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La question posée : "L'Ecosse doit-elle être un pays indépendant?", "oui" ou "non". |
307 ans après l'"Acte d'Union" d'Anne Stuart fondant la Grande-Bretagne réuniant les royaumes d'Ecosse et d'Angleterre, les Ecossais ont rejeté hier par référendum l'indépendance de l'Ecosse du Royaume-Uni.
Les bureaux ont ouvert hier 18 septembre à 07h00 et ont fermé à 22h00. Le non à l'indépendance de Ecosse l'a emporté. Les Écossais ont voté à 55% pour le non devant le oui à 45%. (1)
Selon les chiffres officiels l'indépendance a été rejetée à 55,42% contre 44,58% pour le "oui". "L'Écosse a décidé, à la majorité, de ne pas devenir un pays indépendant", a déclaré le premier ministre écossais Alex Salmond, chef de file des indépendantistes, lors d'une déclaration publique à Édimbourg. Il a immédiatement reconnu la défaite de son camp, et a appelé Londres à respecter le plus rapidement possible sa promesse de transférer davantage de pouvoirs à l'Écosse. (2) Parmi ceux-ci, "un programme de transfert de pouvoirs vaste et sans précédent" en matière de politique fiscale et de santé publique. Lundi 15 septembre, pour son ultime discours avant le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, le premier ministre, David Cameron, qui avait choisi le port pétrolier écossais d'Aberdeen, avait mis en garde les électeurs contre une victoire du oui qui constituerait un "douloureux divorce" et qu'il n'y aurait "pas de retour en arrière possible, de seconde chance". "Si l'Ecosse vote oui [à l'indépendance], le Royaume-Uni éclatera, et nos chemins se sépareront, pour toujours", avait-il ajouté à trois jours des élections. (3)
Selon les informations officielles, la participation de 80% est un record de l'histoire électorale écossaise. 4.285.323 personnes - 97% de l'électorat écossais - se sont inscrites pour voter. (4)
Les partisans du oui écossais se recrutaient davantage dans les classes populaires, chez les hommes jeunes âgés de 25 à 50 ans tandis que les plus de 60 ans, les femmes, les milieux aisés se montraient en majorité plus attachés à l'union. (5)
Les milieux d'affaires financiers et bancaires ont incontestablement joué sur le résultat du vote par leur hostilité déclarée à la sécession de l'Ecosse : la Royal Bank of Scotland (Banque centrale d'Ecosse) avait menacé de quitter le pays si le oui l'emportait, les banques avertirent que le vote oui sera désastreux pour l'économie..., Goldman Sachs, la première banque, avait tiré à boulets rouges et mis en garde contre une crise monétaire de la zone euro. Dans une déclaration brève étonnante, la reine d'Angleterre a tenu à ce qu'on ne la glisse pas dans le débat.
Les médias ont eux aussi eu un rôle important : ils ont évoqué un "signal", un "risque de déconstruction de l'Union européenne", un "risque d'éclatement de l'UE". Ils ont évoqué l'indépendance en des termes volontairement effrayants : un "marasme" et une "panique financière" s'en suivraient.
Pourtant ces prévisions de fin du monde ne correspondent pas au potentiel de l’Écosse qui n'est plus la région de mines et de charbon en pleine déshérence économique, ni, non plus, un pays de rente pétrolière, comme le présente encore trop souvent les professeurs (parfois autoproclamés) de géographie du monde entier.
S'appuyant sur des valeurs sûres et traditionnelles (comme le Whisky), l'économie écossaise parvient très honorablement à un volume d'exportation de 17 milliards de livres sterling, dont 70% proviennent de l'industrie. De nouveaux secteurs sont exploités, comme l'électronique. Une intense activité bancaire et une politique touristique très conquérante se développent. Autant dire que l’Écosse de 2014 avait des atouts de choix et un dynamisme particulièrement intéressant pour réussir son indépendance. (6)
De même, de nombreux petits pays à petite structure s'en sortent très bien et même parfois s'en sortent mieux que de gros pays à grosses structures comme l'Union Européenne où les derniers chiffres de prévision de croissance préoccupent les mondialistes (voir ici et là).
En cas de victoire du oui, l'Angleterre aurait dû changer son drapeau Union Jack dont le bleu fait référence au bleu écossais.
