Mémoire facultative. (Nominis) Selon les calendriers liturgiques, S. Polycarpe est fêté le 26 janvier (Calendrier liturgique catholique jusqu'en 1970) ou le 23 février (Calendrier orthodoxe, et catholique depuis 1970).
Polycarpe, a été disciple des apôtres à Smyrne entre le Ier et le IIe siècle. Élu évêque sur les instances de saint Jean l'Évangéliste, il se rendit à Rome pour conférer avec le pape Anicet, au sujet de questions concernant la datation de la fête de Pâques. De retour à Smyrne, il fut conduit au cirque pour y abjurer en présence du gouverneur Stabius Quadratus. Il refusa et périt sur le bûcher en 155, à quatre-vingt six ans.
Son nom vient du grec, et signifie "qui donne de nombreux fruits."
Polycarpe, né vers 69, fut un personnage d'une éminente sainteté et d'une très profonde doctrine. Il avait eu le bonheur de connaître plusieurs disciples du Sauveur, et de les entretenir familièrement, surtout l'apôtre saint Jean, par l'autorité duquel il fut établi évêque de Smyrne, aujourd'hui Izmir en Turquie.
Né à Smyrne de parents chrétiens, il est un disciple de l'apôtre Jean qui d'après la tradition, vers la fin de sa vie s'était établi à Éphèse après avoir été exilé sur l'île de Patmos, puis libéré après la mort de Domitien. Nommé évêque de Smyrne au tournant du siècle (vers 100), Polycarpe remplit les fonctions de son ministère durant une cinquantaine d'années.
Polycarpe combattit de nombreuses sectes hérétiques, en particulier certains gnostiques et notamment Marcion qui rejetant l'Ancien Testament ne gardait qu’une sélection des nouveaux écrits et ne croyait pas que Jésus était le Messie attendu des Juifs. Exclu de l’église de Rome en 144, Marcion se lança dans des campagnes missionnaires, fonda de nombreuses églises où l’on pratiquait une morale très austère, comportant la renonciation à la sexualité et à la vie de famille, tout en se préparant au martyre. Marcion, ayant été à la rencontre de saint Polycarpe lui dit :
«Reconnais-nous.
— Je te reconnais, répondit Polycarpe, pour le premier-né de Satan.
Si grande était la circonspection des apôtres et de leurs disciples, qu'ils allaient jusqu'à refuser de communier, même en paroles, avec l'un de ces hommes qui falsifiaient la vérité.
Comme le dit également Paul : 'L'hérétique, après un premier et un deuxième avertissement, rejette-le, sachant qu'un tel homme est perverti et qu'en péchant il est lui-même l'auteur de sa condamnation.' (Tite 3, 10-11)." (Irénée de Lyon, Contre les hérésies, III, 3,4.)
"L'Église, [...] c'est elle, [...] qui est la voie d'accès à la vie; 'tous' les autres 'sont des voleurs et des brigands' (Jn 10,8). C'est pourquoi il faut les rejeter (Tite 3,10), mais aimer par contre avec un zèle extrême ce qui est de l'Église et saisir la Tradition de la vérité." (Irénée de Lyon, Contre les hérésies, III, 4,1.)
Dès le milieu du IIIe siècle, le marcionisme est en déclin et disparut en moins de 100 ans.
Polycarpe accueille en sa ville de Smyrne l'évêque d'Antioche, Ignace, condamné ad bestias dans les arènes de Rome. Les deux évêques deviennent amis et Ignace d'Antioche lui écrit de Troas une lettre le remerciant de son accueil et lui demandant d'envoyer des missionnaires affermir sa communauté dans la foi chrétienne. C'est vraisemblablement grâce à Polycarpe que l'on a conservé le corpus des sept lettres d'Ignace, car il les fit circuler dans les communautés d'Asie mineure.
Lorsqu'éclate la persécution commandée par l'empereur et philosophe Marc Aurèle, Polycarpe est très âgé. Il tient tête au proconsul qui l'interroge. Il est brûlé vif à une date inconnue située vers 155, "comme un pain dans le four" selon son expression.
Dans sa Lettre à Florinus, Irénée de Lyon le reconnait comme étant celui dont il a reçu la foi ; de lui il a reçu la tradition johannique.
"Je me souviens, écrit Irénée à Florinus, que quand j’étais encore enfant, dans l’Asie inférieure, où tu brillais alors par ton emploi à la cour [2], je t’ai vu près de Polycarpe, cherchant à acquérir son estime. Je me souviens mieux des choses d’alors que de ce qui est arrivé depuis, car ce que nous avons appris dans l’enfance croît dans l’âme, s’identifie avec elle : si bien que je pourrais dire l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour causer, sa démarche, sa physionomie, sa façon de vivre, les traits de son corps, sa manière d’entretenir l’assistance, comment il racontait la familiarité qu’il avait eue avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur. Et ce qu’il leur avait entendu dire sur le Seigneur et sur ses miracles et sur sa doctrine. Polycarpe le rapportait comme l’ayant reçu des témoins oculaires du Verbe de Vie, le tout conforme aux Écritures."
