Samedi de la quatrième semaine de carême, 28 mars 2009.
Chers Amis du “Refuge Notre-Dame de Compassion“,
Dans les réflexions que je vous livrais avant-hier (cf.> www), j'ai voulu mettre en évidence combien la fidélité à la personne et aux enseignements de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut en définitive qu'aboutir à un conflit. Les actuelles polémiques et les contestations de plus en plus virulentes autour du Souverain Pontife et de sa parole - avec tous les mensonges et manipulations que nous avons déjà évoqués -, les remises en question de plus en plus haineuses et passionnées de l'enseignement et de la discipline de l'Eglise ne peuvent pas vraiment étonner celui qui a fait des Saints Evangiles sa nourriture.
Notre-Seigneur nous l'a dit très explicitement : “Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre? Non, je vous le dis : mais la division. Car désormais, dans une seule maison, cinq seront divisés, trois contre deux, et deux contre trois ; seront divisés le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre sa belle-fille et la belle-fille contre sa belle-mère” (Luc XII, 51-53). Ou encore en Saint Matthieu : “Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive “ (Matth. X,34). Si l'attachement à Notre-Seigneur peut être source de conflits entre des personnes liées par le sang et par les affections les plus naturelles, à combien plus forte raison dans les sociétés civiles…
Cette situation conflictuelle ne peut même qu'aller croissant lorsque ces sociétés ont leurs fondements et leurs références dans des “valeurs” étrangères à la Loi divine et à la loi naturelle elle-même. Ce pourquoi je n'hésite pas à dire (et à répéter de manière insistante) que, s'il n'y a pas une adhésion fondamentale de la société civile à l'esprit de l'Evangile, on arrive nécessairement à la persécution.
La persécution peut s'exercer de diverses manières, plus ou moins avouées, plus ou moins larvées, plus ou moins insidieuses. On ne vous jettera peut-être pas aux lions, on ne vous enduira peut-être pas de poix pour faire de vous des torches vivantes destinées à éclairer de somptueuses fêtes nocturnes, on ne vous soumettra peut-être pas au chevalet, au grill, aux ongles de fer et à ces mille autres raffinements de cruauté physique dont nous lisons les détails dans le martyrologe… pas tout de suite du moins. Cependant on saura bien, et de plus en plus - tantôt par la dérision, tantôt par la séduction, tantôt par des pressions et des contraintes, psychologiques ou administratives, sociétales ou médiatiques - déployer une large palette de moyens pour vous intimider ou vous contraindre. “1984″ de Georges Orwell ou “le Maître de la terre” de Robert Hugues Benson ne sont probablement que de pâles figures de ce qui peut arriver…
Le Vicaire de Celui qui, quarante jours après sa naissance, a été désigné comme un “signe de contradiction” (Luc II, 33), peut-il être autre chose qu'un signe de contradiction à son tour? Alors, oui, pour reprendre l'expression de Monsieur Alain Juppé, il est dans l'ordre des choses, il est normal, il ne peut être étonnant que - pour tous ceux dont le mode de pensée, de fonctionnement et d'action relève davantage des maximes du monde que de l'Evangile - ce Pape “pose un vrai problème ” et devienne lui aussi une “pierre de scandale” : “Ils se sont heurtés contre la pierre d'achoppement, ainsi qu'il est écrit : 'Voici que je mets en Sion une pierre d'achoppement et une pierre de scandale ; et quiconque croit en lui ne sera point confondu' (cf. Isaïe VIII, 14 & XXVIII, 16)” (Rom. IX, 32-33).
La royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne lui est pas décernée par ce monde (il l'affirmera devant Pilate, cf. Joan. XVIII, 36) : elle ne procède pas du suffrage universel, elle n'est pas ordonnée à la logique de nos politiques. Après la multiplication des pains, Notre-Seigneur s'est dérobé à l'enthousiasme des foules qui voulaient le faire roi. Cependant il est véritablement roi et sa royauté s'exercera sur ce monde, que celui-ci le veuille ou non : “Opportet illum regnare! Il faut qu'il règne!” (1 Cor. XV, 25). Cette royauté découle, au plus haut degré, de ses droits de Rédempteur : elle n'est pas acquise par les urnes mais par le sang. Ce n'est pas le jour de la multiplication des pains ou le dimanche des Rameaux que Jésus prend possession de son règne, mais c'est le Vendredi Saint. Si nos modernes instituts de sondage avaient interrogé ce jour-là les hiérosolymites et tous ceux qui s'étaient naguère précipités pour écouter les enseignements du “Rabbi galiléen”, dans l'enthousiasme des jours faciles, avec l'espoir plus ou moins avoué de le voir faire ou d'être les bénéficiaires de ses miracles, il est bien évident que les pourcentages en sa faveur auraient été infimes. Rappelons-nous tout ce que la petite phrase des disciples d'Emmaüs recèle d'incompréhension profonde et d'amère déception : “Et nous qui espérions que ce serait lui le rédempteur d'Israël!…” (Luc XXIV, 21). Rien d'étonnant donc à ce que les foules manipulées d'aujourd'hui, à ce que les journalistes et autres “faiseurs d'opinion”, à ce que les hommes politiques et tous ceux qui bornent leurs espérances aux horizons terrestres crient au scandale.
“Ecce ascendimus Jerosolymam… Voici que nous montons à Jérusalem”(Luc XVIII, 31), lisions-nous dans l'Evangile du dimanche de la Quinquagésime : tout ce qui a été écrit au sujet du Fils de l'homme - livré aux païens, tourné en dérision, outragé, couvert de crachats, flagellé et mis à mort -, tout cela, le “Corps mystique” du Christ - la Sainte Eglise - est appelé à y participer à sa suite. Nos temps actuels ne peuvent pas être étrangers à cette participation.
