"En plaçant la raison, non pas la raison instrumentale ou scientifique d'aujourd'hui, mais la raison ouverte à la transcendance et à Dieu, il la voit d'une certaine manière comme un infini présent dans toute créature rationnelle appelée à chercher du sens", explique André Luiz Boccato, dominicain et professeur à l'Université catholique pontificale de São Paulo.
Son importance est telle qu'après lui, il est devenu habituel d'appeler "thomisme" tout type de relecture dans laquelle nous revenons à Thomas pour répondre à des problèmes circonstanciels d'autres moments historiques.
La scolastique - qui consiste à réconcilier la foi chrétienne avec la pensée rationnelle - était la méthode critique qui prévalait dans les universités européennes médiévales, en particulier dans la dernière phase de la période médiévale.
Selon le théologien et philosophe, la principale contribution de Thomas d'Aquin à la pensée est "la place centrale qu'il a donnée à la raison, en tant que scrutateur de la réalité, au lieu de la croyance et d'une conception dualiste de la foi".
"Il a su distinguer la capacité humaine à connaître la réalité dans son essence, sans la détacher de la vision chrétienne fondée sur la création et la foi."
"Il a distingué l'ordre naturel, la philosophie, de l'ordre surnaturel, la théologie, mais en les unissant et non en les séparant. Aujourd'hui, nous vivons dans une culture de séparations et de divisions, de radicalisation et de négation de la différence. Thomas a imprimé un esprit dialectique à la théologie du Moyen Âge, se présentant comme un grand maître du dialogue et de l'inclusion de la différence".
Né dans une noble famille napolitaine, élevé à l'abbaye bénédictine du Mont-Cassin, Thomas choisit cependant, à 19 ans, d'entrer chez les Frères Prêcheurs. Ce n'est guère du goût de sa famille, qui le fait enlever et enfermer. L'ordre dominicain est un ordre mendiant, fondé quelques années plus tôt, et il n'avait pas bonne presse dans l'aristocratie.
Au bout d'un an, Thomas peut enfin suivre sa vocation. On l'envoie à Paris pour y suivre les cours de la bouillonnante Université. Il a comme professeur saint Albert le Grand. Pour ce dernier, il faut faire confiance à la raison et à l'intelligence de l'homme pour chercher Dieu. Le philosophe le plus approprié à cette recherche est Aristote. Saint Thomas retient la leçon.
Lors de ses études, ses camarades l'appellent le "bœuf muet" en raison de sa corpulence, de sa discrétion, de son humilité qui pouvait passer pour de la timidité et de son goût pour la réflexion solitaire. Son maître Albert le Grand, apprenant que ses camarades le nommaient ainsi, déclara : "lorsque le bœuf mugira, il fera trembler l’Occident ! ". La postérité considérable de son jeune étudiant lui donna raison.
Pour rétablir l'homme, abaissé par le péché, dans les hauteurs de la gloire divine, le Verbe du Père éternel, bien que contenant tout dans son immensité, a voulu se faire petit. Il l'a fait non pas en renonçant à sa grandeur, mais en prenant sur lui notre petitesse.
Devenu professeur, il s'attelle à un gigantesque travail pour la mettre en œuvre. Connaissant très bien Aristote et ses commentateurs, mais aussi la Bible et la tradition patristique chrétienne, il élabore une pensée originale, qu'il expose dans de multiples ouvrages, dont le plus connu est la "Somme Théologique" (1266-1273). Dans cette œuvre composée de trois parties, Thomas rassemble toutes les connaissance utiles au salut de façon ordonnée. Il concilie les acquis de la pensée aristotélicienne et les exigences de la foi chrétienne, raison et foi, nature et grâce. L'intérêt pour la culture grecque ne disparut cependant jamais, il ne fit même que croître. Dès la fin du VIe siècle, Grégoire, évêque d'Agrigente, multiplie les références à Aristote dans les dix livres de ses Commentaires sur l'Ecclésiaste.
