Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 novembre 2024 7 24 /11 /novembre /2024 01:00

Si les hommes venaient à reconnaître l'autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables - une juste liberté, l'ordre et la tranquillité, la concorde et la paix -- se répandraient infailliblement sur la société tout entière.

Pie XI, Quas Primas, n° 14

Solennité du Christ Roi de l'univers

Source Video : Gloria.tv

 

La fête du Christ Roi a été instituée en 1925 par le Pape Pie XI, avec l'encyclique "Quas Primas". Le Pape déclara qu'avec cette fête "c'est désormais à notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d'apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine, le laïcisme."

 

Pie XI faisait précéder la Toussaint par la fête du Christ Roi afin de montrer que la foi catholique vécue dans la Cité devait emprunter les chemins de sanctification suivis par les saints. Durant ces années au Mexique les "Cristeros" persécutés par le gouvernement franc-maçon se battaient pour la liberté religieuse et mouraient en criant "Viva Cristo Rey" ("Vive le Christ Roi").

 

Aujourd'hui, l'Église fête la solennité du Christ Roi le dernier dimanche de l'année liturgique pour montrer que le Christ est le "commencement et la fin" (Ap 1,8), le Maître du temps et de l'Histoire.

 

Cette fête est la conséquence liturgique de la conception théologique scotiste du XIVe siècle (ordre franciscain) reconnaissant au Christ une place suréminente dans l'œuvre de la Création et de la Rédemption. Celui que S. Jean dans l'Apocalypse appelle "l'Alpha et l'Oméga, le Principe et la Fin" (Ap 1,8), est la cause, le chef et l'achèvement de toute la Création spirituelle et sensible.

 

Vous avez sans doute entendu dire que "tous les chemins viennent à Rome", il est tout aussi vrai de dire que tous les chemins viennent de Rome.

 

L'Eglise catholique romaine a bâti la civilisation occidentale. La charité publique, les "Lumières" avec leurs déclarations de droits elles-mêmes, les droits de l'homme au Moyen-Age sous l'action de l'Eglise et du clergé, les droits des femmes inventés au "Moyen-Age (et détruits avec la Renaissance et la modernité) étaient inconnus dans l'antiquité. Le libre marché (théorisé par des scolastiques de l'école de Salamanque, 16e siècle), la" laïcité" elle-même, n'eurent pas pu naître sans le christianisme. (Cf. Dr. Thomas Ernest Woods, How the Catholic Church Built Western Civilization, 2005.)

Soyez attentifs, vous qui êtes mon peuple ; et vous, les nations, prêtez-moi l’oreille ! Car de moi sortira la loi, mon droit sera la lumière des peuples ! Soudain, je rendrai proche ma justice, mon salut va paraître, et mon bras gouvernera les peuples.

Livre d'Isaïe 51, 4-5

Solennité du Christ Roi de l'univers

Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ;

il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël ; la terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu.

… il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture.

Psaume 97

Car Dieu est roi de toute la terre ; chantez un cantique de louange.

Dieu règne sur les nations, il siège sur son trône saint.

Psaume 47, Bible Catholique Crampon 1923

Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme.

... Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.

Daniel 7, 13-14

"Daniel, prédisant la constitution par le Dieu du ciel d'un royaume qui ne sera jamais renversé... et qui durera éternellement ; et, peu après, il ajoute: Je regardais durant une vision nocturne, et voilà que, sur les nuées du ciel, quelqu'un s'avançait semblable au Fils de l'homme; il parvint jusqu'auprès de l'Ancien des jours et on le présenta devant lui. Et celui-ci lui donna la puissance, l'honneur et la royauté; tous les peuples, de toutes races et de toutes langues, le serviront; sa puissance est une puissance éternelle, qui ne lui sera pas retirée, et son royaume sera incorruptible,'' écrit Pie XI dans Quas Primas, § 6)

Un royaume spirituel, et non matériel

 

Mgr Louis-Édouard Pie (1815-1880), évêque de Poitiers, cardinal et prélat antilibéral du XIXe siècle, a expliqué la doctrine intégrale de la Royauté de Jésus-Christ.

 

La parole du Christ "Mon Royaume n'est pas de ce monde" (Jn 18,36) est souvent interprétée d'une manière erronée par les libéraux qui vivent comme si le royaume de Dieu ne devait déjà pas s'exercer sur cette terre. Cette parole de Jésus à Pilate indique simplement que la royauté du Christ vient d'en haut, et non de ce monde. Son pouvoir tire son origine du Ciel et non d'ici-bas. Elle va avec 'Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu D’EN haut' (Jn 19,11).

Saint Paul précise : "comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel" (1 Co 15,48). 

La royauté du Christ s'exerce sur toutes les réalités d'ici-bas, tout ayant été fait "en" lui, "par" lui et "pour" lui (Colossiens 1,16). "Il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin." (Lc 1,33) "Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité" (Colossiens 2,9). 

 

Jésus se déclare Roi devant Pilate en disant : "Tu l’as dit, je suis roi. C'est pour cela que je suis né et c'est pour cela que je suis venu au monde…" (Jn 18, 37). Cette déclaration a tellement impressionné Pilate que, après la crucifixion de Jésus, il a ordonné qu'un écriteau soit placé sur la croix au-dessus de sa tête avec l'inscription : "Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum'' (INRI), qui signifie "Jésus le Nazaréen, roi des Juifs" (Jn 19, 19).

'’Comment le Christ régnera dans le monde ? D’abord, en régnant en chacun de nous. Et comment le fera-t-il ? En régnant en chacunes de nos actions, de nos pensées, chacun de nos désirs.’’

'’Comment le Christ régnera dans le monde ? D’abord, en régnant en chacun de nous. Et comment le fera-t-il ? En régnant en chacunes de nos actions, de nos pensées, chacun de nos désirs.’’

Le royaume messianique est à la fois présent et futur. Il est les deux à la fois. L'Église est le royaume du Christ déjà présent.

 

"Qu'il ne puisse s'agir seulement d'une communauté future d'ordre eschatologique, c'est ce qu'il est aisé de conclure de la parabole de l'ivraie, où le champ qui nous est décrit (le monde) contient simultanément de l'ivraie et du bon grain : 'en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson (la fin du monde), je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier” (Mt 13,24-30); d'autres paraboles comme celle du filet (Mt 13, 47-48), des talents (Mt 25- 14-30), des dix vierges (Mt 25, 1-13), du grain de sénevé dans sa croissance (Mt 13,32).

 

"Toute cette prédication du Christ était en continuité avec celle des prophètes (de l'AT) qui annonçaient aussi un royaume social. Elle reprend leurs termes et leur comparaisons. (Le pasteur et le troupeau de Mich 2,12; Ezech 34; la vigne de Is 5, 1-17; 27, 1-5; la parabole du cèdre dans Ezechiel 17,23, qui a des traits communs avec celle du grain de sénevé de Matthieu 13, 32.

 

"(...) La communauté chrétienne (...) [à] l'opposé de la 'Jérusalem actuelle', terrestre et nationale, (...) est la 'Jérusalem d'en-haut' (1 Co 10, 18), céleste et spirituelle (Ga 4, 25-26). (Joseph Lecler, Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme, 1955, rééd Albin Michel, Paris, 1994, p. 54.)

 

"Depuis le Christ, il y a donc désormais sur terre – ce qui ne s'était jamais vu auparavant, ni chez les Juifs, ni chez les païens – deux ordres de souveraineté : une souveraineté temporelle autonome, avec ses lois, sa police, son droit de contrainte physique sur les malfaiteurs sociaux; et une souveraineté spirituelle autonome, ordonnée au salut des hommes, avec ses lois et sa discipline, mais pourvue seulement de moyens spirituels." (Joseph Lecler, L'Église et la souveraineté de l'État, Paris, 1946, p. 20.)

 

"Royaume ... déjà présent sur cette terre", mais dans le mystère - le Concile Vatican II le rappelle dans la constitution pastorale "Gaudium et spes" (n°39) - il parviendra à sa pleine perfection à la fin des temps avec la venue du Seigneur, Juge suprême et Roi, pour juger les vivants et les morts (Mt 25, 31 ss).

 

Le Christ a maintes fois décrit l'Église comme un royaume de Dieu visible et social. Les paraboles le comparent à un champ ensemencé (Mt 13,24); à une vigne pour la culture de laquelle le père de famille loue les ouvriers (Mt 20, 1-2; 21, 33-35); à un troupeau dont il est le pasteur (Jn 10); à un grain de sénevé qui devient un arbuste (Mt 13, 32); à un plan de vigne dont il est le cep et les disciples les rameaux (Jn 15, 1-8); à une famille où sous la direction du maître travaillent de nombreux serviteurs (Mt 25, 14-30; 24, 45-51); à une exploitation agricole qu'administre un intendant (Lc 16, 1-8.)

 

Si l'Église était fondamentalement "invisible", alors les chrétiens ne sauraient rien de leur religion depuis l'époque des apôtres. L'expression "pas de ce monde" ne signifie donc pas que le royaume du Christ est invisible. Cela signifie qu'il est établi et soutenu par Dieu comme aucun royaume terrestre ne l'est. Dieu n'a fait aucune des promesses qu'il a faites à son Église à quelqu'un d'autre ou quelque chose d'autre.

 

Si vous regardez les prophéties de l'Ancien Testament sur le royaume messianique, vous voyez encore qu'elles parlent de rois qui viennent dans le royaume et apportent leurs trésors.

 

Dieu dit à Moïse : "c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre." (Dt 4,39)  Jésus dit de lui-même : "Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre." (Mt 28,18). 

Cela inclut les pouvoirs temporels qui détiennent l'épée au nom de la justice terrestre (Rom. 13), ainsi que la prêtrise, qui détient les clés afin d'enseigner avec autorité aux nations à observer tout ce que le Christ a ordonné, à savoir les dogmes de la foi et la loi morale (le premier et le deuxième grand commandement). Les rois, les princes, les présidents, les premiers ministres, etc., qui reconnaissent la foi catholique, en tant que laïcs, placés sous l'autorité spirituelle du sacerdoce catholique, sont chargés du bien commun temporel de la communauté. Et en ce qui concerne le dogme et la morale, ils sont sous l'autorité des prêtres de Dieu.

 

Le fait que le Royaume du Christ ne soit pas de ce monde signifie simplement ce qui suit :

(1) Il est établi par Dieu grâce à un sacrifice de soi, par amour de la part de Dieu incarné, plutôt que (comme la plupart des autres royaumes) par le sacrifice d'autrui par haine de la part d'hommes violents ;

(2) Il durera éternellement, contrairement aux royaumes fondés par les hommes ; et

(3) Il persistera et triomphera même lorsque ses affaires temporelles subiront une catastrophe, comme l'Église l'a fait à de nombreuses reprises, et le fera particulièrement sous le règne de l'Antichrist.

 

 

C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom,

afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers,

et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Philippiens 2,9-11

Nous ignorons simplement le temps de l’achèvement de la terre et de l’humanité et il ne nous appartient pas de le connaître (Ac 1,7); mais, nous l’avons appris, Dieu nous prépare une nouvelle terre où régnera la justice (2 Co 5, 2 ; 2 P 3, 13) et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au cœur de l’homme (1 Co 2, 9 ; Ap 21, 4-5). Alors, la mort vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et ce qui fut semé dans la faiblesse et la corruption revêtira l’incorruptibilité (1 Co 15, 42.53). La charité et ses œuvres demeureront (1 Co 13, 8 ; 3, 14) et toute cette création que Dieu a faite pour l’homme sera délivrée de l’esclavage de la vanité. L’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir. C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine. (Gs 39)

 

 

Il s'agit d'un royaume d'amour, un royaume spirituel, et non matériel, pour ceux qui sont nés de l'eau et de l'esprit. (Jn 3,5), sont devenus des créatures nouvelles (Ga 6,15) et qui persévèrent ici-bas dans la communion avec Dieu jusqu'à sa mort (Mc 13,13), naissance  à la vraie vie, à la vie de Dieu (Jn 14, 1-3) Un Royaume où "tous les hommes sont appelés à faire partie du peuple de Dieu" (CEC n°831).

 

Le Seigneur est doux et humble de cœur, et que Son règne social ne s'impose pas par la force, mais par "l'esprit". 

 

Lorsque le chrétien reconnaît le Christ "roi", cela signifie qu'il reconnaît au Christ la royauté sur lui-même, c'est-à-dire qu'il ne garde rien pour lui mais donne tout au Christ. 

 

"Le Royaume de Jésus est avant tout un royaume spirituel qui s'établit par la puissance divine et non par la force matérielle des armes. [Ainsi, lorsque Jésus est livré par Judas et arrêté à la demande du grand prêtre Caïphe, "l’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille. Alors Jésus lui dit : 'Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges'" (Mt 26: 51-53). "Les armes de notre combat ne sont pas charnelles" (2 Co 10,4); nous ne combattons pas avec les moyens de la chair (2 Co 10,3). La panoplie du chrétien ne comporte aucune armure, aucun équipement matériel. Les Chrétiens ont bien un glaive, mais c'est le casque du salut et le glaive de l'Esprit (Ep 6,17)] Mais il ne résulte aucunement de ces enseignements, que le Christ ne veuille pas régner socialement, c'est-à-dire imposer ses lois aux souverains et aux nations." (La Royauté sociale de N.S. Jésus-Christ, d'après le Cardinal Pie, P. Théotime de Saint-Just, O.M.C., Lecteur émérite en théologie, Editions Saint-Rémi, p. 30.) 

Une prophétie tirée du livre du prophète Isaïe dans l'Ancien Testament, précise par exemple : "Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; aux nations, il proclamera le droit." La prophétie d'Isaïe poursuit à propos du Messie : "Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors. Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il proclamera le droit en vérité. Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas, jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses lois. Ainsi parle Dieu, le Seigneur, qui crée les cieux et les déploie, qui affermit la terre et ce qu’elle produit ; il donne le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent." (Is 42, 1-5.

 

Au XVIe siècle, contre ceux qui avait imposé la religion protestante par la force à Genève en 1535-1536 et en avait chassé l'évêque catholique, saint François de Sales dont la devise était, "Rien par force, tout par amour", dit en 1594 : "C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut la recouvrer... il faut [les] renverser par des prières ardentes et livrer l'assaut par la charité fraternelle". 

 

 

"Ne voyons surtout pas dans le règne social du Christ une confusion du temporel et du spirituel. Le monde antique, païen ou juif, opère cette confusion, et l'empereur Constantin conservera une vision païenne du pouvoir où le Prince Souverain Pontife intervient dans les affaires religieuses (césarisme). De très bonne heure, c'est l'Occident pourtant qui admit la dualité des pouvoirs temporel (séculier) et spirituel (religieux) : "Duo quippe sunt potestates", en effet il y a deux pouvoirs, écrit le pape Gélase Ier à l'empereur Anastase au Ve siècle en 494 pour le réprimander de cette tendance des empereurs à vouloir dire la doctrine et décider pour l'Église.

 

"Saint Augustin au Ve siècle distingue "les deux cités" (temporel et spirituel). La "réforme grégorienne" au XIe siècle corrigera ce défaut de l'empiètement des rois et des empereurs (Voir un peu plus bas). C'est le Christ qui distingue le temporel du spirituel : 'Rendez à César ce qui appartient à César' (Mc 12,17; Mt 22,21, Lc 20,25).

Mais si Jésus affirme sa royauté spirituelle, le monde, lui, n'a pas droit à l'indifférence religieuse : "Je suis la lumière du monde" (Jn 8,12) (Gérard BEDEL, Le Cardinal Pie, Un défenseur des droits de Dieu, Clovis Diffusion, Suresnes 2015, p. 61). En Lituanie, en 2009, la laïcité n'empêche pas la Royauté sociale du Christ. Simplement, la distinction ne veut pas dire séparation. Rendre à César ce qui est à César ne dispense pas César de rendre à Dieu ce qui est à Dieu.

Il y a une "saine laïcité" (Pie XII) et selon S. Jean-Paul II une "saine collaboration" (Mémoire et identité, Le testament politique et spirituel du pape, Flammarion 2005, p.145-146)

 

"Dire que Jésus-Christ est le Dieu des individus, et n'est pas le Dieu des sociétés, c'est dire qu'il n'est pas Dieu, dire que le christianisme est la loi de l'homme individuel et n'est pas la loi de l'homme collectif, c'est finalement dire que Christ n'est pas divin..., dire que l'Église est juge de la morale privée et n'a rien à voir avec la morale publique, c'est dire finalement qu'elle n'est pas divine." (Cardinal Pie).

En substituant la philosophie à la religion, le profane au Sacré, la thèse libérale moderne prétend fonder un contrat social indépendant de toute société extérieure à l'État. Dans ce système, tout vient de l'État et tout revient à l'État. Mais cette thèse qui prétend que l'État doit être purement laïque est une exagération de la parole du Christ et aboutit à rendre tout à César. "C'est-à-dire encore que, sous prétexte d'échapper à la théocratie imaginaire de l'Église, il faut acclamer une autre théocratie aussi absolue qu'elle est illégitime, la théocratie de César, chef et arbitre de la religion, oracle suprême de la doctrine et du droit..." (Cardinal Pie, Homélie sur le Panégyrique de saint Emilien, Nantes, 8 novembre 1859, III, p. 511-518 cité in Gérard Bedel, Le Cardinal Pie, ibid., p. 65-66.) Le pape Pie IX (1846-1878), a ainsi pu légitimement dénoncer un défaut majeur de l'État moderne, en ce qu'il se proclame "origine et source de tout droit", qui prétend jouir "d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite." (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, Que Sais-je, 4e édition, Paris 2018, p. 91.) 

 

La royauté de Jésus n'a rien à voir avec nos images habituelles des rois.

 

L'Évangile (Mt 21,1 - 9, Mc 11,1 - 10, Lc 19, 28 - 40) raconte qu'à proximité de la fête de la Pâque juive, Jésus décida de faire une entrée solennelle à Jérusalem (Rameaux). Il organisa son entrée en envoyant deux disciples chercher un ânon. Il entra à Jérusalem sur une monture pour se manifester publiquement comme le Messie que les juifs attendaient. C'est une monture modeste comme l'avait annoncé le prophète pour montrer le caractère humble et pacifique de son règne.

 

"Il est le Roi des cœurs, à cause de son inconcevable charité qui surpasse toute compréhension humaine (Eph 3:19) et à cause de sa douceur et de sa bonté qui attirent à lui tous les cœurs: car dans tout le genre humain il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais personne pour être aimé comme le Christ Jésus." (Quas Primas 4) 

 

Sur la Croix, alors que deux malfaiteurs étaient crucifiés avec lui, le peuple restait là à observer, les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : "Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu !" Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant :"Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !" Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : "Celui-ci est le roi des Juifs." L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : "N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi !" Mais l’autre lui fit de vifs reproches : "Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal." Et il disait : "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume." Jésus lui déclara : "Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis." (Lc 23,35-40)

 

"Il est venu tout réconcilier, faisant la paix par le sang de sa croix (Col. 1:20); C’est lui, le Christ, qui est notre paix ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres par le moyen de la croix; en sa personne il a tué la haine (Ephésiens 2,14-16).

Matthieu 8:23-27,Marc 4:35-41,Luc 8:22-25, Matthieu 14,24-33

Matthieu 8:23-27,Marc 4:35-41,Luc 8:22-25, Matthieu 14,24-33

Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.

Évangile selon Saint Matthieu 20:28

 

"Que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert... Moi je suis au milieu de vous comme le serviteur." (Lc 22,26-27; Matthieu 20:26-27); maître de toutes créatures, il a donné lui-même l'exemple de l'humilité et a fait de l'humilité, jointe au précepte de la charité, sa loi principale; il a dit encore: Mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. (Mt 11,30)" (Quas Primas 15). 

 

Il n'existe de salut en aucun autre; aucun autre nom ici-bas n'a été donné aux hommes qu'il leur faille invoquer pour être sauvés (Ac 4:12).

 

De la lignée de David, choisi par Dieu et marqué par l'onction royale, Il est le pasteur et le roi qui refait l'unité du peuple. Ce royaume, Saint Paul en parle non pas comme d'un monde étranger, d'un au-delà, mais comme une réalité déjà présente dans laquelle nous sommes déjà introduits par le Christ et avec lui. Jésus a tout réconcilié par le sang de sa croix. Ce royaume est déjà commencé, malgré les violences et les ténèbres qui enserrent notre monde. (Col. 1, 13-20)

 

Prétendre que le Christ ne doit pas régner sur les sociétés revient à dire que le Christ serait mort en vain sur la Croix et que ses lois n'auraient pas à être suivies par les souverains et les nations. "Dire que Jésus-Christ est le Dieu des individus et des familles, et n'est pas le Dieu des peuples et des sociétés, c'est dire qu'il n'est pas Dieu. Dire que le christianisme est la loi de l'homme individuel et n'est pas la loi de l'homme collectif, c'est dire que le christianisme n'est pas divin. [...] C'est le droit de Dieu de commander aux états comme aux individus. Ce n'est pas pour autre chose que N.-S. est venu sur la terre." (La Royauté sociale de N.S. Jésus-Christ, d'après le Cardinal Pie, P. Théotime de Saint-Just, ibid., p. 43-44; 73).

 

Devant Pilate lui demandant s'il était roi, Jésus répondit : "Tu l'as dit, je suis roi. Si je suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la vérité; quiconque est de la vérité, écoute ma voix." (Jn, 18:37).

 

Le titulus crucis, titre de la Croix que Pilate fit placer au-dessus de la tête du Christ lors de sa crucifixion est "Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm" (INRI), traduit par "Jésus de Nazareth, roi des Judéens", ou "Jésus de Nazareth, Roi des Juifs" (Jn 19, 19). L'inscription était en trois langues, en hébreu, en grec et en latin (Jn 19,20).

 

Le grand moyen de promouvoir ce règne, c'est la prière qui vivifie l'action et obtient du Ciel le succès que nos seuls efforts ne sauraient procurer. (La Royauté sociale de N.S. Jésus-Christ, d'après le Cardinal Pie, P. Théotime de Saint-Just, ibid., p. 86.)

 

Se manifestant aux Onze pendant qu'ils étaient à table, Jésus ressuscité leur dit : "Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création." (Mc 16,15). En montant au Ciel, lors de son Ascension, Jésus adressa encore ces paroles explicites à ses disciples : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre", leur commandant : "Allez donc: de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps." (Mt 28:18-19). "Garder" ce qu'Il a prescrit, "tout pouvoir" lui ayant été donné, "au ciel et sur la terre", sont les termes qu'emploie Jésus. Il y a un devoir d'évangéliser les nations sur la terre, c'est-à-dire d'apprendre aux nations, et à leurs souverains, à "garder" les enseignements du Christ. 

A Lui seul soit le gouvernement

 

La louange et la joie

 

Jusqu'à l'accomplissement des temps. Amen !

 

Les jours meilleurs arrivent !

 

Les bons temps arrivent !

 

Par le rachat du Sang du Christ !

 

Maintien dans la joie

 

Félicitations !

 

Et bonne fortune !

 

La Paix du Christ vient

 

Le Règne du Chrits arrive

 

Rendons grâce à Dieu. Amen.

 

La Grande guerre prouve la vanité de l'optimisme des "Lumières". Cherchant à rétablir la distinction des deux pouvoirs temporel et spirituel, opposant une "laïcité saine" à la "laïcité anticléricale", et constatant l'échec du système libéral moderne, cet athéisme public où tout vient de César et revient à César, et où une modernité crée des rapports sociaux injustes, méprise l'autorité spirituelle et conduit au "suicide de l'Europe civilisée" via des idées politiques autoritaires ou totalitaires, suite au conflit mondial de 1914, le pape Pie XI (1922-1939) instaure en 1925 la fête et la théologie du Christ-Roi comme remède. 

21. Les Etats, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l'obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d'obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l'ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l'ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles."

(
Pie XI, Lettre encyclique Quas Primas instituant la fête du Christ-Roi, § 21., 1925)


La Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ (Cardinal Pie)
 
P. THEOTIME DE SAINT JUST O.M.C.
LECTEUR EMERITE EN THEOLOGIE
LA ROYAUTÉ SOCIALE DE N. S. JESUS-CHRIST D’APRÈS LE CARDINAL PIE

 

Image du Christ, Roi des Nations; extrait de la magnifique tenture de l'Apocalyspe exposée au chateau d'Angers, rescapée des destructions de la Révolution dite française.(Merci aux divers responsables qui ont permis la mise en valeur de ce trésor)
Image du Christ, Roi des Nations; extrait de la magnifique tenture de l'Apocalyspe exposée au chateau d'Angers, rescapée des destructions de la Révolution dite française.(Merci aux divers responsables qui ont permis la mise en valeur de ce trésor)

 

{Editions de Chiré BP 1 86190 Chiré en Montreuil 05 49 51 83 04 /
Editions Sainte jeanne d'Arc les Guillots 18260 Villegenon 02 48 73 74 22 }


«JESUS-CHRIST EST LA PIERRE ANGULAIRE DE TOUT L'EDIFICE SOCIAL. LUI DE MOINS, TOUT S'EBRANLE, TOUT SE DIVISE, TOUT PERIT...»

«METTEZ DONC AU CŒUR DE NOS CONTEMPORAINS, AU COEUR DE NOS HOMMES PUBLICS, CETTE CONVICTION PROFONDE QU'ILS NE POURRONT RIEN POUR LE RAFFERMISSEMENT DE LA PATRIE ET DE SES LIBERTES, TANT QU'ILS NE LUI DONNERONT PAS POUR BASE LA PIERRE QUI A ETE POSEE PAR LA MAIN DIVINE : PETRA AUTEM ERAT CHRISTUS ».

«JESUS-CHRIST, C'EST LA PIERRE ANGULAIRE DE NOTRE PAYS, LA RECAPITULATION DE NOTRE PAYS, LE SOMMAIRE DE NOTRE HISTOIRE, JESUS-CHRIST, C'EST TOUT NOTRE AVENIR... » (CARDINAL PIE : ŒUVRES , V, 333 ; VIII, 54 ; X, 493).

"Les Pères de l'Église élaborent un 'hellénisme chrétien' qui est un véritable miracle de l'histoire humaine', comme le dit le cardinal Daniélou (L'Église des premiers temps, Seuil, 1985, p. 137). La formule est excellente.

 

"L'hellénisme chrétien à l'origine de la civilisation occidentale aurait pu avec le temps inscrire l'histoire dans le dessein de Dieu, sans la Révolution évidemment, c'est-à-dire sans la Renaissance, donc sans les ésotéristes chrétiens, et surtout sans le mouvement ésotérique qui va transmettre la pensée hellénistique aux initiés de la Renaissance et de la Révolution, ces deux défaites de l'Occident chrétien.

