr la messe'. Il fut convenu entre la mère abbesse et le syndic que les soeurs quitteraient le couvent sans rien emporter... Le syndic promit de les conduire à la porte de la ville, sous bonne garde. La sortie se fit alors tant bien que mal, car plusieurs des soeurs étaient âgées et malades. ... Parties de Genève à cinq heures du matin, elles arrivèrent à Saint-Julien en fin de journée, où elles purent prendre du repos, avant de rejoindre Annecy, où le duc de Savoie leur avait fait préparer un couvent.

 

Le 5 août [1535], il (Farel) prêcha à Saint-Dominique et le 8 à Saint-Pierre. Après chacun de ses prêches, la foule de ses partisans abattit les statues et les croix, renversa les autels et les tabernacles, brûla les reliques et jeta les cendres au vent. [6]

Pierre de la Baume, le dernier évêque résidant avait quitté Genève le 1er octobre 1535, après que les syndics eurent publié un décret (le 27 août) par lequel ils ordonnaient 'que tous les citoyens et habitants eussent à embrasser la religion protestante, abolissant entièrement et absolument celle de la catholique'".

 

La théocratie genevoise

"Le 3 avril 1536, il fut donné un mois aux prêtres catholiques pour qu'ils se convertissent et, en attendant, il leur fut interdit de 'se mêler de dire la messe, de baptiser, confesser, épouser [marier]'. Le 5 avril, pareille défense fut faite aux chanoines. Enfin, le 21 mai 1536, 'le peuple réuni en Conseil général, adhérait unanimement à la Réforme religieuse'. En juin 1536, le Conseil abolit la célébration des fêtes, à l'exception du dimanche. Genève était une ville protestante".[7] La ville, dont l'évêque a été chassé, est devenue une république.

 

Le 2 novembre 1536, le bailli de Lausanne, jugeant que les réformés l'avaient emporté, se mit à la tête d'une troupe d'archers et fit le tour des paroisses du lausannois, 'parcourant les campagnes, rasant les chapelles, renversant les autels et abattant les croix... aux cris de 'À bas les papistes'". [8]

 

Appelé à Genève en 1536, Calvin en fut banni deux ans après, mais il y fut rappelé en 1540. Il exercera alors l'influence la plus absolue, faisant reconnaître comme loi d'État un formulaire réglant les principaux articles de foi. "De lourdes amendes punirent les catholiques qui restaient chez eux au lieu d'aller au prêche; harassés, traqués, les fidèles se lassèrent, beaucoup se soumirent pour avoir la paix. La Réforme, assez vite, régna en maître dans le Chablais." [9]

 

Fondateur de la théocratie genevoise, Calvin forge toute la future démocratie européenne. Du fer antique : l'Ancien Testament - la Loi, il forge une nouvelle Jérusalem terrestre. Calvin confond simplement la nouvelle Sion avec l'ancien Sinaï. Il ne voit pas ou ne veut pas voir la loi nouvelle de l'Évangile par rapport à l'Ancien Testament, à la Loi. "La fin de la loi est le Christ", dit l'apôtre Paul (Rom 10:4); "La fin du Christ, c'est la Loi", aurait pu dire Calvin.

"Composé de pasteurs et de laïcs (les "Anciens"), un consistoire est notamment chargé de la surveillance de la vie privée des citoyens. Jeux, spectacles, bals, chansons et tavernes sont interdits, toute infraction morale (adultère, violence, impiété) étant considérée comme un crime." [10]

 

"La profession de foi de 1536 doit être jurée par les habitants. [...] Pour Luther, la volonté humaine ne pouvait que faire le mal, pour Calvin, elle ne veut que le mal et sa responsabilité est entière.

[...] Dieu prédestine au salut (Traité de la prédestination, 1552).

Calvin fait exiler ses contradicteurs, l'humaniste Castellion, en 1544, le pasteur Bolsec, qui rejetait la prédestination, en 1551." [11]

 

Le 12 novembre 1537, le Conseil ordonne à tous ceux qui avaient refusé de jurer la Réformation [accepter le formulaire] de quitter la ville.

 

"Calvin inféode l'Église à l'État" : "Les seigneurs sont des dieux. Le peuple est Satan". Il "fait de l'État le serviteur et l'instrument de l'Église. À Genève il proscrit les jeux et le théâtre, impose l'assistance aux sermons, détermine les prénoms permis, règle la coupe des habits. [...] Les huguenots (de l'allemand eidgenosse, lié par serment), les huguenots de religion se transforment en huguenots d'État. [...] [L]'Église calviniste devient une coalition d'idées et d'intérêts, un parti et une armée." [12]

 

"Tous doivent prêter serment au nouveau Credo; ceux qui y manqueraient seront chassés de la ville; car, [...] l'Église, 'Cité de Dieu', et l'État, 'Cité des hommes', dans l'action, ne font qu'un, aux yeux de Calvin. Être ou ne pas être dans l'Église signifie être ou ne pas être dans l'État. Les dizenniers, ou hommes du guet, font irruption dans les maisons et traînent le peuple, par groupe de dix, à la prestation de serment.

"Plusieurs Eidgnots firent remarquer, en se gaussant, que Farel et Calvin 'qui étaient venus pour faire triompher le libre examen [la liberté de conscience] l'étouffaient à la première manifestation de dissidence'. Quelques-uns d'entre eux allèrent jusqu'à se moquer des 'deux papes qui étaient apparus pour ressusciter la lettre et qui l'emprisonnaient après la lutte de Lausanne.' Très vite ces propos se répandirent dans Genève, et firent rire, le peuple ne tarda pas à appeler leurs auteurs des libertins (car ils défendaient la liberté de penser), et le surnom leur resta ; injure qui devait bientôt se propager et dont on allait flétrir tout individu qui jouerait aux dés, qui n'aurait point éteint sa lumière après le signal du couvre-feu, qui boirait pendant les offices, danserait le dimanche, critiquerait les actes du syndic, ou garderait une image [pieuse] au logis.' (J.M. Aulin)." [13]

 

Après la théocratie de l'Ancien Testament, ici, à Genève, se manifeste à nouveau non pas un homme sacré, mais un peuple sacré; le but de l'État et de l'Église devient non plus la sainteté individuelle, mais la sainteté commune. 'Vous êtes un genre élu, une sainteté royale, un peuple saint.' (I P 2:9), dit Calvin aux Genevois. La ville grouille de limiers, dénommés 'Gardiens', dont l'oeil, tel 'l'oeil qui voit tout', pénètre partout (Ordonnances Ecclésiastiques de 1541). On ne juge pas seulement les actes, mais aussi les pensées et les sentiments. Toute tentative, même la plus secrète, de s'élever contre le 'Règne de Dieu', est soumise, en tant que 'trahison envers l'État', aux plus féroces châtiments de la loi: au fer et au feu. Tout le peuple genevois deviendra une sorte de Prisonnier de Chillon, et la Théocratie de Calvin - une ténébreuse prison souterraine dans l'azurée lumière du Léman." [14]

 

Calvin va plus loin que Luther : le salut est offert aux uns, refusé aux autres (Traité sur la Prédestination, 1552). En outre, la volonté humaine est totalement corrompue et l'homme ne peut sortir de cette corruption par aucune oeuvre. Seule la foi peut le sauver. "Ainsi, ... du plus profond pessimisme, le calvinisme débouche sur un certain orgueil, celui d'appartenir à une élite, d'être une sorte de nouveau peuple élu, donc d'être investi d'une mission de régénération du monde.

[...] La marque calviniste, même si elle déborde le milieu protestant, est présente dans la manie moderne de tout remettre en question, dans l'interventionnisme moralisateur à propos de tout, [...] dans ce besoin de décerner des bons et des mauvais points aux quatre coins du monde, dans ces discours politiques qui prennent souvent le ton du prêche. [...] Les conformismes qui pullulent aujourd'hui, dont celui du 'politiquement correct', voire du 'sexuellement correct', ne sont pas étrangers à l'influence protestante dans les milieux de la politique ou de l'édition", résume A. Richardt. [15] 

 

De 1541 à 1546 seulement, 76 citoyens sont bannis, et 58 genevois sont envoyés au bûcher par Calvin. [16] Ce qui fait quasiment une personne de la ville envoyée au bûcher tous les mois en cinq ans.

 

Les prisons étaient pleines de délinquants. Aimé Richardt, donne des "exemples de la tyrannie mesquine qu'exerçaient les ministres protestants" à Genève. "C'est ainsi que, en date du 20 mai 1537, nous trouvons : 'Une épouse étant sortie dimanche dernier avec les cheveux plus abattus [plus tombant sur les épaules] qu'il ne se doit faire, ce qui est un mauvais exemple et contraire à ce qu'on évangélise, on fait mettre en prison la maîtresse, les dames qui l'ont menée et celle qui l'a coiffée.'

 

Un autre jour, on saisit à un pauvre diable un jeu de cartes. 'Que va-t-on faire du coupable? Le mettre en prison?' La peine eût été trop douce aux yeux de Calvin. On le condamna donc à être exposé au pilori, son jeu de cartes autour du cou."

[...] Les rieurs ne manquèrent pas de protester... L'un demandait 'où le Saint-Esprit avait marqué dans l'Écriture la forme des coiffures des femmes?'. ... Un autre voulait savoir si la barbe de bouc que portait Farel ressemblait à celle d'Aaron !" [17]

 

Dmitri Mèrejkovski donne d'autres exemples de cette tyrannie : 

- un marchand fort connu, fut condamné à mort pour fornication; il monta sur l'échafaud en remerciant Dieu de ce qu'il allait être exécuté "suivant les lois sévères, mais impartiales de sa patrie";

- Le libertin athée Jacques Gruet fut le premier à être décapité le 26 juillet 1547, après avoir été torturé matin et soir, pendant un long mois, du 28 juin au 25 juillet. Sa tête fut clouée au pilori sur le Champel pendant de longs jours. La flamme des bûchers s'éleva.

Lors de la peste de 1543 à Genève, on brûla quinze sorcières; les sorciers, on les châtiait avec 'une plus grande sévérité' : après des tortures inouïes, on les écartelait ! Plusieurs s'étranglaient dans leur cachot pour échapper à la question.

On brûla également le médecin et ses deux aides de l'hôpital des pestiférés. Le 'Règne de Dieu' à Genève équivalut au règne du diable à Munster.

[...] En novembre 1545, les pasteurs de Genève faisant jeter au feu une de leurs fournées de sorcières, Calvin requit les Conseils de la ville, de 'commander aux officiers de la dicte terre de faire légitime inquisition contre telles hérégies, afin de extyrper telle rasse de la dicte terre.'" [18]

 

En 1555. Deux bateliers, les frères Comparet furent soumis à la question et condamnés à mort. "Je suis certainement persuadé que ce n'est pas sans un spécial jugement de Dieu qu'ils ont tous deux subi, en dehors du verdict des juges, un long tourment sous la main du bourreau" (le fer ayant glissé sur leurs vertèbres). Après l'exécution, les corps des deux frères, suivant la sentence, furent écartelés et l'une des quatre parties de chaque corps, fut clouée au pilori, devant la porte Cornavin, afin que quiconque pénétrait dans la ville sût ce qu'il en coûtait de ne pas se soumettre à la parole de Dieu ou à celle de Calvin.

 

Le 15 septembre 1555, sur le Champel, fut mis à mort ce même Berthelier qui, trois ans auparavant, presque à la veille de l'affaire Servet, avait causé un soulèvement des plus dangereux pour Calvin. Debout au pied de la chaire où prêchait Calvin, des indicateurs observaient la manière dont les gens l'écoutaient.

 

Deux personnes furent arrêtées parce qu'elles sourirent quand quelqu'un tomba, endormi, de son banc; deux autres, parce qu'elles avaient prisé.

 

On jeta en prison celui qui avait dit : "Il ne faut pas croire que l'Église soient pendue à la ceinture de maître Calvin!" On faillit brûler une vieille femme comme sorcière parce qu'elle avait regardé Calvin trop fixement.

 

Calvin est le maître à penser de la cité. "Je vous défends d'obéir au pape, répète-t-il, mais je veux que vous obéissiez à Calvin."

 

Une jeune femme fut condamnée à l'exil perpétuel parce qu'elle avait prononcé en sortant de l'Église : "Il nous suffit bien ce que Jésus-Christ a prêché !" 

 

Deux enfants, qui avaient mangé pour deux florins de gâteaux sur le parvis de l'église, furent fouettés des verges. On était jeté en prison pour la lecture de Amadis; pour le port de chaussures à la mode et de manches à gigots; pour trop bien tresser la chevelure, ce dont Dieu se trouvait 'grandement offensé'; pour un coup d'oeil de travers; pour avoir dansé ou avoir simplement regardé d'autres le faire. Plusieurs personnes qui avaient ri pendant un de ses prêches (de Calvin) furent jetées en prison.." [19] 

 

Le 3 juin 1555. "Ami Perrin fut condamné (ainsi que ceux des libertins qui s'étaient enfuis avec lui, Philibert Berthelier, Michalet, Vernat) par contumace, à avoir 'le poing du bras droit duquel il a intenté aux bâtons syndicaux coupé.' Il sera ensuite décapité puis 'la tête et le dit poing seront cloués au gibet et les corps mis en quatre quartiers (Annales Calviniani, O.C., 21, p. 608)."

 

"Les deux Comparet [...] qui, après avoir eu les têtes décapitées, furent mis en quartiers et les quartiers pendus chacun à une potence, aux quatre coins des franchises de la ville, et la tête d'un chacun d'eux avec l'un des quartiers. [...] L'on ne fit que couper les têtes à (François-Daniel) Berthelier et au Bastard [Claude Genève] sans les écarteler; la tête de Berthelier et son corps demeurèrent au gibet, aussi fut le corps du Bastard, mais sa tête fut clouée à un chevron sur la muraille du Mollard." [20]

 

L'épisode le plus connu de ces dérèglements meurtriers est celui de Michel Servet. Ce médecin aragonais professait publiquement que Dieu n'était pas trinitaire. Ignorant le ressort intime du régime de la ville-église, il eut l'audace d'en discuter avec le maître qui l'envoya brûler en 1555.

 

En 1594, le jeune François de Sales s'écriera :

C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut la recouvrer... il faut [les] renverser par des prières ardentes et livrer l'assaut par la charité fraternelle. [21]

Et dans son Introduction à la vie dévôte (III 23), en 1608, il dira : "Qui a gagné le cœur de l’homme a gagné tout l’homme."

Et "Bénis les coeurs tendres, car ils ne se briseront jamais."

"La mesure de l'amour est l'amour sans mesure."

 "L'amour ne nous trouvant pas égaux, il nous égale ; ne nous trouvant pas unis, il nous unit." (Traité sur l'amour de Dieu, 1616) 

 

Luther et Calvin "demandent" une Réforme extérieure. Saint François de Sales et l'Église catholique répondent par une Réforme intérieure.

En 1602, n'ayant rien dit dans ses sermons contre le calvinisme, François écrira encore : "Voyez-vous, ce sermon-là [sur le Dernier jugement] qui ne fut point fait contre l'hérésie respirait néanmoins contre l'hérésie, car Dieu me donna lors cet esprit en faveur des âmes. Depuis, j'ai toujours dit que qui prêche avec amour prêche assez contre les hérétiques, quoiqu'il ne dise un seul mot de dispute contre eux![22]

 

Le règlement de vie intérieure et de vie extérieure

 

En 1591, il avait rédigé sur les conseils de son confesseur, un 'règlement de vie intérieure et de vie extérieure', dont il observera l'esprit jusqu'à sa mort. Ce règlement est divisé en quatre parties:

l'exercice de préparation, qui consiste à "se prescrire au début de chaque journée l'acte mêlé de réflexions et de prières". François le jugeait indispensable, écrivant : "la prescription est comme un fourrier [préparateur] à toutes nos actions... Je la préférerais toujours à toute autre chose ..."

Fixer les exercices de piété qui doivent ponctuer la journée d'un étudiant chrétien en commençant la journée par une action de grâce "avec ces paroles du Psalmiste royal, David : Dès l'aube, vous serez le sujet de ma méditation."

Le repos spirituel ou l'"exercice du sommeil". "Comme le corps a besoin de prendre son sommeil pour délasser et soulager ses membres travaillés [fatigués], de même est-il nécessaire que l'âme ait quelque temps pour sommeiller et se reposer entre les chastes bras de son céleste Époux, afin de restaurer par ce moyen les forces et la vigueur de ses puissances spirituelles...."

Règles pour les conversations et rencontres. Cette dernière partie du règlement de vie intérieure cherche "à établir la liaison entre la vie du monde et la perfection chrétienne." C'est un thème que François reprendra dans son Introduction à la Vie dévôte (1608), l'une des œuvres majeures de la littérature Chrétienne. François établit la manière dont il entend régler ses relations avec ses semblables : "Je ne mépriserai jamais ni ne montrerai signe de fuir totalement la rencontre de quelque personne que ce soit... Surtout je serai soigneux de ne mordre, piquer, de me moquer d'aucun... J'honorerai particulièrement chacun, j'observerai la modestie, je parlerai peu et bon..." [23]

 

Charité en actes et bonnes oeuves : La foi mise en application

 

Saint François de Sales mettait en application ce qu'il prêchait. Évêque, il recommandera, une fois pour toutes, à ses domestiques, de prendre garde à ne renvoyer aucune personne qui demandait à lui parler... "Il recevait toujours chacun avec un visage doux et gracieux... quand ceux de sa maison, pour le détourner de tant recevoir, lui parlaient des rusticités et des insipidités d'autrui, il répliquait : et nous, que sommes-nous? Mgr de Sales recevra en cachettes les pauvres honteux, et nourrira beaucoup de personnes qui n'osaient mendier leur pain (Ier Procès, t. II et t. III, art. 46 et 27).

 

Ces activités charitables terminées; François prenait plaisir à se promener dans sa ville, s'arrêtant ça et là pour donner quelques pièces aux pauvres. Il s'arrêtait pour visiter les malades et des infirmes, puis se rendait à l'hôpital, où il donnait sa bénédiction aux plus proches de l'agonie. Après cela, il allait à la cathédrale pour y entendre des confessions, et s'en revenait paisiblement à sa maison. Encore quelques audiences, quelques lettres, et c'est enfin le recueillement du soir, suivi d'une légère collation, dont il s'abstenait le vendredi et le samedi. Puis François de Sales disait son chapelet à la Vierge Marie, "ne se couchant jamais, fût-il onze heures, minuit, qu'il n'eût satisfait à cette obligation à laquelle il employait une heure de temps" (1er Procès, t. II, art. 33) [24]

 

Le mercredi 14 septembre 1594, en la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, accompagné de son cousin Louis de Sales, François se mit en route pour la forteresse des Allinges, où il avait l'intention de s'installer dans un premier temps. Partout la route était "bordée de débris de calvaires épars dans les haies; des potences élevées à la place des croix; l'église de Boringe, l'église d'Avully démolies de fond en comble, l'église de Bons, transformée en un temple calviniste; l'église de Saint-Didier, celle de Fessy, celle de Lully, abandonnées, les portes grandes ouvertes, les voûtes crevées.. Les autels renversés, tous les presbytères en ruines. Plus un son de cloche nulle part... Et les gens du pays qui voyaient passer ces deux voyageurs en soutane, harassés, couverts de poussière, leur jetaient des regards de haine..." [25] Très vite, devant l'ampleur de la tâche, les deux cousins se partagèrent le travail : Louis évangélisera, avec la colline d'Allinges, les paroisses qui l'avoisinent... François concentrera ses efforts sur Thonon, centre de l'erreur. [26] 

Resté seul, il décida de prêcher presque tous les jours de la semaine, développant les vérités rejetées par les hérétiques, telles que l'origine divine de l'Église catholique, la réalité de l'Eucharistie et de la Messe. Peu à peu son auditoire s'accrut pour atteindre une douzaine, tous anciens catholiques devenus calvinistes par la force des choses.

La réaction des autorités réformées ne se fit pas attendre. Les principaux de Thonon [les chefs calvinistes] ayant assemblé leur conseil, se sont jurés que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédications catholiques... Loin de se décourager, François proposa de "rétablir la célébration du Saint Sacrifice [la Messe] le plus tôt qu'il pourra, afin que l'homme ennemi voie que, par ses artifices, il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever." [27]

La besogne est rude, "les gens ont peur, le prêtre papiste est à l'index, et l'oeil de Genève surveille tout." [28]

 

 

Le 8 janvier 1595, François fut attaqué par un homme qui s'"est promis de le tuer et de porter sa tête à Genève"; miraculeusement, le mousquet de l'assassin fit long feu et l'homme s'enfuit.

Une autre atteinte se produisit un soir de février 1595. Accompagné de trois autres personnes, François remontait paisiblement vers la forteresse des Allinges lorsque deux hommes surgirent d'un buisson, et s'avancèrent vers lui, l'épée à la main. Sans perdre son sang-froid, le pieux missionnaire alla à eux et leur parla. Stupéfaits, les assaillants lui dirent qu'on les avait payés pour le tuer..., puis ils s'enfuirent. [29]

 

En juin 1595, l'abjuration de Poncet fit enrager les calvinistes, qui, selon Favre, étaient allés jusqu'à prétendre que "le prêtre papiste était un magicien qui veillait la nuit pour pratiquer des sortilèges sur la personne du converti". Les choses s'envenimèrent très vite, au point qu'un huguenot affirma par serment public avoir vu François au sabbat, dont il portait la marque, et dans les assemblées nocturnes des sorciers. Ce bruit courut tellement qu'on ne parlait que de tuer et de brûler les papistes... [30]

Dans le même temps, François inaugure une série de prédications sur l'Eucharistie, s'attaquant de front aux thèses des protestants (Luther rejetait la Transsubstantiation, n'admettant qu'une consubstantiation; Zwingli n'admettait qu'une présence figurative, et Calvin niait toute présence du Christ dans l'hostie).

En décembre 1595, le petit troupeau dépasse largement la centaine ! Mgr Trochu écrit : "Il y avait maintenant [à la fin 1595], dans la partie protestante de Chablais, environ 300 catholiques, dont 200 avaient été gagnés, un par un, en l'espace de quinze mois".[31]

"Le Chablais comptait 15 catholiques à Thonon en 1594. Ils sont plus de 25 000 en 1600." [32]

 

Cette situation déplaisait fort aux syndics [conseillers municipaux] de Thonon. Constatant que les tentatives de harassement du missionnaire (jets de pierre, insultes, accusations de sorcellerie...) avaient échoué, ils décidèrent de se tourner vers le pasteur calviniste Viret, en lui demandant de convaincre François d'erreurs doctrinales au cours d'une dispute publique. Viret occupait le poste de ministre à Thonon depuis plus de sept ans, "pour les gens du peuple, il était réputé grand savant, et il se drapait habilement dans cette légende"....  Viret battit le rappel des ministres du Chablais et du pays de Vaud, les appelant à son aide. Ils tombèrent d'accord pour proposer à François une conférence publique pensant que se sentant seul contre tous, il refuserait le combat. François accepta la rencontre. Cette réunion eut lieu en présence d'Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully, président du consistoire de Thonon, mais les pasteurs ne parvinrent pas à une entente. Il y eut "autant d'opinions que de têtes" [33]

 

Au jour et au lieu fixés, il y eut une foule... toute la ville de Thonon s'assembla. La foule attendit, puis commença à s'agiter; François, paisible, souriant, attendit aussi... Tout à coup, un homme, un seul, apparut : c'était Viret qui, confus, tint au peuple le discours suivant : "Mes collègues de Chablais et de Vaud, tout comme moi, étaient véritablement prêts à la dispute, mais après avoir mûrement considéré [réfléchi], ils ne jugent pas à propos de commencer une chose de si grandes importance sans le consentement et expresse permission de Son Altesse [le duc de Savoie], de peur que cette entreprise n'apporte plutôt du dommage que du profit, autant à un parti qu'à l'autre". Ébahie par cette dérobade, la foule hua le malheureux pasteur, pendant que François et plusieurs de ses amis riaient à gorge déployée ! Puis, le missionnaire restant seul maître du terrain, "prit en témoin tous les assistants qu'il ne tenait pas à lui que la dispute ne se fît".