Jacques de Venise rédige des gloses sur les œuvres d'Aristote qu'il est le premier à traduire directement du grec en latin avant 1127. Ce clerc italien, qui vécut à Constantinople travailla au Mont-Saint-Michel." (Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Seuil, Paris 2008, p. 28; 67.)
Thomas situe en Dieu les racines du droit naturel : toute la nature, avec l'ordre qu'elle renferme, est un fruit de la bonté de Dieu. La connaissance du droit se tire de l'observation de la nature, l'ordre naturel lui-même procède du Dieu-Amour. Ainsi, les sources profanes et païennes, issues de la raison naturelle observant le monde naturel, ne sont nullement à mépriser pour la connaissance du droit.
Son autorité est telle qu'en naît une école philosophique : le thomisme (affirmation fondamentale de l'Être comme réalité universelle), qui reste pendant plusieurs siècles la doctrine sur laquelle se fond la pensée européenne.
Oublié à l'époque moderne (la plupart des écoles de théologie depuis le XIXe siècle adoptèrent pour manuel d'études les Sentences de Pierre Lombard, dont les franciscains Duns Scot et Occam suivaient l'ordre de préférence à Saint Thomas), le thomisme réapparaît au début du XXe siècle à travers le néo-thomisme suite à l'initiative de Léon XIII, en 1879, dans Æterni Patris "sur la restauration dans les écoles catholiques de la philosophie chrétienne selon l'esprit du docteur angélique", mais redevient marginal suite au Concile Vatican II, bien que le Décret Optatam Totius (n° 16) sur la formation des prêtres, demande qu'on le prenne pour maître ("Pour mettre en lumière, autant qu’il est possible, les mystères du salut, ils apprendront à les pénétrer plus à fond, et à en percevoir la cohérence, par un travail spéculatif, avec saint Thomas pour maître").
C'est le commentaire de la Somme théologique de Cajetan qu'en 1879, Léon XIII ordonna de lire, joint à la Somme. Aujourd'hui, la philosophie contemporaine, par son retour à l'étude des philosophes médiévaux, prend de plus en plus en compte l'influence de Thomas d'Aquin.
L'exorciste romain don Amorth reconnaissait en 2016 en saint Thomas "le plus grand théologien chrétien." (Gabriele Amorth, avec Stefano Stimamiglio, Le Démon ne peut rien contre la miséricorde de Dieu, Téqui, Paris 2016.)
Alors qu'au XIIIe siècle en Europe, l'environnement est entièrement chrétien, que l'existence de Dieu repose sur la foi et que Thomas d'Aquin s'adresse à des théologiens, il reprend les preuves aristotéliciennes de l'existence de Dieu (Summa contra Gentiles I, 13, et S. Th., I, q. 2) selon 5 voies (Quinquae viae) :
1. par le Premier moteur (Argumentum ex motu) : les choses sont constamment en mouvement, or il est nécessaire qu'il y ait une cause motrice à tout mouvement. Afin de ne pas remonter d'une cause motrice à une autre, il faut reconnaître l'existence d'un « Premier moteur non mû », c'est Dieu.
2. par la causalité efficiente (Argumentum ex ratione causae efficientis) : nous observons un enchaînement de causes à effet dans la nature, or il est impossible de remonter de causes à causes à l'infini ; il faut nécessairement une cause première : c'est Dieu.
3. par la contingence (en) (Argumentum ex contingentia) : il y a dans l'univers des choses nécessaires qui n'ont pas en elles-mêmes le fondement de leur nécessité. Il faut donc un Être par Lui-même nécessaire qui est Dieu.
4. par les degrés des êtres (en) (Argumentum ex gradu) : preuve reprise de Platon, qui a remarqué qu'il y a des perfections dans les choses (bien, beau, amour, etc.) mais à des degrés différents. Or il faut nécessairement qu'il y ait un Être qui possède ces perfections à un degré maximum, puisque dans la nature toutes les perfections sont limitées.