 

"[...] Saint Augustin a latinisé la culture grecque, ce qui permet à l'augustinisme d'atteindre à l'universel." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris 1999, p. 116; 233)

 

On a pu reprocher les empiétements de l'Église sur le pouvoir temporel des rois. Ceux-ci ont une explication historique simple : des empereurs de la Rome tardive ont prétendu intervenir dans la vie de la jeune Église chrétienne en nommant les évêques, en imposant des papes, en convoquant des conciles, en légiférant en matière de discipline ecclésiastique, en intervenant dans les débats doctrinaux. 

Les rois capétiens, les rois d'Angleterre, les empereurs du Saint empire romain germanique furent ainsi nombreux à intervenir dans la vie de l'Église, en désignant des évêques, légiférant en matière de discipline ecclésiastique. (Source: Dictionnaire du Moyen-Âge, sous la direction de Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Quadrige, Puf, 2002, p. 242).

 

Or, l'Église est seule maîtresse de sa morale et de son dogme (Cf. Saint Athanase, Saint Ambroise, Saint Jean Chrysostome, Saint Augustin). 

 

L'idée (venant de sectes protestantes) selon laquelle l'empereur Constantin (310-337) et les empereurs suivants auraient modifié la foi chrétienne dans un sens "païen" est facilement réfutable si vous lisez simplement les Pères de l'Église de cette époque. Ils luttaient constamment pour la foi catholique contre la pression impériale et la persécution. Et ils ont gagné :

 

"Après la conversion de l'Empire, (...) dès Constantin (...) l''évêque du dehors' (l'empereur) qui convoquait les conciles, s'engagea résolument dans les querelles religieuses. (...) Cette politique religieuse des empereurs allait peser lourdement sur les destinées de la chrétienté. (...) Dan son Histoire des Ariens, Athanase reproduit (...) la réponse de ses collègues occidentaux (Hilaire de Poitiers, Osius) à l'empereur, lors du concile de Milan (355). S'adressant au Pères, Constance (337-361) les pressait de signer la déposition du patriarche d'Alexandrie, champion de l'orthodoxie nicéenne (catholique).

 

"(...) 'Ils (les Pères) remontrèrent à l'empereur, écrit Athanase, que l'autorité n'était pas à lui, que Dieu la lui avait donnée... Ils lui conseillèrent de ne pas introduire la confusion dans les choses ecclésiastiques, de ne pas introduire le pouvoir civil dans la constitution de l'Eglise.'

 

"(...) Osius de Cordoue, écrivait dans le même sens, et avec plus de vigueur (356) : 'Il nous est ordonné de rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Il ne nous est pas permis de nous attribuer l'autorité impériale. Vous n'avez aussi aucun pouvoir dans le ministère des saints choses.' (Historia arianorum 40)

 

"(...) Gélase (492-496) s'inquiétait fort de l'action impériale en faveur de l'hérésie monophysite. (...) Dans le De anathematis vinculo (494) il montre pourquoi le pouvoir royal a perdu ses attributions religieuses depuis l'avènement du Christ :

 

"Avant l'avènement du Christ, (...) il y eut des hommes qui furent réellement prêtres et rois tout ensemble, tel Melchisédech, comme nous le raconte l'histoire sainte. Le diable en a fait autant avec les siens, lui qui s'efforce de revendiquer tyranniquement pour lui les honneurs dus au seul Dieu : c'est ainsi que les empereurs païens ont été appelés également grands pontifes. Mais depuis qu'a paru le véritable prêtre et roi, l'empereur ne s'est plus attribué désormais le titre de pontife et le prêtre n'a plus revendiqué la dignité royale.

 

"Ainsi (...) depuis l'Incarnation, seul le Christ peut être prêtre et roi. (...) Il explique pourquoi le Christ a séparé ces deux dignités et établi le dualisme du temporel et du spirituel : (...) le pouvoir  spirituel se tient éloigné des embûches du monde et, combattant pour Dieu, ne s'immisce pas dans les affaires du siècle, tandis qu'à son tour le pouvoir séculier se garde bien de prendre la direction des affaires divines. À rester ainsi modestement à sa place, chaque puissance évite de s'enorgueillir en accaparant pour elle toute l'autorité et elle acquiert une compétence plus grande dans les fonctions qui lui sont propres'."

 

(Source: Joseph LECLER, Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme, 1955, rééd. Albin Michel, Paris 1994, p. 77-81.)

 

Au IXe siècle, l'évêque Jean d'Orléans , poète à la Cour de Charlemagne, écrit: 

 

''Tous les hommes fidèles doivent savoir que l’Église universelle est le Corps du Christ ; que son Chef n'est autre que Christ ; que deux pouvoirs régnant s'y distinguent : à savoir, celui des prêtres et celui des rois ; et aussi que le pouvoir des prêtres est d'autant plus excellent que ce sont eux qui doivent rendre compte à Dieu même des rois.'' (Jean d'Orléans, évêque, Le métier de roi, ch. 1, v. 800 ap. J.-C.)

 

« Les siècles de la féodalité, longtemps définis comme des siècles de fer', correspondent en réalité au moment du "décollage" européen ». (Jean-Louis BIGET, Préface dans Florian MAZEL, 888-1180 Féodalités, Histoire de France, sous la direction de Joël Cornette, Folio, Gallimard, Trebaseleghe, Italie 2019, p. 10.) 

L'essor de l'Europe s'écrit en termes de christianisme et de monarchie, la décadence de l'Europe en termes de républicanisme, de progressisme et d'impiété.

Erik von Kuehnelt-Leddihn

Solennité du Christ Roi de l'univers

Voici donc comment l'Église s'est dégagée de l'ingérence et de l'influence des empereurs et des rois, ce qui a permis le développement inédit dans l'histoire d'une civilisation originale, distinguant le temporel du spirituel, le laïque du religieux, la civilisation occidentale.

 

Dans les sociétés païennes antiques, "ignorant des raisons de sa présence en ce monde, l'homme subissait totalement un destin qui lui était imposé par la volonté divine. Cette volonté s'exprimant au travers des prêtres (païens) qui étaient chargés de la servir, le pouvoir clérical (païen) était sans limite et pesait considérablement sur la direction de la cité jusqu'à se confondre avec elle. Pharaon, roi, dictateur ou tyran, les dirigeants antiques portaient en eux une partie de la vie divine. Ils étaient moitié fils de dieux ou de déesses, divinisés de leur vivant, tant on était convaincu que le pouvoir, même politique, échappait à la volonté de l'homme qui n'avait aucune prise sur sa destinée. L'État était une communauté religieuse, le roi un pontife, le magistrat un prêtre, la loi une formule sainte." (Fustel de Coulanges, La cité antique, Hachette 1967, p. 457).

Cette confusion totale du politique et du religieux, l'Empire romain, par l'intermédiaire d'Octave Auguste, le premier empereur, la portera à son sommet, en réalisant la fusion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel en sa personne.

"César, à cette époque, était le grand pontife, le chef et le principal organe de la religion romaine; il était le gardien et l'interprète des croyances, il tenait dans ses mains le culte et le dogme. Sa personne même était sacrée et divine" (Fustel de Coulanges, Ibid., p. 461.).

 

Or, "le christianisme n'est pas intégré au système étatique. Il ne s'accommode pas d'un mode politique, il en dénonce les travers et les injustices. Selon Jacques Ellul, même, ''le message du christ est forcément subversif à l'égard de tous les ordres sociaux, politiques, économiques, moraux et religieux.''

 

Le christianisme introduit une distinction inédite entre religion et politique. L'évêque Ossius de Cordoue (257-359) est de ceux qui veulent tenir l'État à distance dans les questions doctrinales  : 'Ne vous mêlez pas des affaires religieuses et ne donnez pas d'ordres à ce sujet : [...] Dieu a mis la royauté dans vos mains et nous a chargés des affaires de son Église.' [...] Les pouvoirs politiques et religieux doivent donc collaborer, bien qu'ils soient distincts." (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, Que Sais-je ?, 4e édition, Paris 2018, p. 22.)

 

Distinction (les "deux cités" de Saint Augustin) et coordination (des deux pouvoirs) est la double vérité sur laquelle s'appuie l'Église depuis Saint Augustin (Cf. Jacques CHEVALIER, De saint Augustin à saint Thomas d'Aquin: Histoire de la pensée, Préface de Serge-Thomas Bonino, Collection Philosophie européenne dirigée par Henri Hude, Editions Universitaires, vol. 3, 1992, p. 70.)

 

"Augustin conçut son ouvrage La Cité de Dieu, achevé vers 426, comme une démonstration de la compatibilité entre l'Empire et la foi. Il n'y a qu'une seule cité de Dieu, mais elle offre deux faces, l'une est terrestre, l'autre céleste, la seconde se révélant au fur et à mesure que la première s'efface. La cité de Dieu est à la fois l'Église réalisée, le ciel à venir et la communauté terrestre avec sa législation, gouvernée par le Christ. Mais cette conception mystique de l'Église laissait une liberté d'intervention concrète au profit des pouvoirs séculiers. [...] Le pape cherchait à préserver la liberté de l'Église romaine face aux empiétements impériaux, tout en reconnaissant la légitimité de l'autorité temporelle." (L'Église en procès, La Réponse des historiens, sous la direction de Jean Sévillia, Tallandier, Le Figaro, Paris 2019, p. 73.)

 

Une tradition impériale de convocation des conciles d'évêques initiée par Constantin à Nicée en 325, Théodose Ier à Constantinople en 381, Théodose II à Constantinople en 449, poursuivie en Occident par certains rois de France, comme Clovis le 10 juillet 511 à Orléans, Clotaire II à Paris en 614, Pépin le Bref à Compiègne en 757, Charlemagne à Tours et Mayence en 813, Philippe le Bel en 1312 au concile de Vienne..., en Orient par les empereurs byzantins, comme Justinien II en 692 au concile in Trullo, le IIe concile de Nicée en 787, et les empereurs germaniques, comme Frédéric Barberousse au concile de Pavie en 1160, et Sigismond au concile de Constance en 1414), voyait les conciles de l'Église convoqués par les rois

L’Église catholique romaine est la seule Église qui n’est ni une Église nationale, ni une Église d’État, ni une secte fondée par un homme ; c'est la seule Église au monde qui maintient et affirme le principe de l'unité sociale universelle contre l'égoïsme individuel et le particularisme national ; c'est la seule Église qui maintient et affirme la liberté du pouvoir spirituel contre l'absolutisme de l'État ; en un mot, c’est la seule église contre laquelle les portes de l’Hadès n’ont pas prévalu.

Vladimir Soloviev,"L'Église russe et la papauté" (1889)

 

Grégoire VII, Pape

 

Mille ans après sa fondation par le Seigneur à la Pentecôte, où saint Pierre prit la parole, la papauté est devenue presque malgré elle, de manière accidentelle, un pouvoir impliqué dans les querelles de ce monde (Les disciples du Christ ne sont pas DU monde, mais ils sont DANS le monde. Jn 17,14-18). Outre, le choix des évêques ou la convocation des conciles, "l'empereur germanique passait par-dessus le peuple romain et les notables pour nommer directement les papes

 

Le pape Saint Grégoire VII, l'un des plus grands Papes, fut au XIe siècle l'homme providentiel qui combattit tous les grands abus de cette époque. Sa "réforme grégorienne" régla les empiétements des empereurs d'Allemagne, c'est-à-dire un pouvoir politique trop envahissant, la vente des dignités ecclésiastiques (simonie), la contagion des mauvaises moeurs du clergé et dans le peuple. 

 

En 1122, le compromis du concordat de Worms, le premier de l'histoire, régla le problème: désormais, l'évêque serait élu librement par le clergé en présence de l'empereur ou de son représentant. En France, des procédures analogues furent mises en place pour l'élection des évêques.

L'Église n'a jamais enseigné la confusion des deux pouvoirs, ni l'absorption du temporel par le spirituel (théocratie), ni l'absorption du spirituel par le temporel (césarisme, gallicanisme, églises nationales), parce que ce sont des erreurs régulièrement condamnées par le Saint-Siège.

On adressait déjà cet absurde reproche (d'absorption du temporel) au pape Boniface VIII, qui, dans sa Bulle Unam, sanctam, définit contre les légistes courtisans de Philippe le Bel, déjà gallicans, la subordination (qui n'est pas absorption) de la puissance temporelle à la puissance spirituelle. "Il enseigne, disait-on, que le pape peut disposer des couronnes selon son bon plaisir..." - "Il y a quarante ans que j'étudie le doit, répondait le saint Pontife dans le Consistoire de 1303, et je sais apparemment qu'il y a deux puissances... Comment peut-on croire qu'une telle folie me soit venue à l'esprit?" (Boniface VIII, cité dans Mgr Gaume, Le dogme de l'infaillibilité.)

 

En réaction aux empiétements des pouvoirs temporels, la papauté au "Moyen-Âge" a cherché à affirmer "sa liberté tout en ouvrant la porte à une autonomie du politique, de la société, qui se serait développée grâce à cette séparation." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 17.)

"La réforme grégorienne va [...] en fait bien au-delà de la simple 'liberté' ou de la volonté de dégager les Églises des jeux politiques et de la corruption. La papauté grégorienne, veut rompre avec l'association organique des empereurs avec leurs évêques. Ce faisant, la réforme grégorienne commence à poser en des termes nouveaux la question des rapports entre pouvoir laïc et pouvoir religieux. Elle amorce à terme une forme de séparation avec les pouvoirs politiques et une laïcisation de ces derniers." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 135, 146-150.) "La réforme grégorienne fut une révolution qui agita l'Église durant un siècle et remit totalement en causes ses rapports avec le système politique. [...] Ainsi, bien avant la séparation de 1905, le principe de l'autonomie des pouvoirs séculier et spirituel était acquis, et ce en raison de l'insistance de la papauté." (L'Église en procès, La Réponse des historiens, sous la direction de Jean SÉVILLIA, Tallandier, Le Figaro, Paris 2019, p. 80.)

 

Les ordres monastiques de Cluny (Xe siècle) puis de Citeaux (Cisterciens) diffusent les principes de la réforme du clergé et d'obéissance à l'Église romaine. (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, Que Sais-je, 4e édition, Paris 2018, p. 48.)

 

"(En Occident) Pour l'essentiel, c'est aux moines que l'on doit la transmission de l'héritage antique. [...] Le monachisme s'est répandu en Occident dès le IVe siècle, après que saint Martin a fondé le premier monastère d'Occident à Ligugé." (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, ibid., p. 37.)

Mais avant les moines, les philosophes et apologistes chrétiens (Justin, Clément d'Alexandrie, Origène) ont, eux aussi, contribué à amarrer l'héritage antique des progrès de la raison des philosophes grecs au christianisme, permettant une nouvelle civilisation "à condition de rejeter les rituels des initiés. La religion chrétienne est une digue qui protège la rationalité du dogme", à condition, également, de rejeter cet archaïsme du monisme de l'Être de l'Antiquité païenne, qui confondant le Créateur et les créatures, a pu donner lieu à des interprétations mythologiques régressives, ésotérico-magiques, irrationnelles et marchandes. (Lire Alain PASCAL sur ce sujet dans La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris, p. 139-140; 145-150.)

 

Au IIe siècle à Alexandrie, Clément enseigne de 190 à 202 dans le Didascalé (école philosophique chrétienne, sur le modèle des écoles d'Athènes) que Dieu donne à l'esprit humain les moyens de parvenir à la vérité. Élève de Clément, Origène († 254) assume dans le christianisme l'héritage de la rhétorique et de la philosophie antiques, en intégrant la philosophie platonicienne dans la théologie chrétienne.  (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, ibid., p. 23-24.)

 

"La science et la philosophie grecque n'ont jamais quitté les monastères en Occident. Les œuvres philosophiques de l'Antiquité étaient connues dans les monastères occidentaux, car la culture grecque était présente dans la synthèse augustinienne et la langue grecque restait pratiquée." (Alain PASCAL, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. des Cimes, 2e éd. revue et commentée, Paris 2015, p. 72.)

 

Le premier humanisme est chrétien. "Il consiste à faire revivre les humanités anciennes pour les christianiser et ne date pas du XVe siècle car il a été constant pendant les temps féodaux (avec les moines augustiniens, Alcuin (735-804), Gerbert (945-1003), le pape de l'an mil, Pétrarque (1304-1374) sous certains aspects, et bien sûr Nicolas V (1397-1455)" (Alain PASCAL, Les Sources occultes de la philosophie moderne, De la Gnose à la théosophie, tome 1 de la La Conspiration des philosophes, éd. des Cimes, Paris 2017, p. 106.) Surnommé le "pape humaniste", Nicolas V (1447-1455) a connu à Florence, dans l'entourage de Cosme de Médicis, Leonardo Bruni, Niccolo Niccoli et Ambrogio Traversari. Parvenu au trône de saint Pierre, il réalise l'un de ses projets en fondant la Bibliothèque vaticane.

 

"C'est du moyen-âge que sortent directement les doctrines philosophiques et scientifiques sous lesquelles on prétend l'accabler [...]. Il faut donc reléguer dans le domaines des légendes l'histoire d'une 'Renaissance' de la pensée succédant à des siècles de sommeil, d'obscurité et d'erreur..." (Étienne GILSON, La philosophie au Moyen-Âge, p. 761)

 

L'Europe a dominé le monde dès l'époque dite 'obscure' du "Moyen-Âge". L'explication première réside dans la foi des Européens en la raison, dans l'engagement manifeste de l'Église sur la voie d'une théologie rationnelle débarrassée des rituels magiques antiques (scolastique XIe-XIVe siècle), qui a rendu possibles les progrès... Et ce pourquoi les "initiés" de tous les temps l'ont haïe et l'ont combattue, car elle mettait fin à leur commerce et leur domination sur le monde.

 

"En différenciant l'Être de Dieu et l'Être du monde, elle (la scolastique) a offert un fondement métaphysique à la raison et à la liberté. [...] En étant une personne, [...] l'homme n'agit pas par nécessité ou contingence (comme tout ce qui est uniquement interne au cosmos), il est libre et responsable (y compris du Mal, c'est la sanction de la liberté).

[...] La philosophie moderne est stupide – c'est le mot – quand elle dit  que l'homme est rationnel parce qu'il a rejeté Dieu et qu'elle prône une liberté individuelle parce que la raison humaine ne peut venir que de Dieu et que la liberté est impossible à l'individu, puisqu'il est interne au cosmos. Pour preuve, l'homme moderne ne comprend plus rien, il est fou, et de moins en moins libre (il n'y a que les victimes du communisme qui s'en aperçoivent...) [...] Le monisme métaphysique est donc la cause de l'échec moderne. [...] En  régressant à avant la scolastique, la philosophie moderne ne peut pas être nouvelle, elle est nécessairement régressive. [...] Et pour cause, elle régresse à la gnose et à la kabbale.

 

 

"La scolastique est un immense progrès parce qu'elle a sanctifié la philosophie ancienne (qui aspirait à libérer l'homme des croyances irrationnelles des relations cosmiques antiques en accordant à l'humain la faculté rationnelle et la liberté individuelle, mais avait échoué car elle avait persisté dans le monisme de l'Être, parce que c'était la seule conception de l'époque, ou parce que les premiers philosophes, s'ils avaient peut-être eu l'échos de la Genèse [...] n'en avaient pas compris la métaphysique) en la refondant sur le dualisme métaphysique" (Un Dieu créateur et un monde créé non confondus dans l'Un antique)." (Alain PASCAL, Les Sources occultes de la philosophie moderne, De la Gnose à la théosophie, tome 1 de La Conspiration des philosophes, éd. des Cimes, Paris 2017, p. 109-111.)

 

Ainsi, au XVIIe siècle, le cardinal Richelieu, énumérant "les principes dont le gouvernement, remis en sa bonne forme, doit s'inspirer", explique que puisque "'l'homme est souverainement raisonnable, il doit souverainement faire régner sa raison [...], l'autorité contraint à l'obéissance, mais la raison y persuade.' Cette croyance en la souveraineté de la raison est contraire à la doctrine protestante. Selon Luther, le péché originel a absolument corrompu la raison et l'a rendue totalement impuissante. Selon S. Thomas d'Aquin et la majorité des scolastiques, le péché originel a seulement affaibli la raison, mais l'a laissée capable d'atteindre le vrai et le bien. Pour les catholiques et pour Richelieu, la raison reste notre meilleur instrument." (Roland MOUSNIER, L'Homme rouge ou la vie du cardinal Richelieu, Bouquins, Robert Laffont, Paris 1992, p. 752.)

 

"En Occident, sept disciplines sont étudiées dans les monastères. Ce sont les arts libéraux. La grammaire, la rhétorique et la dialectique constituent le 'Trivium', les trois premières 'voies'. À leur suite, l'arithmétique, la musique, la géométrie et l'astronomie constituent les autre 'voies' des arts mathématiques, le 'Quadrivium'. On peut trouver une ébauche des arts libéraux dans Saint Augustin, mais leur origine est antérieure au christianisme et absolument païenne. Leur première énonciation aux Temps féodaux est due à un écrivain latin du Ve siècle, Capella (360? - 428?), qui [...] condense les arts libéraux dans une 'sorte d'encyclopédie', dont le tire est Le Satyricon ou Les Noces de Mercure et de la philologie... Selon Bréhier (La philosophie du Moyen-Âge, Albin Michel, 1949), les arts libéraux ont été 'christianisés' au VIe siècle par Cassiodore (né v. 468).

"[...] Cassiodore écrit v. 540 les manuels des arts libéraux que les moines vont utiliser pendant plusieurs siècles." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris 1999, p. 254-255.)

 

Entre le Ve siècle et le IXe siècle, Boèce (480-524), philosophe romain chrétien contemporain de Clovis, répand les œuvres d'Aristote en Occident. Son travail a été la source antique principale de la philosophie médiévale avant le XIIIe siècle. Son traité Logica vetus (logique ancienne) comprend entre autres ses traductions latines de l'Organon (Analytiques I et II), des Catégories, des Topiques, et De l'Interprétation d'Aristote, qu'il a transmis en Occident avant que soient connus les commentaires d'Averroès, philosophe andalou (1126-1198) au XIIIe siècle.

 

"La période n'est pas celle de 'l'infélicité des Goths', le long tunnel d'ignorance déploré par Rabelais et les humanistes. La convergence culturelle des élites 'barbares' et des élites gallo-romaines a permis leur fusion rapide. Au Ve et VIe siècles, aucune régression ne se discerne dans la culture des laïcs ni dans l'usage de l'écrit.

 

Geneviève BÜHRER-THIERRY, Charles MERIAUX le disent clairement :

 

"[...] Monastères et églises jouent un rôle positif dans la conservation des œuvres antiques.

 

"[...] La période du Ve au IXe siècle ne correspond donc nullement au degré zéro de la culture. Tout au contraire, elle assume un rôle primordial dans la transmission d'une grande part de la littérature latine à l'Occident des temps futurs.

 

"[...] À bien y regarder, on est donc amené à reconsidérer l'idée d'un déclin de cette noblesse sénatoriale dans la Gaule du Ve siècle en raison de l'hégémonie des chefs barbares. En vérité, la plupart des grandes familles ont maintenu leur position, entretenu un style de vie antique et participé à la transmission de la culture écrite." (Geneviève BÜHRER-THIERRY, Charles MERIAUX, La France avant la France 481-888, Histoire de France, Sous la direction de Joël Cornette, Folio Histoire, 2019, p. 19 et 40.)

 

"À partir du VIe siècle, les monastères occidentaux appliquent la Règle de S. Benoît (v. 440-547), le fondateur du monastère du Mont Cassin, proclamé récemment par l'Église 'Père de l'Europe et Patron de l'Occident, titres mérités. [...] La Règle bénédictine, rédigée en latin, s'inspire de celle de S. Basile, Père de l'Église et défenseur de Nicée, et accroît la lumière augustinienne. La Règle bénédictine oblige les moines à la fois au travail manuel et à la lecture. Par elle, les moines deviennent ainsi des artistes – ils ornent les Écritures des plus belles enluminures É, des constructeurs et des érudits. Cette maîtrise des arts et cette permanence de la culture ne permettent pas (là encore) d'accuser d''obscurantisme' les monastères bénédictins." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris 1999, p. 256.)

 

"Dès les premiers temps, les Pères de l'Église ont enseigné que la raison était le don suprême de Dieu et le moyen d'accroître progressivement leur compréhension des Écritures et de la Révélation. En conséquence, le christianisme s'est trouvé orienté vers l'avenir, tandis que les autres grandes religions affirmaient la supériorité du passé. 

"... Comme l'enseigne Tertullien au IIe siècle : 'La raison est une chose qui vient de Dieu, pour autant qu'il n'y a rien que Dieu, qui a fait toute chose, n'ait pas fourni, disposé, ordonné par la raison, rien qu'il n'ait voulu comme devant être appréhendé et compris par la raison.' (De la Repentance, ch. I). Dans le même état d'esprit, Clément d'Alexandrie énonçait au IIe siècle une mise en garde : 'Ne croyez pas que nous disons que ces choses sont reçues seulement par la foi, mais aussi qu'elles doivent être affirmées par la raison. Car en vérité il n'est pas avisé de confier ces choses à la simple foi sans la raison, étant donné qu'assurément la vérité ne peut exister sans raison.' (Les reconnaissances de Clément : Livre II, ch. 69). (Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 7, 22-23.)

 

Saint Augustin ne faisait qu'exprimer l'opinion générale lorsqu'il soutenait que la raison était indispensable à la foi  :  'Veuille le Ciel que Dieu ne haïsse pas en nous ce par quoi il nous a faits supérieurs aux animaux ! Veuille le Ciel que nous ne croyions pas de telle façon que nous n'acceptions pas ou ne cherchions pas de raisons, puisque nous ne pourrions même pas croire si nous ne possédions pas d'âmes rationnelles.' Saint Augustin reconnaissait que 'la foi doit précéder la raison et purifier le cœur et le rendre propre à recevoir et endurer la grande lumière de la raison'. Puis il ajoutait que, bien qu'il soit nécessaire 'que la foi précède la raison dans certains domaines de grande conséquence qui ne peuvent pas encore être compris, assurément la minuscule portion de raison qui nous persuade de ceci doit précéder la foi.' (In David C. Lindberg et Ronald L. Numbers, Gods and Nature : Historical Essays on the Encounter Between Christianity ans Science, Berkeley University of California Press, 1986, 27-28.) Les théologiens scolastiques avaient bien davantage foi dans la raison que la plupart des philosophes ne sont prêts à en avoir aujourd'hui. (R. W. Southern, Medieval Humanisme and Other Studies, Harper Torchbooks, New Yord, 1970, 49). (Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 23.)