Selon Régine Pernoud, le culte des saints débute avec saint Polycarpe :
"Si dans un louable désir de pureté nous nous retrouvons à la primitive Église, que voyons-nous? Au IIe siècle déjà les corps des martyrs, ceux qui ont affirmé leur foi au prix même de leur vie, sont l'objet d'une vénération particulière… Non pas, comme l'écrit tel auteur, que l'on considérât désormais Polycarpe comme une sorte de 'divinité inférieure' ni son corps comme un 'talisman précieux', mais parce que lui et ses semblables avaient réalisé dans toute sa plénitude la remarque évangélique : 'Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime', et que leur martyre avait fait de chacun d'eux, à jamais, un autre Christ." (Régine Pernoud, Les saints au Moyen Age, la sainteté d'hier est-elle pour aujourd'hui? Plon, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 239-240).
L'identification des saint au Christ, et spécialement au Christ en croix, a été ressentie vivement par les premières générations chrétiennes. À sa mort, les chrétiens de Smyrne veillèrent à recueillir ses restes, afin de "célébrer dans la joie et l’allégresse l’anniversaire de sa naissance à Dieu" près de son tombeau. (Martyre de Polycarpe, dans A. HAMMEN, La geste du sang, Paris, 1953.)
De même pour S. Pothin, la Lettre des fidèles de Vienne et de Lyon aux frères d’Asie (en 177) en témoigne :"Le Christ souffrait en Sanctus… Le corps de Pothin s’en allait de vieillesse, mais il gardait son âme en lui, afin que par elle le Christ triomphât." Quant à Blandine, "petite, faible, méprisée, elle avait revêtu le Christ. Ses compagnons voyaient des yeux du corps, par le moyen de leur sœur, celui qui avait été crucifié pour eux." (EUSEBE DE CESAREE, Histoire ecclésiastique, V, I, 23 – 26, édit. G. Bardy. Sources chrétiennes 41, Paris, 1955, pp. 12 – 17)
Le Martyrologe précise : "Polycarpe fut livré aux flammes; mais le feu ne lui ayant porté aucune atteinte, on le frappa du glaive et il reçut ainsi la couronne du martyre. Avec lui et dans la même ville de Smyrne, subirent aussi le martyre douze autres chrétiens venus de Philadelphie".
Comme les bourreaux se préparaient à l'attacher sur le bûcher, il leur dit : "C'est inutile, laissez-moi libre, le Ciel m'aidera." Le Saint lève les yeux au Ciel et prie. Tout à coup la flamme l'environne et s'élève par-dessus sa tête, mais sans lui faire aucun mal, pendant qu'un parfum délicieux embaume les spectateurs. À cette vue, les bourreaux lui percent le cœur avec une épée. Selon l'abbé L. Jaud, c'était le 25 avril 167. (Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Mame, Tours, 1950.)
Le martyre de Polycarpe nous est raconté en détail dans une lettre que l’Église de Smyrne adresse à l’Église de Philomélium et à toutes les chrétientés du monde appartenant à l’Église catholique.
La lettre de l’Église de Smyrne a une valeur historique certaine.
Nous citerons simplement les avis du Père Delehaye, bollandiste, et du Père Lebreton :
"C’est le plus ancien document hagiographique que nous possédions et il n’y a qu’une voix pour dire qu’il n’en existe pas de plus beau.
Il suffit de le relire et de peser chaque phrase pour se persuader que ce récit est ce qu’il prétend être, la relation d’ un contemporain qui a connu le martyr, l’a vu au milieu des flammes, a touché de ses mains les restes du saint corps." (DELEHAYE, Les Passions des Martyrs, p. 12-13, cité par FLICHE et MARTIN, Histoire de l’Église, Paris 1935, 1, p. 342.)
Citons les trois passages de la lettre de l'Église de Smyrne où le terme catholique est employé :
Le texte le plus ancien où est employé le terme "catholique" est de saint Ignace d’Antioche :
"Partout où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique" (Smyrn. 8, 2).
Le terme "catholique" signifie "universelle", mais dans la Lettre de l'Église de Smyrne (16, 2) le mot a pris une deuxième acception : "orthodoxe", par opposition à hérétique ou schismatique, puisqu’il ne serait pas possible de parler de "l’Église universelle de Smyrne".
Dans ce sens, le terme se retrouve dans le Canon de Muratori :
"Il circule sous le nom de Paul une autre épître qui favorise l’hérésie de Marcion, et un certain nombre d’autres qui ne peuvent être reçues dans l’Église catholique, car il ne convient pas de mêler le fiel et le miel.")
Puis dans les œuvres de Clément d’Alexandrie, etc.
Ce sens nouveau est né le jour où l’Église dut distinguer la véritable Église des sectes chrétiennes qui s’en détachaient. Or nous savons qu’à Smyrne existaient au milieu du second siècle, des sectes gnostiques : Marcionites, Valentiniens, etc.
Deux sources indépendantes - l’une est incomplète - nous transmettent le récit du martyre de saint Polycarpe :
Saint Polycarpe est liturgiquement commémoré le 23 février.