 

Conséquence directe de la dérobade de Viret ? ....Un évènement de la plus haute importance se produisit le 19 février 1596. Ce jour-là, en l'église de Thonon, Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully, issu d'une vieille famille genevoise, président du Consistoire réformé, "un des plus savants et opiniâtres calvinistes de la province", confesse publiquement la foi catholique ! Il abjura le 26 août à Turin, en présence du nonce. Mis au courant, le pape Clément VIII lui adressa le 20 septembre un bref personnel de félicitations. [34]

 

En décembre 1596, François prit l'audacieuse décision de célébrer les trois messes de Noël dans l'église saint Hippolyte de Thonon, qui était devenue un temple protestant, et où François n'avait obtenu que le droit de prêcher. "Sonner la messe à Saint-Hippolyte après soixante ans de silence ! François savait que ce serait frapper un grand coup. La messe, symbole du papisme, la messe que Luther et Calvin ont rejetée, la messe dans leur temple, ce serait pour les protestants [de Thonon] le suprême scandale. Les syndics, en effet, se récrièrent; des bagarres éclatèrent, mais François tint bon... et mit lui-même "la main à la pâte" pour "parer l'église le mieux qui lui fût possible d'images, de tapis, de cierges, et de lampes". Les Visitandines ajoutent qu'"il fut trois jours et trois nuits sans dormir et presque sans manger". Et c'est ainsi, qu'au coeur de la Thonon protestante, François de Sales "à la minuit de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, célébra le très saint sacrifice de la messe." [35] En janvier 1597, François reçut du duc de Savoie, Charles-Emmanuel, l'autorisation de dire les messes en public, et rétablit par conséquent la messe à Thonon.

Le 9 avril 1597, le successeur de Calvin à Genève (1564), le protestant Théodore de Bèze accepta de rencontrer saint François de Sales, qui s'était réfugié à Annecy. Lors de son entrevue avec lui, François lui posa trois questions :

 

La première question

 

Après les amabilités d’usage, François, avec un sens aigu de l’essentiel, pose une question très courte

Monsieur, peut-on faire son salut en l’Église romaine ?

Bèze voit tout de suite la difficulté : si l’Église catholique assure le salut de ses fidèles, pourquoi s’en séparer ? Il suffisait de l’améliorer par le dedans, comme avaient déjà fait tous les saints réformateurs depuis des siècles (saint Grégoire VII, saint François d’Assise, saint Dominique, sainte Catherine de Sienne, etc.) et comme avait aussi fait le concile de Trente. Mais si le salut est impossible dans l’Église romaine, quelle autre société religieuse a donc donné le Christ aux hommes et assuré leur salut, avant le protestantisme ? Théodore de Bèze demande à se retirer pour réfléchir. Après une longue réflexion, il revient pour répondre : "Vous m’avez demandé si l’on pouvait faire son salut dans l’Église romaine. Certes je vous réponds affirmativement ; il est ainsi sans doute, et on ne peut nier avec vérité qu’elle ne soit la Mère-Église." [36]

 

Les pasteurs calvinistes Rotan et Morlas avaient été obligés de faire la même réponse au roi Henri IV, qui leur avait posé la même question, quatre ans plus tôt.

 

Deuxième question

 

Nouvelle question de François de Sales :

Puisqu’il en est ainsi et que le salut éternel est en l’Église romaine, pourquoi avez-vous planté cette prétendue Réforme, prenons l’exemple en France, avec tant de guerres, de saccagements, de ruines, d’embrasements, de séditions, de rapines, de meurtres, de destructions de temples et autres maux, qui sont innombrables ?

Réponse de Théodore de Bèze, après un long silence : "Je ne veux point nier que vous ne fassiez votre salut en votre religion. Mais il y a ce malheur que vous embrouillez les âmes de trop de cérémonies et difficultés ; car vous dites que les bonnes œuvres sont nécessaires au salut, qui toutefois ne sont que de bienséance. D’où arrivent plusieurs maux : les peuples, croyant à cette nécessité des bonnes œuvres par vos prédications et ne le faisant pas, ils se damnent misérablement parce qu’ils contreviennent à leur conscience. C’est pourquoi, afin de remédier à ces maux, nous avons tâché d’établir notre religion, en laquelle le chemin du ciel est rendu facile aux fidèles, ayant jeté ce fondement que la foi sauve sans les œuvres, que les bonnes œuvres ne sont point de la nécessité du salut, mais seulement, comme je vous ai déjà dit, de bienséance."

 

Conclusion et troisième question

 

François réplique alors :

Vous ne prenez pas garde qu’en rejetant les bonnes œuvres, vous tombez en des labyrinthes desquels vous aurez peine de sortir ! Pouvez-vous ignorer la raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ, en l’évangile de saint Matthieu, enseignant à ses Apôtres ce qu’il voulait qu’ils crussent du dernier Jugement, ne fait point de mention des péchés commis, mais dit tant seulement qu’il condamnera les mauvais parce qu’ils n’auront pas fait les bonnes œuvres. Voici ces paroles : « Allez, maudits, au feu éternel, qui est préparé au diable et à ses anges ; car j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger… » Et le reste. (Mt 25:42-43) 

Voyez-vous que pour avoir manqué aux bonnes œuvres s’ensuit la damnation éternelle. Si elles n’étaient que de bienséance, comme vous dites, pensez-vous que ceux qui ne les auraient pas faites fussent punis d’une peine si rigoureuse ?

Quant à moi j’attends votre solution à cette difficulté, ou bien que vous soyez d’un même sentiment avec moi.

Théodore de Bèze ne put rien répondre. [37] 

Bèze se tut pendant un moment, puis "il se laissa aller à proférer des paroles indignes d'un philosophe" (on ignore ce que furent ces paroles indignes), précise Aimé Richardt. [38]

Intolérant, ce protestant fit une honteuse apologie du supplice de Michel Servet (un hérétique qui après avoir écrit en 1531 un livre "Des erreurs dans la doctrine de la Trinité", où il niait la consubstantialité du Fils au Père, fut condamné à être brûlé vif avec son livre, au lieu de Champel, le 27 octobre 1553). Or, dans un traité écrit à l'occasion du supplice de Servet, un certain Martin Bellius, avait en effet prôné la tolérance envers les hérétiques. Contre ce livre qu'il appelait un 'blasphème', Bèze écrivit une réfutation qu'il intitula Anti-Bellius. Il commença par réclamer du duc de Wurtemberg, auquel était dédié la dissertation de Bellius, une punition exemplaire de l'auteur. Puis il fit la théorie de l'extermination de tous les hérétiques : '... vaut mieux avoir un tyran, voire bien cruel, que d'avoir une licence telle que chacun fasse à sa fantaisie.'" [39] L'étonnant est qu'aussi bien Farel, qui conduisit Servet au bûcher, que Calvin avaient été eux-mêmes accusés de la même erreur une vingtaine d'années auparavant... En 1903, sur le Champel sera érigé un "monument expiatoire" au lieu même où fut brûlé Servet, avec l'inscription : "Fils respectueux et reconnaissants de Calvin... mais condamnant une erreur qui fut celle de son siècle... nous avons élevé ce monument expiatoire."[40] Ce qui veut dire que Servet fut brûlé "par erreur".

Relatant son entrevue avec Théodore de Bèze au pape Clément VIII, François lui écrivit : " Enfin [à la fin de notre entretien] je me retirai après avoir tenté tous les moyens de lui arracher l'aveu de sa pensée... alors je compris que je venais d'aborder un coeur de pierre, jusqu'ici inébranlable... je veux dire un coeur vieilli dans le mal." [41]

Devançant le rigorisme janséniste qui n'était pas encore paru, François de Sales conseilla une religieuse, la mère abbesse Angélique, qu'il rencontra le 5 avril 1619 et avec laquelle il entretint une correspondance nourrie. Il s'efforça souvent de tempérer les ardeurs de celle-ci, écrivant par exemple : "Manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d'esprit et refuser le dormir au corps, c'est vouloir tirer beaucoup de service d'un cheval qui est efflanqué, et sans le faire repaître... Ne vous chargez pas trop de veille et d'austérité..." Ou bien encore : "L'humilité, la simplicité de coeur... et la soumission d'esprit sont les solides fondements de la vie religieuse..., j'aimerais mieux que les cloîtres fussent remplis de tous les vices que du péché d'orgueil et de vanité..." Hélas, s'écrie l'abbé Fuzet, à la douce et riante figure de François de Sales... va succéder le sombre Saint-Cyran (ami de Jansénius, "d'extérieur humble et de coeur orgueilleux", écrit Aimé Richardt, il défendit le jansénisme), qui imposera à Angélique "une direction de crainte et de tremblement, une théologie de terreur, et un mysticisme obscur et exubérant". [42]

Le Saint patron des journalistes et des écrivains

 

On a dit, écrit Mgr Trochu, "si saint Paul revenait de nos jours, il se ferait journaliste. Or, c'est François de Sales qui, le premier en date, va le devenir. Il inaugure l'apostolat par la presse."

Il semble que cette vocation lui a été inspirée par Charles de Charmoisy [43] qui lui aurait conseillé de rédiger des articles destinés à remplacer les sermons, puis de les faire distribuer dans les foyers hérétiques. Ainsi, au lieu de prêcher pour une poignée de catholiques, il toucherait des centaines, voire des milliers de lecteurs. Convaincu, François se mit à la tâche: le 25 janvier 1595 parut une Épître à Messieurs de Thonon. Il réunira ces écrits dans un voulume qui sera publié sous le titre Controverses. Il fit imprimer ses écrits, comme le décrivent les Visitandines (Année sainte, manuscrit, p. 7) : "Chaque semaine, ce bon pasteur [François] envoya à Chambéry pour imprimer une nouvelle feuille qu'il faisait distribuer ensuite dans les maisons de Thonon et dans celles de la compagnie". Son ami, le sénateur Favre, s'occupait de la correction et de l'édition, ainsi que de l'expédition de ces feuilles volantes. Ces périodiques sont considérés aujourd'hui comme les premiers journaux catholiques au monde. 

Parmi ces Controverses, on trouve cette mise en garde aux Réformés : "Premièrement, Messieurs, vos devanciers et vous aussi, avez fait une faute inexcusable quand vous prêtates l'oreille à ceux qui s'étaient séparés de l'Église." (tels Luther, Zwingli, Calvin...)

"Vous dites que le peuple dévôt vous a appelés, mais quel peuple ? Car ou il était catholique, ou il ne l'était pas : s'il était catholique, comment vous eût-il appelés et envoyés prêcher ce qu'il ne croyait pas ?.... Quand Luther commença, qui l'appela ? Il n'y avait encore point de peuple qui pensait aux opinions qu'il a soutenues...."

Il s'en prend ensuite à ces pasteurs qui prétendent que chacun peut lire et interpréter les Écritures. "Mais ne serait-ce pas tout brouiller de permettre à chacun de dire ce que bon lui semblerait ? Il se faut ranger à l'Écriture, en laquelle on ne retrouvera jamais que les peuples aient pouvoir de se donner des pasteurs et prédicateurs."  [44]

Saint François de Sales, évêque et Docteur de l'Église († 1622)

Le résultat est là. Et quand en 1598, l'évêque vient examiner la tâche accomplie, il constate que la quasi-totalité des Chablaisiens ont réintégré la bergerie catholique. François a alors trente-deux ans. Sa mission du Chablais l'a rendu célèbre. [45]

 

Le 8 décembre 1602, François de Sales est ordonné évêque de Genève à Thorens par Mgr Vespasien Gribaldi, archevêque émérite de Vienne, et métropolitain de Genève. Nouvel évêque, il décide d'instituer le catéchisme afin de diffuser, de faire connaître et comprendre la foi catholique aux croyants de son diocèse. Ses fidèles l’appellent "l'aimable Christ de Genève". [46] Dans la petite ville qu'est alors Annecy - puisque Genève est aux mains de Théodore de Bèze -, il vit modestement, à la façon d'un moine plus que d'un dignitaire.

En 1603, François recommandait : "Dieu seul soit votre repos et consolation!" (Lettre à Mademoiselle de Soulfour, 16 janvier 1603: Œuvres complètes, XII, p. 163, cité in Lettre du pape Jean-Paul II, pour les 400 ans de l’ordination épiscopale de saint François de Sales, 23 novembre 2002).

En 1606, dans la querelle sur la prédestination "entre le molinisme (jésuites qui attaquaient la prédestination comme entachée de protestantisme), qui semble faire la part trop grande à l'homme, et le thomisme (dominicains qui ripostèrent en attaquant les jésuites de pélagianisme), qui centre tout sur Dieu, ... il suffisait, comme le dira Bossuet, 'de tenir les deux bouts de la chaîne", ce qu'avait conseillé de faire saint François de Sales [47], qui "fut consulté par Rome (vers la fin de 1606). Hélas, sa réponse est perdue. Charles-Auguste de Sales nous en donne une idée en écrivant : 'Il répondit son sentiment de la même façon qu'il l'a traité en son livre Traité de l'Amour de Dieu (L III, chap. V) :

Dieu a voulu premièrement, d'une vraie volonté, qu'encore après le péché d'Adam, tous les hommes fussent sauvés; mais en une façon et par des moyens convenables à la condition de leur nature douée du libre arbitre [liberté]; c'est-à-dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudraient contribuer par leur consentement aux grâces et faveurs qu'il leur préparait, offrirait et départirait à cette intention. Or, entre ces faveurs, il voulut que la vocation [l'appel à la foi et à la vie chrétienne] fût la première et qu'elle fût tellement [assortie] à notre liberté que nous la puissions accepter ou rejeter à notre gré. [48]

C'est au cours de l'année 1608 que l'évêque de Genève, François de Sales, âgé de 41 ans et prêtre depuis 15 ans, écrivit son œuvre la plus connue, l'Introduction à la vie dévote. Pour François de Sales et ses contemporains, la dévotion désignait, grosso modo, ce que nous appelons aujourd'hui la vie spirituelle, considérée dans sa réalisation la plus authentique, et la plus fervente.

 

Saint Thomas d'Aquin définit la dévotion comme "un acte de la vertu de religion, dont le propre est de relier l'homme à Dieu."

 

Sa doctrine spirituelle est simple : 1. viser à plaire à Dieu et non aux hommes. - 2. Rien par contrainte, tout par amour. - 3. Ne rien demander, ne rien refuser. - 4.  Aller de l'intérieur à l'extérieur. - 5. Aller "tout bellement". 6. Avec douce diligence. 7. Ne penser qu'à aujourd'hui. 8. Recommencer chaque jour. 9. Profiter de toutes les occasions. - 10. Se guérir de ses imperfections. - 11. Vivre paisiblement. 12. Vivre joyeux. 13. Vivre en esprit de liberté.

 

Les éditions du Cerf ont publié en 2019 une très utile "Introduction à la vie dévote, mise en français contemporain", Collection Spiritualité LeXio. On trouvera le texte original de l'Introduction à la vie dévote dans Saint François de Sales, Oeuvres, Paris, Galimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1969, avec l'orthographe modernisée.

 

 

Le langage et le style utilisés étaient très simples pour l'époque, sans citations latines ni grecques, permettant une lecture beaucoup plus large que les traités spirituels qui existaient alors. L'ouvrage était destiné à des laïcs ne se destinant pas à la vie religieuse, et avait pour principal but de montrer qu'il était possible de mener une vie sainte tout en vivant dans le monde. Les vies des saints, et particulièrement de ceux qui ont vécu dans le monde, sont souvent prises comme exemple. Ce livre eut très vite un énorme succès : il fut réimprimé plus de quarante fois du vivant de François de Sales ; le roi de France Henri IV lui-même le lut et la reine Marie de Médicis en offrit un exemplaire "orné de diamants", au roi d'Angleterre.

 

Comment expliquer l'énorme succès que connut l'Introduction à la Vie dévôte (plusieurs centaines d'éditions) ?

 

"[L]'austérité de tels textes tels que le Combat spirituel ou l'Imitation de Jésus-Christ, [...] réservaient 'l'amour de Dieu à une élite contemplative' (André Ravier). Tout autre était cette Introduction à la Vie dévote que Vaugelas appellera 'le livre nécessaire', le livre en qui les gens qui vivent en la presse du monde reconnaîtront leur livre, parce qu'il a 'rendu la dévotion sociable'." [49] 

 

Il ose dire qu'on peut être chrétien sans être austère ni faire des oraisons prolongées, qu'on peut atteindre la perfection sans être du clergé mais en pratiquant son devoir d'état et en acceptant sa condition de vie qu'on soit "soldat, artisan, prince ou simplement marié'. Il répond à l'inquiétude qui habite tout chrétien de son temps : "Que notre âme soit en clarté, en ténèbres, en goût, en dégoût, il faut pourtant qu'à jamais la pointe de notre coeur qui est notre boussole, tende à l'amour de Dieu". [50] Le jeune Louis XIII se nourrira de la spiritualité de la Vie dévote de François de Sales qu'il se fera lire. [51]

 

Lorsque en 1607, François exposa ainsi la situation de son diocèse au pape Clément VIII, il écrivit : "Il y a douze ans, dans soixante-quatre paroisses voisines de Genève [les paroisses du Chablais] et pour ainsi parler, sous ses murs, l'hérésie occupait les chaires [les églises], elle avait tout envahi; à la religion catholique, il ne restait [rien]. Or, aujourd'hui, dans la même région, l'Église étend de toutes parts ses rameaux, avec des poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus de place. Jadis on avait peine à convoquer cent catholiques entre toutes les paroisses réunies : aujourd'hui on n'y verrait pas cent hérétiques....'" [52] 

 

"Il convertit, dit-on, plus de soixante-douze mille hérétiques, dont un assez grand nombre appartenaient aux classes élevées." [53]

 

 

"Ravissements, visions, lectures des âmes, parfums mystérieux, le saint vit des phénomènes incroyables. ses pénitents qui viennent à lui, il affirme voir 'clairement dans leur coeur comme au travers d'un cristal.' Il obtient la guérison de Jeanne de Chantal par la prière adressée à saint Charles Borromée (+1584) qu'il aime tant." [54]

 

 

Le dimanche 6 juin 1610, François de Sales fonde à Annecy avec Ste Jeanne de Chantal l’Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, ordre monastique féminin de droit pontifical, initialement établi dans une modeste "maison de la Galerie". La cave de cet immeuble, conservée, a été aménagée en oratoire et de nombreux pèlerins viennent aujourd'hui encore visiter le berceau de cet ordre, dont les membres sont couramment appelées les "visitandines". En souvenir du jour où la Vierge Marie, enceinte du Christ s'en alla aider sa cousine Élisabeth âgée et enceinte de Jean-Baptiste, les religieuses auraient pour tâche principale de visiter les malades et les pauvres et de les réconforter.

En 1616, François publie le "Traité de l'Amour de Dieu". Son idée était d'écrire un livre sur la manière d'aimer Dieu dans l'observation des Dix commandements, en révélant aux âmes, "clairement et simplement les beaux secrets de l'amour de Dieu". [55] Cette publication sera suivie de l'édition post-mortem de ses Entretiens spirituels, en 1629.

L'aube de l'amour

Ô Jésus ! Que c'est un plaisir délicieux de voir l'amour céleste, qui est le soleil des vertus, quand petit à petit, par des progrès qui insensiblement se rendent sensibles, il va déployant sa clarté sur une âme, et ne cesse point qu'il ne l'ait toute couverte de la splendeur de sa présence, lui donnant enfin la parfaite beauté de son jour ! Ô que cette aube est gaie, belle, aimable et agréable ! Mais pourtant il est vrai que, ou l'aube n'est pas jour, ou si elle est jour, c'est plutôt l'enfance du jour que le jour même. Et de même, sans doute, ces mouvements d'amour, qui précèdent l'acte de la foi, requis à notre justification, ou ils ne sont pas amour à proprement parler, ou ils sont un amour commençant et imparfait, ce sont les premiers bourgeons verdoyants, que l'âme

aint François de Sales, Traité de l'Amour de Dieu, II, 13

Le démon vaincu par le missionnaire du Chablais

 

"[S]i nous en croyons les biographes, il (S. François) délivra plus de quatre cents démoniaques du pouvoir de Satan. (Abbé Édouard, Un nouveau docteur de l'Église, saint François de Sales, Paris, Éd. Jules Vic, 1878, p. 43.) [56] 

 

"Dans son Traité de l'Amour de Dieu, François rapporte le terrible aveu que fit le démon : 'Je suis ce malheureux privé d'amour.'

 

"[...] 'Seul le diable est incapable d'amour!', écrit S. François (Traité de l'Amour de Dieu, VI, 14). [...] N'avez-vous pas remarqué l'air triste et patibulaire qu'affichent ceux qui s'adonnent à la violence et à la haine ?

"[...] Saint François nous a fait remarquer [...] que les démons sont pris d'effroi au contact du crucifix et à l'énonciation du nom de Jésus. [...] La croix est l'instrument de notre rédemption, l'emblème de la victoire du Christ, le don de la vraie vie; en fait, elle est tout ce que les démons ne pourront jamais aimer et posséder." [57]

 

"À certaines mauvaises langues qui accusaient le saint évêque d'accomplir des miracles avec ostentation, il donna cette réponse : "Ces bonnes gens n'ont-ils pas pris garde que la femme a dit son Pater et que Dieu l'a exaucée, la délivrant d'un si grand mal, afin qu'elle ne fût plus induite en tentation par le démon qui la possédait ? Si nous avions soin de le dire (le Notre Père) selon l'esprit et l'intention de Jésus-Christ, nous y trouverions le remède de tous nos maux. Et même, ajouta-t-il en souriant [pour répondre à ses détracteurs], je trouve le remède à ces attaques, en disant : 'Seigneur, pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.'"

 

"[...] Le Notre Père est une vraie prière d'exorcisme: ce sont les paroles mêmes de Jésus, paroles de libération, de l'unique Libérateur et Sauveur du monde. Il ne suffit pas de la réciter machinalement; mais il faut croire de toutes ses forces en la puissance libératrice de la prière de Jésus ! 

 

"[...] Souvent, un Pater prié avec foi se révèle bien plus efficace que de nombreuses et longues prières de délivrance !" [58]

 

Terrassé par un attaque d'apoplexie, Saint François de Sales mourut à Lyon le 28 décembre 1622, le jour des saints Innocents. Avant sa mort, il eut la joie de voir douze monastère de la Visitation se crééer et prospérer : Lyon, en 1615; Moulins, en 1616; Grenoble et Bourges, en 1618; Paris, en 1619; Montferrand, Nevers et Orléans, en 1620; Dijon, Bellay et Saint-Étienne en 1622. [59]

 

Alité, malade, quelques heures avant sa mort, saint François de Sales reçut la visite du vicaire général de Lyon, Ménard, qui l'interrogea alors : "Eh ! Monseigneur, que pensez-vous de la foi catholique ? Ne seriez-vous point huguenot ?... Oh ! Oh ! répondit François, Dieu m'en garde !" Puis, un religieux lui demanda : "Eh ! quoi, Monseigneur, vous voulez donc laisser vos filles de la Visitation orphelines ?" François lui répondit : "Celui qui a commencé, parfera, parfera, parfera [y pourvoiera]. [60] Alors qu'on le portait sur son lit, Mgr de Sales dit : Il se fait fait tard et le jour baisse... Jésus Maria !" Son agonie dura deux heures, sans qu'il prononce d'autres paroles et il rendit l'âme sur les huit heures du soir. Il était âgé de cinquante-cinq ans, quatre mois et sept jours, et était évêque-prince de Genève depuis vingt ans et vingt jours."