5. par l'ordre du monde (Argumentum ex fine) : on observe un ordre dans la nature, l'œil est ordonné à la vue, le poumon à la respiration, etc. Or à tout ordre il faut une intelligence qui le commande. Cette Intelligence ordinatrice est celle de Dieu.
"Thomas d'Aquin démontra qu'entre foi chrétienne et raison, subsiste une harmonie naturelle." (Benoit XVI, Audience générale Place Saint-Pierre, 2 juin 2010)
Thomas d'Aquin soutient que la foi chrétienne n'est ni incompatible, ni contradictoire avec un exercice de la raison conforme à ses principes (Michel Nodé-Langlois, Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, Ellipses, Paris, 1999, p. 60).
Les vérités de la foi et celles de la raison peuvent être intégrées dans un système synthétique harmonieux, sans se contredire. "La foi et la raison ne peuvent se contredire car elles émanent toutes deux de Dieu."
Le respect de l'ordre rationnel, c'est-à-dire le respect de l'ordre de la Raison créé et voulu par Dieu (ordre transcendant à l'homme) pour permettre à l'homme de connaître la vérité est le principe de base de la connaissance.
Malheureusement, ce principe a été corrompu par la philosophie moderne dite "rationaliste" pour qui le respect de l'ordre de la Raison créé par Dieu n'est plus le principe de base, mais l'ordre de la raison créé par l'homme. En conséquence, sont arrivées les utopies irrationnelles (car n'étant plus la raison divine) et leurs millions de morts.
Thomas d'Aquin ne cherche pas tant à prouver l'existence de Dieu qu'à trouver les conditions de possibilité qu'a l'homme pour remonter à Dieu par les forces de sa raison. C'est pourquoi il ne propose pas de "preuves" au sens moderne et juridique, mais des "voies".
Thomas d'Aquin écarte la position de Platon pour qui les idées sont des substances totalement séparées des corps sensibles.
"Le fait de connaître ces substances séparées ne nous permettrait pas de juger des choses sensibles" (Somme théologique, Ire partie, qu. 84, article 2 )
L'intelligence connaît par les sens, mais selon le mode propre de l'intelligence : universellement, immatériellement et nécessairement : "Disons donc que l’âme connaît les corps au moyen de l’intelligence, d’une connaissance immatérielle, universelle et nécessaire."
Il faut aussi écarter la position de Démocrite pour qui les sens et l'intelligence étaient exactement la même chose. Seul Aristote avait une position intermédiaire satisfaisante. C'est sur ce dernier que Thomas d'Aquin s'inspire afin de développer une théorie de la connaissance réaliste.
Deux franciscains de marque, en revanche, Alexandre de Hales (1180-1245) et Robert Grosseteste (1175-1253), même s'ils employaient certains concepts aristotéliciens, rejetaient la science païenne et invoquaient un retour au Tout indistinct, qui représentaient pour eux la tradition platonicienne et augustinienne.
Thomas d'Aquin, en suivant l'Éthique à Nicomaque d'Aristote, développe une morale finaliste, c'est-à-dire que tous les actes humains sont effectués en vue d'une fin, et toutes les fins en vue d'une fin suprême.
La partie morale est extrêmement importante en volume dans toute l'œuvre de Thomas d'Aquin. Les actes moraux vont en effet permettre à l'homme de remonter jusqu'à Dieu.