L'actuelle reine de Grande-Bretagne Elisabeth II descend de Marie Ière Stuart, reine d'Ecosse, en ligne directe mais féminine, et ne descend ni d'Henri VIII Tudor ni d'Elisabeth Ière Tudor. (7)
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Marie Ière, reine d'Écosse, et reine de France (1559-1560), héritière présomptive du trône d'Angleterre. Anonyme après Nicholas Hilliard — National Portrait Gallery, Londres Après le décès d'Henri VIII, Édouard VI d'Angleterre, le nouveau souverain était mineur et l'Angleterre était donc dirigée par un Lord Protecteur, Edward Seymour. Tombant en disgrâce, il fut décapité le 22 janvier 1552 ; Édouard VI décéda un an plus tard. La suivante dans la succession était sa demi-sœur Marie Tudor : comme Édouard était protestant et Marie Tudor catholique, il avait tenté de l'empêcher d'hériter en désignant Jeanne Grey pour lui succéder, mais celle-ci fut renversée par Marie Tudor qui la fit décapiter le 12 février 1554. Pour les catholiques, Marie Tudor était la dernière héritière d'Henri VIII d'Angleterre ; le divorce entre Henri et Catherine d'Aragon (mère de Marie Tudor) n'ayant jamais été reconnu par le pape, son remariage avec Anne Boleyn, dont était issue Élisabeth, était considéré comme illégitime. Ainsi, l'héritière après Marie Tudor à la couronne d'Angleterre devait venir de la sœur aînée d'Henri VIII, Marguerite Tudor, dont la descendante directe était Marie Stuart. Aussi, lorsque Marie Tudor mourut le 17 novembre 1558, Marie Stuart pouvait prétendre à la couronne d'Angleterre. Par ordre de son beau-père Henri II, elle fut alors proclamée à Paris reine d'Angleterre, d'Irlande et d'Écosse ; elle prit, avec son mari, les armes d'Angleterre. Toutefois, Élisabeth monta sur le trône d'Angleterre. |
Outre la "Vieille Alliance", Auld Alliance en scots, alliance entre les royaumes de France, d’Écosse et de Norvège contre l’Angleterre, base des relations franco-écossaises de 1295 à nos jours (mais remontant à 1165) et garantissant la double citoyenneté entre les deux États, nous ne pouvons pas, nous Français, oublier Marie Stuart : Reine de France (10 juillet 1559 au 5 décembre 1560) et des Ecossais, emprisonnée en Angleterre par sa cousine la reine Élisabeth Ière Tudor, et exécutée en 1587. Ce règne fugace ne doit pas nous faire oublier que Français et Ecossais bénéficiaient de la double nationalité française et écossaise par ratification du parlement de Paris du 8 juillet 1558 et de l’Ecosse en réponse. Ce statut, tombé en désuétude, semble n’avoir jamais été abrogé et pourrait parfaitement être réactivé un jour.
Le 4 avril 1558, un blanc seing entre Marie Stuart et Henri II de France prévoyait que si elle venait à mourir sans descendance, les droits de Marie sur la couronne d’Angleterre seraient transférés à la France... On comprend donc mieux l’acharnement de la reine Elisabeth Ière, bâtarde d'Henri VIII, contre Marie Stuart héritière naturelle par primogéniture simple de la couronne d’Angleterre. (8)
En 1429, des Écossais assistèrent sainte Jeanne d’Arc pour lever le siège d’Orléans.
En 1942, le général de Gaulle qualifia l’alliance franco-écossaise de "plus vieille alliance au monde". Il l'a d'ailleurs appliquée en autorisant des parachutistes français à être réunis à une unité britannique (les SAS), car elle était dirigée par un Écossais (David Stirling).
En 1995, des célébrations eurent lieu dans les deux pays pour le 700e anniversaire de l'alliance.
En 1714, l'union entre Angleterre et Ecosse ne se faisait plus sur le catholicisme du fait de l'Acte d'Etablissement (1701) établi par Elisabeth I qui interdit que la Couronne d'Angleterre passât à un prince non-protestant.
L'Ecosse est un très ancien pays catholique où la foi chrétienne est arrivée d’abord avec les Romains (mur d’Hadrien construit en 122 ap. J.-C.), mais surtout avec les moines missionnaires irlandais au Ve siècle.
L’Ecosse a toujours cherché à avoir une structure ecclésiale à part, séparée de l’Angleterre. Aujourd’hui encore, pourtant faisant partie du Royaume-Uni, elle a sa propre conférence des évêques catholiques.
En 1192 le pape Célestin III même déclara l’Ecosse « fille particulière de Rome » administrée directement par la papauté, et non pas par l’archevêque de York en Angleterre.