 

Le 24 janvier 1623, ses restes ont été transportés à Annecy et portés à la vénération des fidèles dans la basilique de la Visitation où l'on signale des guérisons miraculeuses; par la suite, le docteur de l'Église fut enterré dans l'édifice sacré qui porte son nom dans le centre-ville. Son coeur est toujours incorrompu, il est vénéré à Trévise dans le Monastère de la Visitation. [61]

 

"Selon de très nombreux témoignages il semble que saint François de Sales ait accompli plus de miracles après sa mort que durant sa vie terrestre. On a relevé, en effet, une telle profusion de miracles survenus devant son tombeau, qu'il n'a jamais été possible de tous les connaître ni de les comptabiliser !" [62]

 

Un premier miracle

 

Le vendredi 28 avril 1623, une fillette de huit ans (Françoise-Angélique de la Pesse) qui tentait de cueillir des fleurs sur une rive du Thieu (affluent du Lac d'Annecy), glissa et tomba dans l'eau, le courant l'emporta. Un certain Jean-Louis Daurillac, après plusieurs plongées, finit par remonter le petit corps et le déposa sur la rive. Un seul cri s'éleva alors des spectateurs atterrés : "Elle est morte ! ". Seule la mère invoqua François de Sales : Sa fille ! ... Il lui rendra sa fille !... Étant resté près de trois heures dans le fond de la rivière, le pauvre petit corps est froid. Un docteur (le docteur Grandis) l'examine et déclare que la fillette est morte. Il la recouvre d'un drap. Or, alors que des amies de la mère éplorée soulèvent ce drap pour dire un dernier adieu à Françoise-Angélique, l'enfant ouvre les yeux et joint les mains. "J'ai bien dormi", dit-elle. Miracle ! Miracle ! , s'écrient les dames; à ces cris, Mme de la Pesse accourt, enlace sa fille en éclatant en sanglots, alors que l'enfant s'étonne "que dans la maison on rie et pleure à la fois". Bientôt, a écrit la mère de Chaugy, les miracles que le Tout-Puissant opérait par l'intercession de son serviteur furent "si fréquents qu'on avait peine d'en tenir le compte". [63]

 

François disait : 

Je fais le signe puissant de la croix. Par ce signe puissant j'enchaîne le démon, je disperse toute terreur.

Le procès en béatification de François de Sales est ouvert par le Saint-Siège dès 1626. Il est déclaré bienheureux en 1661, saint en 1665, et est fêté le 24 janvier. 

Il est élevé à la dignité de Docteur de l'Église par le pape Pie IX, en 1877. 

 

À l'occasion du 400e anniversaire de la naissance de S. François de Sales, dans sa lettre Sabaudiae Gemma, Paul VI affirma que S. François de Sales fut "l'une des plus grandes figures de l'Église et de l'Histoire", "le protecteur des journalistes et des publicistes parce qu'il rédigea lui-même une première publication périodique. Nous pouvons qualifier d''œcuménique' ce saint qui écrivit les controverses afin de raisonner clairement et aimablement avec les calvinistes de son temps. Il fut un maître de spiritualité qui enseigna la perfection chrétienne pour tous les états de vie. Il fut sous ces aspects un précurseur du IIe concile œcuménique du Vatican. Ses grands idéaux sont toujours d'actualité." (Lettre apostolique Sabaudiae Gemma, 29 janvier 1967). 

 

À l’occasion des 400 ans de l’ordination épiscopale de saint François de Sales, Jean-Paul II rappela que "celui que le roi Henri IV appelait de manière élogieuse 'le phénix des Évêques', parce que, disait-il, 'c’est un oiseau rare sur la terre', après avoir renoncé aux fastes de Paris et aux propositions du roi de lui donner un siège épiscopal de renom, devint le pasteur et l’évangélisateur inlassable de sa terre savoyarde, qu’il aimait par-dessus tout, car, avouait-il, 'je suis Savoyard de toutes façons, de naissance et d’obligation'. 

 

Docteur de l’amour divin, François de Sales n’eut de cesse que les fidèles accueillent l’amour de Dieu, pour en vivre en plénitude, tournant leur cœur vers Dieu et s’unissant à Lui (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 40 ss). C’est ainsi que, sous sa conduite, de nombreux chrétiens marchèrent dans la voie de la sainteté; il leur montra que tous sont appelés à vivre une intense vie spirituelle, quelles que soient leur situation et leur profession, car "l’Église est un jardin diapré de fleurs infinies, il y en faut donc de diverses grandeurs, de diverses couleurs, de diverses odeurs, et, en somme, de différentes perfections. Que toutes ont leur prix, leur grâce et leur émail, et toutes, en l’assemblage de leurs variétés, font une très agréable perfection de beauté" (Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, IV, p. 111).

La perfection consiste à être conforme au Fils de Dieu, en se laissant conduire par l’Esprit Saint, dans une parfaite obéissance (cf. Traité de l’amour de Dieu: Œuvres complètes, XI, 15, V, pp. 291 ss): "Le parfait abandon entre les mains du Père céleste et la parfaite indifférence en ce qui regarde la divine volonté sont la quintessence de la vie spirituelle […]. Tout le retard dans notre perfection provient seulement du manque d’abandon, et il est sûrement vrai qu’il convient de commencer, de continuer et d’achever la vie spirituelle à partir de là, à l’imitation du Sauveur qui a réalisé cela avec une extraordinaire perfection, au début, durant et à la fin de sa vie" (Sermon pour le Vendredi Saint, 1622: Œuvres complètes, X, p. 389)."

Dans cette lettre, Jean-Paul II invitait "les pasteurs et les fidèles à se laisser enseigner par son exemple et par ses écrits, qui demeurent d'une grande actualité". (Zenit.org)

Vierge à l'Enfant avec saint François de Sales, Carlo Maratta, 1691, Forli, Pinacoteca Civica, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 57.

Vierge à l'Enfant avec saint François de Sales, Carlo Maratta, 1691, Forli, Pinacoteca Civica, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 57.

Citons quelques paroles de François lui-même :

 

"Soyez, disait-il, le plus doux que vous pourrez, et souvenez-vous que l'on prend plus de mouches avec une cuillerée de miel qu'avec cent barils de vinaigre. S'il faut donner en quelque excès, que ce soit du côté de la douceur."

 

"Je le veux tant aimer, ce cher prochain, je le veux tant aimer ! Il a plu à Dieu de faire ainsi mon cœur ! Oh ! Quand est-ce que nous serons tout détrempés en douceur et en charité !"

 

"Ayons toujours les yeux sur Jésus crucifié ; marchons à son service avec confiance, simplicité et sagesse. Il sera le protecteur de notre réputation, et s'il permet qu'elle nous soit enlevée, ce sera pour que nous jouissions de sa sainte humilité."

 

"Comme le dit le Docteur angélique, le meilleur moyen pour aimer Dieu, c'est de connaître ses bienfaits. (...) Si nous nous rappelons ce que nous avons fait lorsque Dieu n'était pas avec nous, nous devrons bien reconnaître que ce que nous faisons quand il est avec nous ne vient pas de nous."

 

"Ne cherchez pas à vouloir opposer la vertu contraire à la tentation que vous éprouvez, car ce serait encore discuter avec elle. Dirigez plutôt votre coeur vers Jésus-Christ, et dans un élan d'amour embrassez ses pieds sacrés. C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, aussi bien dans les grandes que dans les petites tentations."

 

"L'un des meilleurs usages que nous puissions faire de la douceur, c'est de l'appliquer à nous-mêmes, en ne nous étonnant jamais de nos imperfections. (....) Il faut pourtant nous garder de toute aigreur, de tout dépit, de toute colère. Il en est beaucoup qui pour s'être trop énervés, s'énervent encore d'avoir été énervés, ont du dépit d'en avoir eu, sont en colère de l'avoir été. Par là ils tiennent leurs coeurs dans un mécontentement permanent. (...) Ainsi lorsque notre coeur aura commis quelque faute, reprenons-le avec douceur et patience, avec plus de compassion que de passion, en l'encourageant à se réformer. Le repentir qu'il en concevra sera bien plus profond."

 

"Il nous faut garder une continuelle et inaltérable égalité de coeur."

 

"Pour recevoir la grâce de Dieu en nos coeurs, il faut qu'ils soient vides de notre propre gloire. (...) Ainsi l'humilité repousse Satan. Elle nous fait garder les grâces et les dons du Saint-Esprit. C'est la raison pour laquelle Notre-Seigneur, Sa Mère et tous les saints, entre toutes les vertus morales, ont aimé et honoré l'humilité plus que toutes les autres."

 

"Ne vous permettez jamais de vous mettre en colère ; n'ouvrez jamais la porte de votre cœur à cette passion sous quelque prétexte que ce soit."

 

"On fait toujours assez vite ce qu'on fait bien. Les bourdons font toujours plus de bruit et sont plus pressés que les abeilles, mais ils ne font que de la cire et pas de miel ; de même ceux qui se pressent avec une inquiétude ardente et une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien."

 

 

PRATIQUE. Soyez doux : un zèle amer ne produit que du mal. 

 

Sources :

(1) Vie des Saints pour tous les jours de l'année avec une pratique de piété pour chaque jour et des instructions sur les fêtes mobiles, Alfred Mame et Fils éditeurs, Tours 1867, p. 29 ; (2) L'Evangile au quotidien ; (3) Jean-Christian PETITFILS, Louis XIII, Perrin, Lonrai 2008, p. 264 ; (4) Wikipedia ; (5) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réforme, François-Xavier de Guibert, Paris 2013, p. 18-21 ; (6) Aimé RICHARDT, Calvin, François-Xavier de Guibert, Clamecy 2009, p. 76-78 ; (7) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 15 et 21 ; (8) RUCHAT, t. VI, p. 334 ; (9) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 76 ; (10) Jean SÉVILLIA, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 104 ; (11) Bartolomé BENNASSAR, Jean JACQUART, Le XVIe siècle, Armand Colin Poche, Paris 2013, p. 154-158 ; (12) Pierre GAXOTTE, de l'Académie française, Histoire des Français, Flammarion, Saint-Amand, 1972, p. 374; 377 ; (13) Aimé RICHARDT, Calvin, ibid., p. 91 ; (14) Dimitri MEREJKOVSKI, Calvin, Traduit du russe par Constantin Andronikoff, Nrf, Gallimard, Paris 1942, p. 19; 91-92; 113; 117- 118; 124-125 ; (15) Aimé RICHARDT, Calvin, ibid., p. 8; 223-234 ; (16) Yves-Marie ADELINE, Histoire mondial edes idées politiques, Ellipses, Paris 2007, p. 254 ; (17) Aimé RICHARDT, Calvin, ibid., p. 102-103 ; (18) Jean DUMONT, L'Église au risque de l'histoire, préface de Pierre CHAUNU de l'Institut, Éditions de Paris, 2002, p. 579 ; (19) Dimitri MEREJKOVSKI, Calvin, ibid, p.  118;157-158; 167; 176 ; (20) Aimé RICHARDT, Calvin, ibid., p. 180-181 ; (21) François ANGELIER, Saint François de Sales, Pygmalion, Paris, 1997, p. 100, cité in A. RICHARDT, ibid., p. 23 ; (22) Oeuvres, t. VII, p. 73, cité in A. RICHARDT, ibid., p. 131 ; (23) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 52-53 ; (24) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 206 ; (25) Cité in Charles-Auguste DE SALES, Histoire du Bienheureux François de Sales, Lyon 1634, p. 81, cité in Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 79 ; (26) Mgr TROCHU, Saint François de Sales, Lyon, 1955, p. 324, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 82 ; (27) Cité par André RAVIER, François de Sales, Nouvelle Cité, 2009, p. 77 ; (28) Mgr TROCHU, ibid., p. 333 ; (29) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 84 ; (30) Cité par Mgr TROCHU, Vie de Saint François de Salesibid., p. 372, cité in A. RICHARDT, ibid., p. 90 ; (31) Mgr TROCHU, ibib, p. 393, cité in A. RICHARDT, ibid., p. 92 ; (32) Samuel Pruvot, Nos Ancêtres les Saints, Petite histoire de la France missionnaire, Cerf, Paris 2017, p. 90-91 ; (33) Dom Jean de Saint-François, La Vie du bienheureux Messire François de Sales, 1624, p. 90, cité in, Aimé RICHARDT, ibid., p. 95 ; (34) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 95 ; (35) Charles-Auguste de SALES, ibid., p. 128, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 99 ; (36) Selon Aimé Richardt, qui rapporte cette discussion (p. 101-102), "on connaît l'essentiel des propos échangés par les deux hommes grâce surtout aux relations de Charles-Auguste de SALES, ibid., p. 130-134 ; (37) d'après Mgr Francis TROCHU, Vie de Saint François de Sales, t. 1, p. 462-465, Dominicains d'Avrillé ; (38) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 102 ; (39) Jean GUIRAUD, Histoire partiale, Histoire vraie, tome II, Moyen-Âge, Renaissance, Réfome, Quatrième édition, Gabriel Beauchesnes & Cie Éditeurs, Paris 1912 ; (40) Dimitri MEREJKOVSKI, Calvin, ibid., p. 153-154 ; (41) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 103 ; (42) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 215-216 ; (43) Mgr PICARD, La Mission de Saint François de Sales en Chablay, p. 86, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., 85 ; (44) Les Controverses, édition d'Annecy, p. 21-27, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 87 ; (45) DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome VI, La Réforme catholique, Librairie Arthème Fayard, Éditions Bernard Grasset, Paris 1965, p. 357-358 ; (46) Marguerite & Roger Isnard, Nouvel almanach du Comté de Nice, Serre Éditeur, 2006, p. 31 ; (47) DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome VI, ibid., p. 324 ; (48) S. François de Sales, cité par André RAVIER, op. cit., p. 183, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 175 ; (49) Mère de CHAUGY, 2e Procès, t. IV, p. 791, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 186 ; (50) Des Premiers Martyrs à nos jours, Saints et Saintes de France, Hatier, Renens, 1988, p. 79 ; (51) Jean-Christian PETITFILS, ibib., p. 150 ; (52) Oeuvres, op. cit., t. XIII, p. 237, cité in, A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 143 ; (53) Mgr Paul GUERIN, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Editions D.F.T., Argenté-sur-Plessis 2003p. 61 ; (54) Patrick SBALCHIERO, Enquête sur les miracles dans l'Eglise catholique, Artège, Paris 2019, p. 261 ; (55) Mgr TROCHU, op. cit., t. II, p. 471, cité in A. RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 197 ; (56) Abbé EDOUARD, cité dans Gilles JEANGUENIN, Saint François de Sales, Son Combat contre le démon, Éditions de l'Émmanuel, Dijon 2009, p. 36 ; (57) Gilles JEANGUENIN, Saint François de Sales, Son Combat contre le démon, ibid.,, p. 22-23 ; (58) Gilles JEANGUENIN, Saint François de Sales, Son Combat contre le démon, ibid., p. 100-101; et 113 ; (59) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 196 ; (60) Charles-Auguste de SALES, op. cit., p. 576, cité in A. RICHARDT, ibid., p. 231 ; (61) Un évêque modèle : Saint François de Sales, Corrispondenza Romana ; (62) Gilles JEANGUENIN, Saint François de Sales, Son Combat contre le démon, ibid., p. 102 ; (63) Aimé RICHARDT, Saint François de Sales et la Contre-Réformeibid., p. 234.

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 00:00

Diacre et martyr espagnol du IVe siècle, Vincent est l'un des plus illustres martyrs de Jésus-Christ.

Saint Vincent de Saragosse en prison. Peinture à l'huile. Auteur anonyme, école de Francisco Ribalta

Saint Vincent de Saragosse en prison. Peinture à l'huile. Auteur anonyme, école de Francisco Ribalta

La basilique du Pilar et le pont de pierre sur l'Èbre.Saint Vincent est né à Saragosse, en Espagne, où il fut diacre de l'évêque Valère. Ce dernier vieillissant souffrait d'un défaut d'élocution, aussi conféra-t-il à Vincent le diaconat et le chargea-t-il de sa mission de prêcher et d'instruire les fidèles, fonction normalement dévolue à l'évêque. Vincent se fit remarquer par son souci des pauvres, des veuves et des orphelins.

 

Lorsque vinrent les persécutions sous Dioclétien et Maximien, l'évêque et le diacre furent arrêtés et emprisonnés. Le procurateur Dacien les fit comparaitre, et Vincent prit la parole pour confesser leur foi commune. Dacien condamna alors Valère à l'exil et Vincent à la torture, en exemple. Ce dernier conserva un calme inaltérable, se réjouissant même selon la Légende dorée, avant de mourir le 22 janvier 304 (ce jour étant devenu celui de sa fête). 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/18/PalazzoTrinci010.jpg/796px-PalazzoTrinci010.jpg

Jacobus de Voragine avec son ouvrage La Légende dorée entre les mains, œuvre de Ottaviano Nelli, Foligno, Italie.

 

 

Vincent, en latin Vincentius, signifie étymologiquement "vainqueur". Par son nom, Vincent symbolise la victoire du martyr chrétien. Dans son cas, Vincent a même remporté une double victoire puisqu'il a triomphé d'un double martyr : vivant, il triomphe des flammes et des diverses sortes de torture; après sa mort, son cadavre résiste victorieusement à l'acharnement du bourreau qui cherche en vain à l'éliminer en le donnant en pâture aux fauves, puis en l'immergeant dans les flots.

Il a été torturé sur une maie de pressoir, ce qui pourrait expliquer le fait qu'il soit saint patron des vignerons (symbolique du sang ayant coulé dans le pressoir à la place du vin, etc.)

Les membres du diacre sont distendus et écartelés par le chevalet; ses chairs sont déchirées par un ongle de fer.

 

http://4.bp.blogspot.com/-zYalAOrV8_k/TxvwFf6J8cI/AAAAAAAADEE/NCWRuMFRzp4/s400/SDJ22JAN+-+Copie.jpg

Saint Vincent, Diacre et Martyr, consolé par des Anges.

 

Le martyr reste serein et joyeux parce qu'il "voit la présence du Christ" et il encourage même les bourreaux, qui s'épuisent en vain. Datien suspend momentanément les tortures.

 

Le supplice de l'ongle reprend; mais comme il n'obtient aucun résultat, Datien décide de passer à de nouvelles tortures : "le feu, le gril et les lames ardentes". En effet, raffinement par rapport au supplice habituel du gril qu'avait subi un autre diacre célèbre, le martyr romain Laurent, les barres du gril sont découpées en lamelles de scie, et les bourreaux jettent des pincées de sel ou versent de la graisse fondue pour rendre les brûlures encore plus douloureuses. Pourtant, Vincent était allé de lui-même au-devant du supplice, et il le supporte avec joie : il ne sent pas la douleur et regarde fixement le ciel. saint Augustin dit que loin de le brûler, la flamme le durcissait : elle transformait la molle argile de son corps en brique réfractaire. Vainqueur du tyran, Datien suspend à nouveau le supplice, et fait jeter Vincent en prison. Pour empêcher le détenu de dormir, le sol de la cellule a été parsemé de débris de poteries. Mais la prison tout à coup s'illumine.

 

Au milieu de la nuit, les anges viennent le consoler et le libèrent de ses entraves :

 

"Réjouis-toi, lui disent-ils, bientôt ton âme, libre du joug de la chair, va prendre place parmi nous !"

Le gardien de la prison voit cette clarté divine et il entend le martyr chanter des hymnes; il rapporte ce miracle au préfet Datien. Un peu plus tard, il se convertira.

Datien décide de faire soigner Vincent avant de le soumettre à de nouveaux supplices. Il le fait étendre sur des coussins moelleux afin de lui retirer la gloire d'avoir péri dans les souffrances. Toujours est-il que, lorsque le corps de Vincent se trouve allongé sur le lit, son âme s'élance vers le ciel. Jean-Baptiste, jadis emprisonné comme lui, et des chœurs de saints l'accompagnent au ciel.

 

Datien ne s'avoue pas pour autant vaincu : il veut poursuivre Vincent après sa mort, en jetant son cadavre aux bêtes : ainsi il ne pourra pas être enseveli et les chrétiens n'auront pas la possibilité de vénérer son tombeau. Mais Dieu envoie un corbeau qui protège le corps du martyr, et ce faible volatile met en fuite un loup, ainsi que des oiseaux de proie, ajoute la Passion.

Furieux, Datien décide de noyer le cadavre. Il ordonne à un soldat nommé Eumorphion de mettre le corps dans un sac (ou dans un filet), d'y attacher une lourde pierre et de le jeter dans la mer.

 

Le corps de Saint Vincent jeté à la mer

Le corps de Saint Vincent jeté à la mer.

 

Mais le corps de Vincent regagna le rivage plus vite que les marins qui avaient été chargés de cette tâche.

Vincent apparut alors en vision à une dame, à qui il indiqua la position de sa dépouille.

 

Le corps de Saint Vincent défendu par un corbeau.

 

Selon Prudence, Les chrétiens recueillent le corps de Vincent et lui dressent un tertre, sur le rivage, près de Sagonte-Murviedro, au nord de Valence.

Ses restes auraient pu, selon certaines sources, être transportés à l'abbaye Saint-Benoît de Castres en 855 et à la Sé de Lisbonne en 1173. On raconte que durant ce dernier trajet, le navire les emportant aurait été escorté par deux corbeaux.

Selon d'autres, ils auraient été transportés en 779 au cap Saint-Vincent en Algarve (Portugal)

 

Saint Vincent est nommé dans le canon romain de la messe et son culte est universel. Il est fêté le 22 janvier.

 

Une "passion" en prose raconte le martyre de saint Vincent ; elle est mentionnée par saint Augustin, qui atteste que dès la fin du IVe siècle, son culte était célébré dans toutes les églises de la chrétienté. (Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 1175.) On a conservé cinq sermons de S. Augustin en l'honneur de ce martyr.

 

Saint Vincent est notamment célébré pour la première fois par une hymne du poète Prudence (348-405) dans son Peristephanon. Prudence compare le martyr espagnol aux Maccabées de l'Ancien Testament, famille juive qui mena la résistance contre la politique d’hellénisation forcée menée par les Séleucides au IIe siècle av. J.-C.

 

Il est également mentionné par saint Paulin de Nole (353-431) et des poèmes lui ont été consacrés par Pierre Damien (1007-1072), Hildebert de Lavardin (1056-1133), Adam de Saint-Victor († 1146) notamment.

 

Son culte est largement répandu en France au VIe siècle.

Une relique (peut-être une étole) de saint Vincent fut rapportée d'Espagne en France, vers 543, par le roi mérovingien Childebert Ier (511-558), 4e fils de Clovis, à la suite d'une campagne au-delà des Pyrénées contre les Wisigoths. La ville de Saragosse assiégée l'aurait cédée pour éviter d'être prise. Le roi fit édifier une église, aux portes du Paris de l'époque, près de la voie romaine de Sèvres, pour l'honorer ainsi qu'une abbaye à proximité. Initialement dédiée à saint Vincent, l'abbaye prendra le nom d'un évêque qui l'administra, saint Germain, pour devenir l'abbaye de "Saint-Germain-des-Prés".