 

"Les moines augustiniens continuent d'étudier les philosophes grecs, Claudien Mamert en fournit la première preuve. Le latin est la langue occidentale, mais dire que la culture grecque reviendra en Occident avec la 'Renaissance italienne' est un mensonge. [...] Dire que les moines en Occident ignorent la culture grecque est un des mensonges historiques qui sert d'alibi à la Franc-Maçonnerie pour opposer à un imaginaire 'obscurantiste' des monastères la pseudo-'science' de la Renaissance." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris 1999, p. 232.)

 

"Autre clerc lumineux, le pape Saint Grégoire le Grand (v. 540-606). [...] On peut dire qu'à leur manière Saint Benoît et Saint Grégoire perpétuent l'union de la raison et du cœur de l'augustinisme. Ils sont fidèles à la tradition de l'Occident chrétien, pour lequel le Vrai, idéal de la raison, est une valeur au même titre que le Beau, idéal du cœur. Le Vrai et le Beau véhiculent le Bien. Un chrétien de la tradition aime la Vérité et la Beauté qui rapprochent de Dieu, redoute le mensonge et la laideur qui sont des attributs du diable, usurpateur du vrai et du beau.

 

"[...] On peut dire qu'à partir du VIe siècle, par l'augustinisme, la Règle bénédictine et la réforme grégorienne, la lumière éclaire les monastère d'Occident, refuges de la culture et des arts en cette période de chaos due aux invasions." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, La Pré-kabbale, Éd. de l'Æncre, Paris 1999, p. 256-257.)

 

La culture, selon Charlemagne, devait s'écouler en aval d'une classe de lettrés religieux et éduqués à la cour, la classe intellectuelle. Il s'agissait d'une approche rigoureusement descendante où l'exemple venant d'en haut, la cour devait montrer l'exemple.

 

"La lumière de la tradition chrétienne éclaire la Renaissance carolingienne

"Alcuin (735-804) dirige l'École du palais à Aix-la-Chapelle et celle de Tours. Sous son autorité, des écoles sont fondées dans toute l'Europe. [...] Alcuin [...] reste un augustinien. [...] L'École du Palais copie les manuscrits des auteurs latins, qui, par les monastères atteindront les grands classiques français. Alcuin inscrit pour plusieurs siècles la culture de l'Occident dans la catholicité. Les Germains découvrent la culture antique grâce aux chrétiens. Cette culture est christianisée et transmise par les moines aux poètes et littérateurs futurs. La littérature des Temps féodaux est même si riche de culture antique qu'il est mensonger de parler de Renaissance littéraire au XVe siècle.

"[...] La Renaissance carolingienne réussit la réconciliation de l'Orient et de l'Occident dans une admirable synthèse qui s'inscrit dans la suite de l'augustinisme (développement chrétien de Platon, nécessité de la grâce pour le salut, conciliation entre foi et raison, connaissance naturelle de Dieu, négativité du mal). Elle est [...] comme l'augustinisme, un magnifique fruit de la Raison occidentale. [...]  Elle éclaire le passé grec par la Lumière de la tradition chrétienne, l'augustinisme." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, tome2, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. Cimes, 2e éd. revue et augmentée, Paris 2015, p. 97.)

Au Xe siècle, le savant Gerbert d'Aurillac (950-1003), Pape sous le nom de Sylvestre II. "Ses préoccupations sont celles d'un humaniste, il achète à grand prix des livres dans tous les pays", écrit Émile Bréhier, dans La Philosophie au Moyen-Âge (Albin Michel, 1949, p. 79), c'est-à-dire qu'il étudie les humanités anciennes et se préoccupe du sort des humains (il ne peut pas être Humaniste au sens du XVIe siècle, qui substitue l'Homme à Dieu)... En même temps que Gerbert et en relation avec lui, un autre moine savant, Abbon (945-1004) travaille "à la restauration des sciences", précise Béhier (p. 81).

"L'Occident chrétien  va connaître un apogée intellectuel à partir du XIe siècle. (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, tome2, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. Cimes, 2e éd. revue et augmentée, Paris 2015, p. 120-121.)

 

Du début du XIe siècle à la fin du XIIe siècle, la scolastique primitive débute avec la figure d'Anselme de Cantorbéry (1033-1109) et l'école de Chartres. Les œuvres d'Aristote marquées par l'influence de Platon sont copiées par Jacques de Venise († 1147) et traduites du grec au latin par Albert le Grand (1193-1206), maître dominicain de Thomas d'Aquin, qui les introduit dans les universités, en même temps que les traités scientifiques grecs.

 

Saint Thomas d'Aquin formule l'aristotélisme chrétien en appliquant à la théologie les méthodes et les exigences du raisonnement philosophique. L'engagement chrétien en faveur de la raison culmine avec sa Somme théologique, publiée à Paris à la fin du XIIIe siècle. Il avançait que dans la mesure où l'entendement des humains n'est pas suffisant pour percevoir directement l'essence des choses, il leur est nécessaire de cheminer vers la connaissance pas à pas, au moyen de la raison. Il prônait ainsi l'utilisation de la philosophie, particulièrement des principes de la logique, dans une tentative d'élaboration de la théologie. 

Alexandre de Hales (1180-1245) surnommé le "Docteur irréfragable", Robert Grossetête (1175-1253) à Lincoln, un des représentants de la Première Renaissance, et Roger Bacon (1214-1294) à Oxford (Angleterre), surnommés le "Docteur admirable", davantage portés vers l'expérience que vers la spéculation pure, identifient quelques erreurs commises par Aristote à propos des phénomènes naturels, ce qui ne les empêche nullement de reconnaître l'importance de la philosophie d'Aristote. 

La scolastique tardive du XIVe siècle est représentée par la figure de Jean Duns Scot (1266-1308), à Oxford, Paris et Cologne, le "docteur subtil" qui donne une priorité à la volonté (d'où l'étiquette de "volontarisme") devant les autres facultés comme l'intelligence intellectualiste ou la charité.

Les apports du christianisme

 

Imparfaite, mais néanmoins grande, la civilisation de la chrétienté formée par l’Église catholique est une civilisation dont nous pouvons et devons être fiers. Aucune n’a produit autant de fruits dans tous les domaines de la vie.

Les œuvres du Christ ne reculent pas, mais elles progressent.

Saint Bonaventure

‘’(Le christianisme) leva sur le monde, avec l’étendard du Calvaire, le vrai drapeau de la réforme. Il attaqua l’orgueil par l’humilité, il attaqua la cupidité (passion immodérée de la richesse) par la pauvreté, il attaqua le sensualisme par la mortification, il opposa à la concupiscence qui précipitait toutes les décadences la sainteté qui allait susciter tous les Progrès … Et … le monde se trouva replacé sur cette route royale où depuis deux mille ans il remonte avec Jésus-Christ. ... Le christianisme a réformé et fait progresser le monde parce qu'il a attaqué résolument la concupiscence (Concupiscentia carnis, concupiscence de la chair ou sensualisme, péché originel, l'âme qui s'incline sous l'empire du corps, la prépondérance désordonnée de la vie des sens sur la vie de l'esprit) : au contraire, toutes les réformes qui reculent devant elle, réforme religieuse, politique ou sociale, échouent fatalement, et conduisent aux décadences sous le drapeau du Progrès. ... (En effet), ... ce qu'il y a de plus effrayant dans ... ces tendances de notre temps, c'est d'entendre vanter comme élément et principe de Progrès, ce mal profond (le sensualisme) qui dévore le Progrès.’’ (Joseph FELIX, Le Progrès par le christianisme 1857, Conférences de Notre-Dame de Paris, Forgotten Books, p. 87-88; 103; 145.)

 

"Le christianisme irrigue toutes les constructions sociales, il est le modèle d’explication des sociétés, des cultures et du système de pensée occidental dans ses structures conceptuelles. Il se présente comme la constituante essentielle de l’histoire des civilisations et des hommes. Cette assertion, indéniable aujourd’hui et scientifiquement acquise..." (Bénédicte Sère, Histoire générale du christianisme. Volume I : Des origines au xve siècle, dir. Jean-Robert Armogathe, Pascal Montaubin, Michel-Yves Perrin, Revue de l’histoire des religions [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 04 avril 2012. URL : http://journals.openedition.org/rhr/7840 )

 

 

Tout ce qui caractérise l'Europe est dû au christianisme

 

Chose unique dans l'histoire, dans le christianisme se trouve une première proposition d'universalité, l'homme trouve un une liberté individuelle ; alors que jusque sa destinée était collective, son destin devient individuel avec le Sermon sur la montagne.

 

"Le catholicisme est ... la plus tolérante de toutes les religions, puisque la seule qui ne différencie pas le statut du croyant et du non-croyant.

 

"(...) Sans l'Incarnation de Jésus, ni la reconnaissance d'une destinée personnelle, ni la liberté accordée à tous les hommes égaux devant Dieu, ni la domination rationnelle de l'homme sur la nature ne sont concevables. 

 

"Berdiaev (1874-1948) a démontré que, par la suite de l'Incarnation christique, toute la part traditionnellement magique de la nature était abolie, ce qui permettait l'étude scientifique de la nature, par démystifcation. Ce n'est pas (...)  le cas du judaïsme (ni de l'islam qui prône et vit une théocratie, la soumission du temporel au spirituel). Le judaïsme  envisage toujours un destin collectif, n'accorde pas le même statut au juif et au goy, et ne s'est pas clairement départi de l'ancienne cosmologie (...), notamment dans son ésotérisme kabbalistique.

 

"Incidences politiques évidentes : la Démocratie est d'origine chrétienne, (...)

 

"Comme dans le christianisme pour lequel chaque homme est égal devant Dieu, dans la Démocratie chaque citoyen est égal devant la loi (qu'il ne le soit pas dans les faits n'est pas du domaine religieux)." (Alain PASCAL, La Trahison des initiés, 3e édition revue et corrigée, éd. Cimes, Paris 2013, p. 221; 229.)

 

Par exemple : "aucune nation, aucune démocratie ne peut écrire sa propre histoire sans reconnaître à la France une dette ou une influence directe." a pu écrire Théodore ZELDIN, dans "Histoire des passions françaises, 1848-1945" (tome 5, Points Histoire, Paris-Mesnil 1981, p. 446.) à propos de la France, Fille aînée de l'Eglise.

 

Le self-government rural ou la "démocratie" et des élections à la pluralité des voix dans chaque village était un usage courant sous l'"Ancien Régime". (Frantz FUNCK-BRENTANO, La Société sous l'Ancien Régime, Flammarion, Lagny 1934, p. 33-35.)

 

"Les rois du vieux temps laissaient se gouverner leurs sujets à l'abri de leur autorité souveraine. [...] Dallington va jusqu'à définir la France sous le gouvernement de ses princes, 'une vaste démocratie'." (Frantz FUNCK-BRENTANO, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 525-526.)

 

Le parlement local était élu par la population locale. Chaque grande ville élisait ses dirigeants, désignés parfois sous le terme d'échevin. (Pierre GAXOTTE, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 9-10.) Mais, "dans certaines provinces, les sujets du roi pouvait naître, vivre et mourir sans avoir directement affaire à l’Etat." (Michel ANTOINE, Louis XV, Fayard, 1989).

 

Sous "l'Ancien Régime", "le principe des libertés nationales était posé dans cette maxime fondamentale de l'Etat français : Lex fit consensu populi et constitutione regis. "Consentement de la nation et décret du prince", voilà l'antique formule du pouvoir législatif en France, depuis l'établissement de la monarchie." (Mgr FREPPELLa Révolution française, Autour du centenaire de 1789, Paris: A. Roger et F. Chernoviz, 1889, p. 33.)

 

"L'enseignement était obligatoire et gratuit. [...] Au cours de son livre L'École sous la Révolution, V. Pierre constate qu'il y avait en 1789 des écoles dans chaque paroisse 'et presque dans chaque hameau'." (Frantz-FUNCK-BRENTANO, La Société sous l'Ancien Régime, Flammarion, Lagny 1934, pp. 50-51.)

Solennité du Christ Roi de l'univers

La liberté et l'égalité sont des principes monarchiques français qui ont été dévoyés par l'oligarchie républicaine.  

 

"Dans le régime démocratique, [...] (e)n théorie, le nouveau citoyen se voit reconnaître un pouvoir de contribuer à la formation des décisions. [...] Mais en réalité, il a moins de prise sur la décision qu'il n'en a jamais eu (Voir Patrice Gueniffey, Le Nombre et la raison, La Révolution française et les élections, éd. de l'EHESS, Paris 1993, p. 208-213). En effet, la participation démocratique [...], constitue une double fiction dont l'effet est de transférer le pouvoir théoriquement possédé par les individus à une oligarchie composée de professionnels de la politique. Cette oligarchie trie les problèmes et définit les termes dans lesquels ils peuvent être résolus, médiation indispensable pour transmuer la poussière des volontés individuelles en 'volonté collective'." (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaireFayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 206-210.)

 

"L'État de nos jours est plus directif que sous l'Ancien Régime. [...] La plus libérale des démocraties actuelles est bien plus absolue que la monarchie dite 'absolue'... En effet, l’autorité étatique y est beaucoup plus à même d’imposer sa volonté." (Jean-Louis Harouel, L’esprit des institutions d’Ancien Régime, Le miracle capétien, Perrin, 1987).

 

"Les théoriciens chrétiens proposaient depuis longtemps des théories sur la nature de l'égalité et sur les droits de l'individu. Le travail ultérieur de théoriciens politiques 'laïques' tels que John Locke a été explicitement fondé sur des axiomes égalitaires posés par les penseurs religieux." (Jeremy Waldron, God, Locke, and Equality, Cambridge University Press, 2002, cité in Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 11). 

 

"Beaucoup expriment également de l'admiration pour les œuvres de John Locke au XVIIe siècle comme étant une source majeure de la théorie démocratique moderne, apparemment sans se rendre compte le moins du monde que Locke fonda explicitement toute sa thèse sur les doctrines chrétiennes concernant l'égalité morale." (Jeremy Waldron, ibid.cité in Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, ibid., p. 119.)

 

 

Ainsi, ‘’le christianisme n'est pas seulement une foi, c'est une foi qui a baptisé une civilisation : celle de la dignité des hommes, de la liberté, de la responsabilité, de l'égalité. Détruisez le christianisme et vous aurez détruit cette civilisation. Reléguez la foi chrétienne au rôle d'un récit et vous aurez perdu notre fondement. Et notre identité aussi : car si les autres vous frappent parce que vous êtes juif et chrétien et que vous ne donnez aucun poids à cet être, alors les autres sont quelqu'un et vous n'êtes personne, n'ayant rien à défendre. C'est la leçon, très personnelle, que j'ai tirée de la tragédie du 11 septembre et que j'ai renforcée lors de mes rencontres avec Ratzinger. Il avait de la lucidité et du courage,’’ a pu ainsi expliqué le sénateur libéral italien, philosophe et universitaire, Marcello Pera, qui a rencontré à plusieurs reprises Benoît XVI après avoir lu le livre de Joseph Ratzinger, "Foi, Vérité, Tolérance".

 

Rappelons les progrès scientifiques et moraux dus au christianisme. Le christianisme est directement responsable des percées intellectuelles, politiques, scientifiques et économiques les plus significatives du dernier millénaire; la théologie chrétienne en est la source même. "Les autres grandes religions ont mis l'accent sur le mystère, l'obéissance, l'introspection ou la répétition. Seul le christianisme s'est ouvert à la logique et à la pensée déductive comme moyens d'accès aux lumières, à la liberté et au progrès. Au Ve siècle déjà, saint Augustin célébrait le progrès théologique et "l'invention exubérante". Les valeurs qui nous sont les plus chères aujourd'hui - le progrès scientifique, le règne de la démocratie, la liberté des échanges et de la circulation des hommes et des idées - doivent largement leur universalité au christianisme vu comme une tradition grandiose dont nous sommes tous les héritiers", écrit Rodney STARK dans son ouvrage "Le triomphe de la raison : pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, traduction de Gérard Hocmard, Paris, Presses de la Renaissance, 2007.) 

 

"Non seulement la science et la religion étaient compatibles, mais elles étaient inséparables : l'essor de la science a été le fait de penseurs chrétiens profondément religieux. (Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 30.) 

 

Ceux qui participèrent aux grands progrès des XVI et XVIIe siècles, Newton, Kepler, et Galilée ont perçu leurs travaux comme étant 'au service' de la théologie. Ils considéraient la Création elle-même comme un livre qu'il fallait lire et comprendre. (David Lyle Jeffrey, By Things Seen : Reference and Recognition in Medieval Tought, Ottawa Université of Ottawa Press, 1979, 14). René Descartes justifiait sa recherche des 'lois' naturelles par le fait que de telles lois doivent nécessairement exister puisque Dieu est parfait et qu''il agit de manière aussi constante et immuable que possible', à la rare exception des miracles. (Œuvres, Livre VIII, ch. 61.)

 

La fin des sacrifices humains

 

Dans la mythologie nordique du Chant d’Hyndla, le guerrier Ottar (lointain descendant de Sigurd), probablement lié aux Berserkers des sagas, offrait des sacrifices humains à la déesse Freyja.

Mais au VIIe siècle, les sacrifices humains en Europe étaient encore pratiqués dans certaines régions païennes 

- comme la Frise où les enfants étaient "noyés dans la mer par la marée montante afin d'apaiser la colère des dieux" (Geneviève BÜHRER-THIERRY, Charles MERIAUX, La France avant la France 471-888, Histoire de France, Sous la direction de Joël Cornette, Folio Histoire, 2019, p. 276).

- En Suède où les habitants de l'île de Gotland sacrifiaient leurs enfants, en Norvège où on jetait les enfants sur des lances, en Islande où des êtres humains étaient jetés dans des fosses sacrificielles (blotgrafar, des puits à offrandes); en Suède encore à Uppsala où tous les neuf ans, des hommes étaient sacrifiés pendus dans un bois près du temple, ou noyés dans une source (Stéphane COVIAUX, La fin du Monde Viking, Passés Composés, Paris 2019, p. 158)

- au Danemark au Xe siècle, où l'archéologie témoigne de l'existence de sites dédiés aux sacrifices rituels, y compris humains, à Tisso, près de la grande halle, ou à Trelleborg.

Ces sacrifices humains réalisés dans l'espoir de se concilier les dieux Odin, Thor et Freya, parce que leur sang avait davantage de prix, avaient disparu au XIIIe siècle dans la "Chrétienté", et au XVIe siècle dans le monde, en Amérique latine. "Ils ne cesseront définitivement qu'une fois le christianisme bien implanté." (Jean RENAUD, Les vikings, vérités et légendes, Perrin, 2019, p. 294-302.)

 

L'infanticide et l'exposition des enfants. L'anthropologue Laila Williamson note que "l'infanticide a été pratiqué sur tous les continents et par des gens de tous niveaux de complexité culturelle, des chasseurs-cueilleurs aux grandes civilisations, y compris nos propres ancêtres. Plutôt que d'être une exception, il a donc été la règle. (Laila Williamson, Infanticide: an anthropological analysis, in Kohl, Marvin (ed.). Infanticide and the Value of Life, NY: Prometheus Books, 1978, pp. 61–75.)

Une méthode d'infanticide fréquente dans l'Europe et l'Asie anciennes consistait simplement à abandonner le nourrisson , le laissant mourir par exposition (c'est-à-dire par Hypothermie, faim, soif ou attaque animale). [John Eastburn Boswell, "Exposition et oblation: l'abandon des enfants et la famille antique et médiévale". Revue historique américaine, 1984.]

Les Grecs historiques considéraient la pratique du sacrifice des adultes et des enfants comme barbare [26], cependant, l'exposition des nouveau-nés était largement pratiquée dans la Grèce antique , elle était même préconisée par Aristote dans le cas de la déformation congénitale - "Quant à l'exposition des enfants, qu'il y ait une loi interdisant à un enfant déformé de vivre. » [PM Dunn, "Aristotle (384–322 bc): philosopher and scientist of ancient Greece, 2006] En Grèce, la décision d'exposer un enfant appartenait généralement au père, bien qu'à Sparte, la décision ait été prise par un groupe d'anciens.

Cette pratique était également répandue dans la Rome antique. Selon la mythologie, Romulus et Remus , deux fils jumeaux du dieu de la guerre Mars, ont survécu au quasi-infanticide après avoir été jetés dans le Tibre. Selon le mythe, ils ont été élevés par des loups et ont ensuite fondé la ville de Rome.

Philon a été le premier philosophe à se prononcer contre. [The Special Laws. Cambridge: Harvard University Press. III, XX.117, Volume VII, pp. 118, 551, 549.] Une lettre d'un citoyen romain à sa sœur ou à une femme enceinte de son mari [Greg Woolf (2007). Ancient civilizations: the illustrated guide to belief, mythology, and art. Barnes & Noble. p. 386.], datant du 1er av. J.-C., montre la nature décontractée avec laquelle l'infanticide était souvent considéré.

Dans certaines périodes de l'histoire romaine, il était traditionnel qu'un nouveau-né soit amené au pater familias , le patriarche de la famille, qui déciderait alors si l'enfant devait être gardé et élevé, ou laissé mourir par exposition. [John Crossan, The Essential Jesus: Original Sayings and Earliest Images, p. 151, Castle, 1994, 1998] Les Douze Tables de droit romain l'ont obligé à mettre à mort un enfant visiblement déformé. Les pratiques concurrentes d' esclavage et d'infanticide ont contribué au «bruit de fond» des crises de la République.

L'infanticide est devenu une infraction capitale en droit romain en 374 après JC , mais les contrevenants étaient rarement, sinon jamais, poursuivis. [Samuel X. Radbill, 1974, "A history of child abuse and infanticide", in Steinmetz, Suzanne K. and Murray A. Straus (ed.). Violence in the Family. NY: Dodd, Mead & Co, pp. 173–179.]

La première maison d'enfant trouvé en Europe a été établie à Milan en 787 en raison du nombre élevé d'infanticides et de naissances hors mariage. L' hôpital du Saint-Esprit à Rome a été fondé par le pape Innocent III parce que les femmes jetaient leurs enfants dans le Tibre. [Richard Trexler, (1973). "Infanticide in Florence: new sources and first results". History of Childhood Quarterly. 1: 99.]

Contrairement à d'autres régions européennes, au Moyen Âge, la mère allemande avait le droit d'exposer le nouveau-né. [C.W. Westrup (1944). Introduction to Roman Law. London: Oxford University Press. p. 249.]

Au Haut Moyen Âge, l'abandon d'enfants non désirés a finalement éclipsé l'infanticide. Les enfants non désirés étaient laissés à la porte de l'église ou de l'abbaye, et le clergé était supposé prendre soin de leur éducation. Cette pratique a donné naissance aux premiers orphelinats. (Josiah Cox Russell, 1958, Late Ancient and Medieval Population, pp. 13-17.]

Le judaïsme interdisait l'infanticide. Tacite a enregistré que les Juifs "considèrent comme un crime de tuer tout enfant né tard". [Tacitus (1931). The Histories. London: William Heinemann. Volume II, 183.] Josephus , dont les travaux donnent un aperçu important du judaïsme du 1er siècle, a écrit que Dieu "interdit aux femmes de provoquer l'avortement de ce qui est engendré, ou de le détruire par la suite". [Josephus (1976). The Works of Flavius Josephus, "Against Apion". Cambridge: Harvard University Press. pp. II.25, p. 597.]

Dans les tribus païennes germaniques, John Boswell écrit que les enfants indésirables étaient exposés, généralement dans la forêt. "C'était la coutume des païens [teutoniques], que s'ils voulaient tuer un fils ou une fille, ils seraient tués avant d'avoir reçu de la nourriture." [Boswell, John (1988). The Kindness of Strangers. NY: Vintage Books.] Habituellement, les enfants nés hors mariage étaient disposés de cette façon.

Dans son Temps préhistoriques très influent, John Lubbock a décrit des os brûlés indiquant la pratique du sacrifice d'enfants dans la Grande-Bretagne païenne. [John Lubbock (1865). Pre-historic Times, as Illustrated by Ancient Remains, and the Manners and Customs of Modern Savages. London: Williams and Norgate. p. 176.]

Le dernier canto, Marjatan poika (Fils de Marjatta) de l'épopée nationale finlandaise Kalevala décrit un infanticide supposé. Väinämöinen ordonne que l'enfant bâtard de Marjatta se noie dans le marais.

Le Íslendingabók , une source principale pour la première histoire de l'Islande , raconte que lors de la conversion de l'Islande au christianisme en 1000, il a été prévu - afin de rendre la transition plus agréable pour les païens - que "les anciennes lois autorisant l'exposition des nouveau-nés resterait en vigueur". Cependant, cette disposition - comme d'autres concessions faites à l'époque aux païens - fut abolie quelques années plus tard.

Ce sont les principes chrétiens sur lesquels la civilisation occidentale a été fondée qui ont d'abord interdit, puis empêché pendant si longtemps et pendant tant de siècles le meurtre d'enfants. 

 

"Le christianisme a libéré les femmes." (Jacques Le Goff).

 

"Le christianisme est la religion qui valorise le plus le féminin, car la femme [...] y est l'égale de l'homme pour le salut. Il n'y a plus 'ni homme, ni femme', écrit Saint Paul (Ga 3,28).

 

"Par rapport au passé, le christianisme offre [...] une nouvelle dignité à la femme par un mariage qui met fin à la polygamie orientale et lui accorde le droit à l'amour. La femme n'est plus un objet de plaisir." (Alain PASCAL, La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne, tome 2, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. Cimes, 2e éd. revue et augmentée, Paris 2015, p. 213.)

 

De même, le consentement dans le mariage est une révolution introduite avec l'institution du mariage chrétien qui revenait sur la pratique du mariage forcé hérité du droit romain où la femme romaine est une mineure, sous la coupe du pater familias, père de famille, puis du mari. Voici quelques lignes de Jacques Le Goff sur ce sujet :

 

À l'instar des nombreuses saintes qui furent persécuter et martyres pour avoir exercé leur liberté de consentement, comme sainte Thècle au Ier siècle, sainte Agathe au IIIe siècle, ou encore sainte Agnès au début du IVe siècle, "voyez [...] la réflexion qu'a menée l'Église sur [...] le mariage, afin d'aboutir à cette institution typiquement chrétienne formalisée par le IVe siècle concile de Latran en 1215, [...] un acte qui ne peut avoir lieu qu'avec l'accord plein et entier des deux adultes concernés (consentement). [...] Le mariage est impossible sans l'accord [...] de l'épouse : la femme ne peut pas être mariée contre son gré, elle doit avoir dit oui. (Michel SOT, La Genèse du mariage chrétien, L'Histoire n°63, pp. 60-65).

 

"[...] C'est une de mes idées favorites, confortée par le progrès des études historiques : le Moyen-Âge, [...] a été aussi et surtout un moment décisif dans la modernisation de l'Occident." (Jacques LE GOFF, L'histoire n° 245, cité dans La Véritable Histoire des Femmes, De l'Antiquité à nos Jours, Présenté par Yannick RIPA, L'Histoire, Nouveau Monde Éditions, Paris 2019, pp. 67-82.)