Pendant le grand schisme occidental (1378-1417) les Ecossais, contrairement à ceux du Royaume d’Angleterre, sont restés dans le camp du pape à Avignon.
Aujourd'hui, l’Ecosse, région de 5 millions d’habitants, n’est plus si catholique que cela.
En fait, au dernier recensement de 2011 il n’y avait plus que 15,9 % de la population (840.000 personnes) qui se disaient catholiques. Même les Protestants – the Church of Scotland – ne sont plus que 40%, ce qui fait qu’avec quelques autres sectes il ne restent au total plus que 54% de Chrétiens en Ecosse. Et le chiffre descend. La Church of Scotland, à elle seule, a perdu 10% de fidèles pendant les dernières dix années. Le protestantisme de l’Angleterre, issu lamentablement de la chambre à coucher d’Henri VIII, a entraîné le bastion catholique écossais vers une inexorable perte de la foi. Heureusement il y a l’afflux récent d’immigrés d’Italie, Pologne et Lituanie qui a fait que le taux des Catholiques est resté stable. (9)
Les efforts et sacrifices de la reine d’Angleterre Marie Tudor (1516 à 1558), fille d'Henri VIII, dite Marie la Catholique pour son rétablissement du catholicisme (1553), et de la reine d’Ecosse Marie Stuart (assassinée par Elisabeth I en 1587) n’ont pas suffi pour sauver le maintien de l’Ecosse, et encore moins de l’Angleterre dans la foi catholique.
Depuis 1707 l’Ecosse totalement incorporée au Royaume-Uni, accélèrait sa protestantisation commencée par le sectaire John Knox (1514 – 1572) tandis que le maçonnisme de la dynastie de Hanovre finissait d'éliminer le catholicisme.
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Bataille de Culloden par David Morier |
La bataille de Culloden du 16 avril 1746 est la dernière tentative des Ecossais d’arracher leur indépendance par les armes, il y a 268 ans. Elle marque l'échec du quatrième des débarquements royalistes en Écosse, après ceux de 1692, 1708, et 1715, la fin des espoirs de restauration de la lignée des Stuarts sur les trônes d'Écosse et d'Angleterre, avec la fuite du prince Bonnie Charles.
La charge de la cavalerie anglaise débanda l’armée jacobite, qui battit en retraite. Les dragons de «Cumberland le boucher» massacrèrent les blessés et les prisonniers, faisant des dizaines de milliers de victimes, premier acte d’une vague de répression sanglante en Écosse. Le système des clans vola bientôt en éclats tandis que le port du kilt fut interdit en 1747. (10) Les Anglais s'attaquaient au mode de vie traditionnel des Highlanders (les clans, les tartans et même la cornemuse).
La bataille de Culloden est aussi la bataille à l'issue de laquelle, pour les moquer, les Anglais ont repris la chanson de ralliement des soldats jacobites (écossais) empruntée en France au « Dieu Sauve le Roi » de Lully (1686), alors considéré comme un chant catholique et dont on sait qu'il est devenu depuis, entre autres, l'hymne royal britannique...
Ce n’est qu’en 1791 que les Catholiques d’Ecosse obtenaient du parlement anglais le droit d’avoir des églises ("peu visibles") et de célébrer la messe.