 

En 864, des reliques de Vincent solennellement transférées à Castres, des miracles se produisent. Cette translation se fêtait le 27 octobre, mais les reliques furent détruites au XVIe siècle par les calvinistes, de même que le cœur de Vincent que l'on disait conservé dans une châsse à Dun-le-Roi en Berry, brûlé en 1562.

 

Plusieurs miracles accomplis en Espagne par Vincent ont été rapportés dans un poème de Guarnerius et dans une lettre d'Hermann, abbé de Saint-Martin de Tours (1143). 

 

Chaque année, en Côte-d'Or, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin intronise de nouveaux membres, à l'occasion d'une fête viticole nommée La Saint-Vincent Tournante. Cette fête a lieu à chaque premier week-end suite au 22 janvier (voir à partir du 22 janvier même, s'il s'agit d'un samedi), et dont la responsabilité est chaque année donnée à une ville ou un village différent de Côte-d'Or. Cette tradition est également perpétrée en Champagne mais à la différence que chaque confrérie se rassemble le week-end précédant dans une ville donnée: un an sur deux à Épernay et en alternance un an sur deux à Reims, Château-Thierry ou à Troyes. Ensuite les vignerons organisent cette manifestation pour chaque village viticole le 22 janvier.

Une tradition similaire se perpétue dans le terroir des vins de l'Orléanais. Ainsi, la culture de la vigne et l'élevage du vin ayant depuis longtemps marqué les communes de Bou, de Mardié et de Chécy, on y célèbre vers le 22 janvier, la Saint-Vincent, fête religieuse, et la Fête des vignerons, fête laïque.

 

Saint Vincent diacre et martyr

 

Il est représenté, comme saint Laurent, en costume de diacre, ayant pour attribut un lit de fer à pointes aiguës, des ongles de fer, une meule. Il est représenté aussi portant un bateau (ceci rappelant qu'il fut embarqué pour être jeté au large) ; ou avec une serpette, un seau et des grappes de raisin, en sa qualité de patron des vignerons et viticulteurs.

 

La popularité de Vincent explique les nombreux patronages qui lui ont été attribués. Le martyr espagnol a même été revendiqué par la corporation des tuiliers et couvreurs, en souvenir du lit de tessons sur lequel Vincent fut étendu.

 

Sources: 1, 2, 3, 4; 5 Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019

 

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2023 6 21 /01 /janvier /2023 20:00
"Les prières funèbres peuvent paraître superflues quand il s’agit d’un chrétien qu’on croit avoir mérité la palme du martyre" (Pie VI sur le Saint Roi Martyr Louis XVI)

 

« Qui pourra jamais douter que ce monarque n’ait été principalement immolé en haine de la Foi et par un esprit de fureur contre les dogmes catholiques ? [...]

 

On s’est efforcé, il est vrai, de charger ce Prince de plusieurs délits d’un ordre purement politique. Mais, le principal reproche qu’on ait élevé contre lui, portait sur l’inaltérable fermeté avec laquelle il refusa d’approuver et de sanctionner le décret de déportation des prêtres, et la lettre qu’il écrivit à l’Évêque de Clermont pour lui annoncer qu’il était bien résolu de rétablir en France, dès qu’il le pourrait, le culte catholique. Tout cela ne suffit-il pas pour qu’on puisse croire et soutenir, sans témérité, que Louis fut un martyr ? [...]

 

Ah ! France ! Ah ! France ! toi que nos prédécesseurs appelaient le miroir de la chrétienté et l’inébranlable appui de la foi, toi qui, par ton zèle pour la croyance chrétienne et par ta piété filiale envers le siège apostolique, ne marche pas à la suite des autres nations, mais les précède toutes, que tu Nous es contraire aujourd’hui ! De quel esprit d’hostilité tu parais animée contre la véritable religion ! [...]

 

Ah ! encore une fois, France ! Tu demandais même auparavant un Roi catholique. Tu disais que les lois fondamentales du Royaume ne permettaient point de reconnaître un Roi qui ne fut pas catholique, et c’est précisément parce qu’il était catholique que tu viens de l’assassiner ! [...]

 

Nous célébrerons [un Service solennel] pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI, quoique les prières funèbres puissent paraître superflues quand il s’agit d’un chrétien qu’on croit avoir mérité la palme du martyre, puisque Saint Augustin dit que l’Église ne prie pas pour les martyrs, mais qu’elle se recommande plutôt à leurs prières… »

 

Pie VI en réaction à la mort du Roi Louis XVI le 21 janvier 1793.

Discours du Pape Pie VI sur le martyre du roi Louis XVI

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2023 6 21 /01 /janvier /2023 18:11
Benoît XVI : sur le remède à l'auto-démolition de l'Occident. Entretien exclusif avec Marcello Pera

Dans un entretien exclusif donné à l'"Observatoire International Cardinal Van Thuan", cité par Stilum Curiae de Marco Tossati et traduit par GloriaTv, le philosophe et homme d'Etat italien Marcello Pera évoque le "grand" Joseph Ratzinger et résume la papauté de Benoît XVI en ces termes : "un saint pour avoir accompli un miracle collectif : avoir stoppé et inversé l'auto-démolition de l'Occident chrétien".

Veuillez trouver ci-dessous chers lecteurs notre traduction personnelle améliorée. 

Christ Roi.

 

***

 

Le dernier jour de l'année civile - le jour où l'Église célèbre saint Sylvestre, le pape de Constantin et du concile de Nicée - le pape Benoît XVI a mis fin à son pèlerinage terrestre.

 

Avec la mort de Benoît XVI, non seulement il nous laisse un excellent théologien et un grand intellectuel européen, mais c'est aussi la fin d'une époque, celle du Concile Vatican II (et des troubles de l'après-Concile), et peut-être aussi celle de l'Église comme âme d'une civilisation. Avec saint Sylvestre Ier, l'Église est devenue l'âme de l'Empire romain, de la Grande-Bretagne à l'Égypte, de la péninsule ibérique à la Syrie, de l'Atlantique à la mer Noire. Aujourd'hui, l'Église dirigée par Jorge Mario Bergoglio a complètement renoncé à façonner, informer et guider une civilisation. L'idée même de societas christiana ou de civilisation chrétienne est étrangère à la dérive théologico-idéologique et pastorale incarnée par le pontificat de François, qui semble plutôt proposer le paradigme inverse avec le monde, compris sociologiquement, élevé à une place théologique à laquelle conformer l’Église, la doctrine et la prédication.

 

Joseph Ratzinger, en revanche, en tant que théologien et Cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, puis en tant que Pontife Romain, a toujours eu à cœur l'identité chrétienne de l'Europe et de la Magna Europa, n'a jamais cédé à l'idée que la civilisation chrétienne devait être archivée comme quelque chose de dépassé, a toujours voulu réaffirmer l'inséparabilité de la foi et de la raison, de la foi et de la culture, et donc la nécessaire civilisation du christianisme.

 

Très chère au penseur Ratzinger était la rencontre providentielle entre la Révélation divine et le logos grec (et le ius romain), c'est-à-dire entre la Parole de Dieu et la spéculation rationnelle classique capable d'atteindre les sommets de la métaphysique ainsi que la rigueur de la dialectique et de la logique analytique, la loi morale naturelle et une véritable anthropologie-psychologie. Ratzinger s'est vigoureusement opposé au processus de déshellénisation du christianisme qui se déroulait dans l'Église depuis plus d'un demi-siècle ; en effet, il a réaffirmé la providentialité de la rencontre entre le classicisme gréco-romain et la Révélation biblique, rencontre dont est née la civilisation chrétienne.

 

Sur le plan moral et politique, Ratzinger-Bénoit XVI a dénoncé le mal du nihilisme qui ronge l'Occident moderne et post-moderne, a pointé du doigt la dictature du relativisme comme forme d'un nouveau totalitarisme sournois, et a enseigné avec force le caractère non négociable (non seulement sur le plan moral personnel mais aussi sur le plan public, juridique et politique) des principes naturels tels que la défense de la vie humaine de la conception à la mort naturelle, la reconnaissance du mariage comme union monogame et indissoluble d'un homme et d'une femme ouverts à la vie, la liberté éducative des parents qui ont de par Dieu la tâche (et non l'État) d'éduquer leur progéniture. Rigoureux et fort fut également le rejet par Ratzinger de l'idéologie du genre et de la prétention à légitimer moralement et à reconnaître légalement les unions homosexuelles.

 

Dans cette œuvre généreuse et grandiose, dans cette tentative intellectuellement puissante d'arrêter l'effondrement de la civilisation chrétienne, de consolider ses murs et de commencer sa reconstruction, Ratzinger a toujours recherché le dialogue avec la culture européenne et nord-américaine la plus sensible, même si elle n'était pas catholique. Ratzinger a essayé de construire un dialogue fructueux avec le monde laïc et non catholique sur la base d'un amour commun pour la vérité, la justice et la civilisation occidentale. C'est dans ce cadre que s'inscrivent la rencontre, la discussion, le dialogue et l'amitié avec Marcello Pera, éminent philosophe et homme politique libéral italien.

 

Nous remercions le sénateur Marcello Pera pour sa généreuse disponibilité et lui posons quelques questions pour mieux comprendre ce que Ratzinger a représenté par rapport à la culture européenne et occidentale, et donc quel vide la mort de Benoît XVI laisse dans l'Église et en Occident.

 

Monsieur le Président Pera, peu d'intellectuels laïcs en Italie peuvent dire qu'ils ont connu et apprécié Benoît XVI comme vous l'avez fait. Comment est née votre relation et qu'est-ce qui vous a frappé dans la pensée de Ratzinger ?

 

La rencontre est née précisément de ce qui m'avait frappé chez lui. Je cultivais les études épistémologiques (c'était ma discipline universitaire) et je m'étais toujours opposé aux idées dans lesquelles, après une longue parabole commencée avec le néo-positivisme logique, la philosophie des sciences avait fini par plonger après Popper. Par exemple, la thèse selon laquelle le choix des grands paradigmes scientifiques ne dépend pas de manière décisive de preuves spécifiques mais est le résultat d'un processus de "conversion", que la vérité des grandes idées scientifiques, par exemple celles de Galilée par rapport à celles de Ptolémée, est interne à chacune d'elles car elle dépend de critères contextuels, que les paradigmes sont donc incommensurables, car deux scientifiques appartenant à deux paradigmes différents travaillent dans deux "mondes différents", etc. En bref, je connaissais le problème du relativisme. Un jour d'août 2004, j'ai lu le livre de Joseph Ratzinger, Foi, Vérité, Tolérance, publié par Cantagalli, et j'ai fait une découverte choquante pour moi, manifestement ignorant de ce genre d'étude : que le relativisme était un courant de pensée répandu même dans la théologie chrétienne. L'autorité de Ratzinger, dont j'avais lu l'Introduction au christianisme comme tant d'autres, ne m'a pas fait douter qu'il avait raison. J'étais stupéfait et troublé : comment cela était-il possible ? Que s'était-il passé, dans la religion du Verbe révélé et incarné, pour que la vérité ne soit plus absolue ? À mon retour de vacances, j'ai poursuivi mes lectures et j'ai demandé une visite à M. Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Après avoir rencontré dans un petit salon un jeune homme blond qui était alors son secrétaire, je suis entré dans son bureau, qui, je m'en souviens, était moins de la moitié de la taille du mien au Sénat. Nous avons commencé à parler, sans grand préambule ni introduction, de philosophie, de théologie, de christianisme. Je me souviens des sujets, mais surtout le ton de mon interlocuteur, sa silhouette, sa douceur et surtout son regard m'ont impressionné. Dans ma vie, j'avais été familiarisé avec des figures comme Popper, Kuhn, Feyerabend, mais bien que je ressente leur autorité, aucun d'entre eux ne m'avait jamais impressionné de la même manière. Je n'avais aucun doute : Joseph Ratzinger était grand. Non seulement parce que j'ai ressenti l'ampleur et la profondeur de sa culture, mais aussi en raison d'un trait de caractère bien plus précieux : un homme qui sait se tenir sur un pied d'égalité avec les autres, qui discute et questionne, sans ton de cathedra. Les yeux n'ont pas trahi. Le sourire n'a pas menti.

 

En tant que laïc libéral, et même en tant que "grand libéral [...] certainement le plus illustre homme politique libéral-conservateur de l'Italie d'aujourd'hui", pour reprendre les termes que Mgr Crepaldi vous a réservés à Trieste, qu'avez-vous trouvé chez Ratzinger de stimulant, d'impliquant et de convaincant ? Y a-t-il eu une difficulté initiale à comprendre et à intégrer la pensée théologique de Ratzinger dans votre système de pensée, ou y a-t-il eu une convergence immédiate des idées ?

 

Aucune difficulté de compréhension, mais une consonance immédiate des idées. Il était clair pour moi que si le relativisme nuit à la science, parce qu'il la réduit uniquement à une "culture", une "tradition", un "récit", le relativisme théologique et religieux a des conséquences pernicieuses pour le christianisme. Si la vérité est relative, le Christ rédempteur de l'humanité n'a aucun sens. Pas seulement ça. Peu de temps s'est écoulé depuis le 11 septembre 2001 : si le christianisme n'était qu'une culture parmi d'autres, la civilisation chrétienne n'aurait aucun fondement ni mérite particulier. Alors les terroristes islamiques ont eu raison de nous considérer comme des impérialistes et de nous combattre en tant que "juifs et chrétiens". Souvenez-vous et réfléchissez : nous avons été considérés comme coupables non pas tant pour nos actes que pour notre être. Maintenant, on peut se qualifier de séculariste tant qu'on veut, on peut faire la sourde oreille et même contrecarrer le message du Christ tant qu'on veut, mais c'était un fait inacceptable : le christianisme était un ennemi ! Sauf que le christianisme n'est pas seulement une foi, c'est une foi qui a baptisé une civilisation : celle de la dignité des hommes, de la liberté, de la responsabilité, de l'égalité. Détruisez le christianisme et vous aurez détruit cette civilisation. Reléguez la foi chrétienne au rôle d'un récit et vous aurez perdu notre fondement. Et notre identité aussi : car si les autres vous frappent parce que vous êtes juif et chrétien et que vous ne donnez aucun poids à cet être, alors les autres sont quelqu'un et vous n'êtes personne, n'ayant rien à défendre. C'est la leçon, très personnelle, que j'ai tirée de la tragédie du 11 septembre et que j'ai renforcée lors de mes rencontres avec Ratzinger. Il avait de la lucidité et du courage.

Un problème subsiste cependant. Historiquement, je suis un homme de la modernité : je viens après le schisme protestant, la naissance de la science expérimentale, le cogito de Descartes, l'ego de Kant, etc. Et qui dit modernité dit raison. Même si je ne suis pas prêt à la considérer comme "notre seule règle et boussole", comme le disait Locke, il ne fait aucun doute que la raison est exigeante : elle ne peut rien admettre qui lui soit contraire. Elle doit encore avoir son mot à dire. Comprenons cela par un exemple (c'est celui de Kant) : même si une voix intérieure, dominante, me disait : "Je suis ton Dieu, suis-moi !", la raison doit avoir un moyen de s'en assurer, ou plus précisément de s'assurer qu'il ne s'agit pas de la voix d'un malin. Donc, ma foi doit s'entendre avec ma raison. Après tout, si Dieu m'a donné le don des deux, il doit y avoir un moyen - caché, difficile, laborieux comme vous voulez - de les concilier. Et là aussi Ratzinger a été grand : dans sa pensée, qui a toujours défendu l'" hellénisation " du christianisme, c'est le logos qui se révèle. La foi s'habille de raison, et la raison est perdue si elle ne reconnaît pas qu'elle opère sur des présupposés de la foi. La foi n'est pas rationnelle, ce qui est rationnel c'est le besoin de la raison pour la foi. Je n'ai jamais réussi à faire croire à Ratzinger que, ne serait-ce que pour cette raison précise - la raison qui cherche et produit la foi - Kant mérite d'être reconnu comme un chrétien moderne. Certes, il était luthérien, mais un luthérien authentique n'est-il pas un augustinien strict ? Quoi qu'il en soit, quel trésor de discussions j'ai perdu à jamais !

 

Politiquement, le Magistère de Benoît XVI aurait pu inspirer une identité culturelle chrétienne euro-occidentale renouvelée et s'offrir comme une pensée de référence pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans l'univers idéologique progressiste, dans le relativisme éthique et le globalisme apatride, c'est-à-dire pour les forces conservatrices et identitaires d'Europe, des États-Unis et d'Amérique latine. À votre avis, comment les forces politico-culturelles conservatrices/identitaires européennes et américaines ont-elles réagi à l'appel extrême de Benoît XVI ? Ont-ils été à la hauteur du défi ? Qu'est-ce qui, à votre avis, a empêché un réveil politico-culturel chrétien en Italie et en Europe tel qu'il correspondrait à l'appel de Benoît XVI ?

 

"Vous avez manqué une grande occasion", m'a-t-il dit un jour, alors qu'il était émérite et que nous, centre-droit, avions perdu le gouvernement. Je lui ai répondu avec sincérité et aussi avec amertume : "c'est vrai, mais l'Église ne nous a pas aidés non plus". Parce qu'il y avait déjà deux églises chrétiennes catholiques au moment de son pontificat : la sienne, celle du christianisme comme salut, et celle, sécularisée, du christianisme comme justice. Comme dans la fresque de l'école d'Athènes : l'un avec le doigt et le regard vers le haut, l'autre vers le bas. L'un voulant corriger le monde, l'autre allant à la rencontre et absorbant le monde, sous prétexte de "se mettre à jour". Benoît XVI avait le soutien de nombreuses personnes qu'il avait réunies sous le nom de "minorités créatives", il était soutenu par des intellectuels laïques, il était soutenu aux États-Unis par le président Bush. Mais le soutien a été timide, la peur, la circonspection et la prudence se sont insinuées. Jusqu'à ce que, après la leçon de Ratisbonne, tout s'écroule. Aucun chef d'État ou de gouvernement ne s'est levé pour défendre Benoît XVI, pour dire qu'il ne s'agissait pas de la liberté de culte de l'islam, mais des instruments violents que l'islam utilisait et ne reniait pas. Même ces jours-ci, j'ai lu par hasard une dame qui disait que Ratzinger avait cité Manuel le Paléologue "hors contexte" ! Et donc, par manque de courage, par peur et par lâcheté, par calcul et par ruse, les choses ont mal tourné. Le pape qui avait tenu les participants au Collège des Bernadins à Paris, à Westminster Hall à Londres, au Reichstag à Berlin, qui avait amené le président laïc Sarkozy à dire à Rome que la France est chrétienne, qui avait interpellé les laïcs sur les racines de l'Europe dans une salle du Sénat italien, a été abandonné. Il a été obligé de s'expliquer, de se justifier, d'ajouter des notes de bas de page. S'il s'agissait d'une guerre de civilisations, alors la civilisation chrétienne reculait. Il est difficile d'expliquer pourquoi les choses se sont passées ainsi. Je pense que la bombe à retardement qui a été déclenchée avec Vatican II, et que Woytila et Ratzinger avaient essayé de désamorcer avec leur herméneutique de la continuité, a finalement explosé. Les cataractes se sont ouvertes, au point qu'aujourd'hui nous sommes à la Terre Mère, c'est-à-dire à la renaissance du paganisme, et du syncrétisme. J'entends encore parler de Dieu, mais peu du Christ ; j'entends dire que la miséricorde et le pardon l'emportent sur le jugement ; je n'entends plus l'expression "péché originel". Nous revenons à la bonne vieille époque russe, celle de l'homme bon, angélique, incorruptible, victime irréprochable de la culture perverse. Ou à l'époque de Pelagius, de l'homme qui s'en sort par ses propres forces. Comme si la chute était un mythe. Avec la complicité coupable de l'Église, les laïcs sont en train de gagner.

 

Toutes les grandes batailles menées par Ratzinger-Benoît XVI, tant ecclésiales que politico-culturelles, semblent aujourd'hui perdues. L’Église semble être en proie à un processus révolutionnaire radical, tant l'enseignement de Benoît XVI est éloigné de ce que disent les Hiérarchies aujourd'hui. C'est précisément le sens de la marche qui a été inversé sur le plan doctrinal, liturgique, moral, socio-politique. Il n'y a pas moins de distance entre les avertissements de Ratzinger dans le domaine politico-culturel et l'état dans lequel se trouve l'Occident aujourd'hui. Voit-il encore possible une "re-conversion" de l'Occident au Christ, une nouvelle unité de la foi et de la raison, de la foi et de la culture, de la foi et de la politique, ou la dérive nihiliste et post-anti-chrétienne de l'Occident est-elle humainement imparable ? La parole de Benoît XVI était-elle une prophétie ou un rêve ?

 

L'histoire, excusez-moi, est une pute. Elle accompagne tous les clients qu'elle rencontre et change constamment de goût. Elle va donc changer à nouveau. Mais sur une conversion au Christ des peuples européens, j'ai des doutes, du moins pour les prochaines générations. Je crains que nous devions boire la coupe amère pendant un certain temps encore. Nous vivons dans une époque déchristianisée qui pense que la déchristianisation est une bonne chose. Nous pensons être de plus en plus libres, mais au contraire, l'absence de sens des limites, de l'interdit, du péché, nous rend plus esclaves. Nous sommes devenus des créateurs de droits fondamentaux : une contradiction pour ceux qui croient en ces droits, car s'ils sont fondamentaux, ils ne peuvent être créés par nos lois. Par conséquent, nos profanes rationalistes doivent démêler un dilemme et prendre position : soit les droits fondamentaux dépendent de lois positives et alors ils sont conventionnels et intéressés, comme les faveurs électorales, et ne sont donc pas des droits, soit s'ils sont fondamentaux, il existe une loi supérieure aux lois positives.

 

Fruit de nombreuses années d'étude, il publie en 2022 le volume Lo sguardo della Caduta. Augustin et l'orgueil de la laïcité (Morcelliana, Brescia), un dialogue intense entre elle et l'évêque d'Hippone dans lequel le libéral Marcello Pera cherche dans le vieil Augustin une réponse au mal qui ronge l'Occident aujourd'hui. Ratzinger peut sincèrement se dire disciple d'Augustin puisque sa pensée se situe dans la ligne augustinienne-bonaventurienne. Ratzinger et Pera sont-ils également unis par Augustin ? Et quel est le remède qu'Augustin offre à l'Occident malade ?

 

Si l'on pense à un remède politique, aucun. Augustin ne croit pas à la politique, et surtout pas que la politique puisse être une voie de salut. Il n'y a pas de recettes politiques dans l'Évangile, il n'y en a pas chez Paul, sauf "obéissez aux autorités", il ne peut pas y avoir d'État chrétien, même les gouvernants chrétiens ne peuvent pas en construire un. La raison en est simple : on n'atteint pas, ni même n'approche, la Cité de Dieu en utilisant des moyens séculiers. L'État ne sert qu'à nous défendre de nous-mêmes. Votre devoir est de croire et de convertir votre amour. L'effort est individuel : lorsqu'il devient collectif, nous en tirerions également un bénéfice politique, mais celui-ci ne serait jamais stable, car même la meilleure société terrestre est affectée par des vices et transitoire. Mais si dans le positif il n'y a jamais de certitude d'un royaume sur terre, dans le négatif il y a une certitude : si vous négligez l'effort de salut, si vous vous détournez de la vérité, si vous poursuivez des idoles profanes, alors il n'y aura pas non plus de société décente. C'est le cas en Occident. Tel qu'il est aujourd'hui, il est perdu. J'ai tiré beaucoup d'inspiration et de bénéfices de Ratzinger. Il est certain que Ratzinger a été très influencé par Augustin et Bonaventure. Par rapport aux autres, sa théologie politique est pauvre, et à juste titre.