Thomas d'Aquin place le bien suprême de la vie morale naturelle, dans ce qu'il appelle le bonheur, et le bien suprême de la vie surnaturelle dans la béatitude, c'est-à-dire la connaissance de Dieu. C'est la fin de tous les hommes : "l'homme et les autres créatures raisonnables [les anges] atteignent leur fin ultime par la connaissance et l'amour de Dieu" (Somme théologique, Ia, IIae, qu. 1, art. 8)
Thomas subordonne la dignité de l'homme à l'élévation "de l'être vers les réalités divines" (Somme théologique, IIea-IIe, q. 175, a. 1 ad 2). Si l'homme est capax Dei, capable de connaître et d'aimer Dieu (S. Augustin, De Trinitate, XIV, 811), le péché l'en empêche. La dignité peut donc se perdre. C'est ce qu'exprime précisément le texte de l'offertoire (Dieu qui avez donné une dignité à la substance humaine de manière admirable et l'avez reformée de manière plus admirable encore...) : si Dieu a restauré, formé à nouveau (reformasti) la dignité de la "substance humaine", c'est parce qu'elle avait été perdue par le péché.
L'homme a donc une dignité s'il est uni à Dieu, il la perd s'il s'en éloigne.
"En péchant, l'homme déchoit de la dignité de sa nature" (Quodlibet 5, q. 1, a. 2c).
"Par le péché l'homme s'écarte de l'ordre prescrit par la raison; c'est pourquoi il déchoit de la dignité humaine qui consiste à naître libre et à exister pour soi; il tombe ainsi dans la servitude qui est celle des bêtes..." (Somme théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 2 ad 3).
Dans la théologie traditionnelle, la dignité de l'homme consiste donc à vivre en chrétien, elle se perd par le péché. (Maxence HECQUARD, Les fondements philosophiques de la démocratie moderne, 3e édition, Pierre-Guillaume de Roux, Préface de Pierre MAGNARD, Paris 2016, p. 357).
Les principes de la politique thomiste sont catholiques, c’est-à-dire valables pour tous les temps et pour tous les lieux. Ils se résument en ces propositions :
1) Dieu est cause première et fin dernière de l’homme et de l’univers.
2) La société est un moyen naturel pour l’homme d’atteindre sa fin.
Elle n’a pas seulement valeur de jouissance, elle a valeur de perfection.
3) Le pouvoir vient de Dieu. Il se fonde avec le consentement implicite ou explicite de la société.
Aucune constitution politique ne s’impose.
4) Le pouvoir séculier et le pouvoir ecclésiastique sont distincts.
L’Etat a pour fin le bien commun temporel, l’Eglise a pour fin le salut des âmes.
L’Etat s’ordonne à l’Eglise dans la mesure où la fin temporelle s’ordonne à la fin éternelle. (Abbé Bernard Roland-Gosselin - La doctrine politique de saint Thomas d'Aquin, 1928).
Dieu laisse aux hommes le soin d'aménager concrètement l'exercice du pouvoir. Cette doctrine prône la soumission au pouvoir temporel institué, venant de Dieu. Mais pour Saint Thomas, le renversement du tyran reste toujours possible, lorsque celui-ci a gouverné "non au bien commun de la multitude", mais à son "bien privé", a empêché "les biens spirituels de la multitude", s'est opposé "à ce qu’aucun pacte d’amitié ne s’affermisse" entre les sujets..., a semé la discorde entre les sujets...; ou encore a régné "par la crainte"... Il n’appartient toutefois pas à une initiative personnelle de pouvoir tuer le tyran. Cela n’est pas conforme à l’enseignement des Apôtres. C’est l’autorité publique qui doit supprimer le tyran. Et "il ne faut pas penser qu’une telle multitude agisse avec infidélité en destituant le tyran, même si elle s’était auparavant soumise à lui pour toujours, parce que lui même, en ne se comportant pas fidèlement dans le gouvernement de la multitude, comme l’exige le devoir d’un roi, a mérité que ses sujets ne conservassent pas leurs engagements envers lui. Ainsi les Romains chassèrent de la royauté Tarquin le Superbe, qu’ils avaient pris pour roi, à cause de la tyrannie que lui et ses fils faisaient peser. (...) Probablement (...), selon l’opinion de beaucoup, on n’agirait pas contrairement à la fidélité, en s’opposant d’une manière ou d’une autre à l’iniquité du tyran." (De Regno, Du royaume, écrit au Roi de Chypre, 1266, Editions Louis Vivès, 1857.)