 

"À l'ère moderne, les découvertes scientifiques, l'essor du commerce [...] auraient achevé d'installer en Occident un mouvement de liberté et de progrès, à opposer à la stagnation des autres mondes, islamique, chinois, indien." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 15.)

 

Le christianisme a permis le "décollage européen" au "Moyen-Âge", le progrès économique, le progrès scientifique, technologique et matériel, et le progrès moral, dans la mesure où la papauté a travaillé à l'autonomie des pouvoirs temporel et spirituel ("réforme grégorienne" au XIe siècle), ce qui n'existe dans aucune autre ère de civilisation. (CfJean-Louis HAROUEL, Le Vrai génie du christianisme, Laïcité, Liberté, Développement, éditions Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy 2012 ; Rodney STARK, Faux témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019.)

 

"L'une des incantations républicaines consiste à faire croire que la République a apporté l'égalité entre les citoyens. ... [J]e ne suis pas certain que les inégalités aient été plus criantes sous Louis XVI que sous notre république. Précisément parce que l'institution de la noblesse, cet ordre prestigieux auquel toute famille désireuse de se hisser dans la société rêvait d'accéder, empêchait par là même qu'elles continuent à s'enrichir interminablement (il était interdit à la noblesse de s'enrichir; l'honneur interdisait à la noblesse de sortir du rôle qui lui était dévolu, la noblesse pouvait se perdre par déchéance à la suite d'une condamnation infamante, ou par dérogeance, lorsqu'un noble était convaincu d'avoir exercé un métier roturier ou un trafic quelconque). Un Bill Gates était inimaginable à l'époque, ces fortunes qui dépassent la richesse de nombreuses nations n'existaient pas. [...] Rien de plus politique que d'arrêter, par un moyen aussi puissant que volontaire, par le motif de l'honneur, l'accroissement immodéré des richesses dans les mêmes mains. Ainsi l'institution de la noblesse empêchait-elle la constitution de fortunes insensées, aberrantes, outrancières, et ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir dans l'ancienne monarchie un monde mieux armé pour prévenir ces aberrations. [...] Malgré l'évidence..., on continue de nous représenter la société sous l'Ancien Régime comme monde inégalitaire. Il l'était, sans aucun doute. Comme toute société. Il n'existe pas de société égalitaire. La société communiste, qui s'est imposée au prix d'une terreur jamais vue dans l'histoire, n'a pas réussi le pari de l'égalité, au contraire: elle a connu un éventail des revenus plus large que nos sociétés d'Europe occidentale. Il est d'ailleurs amusant de constater que la gauche, et plus généralement la république, aggrave, toujours les inégalités plutôt qu'elles ne les réduit. Par exemple, sous le septennat de Valery Giscard d'Estaing, l'éventail des revenus était moins large que sous son successeur François Mittérand. ... Aujourd'hui, ... [l]a moitié du patrimoine national (50%) est détenue par 10% des ménages. Et 40% des Français n'ont aucun patrimoine. 40% des Français sans patrimoine: ce chiffre était le même en 1800, au lendemain de la Révolution." (Yves-Marie ADELINE, Le Royalisme en question (1792-2002), Perspectives pour le XXIe siècle, Préface de Vladimir Volkoff, Postface de Jean Raspail, L'Âge d'Homme - Editions de Paris, Libres Mobiles, 2e édition corrigée, Paris 2002, p. 96-97). 

Au Ve siècle, avec nos premiers rois de France, la tradition royale était, sur les conseils de saint Rémi, qui baptisa Clovis, de soulager les habitants du pays, de réconforter les affligés, de veiller sur les veuves, de nourrir les orphelins (M.C. ISAÏA, Rémi de Reims, Mémoire d'un saint, histoire d'une église, Cerf, Paris 2010, p. 777), et pour ceux que la Providence avait particulièrement dotés de donner le plus largement possible aux pauvres. À l'instar de l'amour du prochain, la charité publique, commandée par la foi, et librement consentie, n'était pas (encore...) imposée par l'État. "Protège les Pauvres, ils te protégeront", tel était l'enseignement de Philippe Auguste à Saint-Louis.

 

La charité publique. C'est surtout sous la direction des évêques, protecteurs des faibles et des malheureux, que se développa le mouvement charitable; ils créèrent les Hôtels-Dieu que l'on retrouve à l'ombre de toutes les cathédrales. Dans la plupart des pays d'Europe, les maladreries étaient sous la juridiction directe des évêques. La dîme servait à alimenter la charité paroissiale, pendant plus de 1200 ans, le budget de l'Église fut en même temps celui de l'assistance et de la charité publiques. (Jean GUIRAUD, Histoire partiale histoire vraie, tome III, L'Ancien Régime, 5° édition, Gabriel Beauchesne & Cie Editeurs, Paris 1914, p. 210.)  

 

"Les principes consolants et la morale bienfaisante du christianisme, ses doctrines démocratiques et libérales, devaient concilier aux prêtres qui les enseignaient le respect et l’amour des peuples ; l’organisation de l’Église, sa hiérarchie, sa discipline, la tenue de ses conciles généraux et particuliers, la richesse de ses revenus et de ses aumônes, lui assuraient un ascendant considérable dans la société." Ainsi s’exprime l’historien Benjamin GUÉRARD, dans sa préface du Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, publié en 1850. Guérard était loin d’être un "clérical" ; mais ses recherches et sa science approfondie du Moyen Age, étudié par lui aux sources, l’ont amené à tracer du rôle de l’Église dans la civilisation française et dans la conquête des droits et des libertés des citoyens un tableau d’une grande largeur de vues d’un grand intérêt. Le clergé n’eut une si grande influence sur les masses comme sur les individus que parce qu’il se montra d’abord et resta populaire dans la meilleure et la plus sympathique acception de ce mot, tant profané depuis, écrit Charles BARTHÉLEMY dans Erreurs et mensonges historiques ; c’est dans l’Église et par les actes du clergé, non moins que par sa voix, que furent promulgués et mis en pratique les grands principes de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

 

Croix et Calvaire du Cher

L’asile, d’après la loi de l’empereur Théodose le Jeune (23 mars 431), comprenait non seulement l’intérieur du temple, mais encore toute l’enceinte du lieu sacré, dans laquelle étaient situés les maisons, les galeries, les bains, les jardins et les cours qui en dépendaient.

 

Le droit d’asile dans les églises fut confirmé par les rois des Francs et par les conciles.

 

Ceux qui se réfugiaient dans les asiles étaient placés sous la protection de l’évêque, devenu pour ainsi dire responsable des violences qui leur seraient faites. Les voleurs, les adultères, les homicides même n’en pouvaient être extraits, et ne devaient être remis aux personnes qui les poursuivaient qu’après que celles-ci avaient juré sur l’Évangile qu’elles ne leur feraient subir ni la mort, ni aucune mutilation. L’esclave réfugié n’était rendu à son maître qu’autant que celui-ci faisait serment de lui pardonner.

 

Les revenus ecclésiastiques étaient divisés en quatre parts. La première seule appartenait à l’évêque, la seconde était pour son clergé, la troisième pour les pauvres de l’Église, et la quatrième pour l’entretien des édifices consacrés au culte.

 

"Partout la part du pauvre était réservée dans les revenus ecclésiastiques, et lorsqu’elle ne suffisait pas, elle devait être accrue des autres fonds dont le clergé avait la disposition. Nourrir tous les indigents et secourir tous les malheureux, telle était la mission de l’Église, qui, pour la remplir, dut quelquefois se dépouiller de ses biens et mettre en gage jusqu’aux objets les plus précieux du culte", explique Guérard. Une des plus belles œuvres, à cette époque ; une des plus méritoires et qui atteste le mieux de sa charité, c’est celle du rachat des captifs. Les sommes que le clergé y consacrait, d’après l’injonction expresse des conciles, étaient souvent très considérables ; il lui était même permis, pour satisfaire à cette obligation, de mettre en gage jusqu’aux vases sacrés des églises.

Aussi, dans ces siècles de fer, où les populations étaient emmenées captives comme des troupeaux à la suite des armées et partagées comme un butin entre les soldats, on voit les évêques épuiser leurs trésors pour les délivrer des liens de l’esclavage.

Saint Épiphane, évêque de Pavie, délivre, en 494, dans les Gaules, par ses instances auprès du roi Gondebaud ou à prix d’argent, plus de six mille Italiens que les Bourguignons retenaient en captivité.

Le prêtre saint Eptade, originaire d’Autun, rachète plusieurs milliers d’Italiens et de Gaulois emmenés pareillement en esclavage par les Bourguignons, et ensuite une foule de captifs que les Francs de l’armée de Clovis avaient faits dans leur guerre contre les Visigoths.

En 510, saint Césaire, évêque d’Arles, distribue des vêtements et des vivres à une immense multitude de prisonniers francs et gaulois tombés au pouvoir des Goths, et les rachète ensuite avec le trésor de son église, que son prédécesseur Éonius avait amassé. Puis, ayant reçu de Théodoric, roi des Ostrogoths, trois cents sous d’or avec un plat d’argent du poids d’environ soixante livres, il vend le plat, achète la liberté des captifs dispersés dans l’Italie, et leur procure des chevaux ou des chars pour les ramener dans leurs foyers.

Dans le siècle suivant, saint Éloi rachetait les prisonniers saxons et les affranchissait devant le roi.

 

La fin de l'esclavage. Lors de la chute de Rome (476), l'esclavage était répandu partout en Europe; à la "Renaissance", il avait disparu partout en Europe. Le règne du Christ, le premier, a permis l'abolition de l'esclavage, bien avant que les États modernes ne portent de nouvelles législations d'abolition.

 

Benjamin Guérard nous révèle encore que "[...] l’Église, [...] en prenant à sa charge et pour ainsi dire chez elle les veuves, les orphelins et généralement tous les malheureux, ne pouvait manquer de les avoir dans sa dépendance ; mais ce qui devait surtout lui gagner le cœur de ses nombreux sujets, c’est qu’au lieu d’être humiliée ou embarrassée de leur cortège, elle s’en faisait honneur et proclamait que les pauvres étaient ses trésors. D'où l'expression médiévale "Nos Seigneurs les pauvres".

 

"Elle (l’Église) couvrait aussi de sa protection les affranchis, et frappait d’excommunication le seigneur et le magistrat qui opprimaient l’homme faible ou sans défense. Lorsque des veuves ou des orphelins étaient appelés en justice, l’évêque ou son délégué les assistait à la cour du comte et empêchait qu’on ne leur fît aucun tort. L’archidiacre ou le prévôt des églises devait visiter tous les dimanches les prisonniers et subvenir à leurs besoins avec le trésor de la maison épiscopale. Aux trois grandes fêtes de l’année, savoir : à Noël, à Pâques et à la Pentecôte, les évêques faisaient ouvrir les prisons aux malheureux qu’elles renfermaient.

 

"Ne perdons pas de vue que les institutions qui, dans les temps modernes, et principalement de nos jours, ont agité les peuples, les touchaient alors fort médiocrement et leur étaient non seulement indifférentes, mais encore incommodes, onéreuses, antipathiques. On préférait de beaucoup l’assemblée des fidèles à celle des scabins (échevins, magistrats) ou des hommes d’armes ; on fuyait les plaids et les champs de mars ou de mai pour accourir aux temples ; on était bien plus puni d’être privé dans l’église de son rang, de la participation aux offrandes, aux eulogies, à la communion, que du droit de porter les armes et de juger ; en un mot, on tenait bien plus à l’exercice de ses droits religieux qu’à celui de ses droits politiques, parce que l’État religieux était bien supérieur à l’état politique, et que, hors de l’Église, tous les devoirs et tous les droits de l’homme étaient à peu près méconnus", écrit l’historien Guérard.

 

Reprenant en 1877 ces propos de Guérard, Charles Barthélemy estime : "[...] où M. Guérard nous semble avoir le mieux compris et proclamé le grand rôle de l’Église dans la revendication des droits de l’homme, c’est dans cette page que lui a été dictée le spectacle des utopies dangereuses de 1848 :

 

"Ce qu’aucun gouvernement ne ferait aujourd’hui qu’en courant le risque de bouleverser la société, l’Église le faisait tous les jours dans le Moyen Age, sans la compromettre, et même en la rendant plus tranquille et plus stable. Quelle monarchie, quelle république pourrait, par exemple, proclamer impunément ce dangereux droit au travail qui paraît menacer notre civilisation ? Eh bien, l’Église osait plus encore. Des deux grandes classes dans lesquelles la population fut de tout temps divisée, savoir, les riches et les pauvres, l’Église ne craignait pas de se charger de la dernière. Elle mettait dans son lot tous ceux qui n’avaient rien, et s’inquiétant peu pour elle de leur nombre ni de leur exigence, elle leur disait que ses biens étaient à eux ; elle les installait chez elle ; elle s’obligeait à les nourrir et réglait leur part, sans craindre qu’ils n’en fussent bientôt plus contents et qu’ils ne voulussent à la fin tout avoir. Effectivement, malgré le danger de tels principes, le clergé sut rester riche au milieu de ces misérables et faire respecter par eux ses richesses et son autorité... Ce qui favorisait le plus le respect de l’Église, ce qui constituait véritablement sa force, c’était la foi de ses peuples ; et cet article de sa constitution : Beati qui lugent [Heureux ceux qui pleurent], ne les consolait pas moins que sa charité."

 

De son côté, l’historien et géographe Théophile-Sébastien LAVALLÉE (1804-1867) écrit dans son Histoire des Français : "La monarchie de l’Église fut le commencement de la liberté ; elle n’avait rien d’étroit et de personnel ; elle fut le plus beau triomphe de l’intelligence sur la matière, et eut la plus grande influence sur la révolution plébéienne qui enfanta les communes et les républiques du Moyen Age."

 

Puis (Barthélemy ) de citer un autre souverain, le roi saint Louis prodiguant quelques recommandations à son fils appelé à régner : "Cher fils, s’il advient que tu viennes à régner, pourvois que tu sois juste ; et si quelque querelle, mue entre riche et pauvre, vient devant toi, soutiens plus le pauvre que le riche, et quand tu entendras la vérité, ce fais-leur droit. Surtout, garde les bonnes villes et les coutumes de ton royaume dans l’état et la franchise où tes devanciers les ont gardées, et tiens-les en faveur et amour. »

 

Charles Barthélemy, regrettant d’avoir dû brossé trop rapidement un tableau des 'droits de l’homme au Moyen Age' (dans Erreurs et mensonges historiques, tome 8) conclut en citant le "publiciste et peu clérical" mais éminent historien, journaliste et homme politique Louis Blanc, député sous la IIIe République, s’exprimant ainsi au sujet des corporations d’ouvriers au Moyen Age : "La fraternité fut l’origine des communautés de marchands et d’artisans. Une passion qui n’est plus aujourd'hui dans les mœurs et dans les choses publiques rapprochait alors les conditions et les hommes : c’est la charité. L’Église était le centre de tout ; et quand la cloche de Notre-Dame sonnait l’Angelus, les métiers cessaient de battre. Le législateur chrétien avait défendu aux taverniers de jamais hausser le prix des gros vins, comme une boisson du menu peuple ; et les marchands n’avaient qu’après tous les autres habitants la permission d’acheter des vivres sur le marché, afin que le pauvre pût avoir sa part à meilleur prix. C’est ainsi que l’esprit de charité avait pénétré au fond de cette société naïve qui voyait saint Louis venir s’asseoir à côté d’Etienne Boileau, quand le prévôt des marchands rendait la justice." (Source: Droits de l’homme au Moyen Age, ou de l’action sociale du clergé. France pittoresque)

Aujourd'hui, selon un article du Figaro du 21/01/2014, "près de la moitié des richesses mondiales est détenue par 1% de la population". En 1789, la liberté & l'égalité ont été proclamées ensemble. "La démocratie fondée sur la conviction que le corps politique est le produit des volontés de chacun, et portant jusqu'à l'incandescence l'idée d'une création de l'homme par lui-même, est vouée à étendre sans cesse les droits des individus. Elle contraint les hommes à vivre dans un monde d'individus inégaux, alors même qu'elle a posé en principe leur égalité. Elle se condamne donc à rendre sans cesse moins tolérable l'écart entre les promesses [...], les espérances qu'elle suscite et les accomplissements qu'elle offre." (Préface de Mona OZOUF dans François Furet, La Révolution française, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. XXI.) Dans ce système, dit de "progrès", l'égalité des uns présuppose l'inégalité économique et sociale des autres; la charité publique et l'amour du prochain sont imposés par l'État. Une belle réussite du marché, mais une impasse totale pour les principes de 1789.

 

Le dualisme créé par la papauté depuis le Ve siècle (lettre de 494 de Gélase Ier à l'empereur Anastase) et amélioré par Grégoire VII (réforme grégorienne) ne sera fondamentalement remis en question que treize siècles plus tard, sous les "Lumières" et le "despotisme éclairé" de souverains comme l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche (1740-1780) et l'empereur Joseph II (1741-1790) - "joséphisme" - où les évêques seront désormais nommés sans contrôle du pape, la carte des diocèses et des paroisses modifiée par décret, les séminaristes placés sous tutelle de l'État (Yves BRULEY, Histoire du Catholicisme, Que Sais-je, 4e édition, Paris 2018, p. 85), et par les révolutionnaires français qui imposeront la "constitution civile du clergé" du 12 juillet 1790 sans aucune concertation avec la papauté. "Les religieux deviendront des fonctionnaires de l'État" et "les évêques seront consacrés sans intervention du pape." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 337-338.) La "nation" déclarée souveraine s'arroge le droit d'intervenir seule dans l'organisation du culte. 

 

En 1905, la loi dite de "séparation de l'Église et de l'État", mise en oeuvre par l'obédience maçonnique du "Grand Orient" dit "de France", consacrera non le règne de la laïcité, mais le règne de César en réactualisant le monisme antique de confusion des deux pouvoirs, le temporel (républicain) et le religieux (franc-maçonnique). Et bien vite après César, le règne du marché... 

"Après sa naissance en Angleterre en 1717, la franc-maçonnerie a essaimé très rapidement, dans les trente ou quarante années, dans toute l'Europe; en France, on trouve une première Loge anglo-saxonne 'Amitié et Fraternité' à Dunkerque. La première 'Grande Loge française' est créée en 1738." (Serge ABAD-GALLARDO, conférence L'incompatibilité d'être franc-maçon et catholique, du 18 septembre 2018.) 

Les pouvoirs laïcs ont leur autonomie, de la même manière que le corps a son autonomie par rapport à l'âme; mais c'est quand même l'âme qui doit fournir ses règles de comportement au corps et le contrôler. En ce sens, le règne du Christ ne propose pas une théocratie : ni le pape ni l'Église ne prétend se substituer aux pouvoirs laïcs.

À ce titre, après un siècle de laïcisme où un même personnel politique temporel et spirituel dicte la loi d'une manière opaque, une nouvelle loi de séparation de la franc-maçonnerie et de l'État est urgente, pour consacrer une "saine et légitime laïcité" telle que définie par Pie XII (le terme a été expliqué par Jean-Paul II, dans Mémoire et identité, Le testament politique et spirituel du pape, Flammarion, Mayenne 2005, p. 145-146.)

Et le signe de la Croix, lui-même, pourrait (re)devenir ce symbole du salut qu'il a toujours été partout et à toutes les époques, le symbole même d'une histoire et d'une laïcité sainement comprises !

 

La nouveauté du Concile Vatican II en question :

 

Thomas Tanase, dans son Histoire de la papauté, écrit :

Paradoxalement au XXe siècle, c'est la papauté elle-même qui reviendra sur mille ans de maturité de la réforme grégorienne, avec "un concile très occidental, dont le tempo sera donné par un épiscopat nord-européen, pour ne pas dire carolingien", [...] qui "voit arriver à maturité [...] la nouvelle théologie très critique envers l'incapacité du monde curial romain à se rendre compte des défis posés par l'areligiosité du monde contemporain".

Ce concile "adopte le 21 novembre 1964 la constitution Lumen gentium, qui pose les principes fondamentaux de ce que sera l'enseignement du concile."

Après la Révolution française, face à des institutions qui avaient découronné le Christ, l'Église avait cherché à conserver une légitime autonomie, particulièrement sous les pontificats de Léon XII (1823-1829), Pie VIII (1829-1830), Grégoire XVI (1831-1846) et Pie IX (1846-1878). Mais à  partir du pontificat de Léon XIII (1878-1903), elle a commencé à demander aux catholiques de s'engager dans les institutions modernes et à voter pour peser de tout leur poids dans les institutions afin de faire modifier les lois de laïcisation (encyclique Au milieu des sollicitudes, 1892, doctrine qualifiée à l'époque de "ralliement" à la république.) 

Le concile Vatican II, cherchant à s'ouvrir au monde, consacre l'engagement des laïcs dans la vie politique et les institutions modernes. Mais l'engagement des laïcs doit, aussi, se réaliser dans la vie de l'Église elle-même, "[c]omme tous ses fidèles ont été régénérés par le Saint-Esprit, ils sont tous appelés à un 'sacerdoce commun'

"En d'autres termes, écrit Thomas Tanase, cette constitution [Lumen gentium] cherche à revenir sur la séparation entre clercs et laïcs progressivement montée en puissance depuis la réforme grégorienne, pour affirmer au contraire la participation de tous dans un rapport d'égalité à la vie de l'Église.[LG tend à confondre la fonction sacerdotale du prêtre avec le ''sacerdoce commun'' des laïcs (LG 10) ''participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ'' (LG 31), dans un rapport d'égalité à la vie de l'Église (LG 34). La Constitution Sacrosanctum Concilium 14 déclare également : ''La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu de son baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, 'race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté'". 

En conséquence, n'importe quel laïc aux idées subversives sur les sujets moraux comme la famille, le mariage, le divorce, la contraception, l'avortement, et d'autres sujets, peut entrer dans une paroisse et la démolir de l'intérieur, à la demande même de l'Église.

"L’égalité de conditions entre clercs et fidèles, ne s’avère-t-elle pas piégée ? demande Marguerite Champeaux-Rousselot qui fait remarquer que dans les évangiles, ''Jésus ne s’est pas présenté comme prêtre, n’a pas cherché à former des prêtres ni des prêtresses ni à nommer prêtres ou prêtresses ses disciples rapprochés. (…) L’Évangile appelle chacun et chacune à être toujours plus fils et fille de leur Père, Dieu. C’est un… titre !' Ce titre fait de chaque baptisé le frère de tous les autres, il permet l’exercice de fonctions différentes sans en sacer-dotaliser (sacraliser) aucune.''] 

 

"[...] La constitution Gaudium et spes, qui définit la place de l'Eglise dans le monde, [...] reprend les principes de Pacem in terris. [...] Tout sur terre doit être ordonné à l'homme comme à son centre et à son sommet.''

"[...] L'encyclique Populorum progressio de 1967 complétera Gaudium et spes, avec ... un idéal ecclésial fait désormais d'engagements, de mobilisations et de participation de tous." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté, ibid., p. 422- 431.)

 

L'engagement politique n'est pas la panacée, ni ce qu'on demande en priorité à l'Église.

Et une question demeure. En confondant clercs et laïcs ("la participation des laïcs au sacerdoce commun et au culte" de LG 34) en associant étroitement au temporel tous les croyants à la vie politique (LG 36), en liant désormais plus étroitement le sort des chrétiens à celui des empires, en demandant que les laïcs s'engagent résolument pour un modèle global et universel qui sert de base au nouvel ordre international, bien plus, en revenant sur mille ans de fine distinction des clercs et des laïcs, comment le laïque peut-il désormais respecter un ordre spirituel s'il est lui-même clerc et laïque ?

 

Le désintérêt des croyants dans la pratique religieuse vient sans doute de cette désacralisation de la fonction sacerdotale, ce relâchement dans la distinction des deux sphères temporelle et spirituelle, tant au plan religieux qu'au plan politique.

 

Dans First Things, le 27 octobre 2023 , le cardinal Müller a déclaré que "L'Église n'est pas une démocratie". "Nous sommes confrontés à un programme mondialiste d'un monde sans Dieu, dans lequel une élite au pouvoir se proclame créatrice d'un monde nouveau et souveraine des masses privées de leurs droits. Ce programme et cette élite ne peuvent être contrés par une "église sans Christ", qui abandonne la Parole de Dieu dans l'Écriture et la Tradition comme principe directeur de l'action, de la pensée et de la prière chrétiennes (Dei Verbum).

Bien que le pape ait maintenant accordé le 'droit de vote' à certains laïcs lors du Synode sur la synodalité (2023), ni eux ni les évêques ne sont en mesure de 'voter' sur la foi.

Dans un État qui se consacre uniquement au bien commun temporel de tous ses citoyens et qui est régi par une constitution démocratique, le peuple est appelé à juste titre le souverain. Dans l'Église, qui est fondée par Dieu pour le salut éternel de l'humanité, c'est Dieu lui-même qui est le souverain.

Formulé théologiquement : Le Fils incarné de Dieu, le Bon Berger qui donne sa vie pour le troupeau de Dieu, est le chef de toute l'Église. Il guide et gouverne par l'intermédiaire des bergers et des enseignants qu'il a choisis. Cela ne se fait pas, comme en politique, par des hommes exerçant un pouvoir sur les hommes, mais par la prédication de la Parole et les sacrements que le Christ a confié à ses apôtres et à leurs successeurs pour qu'ils les administrent (2 Co 5.18-20).

Le fait que l'Église ne soit pas et ne puisse pas devenir une démocratie n'est pas le résultat d'une mentalité autocratique persistante. Il est dû au fait que l'Église n'est pas du tout un État ou une organisation créée par l'homme.

L'essence de l'Église ne peut être saisie par les catégories sociologiques de la raison naturelle, mais seulement à la lumière de la foi que l'Esprit Saint opère en nous.

L'Église, en tant que communauté de foi, d'espérance et de charité, doit son existence à la volonté salvatrice de Dieu, qui appelle les hommes et en fait son peuple, au milieu duquel il habite lui-même (Col. 2:9). La souveraineté de Dieu repose sur sa toute-puissance et son amour, qu'il offre sans avoir à craindre ses créatures comme concurrentes (contrairement au mythe païen de Prométhée).''

 

Le plus grand service que l'Église puisse rendre à la civilisation à l'heure actuelle est de garder son héritage intact et de ne pas permettre que son témoignage soit obscurci comme instrument des pouvoirs et de la politique laïques.

Christopher Dawson, Au-delà de la politique, 1939

Solennité du Christ Roi de l'univers
Partager cet article
Repost0
24 septembre 2024 2 24 /09 /septembre /2024 10:21

À l'image des débats de l'époque de Sainte Catherine de Sienne et de Saint Vincent Ferrier, merci à Matthieu Lavagna et à l'abbé Veyron pour l'organisation de ce débat et leurs partages réciproques.