 

Avez-vous parlé de cette interrogation d'Augustin et des réponses qu'Augustin vous a données avec Benoît XVI ? Les réponses de l'Augustin de Pera coïncident-elles avec celles de l'Augustinien Ratzinger ?

 

J'ai eu le temps de converser avec lui sur Augustin et Kant et sur ma critique de la raison séculière. Je le remercie encore de m'avoir encouragé. Je regrette d'être arrivé en retard pour poursuivre la discussion. C'est pourquoi je me compare à sa mémoire et à ses écrits.

 

Dans Le regard de la chute, il y a, à mon avis, beaucoup de Ratzinger, même ce que l'on pourrait identifier comme faiblesse/contradiction en ce qui concerne le rapport avec la modernité politique, le jugement sur le libéralisme. En effet, si Augustin est identifié comme le maître et le thérapeute dont il faut tirer la recette pour guérir l'Occident malade, et que la recette d'Augustin est résolument "non libérale", voire, sur des points fondamentaux, illibérale (dans le sens d'antithétique aux postulats de l'idéologie libérale), comment peut-on espérer faire tenir ensemble la démocratie libérale qui constitue l'identité politique de l'Occident avec le remède "non libéral" augustinien ? Guérir le mal de l'Occident avec la médecine d'Augustin ne signifierait-il pas précisément nier le système libéral-démocratique et, en général, l'idée moderne de l'individu, de la société, de l'État, de la politique, du droit, etc. Cela n'impliquerait-il pas la nécessité de libérer l'Occident de la prison idéologique de la modernité (donc aussi de l'idéologie libérale) pour le confier à nouveau à la Tradition chrétienne ?

 

Si vous voulez faire du libéralisme une cible, il est nécessaire, pour toucher la cible, de l'identifier précisément. Qu'entend-on par libéralisme? Une doctrine politique visant à sauvegarder la dignité et la liberté de l'homme contre l'ingérence de la société et de l'État. Le libéralisme s'oppose donc à l'État absolutiste, voire paternaliste, et est favorable aux droits inaliénables de l'homme. Il s'agit de droits, tels que l'égalité en valeur de l'homme, son irréductibilité en tant que simple moyen, sa liberté de pensée et de dévotion, qui sont fondamentaux en ce sens qu'ils ne sont créés par aucune autorité politique, mais respectés par elle comme limite de sa propre action. Comment sont-ils justifiés ? La position du libéralisme classique de Locke est bien connue : les droits fondamentaux sont justifiés parce que nous sommes créés, que nous sommes la propriété de Dieu et que nous lui sommes soumis, et Dieu ne pouvait pas vouloir que, en ce qui concerne "la vie, la liberté et la propriété", certains hommes soient soumis à d'autres ou aient moins de valeur que d'autres. Pourquoi ? Parce que Dieu nous aime et que nous devons être dignes de son amour. Ce libéralisme, évidemment, descend et s'inscrit dans un cadre chrétien, dont il accepte le premier enseignement : Dieu est caritas, amour donné à ses créatures, et nous devons l'honorer. Dans ce libéralisme, la priorité du devoir (envers Dieu) sur les droits prévaut clairement. C'est votre devoir envers Dieu qui donne lieu à mon droit d'être respecté par vous. Il est de mon devoir de ne pas supprimer une créature de Dieu qui donne naissance à mon droit à la vie. Et ainsi de suite.

Maintenant, changez quelque chose dans ce cadre. Supprimez le rôle de Dieu ou mettez-le de côté. Que deviennent désormais les droits fondamentaux de l'homme ? Rien de plus que des demandes d'individus ou de groupes accordées et protégées par l'État. Vous pouvez toujours les appeler fondamentaux, mais ce ne sont plus les mêmes : ce sont des libertés ou des licences garanties. En tant que telles, ils se multiplient, car ils n'ont plus de limite qui les restreigne : ce sont des désirs, puis des demandes, puis des revendications, puis des lois. Le régime politique qui tolère et permet tout cela s'appelle encore libéralisme, mais c'est une usurpation conceptuelle. C'est ce qui se passe en Europe et en Occident. Là où le christianisme disparaît, le libéralisme devient une anarchie éthique, la véritable "dictature du relativisme", comme l'ont appelée le pape Wojtila et le pape Ratzinger. Et vice versa. N'est-ce pas la meilleure preuve que le libéralisme et le christianisme sont conceptuellement congénères ? Et qu'un authentique libéral devrait défendre le christianisme ? Lorsqu'Augustin dit que l'État a besoin d'un lien social religieux, n'est-ce pas comme s'il disait aux libéraux d'aujourd'hui : au moins retournez à vos origines ?

 

L'Église de Léon XII, Grégoire XVI, le bienheureux Pie IX, Léon XIII, Saint Pie X ou Pie XI n'avait aucun problème à condamner la modernité idéologique et la démocratie libérale, mais avec Vatican II, la perspective a changé et le jugement est devenu résolument ambigu. Cette "ambiguïté de jugement" à l'égard de la modernité politique (et donc aussi à l'égard de la démocratie libérale) perdure tout au long de la période post-conciliaire, il suffit de penser au jugement de l'Église sur la démocratie ou les droits de l'homme. Ratzinger n'en est pas exempt non plus. Je vous demande, vous sachant capable de liberté de jugement et de véritable honnêteté intellectuelle, avec une franchise quelque peu provocante : les papes pré-conciliaires n'avaient-ils pas raison ? La démocratie libérale ne serait-elle pas le problème, la maladie dont souffre l'Occident ?

 

Parmi mes livres, il y en a un que je chéris : Droits de l'homme et christianisme. De toute évidence, personne, surtout parmi les hommes d’Église, ne veut le lire. Je ne me plains pas. Mais si l'on fait défiler le texte, on verra que je rends hommage à ces papes pour avoir été prophétiques. Ils ne sont plus à la mode, je comprends. Mais comment aller au fond de leur argument, à savoir que si l'on définit les droits de l'homme comme la propriété de l'homme, ceux-ci deviennent des droits positifs des États, qu'ils donnent et nient ? C'est, à mon avis, également ce qui se produit aujourd'hui sous la responsabilité de l'Église. Quand la constitution pastorale de l'Église dans le monde de ce temps ''Gaudium et Spes'' déclare "proclamer les droits de l'homme au nom de l'Évangile", elle prend elle aussi un raccourci dangereux : elle oublie qu'il faut d'abord passer par les devoirs de l'homme envers Dieu. Seuls ces devoirs rendent admissible le tri des droits. Sinon, il n'y a aucun moyen d'arrêter l'avortement, l'euthanasie, les mariages homosexuels, etc. À cet égard, j'aime rappeler Mazzini : "Certes, les droits existent ; mais lorsque les droits d'un individu entrent en conflit avec ceux d'un autre, comment peut-on espérer les concilier, les mettre en harmonie, sans recourir à quelque chose de supérieur à tous les droits ?" Je crois que Ratzinger était très clair sur cette priorité des devoirs sur les droits, mais il ne l'a pas toujours explicité clairement.

 

Benoît XVI a tenté l'exploit héroïque de sauver l'Occident de lui-même, d'empêcher son suicide. Il a également tenté de ressusciter l'Europe en la ramenant à son identité chrétienne... et tout cela, il ne l'a pas fait dans un contexte ecclésial solide et sûr, mais avec le rocher miné par les sables mouvants post-conciliaires. Il a tenté d'arracher l'Église au processus d'auto-démolition. C'était une bataille ad intra et ad extra. Que reste-t-il de tout cela ? Quel avenir voyez-vous pour l'héritage idéal de Joseph Ratzinger ?

 

Je m'attends à ce que Ratzinger devienne un saint pour avoir accompli un miracle... un miracle collectif, et s'il le sera, ce sera pour cette seule raison : avoir stoppé et inversé l'auto-démolition de l'Occident chrétien. C'était son engagement, ça a toujours été sa mission. Que Dieu, quand et comme il le veut, lui accorde le succès.

 

Merci, Monsieur le Président !

Don Samuel Cecotti

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2023 6 21 /01 /janvier /2023 00:00

Patronne des couples, des chastes, des victimes de viols et des scouts.

Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 8.

Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 8.

La fête de ce jour nous rappelle un des plus touchants et des plus beaux triomphes de la foi chrétienne ; elle nous montre une faible enfant sacrifiant, pour l'amour de Jésus-Christ tout ce que le monde a de plus séduisant : noblesse, fortune, jeunesse, beauté, plaisirs, honneurs.

 

Son nom, d'origine grecque, signifie "pure, chaste".

Agnès, enfant de l'une des plus nobles familles de Rome, se consacre au Seigneur dès l'âge de dix ans. Elle a à peine treize ans quand un jeune homme païen, fils du préfet de Rome, la demande en mariage, lui promettant mille richesses ; mais Agnès prétend être promise à un noble encore plus riche. Elle lui fait cette belle réponse :

"Depuis longtemps je suis fiancée à un Époux céleste et invisible ; mon cœur est tout à Lui, je Lui serai fidèle jusqu'à la mort. En L'aimant, je suis chaste ; en L'approchant, je suis pure ; en Le possédant, je suis vierge. Celui à qui je suis fiancée, c'est le Christ que servent les Anges, le Christ dont la beauté fait pâlir l'éclat des astres. C'est à Lui, à Lui seul, que je garde ma foi."
 

Peu après, à douze ans, la noble enfant est traduite comme chrétienne devant le préfet de Rome, dont elle avait rebuté le fils ; elle persévère dans son refus, disant : "Je n'aurai jamais d'autre Époux que Jésus-Christ." Le tyran veut la contraindre d'offrir de l'encens aux idoles, mais sa main ne se lève que pour faire le signe de la Croix.
 

Supplice affreux pour elle : le préfet la fait conduire toute nue à travers Rome, jusqu'à un lupanar pour être violée par le fils du préfet. Tous assistent à ce prodige incroyable: alors qu'on veut l'approcher, elle crie : "Je ne crains rien, mon Époux Jésus, saura garder mon corps et mon âme !" À cet instant, ses cheveux croissent soudain et couvrent son corps dénudé, une lumière l'environne et elle voit son ange à ses côtés. Le jeune homme qui veut l'approcher est foudroyé à l'instant. Compatissante et pardonnant, Agnès le relève et le rassure. Et nouveau prodige, le jeune homme changé par la grâce, se déclare chrétien.

Sainte Agnès de Rome, vierge et martyre († 304)

Agnès est jetée sur un bûcher ardent, mais le feu n'atteint pas sa chair : les flammes la respectent et forment comme une tente autour d'elle et au-dessus de sa tête.

Pour en finir, le juge la condamne à avoir la tête tranchée. Le bourreau tremble ; Agnès l'encourage : "Frappez, dit-elle, frappez sans crainte, pour me rendre plus tôt à Celui que j'aime ; détruisez ce corps qui, malgré moi, a plu à des yeux mortels." Le bourreau frappe enfin, et l'âme d'Agnès s'envole au Ciel.

 

Lorsque le martyre d'Agnès fut consommé, ses restes furent recueillis et portés dans une villa de la famille, non loin de la voie Nomentane ; on a cru retrouver cette villa dans le monastère de Sainte-Agnès-hors-les-Murs.

S. Damase

Quand la paix fut donnée à l'Église, les malades affluèrent au tombeau d'Agnès. Constance, qu'on a dite fille de Constantin le Grand fut guérie par l'intercession de sainte Agnès.

Au tombeau de cette sainte, le pape Libère (352-366) fit mettre des tables de marbre, sur l'une de ces tables; saint Damase, 37e évêque de Rome (366-384) inscrivit les louanges d'Agnès et y mentionna le nom de Constance. Cette princesse avait, en 321, résolu d'élever une basilique sur le tombeau : ce fut Sainte-Agnès-hors-les-Murs.

Ses attributs sont l'agneau et la palme. Elle est vénérée universellement.

 

 

Image illustrative de l'article Innocent IerVers 410, Innocent Ier mit la basilique et son cimetière sous la juridiction du prêtre titulaire de Saint-Vital.

 

Les récits du V° siècle font allusion à la conservation du corps sous l'autel majeur de Sainte-Agnès-hors-les-Murs. Il y eut des réparations, sous Symmaque, Honorius Ier ; des dévastations par les Lombards en 755, puis des réparations sous Adrien Ier, en 773.

 

Près de la basilique se trouvait un monastère de religieuses basiliennes grecques auxquelles Léon III fit des dons magnifiques pour l'ornementation de l'église. En somme, jusqu'au IXe siècle, les reliques de sainte Agnès restèrent intactes dans le tombeau où l'on avait placé aussi le corps de sainte Émérentienne (23 janvier) ; sous Pascal Ier (817-824), les religieuses grecques furent remplacées par des bénédictines ; le corps de sainte Émérentienne fut tiré du tombeau, son chef resta à la basilique de la voie Nomentane, mais sans être placé sous l'autel. Le corps de sainte Agnès resta dans le tombeau, sous l'autel majeur ; le chef en fut détaché pour être porté dans la chapelle du palais pontifical du Latran, appelée Sancta sanctorum. En 877, Jean VIII pouvait emporter dans ses voyages le chef de sainte Agnès ; de là, diverses translations et repositions pendant les XIVe et XVIe siècles. Il était dans un reliquaire donné par Honorius III, on en a fait une reconnaissance en 1903.

 

Quant au corps de sainte Agnès, la reconnaissance qui en fut faite l'an 1605 en constate la présence à Sainte-Agnès-hors-les-Murs.

 

Une pratique annuelle observée dans cette basilique a quelque rapport symbolique avec la sainte elle-même. Chaque année, après la messe solennelle du 21 janvier, l'abbé de Saint-Pierre-ès-Liens bénit deux agneaux qui ont été donnés à titre de redevance au chapitre de Saint-Jean-de-Latran ; les chanoines de ce chapitre desservent maintenant la basilique de Sainte-Agnès-hors-les-Murs ; ils offrent au pape ces deux agneaux bénits dont le soin est confié aux religieuses du couvent de Saint-Laurent in Panisperna ; elles en recueillent et tissent la laine pour la confection des palliums.

 

Outre la basilique de Sainte-Agnès-hors-les-Murs, Rome possédait plusieurs églises construites en l'honneur de sainte Agnès dont deux ont disparu : celle du Transtevere et S. Agnese ad duo furna ; en revanche, il existe encore, place Navonne, S. Agnese in Agone, à l'endroit même où s'élevaient les arcades du stade de Domitien, là où la tradition latine place l'exposition et le supplice de sainte Agnès.

 

À Paris, au début du XIIIe siècle, sainte Agnès possédait une chapelle, près des Halles, qui fut plus tard érigée en église paroissiale sous le vocable de Saint-Eustache où Augustin de Saint-Aubin dessina la châsse de sainte Agnès, telle qu'il la voyait, vers 1779, dans le recueil de Stockholm. Lepautre sculpta une sainte Agnès sur le banc d'oeuvre.

 

PROTECTRICE : Des vierges, des fiancées (elle est fiancée au Christ) et des jardiniers (parce que la virginité est symbolisée par un jardin clos, l'hortus conclusus).

Sainte Agnès de Rome, vierge et martyre († 304)

Sources: (1Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950, (2); (3) Missel du Dimanche 2019, Nouvelle traduction liturgique, Année C, Artège Bayard, Lonrai 2018, p.169-170; (4) Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne - hachette Livre, 2011, p. 8 ; (5) Rosa Girogi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006 , p. 50-51.

Partager cet article
Repost0
20 janvier 2023 5 20 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Sébastien, dans Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 165.

Saint Sébastien, dans Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 165.

Gaulois, dont le père était de Narbonne et la mère, de Milan, Sébastien fut cher à Dioclétien pour sa noblesse et sa bravoure. Il naît à Narbonne vers 260 ap. J.-C. de parents chrétiens. Adulte, il choisit de devenir archer dans une des nombreuses compagnies romaines. Il devint capitaine.

Chef de la première cohorte, il assistait les chrétiens, dont il partageait la foi en secret. Il encourageait par ses exhortations ceux qui chancelaient. De ce nombre furent Marc et Marcellin, deux jeunes patriciens, arrêtés comme chrétiens. Leurs parents, leurs amis les conjuraient d'éviter la mort en reniant leur foi; saint Sébastien, qui les visitait souvent, soutint leur courage, et convertit leurs pères, leurs mères, leurs femmes, leurs enfants et beaucoup d'autres païens. 

Impressionnée par les paroles de Sébastien, une femme muette nommée Zoé s'approche du militaire, qui lui rend alors la parole. Ce miracle impressionne grandement les témoins de la scène, qui se convertissent ensuite en nombre, ce qui donne lieu à de nouvelles guérisons.

 

La nouvelle de ces événements ne tarde pas à se répandre et arrive bientôt jusqu'à Chromace, préfet de la ville de Rome. Atteint d'une maladie grave, celui-ci sollicite l'aide de Sébastien et du prêtre Polycarpe, qui promettent de le guérir s'il permet la destruction d'un grand nombre d'idoles. Ce n'est cependant qu'après que Chromace a renoncé à s'adonner à la divination qu'il retrouve la santé, non sans qu'un ange soit apparu dans son palais. Ce nouveau miracle amène la conversion de 4 000 personnes, issues de la maison du préfet.

Ces faits furent dénoncés à Dioclétien: il ordonna d'attacher Sébastien à un poteau et de cribler son corps de flèches. Ce genre de supplice était sans doute militaire. Sébastien fut laissé pour mort. Une sainte femme, Irène, le fit enlever, pendant la nuit, pour l'ensevelir; mais il fut retrouvé vivant. Elle le fit soigner chez elle et il se rétablit. Dès qu'il fut en état de sortir, le 20 janvier 290 il vint se mettre sur le passage de l'empereur, qui se rendait au temple; celui-ci fut d'abord terrifié de cette apparition. Le martyr lui reprocha de persécuter des sujets fidèles qui le servaient loyalement et priaient pour lui. Dioclétien passa de la stupéfaction à la fureur contre le jeune officier; il le fit battre de verges jusqu'à ce qu'il expirât sous les coups; puis il ordonna de le jeter dans un cloaque (cloaca maxima) "pour que les chrétiens" n'en fassent pas un martyre. Une pieuse chrétienne, Lucine, fit retirer son corps qui fut enseveli dans les catacombes, au lieu où s'éleva plus tard la magnifique église de Saint-Sébastien.

 

Sainte Lucine faisant retirer le corps de saint Sébastien de la fosse, fresque de la Chapelle Saint-Sébastien de Venanson

 

En 680, une peste frappa Rome. Le fléau cessa après qu'une procession se fut rendue à l'église de Saint-Pierre-aux-Liens avec des reliques de Sébastien (Paul Diacre, Historia Langonardorum, VI, 5); invoqué à Pavie dans les mêmes circonstances, il obtint le même miracle.

Les flèches demeurent à l'origine d'autres vocations du saint : elles justifient que les archers, les arquebusiers et les soldats l'aient adopté comme patron; il est aussi invoqué par les tailleurs de pierre, les tapissiers, les artisans des métaux, les jardiniers et les pompiers.



Traditionnellement, un tir est organisé autour du 20 janvier par chaque club ou compagnie pour fêter saint Sébastien.

 

Claude Debussy: Le martyre de Saint-Sébastien (1911)

The Prélude to Act I (La cour des lys)

 

Debussy - Le Martyre de Saint Sébastien (II)

 

Saint Sébastien, martyr († 288)

Sources : (1) Mgr Paul Guérin, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Editions D.F.T., Argentré-du-Plessis 2003 ; (2) Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p.  1071

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2023 4 19 /01 /janvier /2023 00:00
Saints Marius, Marthe, Audifax et Abacum, martyrs († 270)

Marius était un notable perse qui s'était converti avec son épouse Marthe et ses deux enfants Audifax et Abacum.

Il  se trouvait avec sa famille à Rome en pèlerinage sous le règne de Claude le Gothique (268-270) pour vénérer le tombeau des saints apôtres Pierre et Paul. Ils aidaient la communauté chrétienne à soulager les victimes de la persécution, à visiter les prisonniers et à ensevelir dignement les chrétiens exécutés, quand ils furent reconnus comme chrétiens.

Arrêtés, le juge Muscianus les fit torturer mais ils n'abjurèrent pas. Refusant toute proposition d'idolâtrie, ils furent condamnés : les trois hommes furent décapités et Marthe périt noyée.

 

Sources : 1, 2, 3

Partager cet article
Repost0
18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 00:00
Sainte Prisca, ou Priscille, Vierge et martyre († 268-270)

Prisca fut martyre sous le règne de Claude le Gothique (268-270). Elle est vénérée à Rome où une église lui est dédiée dur l'Aventin. 

Les Acta Sanctorum racontent l'histoire d'une fillette de 13 ans qui fut emprisonnée du temps de l'empereur Claude pour avoir refusé d'adorer la statue d'Apollon. Comme elle avait persévéré dans sa foi chrétienne, elle fut flagellée et condamnée à être livrée aux fauves dans le Cirque Maxime. Cependant les lions, au lieu de la dévorer, se couchèrent à ses pieds. Alors, la jeune fille fut de nouveau emprisonnée, flagellée et condamnée au bûcher. Mais les flammes la laissèrent intacte. À la fin, elle fut conduite au dixième milliaire de la voie Ostiense où elle fut décapitée. (Parrocchia di Santa Prisca all'Aventino - Roma)

Sainte Prisca, ou Priscille, Vierge et martyre († 268-270)

À Rome, commémoraison de sainte Prisque, au nom de qui une basilique fut dédiée à Dieu sur l'Aventin avant la fin du Ve siècle.


Martyrologe romain

Sainte Prisca, ou Priscille, Vierge et martyre († 268-270)


Sources : 1, 2, 3

Partager cet article
Repost0
17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 00:00
Sainte Roseline de Villeneuve, vierge, moniale chartreuse (1263-1329)

Fille aînée d'Arnaud de Villeneuve et Sybille de Sabran, Roseline naît au Château des Arcs le 27 janvier 1263. Très vite l'enfant fait preuve d'une grande bonté : elle distribue sans compter des réserves du Château aux pauvres du castrum malgré l'interdiction de son père. (1)

Au contact de sa tante Jeanne, Prieure du monastère de la Celle-Roubaud, Roseline souhaite devenir religieuse chartreuse mais son père a pour elle un projet de mariage. Devant la persévérance de sa fille, le père finit par s'incliner. Elle entre à la Chartreuse en 1278.

En 1285, elle retourne à la Chartreuse de La Celle Roubaud Aux Arcs, pour la plus grande joie de sa famille et des Arcois.

En 1288, elle est consacrée comme diaconesse par l'Evêque de Fréjus et devint prieure de 1300 à 1328. Elle se dépense sans compter, s'interdisant de dormir plus de 4 heures par nuit, vivant dans un état de prière et d'union à Dieu continuel, aidant les pauvres qui viennent frapper à la porte du couvent où Roseline et ses religieuses se privent de nourriture. (2)

 

Le Miracle des roses. Roseline et son père Arnaud de Villeneuve, tableau de l'église Sainte-Roseline de Roquefort-la-Bédoule.