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Supporters du oui au George Square de Glasgow, alors que les bureaux de vote fermaient le 18 septembre 2014 |
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Drapeau du Pays de Galles (une des quatre nations constitutives du Royaume-Uni, et parmi celles-ci, l'une des trois celtes, au centre-ouest). Les Saxons ont toujours échoué à conquérir le pays de Galles, tant en raison du terrain montagneux, que de la résistance acharnée du peuple gallois. L'un des rois saxons, Offa de Mercie finit par ériger un grand mur de terre, « Offa's Dyke », à la frontière de son pays, pour délimiter la partie de la région du Powys qu'il venait de conquérir. Certains vestiges de cette construction sont encore visibles. Dans son livre Histoire des rois de Bretagne , l'histoiren Geoffrey de Monmouth avait déjà intégré en 1138 le personnage mythique du roi Arthur - comme ceux de l'enchanteur Merlin et de la fée Morgane - dans une tradition et une généalogie qui conduisent d'Enée et d'Arthur à la royauté d'Etienne de Blois (petit-fils de Guillaume le Conquérant par sa mère Adèle de Blois). Il dépeint Arthur comme un roi ayant établi un empire rassemblant toute l'île de Bretagne, ainsi que l'Irlande, l'Islande, la Norvège, le Danemark et une bonne partie de la Gaule, fin 5e, début 6e siècle. Les Normands finissent par dominer le pays, mais cette domination fut plus progressive que la conquête de l'Angleterre par le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, en 1066. Commencée par les Saxons, au VIe siècle, la conquête du pays de Galles ne s'acheva qu'en 1282 sur un champ de bataille, avec la victoire d'Édouard Ier sur Llywelyn le Dernier, le dernier prince indépendant. Pour asseoir sa domination, Édouard bâtit dans la région plusieurs grands châteaux, dont celui de Caernarfon, celui de Conwy ou celui d'Harlech. Le pays est resté celtique et l'usage de la langue galloise s'est toujours perpétué, alors même qu'en Angleterre et en Écosse, l'usage des langues celtiques s'est perdu ou a largement diminué. |
Il ne faut pas oublier que les Ecossais sont des celtes avec une culture celte sur leurs propres territoires depuis 700 avant J.-C. tandis que les Anglais sont des germano-celtiques de culture germanique qui ont volé les terres des celtes de Bretagne au VI et VIIe siècles (d'où viennent les légendes du roi Arthur, roi celte légendaire de Grande-Bretagne qui avec ses chevaliers de la Table ronde repoussa les invasions saxonnes fin Ve, début VIe siècle). Les Bretons ont d'abord été accueillis en Cambrie (ancien nom du Pays de Galles ou Cornouaille) déjà fort peuplée. Puis nombreux furent les fugitifs qui préférèrent tenter l'aventure dans l'Armorique païenne. Ils s'embarquèrent avec leurs prêtres, leurs évêques, leurs abbés et leurs ermites, avec leurs ornements sacrés, leurs croix et leurs livres liturgiques, et cinglèrent vers la péninsule, dans laquelle ils s'installèrent sans être repoussés. Saint Armel qui naquit au Pays de Galles en 482 était l'un d'eux. Les Bretons attendent depuis chez nous en Armorique de pouvoir rentrer chez eux un jour !...
Les vieilles légendes bretonnes avec leurs codes culturels furent intégrées dans l'idéologie royale des Plantagenêts puis - retournement de l'histoire -, dans celle des rois anglo-saxons d'Angleterre. Pourtant, le retour du roi Arthur doit, à la fin, chasser l'envahisseur anglo-saxon...
Les Bretons de Grande-Bretagne avec leur religion catholique s'intégrèrent si bien en Armorique qu'ils donnèrent leur nom à cette région : la "Bretagne"... (11)
Les Ecossais sont une des quatre nations constitutives du Royaume-Uni, et parmi celles-ci, l'une des trois celtes, avec le Pays de Galles et l'Irlande du Nord.
Notes
(1) http://www.europe1.fr/international/en-direct-les-resultats-du-referendum-en-ecosse-2235987
(2) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/09/19/97001-20140919FILWWW00026-referendum-en-ecosse-l-independance-a-ete-rejetee-chiffres-officiels.php
(3) http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/09/15/ecosse-ultime-discours-de-david-cameron-avant-le-referendum_4487994_3214.html
(4) http://www.theguardian.com/politics/2014/sep/18/scotland-independence-referendum-polling-millions-vote
(5) http://www.lefigaro.fr/international/2014/09/17/01003-20140917ARTFIG00334-l-ecosse-face-a-unchoix-historique.php
(6) http://www.vexilla-galliae.fr/actualites/europe-international/973-auld-alliance
(7) L'électeur de Hanovre (Allemagne) devenu roi de grande-Bretagne et d'Irlande en 1714 sous le nom de George Ier de Hanovre, fondateur de la dynastie de Hanovre devenue Saxe-Cobourg ou maison "de Windsor" en 1917 (le nom Hanovre Saxe Cobourg faisait trop allemand en pleine guerre avec la Prusse...), était le petit-fils de Jacques Ier Stuart (fils de Marie Stuart), le roi d'Ecosse qui se nomma roi de Grande-Bretagne en 1603 à la mort d'Elisabeth, la reine vierge, « Virgin Queen », morte sans enfant et qui peu avant sa mort lui laissa le trône.
(8) http://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/977-marie-stuart-la-reine-de-france-oubliee
(9) http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=758776
(10) http://blog.lefigaro.fr/petite-histoire/2014/09/en-1746-a-culloden-les-reves-dindependance-ecossaise-senvolaient.html
(11) Ivan Gobry, Le Baptême de l'Angleterre, Clovis, Condé-sur-Noireau 1998, p. 52-53.