 

Ayant vu deux vidéos sur la chaîne de Matthieu Lavagna défendant l'Eglise du Concile Vatican II (vidéos visant à démontrer que le sédévacantisme est impossible en raison de ses implications, notamment la disparition des cardinaux), l'abbé Romuald Veyron (défendant un point de vue sédévacantiste équilibré moins excessif que celui d'autres), a voulu le réfuter en s'appuyant sur des théologiens qui "n'y voient pas d'impossibilité".

Notons que s'agissant du sacerdoce catholique qui serait ''nécessaire à la survie de l'Eglise'' (à partir de 1:12:55), c'est vrai à l'échelle de l'Eglise universelle mais à l'échelle locale nous avons le cas des Parthes, des Indiens et des Chinois visités par les premiers Jésuites et qui étaient déjà chrétiens du fait de la prédication dans ces régions (jusqu'en Chine) de Saint Thomas Apôtre au Ier siècle, et de la survie dans ces régions du christianisme durant 16 siècles, sans clergé et sans prêtre. Ces chrétiens se donnaient eux-mêmes le nom de "chrétiens de Saint Thomas". (Cf. Pierre PERRIER, Xavier WALTER, ''Thomas fonde l'Église en Chine'' (65-68 ap. J.-C.), Asie Éditions du Jubilé, Mercuès 2008.)

Sources :

Débat Matthieu Lavagna Ab Veyron : sédévacantisme plausible ?
Débat Matthieu Lavagna Ab Veyron : sédévacantisme plausible ?
Débat Matthieu Lavagna Ab Veyron : sédévacantisme plausible ?
Partager cet article
Repost0
13 septembre 2024 5 13 /09 /septembre /2024 19:01

François avait déjà exprimé une quasi apostasie dans la déclaration d’Abou Dhabi, en date du 4 février 2019 - déclaration qui fit couler beaucoup d'encre mais qui ne suscita aucune réaction d'évêques ou de cardinaux -, lorsqu'il déclara que "le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains." Il renouvelle littéralement son apostasie en faisant une nouvelle déclaration qualifiée cette fois-ci d'"hérétique" par l'évêque américain Mgr Strickland. 

 

***

Nier que Jésus est le seul chemin vers Dieu le Père est une hérésie - Mgr Strickland

Cependant, d'après ce qui a été rappelé jusqu'ici sur la médiation de Jésus-Christ et sur la « relation singulière et unique »84 entre l'Église et le Royaume de Dieu parmi les hommes — qui est en substance le Royaume du Christ sauveur universel —, il serait clairement contraire à la foi catholique de considérer l'Église comme un chemin de salut parmi d'autres.

Déclaration Dominus Iesus, 21

"Le seul chemin vers Dieu le Père est par son Fils Jésus-Christ. Le nier, c'est nier la foi catholique, c'est une hérésie", a écrit l'évêque Strickland en réponse au pape François.

 

L’évêque Joseph Strickland a averti que nier le Christ comme "seul chemin vers Dieu" est un rejet du catholicisme et "est qualifié d’hérésie".

 

En publiant un court message sur X/Twitter vendredi, l'évêque émérite de Tyler, Joseph Strickland, a donné ce qui semble être une réponse publique aux commentaires controversés du pape François plus tôt dans la journée sur l'authenticité religieuse.

 

"C'est ce que l'Église catholique enseigne concernant l'unicité de Jésus-Christ", écrit Strickland, en faisant référence au document Dominus Iesus du Vatican d'août 2000 .

"Le seul chemin vers Dieu le Père est par son Fils Jésus-Christ", a poursuivi Strickland. "Le nier, c’est nier la foi catholique, c’est une hérésie."

"Priez pour que le pape François déclare clairement que Jésus-Christ est la seule Voie. Le nier, c’est le nier. Si nous renions le Christ, Il nous reniera, Il ne peut pas se renier lui-même", a écrit Strickland dans un autre message sur les réseaux sociaux.

Ses commentaires interviennent en réponse aux propos tenus par le pape François à Singapour quelques heures plus tôt, alors qu'il s'adressait à un groupe interreligieux de jeunes.

"Chaque religion est un moyen d'arriver à Dieu. Il y a différents langages pour arriver à Dieu, mais Dieu est Dieu pour tous. Mais mon Dieu est plus important que le vôtre, est-ce vrai ? Il n'y a qu'un seul Dieu et chacun a son propre langage pour arriver à Dieu. Sikh, musulman, hindou, chrétien, ce sont des chemins différents".

En mettant l’accent sur la culture religieuse très variée de Singapour, François a exhorté à ce qu’aucune religion ne soit prioritaire, mais que les individus se concentrent plutôt sur la parité entre les croyances :

François a déclaré que chaque religion est un moyen pour atteindre Dieu, affirmant :

 

"Chaque religion est un chemin pour arriver à Dieu. Il existe différentes langues pour arriver à Dieu, mais Dieu est Dieu pour tous. Et comment Dieu est-il Dieu pour tous ? Nous sommes tous fils et filles de Dieu. Mais mon Dieu est plus important que ton Dieu, est-ce vrai ? Il n'y a qu'un seul Dieu et chacun de nous a un langage pour arriver à Dieu. Sikh, musulman, hindou, chrétien, ce sont des chemins différents."

 

Ses propos ont provoqué une consternation immédiate et généralisée.

 

"C’est explicitement l’hérésie de l’indifférentisme religieux", a écrit le diacre Nick Donnelly, un commentateur et catéchiste catholique bien connu du Royaume-Uni. "Jorge Mario Bergoglio a si souvent répété cette hérésie qu’il est dans un état d’hérésie formelle", a-t-il ajouté.

 

"Comment cette déclaration n’est-elle pas une hérésie ?", a demandé le Dr Thomas Carr, tandis que son confrère dominicain, le père Lawrence Lew, a exhorté à prier pour François et "pour une conversion plus complète des âmes – à commencer par la mienne – à la Vérité qui est Jésus-Christ seul. Car, comme le dit saint Pierre : "Il n’y a de salut en aucun autre, car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés.'"

 

Les commentaires de François semblent contredire l’enseignement intemporel de l’Église catholique, qui affirme que "la seule véritable Église établie par le Christ est l’Église catholique." {Catéchisme de Baltimore, question 152}

 

La doctrine catholique enseigne que ce fait est connaissable puisque seule l’Église catholique possède les quatre caractéristiques de la véritable Église : une, sainte, catholique et apostolique. En conséquence, l’Église enseigne que toutes les âmes doivent "appartenir" à l’Église pour être sauvées : "Tous sont obligés d’appartenir à l’Église catholique pour être sauvés." (Catéchisme de Baltimore, Q 166.)

 

Dominus Jesus, comme le souligne Strickland, confirme cet enseignement et condamne l’idée qu’il existe un moyen officiel de salut en dehors de l’Église catholique :

 

"De plus, pour justifier l'universalité du salut chrétien ainsi que le fait du pluralisme religieux, on a avancé l'idée qu'il existe une économie du Verbe éternel, valable également en dehors de l'Eglise et sans rapport avec elle, en plus d'une économie du Verbe incarné. La première aurait une valeur universelle plus grande que la seconde, qui se limite aux chrétiens, bien que la présence de Dieu y soit plus pleine. Ces thèses sont en profond conflit avec la foi chrétienne. Il faut croire fermement à la doctrine de la foi qui proclame que Jésus de Nazareth, fils de Marie, et lui seul, est le Fils et le Verbe du Père."

 

Le pape Benoît XVI a également commenté la tendance croissante des cercles ecclésiaux modernes à minimiser la nécessité de convertir les âmes au catholicisme. En 2016, il a déclaré :

 

"S’il est vrai que les grands missionnaires du XVIe siècle étaient encore convaincus que ceux qui ne sont pas baptisés sont perdus à jamais — et cela explique leur engagement missionnaire — dans l’Église catholique, après le concile Vatican II, cette conviction a finalement été abandonnée. De là une double crise profonde. D'un côté, cela semble ôter toute motivation à un futur engagement missionnaire. Pourquoi essayer de convaincre les gens d'accepter la foi chrétienne alors qu'ils peuvent être sauvés même sans elle ? Mais pour les chrétiens aussi, un problème est apparu : le caractère obligatoire de la foi et de son mode de vie commençait à paraître incertain et problématique.''

 

Le regretté Benoît XVI a poursuivi en condamnant directement la théorie proposée aujourd'hui par François à Singapour : ''Encore moins acceptable est la solution proposée par les théories pluralistes de la religion, pour lesquelles toutes les religions, chacune à leur manière, seraient des voies de salut et en ce sens, dans leurs effets, doivent être considérées comme équivalentes.''

Add. 14 septembre 2024. Un commentateur allemand ironise sur la déclaration de François : 

 

Uwe Lay

 

Tout est également vrai !

 

Grâce aux nouvelles "découvertes" de ce Pape, il faut admettre que le missionnaire germanique Boniface, au lieu de nous apporter la foi chrétienne, aurait dû nous faire croire en Odin et Wotan, car Odin est aussi vrai que Jésus-Christ.

Mais le Pape ne s’intéresse pas du tout à la religion, mais au projet humaniste de paix mondiale éternelle, pour lequel toutes les religions devraient être considérées comme également vraies et indifférentes.

Uwe Lay Pro Théol Blogspot

 

 

 

Un autre écrit :

 

"Un pape qui ne connaît pas sa propre foi. Ou pire : qui nie sa foi et déclare que les idoles sont égales."

 

Un autre :

 

"Selon cette logique, si les missionnaires ont entrepris tous leurs efforts finalement en vain, si les martyrs eux-mêmes sont morts en vain, la liste des saints et des martyrs devrait être débarrassée de tous ces prosélytes malheureux et enrichie des fondateurs religieux de tous genres." (y compris des adeptes de sectes sataniques ? Cette "logique" n'a aucun sens si on y réfléchit bien. Ndt.)

 

Un autre encore : 

"Espérons que de nombreux Paul affronteront Pierre.

Espérons que de nombreux Paul s'opposeront à Pierre. Il représente ici son opinion privée, et non l'enseignement de l'Église.

Au cours de l'année sainte 2000, Rome a publié "Dominus Jesus. Sur l'unicité et l'universalité du salut de Jésus-Christ et de l'Église". Vous pouvez facilement le lire en ligne, notamment le chapitre I. La Révélation de Jésus-Christ complète et définitive + le chapitre. VI. L'Église et les religions face au salut."

 

Source : Kath.net, "Toutes les religions mènent-elles vraiment à Dieu ?"

Le Père Dwight Longenecker réagit sur X : 

 

"Toutes les religions sont des voies d'accès à Dieu aussi merveilleuses les unes que les autres. Euh........................"

 

 

Nier que Jésus est le seul chemin vers Dieu le Père est une hérésie - Mgr Strickland

"La religion vaudou ne mène pas à Dieu au paradis."

 

Un commentateur du Forum catholique demande :

 

"Les sacrifices humains ... des Incas sont-ils aussi un chemin vers Dieu ?"

Le Dr Taylor Marshall écrit sur X : Le pape François : "L'hindouisme mène à Dieu" Entre-temps, l'hindouisme : 

 

Nier que Jésus est le seul chemin vers Dieu le Père est une hérésie - Mgr Strickland

Dans un autre tweet, le Dr Taylor Marshall écrit :

 

"Les chrétiens prêchent contre l'hindouisme depuis 2000 ans. L'apôtre saint Thomas a été le premier à se rendre en Inde pour prêcher contre les idoles païennes de l'hindouisme. Les hindous ont assassiné saint Thomas."

 

Et encore : 

 

"François : "Toutes les religions arrivent à Dieu" François : "Restreindre la messe en latin". (ici)

Edward Feser sur X

 

"Si, comme le dit le pape François, nous devrions accepter toutes les religions comme des chemins vers Dieu et ne pas les condamner comme fausses, alors cela inclurait le catholicisme traditionaliste, la FSSPX, le sédévacantisme, etc. - Dans ce cas, pour être cohérents, les défenseurs du pape doivent cesser de critiquer ces points de vue."

Un autre commentateur du Forum catholique écrit :

 

"L'Islam se présente comme une correction du christianisme ; il nie la divinité du Christ et la Trinité..." Mène-t-il vers Dieu ?

Luisella Scrosati sur La Nouvelle Boussole quotidienne écrit :

 

"Parlant du dialogue interreligieux avec les jeunes de Singapour, le pape François met toutes les religions sur le même plan. En fait, c'est la négation de la prétention du Christ à être "le chemin, la vérité, la vie", l'élimination du sens de l'Incarnation et de la Rédemption. Un renversement de 180 degrés par rapport à son prédécesseur, un recul de plus de deux mille ans dans l'histoire des religions et - inacceptable de la bouche de tout chrétien - l'élimination du cœur de l'événement chrétien.

 

L'exhortation au dialogue interreligieux d'hier, 13 septembre, est en réalité la pierre tombale non seulement du dialogue interreligieux lui-même, tel que le conçoit l'Église catholique, mais du sens même du christianisme : « Une des choses qui m'a le plus frappé chez vous, les jeunes. , de vous ici, c'est la capacité de dialogue interreligieux. Et c'est très important, car si vous commencez à argumenter : "ma religion est plus importante que la vôtre...", "la mienne est la vraie, la vôtre n'est pas vraie...". Où tout cela mène-t-il ? Où? Quelqu'un répond, où ? [quelqu'un répond : 'Destruction']. C'est comme ça. Toutes les religions sont un chemin pour arriver à Dieu. Elles sont – je fais une comparaison – comme différentes langues, différents idiomes, pour y arriver. Mais Dieu est Dieu pour tous. Et puisque Dieu est Dieu pour tous, nous sommes tous enfants de Dieu. "Mais mon Dieu est plus important que le vôtre !". Est-ce vrai ? Il n’y a qu’un seul Dieu et nous, nos religions sont des langues, des chemins pour atteindre Dieu. Certains sont sikhs, certains sont musulmans, certains sont hindous, certains sont chrétiens, mais ce sont des chemins différents. Compris ? »

 

Des paroles qui sonneraient comme une banalité désarmante dans la bouche de chacun, mais qui laissent sans voix lorsqu'elles sont prononcées par le successeur de l'apôtre Pierre, dont le ministère existe pour confirmer ses frères dans la foi, non pour les désorienter. François le réinterprète à sa manière, presque comme si saint Pierre commençait à dialoguer avec les juifs et les païens en leur disant que la mort et la résurrection du Christ n'ont rien apporté de substantiellement décisif dans l'histoire de l'humanité, sauf un nouveau chemin alternatif pour arriver à Dieu, mais toujours facultatif et sans prétendre être le seul vrai. Comme la variante d’une autoroute.

 

Il n'y a aucune exagération à dire que nier que la religion chrétienne est la seule vraie, la seule capable de conduire à Dieu, en la plaçant au même niveau que tout autre chemin religieux des hommes, signifie simplement nier l'auto-révélation que le Christ fait de lui-même dans les Saints Évangiles, enseignés par l'Église depuis sa fondation; cela signifie rejeter que les hommes ne peuvent en aucune façon atteindre Dieu, bien qu'ils le cherchent, sinon par Jésus-Christ et son Église ; cela signifie n'avoir rien compris à la nécessité d'être racheté par le sang de Jésus-Christ par le baptême, et incorporé dans son Église. Cela signifie apostasier de toute la foi catholique et non se tromper sur quelques-uns de ses points.

 

Pendant des siècles, la principale préoccupation des Pères, des Docteurs et des théologiens a été de montrer comment le christianisme est l'accomplissement de la religio vera. Le cardinal Ratzinger, rappelant la comparaison entre saint Augustin et Varron, avait expliqué avec une extrême clarté que quelque chose d'"étonnant" s'était produit dans le christianisme : "les deux principes fondamentaux du christianisme apparemment en conflit, le lien à la métaphysique et le lien à l'histoire, conditionnent et se rapportent les uns aux autres ; ensemble, ils constituent l'apologie du christianisme comme religio vera" (La victoire de l'intelligence sur le monde des religions, 30 jours, janvier 2000). Traduit : la vérité - le Logos éternel et primordial - est entrée dans l'histoire, créant l'étreinte entre religion et philosophie ; la forme historique assumée par le Verbe constitue la révélation définitive de la vérité, établissant ainsi définitivement le christianisme comme la vraie religion, non seulement dans ses principes ou, comme on dit aujourd'hui, dans ses "valeurs", mais précisément dans sa forme historique qui est l'Église catholique. La bonne nouvelle est là : les hommes ne sont plus livrés à eux-mêmes dans leur recherche de vérité, ni dans leur aspiration au divin, aspiration systématiquement vouée à l’échec, jusqu’à ce que Dieu vienne à leur rencontre. Et Dieu est venu à la rencontre de l'homme dans la personne de Jésus-Christ, Dieu fait homme pour que les hommes puissent participer à la vie divine. [Cf. Prologue de Saint Jean 1. Ndt.]

Avec ses propos malheureux, François élimine le sens du christianisme, le sens de l'incarnation du Verbe et de sa Passion, réduisant le christianisme à une religion parmi d'autres et annulant même la recherche de la vérité sur Dieu par l'homme. Il s’agit de déclarations graves qui annulent le sens de l’Incarnation et de la Rédemption et qui ne peuvent donc passer inaperçues aux yeux du Collège des Cardinaux et de tous les évêques catholiques.

L'archevêque Mgr Carlo Maria Viganò a réagi sur X le 13 septembre : 

 

"Bergoglio, avec ses déclarations impies adressées aux jeunes de Singapour, selon lesquelles "toutes les religions sont un chemin vers Dieu", offense la Majesté de Dieu, trahit la Révélation divine, piétine les principaux Mystères de notre Foi et annule le Sacrifice rédempteur du Fils de Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

"Ses paroles mensongères sont particulièrement insidieuses car elles s'adressent aux nouvelles générations, que Bergoglio trompe en leur faisant croire qu'il est possible d'être sauvé sans reconnaître que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, l'unique Sauveur, et que son Église est l'unique arche de salut. Moi je suis la porte (Jn. 10:9) dit Notre Seigneur de lui-même. Nier cette vérité, c'est apostasier de la foi et piétiner la croix. Le faire du haut du Seuil est un scandale d'une gravité sans précédent, qui n'est surpassé que par le silence craintif ou complice de la majorité de l'épiscopat."

 

Cf. https://www.marcotosatti.com/2024/09/16/bergoglio-todas-las-religiones-son-un-camino-para-llegar-a-dios-vigano-apostasia-inaudita-de-la-fe/

Dans son encyclique sur la franc-maçonnerie, Humanum genus (1884), paragraphe 16, le pape Léon XIII avertissait, condamnant le relativisme philosophique et moral : 

Ensuite, comme tous ceux qui se présentent sont reçus quelle que soit leur religion, ils enseignent par là la grande erreur de notre siècle, à savoir que la considération de la religion doit être considérée comme une chose indifférente, et que toutes les religions se valent. Cette manière de raisonner est propre à amener la ruine de toutes les religions, et spécialement de la religion catholique, qui, étant la seule vraie, ne peut, sans grande injustice, être considérée comme simplement égale aux autres religions.

Humanum genus § 16

Humanum genus (1884), § 16 https://www.vatican.va/content/leo-xiii/en/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_18840420_humanum-genus.html

Humanum genus (1884), § 16 https://www.vatican.va/content/leo-xiii/en/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_18840420_humanum-genus.html

Et Pie IX dans l'Encyclique Qui pluribus (1848), § 15 expliquait : 

Il est également pervers de croire que la religion à laquelle on appartient n’a aucune importance, et cette théorie est en contradiction flagrante avec la raison. Par cette théorie, ces hommes rusés effacent toute distinction entre la vertu et le vice, la vérité et l’erreur, l’honnête et la vile. Ils prétendent que l’homme peut obtenir le salut éternel par la pratique d’une religion quelconque, comme s’il pouvait y avoir une quelconque association entre la justice et l’iniquité, une quelconque collaboration entre la lumière et les ténèbres, ou une quelconque entente entre le Christ et Bélial.

Qui pluribus, § 15

Qui pluribus, § 15

Qui pluribus, § 15

Dans l’Ancien Testament. la tolérance de faux dieux par Israël était la raison la colère de Dieu contre son peuple. C’était le péché le plus grave qui entraînait divers châtiments.

***

Quiconque refuse le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui reconnaît le Fils a aussi le Père.

1 Jean 2,23

Jésus lui répond : "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi."

Jean 14,6

Alors Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur déclara : ''… Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver.''

Actes des Apôtres 4,8-12

Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné.

Mc 16,16

C'est ainsi que Dieu agira dans son jugement final.

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2024 3 04 /09 /septembre /2024 06:50
L'avenir de l'Église catholique. Un symposium - Août 2024

SOURCE : FIRST THINGS.COM

 

Le Concile Vatican II est-il en train de disparaître dans le rétroviseur de l’Église ? Le pontificat de François a-t-il soulevé de nouvelles questions difficiles sur l’exercice de l’autorité papale ? L’Église romaine est-elle sur le point de devenir non occidentale ? Les papes et les évêques peuvent-ils enseigner efficacement à une époque d’individualisme rampant et de fragmentation sociale ? En bref : Quo vadis ?

 

Nous avons demandé à cinq théologiens catholiques de réfléchir aux défis auxquels l’Église catholique est confrontée dans ces premières décennies du XXIe siècle – et de tracer la voie à suivre.

 

La gouvernance

par Christopher Ruddy

 

Le pape François est à la fois une cause et un symptôme de la crise actuelle de gouvernance de l’Église catholique. Une ambiguïté doctrinale délibérée, une (in)action flagrante sur les abus sexuels commis par le clergé, une centralisation de l’autorité papale au nom de la synodalité, une conception problématique de la relation entre l’autorité ordonnée et l’autorité laïque, des signaux contradictoires envoyés à une Église allemande au bord de l’hérésie et du schisme – ces actions et d’autres ont poussé le catholicisme vers un territoire inexploré.

 

Nous sommes confrontés à la triste ironie d’une Église soi-disant synodale et décentralisée qui, pour ne citer qu’un exemple apparemment mineur, interdit à certains fidèles catholiques de célébrer leur culte dans leurs paroisses et dicte aux pasteurs ce qui peut être imprimé dans les bulletins paroissiaux et sur les sites Web des paroisses.

 

Et pourtant, François est aussi un symptôme d’un processus séculaire qui a centralisé à outrance l’autorité ecclésiale à Rome et a favorisé un culte de la personnalité papale – souvent à la demande des laïcs. Il en est résulté une conception du pape comme un monarque absolu intronisé au-dessus du reste de l’Église, oraculaire et isolé.

 

Le pape François n’est pas à l’origine de tous ces problèmes, et son successeur ne les résoudra pas tous. Comment un dirigeant d’Église peut-il, par exemple, exercer efficacement son autorité à une époque marquée par une modernité liquide et une crise de confiance ? Trois desiderata semblent particulièrement urgents : l’intégrité doctrinale, la responsabilité et la transparence juridiques, et une culture ecclésiale de participation et de responsabilité.

 

La doctrine peut sembler un point de départ étrange pour une discussion sur la gouvernance ecclésiale. Mais la première tâche de tout évêque – et surtout celle de l’évêque de Rome – est de prêcher et d’enseigner fidèlement. Le Seigneur a proclamé Pierre "roc" de l’Église seulement après qu’il eut professé que Jésus était "le Christ, le fils du Dieu vivant". L’Église de Rome, pour sa part, a toujours été connue pour la pureté de son enseignement apostolique. Saint John Henry Newman a parlé de la papauté, par exemple, comme d’une remora – un empêchement, un "obstacle" – aux innovations déformantes des hérétiques. Le travail de Rome, pour ainsi dire, a été de conserver, et non d’innover :

 

"On dit, et c'est vrai, que l'Église de Rome n'a pas eu de grande intelligence pendant toute la période de persécution. Par la suite, pendant longtemps, elle n'a pas eu un seul docteur à montrer ; saint Léon, son premier, est le maître d'un point de doctrine ; saint Grégoire, qui se trouve à l'extrémité même du premier âge de l'Église, n'a aucune place dans le dogme ou la philosophie."

 

La saine doctrine n’est pas seulement l’affaire des théologiens, mais elle permet une bonne gouvernance ecclésiale.

Lorsque le dépôt de la foi est sapé, les doctrines deviennent des "politiques" qu’un pape promeut et qu’un autre pape renverse. Le pape devient un président, et une exhortation apostolique, un décret exécutif. L’Église, fondée sur la foi apostolique, ne peut pas être gouvernée de cette façon.

 

Mais comme l’ont montré des chercheurs comme Hermann Pottmeyer et Klaus Schatz, cette instabilité constitue une menace constante en raison de la manière dont la papauté moderne s’est développée. Pottmeyer a soutenu que la Rome papale du XIXe siècle a été façonnée par "trois traumatismes" : le traumatisme ecclésial des mouvements (conciliarisme, gallicanisme) qui cherchaient à contrer la primauté papale ; le traumatisme politique des églises contrôlées par l’État en France et ailleurs ; et le traumatisme culturel et intellectuel du rationalisme et du libéralisme de l’époque des Lumières.

 

La réponse de Rome fut de réaffirmer la primauté et l’autorité du pape comme contrepoids à ces forces désintégratrices dans l’Église et dans le monde. Les catholiques devaient se tourner vers Rome, "au-delà des montagnes [les Alpes]" (d’où le terme "ultramontanisme"), pour trouver une orientation.

 

L’un des résultats de cette centralisation a été, comme le disait le regretté dominicain Jean-Marie Tillard, un pape qui est "plus qu’un pape". C’est-à-dire un pape qui, dans l’imaginaire ecclésial populaire, est quasi divin et la source de toute intuition et initiative ecclésiale. Par exemple, dans une certaine piété populaire, il est devenu l’un des "trois porteurs blancs du Christ", avec l’hostie eucharistique et Marie. Le revers de cette centralisation grandiose a été un manque croissant d’initiative ailleurs, une sorte d’impuissance acquise parmi le clergé et les laïcs.

 

Sur le plan doctrinal, les deux conciles du Vatican apportent un correctif aux conceptions ultramontaines de la gouvernance. Ils affirment que la papauté est une "source et un fondement permanents et visibles de l’unité de la foi et de la communion" dans l’Église. Le pape, en tant que successeur de Pierre, a la responsabilité unique et non transférable de garantir l’unité entre les évêques et, à travers eux, l’unité de l’Église tout entière. Les deux conciles ont également fait des déclarations fortes sur la primauté papale – elle est "pleine", "suprême" et "immédiate" – et sur l’infaillibilité.