 

Roseline est rattachée à ce que l'on appelle "Le miracle des Roses". La généreuse fille du seigneur du village se cachait pour donner à manger aux pauvres qui la sollicitaient. Un matin, Arnaud, qui se doutait des largesses de sa fille, se cache près du cellier pour la confondre… Il ne tarde pas à la voir arriver, le tablier chargé de victuailles. Lorsqu'il lui demande de montrer le contenu de son tablier, Roseline (prenant, dit-on, Dieu à témoin) ouvre craintivement son tablier duquel dépasse une brassée de roses en lieu et place de la nourriture subtilisée. (3)

En 1300, à l'âge de 37 ans elle succède à sa tante comme Prieure. Plusieurs miracles dont "le repas des anges" se sont produits depuis son noviciat.

Elle expire le 17 janvier 1329 à l'âge de 66 ans. 

Exhumé 5 ans après sa mort, son corps est retrouvé intact et ses yeux ouverts avaient conservé tout leur éclat. Afin que les fidèles puissent l'honorer, son corps fut placé dans une châsse et les yeux sertis dans un reliquaire. (4)

"Sainte Roseline de Villeneuve [...] est un cas exceptionnel; exhumée en 1334, 1614, 1644, 1657, 1835, 1929 puis 1991, l'incorruptibilité est chez elle affaire de long terme !

En 1835, les médecins observent des 'yeux frais' tandis qu'en 1929 on évoque une peau 'noircie' et légèrement 'desséchée', et qu'en 1911 sont identifiées des traces de moisissure." (5)

En 1660, soit plus de trois siècles après sa mort, Louis XIV souhaita vérifier la réalité de ce prodige. Croyant à une supercherie, son médecin Vallot creva l'œil gauche, la prunelle se troubla instantanément, les yeux étaient bien naturels.

 




Chapelle Sainte-Roseline (XIe siècle)
 


Aujourd'hui, le reliquaire des yeux* et la châsse en cristal où repose le corps sont toujours exposés aux fidèles et aux touristes, dans l’ancienne chapelle du monastère de la Celle-Roubaud, édifice construit au XIe siècle, devenu Chapelle sainte Roseline, sur la commune des Arcs dans le Var, classé monument historique en 1980.

Cinq pèlerinages se déroulent chaque année : le 17 janvier, anniversaire de la mort de Sainte-Roseline ; le cinquième dimanche de Carême ; le dimanche de la Sainte-Trinité, jour de l'exhumation du corps de la sainte ; le 1er dimanche d'août et le dimanche le plus proche du 16 octobre, ancienne fête de la Grande Chartreuse.
 

***

Sources : (1); (2); (3) ; (4); (5) Patrick SBALCHIERO, Enquête sur les miracles dans l'Église catholique, Artège, Paris 2019, p. 159.

Partager cet article
Repost0
16 janvier 2023 1 16 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Marcel, Pape et martyr

Romain d'origine, Marcel fut choisi le 21 mai 308, pour succéder à saint Marcellin, martyrisé deux mois auparavant. Il siégea sous le règne de Maxence, cinq ans, six mois et vingt-et-un jours.

Devenu Pape, saint Marcel n'oublia point les exemples de vertus et de courage de son prédécesseur. Il obtint d'une pieuse matrone nommée Priscille, un endroit favorable pour y rétablir les catacombes nouvelles, et pour pouvoir y célébrer les divins mystères à l'abri des profanations des païens. Les vingt-cinq titres de la ville de Rome furent érigés en autant de paroisses distinctes, afin que les secours de la religion fussent plus facilement distribués aux fidèles. A la faveur d'une trêve dans la persécution, Marcel s'efforça de rétablir la discipline que les troubles précédents avaient altérée. Sa juste sévérité pour les chrétiens qui avaient apostasié durant la persécution lui attira beaucoup de difficultés.

L'Église subissait alors la plus violente des dix persécutions. Dioclétien venait d'abdiquer en 305, après avoir divisé ses États en quatre parties, dont chacune avait à sa tête un César. Maxence, devenu César de Rome en 306, ne pouvait épargner le chef de l'Église universelle. L'activité du Saint Pontife pour la réorganisation du culte sacré au milieu de la persécution qui partout faisait rage, était aux yeux du cruel persécuteur, un grief de plus.

Maxence le fit arrêter par ses soldats et comparaître à son tribunal, où il lui ordonna de renoncer à sa charge et de sacrifier aux idoles. Mais ce fut en vain: saint Marcel répondit hardiment qu'il ne pouvait désister un poste où Dieu Lui-même l'avait placé et que la foi lui était plus chère que la vie. Le tyran, exaspéré par la résistance du Saint à ses promesses comme à ses menaces, le fit flageller cruellement. Il ne le condamna point pourtant à la mort; pour humilier davantage l'Église et les fidèles, il l'astreignit à servir comme esclave dans les écuries impériales. 

Le Pontife passa de longs jours dans cette dure captivité, ne cessant dans la prière et le jeûne, d'implorer la miséricorde du Seigneur. Après neuf mois de détention, les clercs de Rome qui avaient négocié secrètement son rachat avec les officiers subalternes, vinrent pendant la nuit et le délivrèrent. Une pieuse chrétienne nommée Lucine donna asile au Pontife. Sa maison devint dès lors un titre paroissial de Rome, sous le nom de Marcel, où les fidèles se réunissaient en secret. 

Maxence en fut informé, fit de nouveau arrêter Marcel, et le condamna une seconde fois à servir comme palefrenier dans un haras établi sur l'emplacement même de l'église. Saint Marcel, Pape, mourut au milieu de ces vils animaux, à peine vêtu. La bienheureuse Lucine l'ensevelit dans la catacombe de Priscille, sur la voie Salaria. Les reliques de ce Souverain Pontife reposent dans l'ancienne église de son nom, illustrée par son martyre. Il fut le dernier des Papes persécutés par le paganisme, en ce temps.

 

Sources: 12 Abbeville F. Paillart, édition 1900, p. 16-17, 3 wikipedia

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2023 7 15 /01 /janvier /2023 21:14
https://www.catholicnewsagency.com/news/253342/filming-of-the-passion-of-the-christ-sequel-set-to-begin-this-spring

https://www.catholicnewsagency.com/news/253342/filming-of-the-passion-of-the-christ-sequel-set-to-begin-this-spring

De Francesca Pollio Fenton

 

Denver, Colorado, 15 janvier 2023 / 10h00

 

Le tournage de la suite très attendue de "La Passion du Christ" devrait commencer ce printemps. Le film, "La Passion du Christ : Résurrection", se concentrera sur les jours suivant immédiatement la crucifixion du Christ.

 

L'acteur, réalisateur et producteur Mel Gibson devrait commencer la production dans les prochains mois, selon World of Reel.

 

Alors que "La Passion du Christ" décrivait les scènes déchirantes et atroces de la crucifixion de Jésus, "Résurrection" se plongera dans les trois jours qui séparent sa mort de sa résurrection.

 

Jim Caviezel incarnera à nouveau Jésus. Reviennent également Maia Morgenstern en tant que Bienheureuse Vierge Marie, Christo Jivkov en tant que disciple Jean et Francesco De Vito en tant que disciple Pierre.

 

En 2016 , Gibson a révélé qu'il travaillait sur le projet depuis plusieurs années lorsqu'il a pris la parole lors de la Harvest Crusade du pasteur évangélique Greg Laurie dans le sud de la Californie.

 

"Cela s'appelle 'La Résurrection.' Bien sûr, c'est un sujet très vaste et il doit être examiné parce que nous ne voulons pas simplement en faire un simple rendu - vous savez, lisez ce qui s'est passé », a-t-il déclaré.

 

Caviezel a taquiné le projet en 2020 lors d'une interview avec Breitbart lorsqu'il a déclaré: "Mel Gibson vient de m'envoyer la troisième photo, le troisième brouillon. Ça arrive."

 

"Cela s'appelle 'La Passion du Christ : Résurrection.' Ce sera le plus grand film de l'histoire du monde", a déclaré Caviezel.

 

"La Passion du Christ" a rapporté plus de 612 millions de dollars dans le monde avec un budget de production de 30 millions de dollars. Cela en a fait l'un des films indépendants les plus réussis de l'histoire. C'était le premier film R-rated en Amérique du Nord à rapporter autant. Bien qu'il ait été nominé pour trois Oscars lors de la 77e cérémonie des Oscars, il n'a remporté aucun prix.

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2023 7 15 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Rémi, archevêque de Reims, Apôtre des Francs (438-533)

Né vers 436 à Laon dans l'actuel département département de l'Aisne (Hauts-de-France), forteresse imprenable construite par les Romains et ancien promontoire sacré des druides (Laudunum ou Lugdunum, provenant du dieu Lau ou Lug, divinité celtique du Vème siècle avant J.C), Rémi illustre l'église des Gaules par son savoir, son éloquence, sa sainteté et ses miracles.

 

L'histoire de sainte Clotilde nous a appris comment le roi des Francs, Clovis, son époux, se tourna vers le Dieu des chrétiens à la bataille de Tolbiac, et remporta la victoire. Ce fut saint Rémi, né en 438 à Cerny-en-Laonnois, près de Laon, du comte Émile de Laon (Emilius) et de sainte Céline (Célinie), dans la bonne société gallo-romaine, qui acheva d'instruire le prince.

 

Selon la tradition, ce qui rendait les parents de Rémi surtout recommandables, c'était leur zèle pour la pratique des vertus chrétiennes. Ils furent très attentifs au choix de ceux qu'ils chargèrent de l'éducation de leur fils; aussi Dieu bénit leurs soins, et, dès l'âge de vingt-deux ans, Rémi s'était acquis une telle réputation de science et de vertu, qu'on crut pouvoir passer par-dessus les règles ordinaires en l'élevant - malgré sa jeunesse - sur le siège de Reims, à vingt-deux ans. Un épiscopat de soixante-dix ans, et une suite non interrompue de grandes actions ont rendu son nom célèbre ! Évêque de Reims, Rémi géra avec application son diocèse, mettant en application ce qu'il prêchait dès 486 à Clovis, secourant les pauvres et les pèlerins, protégeant les veuves, nourrissant les orphelins, rachetant les captifs, affranchissant de nombreux esclaves, et jouant un rôle de médiateur auprès des barbares.

 

Par exemple, dans la célèbre lettre qu'il adresse à Clovis en 482, lors de l'accession au pouvoir du roi à la mort de son père Childéric, Rémi recommande : 

Une grande nouvelle est venue jusqu'à nous : vous avez hérité du gouvernement de la Belgique seconde. Rien d'étonnant à ce que tu sois à tes débuts ce que tes parents ont toujours été. À ce poste dominant, et si élevé, où t'a porté ton mérite et ton active humilité. Tu dois avant tout veiller à ce que le Seigneur ne te retire pas sa faveur.

[...] Soulage les habitants de ta province, réconforte les affligés, veille sur les veuves, nourris les orphelins - fais mieux, instruis-les -.

[...] Que ton Palais reste ouvert à tous, pour que personne ne s'afflige d'être tenu à l'écart. Tu détiens de ton père quelque richesses : tu t'en serviras pour délivrer les captifs et les délier du joug de la servitude. Que celui qui paraît devant vous ne se sente pas étranger.

M.C. ISAÏA, Rémi de Reims, Mémoire d'un saint, histoire d'une église, Cerf, Paris 2010, p. 777.

L'histoire du retour des vases sacrés (vases de Soissons), sans doute des vases de Reims, qui avaient été volés puis rendus à Rémi, témoigne des bonnes relations qui existaient entre lui et le roi Clovis.

Saint Rémi, archevêque de Reims, Apôtre des Francs (438-533)

Le baptême de Clovis

 

La nuit avant son baptême, Rémi alla chercher le roi, la reine et leur suite dans le palais; il les conduisit à l'église, où il leur fit un éloquent discours sur les grands mystères de la religion chrétienne et la vanité des faux dieux. Le Saint prédit à Clovis et à Clotilde les grandeurs futures des rois de France, s'ils restaient fidèles à Dieu et à l'Église. (Cf. Testament de S. Remi)

Saint Rémi, archevêque de Reims, Apôtre des Francs (438-533)

Quand fut venu le moment du baptême le 25 décembre 496, avec 3.000 de ses guerriers francs, Rémi dit au roi :

 

"Courbe la tête, fier Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré."

 

 

Au moment de faire l'onction du Saint Chrême, le pontife, s'apercevant que l'huile manquait, leva les yeux au Ciel et pria Dieu d'y pourvoir. Tout à coup, un ange descendit d'en haut, portant une fiole pleine d'un baume miraculeux ; le saint prélat la prit, et fit l'onction sur le front du prince. Cette fiole, appelée dans l'histoire la "sainte Ampoule", exista jusqu'en 1793, époque où elle fut brisée par les révolutionnaires.

Saint Rémi, archevêque de Reims, Apôtre des Francs (438-533)

Outre l'onction du baptême, saint Rémi avait conféré au roi Clovis l'onction royale. Deux sœurs du roi, trois mille seigneurs, une foule de soldats, de femmes et d'enfants furent baptisés le même jour.  

 

Rémi envoya ce message à Clovis :

Secourez les malheureux, protégez les veuves, nourrisez les orphelins... Que votre tribunal reste ouvert à tous et que personne n'en sorte triste ! Toutes les richesses de vos ancêtres, vous les emploierez à la libération des captifs et au rachat des esclaves. Admis en votre palais, que nul ne s'y sente étranger ! Plaisantez avec les jeunes, délibérez avec les vieillards !

Missel du Dimanche 2019, Nouvelle traduction liturgique, Année C, Artège Bayard, Lonrai 2018, p. 157-158.

Le saint évêque aurait rendu la vue à deux aveugles, conjuré d'un seul geste de sa main un incendie allumé par les démons et qui menaçait d'embraser toute la ville de Reims.

 

Sa sollicitude allait aux plus humbles créatures de Dieu, tels ces moineaux qui venaient familièrement picorer dans sa main les miettes de son repas.

Saint Rémi, archevêque de Reims, Apôtre des Francs (438-533)

Saint Rémi s'éteignit, âgé de quatre-vingt-seize ans, l'an 533. La basilique rémoise où il fut enseveli passa dès le milieu du VIe siècle sous son vocable. Dès lors Rémi fut vénéré comme principal patron de la ville de Reims : en 546, les habitants, pour écarter une épidémie de peste venant de Germanie, avaient porté en procession la pièce de tissu (palla) recouvrant le tombeau du saint évêque. Sa réputation de thaumaturge assura le développement de son culte  dans les régions voisines, en Lorraine, où le village natal de Jeanne d'Arc porte son nom (Domrémy), et en Alsace (Eschau), mais aussi en Provence (Saint-Rémi-de-Provence) et dans les régions alpestres du Trentin, du Tyrol et de la Bavière. Une première Vie de Saint Rémi fut rédigée peu après sa mort. Avant que cette biographie primitive disparût - ce qui advint très tôt -, Grégoire de Tours put s'en inspirer dans les chapitres de son Histoire des Francs.

 

Il est l'un des cinq patrons catholiques de France, avec S. Martin, S. Denis, Ste Jeanne d'Arc et Ste Thérèse de Lisieux.


Dans le diocèse de Reims, il est fêté le 1er octobre conformément à une tradition locale qui remonte à la fin du VIe siècle.

Tombeau de Saint Remi dans la basilique Saint Remi à Reims (Marne - Champagne-Ardennes)

Tombeau de Saint Remi dans la basilique Saint Remi à Reims (Marne - Champagne-Ardennes)

En mémoire du baptême de Clovis, les évêques de Reims ont été depuis en possession d'un droit de sacrer les rois de France.

Sources : (1) (2), (3) Vie des Saints pour tous les jours de l'année avec une pratique de piété pour chaque jour et des instructions sur les fêtes mobiles, Alfred Mame et Fils éditeurs, Tours 1867, p. 276; (4) Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 1022-1026.

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2023 5 13 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Hilaire, Évêque de Poitiers et Père de l'Église (315-367)
Saint Hilaire, Évêque de Poitiers et Père de l'Église (315-367)

Hilaire naît à Poitiers, probablement en 310 de parents païens. (1) Il est issu de l'aristocratie gallo-romaine de la cité de Lemonum (oppidum celte, ancien nom de Poitiers). En installant le jeune Saint Martin de Tours, son disciple, au monastère de Ligugé, il a établi la vie monastique en Gaule

Il fait de solides études à l'école des rhéteurs gaulois, soit à Bordeaux, soit même à Poitiers où enseignent les rhéteurs Rufus et Anastasius. Il étudie les philosophes païens. Cependant son âme ne pouvait se satisfaire du polythéisme, de cette multitude de divinités qu'on adorait autour de lui : Jupiter, Apollon, Mercure, Mars, Hercule, ni même de ces cultes venus d'Orient : Attis, Cybèle. Pour lui, Dieu ne peut qu'être unique.

Il découvre le prologue de l'Évangile de Jean, qui lui révèle l'existence du Verbe, de la Parole, "qui était auprès de Dieu et qui était Dieu" (Jn, 1,1). C'est une illumination. (2) 

Hilaire ne découvre le Christ qu'à l'âge adulte. Après une éducation toute profane, il secoue par les propres forces de son génie, aidé de la grâce, le joug absurde et impur du paganisme, et reçoit publiquement le baptême. 

D'abord père de famille païen, il se convertit à la foi chrétienne grâce à sa méditation des Écritures, dont ses commentaires sont encore aujourd'hui étudiés. C'est en lisant "Je suis celui qui est" (Ex 3,14) qu'il s'enthousiasme. Mais la mort reste une idée insupportable. Il trouve le plein rassasiement de sa faim spirituelle dans l'Évangile de saint Jean, l'évangile de l'Incarnation et de la Résurrection. À trente ans, il demande le baptême. (3)



saint Hilaire de Poitiers, enluminure de la Vita S. HilariiCe païen converti allait devenir l'une des plus brillantes lumières de l'Église, le marteau de l'hérésie et, dans la crise arienne, l'apôtre infatigable du dogme de la Sainte Trinité. Ce qui lui valut d'être appelé l'"Athanase de l'Occident".

Où n'est pas le Saint-Esprit, là est le diable.

Saint Hilaire cité in Mgr Jean-Joseph GAUME, Traité du Saint-Esprit, 1864, Rééd. Éditions Saint-Rémi, 2019, p. 62.

Hilaire est le premier grand docteur de la foi que la Gaule ait donné à l'ÉgliseSaint Denis qui avait été apôtre des gaules, martyr en 270, venait d'Italie. Saint Martin de Tours, qui accepta la fonction d'exorciste de son Église poursuivra son œuvre d'évangélisation de la Gaule

 

Hilaire compose le De Trinitate, un traité sur la divinité du Christ où il défend la consubstantialité du Fils avec le Père et réfute les arguments ariens, qui nient la nature divine du Christ. C'est dans le prologue de cet ouvrage "la Trinité" qu'il raconte lui-même les étapes de sa conversion.

 

Lorsque l'évêque de Poitiers vient à mourir, tous les fidèles le demandent pour pasteur. Il devient évêque de Poitiers en 350, sa ville natale.

 

La vertu d'Hilaire croissant chaque jour, on ne parle, dans toute la province de Poitiers, que de la pureté de ses mœurs, de sa modestie, de sa charité et de son zèle.

Si on usait de violence pour la défense de la Foi, les Evêques s'y opposeraient.

Saint Hilaire, cité dans Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XV, Témoignages contre l'Intolérance, 1763

Comme dans la plupart des Églises d'Occident, hors de Rome et de son cercle d'influence directe, saint Hilaire qui défend la doctrine catholique orthodoxe n'utilise ni ne connaît à ce moment les Symboles orientaux de la Foi : il ne découvre le symbole de Nicée promulgué en 325 (affirmant la doctrine catholique de la Trinité) qu'en 354, en Orient. Ce qui le confirme dans sa doctrine catholique trinitaire.

 

D'ailleurs très peu de pères d'Occident avaient d'ailleurs participé au premier concile œcuménique de Nicée réuni en 325, et aucun document d'époque ne subsiste à propos de cette participation. Une tradition rapporte que quatre évêques occidentaux seulement y furent représentés : Nicaise de Die (Drôme) pour la Gaule, Ossius de Cordoue pour l'Espagne, une délégation de Carthage pour l'Afrique et une délégation de Rome pour l'Italie. Ce symbole n'était pas diffusé en Occident, les puissants ouvrages pré-exiliques d'Hilaire le montrent.

 

Ce qui est étonnant c'est que les écrits d'Hilaire ne reprennent pas le moindre élément de littérature, culture, théologie ou philosophie orientale. Tout chez lui est du monde occidental, parfaitement orthodoxe stricto sensu, mais occidental. C'est que "jusque-là, les évêques d'Occident s'étaient à peu près tenus à l'écart des querelles doctrinales de l'Orient. Sauf les évêques de Trèves et le pape de Rome, qui avaient accueilli saint Athanase, le principal représentant du courant nicéen catholique, exilé en Occident (par Constantin sous la pression des évêques ariens après le concile de Nicée), nombre d'évêques occidentaux ignoraient le 'consubstantiel' défini en 325 (au concile de Nicée). Hilaire en fit l'aveu lui-même. Ils étaient dans la possession tranquille de la vraie foi.

Mais à partir de 353 les choses changent : l'empereur arien Constance II, qui méprise le pape, est le premier tenant du césaro-papisme : il prétend être l'"évêque des évêques", pouvoir nommer les évêques et convoquer les conciles... Partisan d'une 4ème nuance de l'arianisme (celle des ariens homéens selon lesquels le Christ était "semblable au Père sous tous les rapports") contre les Nicéens homoousiens catholiques (le Christ est de même nature ou de même substance que le Père), Constance II fait emprisonner, exiler ou déposer les récalcitrants.

Sous prétexte de condamner Athanase, l'empereur oblige les évêques d'Occident à adopter des formulaires de foi de plus en plus marqués par l'hérésie ("symbole de Sirmium"). La plupart, médiocres théologiens, signent ces formulaires.

Au synode d'Arles (fin 353), tous signent, sauf Paulin, évêque de Trèves. 'Jugé indigne de l'Eglise par les évêques, il fut jugé digne de l'exil par l'empereur', selon les termes d'Hilaire. Paulin fut donc relégué en Phrygie (Turquie actuelle), où il mourut quelques années plus tard.

Au synode de Milan (début 355), tous signèrent, sauf Lucifer de Cagliari, Eusèbe de Verceil et Denis de Milan, qui furent exilés en Asie Mineure; le pape Libère fut exilé en Thrace et le vieil évêque de Cordoue, Ossius, retenu prisonnier à Sirmium, résidence de l'empereur.

 

C'est alors qu'une réaction se dessina en Gaule

En 355, l'empereur avait pris comme associé (césar) son cousin, Julien.

Au printemps de 356, sur l'ordre de Constance, Julien convoqua un nouveau synode à Béziers. Hilaire fut contraint d'y assister. C'était, semble-t-il, la première fois qu'il quittait Poitiers pour prendre part à une assemblée d'évêques. Le synode de Béziers fut dominé par un trio d'évêques hérétiques : Saturnin, Ursace et Valens, qui obligèrent les évêques à signer le formulaire préparé par leurs soins. Hilaire ne put s'exprimer. Bien plus, victime d'un faux rapport de la part de ses ennemis, il fut, ainsi que l'évêque de Toulouse, Rhodanius, frappé d'une sentence d'exil. En septembre 356, Hilaire dut quitter sa ville de Poitiers, et partir pour l'exil en Phrygie, où se trouvait déjà l'évêque de Trèves, Paulin, exilé trois ans auparavant. C'est en décembre 356 ou janvier 357 qu'il fut installé en résidence surveillée dans la province de Phrygie. Il semble ne pas avoir subi de vexations. Il se plaint seulement des lenteurs du courrier, de la rareté des lettres et du contrôle de sa correspondance. D'autres évêques furent moins favorisés, puisque trois moururent en exil : Paulin de Trèves, Denis de Milan et Rhodanius de Toulouse.