Par la liturgie, nous allons entrer ce soir dans le temps de la Passion : “Ecce ascendimus Jerosolymam!” Ce dont nous sommes aujourd'hui les témoins n'est que la répétition de ce qui s'est passé au printemps de l'an 33 : avec des figures et des noms différents, nous retrouvons les mêmes acteurs, les mêmes passions humaines, les mêmes intérêts… et les mêmes fidélités.
Aujourd'hui encore il y a ceux qui - comme les grands prêtres félons - craignent que leur emprise sur les foules soit “concurrencée” (on peut par exemple penser à tous ceux qui sont furieux du succès du voyage du Pape Benoît XVI en France, en septembre dernier) : “Si nous le laissons ainsi tous croiront en lui…” (Jean XI, 49). Il y a tous les modernes pharisiens : “Voyez-vous que nous ne gagnons rien? Voilà que tout le monde court après lui” (Jean XII, 19). Il y a tous les Judas, tous ceux qui se scandalisent au sujet du parfum versé par Marie-Magdeleine (Jean XII, 4), ceux dont les raisons “humanitaires” recèlent de secrètes convoitises, et tous ceux qui ont détourné l'Evangile pour en faire une “option préférentielle” pour les luttes de ce monde (même si objectivement elles sont des “bonnes causes”, des “causes justes”, mais ils ont perdu tout sens surnaturel). Ne l'oubliez pas, Judas était apôtre : il n'avait pas reçu un appel moindre ; sa vocation était véritable ; il avait eu des grâces hors du commun ; il avait accompli des miracles et chassé des démons… Et aujourd'hui encore il en est - parmi ceux dont la vocation chrétienne était véritable, parmi ceux dont la vocation religieuse ou sacerdotale était véritable, parmi ceux dont la vocation épiscopale était véritable - qui finissent par se détourner du Christ, qui perdent le sens du salut des âmes et l'authentique esprit de la rédemption, et qui en viennent, de diverses manières, à trahir et à vendre le Christ…
Aujourd'hui encore, il y a la même foule versatile qu'à Jérusalem : “Ils vinrent au devant de lui parce qu'ils avaient appris qu'il faisait des miracles” (Jean XII, 18). Ils ne recherchent pas dans le Christ le Sauveur de leurs âmes, mais celui qui leur rendra la vie facile ; ils ne recherchent pas à entendre sa parole pour se convertir, mais ils aspirent à ne plus travailler, à avoir facilement du pain et la santé, une situation honorable et tranquille…. Combien de chrétiens aujourd'hui sont plus attachés à leur petit confort intellectuel ou/et matériel plutôt qu'à une véritable démarche de conversion intérieure, plutôt qu'à se laisser façonner par la grâce? Combien de fidèles et d'ecclésiastiques qui se réjouissent trop superficiellement des succès populaires, des acclamations, des sondages favorables, de l'affluence à leurs rassemblements ou à leurs pèlerinages, des pourcentages de succès aux examens dans leurs “bonnes écoles” (alors qu'on a “écrémé” les effectifs selon des critères de réussite scolaire et non en fonction du bien des âmes), du nombre de participants à leurs retraites, ou d'assistants à leurs offices …etc? Combien qui se laissent éblouir par les “bonnes apparences” humaines et mondaines et en viennent à négliger le travail, toujours nécessaire et jamais achevé, travail intérieur et non quantifiable, de leur propre conversion à l'esprit du Saint Evangile? Combien qui par amoindrissement ou perte de l'esprit surnaturel s'enfoncent dans la tiédeur, dans de secrètes amertumes, dans des déceptions ou des découragements qui ne disent pas leur nom, lorsqu'ils n'ont pas les consolations humaines ou mondaines, ni les satisfactions immédiates et numériques de leurs efforts?… Tous ceux qui sont finalement attachés à “la gloire des hommes plus qu'à la gloire de Dieu” (cf. Jean XII, 43) et qu'on trouve indistinctement - même si cela ne s'exprime pas forcément avec les mêmes nuances - chez les “progressistes” ou chez les “traditionalistes” !!!
Aujourd'hui encore - et peut-être plus encore qu'il y a deux mille ans - nous avons des faux témoins qui travestissent les paroles du Christ ou de son Vicaire, qui dénaturent les enseignements de son Eglise ou qui calomnient ses serviteurs devant les sanhédrins médiatiques, devant les sanhédrins de l'opinion publique, devant les sanhédrins d'égoïsme et d'orgueil que tout homme porte au fond de lui-même.
Aujourd'hui encore il y a les manipulateurs qui veulent dispenser les hommes de bonne volonté de se faire une juste opinion et qui prétendent imposer ce qu'il faut penser et la manière dont il faut penser : “Si ce n'était pas un malfaiteur nous ne te l'aurions pas livré!” (Joan. XVIII, 30). “Si les propos que tient ce Pape n'étaient pas irresponsables et criminels nous ne les dénoncerions pas, nous ne les présenterions pas à la vindicte publique! Faites-nous confiance : nous, agences de presse, nous, ministres, nous, loges maçonniques… nous avons digéré l'information à votre place, nous avons pensé à votre place, nous sommes en bien meilleure position que vous pour savoir ce qu'il faut dire et ce que vous devez en penser, ne vous fatiguez pas à chercher vous-mêmes, nous vous avons évité ce travail fastidieux!”. Suite