 

Mais Vatican I, souvent considéré comme la charte de l’ultramontanisme, n’a pas donné carte blanche aux papes. D’abord, il a enseigné que la primauté papale ne porte pas atteinte à l’autorité des autres évêques, mais plutôt la "soutient et la défend". Vatican II a souligné cet enseignement en proclamant que les évêques ne sont pas "vicaires des pontifes romains", mais les véritables pasteurs de leurs diocèses.

 

Deuxièmement, Vatican I a soutenu que le Saint-Esprit ne donne pas aux papes l’inspiration divine pour élaborer de nouveaux enseignements, mais leur apporte plutôt une aide pour protéger et exposer le dépôt apostolique de la foi. Aucun pape ne peut se considérer comme un président mormon, recevant de nouvelles révélations et renversant les enseignements antérieurs. Vatican II a approfondi l’enseignement de Vatican I en affirmant que le pape et les autres évêques se tiennent sous la Parole de Dieu, et non au-dessus d’elle. Ils en sont les serviteurs, et non les maîtres.

 

Un exemple frappant de cette subordination s’est produit pendant le Concile Vatican II, lorsque Paul VI a suggéré – en raison des craintes qu’une affirmation de la collégialité épiscopale ne porte atteinte à la primauté papale – que le concile enseigne que le pape est "responsable devant le Seigneur seul". La Commission théologique conciliaire a poliment mais fermement rejeté sa proposition, notant que le pape est "lié à la révélation elle-même, à la structure fondamentale de l’Église, aux sacrements, aux définitions des conciles précédents et à d’autres obligations trop nombreuses pour être mentionnées".

 

Benoît XVI a fait écho aux propos de la Commission théologique lorsque, quelques semaines seulement après le début de son pontificat, il a pris possession de sa chaire épiscopale (cathedra) à Saint-Jean-de-Latran à Rome :

 

"Le Pape n'est pas un monarque absolu dont les pensées et les désirs feraient loi. Au contraire, son ministère est une garantie d'obéissance au Christ et à sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais s'engager constamment, lui et l'Église, à obéir à la Parole de Dieu, face à toute tentative de l'adapter ou de l'édulcorer, face à toute forme d'opportunisme."

 

Cette obéissance est paradoxalement une libération. Oui, la doctrine évolue, la tradition ne peut se réduire à une simple répétition. L’Église peut aller plus en profondeur, se souvenir de ce qui a été oublié, récupérer ce qui a été marginalisé.

 

Mais, pour reprendre les mots que Vatican I a empruntés à saint Vincent de Lérins, tout développement véritable doit toujours avoir "le même sens et la même signification" que l’enseignement précédent. À cet égard, les récentes déclarations de cardinaux de haut rang selon lesquelles "le fondement sociologique et scientifique de cet enseignement [sur l’homosexualité] n’est plus correct" et que "sur certaines questions, la compréhension de la nature humaine et de la réalité morale sur laquelle reposaient les déclarations doctrinales précédentes était en fait limitée ou défectueuse" sont profondément troublantes. De telles vues couperaient l’Église de la foi des apôtres. Elles la laisseraient dans une suspension et une provisoire perpétuelles, incapable d’enseigner avec une autorité contraignante. L’Église catholique ne peut pas fonctionner de cette façon.

 

Deuxièmement, une bonne gouvernance exige l’État de droit et une administration transparente et responsable de la justice. Le pape François a fait des progrès réels, quoique inégaux, dans le domaine des finances du Vatican, mais son bilan en matière d’abus sexuels est effroyable. On observe actuellement une combinaison presque incompréhensible d’inaction et de protection envers les évêques et les prêtres qui commettent des abus sexuels, par exemple l’évêque Gustavo Zanchetta et le père Marko Rupnik. De tels actes rendent le leadership du pape sur ce front littéralement incroyable.

 

La justice doit être perçue comme telle. Par exemple, Vos Estis Lux Mundi, le motu proprio du pape François de 2019, propose des normes utiles pour lutter contre les abus sexuels et leur dissimulation par les évêques et les supérieurs religieux. Sa mise en œuvre, cependant, traîne. Des évêques ont été démis de leurs fonctions à la suite d' enquêtes mandatées par Vos Estis, mais les résultats de ces enquêtes sont souvent cachés ou seulement partiellement révélés. Ce manque de responsabilité et de transparence porte atteinte à une gouvernance efficace et crédible.

 

Enfin, la restauration de la confiance passe par une culture de participation et de responsabilité. L’initiative phare du pape François est clairement la synodalité – que la Commission théologique internationale du Vatican a décrite comme "l’implication et la participation de tout le peuple de Dieu à la vie et à la mission de l’Église" – et il a déjà pris des mesures pour garantir que cette initiative survivra au-delà de son pontificat.

 

Lire : L'enquête retirée qui dit "non" à l'"Église synodale" et au pape Bergoglio. Par le Père Joachim Heimerl

 

Bien que controversée, la vision synodale du pape peut être considérée comme cohérente avec l’appel de Jean-Paul II dans Novo Millennio Ineunte (2001) pour que l’Église du troisième millénaire soit "la maison et l’école de la communion". Une spiritualité de la communion, a proposé Jean-Paul II, "nous rend capables de partager les joies et les souffrances [des autres croyants], de ressentir leurs désirs et de répondre à leurs besoins, de leur offrir une amitié profonde et authentique". Il a en outre suggéré qu’une telle spiritualité de la communion doit donner naissance à des structures de communion à tous les niveaux, de la paroisse à l’Église mondiale. Il est frappant, par exemple, de constater à quel point les prêtres diocésains ont peu de voix dans le choix des évêques, en comparaison avec le choix des dirigeants de la vie religieuse. La confiance grandit lorsque les gens sont entendus et respectés.

 

Pottmeyer a cependant noté que le catholicisme moderne, lui aussi, identifie souvent la communion à l’uniformité, de sorte qu’il se débat avec les désaccords publics. Les réunions du synode des évêques sous Jean-Paul II, par exemple, étaient souvent étroitement contrôlées. Les structures de communion sont essentielles, même si elles ne suffisent pas, pour exprimer et résoudre les différences. Le processus synodal actuel a été en partie une tentative de remédier à ces préoccupations, mais il a souvent été appauvri sur le plan théologique, rempli de jargon et autoréférentiel. De plus, la publication inattendue de Fiducia Supplicans, qui traitait d’une question sur laquelle le synode était encore en train de délibérer, a porté atteinte à l’intégrité de l’ensemble du projet synodal.

 

La confiance est l’élément qui rend possible une culture de participation et de responsabilité. C’est la condition fondamentale de l’exercice de l’autorité, surtout dans une communauté volontaire dont la loi est l’amour. La synodalité ne doit pas être le cheval de Troie de l’hétérodoxie et de la division ecclésiales. Mais en l’absence d’une gouvernance transparente, orthodoxe et véritablement collaborative, elle le sera.

 

Christophe Ruddy est professeur associé de théologie historique et systématique à l'Université catholique d'Amérique.

L'Église de l'Occident séculier

par Michael Hanby

 

Lors de la convocation du Concile Vatican II, le pape Jean XXIII a exhorté les participants à scruter les "signes des temps". À la conclusion du Concile, le document final, Gaudium et Spes, a fait exactement cela, en offrant une description vivifiante de l’époque moderne. Nous sommes entrés dans une "nouvelle étape de l’histoire", une étape "déclenchée par l’intelligence et les énergies créatrices de l’homme", qui est "frappé d’étonnement devant [ses] propres découvertes et sa puissance". "Des changements profonds et rapides se propagent peu à peu dans le monde entier", et pourtant "l’agitation spirituelle et les conditions de vie changeantes font partie d’une révolution plus vaste et plus profonde". Le document poursuit en décrivant la situation de l’homme dans le monde moderne en termes de tensions dramatiques : entre confiance et doute, pouvoir et sagesse, richesse et pauvreté, interdépendance et aliénation, fixité et changement évolutif, espoir et désespoir.

 

Cette caractérisation bipolaire de la modernité d’après-guerre a sans doute contribué à la réception bipolaire du concile lui-même.

Des interprétations divergentes des documents conciliaires, mais plus fondamentalement de l’"esprit" du concile et de sa signification en tant qu’"événement", ont couvé au cours du dernier demi-siècle, pour déborder au cours de la dernière décennie. Gaudium et Spes a eu raison d’identifier les conditions révolutionnaires de la modernité, dont nous savons maintenant qu’elles incluent une révolte technologique contre l’ordre de l’être et contre la nature humaine elle-même. Ces développements remettent en question l’avenir de l’humanité et rendent existentiellement urgente la question éternelle de "l’homme". Offrant la première reconnaissance magistérielle de la complicité chrétienne dans la montée de l’athéisme, le concile a affronté les différents types d’"humanisme athée" qui ont émergé au milieu du XIXe et au début du XXe siècle. Bien que l’"athéisme" soit un phénomène protéiforme, le concile a reconnu que l’athéisme moderne stipule que la réalisation de la liberté et du potentiel humains dépend de l’émancipation de Dieu. Ce projet d’émancipation suppose une conception finie de Dieu, encourage une conception tronquée de la liberté humaine et conduit à la réduction de l’être humain et de l’esprit humain, ce qui est inévitable lorsque l’homme est coupé de sa destinée transcendante.

 

La perspective d’un avenir déchristianisé et déshumanisé – une perspective qui est devenue notre présent – ​​constitue la toile de fond de l’accent christologique et anthropologique du document : un point qui a été souligné à maintes reprises dans les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Contre l’humanisme athée, le concile a soutenu que l’action divine et la liberté humaine sont proportionnelles et non inversement liées. Dieu nous libère pour devenir plus pleinement humains ; la vocation et la destinée humaines sont révélées et accomplies dans le Christ. Mais le concile a associé cette affirmation christologique de la liberté humaine, un enseignement pérenne de l’Église, à un nouvel accent mis sur "l’autonomie légitime" des activités laïques. Se déclarant championne des "droits de l’homme", l’Église a exprimé "une grande estime" pour "les mouvements dynamiques d’aujourd’hui par lesquels ces droits sont partout encouragés". Elle a renoncé à toute "mission propre dans l’ordre politique, économique ou social" et a déclaré qu’il ne devrait y avoir "aucune fausse opposition entre les activités professionnelles et sociales d’une part, et la vie religieuse d’autre part".

 

C’est juste et équitable, mais il est aussi facile de mal le comprendre. Si l’on interprète ce document en dehors de son centre christologique et anthropologique, de sa conception thomiste de la nature humaine, de l’insistance de Dignitatis Humanae sur la vérité comme source de liberté, ou de la doctrine de l’Église dans Lumen Gentium 1, on peut le lire – ou on peut le faire lire – comme une approbation sans réserve de la démocratie libérale ou même comme un programme de coopération "social-démocrate" chrétienne avec le marxisme pour faire avancer le progrès humain défini de manière laïque. Associé à cette mauvaise lecture optimiste de la tension dramatique de la modernité, ce tournant christologique vers le monde a alimenté l’espoir que notre "nouvelle étape de l’histoire" pourrait nous conduire à ce que Jacques Maritain a appelé "un nouvel âge de civilisation". Opposant farouche au fascisme et penseur influent d’une Église qui émergeait de l’inhumanité catastrophique de la Seconde Guerre mondiale, Maritain s’est permis de parler d’une "nouvelle chrétienté", caractérisée par "une prise de conscience croissante de la fonction temporelle du chrétien". Il envisageait "un nouveau style de sainteté, que l’on peut caractériser avant tout comme la sainteté et la sanctification de la vie séculière". On entend l’écho de cet espoir – la modernité se réalisant de l’intérieur, en quelque sorte – dans "l’optimisme de l’ère spatiale" qui colore Gaudium et Spes. Par exemple, on nous dit que "l’homme moderne est sur la voie d’un développement plus complet de sa propre personnalité, et d’une découverte et d’une revendication croissantes de ses propres droits". Nous avons des droits en abondance, et de plus en plus chaque jour, semble-t-il, bien que chacun d’eux élargisse ironiquement le pouvoir de l’État d’intervenir dans la vie des gens. Mais le développement complet de la "personnalité" de l’homme moderne n’a pas exactement abouti.

 

Les soi-disant alliés du pape François parlent souvent de Vatican II comme si les années entre la fin du concile et 2013 constituaient un obstacle à sa mise en œuvre. Ils proposent une interprétation progressiste qui effacerait de fait les deux pontificats précédents. L’effet ironique de ces efforts a été de discréditer le concile lui-même aux yeux de nombreux traditionalistes et de susciter un examen plus critique de la part de ceux qui l’avaient jusque-là défendu.

 

Bien que les ambiguïtés soient réelles, l’opposition à Vatican II est malavisée. Le concile n’est pas une capitulation face au monde moderne, comme le supposent certains traditionalistes. Au contraire, Gaudium et Spes reflétait le désir plus large de l’Église d’entrer dans une confrontation plus nuancée avec le monde moderne précisément sur la base de la descente du Christ dans l’histoire, et d’embrasser la tradition catholique de manière plus complète que ne le permettait le néo-thomisme précédent. Il y a ici de réels gains – en christologie, en anthropologie, en ecclésiologie et en analyse historique – qui doivent encore être défendus.

Pourtant, toute tentative de mettre en œuvre fidèlement le concile dans les années à venir doit tenir compte de l’échec spectaculaire de la "Nouvelle Chrétienté" à se concrétiser.

On ne peut guère reprocher au concile de ne pas avoir anticipé l’avenir, même si cet échec devrait servir de mise en garde contre l’idée préconçue selon laquelle nous pouvons facilement discerner le mouvement de l’Esprit dans l’histoire. (Il est presque certain que les méthodes des sciences sociales aveuglent notre vision au lieu de l’accroître.)

Mais seuls ceux qui avaient reçu le don de prophétie pouvaient prévoir l’effondrement stupéfiant du christianisme catholique dans tout le monde occidental au lendemain du concile.

Personne n’aurait pu prévoir l’effondrement du bloc communiste ou l’émergence d’un vaste nouvel ordre technocratique mondial doté de capacités de propagande et de surveillance qui auraient fait l’envie des régimes totalitaires précédents. Au milieu du XXe siècle, l’ampleur et la forme de la conquête technologique de la nature humaine sont restées cachées, même à la communauté scientifique qui en serait responsable, tout comme la révolution culturelle et ontologique que ce triomphe allait déclencher. Notre monde est substantiellement différent de celui de la génération d’après-guerre. Les "signes des temps" doivent être examinés à nouveau.

 

Le concile lui-même est en partie responsable de ces espoirs déçus. La bataille interminable sur la signification de ce concept, qui a commencé avant même que l’encre de ses déclarations ne soit sèche, indique que le concile n’a jamais vraiment réussi à réunir ces éléments salutaires et ces nombreuses voix en une synthèse intelligible. Son diagnostic du "séculier" dans la modernité posait également problème. Son approche n’était pas erronée, mais elle était incomplète. Le concile n’a pas su accorder plus qu’une attention superficielle à sa propre reconnaissance du fait que l’athéisme tend à prendre une "expression systématique".

Les études ultérieures et le passage du temps nous ont aidés à voir plus clairement que, dans la modernité, le séculier n’est pas simplement le lieu indifférent de l’épanouissement humain imaginé par l’ordre libéral dominant. C’est une construction métaphysique qui définit notre "imaginaire social", offrant une interprétation totale de la réalité qui exclut systématiquement l’appréhension de Dieu de nos notions opérationnelles de l’être, de la nature, de la connaissance et de la vérité. Dieu est banni de nos formes de connaissance les plus autorisées, de nos modes d’organisation sociale et des habitudes et modèles de vie fondamentaux. Le christianisme se trouve toujours dans la révolution permanente de la modernité. Il sert au régime séculier moderne de rappel visible d’un passé qu’il faut constamment dépasser – et en ce sens, nous pouvons même être reconnaissants de l’hostilité croissante envers le christianisme, signe, malgré tout, de sa vitalité durable.

Néanmoins, nous devons reconnaître que l’attitude dominante n’est plus celle de l’athéisme au sens du XIXe siècle. Le "séculier" n’est pas un argument contre la rationalité de la croyance. C’est une conception globale de la réalité dépourvue de Dieu. Cette conception de la réalité domine le monde moderne et nous influence donc tous à des degrés divers, non pas au niveau de l’argumentation, mais comme une hypothèse axiomatique, inconsciente et donc incontestée, qui imprègne notre appréhension de toute chose. Quelle que soit la foi que chacun de nous peut rassembler, elle doit être forgée à partir du contexte inertiel du séculier, qui encadre continuellement une foi désormais réduite à un "choix de vie" au sein de cette réalité sans Dieu.

 

Le triomphe du séculier met en œuvre et impose ce que Nietzsche a appelé dramatiquement la mort de Dieu et ce que Jean-Paul II et Benoît XVI ont appelé "l’éclipse du sens de Dieu et de l’homme". Augusto Del Noce qualifie cette attitude d’irréligion, une appréhension du monde et une conception de la raison dans lesquelles Dieu n’est même plus une question sérieuse. Cette irréligion ne fait pas obstacle à une invocation peu sérieuse de Dieu qui baptise le mouvement progressiste de l’histoire. La mort de Dieu et la mort du christianisme ne sont pas la même chose, comme l’a vu Nietzsche. L’Église et ses enseignements peuvent être utilisés de manière cynique au nom d’objectifs politiques séculiers. Ils peuvent même perdurer comme un pieux ajout à une appréhension essentiellement athée de la réalité ou à un plan d’action. Mais c’est un signe des temps que dans le monde irréligieux du séculier contemporain, "l’athéisme" au sens ancien ne semble guère valoir la peine. Dans l’ensemble, nos élites éduquées ne pensent pas à Dieu. Pour elles, il n’existe pas.

 

L’affirmation du monde proposée par Maritain et bien d’autres contient des vérités importantes, qui découlent d’une compréhension correcte de la création et de la descente de Dieu dans l’histoire par l’Incarnation. Bien comprise, la "réorientation de l’Église vers le monde" au Concile Vatican II a cherché à surmonter un extrinsèque du surnaturel, qui avait cherché à protéger la gratuité de la grâce en distinguant nettement grâce et nature, mais qui avait pour effet involontaire d’affirmer le séculier dans sa sécularité. Conformément à l’espoir de Maritain, le concile a adopté une conception positive des laïcs comme quelque chose de plus que simplement "non ordonnés", et a ainsi suscité une ligne salutaire de réflexion théologique sur le rôle spécifique des laïcs dans la mission de l’Église, qui a culminé dans Christifideles Laici de Jean-Paul II . Mais comme dans tant d’autres domaines, le passage étroit entre le Scylla d’un cléricalisme de prêtres descendant et le Charybde d’un cléricalisme d’experts laïcs descendant est la voie qui n’a pas été empruntée, comme le montre amplement le Synode sur la synodalité. Rétrospectivement, il est évident que le tournant de l’Église vers le monde n’a pas abouti à un "nouveau style de sainteté" et à "la sainteté et la sanctification de la vie séculière", mais à la sécularisation du sacré et même à la désacralisation du christianisme lui-même, le clergé et les théologiens étant souvent à l’origine de cette évolution.

 

Les signes visibles de ce christianisme sécularisé sont nombreux. Il ne faut bien sûr pas oublier de mentionner la puanteur de la pourriture et de la corruption – sexuelle, morale, financière, politique – qui s’échappent à chaque fois qu’on retourne une bêche dans l’Église. Les dommages infligés à l’autorité de l’Église et aux âmes des fidèles sont impossibles à surestimer. Quelles que soient les pathologies sous-jacentes à ces maux, il est évident que les auteurs d’abus et de corruption ne craignent ni Dieu ni les hommes. Les autres signes sont moins spectaculaires. La tentative de rapprochement avec le monde moderne a déclenché une guerre multigénérationnelle contre l’ineffable : les fidèles ont été témoins d’une vague d’iconoclasme jamais vue depuis la Réforme, laissant dans son sillage une liturgie parfaitement effaçable dont la mise en scène cache souvent plutôt qu’elle ne révèle le mystère, la gloire et la transcendance de Dieu – une célébration non mystique pour un monde démystifié. Avec la perte de forme et de finalité de ses conceptions de la nature et la disparition d’une imagination mystique et sacramentelle dans le culte, l’Église en vient de plus en plus à ressembler à une ONG dans sa manière de penser et d’agir. Le "catholicisme mondial", un nouveau terme utilisé par les catholiques progressistes, trahit une mentalité sociologique. Les sciences sociales supplantent la théologie et la philosophie comme forme prédominante de pensée et de parole de l’Église, la privant d’un mot convaincant pour parler au monde. Le patois thérapeutique des directeurs des ressources humaines supplante les anciens langages de l’âme.

 

Est-il vraiment surprenant que, hormis les actes de sainteté et d’héroïsme de prêtres individuels, l’Église "hôpital de campagne" se soit presque retirée du terrain pendant la pandémie, fermant volontairement ses lieux de culte alors que des activités plus "essentielles" se poursuivaient ?

 

Lire : Coronavirus / messes : n'est-il pas déjà trop tard pour les évêques ?

 

Ou que l’Église semble avoir peu à dire – sur la mort, le jugement, la souffrance, le courage, la vie éternelle ou même le pouvoir – au-delà des exhortations à suivre les diktats du CDC, du NIH et de l’OMS ?

 

En ce moment même, confrontés à des attaques sans précédent contre la nature humaine elle-même, nous entendons de Rome des récitations tièdes de formules classiques sur la dignité humaine, maladroitement associées à des appels à la Déclaration des droits de l’homme de l’ONU.

 

Pendant ce temps, les cardinaux de l’Église suggèrent avec empressement que la compréhension de la nature humaine par l’Église a été rendue obsolète par la sociologie et la "science". Ils semblent inconscients ou indifférents à la nature et aux limites de la connaissance scientifique, à ses présupposés et implications métaphysiques, à son histoire de contamination idéologique, au fait que de tels appels ont été utilisés pour justifier des atrocités dans le passé et à la possibilité qu’ils légitiment un nouveau totalitarisme technocratique dans le futur.

 

Quoi que l’on pense de la méthodologie, de la logique théologique ou des objectifs pas si cachés du processus synodal, il est tout simplement ahurissant qu’en cette période de révolution ontologique et culturelle, l’Église consacre son temps, son argent et ses énergies à un exercice qui ne captive personne en dehors de la classe des ecclésiocrates progressistes.

C’est comme si l’Église était en proie à l’entropie (en physique, "action de se retourner". Ndt.). Est-il surprenant que de très nombreuses personnes, privées de l’Église pendant un an, en viennent à croire qu’elles peuvent vivre assez facilement sans elle ?

 

L’impression, parfois accablante, est celle d’un christianisme épuisé et, pour beaucoup de ceux qui aiment l’Église et n’ont pas perdu espoir, épuisant.

 

Dans les années à venir, l’Église devra faire face à un certain nombre de "désordres" qui ont désespérément besoin d’être nettoyés.

Le monde moderne est hostile à l’autorité, car l’autorité présuppose un ordre de réalité donné qui a une signification intrinsèque. La crise moderne de l’autorité a été exacerbée par le sacrifice involontaire de l’autorité qui lui a été conférée et par sa renonciation volontaire à l’autorité qui est sa responsabilité. Le premier est né du scandale, le second de "conversions pastorales", de "changements de paradigme" et d’interminables processus de "dialogue" qui semblent ne jamais rien dire.

Il semble parfois que la vérité ait suivi la beauté en exil.

La désintégration de l’autorité a eu des conséquences désastreuses pour l’unité de l’Église, créant inutilement un schisme de facto qui pourrait devenir un schisme de jure si la glissade de l’Église vers l’entropie n’est pas arrêtée. Elle a porté un coup à l’affection naturelle que les catholiques ont pour leur pape et leur Église. Et elle a porté atteinte au témoignage de l’Église.

 

Il est impossible de témoigner de ce que l’on ne voit plus.

L’Église ne peut pas retrouver son autorité perdue sans retrouver la vue.

Cela ne peut se faire simplement par l’exercice du pouvoir ecclésiastique, ni par des programmes et des "processus", mais seulement par une profonde conversion du cœur, de l’esprit et de la vision.

Nous ne pouvons vivre une telle conversion ni espérer le renouveau d’une imagination authentiquement chrétienne si nous ne reconnaissons pas que l’éclipse du sens de Dieu et de l’homme n’est pas un événement extérieur à l’Église.

 

L’Église ne pourra pas guérir ses blessures propres, et encore moins celles du monde séculier, tant que les catholiques, eux-mêmes, n’auront pas pris conscience de l’ampleur et de la profondeur de notre athéisme anonyme.

 

Michael Hanby est professeur associé de religion et de philosophie des sciences à l'Institut pontifical Jean-Paul II d'études sur le mariage et la famille de l'Université catholique d'Amérique.

L'Église mondiale

par Anthony Akinwale, OP

 

"Sommes-nous les derniers chrétiens ?", a demandé mon confrère et professeur dominicain, le père Jean-Marie Roger Tillard, dans une poignante conférence publique en 1996. Vingt-huit ans plus tard, les signes du déclin du christianisme dans les pays du Nord n’ont pas disparu. Pourtant, le tableau est plus nuancé. Plusieurs diocèses des États-Unis et d’Europe ont signalé un nombre record de baptêmes lors de la veillée pascale de cette année. Dans un article du Catholic Herald, Philip Campbell a résumé les rapports : 82 adultes reçus dans l’Église dans une seule paroisse de l’Alabama ; 50 baptêmes et 30 confirmations dans une église de Floride ; 7 135 adultes baptisés en France ; et à la cathédrale de Westminster, une participation record au Triduum, au point que le personnel de sécurité a dû refouler des gens. Les photos de Tammy Peterson, podcasteuse et épouse de Jordan, reçue dans l’Église à Toronto ont fait le tour du monde.

 

Il est peut-être trop tôt pour affirmer que la tendance a changé. Selon les mots de Jimmy Cliff, la star jamaïcaine du reggae, "il reste encore beaucoup de rivières à traverser". Certes, le cœur humain est agité tant qu’il ne repose pas en Dieu ; et Tillard a répondu à sa "question piquante" en affirmant que tant que les êtres humains chercheront des réponses à la question du sens de l’existence, nous n’aurons pas encore vu la dernière génération de chrétiens. Mais tous ceux qui sont agités n’en sont pas conscients. Les personnes qui ignorent la vocation humaine – la vocation à chercher des réponses à la question du sens – peuvent ne pas être intéressées à répondre à l’appel chrétien. De plus, si le taux de natalité est bas, le nombre de baptêmes le sera aussi. Les baptêmes d’adultes sont un motif de réjouissance, mais ce sont les bébés qui font l’avenir d’une communauté.