(1) "Toute loi (...) est ordonnée au salut commun des hommes, et c'est seulement dans cette mesure qu'elle acquiert force et raison de loi ; dans la mesure, au contraire, où elle y manque, elle perd de sa force d'obligation." (Somme Théologique, Ia IIae, Question 96, Article 6).
(2) "Aussi toute loi portée par les hommes n'a raison de loi que dans la mesure où elle dérive de la loi de nature. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n'est plus alors une loi, mais une corruption de la loi." (Somme théologique, Ia IIae, Question 95 La loi humaine, article 2 L'origine de la loi humaine.)
(3) Et "puisque la tyrannie n’est pas moins fréquente, au contraire, sous le gouvernement de plusieurs que sous celui d’un seul, il s’en suit, qu’il est simplement meilleur de vivre sous un Roi que de vivre en république."
De même S. Thomas consacre aussi une question de sa Somme théologique à prouver que la guerre peut être juste (2a 2ae, q. 40) si certaines conditions sont remplies (une intention droite, une cause juste, être le seul moyen, un espoir raisonnable de victoire, des moyens non intrinsèquement mauvais, des moyens proportionnés à la cause défendue).
Au XVIe siècle, S. Ignace de Loyola (1491-1556) choisira Thomas d'Aquin comme docteur officiel de son ordre et l'édition des œuvres de S. Thomas, commentée par Cajetan comme textes de référence pour l'éducation religieuse des jésuites.
À l'Université de Salamanque en Espagne, les jésuites adoptent Saint Thomas de préférence à Pierre Lombard.
La contre-réforme catholique du Concile de Trente en 1545 provoque un retour au travail de Thomas d'Aquin, afin de lutter contre les thèses de Luther, qui récusa en théologie l'usage de la raison sans la révélation et de la philosophie antique non chrétienne.
L'école de Salamanque, avec des commentateurs tels que Francisco Suarez, ou le cardinal Cajetan, qui commentera la Somme théologique et qui tentera de ramener Luther à la foi catholique avec des arguments thomistes, propulsera Thomas d'Aquin au-devant de la scène intellectuelle. C'est grâce à Cajetan que la parole de Thomas arrivera au Concile de Trente, qui s'en inspirera largement.
Bien que la scolastique franciscaine survive avec des chaires de "scotisme", c'est la tradition de Saint Thomas qui va l'emporter, et de là, dans l'enseignement du monde clérical catholique.
Le champ d'étude du diable chez Saint Thomas ‘’demeure extrêmement mesuré et représente seulement 1% de sa théologie.
Ce chiffre ridicule nous invite à ne jamais majorer l'importance du diable dans la vie spirituelle comme dans les études spéculatives.
Saint Thomas consacre aux assauts du démon rarement plus de 5 % d’une œuvre.
(Dans De spiritualis creaturis de 1267-1268), Saint Thomas n’y nomme le diable qu’en passant, simplement pour s’assurer si cet ange est purement spirituel ou s’il a un corps aérien. Les mots Satan ou diable y sont totalement absents.
L’Aquinate ne s’intéresse en ce traité qu’aux bons anges, même si certains de ses développements sur ces substances spirituelles peuvent concerner indifféremment les bons ou les mauvais esprits. Est-ce parce qu’il développa ailleurs, durant cette même période, sa propre démonologie, c’est-à-dire dans Summa theologica, I, q. 114, ou dans le Questiones disputatæ de potentia q. 6, qu’il ne le fit pas ici . Nous pensons plutôt que la vraie raison est celle-ci : ce grand mystique aimait ce qui est aimable, la beauté des anges et non la laideur des démons.’’ (Père Jean-Baptiste GOLFIER, Tactiques du diable et délivrances, Dieu fait-il concourir les démons au salut des hommes ?, éd. Artège-Lethielleux, 2018, p. 154-156.)