De ces trois ans d'exil datent ses œuvres les plus importantes :

- la Foi (De Fide), plus tard appelée la Trinité (De Trinitate),

- les Synodes (De Synodis)

- et un ouvrage historique dont il ne reste que des fragments. Il restait en relation avec son clergé de Poitiers et les évêques de Gaule, mais nous n'avons conservé de lui aucune lettre.

 

Hilaire connut en Orient toutes les disputes théologiques concernant la divinité du Christ. Dans son livre sur les Synodes, il relate et discute les innombrables formulaires de foi qui furent promulgués de 341 à 358. Surtout, il expose magistralement la foi catholique dans les douze livres de l'ouvrage sur la Trinité.

 

L'empereur Constance voulut réunir un nouveau concile à Nicomédie, quand, le 24 août 358, un tremblement de terre détruisit la ville.

 

Après bien des tractations, il fut décidé qu'il y aurait deux conciles : un pour l'Occident à Rimini en Italie, un autre pour l'Orient, à Séleucie d'Isaurie en Asie Mineure. Evêque occidental mais exilé en Orient, Hilaire fut néanmoins convoqué au synode de Séleucie (automne 359). Il n'eut pas peur d'y affirmer son attachement au credo de Nicée (325). L'empereur décida de renvoyer chez lui cet évêque gênant. En vain, Hilaire demanda une audience à l'empereur, à Constantinople. Alors il s'en retourna. Il semble être passé par Rome et Toulouse, avant de regagner Poitiers. (Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 486-489.)


Quand S. Hilaire est enfin rendu à son troupeau, après plusieurs années d'exil, son retour prend le caractère d'un vrai triomphe.

 

"La Gaule tout entière, dit S. Jérôme, embrassa un héros qui revenait victorieux du combat, la palme à la main."


Dernières années

 

Un concile réuni à Paris sous son influence, excommunie les chefs de l'hérésie arienne, Saturnin, évêque d'Arles, et Paterne, évêque de Périgueux, mais il pardonna aux autres évêques, plus faibles que coupables et qui avaient presque tous capitulé au concile de Rimini (décembre 359), qui réaffirma la foi de Nicée (325), sauf Phébade, évêque d'Agen, et Servais, évêque de Tongres.

 

Hilaire s'employa à réparer les dégâts provoqués par l'hérésie. C'est l'objet du libelle Contre Constance (env. 360-361), adressé à ses frères dans l'épiscopat, afin de dévoiler la fourberie de l'empereur et d'exposer la doctrine catholique. C'était en 361 et 362, après la mort de Constance II (3 novembre 361).

 

Plus tard en 364, Hilaire tenta d'obtenir de l'empereur Valentinien Ier la condamnation et la déposition d'Auxence, l'évêque arien de Milan. Mais Hilaire fut prié de regagner Poitiers. Ainsi, s'il ne put rien obtenir des empereurs auxquels il s'était successivement adressé pour contrecarrer les évêques hérétiques, du moins Hilaire éclaira-t-il ses collègues et le peuple chrétien en composant le livre Contre Auxence

 

Il compose également des commentaires célèbres sur les psaumes et sur l'Évangile de Matthieu. C'est au service de ses diocésains qu'Hilaire passa ses dernières années. La mort le surprit avant qu'il ait pu terminer ses ouvrages historiques, le 1er novembre 367, selon l'estimation la plus vraisemblable. 

 

De son vivant, on l'appela déjà le saint. Plusieurs écrivains, et non des moindres (Jérôme, Sulpice Sévère, Rufin puis Cassiodore, Grégoire de Tours, Venance Fortunat), lui donnent le titre de sanctus Hilarius (saint Hilaire). Il apparaît très tôt comme un docteur de l'Église.

 

Au VIe siècle, selon Venance Fortunat, les faits rapportés montrent une grande dévotion envers Saint Hilaire. Une dizaine de miracles lui sont attribués, dont plusieurs guérisons : deux lépreux guéris en s'appliquant la poussière du tombeau d'Hilaire, une fillette née avec une main repliée et qui est guérie, un aveugle qui recouvre la vue en priant dans l'église de Saint-Hilaire, une femme à la main paralysée, et qui en recouvre l'usage et d'autres encore.

 

Il est officiellement proclamé "docteur de l'Église" le 29 mars 1851 par Pie IX, à la suite d'une requête des évêques réunis en synode à Bordeaux (15-30 juillet 1850).

 

L’Église orthodoxe l'a toujours considéré comme Père de l'Église et tenu en haute estime.

Il est fêté le 13 janvier (date présumée de sa mort).

Chaque année, à Poitiers, la fête de Saint Hilaire est marquée par une messe solennelle avec panégyrique. 

 

En France, soixante-dix-huit communes et une cinquantaine de hameaux s'appellent Saint-Hilaire, en référence à l'évêque de Poitiers.


La France lui a voué un culte spécial, et une multitude d'églises s'honorent de l'avoir pour patron.

Un historien a tracé le portrait suivant de saint Hilaire :

 

"Il réunissait en sa personne toutes les excellentes qualités qui font les grands évêques. S'il a fait admirer sa prudence dans le gouvernement de l'Église, il y a fait éclater aussi un zèle et une fermeté apostoliques que rien ne pouvait abattre."

 

Il est probablement à l'origine de la construction à Poitiers du baptistère Saint-Jean, le plus vieux ou un des plus vieux bâtiments chrétiens actuellement subsistants.

 

Je t'en prie, conserve intacte la ferveur de ma foi et jusqu'à mon dernier souffle donne-moi de conformer ma voix à ma conviction profonde. Oui, que je garde toujours ce que j'ai affirmé dans le symbole proclamé lors de ma nouvelle naissance, lorsque j'ai été baptisé dans le Père, le Fils et l'Esprit Saint !

 

Saint Hilaire - Traité de la Trinité III, 57

Peu importe combien un homme a été pécheur, s'il a de la dévotion à Marie, il est impossible qu'il se perde.

S. Hilaire

Ordination de saint Hilaire, XIVe siècle

Ordination de saint Hilaire, XIVe siècle

Sources : (1); (2) Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 487-491; (3); (4)

Partager cet article
Repost0
12 janvier 2023 4 12 /01 /janvier /2023 00:00
Sainte Tatiana (Tatienne) de Rome, martyre († 226)

Fille d'un consul romain et dénoncée comme chrétienne, Tatiana fut condamnée à être suspendue à une potence, le corps labouré et mis à nu avec des peignes de fer. Les bourreaux l'outragèrent en lui tondant la chevelure, et finalement elle fut décapitée.

Tatiana est un prénom tellement usité en Russie qu’on penserait cette sainte originaire de l’Orient. Pourtant c’est bien d’une sainte romaine dont il s’agit, son nom est du reste bien latin : il s’agit de la forme féminine de Tatianus, dérivé lui-même de Titus Tatius, roi des Sabins au VIIIème siècle avant Jésus-Christ.

Sainte Tatiana (ou Tatienne) fut arrêtée à Rome pendant la persécution de l’empereur Sévère Alexandre (qui régna de 222 à 235). Elle est condamnée comme chrétienne par le préfet du prétoire et célèbre juriste, Ulpien, second personnage de l’empire. Attachée au chevalet, elle a les côtés déchirés par les ongles de fer. Détachée, on la jette aux lions dans l’amphithéâtre, mais ceux-ci respectent son innocence. Le juge ordonne de la jeter au feu mais le brasier refuse de la consumer. Après qu’elle fut rasée, le glaive du bourreau mit fin à l’horreur de ces supplices en la décapitant, lui obtenant la couronne glorieuse du martyre. C’était un 12 janvier 226.

Par des circonstances assez fortuites, sainte Tatiana est devenue la patronne des étudiants russes.

Sainte Tatiana de RomeEn effet c’est un 12 janvier 1724 que Pierre le Grand fonda l’Académie des Sciences de Saint-Petersbourg mais c’est surtout le 12 janvier 1755 (le 25 selon le calendrier moderne) que choisit sa fille l’impératrice Elisabeth Ière pour fonder l’Université nationale de Moscou; le projet qui lui était proposé auparavant par deux grands hommes de la culture russe Michail Lomonossov et le prince Chouvalov. On dit que le prince voulait donner l’université comme cadeau à sa mère, nommée Tatiana, pour sa fête et avait alors demandé à l’impératrice de signer l’oukase ce jour particulier. Ainsi la Sainte Tatiana, qui pendant sa vie n’eut aucun rapport avec les sciences, est devenue, la protectrice des étudiants russes.

La sainte avait son église dans l’université, et les étudiants venaient assister à la divine liturgie solennelle au matin de sa fête, liturgie qui était suivie de la cérémonie de la distribution des prix. 

En Occident, sainte Tatienne est représentée traditionnellement avec les instruments de son martyre : peignes de fer, lion ou glaive. Voici ce que dit le Martyrologe romain au 12 janvier :

A Rome, sainte Tatienne, martyre, qui, sous l’empereur Alexandre, fut déchirée avec des ongles & des peignes de fer, exposée aux bêtes, & jetée dans le feu, sans néanmoins en recevoir aucune atteinte ; enfin, ayant péri par le glaive, elle s’en alla au ciel.

 

Sources: 1234

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2023 3 11 /01 /janvier /2023 19:39

Le pape François a rencontré l'archevêque Georg Gaenswein, secrétaire de longue date du pape Benoît XVI

 

Par NICOLE WINFIELD Associated Press

https://abcnews.go.com/International/wireStory/pope-meets-benedicts-aide-amid-funeral-book-fallout-96309817

https://abcnews.go.com/International/wireStory/pope-meets-benedicts-aide-amid-funeral-book-fallout-96309817

ROME – Le pape François a rencontré lundi l'archevêque Georg Gaenswein, secrétaire de longue date du pape Benoît XVI, qui a joué un rôle clé dans les récentes funérailles de ce dernier, mais qui a suscité des remous en publiant des mémoires extraordinaires dans lesquelles il règle de vieux comptes, révèle des intrigues de palais et dépeint François sous un jour très défavorable.

 

Le Vatican n'a fourni aucun détail sur le contenu de l'audience privée, si ce n'est pour dire que cela s'est produit.

 

Les spéculations sur l'avenir de Gaenswein ont tourbillonné maintenant que son travail principal auprès de Benoît a pris fin après son décès le 31 décembre. Mais des questions ont également été soulevées sur ce que François fera avec Gaenswein après la publication cette semaine de son livre révélateur, "Rien que la vérité : Ma vie à côté du pape Benoît XVI".

 

Les spéculations sur l'avenir de M. Gaenswein vont bon train maintenant que son travail principal auprès de Benoît XVI a pris fin après le décès de ce dernier le 31 décembre. Mais des questions ont également été soulevées sur ce que François fera de Gaenswein après la publication cette semaine de son livre révélation, "Rien que la vérité : ma vie aux côtés du pape Benoît XVI".

 

Certains observateurs du Vatican voient le livre comme la première salve d'une nouvelle ère d'attaques anti-François de la droite conservatrice, pour qui Benoît est resté un point de référence nostalgique à la retraite. La mort de Benoît et les révélations post-mortem de Gaenswein ont fait disparaître la façade d'une heureuse cohabitation de deux papes.

 

Dans le texte, M. Gaenswein révèle des détails jusqu'alors inconnus sur certains des plus gros hoquets et du mauvais sang qui se sont accumulés au cours des dix dernières années pendant lesquelles Benoît XVI a vécu en tant que pape retraité après sa décision de 2013 de prendre sa retraite, le premier pape en six siècles à le faire.

 

Dans l'une des sections les plus explosives, Gaenswein dit qu'il était "choqué et sans voix" lorsque François l'a essentiellement renvoyé de son travail de jour en tant que chef de la maison papale en 2020 après un scandale autour d'un livre co-écrit par Benoît. François a dit à Gaenswein d'arrêter de venir au bureau et de se consacrer à prendre soin de Benoît, mettant essentiellement fin à son travail de "pont" entre les pontificats.

 

En imprimant des lettres auparavant secrètes entre les deux papes et en relayant des conversations privées avec les deux, Gaenswein a révélé que François avait refusé les supplications de Benoît de le reprendre. Aigri, Gaenswein a décrit François comme peu sincère, illogique et sarcastique en décidant de son sort, et a déclaré que Benoît XVI s'était même moqué de François lorsqu'il a été informé de la décision.

 

"Il semble que le pape François ne me fasse plus confiance et fasse de vous mon chaperon", a déclaré Gaenswein citant Benoît.

 

Gaenswein a également écrit sa consternation que des années plus tôt, François lui ait refusé le droit de vivre dans l'appartement du palais occupé par son prédécesseur. Après une rénovation plus longue que d'habitude, François a donné l'appartement à la place au ministre des Affaires étrangères du Vatican, forçant Gaenswein à continuer à vivre dans le monastère que Benoît appelait sa maison.

 

L'avenir de Gaenswein reste incertain, et ses mémoires vont certainement compliquer les relations avec le pape actuel qui décidera de son sort. En tant qu'archevêque, il pourrait techniquement être nommé à la tête d'un archidiocèse dans son Allemagne natale. Interrogé sur cette possibilité, le chef de la conférence des évêques allemands a déclaré la semaine dernière que ce n'était pas à lui (de le décider) mais à François. En outre, certains commentateurs du Vatican ont suggéré que Gaenswein pourrait être nommé ambassadeur du Vatican, pour diriger un sanctuaire important ou pour reprendre sa carrière universitaire.

 

Son livre est susceptible de lui faire gagner des points auprès des critiques traditionalistes de François, puisqu'il fait ce que Benoît a refusé de faire pendant 10 ans et révèle publiquement ce que le défunt pape aurait pensé des décisions de son successeur sur deux questions cruciales : Gaenswein écrit, par exemple, que Benoît pensait que la décision de François de rétablir les restrictions sur la célébration de l'ancienne messe en latin était une "erreur" et que son action auprès des catholiques divorcés et que son approche des catholiques divorcés et remariés civilement était "déroutante".

 

Il s'intéresse également à quelque chose d'autre lorsqu'il cite François disant qu'avoir Benoît au Vatican, c'était comme avoir un grand-père sage à la maison, vers qui il pouvait se tourner pour obtenir des conseils. Gaenswein a cité Benoît comme notant qu'il n'avait que neuf ans de plus que François et que "peut-être serait-il plus correct de m'appeler son 'frère aîné'".

 

Gaenswein, un avocat canoniste allemand de 66 ans, s'est tenu aux côtés de Benoît pendant près de trois décennies, d'abord en tant que fonctionnaire travaillant pour le cardinal Joseph Ratzinger de la Congrégation pour la doctrine de la foi, puis à partir de 2003 en tant que secrétaire personnel de Ratzinger. .

 

Il l'a suivi au palais apostolique lorsque Ratzinger a été élu pape, puis à la retraite lorsque Benoît a démissionné. À ce titre, il est resté le gardien, le confident et le porte-parole de Benoît XVI, et dans le nouveau livre, il semble désireux de remettre les pendules à l'heure pour défendre Benoît et lui-même une fois de plus.

 

Dans ce document, il ravive de vieilles poussières avec une couverture journalistique de lui ou de Benoît, de tout au type de papier à en-tête qu'il utilisait pour une phrase qu'il prononçait, suggérant qu'il avait gardé une trace de toutes ces années et, avec la mort de Benoît, sentait qu'il pouvait enfin parler. en dehors.

 

Bien qu'il n'y ait pas de livre de jeu décrivant comment un secrétaire d'un pape à la retraite devrait se comporter, publier un livre dans la semaine suivant sa mort qui critique son successeur, révèle une correspondance privée et nourrit de vieilles rancunes dans des détails finement documentés ne suit certainement pas la réserve typique de Protocole Vatican.

 

Austen Ivereigh, un biographe de François qui a co-écrit un livre avec lui, a noté dans une série de tweets lundi que le livre de Gaenswein semblait en fait violer une promesse fondamentale que Benoît avait faite lors de sa démission : qu'il obéirait à son successeur.

 

"Ces révélations sapent le serment de loyauté de Benoît envers François, auquel Benoît s'est tenu rigoureusement ; violer le devoir de confidentialité de Gaenswein envers les deux … et encourager ceux qui cherchent à tort à opposer l'héritage de Benoît XVI à François", a écrit Ivereigh.

______________________

Parmi les révélations, Benoît XVI a découvert Traditionis custodes (le document de François limitant l’usage de la liturgie romaine avant la réforme de 1970 que Benoît avait libéralisé), en feuilletant l'Osservatore romano : "Le 16 juillet 2021, Benoît XVI découvre, en feuilletant L'Osservatore Romano de l'après-midi, que le pape François a publié le motu proprio Traditionis custodes sur l'usage de la liturgie romaine avant la réforme de 1970." Benoît XVI, en particulier, a estimé qu'il était erroné d'interdire la célébration de la messe selon l'ancien rite dans les églises paroissiales, car il est toujours dangereux de coincer un groupe de fidèles pour les faire se sentir persécutés et leur inspirer le sentiment de devoir sauvegarder coûte que coûte leur identité face à « l'ennemi ».

( Source : https://rorate-caeli.blogspot.com/2023/01/rorate-exclusive-first-translation-of.html )

 

Lire aussi ce fil sur Le Forum catholique. "Vatican: les critiques du secrétaire personnel de Benoit XVI envers le pape François" (Le Figaro)

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2023 2 10 /01 /janvier /2023 00:00
Saint Guillaume, dans Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 2, 2011, p. 88

Saint Guillaume, dans Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 2, 2011, p. 88

Évêque de Bourges, il n'hésita pas à s'opposer au roi pour maintenir les principes religieux.

Issu des anciens comtes de Nevers, Guillaume vint au monde vers le milieu du XIIe siècle. Il fut élevé avec soin dans la crainte de Dieu.

Quand on lui demandait un miracle, il disait: "Je ne suis qu'un pauvre pécheur" mais il cédait aux larmes des malades et les guérissait par sa bénédiction.

Le monde lui souriait, avec sa gloire et ses plaisirs; il renonça à tout, il s'éloigna même des honneurs ecclésiastiques qui semblaient le poursuivre, et s'enfonça dans la solitude d'un monastère à Grandmont dans la Haute-Vienne. Voulant plus d'austérités, il demanda à être admis chez les cisterciens de Pontigny en Bourgogne.

Il vécut dans la présence continuelle de Dieu; sa modestie, sa dévotion, sa régularité, ranimaient la ferveur de ses frères; il suffisait de le regarder au chœur ou à l'autel pour être embrasé du saint désir de marcher sur ses traces. Il avait surtout un grand amour pour le Saint-Sacrement, près duquel il trouvait ses délices. 

Il fallut lui faire violence pour le nommer abbé de Chaalis, filiale de Pontigny. Pourtant il dut bientôt se résigner à monter plus haut et répondre à l'appel du ciel clairement manifesté.

Sacré archevêque de Bourges (Berry), Guillaume montra, dès les premiers jours, toutes les vertus des plus illustres pontifes. Il fut l'évêque des pauvres, ce qui lui valut l'opposition des chanoines de Bourges qui se sentaient délaissés, et du roi Philippe-Auguste, à qui il reprochait son divorce et son remariage. Le roi qui réunit le Berry à la couronne de France, avait épousé Ingelburge (ou Ingbor), princesse danoise dont il se sépara peu après. La reine, odieusement répudiée, d'autant plus que son époux le roi vivait maritalement avec Agnès de Méranie, confia sa cause à l'Église, et notamment au pape Innocent III, lequel frappa le royaume de France d'interdit. Guillaume exécuta la sentence pontificale dans son diocèse de Bourges, ce qui aggrava le conflit qui existait déjà entre lui et ses clercs, et lui attira la colère du roi de France. Agnès étant morte en couches, Philippe-Auguste se résigna à reprendre Ingelburge, qu'il ne tarda pas à faire enfermer dans la tour d'Étampes. Même les plus grands rois ne sont pas exempts de fautes !

Guillaume demeura moine dans son palais, moine par l'habit et plus encore par les austérités. Il sut concilier les exercices de sa piété avec les immenses occupations de sa charge; il parcourait son diocèse, prêchait, instruisait les petits et les humbles, administrait les sacrements, visitait les hôpitaux, délivrait les captifs, et multipliait les prodiges.

http://nominis.cef.fr/images/gallerie/guillaumedebourges.jpgOn a conservé de lui quelques belles paroles: "Tel pasteur, telles brebis," disait-il souvent.

L'interdit ayant été levé par le légat du pape, Guillaume pensait aller évangéliser les cathares quant il mourut, le 10 janvier 1209.

Le pape Honorius III le canonisa en 1218.

 

Sources: 1, 2, 3, 4

Daniel BONNIN, Les Saints du Berry, A à Z Patrimoine Editions, Sury-en-Vaux 2006, p. 110-111.

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2023 1 09 /01 /janvier /2023 00:00

Mise à jour le 15-02-2023. Le mystère du cœur de Pauline Jaricot, naturellement conservé pendant 160 ans, intrigue les scientifiques.

https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/archeologie/le-mystere-du-coeur-de-pauline-jaricot-naturellement-conserve-pendant-160-ans-intrigue-les-scientifiques_169441

Vénérable Pauline Jaricot († 1862)

Pour donner beaucoup aux autres, il faut puiser dans son propre cœur; et pour alimenter ce cœur, il faut puiser dans celui de Dieu.

Héroïne catholique lyonnaise renommée à travers le monde, mais curieusement méconnue en France, Pauline Jaricot a contribué au renouveau missionnaire, en inventant l’œuvre de la Propagation de la Foi, devenue aujourd'hui les Œuvres Pontificales Missionnaires, pour collecter des fonds et soutenir la mission.

Jeune fille du XIXe issue d'une famille de riches industriels lyonnais, Pauline Jaricot connaît à 17 ans une conversion fulgurante. Elle invente le Rosaire vivant, la récitation du chapelet, qui rassemble à sa mort 2 millions de personnes priant tour à tour les mystères du rosaire... (Pauline Jaricot, La Mère des missions - paroisse de Saint Vincent en Lignon) (1)

Pauline-Marie Jaricot, née à Lyon (France) le 22 juillet 1799. 

Jeune fille, elle fait une chute, tombe malade. Sa mère aurait fait un vœu en offrant sa vie pour la guérison de sa fille. 

En 1814, à quinze ans, Pauline fait une mauvaise chute d'un tabouret. Elle est frappée d'une maladie étrange. Elle se met à marcher comme une personne ivre, l'air égaré. Elle a perdu entièrement l'usage de la parole. Sa mère, catholique fervente, a voulu la veiller jour et nuit, en promettant de donner sa vie pour sa fille. Échange mystérieux qui va se produire, en effet. Elle meurt alors que Pauline guérit. Ce deuil fait réfléchir l'insouciante jeune fille.

À la suite d'un sermon de l'abbé Wurtz sur la vanité, Pauline veut rompre avec les mondanités, elle se confesse, abandonne ses bijoux, s'habille comme une ouvrière. Elle fait alors vœu de chasteté de corps et d'esprit, bien qu'elle se rende compte qu'elle n'a pas la vocation religieuse. Halte au chapeaux, aux plumes et aux bijoux. De retour à la maison, elle brûle ses livres romantiques. Elle décide de s'habiller comme les ouvrières en soierie des pentes de la Croix-Rousse. Pauline va porter une sorte de robe monacale de couleur violette, une étroite pèlerine, une coiffe à godrons et de gros socques à courroie de cuir.