 

Comme chacun le sait, la situation démographique des pays du Sud, et notamment de l’Afrique, est très différente. L’année dernière, le Centre de recherche appliquée sur l’apostolat de l’Université de Georgetown a publié un classement international de la fréquentation des messes par les catholiques. 94 % des catholiques nigérians assistent à la messe chaque semaine, suivis par le Kenya, avec 72 %. Le pourcentage le plus bas, 7 %, est celui des Pays-Bas. Mais en Afrique aussi, il est peut-être trop tôt pour sonner la trompette.

 

Que ce soit au Nord ou au Sud, dans l’Antiquité ou dans la modernité, l’Église a toujours dû faire face à des acteurs et à des facteurs qui menacent d’éroder sa capacité et sa volonté de prêcher l’Évangile. Aujourd’hui, elle est entourée d’un culte de la science, de la technologie, du rationalisme, du scepticisme, du nihilisme, de l’hédonisme et de la dépendance au pouvoir, ainsi que – aussi paradoxal que cela puisse paraître – d’un culte de la religion sans doctrine. Au Nord, elle n’a pas résisté à l’effet corrosif de la religion laïque : une religion de la raison sans foi, qui marginalise le Dieu chrétien. Au Sud, les nouvelles semblent positives : une démographie saine, des paroisses vivantes, des liturgies vibrantes et des laïcs engagés prêts à témoigner de la foi même face à la persécution et à l’oppression, comme dans l’extrême nord du Nigéria. Mais alors que Dieu est marginalisé au Nord, il existe un danger réel et présent de le dénaturer au Sud.

 

Il est tentant d’attribuer la religiosité africaine à la pauvreté économique – tentation et ignorance. Les Africains prennent le monde spirituel au sérieux et l’Église en Afrique est une assemblée de riches et de pauvres. Le mythe de l’Africain sans instruction, vivant sur un continent où une grande partie des enfants non scolarisés, ignore la population tout aussi nombreuse des professionnels, des intellectuels et des étudiants à tous les niveaux d’éducation – maternelle, primaire, secondaire et tertiaire. L’Église en Afrique comprend des hommes, des femmes et des enfants de diverses couches de la société et de l’éducation. Son extraordinaire croissance est moins liée à la pauvreté qu’à une vision du monde métaphysique et religieuse à l’échelle du continent, une véritable praeparatio evangelica, qui offre une opportunité à l’Église dans son projet inachevé mais en cours de présenter le Christ à l’esprit africain.

 

Il y a néanmoins des défis à relever. Sur le plan religieux, il y a le pentecôtisme, avec sa tendance particulière à la sola fide, à la sola scriptura, à la sola gratia et à la révélation privée, une religion de l'esprit sans discernement, une pneumatologie sans ecclésiologie. Sur le plan politique, il y a une tendance militante et intolérante de l'islam instrumentalisé, dont le centre se situe dans la région du Sahel, qui s'étend jusqu'à l'extrême nord du Nigéria. La constitution faible du Nigéria a établi des institutions faibles, incapables de protéger les droits humains fondamentaux, en particulier le droit de culte, contre les forces de persécution.

 

L’avenir du catholicisme ne sera pas une question de démographie mais de fidélité à l’Évangile du Christ crucifié, reçu, préservé et transmis par les apôtres. Si l’Église du Nord a décliné à cause de la raison sans la foi, l’Église en Afrique doit éviter la tentation de la foi sans raison qui se manifeste dans la bifurcation entre religion et vie quotidienne. Contrairement à ce que dit Hegel, l’Africain n’est pas dépourvu de facultés rationnelles. Et la tendance à séparer la foi et la raison, présente dans les deux hémisphères, est étrangère au catholicisme. La raison sans la foi engendre l’athéisme et l’agnosticisme, tandis que la foi sans la raison engendre le fanatisme et le fondamentalisme, le blasphème et l’hérésie. Concrètement, le catholicisme doit rester fidèle à l’Évangile et s’engager intelligemment dans la réalité sociale – non pas par une capitulation populiste face aux idéologies locales, mais par un discernement de ce qui peut et ne peut pas être accepté dans la culture environnante.

 

L’avenir dépend avant tout de la providence divine, de la sagesse avec laquelle Dieu dirige les affaires de l’univers selon sa bonté. Mais nous devons éviter une lecture monophysite de l’histoire, qui minimise l’action humaine : nos actions ou inactions dans le présent auront des conséquences pour l’avenir. En évitant un divorce entre la foi et la raison, nous devrions aussi éviter une dichotomie entre l’intellectuel-prêtre et le pasteur-prêtre. Les pasteurs ne doivent pas nécessairement être des intellectuels. Mais ils doivent être intelligents dans leur réception, leur préservation et leur transmission de la tradition apostolique [le souci de garder le dépôt de la foi (1Tm 6,20 ; 2 Tm 1,14) et de le transmettre à d'autres générations (2Tm 2), la transmission de la charge ecclésiastique - office - par les apôtres eux-mêmes (Ac 1,20-24). Ndt.] avec une connaissance approfondie de leurs ouailles et des courants idéologiques qui balayent le village planétaire d’aujourd’hui.

 

Le clergé doit aussi préserver la triple identité de prêtre-prophète-roi. La sainteté personnelle sera nécessaire mais insuffisante, l’intelligence prophétique nécessaire mais insuffisante, la compétence pastorale nécessaire mais insuffisante. La fonction sacerdotale implique d’offrir la totalité de notre être et de notre monde à Dieu, en s’efforçant de répondre à l’appel universel à la sainteté de vie. La fonction prophétique exige d’être prêt à témoigner de la Parole de Dieu devant un monde qui est souvent peu disposé à écouter, un monde qui traite les prophètes avec dédain, indifférence ou persécution. Et la fonction royale du Christ exige de gérer les affaires du monde en accord avec la volonté aimante de Dieu.

 

En bref, l’Église future doit être dirigée par des prêtres et des évêques qui aspirent à la sainteté, à l’intelligence et à la compétence, et non l’un sans l’autre. Et l’Église doit chercher à former des laïcs éclairés, capables et désireux de vivre les engagements de leur baptême.

 

La fonction prophétique mérite particulièrement qu’on s’y arrête. Elle exige une acceptation différenciée – et parfois un refus catégorique – de l’esprit du temps. L’Esprit Saint est trahi par un simple éloge des signes des temps, surtout quand dire oui à ces derniers revient à dire non à l’Évangile. Car capituler, c’est répudier le martyre, et une Église qui répudie le martyre mourra à coup sûr. L’Église de l’avenir sera une Église de martyrs qui témoigneront ensemble de l’Évangile du Christ crucifié, tout en parcourant la route de l’histoire avec ses bosses, ses nids-de-poule et ses cratères.

 

L'Eglise a une mission qui lui a été confiée par le Christ ressuscité, qui a demandé à ses disciples d'enseigner au monde tout ce qu'il leur avait enseigné. En bon pédagogue, elle doit faire preuve de sagesse et de courage pour montrer le point de rencontre entre la doctrine et la vie, entre la Parole de Dieu et le cœur de l'homme.

 

En Afrique, où l’élite politique est experte dans la manipulation de la diversité ethnique pour contrôler l’accès aux fonctions publiques, l’Église, par son clergé, ses fidèles laïcs et ses personnes consacrées, doit résister prophétiquement aux tentations de l’ethnocentrisme et du racisme. Elle doit être une assemblée prophétique d’hommes et de femmes de communautés ethniques divergentes. Au-delà du fanatisme ethnique et de la xénophobie, elle doit être, comme l’enseigne Vatican II, un signe et un instrument de communion avec Dieu et d’unité entre les hommes.

 

Mais l’Église doit aussi rejeter un inclusivisme facile qui occulterait la nature fondamentale du discipulat, au point de se passer de la repentance. On devient disciple quand on se convertit, et on se convertit quand on devient disciple. C’est peut-être quelque chose que l’Église du Nord global est particulièrement susceptible d’oublier. Et une Église véritablement synodale reconnaîtrait et écouterait l’Église du Sud global.

 

Le Sud global peut apporter une autre contribution au processus synodal : une prise de conscience de la réalité de la pauvreté matérielle et une reconnaissance du fait que la pauvreté du sens de Dieu conduit certains à appauvrir les autres. Dans les sociétés du Sud global, l’Église est signe et instrument du règne de Dieu au milieu de la détresse humaine.

 

Dans la conférence à laquelle j’ai fait référence, Tillard a fait une observation similaire. Inspiré par Chrysostome, Basile, Ambroise, Augustin et Léon le Grand, il a noté une conséquence d’une Église plus méridionale : "L’Église est allée dans le monde des plus pauvres. Là, elle peut s’incarner dans la détresse humaine et témoigner de l’amour de Dieu pour les créatures les plus démunies."

 

Anthony Akinwale, OP, est vice-chancelier adjoint de l'Université Augustine, Ilara-Epe, Nigeria.

Le Magistère

par Edward Feser

 

Ce qu’Aristote disait de la vertu – qu’elle se situe entre les extrêmes – est également vrai de l’orthodoxie. Par exemple, la doctrine de la Trinité exige d’éviter de mettre l’accent sur l’unité de la nature divine au point de nier la distinction du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Mais elle exige aussi d’éviter de mettre l’accent sur la distinction des trois Personnes au point de nier l’unité de la nature divine. L’orthodoxie trinitaire se situe à mi-chemin entre les extrêmes que sont la confusion des Personnes divines (l’hérésie du modalisme) et la division de la substance divine (l’erreur du polythéisme).

 

La doctrine catholique sur l’autorité doctrinale du pape est, de la même manière, un milieu entre deux extrêmes, l’un attribuant trop peu de pouvoir au pape et l’autre trop. Historiquement, l’Église a mis l’accent sur la réfutation du premier extrême et sur la vaste portée de l’autorité doctrinale du pape. Le premier concile du Vatican déclare qu’un pape enseigne infailliblement lorsqu’il parle ex cathedra – lorsque, usant de sa pleine autorité apostolique de pasteur universel et suprême de l’Église, il se prononce solennellement sur une question de foi ou de morale d’une manière absolument contraignante destinée à la régler pour tous les temps. Le deuxième concile du Vatican déclare que, même lorsque les papes ne parlent pas infailliblement, leur enseignement sur la foi et la morale doit normalement être reçu avec un assentiment ferme, même s’il n’est pas absolu.

 

Cependant, l'Église a également insisté sur le fait qu'un pape ne peut pas enseigner ce qu'il veut. Vatican I affirme que les papes n'ont d'autorité que pour "garder religieusement et exposer fidèlement la révélation ou le dépôt de la foi transmise par les apôtres", et "non pas pour qu’ils puissent… faire connaître une nouvelle doctrine". Vatican II affirme que le pouvoir magistériel de l'Église "n'est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais la sert, en enseignant seulement ce qui a été transmis, en l'écoutant avec dévotion, en le gardant scrupuleusement et en l'expliquant fidèlement". Dans une homélie de 2005, le pape Benoît XVI a souligné que le pape "est lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations contraignantes qui se sont développées tout au long du pèlerinage de l'Église. Ainsi, son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de la Parole de Dieu". Le pape a le devoir de transmettre l'héritage apostolique dans sa totalité et de manière intacte. "Il lui incombe de veiller à ce que cette Parole continue d'être présente dans sa grandeur et de résonner dans sa pureté, afin qu'elle ne soit pas déchirée par les changements continuels d'usage."

 

La portée et les limites de l’autorité doctrinale sont compréhensibles si l’on garde à l’esprit que cette autorité n’est pas une fin en soi, mais qu’elle existe pour préserver le dépôt de la foi. Parce que les fidèles ont besoin d’être assurés que ce qu’ils reçoivent de l’Église n’est ni plus ni moins que la même doctrine infaillible transmise par le Christ aux apôtres, les papes eux-mêmes doivent être infaillibles lorsqu’ils énoncent définitivement cette doctrine. Mais pour la même raison, les papes ne doivent ni ajouter ni infirmer ce dépôt. Cela ne signifie pas que le développement de la doctrine n’est pas possible. Mais comme l’ont clairement montré saint Vincent de Lérins et saint John Henry Newman, un véritable développement ne fait que tirer les implications de l’enseignement apostolique, et ne l’inverse jamais ni ne fabrique un nouvel enseignement de toutes pièces. [Dans le "Commonitorium" de saint Vincent de Lérins, rédigé vers 434 après J.-C., trois critères sont explicités pour distinguer la vérité de l'erreur. Le premier consiste dans l'unité de la foi à travers le temps et l'espace : "Tenir pour vérité de foi ce qui a été cru partout, toujours et par tous", "Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est". Le deuxième consiste à vérifier cohérence du progrès dans la foi, ce que l’on peut résumer par l’expression ‘’l'évolution homogène du dogme’’ : "Il faut donc que croissent et progressent beaucoup l'intelligence, la connaissance, la sagesse de chacun des chrétiens et de tous, celle de l'individu comme celle de l’Église entière, au cours des siècles et des générations, pourvu qu'elles croissent selon leur genre propre, c'est-à-dire dans le même sens, selon le même dogme et la même pensée". Le troisième consiste à lire les Écritures dans la Tradition : "Le Canon divin doit être interprété selon les traditions de l'Église universelle et les règles du dogme catholique." Ndt.]

 

L’Église ne prétend pas que les papes sont en général infaillibles en dehors des déclarations ex cathedra ; une poignée de papes ont en fait commis des erreurs en enseignant en dehors de ce contexte (c’est pourquoi Vatican I a limité l’infaillibilité aux déclarations ex cathedra). Le cas le plus spectaculaire est celui du pape Honorius I, dont l’enseignement ambigu sur la nature de la volonté du Christ a aidé et réconforté l’hérésie monothélite. Pour cela, il a été condamné par un pape ultérieur, saint Léon II, qui a écrit : "Nous anathématisons… Honorius, qui n’a pas tenté de sanctifier cette Église apostolique avec l’enseignement de la tradition apostolique, mais a permis par une trahison profane que sa pureté soit polluée." Trois conciles approuvés par le pape ont également condamné Honorius. Le pape Jean XXII a prêché publiquement une doctrine erronée sur le statut de l’âme après la mort. Pour cela, il a été vivement critiqué par de nombreux théologiens de l’époque, ce qui l’a conduit à se rétracter sur son lit de mort.

 

Ces théologiens n’ont pas non plus fait exception en osant accuser un pape d’erreur doctrinale. Bien que cela n’ait pas été beaucoup souligné, l’Église a toujours reconnu que les papes peuvent être respectueusement réprimandés par les fidèles lorsqu’ils semblent contredire le dépôt de la foi. Dans son commentaire sur la lettre de saint Paul aux Galates, saint Thomas d’Aquin enseigne que la réprimande de saint Pierre, le premier pape, par laquelle Paul a réprimandé saint Pierre, a donné l’exemple aux sujets de ne pas craindre de corriger les prélats lorsqu’ils commettent une erreur qui constitue "un danger pour l’enseignement de l’Évangile" – et un exemple pour les prélats d’accepter humblement la correction. Une telle correction, dit saint Thomas d’Aquin, n’est pas une rébellion mais plutôt une "aide" et un "bénéfice" pour ceux dont le devoir est de sauvegarder la foi. Et il enseigne que cette critique peut même être faite publiquement lorsque l’offense du prélat est elle-même publique et menace d’induire beaucoup de gens en erreur.

 

De même, le pape Innocent III enseignait que "je ne peux être jugé par l’Église que pour les péchés commis contre la foi". Saint Robert Bellarmin déclarait qu’"il est légitime de résister au pape… s’il agresse les âmes ou trouble l’État, et encore plus s’il s’efforce de détruire l’Église". Newman cita avec approbation la remarque du cardinal Jean de Torquemada selon laquelle "si le pape ordonnait quoi que ce soit contre la Sainte Écriture, ou les articles de la foi, ou la vérité des sacrements, ou les commandements de la loi naturelle ou divine, il ne fallait pas lui obéir".

 

L’instruction Donum Veritatis, publiée sous le pontificat de saint Jean-Paul II, admettait qu’"il puisse arriver que certains documents du Magistère ne soient pas exempts de toute déficience", de sorte que "le théologien peut, selon le cas, soulever des questions sur l’opportunité, la forme ou même le contenu des interventions du Magistère". L’instruction distingue explicitement une telle critique respectueuse de la "dissidence" par rapport à l’enseignement permanent de l’Église.

 

Cependant, tout en reconnaissant la possibilité d’erreurs en dehors des contextes ex cathedra et la légitimité d’une critique respectueuse de ces erreurs par les fidèles, l’Église n’a pas accordé beaucoup d’importance à ces thèmes. De plus, l’immense majorité des papes, même la plupart des mauvais, ont été scrupuleux en ce qui concerne la doctrine. La perspective d’une erreur papale et les questions relatives à son remède ont donc été, pendant la majeure partie de l’histoire de l’Église, des questions d’intérêt purement académique.

 

Aujourd’hui, ces problèmes sont devenus plus pressants encore en raison des nombreuses déclarations, politiques et actions doctrinales problématiques émises par Rome pendant le pontificat du pape François. On pourrait citer de nombreux exemples, mais trois sont particulièrement graves. La révision du Catéchisme de 2018 du pape stipule que "la peine de mort […] est une atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne". Cela semble impliquer que la peine capitale est intrinsèquement mauvaise, et pas seulement mauvaise dans certaines circonstances. Une telle doctrine contredirait les Écritures, les Pères et les Docteurs de l’Église et deux mille ans d’enseignement pontifical cohérent.

 

(La déclaration) Amoris Laetitia est ambiguë dans la mesure où elle pourrait être interprétée comme autorisant, dans certains cas, l'absolution et la communion pour les personnes mariées d'une façon invalide ou pour les personnes adultères, qui sont sexuellement actives et n'ont pas la ferme intention de se corriger. Cela contredirait l'enseignement du Christ sur le divorce, l'enseignement de saint Paul sur la dignité de recevoir la communion et ce que l'Église considère depuis deux millénaires comme les implications de ces enseignements.

 

Pire encore, malgré des appels répétés, le pape a refusé de réaffirmer les doctrines traditionnelles que ces documents semblent contredire. Il y a ensuite (le document) Fiducia Supplicans, qui permet la bénédiction des couples homosexuels et adultères (et pas seulement des individus qui composent les couples). Il est vrai que le document nie que l’"union" d’un tel couple puisse elle-même être bénie, mais la déclaration de l’Église de 2021 sur la question avait exclu toute bénédiction qui "tendrait même à reconnaître leurs unions", et encore moins à bénir les unions. Et bénir un couple en tant que couple revient précisément à reconnaître l’union. De plus, la distinction entre bénir un couple et bénir une union est une distinction que même les défenseurs du document ont eu du mal à expliquer, et qui, pour le commun des mortels, apparaît comme un sophisme ardu.

 

Certes, tous ces documents problématiques peuvent, avec un peu d’effort et si l’on est intelligent et théologiquement compétent, être interprétés de manière orthodoxe. Mais l’Église n’a jamais considéré que franchir cette barre basse suffisait en matière de doctrine. Elle a souvent condamné non seulement des hérésies pures et simples, mais aussi des propositions "mal formulées", "ambiguës", "susceptibles de provoquer un scandale" ou qui "sentent l’hérésie" même sans être strictement hérétiques (pour citer certaines des "censures théologiques" traditionnellement reconnues dans la théologie catholique). Les déclarations erronées d’Honorius pourraient, avec un peu de créativité, être interprétées de manière orthodoxe, et sont sans doute moins manifestement problématiques que les trois cas cités ci-dessus dans le pontificat de François. Pourtant, il a tout de même été condamné.

 

Les défenseurs du pape François ont tendance à rejeter avec désinvolture comme "dissidence" même la critique la plus respectueuse, la plus mesurée et la plus argumentée de ces documents problématiques, bien que Donum Veritatis reconnaisse que toute critique des actes du magistère ne constitue pas une dissidence. Ils insistent aussi parfois dogmatiquement sur le fait que si un pape fait ou approuve une déclaration doctrinale, alors celle-ci doit, par le fait même, être cohérente avec le dépôt de la foi, malgré les apparences.

 

Cela ne tient pas compte du fait que l’Église ne prétend pas en premier lieu que les papes sont infaillibles lorsqu’ils ne parlent pas ex cathedra, et qu’une poignée de papes ont en fait commis des erreurs. Cela réduit également à néant la thèse selon laquelle tout enseignement papal est conforme à la tradition. En logique, l’erreur du "vrai Écossais" est commise lorsque l’on élimine des preuves gênantes au moyen de stipulations arbitraires. (Par exemple : "Aucun vrai Écossais ne serait un empiriste !" "Mais David Hume était un empiriste !" "Oh ? Alors il ne doit pas vraiment avoir été un Écossais !") Les défenseurs du pape François commettent cette erreur lorsqu’ils suggèrent que s’il contredit une doctrine de longue date, celle-ci après tout ne doit pas avoir réellement fait partie du dépôt de la foi.

 

L'exagération du pouvoir papal en matière de doctrine a été qualifiée de diverses façons : par exemple, "hyperpapalisme", "positivisme papal" et "mottramisme" (d'après un personnage de Brideshead Revisited d'Evelyn Waugh).) – mais aucune n’est devenue la norme. Quel que soit le nom que nous lui donnons, il est impératif qu’un futur pape la répudie, car elle porte un grave préjudice aux âmes et à la crédibilité du Magistère. À la suite des controverses doctrinales fomentées par le pape François, de nombreux catholiques fidèles à l’enseignement traditionnel de l’Église ont été démoralisés. Certains ont quitté l’Église, jugeant que sa prétention à préserver le dépôt de la foi a été falsifiée. De nombreux critiques protestants et orthodoxes orientaux de la papauté considèrent que leurs objections ont été justifiées. Les hétérodoxes se sont enhardis, convaincus que la doctrine a changé et qu’elle peut encore changer dans la direction que l’on souhaite, tant qu’un pape disposé à effectuer ce changement est élu.

 

En plus de condamner l’hyperpapalisme, le Magistère devrait répudier plusieurs tendances qui ont facilité cette erreur et qui sont antérieures au pontificat de François, même si elles se sont intensifiées sous lui. La première est l’abandon de la philosophie et de la théologie scolastiques, dont l’accent mis sur un raisonnement clair et logique conférait autrefois de la rigueur aux documents du Magistère. La deuxième est un minimalisme doctrinal légaliste qui suppose que tant que l’on évite de contredire explicitement un enseignement impopulaire – par exemple sur la contraception, la damnation éternelle ou la nécessité de se convertir – on a fait son devoir, même si cet enseignement est ignoré et donc réduit à l’état de lettre morte. La troisième est le culte de la personnalité qui entoure la papauté, donnant la fausse impression que le catholicisme n’est que ce que le pape actuel dit qu’il est.

 

Les futurs papes devraient se consacrer à nouveau à la proposition selon laquelle le pontife romain est le serviteur du dépôt de la foi, et non son maître. Ils devraient proclamer avec audace l’intégralité de ce dépôt, en particulier les parties que la civilisation moderne refuse le plus d’entendre. Ils devraient revenir au projet avorté de Benoît XVI d’une "herméneutique de la continuité", et le mettre en avant. Et ils devraient réfléchir dans la prière au cas et au sort du pape Honorius.

 

Edward Feser est professeur de philosophie au Pasadena City College.

La liturgie

par Jarosław Kupczak, OP

 

En de nombreux endroits, les catholiques les plus sérieux, les plus conscients et les plus actifs sont ceux qui se réunissent chaque semaine à la messe tridentine la plus proche. Ils peuvent s’attendre à une célébration solennelle et même belle de la liturgie – souvent avec chant grégorien – et à une homélie théologiquement sérieuse, pleine de respect pour l’enseignement traditionnel de l’Église. Au milieu de la confusion et du chaos du monde moderne, qui se font sentir dans nos paroisses, nos couvents et d’autres communautés catholiques, les petites communautés de la messe tridentine offrent à leurs membres un soutien et une formation intellectuelle, ainsi que des relations et des amitiés. Malgré les critiques valables à l’égard de ces groupes – sur lesquelles je reviendrai – il y a certainement quelque chose à apprendre d’eux.

 

L’esprit de ces groupes a en effet quelque chose en commun avec les groupes d’étudiants dirigés par le jeune Karol Wojtyła dans les années 1950 à Cracovie. Lors des excursions estivales en kayak, qui sont entrées dans la légende, Wojtyła offrait à chacun un petit missel bilingue dans lequel il était possible de suivre le texte intégral de la messe tridentine en polonais. La messe était célébrée chaque matin là où le groupe passait la nuit : dans les forêts, dans les prés, au bord d’un lac. L’autel était construit chaque jour par les étudiants avec ce qu’ils avaient sous la main : des branches de la forêt, voire les kayaks eux-mêmes. Wojtyła célébrait généralement la messe face aux étudiants, lisant les textes liturgiques en latin et prêchant en polonais.

 

Dans l’un de ses premiers ouvrages publiés, écrit pour la revue pastorale polonaise Homo Dei en 1957, Wojtyła soulignait que les vacances actives au sein de la nature – dans la forêt, au bord du lac ou de la mer – sont une manière idéale d’initier les jeunes aux mystères de la foi. "Un autel sur des rames, un autel sur la neige, un autel sur des sacs à dos – la nature vivante (et pas seulement le produit de l’art humain) participe au sacrifice du Fils de Dieu. La Sainte Messe devient une prière du matin et la première chose que nous faisons ensemble après le réveil. Quelques mots : une pensée pour toute la journée."

 

L’objectif n’était pas de surprendre les gens avec une célébration non conventionnelle ou ostentatoire de la Sainte Messe. L’objectif était de faire comprendre aux campeurs que la célébration eucharistique pouvait et devait faire partie intégrante de leur vie quotidienne – "la source et le sommet de toute la vie chrétienne", comme le soulignerait Vatican II une décennie plus tard dans sa constitution sur l’Église, Lumen Gentium.

 

Les convictions du jeune Karol Wojtyła sur la forme de la liturgie ont été au cœur du mouvement de renouveau liturgique dans l'Église au début du XXe siècle, avant le Concile Vatican II et sa constitution sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium. Tous les principaux représentants du mouvement liturgique – Dom Prosper Guéranger, Odo Casel, Dom Lambert Beauduin, Romano Guardini, Louis Bouyer – ont souligné la nécessité d'une participation plus consciente des fidèles à la liturgie. La liturgie devait être comprise comme la célébration de tout le peuple, et non comme une performance technique particulière d'un seul professionnel.

 

La constitution du Concile Vatican II sur la liturgie est un très bon document. Enracinée dans une profonde théologie christologique, trinitaire et ecclésiale de la liturgie, elle propose une liturgie renouvelée comme essentielle à la solide formation du peuple de Dieu et à son introduction au mystère chrétien et à la vie chrétienne.