Dans la lignée de l'évangéliste saint Jean, de saint Paul et des Pères de l'Église, la pensée de Thomas d'Aquin est d'une orientation nettement contemplative et elle est tout aussi profondément spirituelle que doctrinale. On peut même dire qu'elle est d'autant plus spirituelle qu'elle est plus rigoureusement doctrinale. (Jean-Pierre TORRELL, Saint Thomas D'aquin, Maître Spirituel - Initiation 2, Editions Universitaires de Fribourg, 2003)
Le 6 décembre 1273, alors qu'il résidait à Naples (1272-1274), un de ses confrères affirma l'avoir vu en lévitation devant le Crucifix qui lui disait : "Tu as bien écrit de moi, Thomas, que désires-tu comme récompense ?", Thomas d'Aquin aurait alors répondu : "Seigneur rien d'autre que toi". (Guillaume de Tocco, Ystoria sancti Thome, chap. 34). Malgré cette apparition, et alors que Thomas d'Aquin était en train de travailler sur le sacrement de pénitence, il laissa volontairement inachevée sa Somme de théologie.
"En vérité mon fils, je ne puis plus écrire. Tout ce que j'ai écrit et enseigné me semble un brin de paille auprès de ce que j'ai vu et de ce qui m'a été dévoilé. Désormais j'espère de la bonté de mon Dieu que la fin de ma vie suivra de près la fin de mes travaux", dit Thomas à frère Reginald.
Et effectivement, Thomas n'écrivit plus rien après le 6 décembre 1273 jusqu'à sa mort trois mois plus tard le 7 mars 1274. On raconte qu'il voulut mettre au feu tout ce qu'il avait écrit.
Thomas meurt sur la route qui le conduisait au Concile de Lyon, le 7 mars 1274, dans l'abbaye cistercienne de Fossanuova.
Je vous reçois, ô salut de mon âme. C'est par amour de vous que j'ai étudié, veillé des nuits entières et que je me suis épuisé ; c'est vous que j'ai prêché et enseigné.
Il est canonisé en 1323, cinquante ans plus tard. On célèbre sa mémoire au jour anniversaire du transfert de son corps au couvent des dominicains de Toulouse, les Jacobins, en 1369.
En 1567, Pie V proclame Thomas Docteur de l'Église et fait publier la première édition complète et imprimée des oeuvres de S. Thomas.
Il est le Saint Patron de l'Enseignement Catholique.
Dans toute son oeuvre ne se trouve qu'une erreur : sa doctrine selon laquelle certains hommes (dont les enfants morts sans baptême) étaient séparés de Dieu à jamais parce qu'ils n'avaient pas reçu la prédication de l'Évangile. Le Concile Vatican II le contredit : "Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal". (GS n° 22, 5).
Le Triomphe de Saint Thomas, 1323, Lippo Memmi, Francesco Traini, Pise, Santa Caterina, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 65.
Prions saint Thomas d'Aquin, dont tant l'Église et le monde, que la théologie et la philosophie ont plus que jamais besoin de la sagesse et de l'intercession.
"Nous disons maintenant à tous ceux qui désirent la vérité : Allez vers Thomas." (Pape Pie XI)
Sources: (1); (2); (3); (4) Docteur angélique; (5) F. FICARRA, Les Dominicains, éd. de Vecchi, Paris 2005; (6) Jean-Pierre TORRELL, Saint Thomas D'aquin, Maître Spirituel - Initiation 2, Editions Universitaires de Fribourg, 2003; (7) Michel VILLEY, La Formation de la pensée juridique moderne, Texte établi, révisé et présenté par Stéphane RIALS, Quadrige PUF, Mercuès 2006, p. 329-330.