À la suite d'une sorte d'illumination survenue le dimanche des Rameaux, en 1817, elle forme un groupe informel "Les Réparatrices du cœur de Jésus méconnu et méprisé."

Un attrait commence à envahir son coeur. C'est la fascination pour les missions lointaines. En Extrême-Orient. Pauline lit régulièrement les Bulletins des MEP (Missions étrangères de Paris) qui parlent d'exploits aux confins du monde. Surnommée l'école polytechnique du martyr, les MEP vont attirer toute l'ardeur évangélisatrice dont la France est capable après le rude hiver révolutionnaire et impérial. Pauline rêve de devenir missionnaire en Chine, un idéal partagé par son frère Philéas qui ne va pas tarder à entrer au séminaire Saint-Sulpice. En 1822, ne pouvant raisonnablement pas suivre les missionnaires, Pauline cherche un moyen concret de soutenir leur périlleuse mission. Le rayonnement de la France est pour elle en lien avec celui de son Seigneur. Elle veut recueillir des aumônes pour la cause des congrégations missionnaires. Dotée d'un étonnant esprit pratique, elle se lance dans l'aventure. "Un soir que je cherchais en Dieu le secours, c'est-à-dire le plan désiré, la claire vue de ce plan me fut donnée et je compris la facilité qu'aurait chaque personne de mon intimité à trouver dix associés donnant un sou chaque semaine pour la Propagation de la Foi". Elle lance la chose avec 200 ouvrières de l'usine de son beau-frère. L'Association de la Propagation de la Foi est née. Elle continuera sans elle, portée par un succès qui la dépasse. L'œuvre jouera un rôle de première importance dans le développement du mouvement missionnaire français au XIXe siècle. (Voir les Missions catholiques au XIXe et au XXe siècles). À la fin du XIXe siècle, l'œuvre sera présente dans tous les pays de la Chrétienté.

En 1835, Pauline achète le domaine "sis 24 montée Saint-Barthélemy" (aujourd'hui le Centre Scolaire aux Lazaristes) qu'elle rétrocède aux Frères des Écoles chrétiennes en 1839.

Sérieusement malade du cœur, elle va en pèlerinage à Mugnano, sur la tombe de sainte Philomène. Elle est d'abord reçue à Rome par le pape Grégoire XVI et lui demande si, au cas où elle reviendrait guérie, ce serait un miracle suffisant pour faire avancer la cause de la sainte. Le souverain pontife répond que oui, persuadé qu'il a affaire à une mourante et qu'il ne faut pas lui refuser cette consolation, comme il le confie en italien à des religieuses présentes. Elle arrive à Mugnano après un voyage épuisant dans la chaleur du mois d'août. C'est la veille de la fête de la sainte et la foule des pèlerins se presse ; le lendemain, elle communie et défaille : on la croit morte mais elle reprend ses esprits et demande qu'on la porte jusqu'au tombeau de la sainte, et c'est alors qu'elle se trouve miraculeusement guérie. Le supérieur du couvent fait sonner les cloches pour annoncer la nouvelle tandis que la foule exulte. Après avoir passé quelques jours à Mugnano en prières de remerciements, elle retourne à Rome où le pape approuve son œuvre et lui donne sa bénédiction.

Le Curé d'Ars se serait écrié : "Ah ! mes frères, je connais, moi, une personne qui sait bien accepter les croix, des croix très lourdes, et qui les porte avec un grand amour. C'est Mlle Jaricot." (Monseigneur Jules de Trannoy, Marie-Pauline Jaricot et l'Œuvre pontificale de la Propagation de la Foi, Xaveriana, 15ième série, n° 177, Louvain, Belgique, 1946, p. 27.)

 

Et si la mission de Pauline se trouvait aussi à Lyon ?

Lyon est une ville mariale à travers ses premiers évêques comme saint Pothin et saint Irénée, Saint Pothin ayant emporté cette belle image de la Vierge qui a été à l'origine de cette piété mariale. Lyon sera encore à l'origine de la dévotion à l'Immaculée conception. C'est la seconde Rome pour son culte pour Marie. Et c'est de Lyon que vient Pauline et son Rosaire vivant. La sainte Vierge est vraiment la reine de Lyon et garde sous sa protection ceux qui se recommandent à elle. On peut dire que la sainte Vierge a choisi cette auguste cité pour être dès les premiers siècles un des berceaux de la piété mariale qui s'est épanouie dans notre pays. (2)

Cette prise de conscience s'impose peu à peu à Pauline à force de côtoyer l'industrie de la soie. La Révolution industrielle, venue d'Angleterre, n'a pas attendu les livres de Karl Marx pour qu'on voie les ravages s'étendre de l'autre côté de la Manche. La machine, ce monstre chaud dans les mains d'entrepreneurs avides, tend à dévorer la main d'oeuvre qui se presse dans les villes. Mais l'homme n'est pas une simple "force de travail à vendre". Bref, un prolétaire. En référence au statut de citoyen romain pauvre qui n'existait que par ses enfants qu'il devait nourrir. En vérité, sous la Restauration, le capitalisme industriel avance sans rencontrer de sérieux obstacles. Seuls quelques catholiques - minoritaires - commencent à s'émouvoir de la condition de ces ouvriers que certains transforment en chair à capital. 

C'est le cas d'Alban de Villeneuve Bargemon qui dénonce l'exploitation manufacturière : "Ce qui frappe le plus tout homme animé d'un esprit de justice et d'humanité dans l'examen de la classe ouvrière, c'est l'état de dépendance et d'abandon dans lequel la société livre les ouvriers aux chefs et aux entrepreneurs des manufactures. C'est la faculté illimitée laissée à des capitalistes spéculateurs de réunir autour d'eux des populations entières pour en employer les bras suivant leur intérêt."

Lyon est la première ville ouvrière de France. L'arrivée des métiers à tisser de grande taille révolutionne le travail de la soie. On s'installe dans les anciens couvents de la Croix-Rousse, aux plafonds très élevés. C'est le quartier des "Canuts", des ouvriers qui travaillent quatorze, quinze heures par jour et qui n'arrivent pas à faire vivre leur famille. Des familles où le père, la mère et les enfants sont obligés de travailler pour survivre. Au milieu du siècle, on compte environ 40 000 compagnons lessivés par les ignobles conditions de travail. La révolte gronde. Pauline Jaricot conserve des principes justes. Alors que très souvent, ceux qui s'intéressent à la classe ouvrière tombent dans certains travers des penseurs socialistes, elle ne cède jamais aux erreurs de son temps. Pauline Jaricot évite de tomber et dans l'erreur libérale et dans l'erreur socialiste. Au moment des insurrections des Canuts en 1831, 1834, 1848-1849, Pauline se réjouit de la décision du préfet de Lyon d'accepter l'idée d'un tarif, pour garantir un salaire minimum, le pouvoir d'achat des Canuts s'étant fortement dégradé. Elle fait distribuer des médailles aux Canuts et aux militaires chargés de la répression; elle se tient aux antipodes du courant violent socialiste. Et la grande erreur de beaucoup de catholiques sociaux c'est de se laisser prendre par l'action sociale au point de négliger l'action spirituelle, Pauline pense que si l'on mène une action sociale qui n'a pas le fondement chrétien, si on laïcise le combat social, cette action sociale est vouée à l'échec : on ne fera pas mieux que les libéraux ou que les socialistes !

En 1841, Pauline décide de consacrer toute sa fortune à la création d'un centre industriel. Elle achète une usine avec un bâtiment attenant pour loger les familles et à côté une école et une chapelle. Pour lancer cette aventure, Pauline a confié la somme de 700 000 francs-or à des hommes d'affaires. (3) 

 

Statue Mgr Giraud, Cathédrale Notre-Dame de Grâce de Cambrai

Mgr Giraud, évêque de Rodez, se voit attribuer le siège de Cambrai, redevenu archevêché après la mort de Mgr Belmas. Son mandement de 1845 Sur la loi du travail s'en prend à cet édifice d'orgueil et d'ambition qui "s'élève sur les débris d'intelligences abaissées, de santés ruinées, de consciences perverties, d'âmes immortelles perdues pour l'éternité." Il écrit une page vengeresse contre l'injustice des salaires et les odieuses conditions de travail :"Pour tout dire en un mot, la religion proteste contre cette exploitation de l'homme par l'homme qui spécule sur son semblable comme un vil bétail, ou comme sur un agent et un pur instrument de production; qui calcule froidement jusqu'à quelles limites ont peu ajouter à sa tâche, sans qu'il tombe écrasé sous le poids; qui suppute goûte à goûte ce que des ruisseaux de sueur peuvent lui rapporter d'or, pareille à ces vampires que la sombre imagination des enfants de la Germanie nous représente s'abattant sur des corps pleins de force et de vie, et n'abandonnant leur proie qu'après lui avoir tirée toute la moëlle de ses os et tout le sang de ses veines!" Ainsi, trois ans avant le Manifeste du Parti communiste, Mgr Giraud dénonce "l'exploitation de l'homme par l'homme". Il a emprunté l'expression aux catholiques sociaux qu'il cite dans son mandement : Villeneuve, de Coux, Rousseau. Dans les années 1840-1841, Louis Rousseau écrivait : "L'état normal de la civilisation consiste dans la lutte du principe spirituel qui tend incessamment à éliminer de la société l'élément païen, c'est-à-dire l'exploitation de l'homme par l'homme, contre le principe matériel qui tend à retenir cet élément subversif." (J. TOUCHARD, Aux Origines du catholicisme social, Louis Rousseau, A. Colin, 1968, p. 151, note 126.) Aux ouvriers de Lyon, dont la condition est particulièrement dure, Mgr de Bonald s'adresse dès son arrivée en juillet 1840. Dans son mandement de Carême de 1842, l'archevêque de Lyon proteste contre les économistes qui ne voient dans l'ouvrier que son utilité et son rendement. Il montre la caractère impitoyable de la production industrielle et l'asservissement auquel elle condamne les ouvriers. En 1847, il réclame "une justice rigoureuse pour proportionner le salaire au labeur." La plupart de ces interventions épiscopales dénoncent en un vigoureux langage, l'exploitation des ouvriers par un salaire insuffisant, blâment la condition qui leur est faite et qui constitue un attentat permanent contre leur conscience religieuse (travail le dimanche), mais aussi contre leur santé, contre leur intelligence. Ils réclament un salaire juste. Ils protestent vigoureusement contre tout ce qui porte atteinte à la dignité de l'homme. (4)

Les encycliques sociales de Léon XIII viendront plus tard. Nous sommes ici au milieu du XIXe siècle et l'idée vient à Pauline de réunir quinze personnes qui feront des petits dons qui alimenteront un capital destiné à l'achat d'une entreprise par des ouvriers co-gestionnaires de l'entreprise. Elle crée la coopérative ouvrière. Les ouvriers possèdent des intérêts dans cette entreprise et se versent des salaires justes avec des horaires sociaux. L'idée plaît à un banquier qui fait partie du Rosaire vivant, et il en parle à ses associés. Ces banquiers parlent à Pauline d'une usine industrielle qui a fait faillite et qui pourrait être rachetée à un très bas prix. Ils en parlent à Pauline qui leur fait confiance. Pauline en parle elle-même à ses amis et donne l'argent aux banquiers. Malheureusement, ces banquiers escrocs vont se servir de cet argent à leur propre service. Et l'argent de Pauline va fondre comme neige au soleil. Si bien qu'elle se retrouve endettée et ruinée, avec sur la conscience tous les braves gens qui lui font confiance et qui lui ont donné de l'argent, parfois de l'argent qui leur était nécessaire. C'est ainsi que Pauline va vivre le martyre du surendettement, et des créanciers vont la poursuivre jusqu'à la fin de sa vie.

Elle peut se déclarer en faillite et disparaître, mais sa conscience morale lui dit que jusqu'au bout elle devra rembourser. Il y a eu malversation et elle prend sur elle. Des amis qui la soutenaient avant commencent à se détourner d'elle de plus en plus, et sa réputation commence à en pâtir. Elle, qui jusqu'ici était admirée pour les deux oeuvres qu'elle avait créées (la Propagation de la foi et l'oeuvre du Rosaire) et maintenant elle se met à être considérée comme quelqu'un de malhonnête. De plus, sa santé ne s'améliore pas, ses jambes sont de plus en plus enflées. Elle se demande comment faire pour rembourser ceux qui lui ont donné de l'argent pour son projet. Elle se dit que la meilleure façon est de faire des tournées en France pour faire participer les gens. Elle en parle à Mgr Villecourt, évêque de La Rochelle et qu'elle a bien connu à une certaine époque à Lyon, lui écrit ceci, avec sa bénédiction : "Agissez sans écouter les cris de la nature, sollicitez des aumônes au nom de Jésus-Christ." 

La Providence veille sur elle. Le Curé d'Ars lui envoie une jeune femme, une femme très simple, une femme de la campagne qui rentre à Lorette et qui se met de tout son coeur au service de Pauline Jaricot. Elle s'appelle Marie Dubouis. Et bien qu'elle lui ait dit au début "Mais c'est une folie, restez donc ici, vous n'avez rien pour réussir tout cela." (ce tour de France). Mais Maria va suivre Pauline fidèlement toute sa vie, et être un appui un peu comme l'ange qui soutient Jésus lorsqu'il est à l'agonie au jardin des Oliviers.

Pauline récolte de l'argent, mais elle le fait de manière très strict. Ce qui est donné pour l'oeuvre de la mission reste pour l'oeuvre de la mission. Ce qui est donné pour renflouer l'entreprise qui a fait faillite, c'est pour rembourser ses créanciers. Il n'y a pas de mélange, il n'y a pas de prise d'intérêt. Si bien qu'elle récolte beaucoup pour Dieu et très peu pour elle, si bien qu'elle restera jusqu'au bout endettée. Des missionnaires écrivent du monde entier à Pauline pour la remercier : "C'est grâce à ce que vous faites que nous pouvons continuer nos missions." Elle ne garde rien pour elle, là, de cet argent qui arrive pour le coup en quantité.

En 1859, en plein hiver, Pauline passe une dernière fois à Ars. Le Curé d'Ars est dans son Confessionnal, comme d'habitude. On lui annonce que Melle Jaricot est là. Il sort et consacre une heure à Pauline et lui demande: "Où en êtes-vous de vos persécuteurs et de vos persécutions ?" Et elle lui demande: "Mon Père, dites-moi ce que je dois faire, je dois rembourser mes dettes, je ne veux pas laisser les pauvres gens qui m'ont fait confiance, sans les rembourser. Que faire ? Je fais ce que je peux, et je n'y arrive pas." Le Saint Curé d'Ars lui dit: "Acceptez courageusement cette cruelle épreuve, vous ne pouvez pas l'impossible. Laissez parler et agir ceux qui ont résolu de vous perdre aux yeux des hommes. Ils ne peuvent empêcher le Bon Sauveur d'être à vous." Et il bénit Pauline en lui donnant une petite croix, où est marqué : "Dieu seul pour témoin, le Christ pour modèle, Marie pour soutien, et puis rien. Rien qu'amour et sacrifice." Elle ne reverra jamais le Curé d'Ars qui meurt six mois plus tard, usé par son ministère, tout consacré aux âmes. Et elle retourne à Lorette, où elle recommence le service de l'oeuvre du Rosaire avec les conseils spirituels et le Bulletin mensuel.

À un moment donné, le cardinal Villecourt, en voyant tout ce qui arrive à Pauline, cette impossibilité de la faire sortir de cette misère, dira : "Manifestement, il y a quelque chose qui n'est pas normal, quelque chose qui dépasse les forces de l'homme." On dirait qu'il y a dans sa vocation quelque chose comme celle d'une âme victime. (5)

Pauline décède le 9 janvier 1862 dans la misère et dans l'indifférence générale, déconsidérée, spoliée de son œuvre (d'après Yannick Essertel). Elle fut inhumée dans le caveau familial, au cimetière de Loyasse, avant que sa dépouille ne soit transférée en 1922 dans l'église Saint-Nizier, près de l'autel de la Vierge dans le transept sud. Quant à son cœur, il se trouve dans l'église Saint-Polycarpe.

Une vingtaine d'année après la mort de Pauline Jaricot, le Père Luc Marquet, dominicain qui était chargé d'étudier ses écrits et son oeuvre, a déclaré sous la foi du serment :

"Depuis sainte Catherine de Sienne, je ne connais rien de pareil comme action sur l'Église. Dieu a confié à Pauline la tâche de rebâtir un édifice social brisé par la Révolution française. Le Rosaire vivant se compose des quinzaines, c'est-à-dire un groupe de quinze personnes où chacun s'engage à réciter chaque jour une dizaine du Rosaire. Quant au mystère à méditer pendant cette dizaine, une fois par mois on se réunit pour le tirer au sort.(6)

Dans son Bref de 1881, le pape Léon XIII rend hommage à Pauline Jaricot, sous le triple point de vue de la propagation de la foi, du Rosaire vivant, et de son action en faveur des ouvriers. (7)

Le pape Jean XXIII la déclare vénérable en 1963, en proclamant l'héroïcité de ses vertus. Sa mémoire est fixée au 9 janvier. (8)

C'est le 18 juin 1930 que Pie XI traçait le Placet Achilleo au bas du document qui introduisait en Cour de Rome la cause de béatification de Marie-Pauline Jaricot, fondatrice de la Propagation de la Foi.

Lors du 150ème anniversaire de la mort de Pauline Jaricot en 2012, les médias ont parlé de Pauline. Le postulateur de la cause de béatification de Pauline-Marie Jaricot, François Duthel pense qu’à cette occasion, "Lyon a redécouvert Pauline Jaricot". Quelle Pauline ? Assurément, pas celle qui fréquentait les pentes de la Croix Rousse. (9)

"Je tombai, écrit-elle, comme l'homme descendant de Jérusalem à Jéricho, entre les mains de voleurs.

"J'ai aimé Jésus-Christ plus que tout sur la terre, et pour l'amour de Lui, j'ai aimé plus que moi-même tous ceux qui étaient dans le travail ou la douleur", écrit Pauline. Sur l'autel du capitalisme débridé, elle a perdu et sa réputation et sa santé. (10)

 

Jean-Paul II a reconnu la sainteté de Pauline Jaricot dans une lettre à l’archevêque de Lyon, le futur cardinal Louis-Marie Billé, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Pauline-Marie Jaricot, célébré du 17 au 19 septembre 1999, à Lyon et à Paris. Il souligne notamment sa spiritualité "eucharistique": "Très tôt, écrit-il, elle manifesta son désir de devenir une 'Eucharistie vivante'."

 

"Comme l’attestent les nombreux cahiers qu’elle a laissés, écrit Jean-Paul II, c’est dans une profonde et intense vie spirituelle qu’elle trouvait son énergie pour la mission. Sa grande initiative de prière, le « Rosaire vivant », révèle son amour pour la Vierge Marie, qui l’a poussée à venir habiter à l’ombre de la basilique Notre-Dame de Fourvière. Sa vie quotidienne était illuminée par l’Eucharistie et par l’adoration du Saint-Sacrement. Très tôt, elle manifesta son désir de devenir une « Eucharistie vivante », d’être remplie de la vie du Christ et de s’unir profondément à son sacrifice, vivant ainsi deux dimensions inséparables du mystère de l’Eucharistie: l’action de grâce et la réparation. C’est ce qui a fait dire au Curé d’Ars: « Je connais quelqu’un qui a beaucoup de croix et de très lourdes, et qui les porte avec un grand amour, c’est Mademoiselle Jaricot ». Sa spiritualité est marquée par son désir d’imiter le Christ en toutes choses. » (11)

 

La congrégation pour les causes des saints a rendu public le 27 mai 2021 un décret reconnaissant un miracle attribué à la vénérable Pauline-Marie Jaricot et qui ouvrait la voie à sa béatification.(12)

 

 

Après 161 ans de conservation naturelle, le cœur de Pauline Jaricot est demeuré en bon état. À l’occasion de la rénovation du reliquaire de la religieuse lyonnaise pour sa béatification le 22 mai 2022, le Diocèse de Lyon en a confié le cœur momifié à une équipe de chercheurs de l’université Paris-Saclay menée par Philippe Chartier, médecin légiste et paléopathologue.

Le 3 février 2023, l’équipe de recherche pluridisciplinaire publie ses résultats en accès libre dans la revue scientifique l'International Journal of Molecular Sciences.

Le cœur de la religieuse a été prélevé peu de temps après son décès

Paradoxalement, Pauline Jaricot était connue pour sa santé fragile. Victime d’un anévrisme et souffrant de palpitations douloureuses, elle rend visite au Pape Grégoire XVI en 1835 à Rome pour soulager sa souffrance. Elle en serait ressortie guérie deux semaines plus tard, selon différents textes rédigés durant sa vie. En 1862, l’année de son décès, elle tombe particulièrement malade. Livide selon les écrits ayant suivi sa mort, elle crache du sang et souffre d’une importante lésion mammaire. À sa mort, son cœur est immédiatement extrait de son corps par un chirurgien, puis scellé dans un reliquaire en argent. En 2021, l'organe est retrouvé en excellent état de conservation après ouverture du reliquaire par Stéphane Crevat, spécialisé dans la restauration d’objets historiques. Comment expliquer cette étonnante préservation ? […] [L]'analyse du cœur de Pauline Jaricot ne montre aucune trace d’embaumement ou autre technique de conservation. […] Les mystères de la miraculeuse conservation du cœur de Pauline Jaricot, et de la cause de son décès n’ont pu être élucidés par cette analyse.(13)

 

Le 22 mai 2022, la vénérable Pauline-Marie Jaricot, fondatrice du Rosaire Vivant et inspiratrice du père Eyquem pour la création des Equipes du Rosaire, a été béatifiée à Lyon, qui était la paroisse de sa famille.(14)

Sources:

 

(1) Nominis

(2) Jacques BUFFET, Pauline-Marie Jaricot, Le rosaire vivant, Cinquième colloque marial organisé par le prieuré de Lyon de la FSSPX, le 1er décembre 2012 au Palais de la Mutualité à Lyon

(3) Samuel PRUVOT, Nos Ancêtres les Saints, Petite histoire de la France missionnaire, Cerf, Paris 2017, p. 95-109

(4) Paul CHRISTOPHE, 2000 ans d'Histoire de l'Église, Nouvelle Édition Mame Desclée, Paris 2017, p. 929-930

(5) Chaîne Catholique d'Arnaud DUMOUCH, La vénérable Pauline Jaricot, protectrice des personnes surendettées (+ 1862)

(6) R.P. ANGELICO O.P., Avrillé, dans Jacques BUFFET, Pauline-Marie Jaricot, Le rosaire vivant, ibid.

(7) Hugues PETIT, dans Jacques BUFFET, Pauline-Marie Jaricot, Le rosaire vivant, ibid.

(8) Wikipedia

(9) enmanquedeglise.com

(10) Samuel PRUVOT, Nos Ancêtres les Saints, ibid., p. 107-108

(11) Zenit 

(12) https://equipes-rosaire.org/pauline-jaricot-bienheureuse-le-22-mai-2022-a-lyon/

(13) https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/archeologie/le-mystere-du-coeur-de-pauline-jaricot-naturellement-conserve-pendant-160-ans-intrigue-les-scientifiques_169441

(14) https://equipes-rosaire.org/pauline-jaricot-bienheureuse-le-22-mai-2022-a-lyon/

 

Partager cet article
Repost0