 

Mais comme c'est souvent le cas avec Vatican II, on se retrouve confronté à la question suivante : si ses documents étaient si bons, qu'est-ce qui a causé les ravages, la confusion et la déformation de la période postconciliaire ? La réponse se trouve dans les interprétations erronées de l'aggiornamento conciliaire qui ont déterminé la direction et la vitesse des changements postconciliaires. L'idée de Vatican II comme d'un nouveau départ a provoqué une rupture avec l'héritage catholique : l'Église semblait avoir honte de son passé, alors que l'avenir était perçu comme nécessitant une adaptation au séculier. Le ressourcement, destiné à enrichir et à renforcer l'enseignement de l'Église, a conduit à un pluralisme théologique qui semblait remettre en question et saper toute vérité catholique traditionnelle. Le caractère unique de la foi chrétienne et de l'Église catholique a disparu dans un processus souvent nébuleux, superficiel et hâtif de dialogue œcuménique et interreligieux. La liste des étranges mésaventures postconciliaires est sans fin.

 

Le lieu où la plupart des fidèles entrèrent en contact direct avec la théologie de Vatican II fut la liturgie. De nombreux changements furent accueillis avec enthousiasme : le remplacement du latin par la langue vernaculaire, l'élargissement des lectures bibliques, une plus grande participation des fidèles laïcs. Mais la mise en œuvre ascendante des réformes du concile eut aussi son côté sombre. De nombreuses traductions des textes liturgiques latins étaient inexactes ; les nouveaux textes liturgiques en langues vernaculaires reflétaient la théologie postconciliaire douteuse, en dévalorisant notamment le caractère sacrificiel de la messe ; la nouvelle musique composée après le concile et chantée dans les langues nationales était banale et sentimentale et ne correspondait pas à la solennité du chant grégorien. Les prêtres comprirent souvent la réforme liturgique comme une invitation à l'improvisation spontanée et à l'expérimentation constante, et parmi les laïcs, l'attention se déplaça de Dieu vers la communauté elle-même.

 

Il est impossible de comprendre l’essor du mouvement de la messe tridentine au cours des dernières décennies sans y voir une réaction à la crise théologique et liturgique postconciliaire. Ce mouvement présente cependant de graves problèmes. Dans de nombreux cercles de la messe tridentine, la recherche d’identité s’est concentrée non pas sur la rectification des abus théologiques postconciliaires, décrits par Benoît XVI comme témoignant d’une herméneutique de rupture, mais sur la critique et le rejet du concile lui-même. Surtout chez les catholiques qui ne se souviennent pas de l’époque préconciliaire, la nostalgie du pontificat de Pie XII et la critique de ce qui s’est passé par la suite servent de cadre simpliste pour comprendre l’histoire contemporaine complexe de l’Église.

 

La réponse de l’Église à ce mouvement traditionaliste a varié au fil du temps. L’intention du Concile Vatican II n’était pas de créer une nouvelle messe alternative, mais de réformer la messe romaine, qui devait être utilisée universellement dans l’Église de rite latin. La permission de célébrer la messe tridentine n’a donc été accordée que pour des motifs très limités. Puis Jean-Paul II, en réponse à la demande constante de la messe tridentine, a permis aux évêques diocésains d’accorder cette permission – à condition qu’il "soit rendu public, sans ambiguïté aucune, que ces prêtres et leurs fidèles respectifs ne partagent en aucune façon les positions de ceux qui remettent en question la légitimité et l’exactitude doctrinale du Missel romain promulgué par le pape Paul VI en 1970".

 

Benoît XVI est allé beaucoup plus loin. Dans son motu proprio Summorum Pontificum de 2007, il a défini la liturgie tridentine comme une forme extraordinaire du rite romain. Depuis lors, tout prêtre était libre, sans autorisation de l'évêque, d'utiliser soit le Missel romain de 1962, soit celui de 1970 ; les fidèles étaient libres de choisir l'une ou l'autre liturgie. De plus, ils pouvaient demander dans leurs paroisses que la messe tridentine leur soit proposée.

 

Il n’est pas étonnant que la publication de Traditionis Custodes, le motu proprio du pape François de 2021, ait été un choc pour beaucoup. Conformément à l’enseignement de Vatican II, Traditionis Custodes souligne que le Novus Ordo est "l’expression unique de la lex orandi du rite romain". Par conséquent, il restreint sévèrement l’utilisation de la messe tridentine, en veillant notamment à ce qu’elle ne soit pas perçue comme faisant partie de la vie et du culte paroissiaux réguliers. L’exigence importante énoncée plus tôt par Jean-Paul II est maintenue : ceux qui participent à la messe tridentine "ne nient pas la validité et la légitimité de la réforme liturgique" décrétée par Vatican II. Cependant, même ceux qui sont d’accord avec le contenu théologique de Traditionis Custodes critiquent son manque de sensibilité pastorale envers ceux qui, depuis une décennie, sont assurés par Benoît XVI – et souvent par leurs évêques et leurs pasteurs – de la légitimité de leur pratique liturgique.

 

Malheureusement, la portée de l'exhortation Traditionis Custodes du pape François est également affaiblie par ses propres déclarations à propos de Vatican II et de l'enseignement des papes précédents. L'exhortation Amoris Laetitia est souvent perçue comme un renversement de la position théologique de Jean-Paul II ; elle a été accompagnée par la quasi-liquidation de l'Institut Jean-Paul II à Rome et par des changements importants dans l'enseignement de l'Académie pontificale pour la vie. Des documents tels que Fiducia Supplicans, sur la bénédiction des couples homosexuels, ainsi que les remarques critiques du chef doctrinal de François concernant l'un des documents les plus importants du pontificat de Jean-Paul II, l'encyclique Veritatis Splendor, ajoutent de l'huile sur le feu. Parfois, en regardant les références bibliographiques et les notes de bas de page des textes du pape François, on peut avoir l'impression que dans son enseignement, il veut mettre entre parenthèses les réalisations des deux papes précédents et proposer sa propre interprétation de Vatican II, différente de celle proposée par Jean-Paul II et Benoît XVI. Certes, ces controverses sur l'interprétation correcte du dernier concile rendent difficile la résolution du conflit sur le contenu approprié de la réforme liturgique et sur la validité de la messe tridentine. Aux yeux des simples fidèles, elles portent également atteinte à l'autorité du Magistère de l'Église. Malheureusement, ces controverses sont loin d'être terminées.

 

Avant de résoudre les controverses, il y a des choses urgentes à faire. Il faut d’abord une catéchèse sur Vatican II, qui risque de devenir, surtout parmi les jeunes catholiques engagés, la "légende noire" de l’histoire ecclésiastique moderne. Cette catéchèse doit expliquer les principales réalisations et les espoirs du dernier concile dans les domaines les plus controversés : l’ecclésiologie, la liberté religieuse, la liberté de conscience, le dialogue œcuménique et religieux. C’est seulement dans ce contexte théologique que les principes de la réforme liturgique peuvent devenir clairs. Ensuite, dans les diocèses, les paroisses, les séminaires, les monastères et les différentes communautés, une catéchèse solide sur la théologie de l’Eucharistie est nécessaire. Cette catéchèse doit porter sur les sources bibliques de l’Eucharistie, son histoire et sa théologie, ainsi que sur les règles pratiques pour la célébrer et y participer. Troisièmement, à la lumière de ce qui a été dit ci-dessus sur la théologie de l’Eucharistie, il faut veiller de manière intégrale et complète à la qualité de la célébration de la Sainte Messe. Cela comprend la beauté des décorations de l’église et des vêtements liturgiques ; le comportement du prêtre et de toutes les personnes participant à la liturgie ; et le contenu, la qualité et la beauté de la musique.

 

La liturgie du futur doit retrouver son caractère sacramentel, priant et digne, qui doit servir en premier lieu à la rencontre verticale entre les croyants et Dieu. Comme l’a enseigné Benoît XVI, toute la liturgie doit évoquer la beauté du monde futur, matériel et spirituel, transformé par la grâce du Christ. La beauté de la liturgie doit donc englober la beauté de l’architecture extérieure et intérieure des églises et des chapelles, la beauté de la musique liturgique et de ses textes, ainsi que l’ensemble de la célébration et de la prédication. De ce point de vue, le débat actuel entre les partisans de l’ancienne et de la nouvelle liturgie est secondaire. Chacun des rites peut être banalisé et rendu superficiel. Et chacun peut être célébré d’une manière qui serve la rencontre sacramentelle et transformatrice avec Dieu.

 

Jarosław Kupczak, OP, est professeur d'anthropologie théologique à l'Université pontificale Jean-Paul II de Cracovie.

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2023 7 17 /12 /décembre /2023 15:41

Il s’agit d’une observation fascinante et d’une troublante pertinence de la part de l’historien païen romain Ammianus Marcellinus, qui a écrit une histoire de l’Empire romain dans les années 380 après JC.

 

Dans cette section, il affirme que l’empereur Julien "l’Apostat" (361-363), dans sa tentative de faire revivre le paganisme, a encouragé les chrétiens à avoir une approche "vivre et laisser vivre" les uns avec les autres sur la vraie doctrine.

 

Sa stratégie, selon Ammien, était d'encourager la "liberté" parmi les chrétiens afin d'accroître leurs luttes intestines, ce qui, espérait-il, les empêcherait de s'unir contre lui dans ses tentatives de restauration du paganisme.

 

Cela vous semble familier?

 

"Mais quand ses craintes [de Julien] furent terminées, et qu’il vit que le temps était venu où il pouvait faire ce qu’il voulait, il révéla les secrets de son cœur et, par des décrets clairs et formels, ordonna que les temples [païens] soient ouverts, que les victimes soient amenées sur les autels et que le culte des dieux soit rétabli.

 

Et afin d'ajouter à l'efficacité de ces ordonnances, il convoqua au palais les évêques des chrétiens, qui avaient des opinions opposées, et le peuple, qui était également en désaccord, et leur conseilla poliment de mettre de côté leurs divergences, et chacun sans crainte et sans opposition d'observer ses propres croyances.

 

Sur ce point, il a pris une position ferme, afin que, à mesure que cette liberté aggraverait leurs dissensions, il puisse ensuite n’avoir aucune crainte d’une population unie, sachant comme il l'a vu par expérience, qu'aucune bête sauvage n’est aussi ennemie de l’humanité que la plupart des chrétiens dans leur haine mortelle les uns des autres.''

 

Ammianus Marcellinus, 'L'Histoire' (Livre 22, Ch. 5) (vers 380 après JC)

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 14:27
Le pape François relève Mgr Strickland de ses fonctions d'évêque de Tyler sans donner d'explication et sans procès

Cité du Vatican, 11 novembre 2023 / 07h05

Le Vatican a annoncé samedi que le pape François avait relevé Mgr Joseph Strickland de ses fonctions dans le diocèse de Tyler, au Texas, et nommé un administrateur apostolique pour le remplacer.

La destitution de Strickland le 11 novembre intervient après que le Dicastère pour les évêques du Vatican a terminé une enquête formelle dans le diocèse plus tôt cette année, appelée visite apostolique, qui, selon une source, a examiné l'utilisation des médias sociaux par l'évêque et des questions liées à la gestion diocésaine.

Strickland, 65 ans, est évêque du diocèse de Tyler depuis 2012. L'évêque du Texas, très populaire mais polarisant, a été critiqué pour ses publications incendiaires sur les réseaux sociaux, notamment un tweet du 12 mai suggérant que le pape François ''sapait le dépôt de la foi''.

L'annonce du Vatican n'a fourni aucune raison pour la destitution de l'évêque. L'évêque Joe Vásquez d'Austin servira d'administrateur apostolique du diocèse de Tyler jusqu'à ce qu'un nouvel évêque soit nommé.

Au cours des plus de 10 années de Strickland à la tête de Tyler, le diocèse a connu des changements notables, tels que la démission en 2018 de trois responsables diocésains, une décision qui, selon Strickland à l'époque, permettrait au diocèse de mieux remplir sa mission.

Mais le mandat de Strickland a également coïncidé avec des signes positifs de santé spirituelle et administrative à Tyler. Actuellement, 21 hommes sont en formation sacerdotale pour le territoire de 119.168 catholiques. Le diocèse serait également en bonne santé financière, comme en témoigne en partie sa capacité à réunir 99 % de son objectif de 2,3 millions de dollars pour l'appel de l'évêque de 2021, six mois avant la date prévue.

Le pape François a rencontré samedi matin le cardinal américain Robert Francis Prevost, préfet du Dicastère pour les évêques, avant l'annonce de la destitution de Strickland.

La décision du pape de relever Strickland de sa gouvernance pastorale du diocèse de l'est du Texas intervient deux jours seulement avant le début de la réunion plénière d'automne des évêques américains, qui se tiendra du 13 au 16 novembre à Baltimore.

***

Mise à jour du 19 novembre 2023. Comme le rapporte Jean-Marie Guénois, dans le journal Le Figaro du 11 novembre dernier, « Mgr Strickland a critiqué une série de décisions qui pourraient instituer une forme de diaconat féminin, l’ordination à la prêtrise d’hommes mariés, le contrôle par des laïcs du pouvoir épiscopal et la bénédiction de couples homosexuels, même si ce dernier point a été plus contesté que prévu en octobre ». Toujours selon le même journaliste, « dans sa lettre du 22 août 2023 adressée aux catholiques de son diocèse du nord est du Texas, il récuse point par point ces évolutions en s’appuyant sur l’enseignement post-conciliaire de l’Église catholique, avec cette conclusion qui a dû lui coûter cher, puisqu’il a laissé entendre que le pape François serait schismatique. »

... ce sont ceux qui proposeraient des changements sur ce qui ne peut pas être changé selon les commandements du Christ, à son Église, ce sont eux qui sont les vrais schismatiques. » Source

En 2021, l'évêque Joseph Strickland avait lancé un avertissement aux nations et aux dirigeants du monde entier qui font la promotion de l'avortement, de l'homosexualité et de l'oppression des citoyens ordinaires.  Il avait avertit que nous souffrons dans le monde à cause de nos péchés et parce que nous ne reconnaissons pas Dieu comme le Créateur et le véritable auteur de la vie.

 

En 2022, une déclaration de François semblait ouvrir la porte à la Sainte Communion pour les politiciens pro-avortement tels que Nancy Pelosi. Quatre évêques, plusieurs prêtres et de nombreux érudits catholiques signèrent une déclaration réprimandant la déclaration du pape François, selon laquelle "tout le monde est invité au souper des noces de l'Agneau (Ap 19:9). Pour être admis à la fête, tout ce qui est requis est le vêtement de noces de la foi qui vient de l'audition de sa Parole." Le Pape a écrit ces mots dans sa Lettre apostolique du 29 juin sur la liturgie, Desiderio desideravi, mais pour les signataires de cette déclaration, il a omis le "sujet essentiel de la repentance pour le péché pour la digne réception de l'Eucharistie.

Parmi les signataires de cette déclaration figuraient Mgr Joseph E. Strickland, Mgr André Gracida, Mgr Athanasius Schneider, Mgr Robert Mutsaerts, le Père Gerald E. Murray, le Père James Altman, le Père John Lovell et plusieurs autres prêtres, ainsi que des universitaires bien connus.

Add. Mgr Strickland réagit à sa destitution sur Twitter,

Le 11 novembre :

 

"Réjouissez-vous toujours que… peu importe ce que le jour vous apporte, Jésus-Christ est le Chemin, la Vérité et la Vie, hier, aujourd'hui et pour toujours. Que les saints et la Bienheureuse Vierge Marie nous incitent toujours à revenir au Christ, peu importe la façon dont nous errons dans les ténèbres. Jésus est Lumière issue de la Lumière."

Le 12 novembre

 

"Si nous sommes morts avec lui,

avec lui nous vivrons.

 

Si nous supportons l’épreuve,

avec lui nous régnerons.

 

Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même."

 

2 Timothée 2, 11-13

Le Cardinal Müller, ancien Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de Benoît XVI réagit sur la destitution de Mgr Strickland, évêque du diocèse de Tyler au Texas depuis 2012 :

 

“Ce qui est fait à Mgr Strickland est terrible, un abus du droit divin de l’épiscopat. Si je pouvais conseiller Mgr Strickland, il ne devrait absolument pas démissionner, car ils pourraient alors se laver les mains de leur innocence. (ce que Mgr Strickland n'a pas fait au final)


 

"Selon le commandement de la justice, un évêque ne peut être destitué par le Pape que s’il s’est rendu coupable de quelque chose de mauvais (hérésie, schisme, apostasie, crime ou comportement totalement non-sacerdotal), par exemple la pseudo-bénédiction qui insulte Dieu et trompe les gens sur leur salut – bénédiction des personnes des deux ou du même sexe dans des relations extraconjugales.

 

"La révocation arbitraire du poste d’évêque d’un diocèse dans lequel un évêque est établi par le Christ lui-même comme son propre berger porte atteinte à l’autorité du pape, comme cela s’est produit historiquement avec le marchandage indigne de la charge sous la papauté avignonnaise (cette perte de confiance était l’une des principales raisons de la séparation du christianisme de la Réforme de l’Église catholique et de sa haine du pape, qui, par ses actions arbitraires, s’était mis à la place de Dieu.)

 

"Selon l’enseignement catholique, le Pape n’est en aucun cas le Seigneur de l’Église, mais plutôt, en tant que représentant du Christ pour l’Église universelle, le premier serviteur de son Seigneur, qui devait dire à Simon Pierre, qui venait de devenir le rocher de l’Église : 'Passe derrière moi (Indietro italien, le véritable indietrismo), car tu ne penses pas à ce que Dieu veut, mais à ce que veulent les hommes' (Mt 16, 23).

 

"Le Pape n’a aucune autorité du Christ pour intimider et intimider les bons évêques calqués sur le Christ Bon Pasteur qui, conformément à l’idéal épiscopal de Vatican II, sanctifient, enseignent et conduisent le troupeau de Dieu au nom du Christ, simplement parce que des faux amis dénoncent ces bons évêques à François comme des ennemis du Pape, tandis que les évêques hérétiques et immoraux peuvent faire ce qu’ils veulent ou déranger chaque jour l’Église du Christ avec quelque autre bêtise.”

 

Le 21 septembre 2023 après l'annonce d'une visite apostolique au sujet de Mgr Strickland
 

Père Yves-Marie Couët

***

Add. Dans une interview exclusive le 11 novembre, quelques heures seulement après son renvoi, John-Henry Westen, rédacteur en chef de LifeSiteNews, a demandé à l'évêque Joseph Strickland pourquoi il avait été démis de ses fonctions. Celui-ci a répondu : ‘’La seule réponse que j'ai à cette question est que les forces de l'Église en ce moment ne veulent pas de la vérité de l'Évangile.’’

 

‘’Ils veulent que ça change. Ils veulent que cela soit ignoré. Ils veulent se débarrasser de la vérité qui, glorieusement, ne va pas disparaître. La vérité qu’est Jésus-Christ, son corps mystique, qui est l’Église, toutes les merveilles pour lesquelles les martyrs sont morts et pour lesquelles les saints ont vécu pendant près de 2000 ans depuis la mort et la résurrection du Christ.’’

 

L'évêque Joseph Strickland a déclaré qu'il pensait avoir été démis de ses fonctions parce qu'il ‘’avait menacé certains pouvoirs en place avec la vérité de l'Évangile‘’. Et qu'il ne rejetait pas entièrement la responsabilité de sa destitution sur le pape François, car ‘’de nombreuses forces travaillent sur lui et l'influencent pour qu'il prenne ce genre de décisions‘’.

"C'est pourquoi nous prions pour le pape, pour lui en tant que fils de Dieu et pour son rôle de pontife suprême." 

"Mais nous devons reconnaître qu’il existe des forces formidables et puissantes à l’œuvre dans le monde", a-t-il souligné. "Saint Paul nous rappelle que nous ne luttons pas contre les êtres humains, de chair et de sang ; nous combattons les puissances et les principautés du mal. Et le mal ne veut pas de la vérité de Jésus-Christ." 

"Il y a des gens dans l'Église, plutôt que de se glorifier de la vérité du Christ, ils veulent supprimer des parties importantes de l'Écriture Sainte et dire : 'Oh, nous nous sommes trompés' ou 'nous allons simplement l'ignorer.'"

 

Strickland a souligné que ''les saints, au cours de 2000 ans, ne se sont pas trompés''.

L'évêque américain a noté que le diocèse de Tyler est en pleine forme car il a ''la chance de compter de nombreux séminaristes, de bons jeunes hommes… qui seraient de merveilleux maris ou de merveilleux pères spirituels, prêtres''.

Selon Strickland, le diocèse est également ''solide financièrement'' grâce à ''l’immense générosité'' des fidèles.

''Je ne peux vraiment pas trouver d'autre raison que [que] j'ai menacé certaines des autorités en place avec la vérité de l'Évangile.’’

"Les Écritures nous disent que Jésus-Christ est le visage de la vérité", a déclaré M. Strickland. "Il ne se transforme pas en un être différent de celui qu'il était lorsqu'il est mort sur la croix et qu'il est ressuscité pour nous. Il est le même Seigneur ; il est le Chemin, la Vérité et la Vie, et ceux qui veulent changer cela, pour un jour, en termes d'histoire humaine, nous devons vivre ce jour, mais c'est un moment qui passera, et la vérité prévaudra."

***

L'animateur de radio Terry Barber révèle que le nonce américain, le cardinal Pierre, a déclaré à Mgr Strickland "qu'il n'y a pas de dépôt de foi"

 

Terry Barber, de Virgin Most Powerful Radio, a révélé dimanche que le cardinal Christophe Pierre, nonce apostolique du pape François aux États-Unis, a déclaré à l'évêque Joseph Strickland, il y a trois ans : ‘’Vous devez arrêter de parler du dépôt de la foi. Il n'y a pas de dépôt de foi.’’

 

 

Barber, qui s'entretient régulièrement avec les fidèles et le prélat récemment déchu de Tyler au Texas, dans son émission de radio The Bishop Strickland Hour, a déclaré que selon Mgr Strickland, le cardinal Pierre avait fait cette affirmation ‘’choquante’’ lors d'une réunion de la Conférence américaine des évêques catholiques.

 

Mgr Strickland m'a fait savoir que… Pierre l'a confronté et lui a dit : 'Regardez, le Saint-Père vous surveille. Il faut arrêter de parler du dépôt de la foi. Il n’y a pas de dépôt de foi.’”

 

"Eh bien, vous pouvez imaginer à quel point c'est choquant d'entendre un nonce dire qu'il n'y a pas de dépôt de foi, parce que si vous ne croyez pas au dépôt de la foi, vous n'êtes pas catholique", a poursuivi Barber. « Ce n'est pas seulement mon opinion. C’est l’enseignement de l’Église.

 

Le Catéchisme de l'Église catholique fait explicitement référence au dépôt de la foi, affirmant que ''les apôtres ont confié le 'dépôt sacré' de la foi (le depositum fidei ), contenu dans l'Écriture sainte (cf. 1 Tim 6:20 ; 2 Tim 1:12-14 Vulg.) et la Tradition, à l'ensemble de l'Église.

 

L'animateur de radio a demandé des prières pour Mgr Strickland, ainsi que des prières et des réparations pour les dirigeants de l'Église catholique.

 

"Il va porter une lourde croix, et il est persécuté comme les saints ont été persécutés pour avoir dit la vérité", a déclaré Barber, avant de demander à ses auditeurs de prier pour que le pape François revienne sur sa décision et comprenne que son Son rôle est de ''protéger le troupeau''.

 

« Cela n'est pas fait. Nous avons des évêques partout dans le monde qui sont des modernistes qui sapent le dépôt de la foi et rien ne leur est fait'', a déclaré Barber.

 

En effet, les religieux modernistes promouvant l'hétérodoxie ont souvent été promus par le pape François, comme on peut le voir clairement plus récemment dans sa sélection des membres votants du Synode de la synodalité, qui comprend des religieux connus pour leurs positions pro-LGBT et autres hétérodoxes et pour leur animosité envers le Messe latine.

 

Pendant ce temps, des bergers fidèles comme Mgr Daniel Fernández Torres, ardent défenseur de l’enseignement catholique du diocèse d’Arecibo, à Porto Rico, sont punis. L'évêque Fernández Torres a [lui aussi. Ndlr.] été démis de ses fonctions par le pape François sans explication, apparemment en raison de son soutien aux objections de conscience aux mandats de vaccination contre le COVID.

 

Barber a poursuivi en déclarant : ''J'applique le canon 212 pour faire savoir aux dirigeants de notre Église que c'est inacceptable. Nous voulons des évêques prêts à donner leur vie pour leur troupeau. Nous ne voulons pas de compromis.

 

Le Canon 212 précise que ''les fidèles chrétiens sont libres de faire connaître aux pasteurs de l’Église leurs besoins, notamment spirituels, et leurs désirs'' et que ''selon les connaissances, la compétence et le prestige qu’ils possèdent, ils ont le le droit et même parfois le devoir de manifester aux pasteurs sacrés leur opinion sur les questions qui concernent le bien de l'Église et de faire connaître leur opinion au reste des fidèles chrétiens[.]''

 

Barber estime que les laïcs ''doivent faire savoir au Vatican que nous ne sommes pas satisfaits de cette situation''.

 

 

Le bulletin quotidien du Saint-Siège a annoncé samedi 11 novembre que le pape François avait démis Mgr Joseph Strickland de ses fonctions d'évêque du diocèse de Tyler, au Texas, sans raison invoquée.

 

La décision frappante de François va à l’encontre de l’un des évêques les plus directs et les plus virulents des États-Unis, qui a bénéficié d’un soutien considérable, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son diocèse, pour sa promotion de l’enseignement catholique traditionnel.

 

Les positions les plus publiques de l'évêque Strickland sur les questions morales et doctrinales consistent à accuser le pape d'un "programme de sape du dépôt de la foi", à condamner le "blasphème" pro-LGBT du père James Martin, S.J., et à exhorter François à refuser la Sainte Communion à l'ancienne présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, en raison de son soutien à l'avortement.

 

Il s'est également montré particulièrement franc sur les controverses morales dans la politique et la culture américaines, notamment sur l'espionnage des catholiques par l'administration Biden et les manifestations publiques de groupes autoproclamés « sataniques ». Cet été, il a pris la parole lors d'une manifestation contre l'accueil par les Dodgers de Los Angeles d'une troupe de drag queen anticatholique appelée les « Sisters of Perpetual Indulgence », qui se présentent comme des religieuses grotesques.

 

La réaction de Mgr Strickland à l'annonce de sa destitution fut remarquablement douce. Quelques instants plus tard, il a déclaré à John-Henry Westen, rédacteur en chef de LifeSiteNews : ''Je maintiens toutes les choses qui ont été répertoriées comme des plaintes contre moi. Je sais que je n'ai pas mis en œuvre la Traditionis Custodes [décret du pape François restreignant la messe traditionnelle en latin] parce que je ne peux pas affamer une partie de mon troupeau.''

 

Il a ajouté : ''Je referais la même chose. Je me sens très en paix dans le Seigneur et dans la Vérit&eacut