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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 14:32

Et non, la fin du monde n'est pas pour 2012... Un nouveau calendrier maya découvert en 2010 recule de 7000 ans la fin présumée du monde chez les Mayas.

 

Le plus ancien calendrier Maya découvert au Guatemala 

 

Pour la première fois, des archéologues procédant à des fouilles sur le site monumental Maya de Xultún au Guatemala ont découvert une structure comportant des peintures murales du 9e siècle avec des chiffres et des calculs liés aux calendriers mayas. On y retrouve aussi des données numériques des cycles lunaires et peut-être planétaires.

Cette découverte est antérieure de plusieurs centaines d'années aux plus anciens calendriers connus à ce jour: ceux qui ont été trouvés dans les célèbres codex Maya.

Niché dans la végétation dense de la région forestière pluvieuse de Peten au Guatemala, la structure serait la maison d'un scribe lié aux rois Mayas ou bien avec la famille royale de Xultún.

"Pour la première fois nous pouvons voir ce que peuvent réellement être les enregistrements tenus par un scribe, dont le travail consistait à être le gardien officiel des compte rendus d'une communauté maya", a déclaré l'archéologue et chef de l'expédition William Saturno de l'Université de Boston.

Les peintures ont été trouvées dans une pièce de la structure de la maison. Elles représentent le premier art Maya se trouvant sur les murs d'une maison. Toutes les autres peintures Maya ornaient des édifices tels que des temples, des tombes royales et d'autres structures rituelles.

La maison a été découvert en 2010 par l'étudiant Max Chamberlain qui, en collaboration avec Saturno, enquêtait sur des tranchées faites par des pillards. Une fois qu'ils ont réalisé le potentiel de la découverte, Saturno et son équipe ont lancé une fouille officielle avec l'aide de subventions de la National Geographic Society.

Travaillant avec ferveur et contre la montre, ils ont dû fouiller avant la prochaine saison des pluies: en effet, ce qui a été mis au jour par le biais des fouilles pouvait être menacé par les chutes d'eau.

 ... Le mur nord comprend une peinture d'un roi assis portant des plumes bleues. Non loin se trouve une peinture bien conservée d'un homme en orange vif et tenant un stylet. Des glyphes mayas à proximité l'identifient comme «jeune frère Obsidien». Selon ce qui a été appris à partir d'autres sites mayas, Saturno suggère qu'il pourrait être le fils ou le plus jeune frère du roi, et peut-être l'artiste ou le scribe qui a vécu dans la maison.

Quatre longs numéros sur le mur représenteraient tous les cycles astronomiques, comme ceux de Mars, Vénus et les éclipses lunaires, s'étendant jusqu'à 7000 années dans le futur.

Le mur ouest représente trois personnages assis, des hommes peints en noir avec un pagne blanc, portant des médaillons autour de leur cou et une coiffe avec une plume. Une des figures a été identifiée comme "le grand frère Obsidien".

 

"C'est bizarre que les découvertes de Xultún existent encore," s'étonne Saturno, "ces écrits et dessins sur les murs ne se conservent pas bien dans les basses terres mayas, surtout dans une maison enterrée à un mètre sous la surface."

En ce qui concerne les caractéristiques calendaires, les chercheurs suggèrent que les symboles représentent la vision du monde Maya, qui est en réalité différente de la vision populaire d'aujourd'hui faisant prédire la fin du monde par les Mayas.

D'après Saturno, "les anciens Mayas ont prédit que le monde continuerait. 7000 ans après aujourd'hui, le monde sera identique. Les Mayas étaient à la recherche d'une garantie comme quoi rien ne changerait. C'est un état d'esprit totalement différent."

 

Xultún, l'ancien site maya sur lequel se trouve la structure de la maison, a été découvert il y a environ 100 ans par des travailleurs guatémaltèques, puis cartographié dans les années 1920 par Sylvanus Morley. Il a de nouveau été cartographié par une équipe de l'Université Harvard dans les années 1970.

 

On y retrouve 56 structures, bien que des milliers d'autres restent non comptabilisées.

 

Les fouilles de Saturno ont révélé que la construction des grands monuments a commencé au cours de la Période Classique (premiers siècles avant JC), et que le centre a prospéré jusque vers la fin de cette même période (autour de la fin du 9e au 10e siècle de notre ère).

 

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 17:27

Sylvain Marcou a réalisé un premier ouvrage sur la Vendée. Il est en train d’en écrire un second. Photo G. J.

Sylvain Marcou a réalisé un premier ouvrage sur la Vendée. Il est en train d’en écrire un second. Photo G. J.

 

Le Chagnotin Sylvain Marcou a publié un premier livre sur la Vendée militaire. Un autre est en cours. Mais derrière ses ouvrages se cache un autre combat.

Plus jeune, Sylvain Marcou prenait tout le temps la même direction pour partir en vacances en famille. De la Bourgogne, il partait vers la Vendée. Petit, son père lui a transmis un savoir, celui de l’histoire. Plus grand, Sylvain Marcou a décidé d’approfondir ce sujet. Plus âgé et professeur de français, il a décidé de réaliser son doctorat en histoire sur « Hegel et la Révolution française, de la liberté à l’élimination des particularismes. » En toile de fond de ce sujet : la guerre de Vendée ou plutôt le génocide franco-français des Révolutionnaires envers une région plus conservatrice.

 

L’histoire

 

La guerre de Vendée débute en mars 1793 quand les révolutionnaires lèvent le peuple en masse pour défendre les frontières. Mais ici, les paysans ne veulent pas quitter leur terre. Ils se révoltent, cherchent à emmener les nobles avec eux contre le pouvoir en place. Quelques événements tragiques plus tard, la République décide de planifier le génocide de la population vendéenne. Selon certains chiffres, entre 180 000 et 200 000 personnes sont mortes. La guerre prend fin en 1796. La période de Terreur est terminée, Napoléon arrive et redonne à la France des valeurs chrétiennes, tant appréciées des Vendéens.

 

La polémique

 

Mais cette page de l’Historie de France n’est que très peu évoquée. « On ne parle pas de génocide. Le débat est très tendu sur le sujet », indique-t-il. À travers ses ouvrages, il veut donc montrer qu’il a bien eu lieu. Pour cela, il se base sur la philosophie. D’où son doctorat en prenant Hegel pour base de travail. « C’est bien plus difficile de casser un concept philosophique que de contester des chiffres. Cela permettrait peut-être également de réconcilier tous ceux qui s’opposent aujourd’hui », confie-t-il.

 

Ses travaux ont été reconnus. Le centre vendéen de recherches historiques lui a proposé de le rejoindre en tant qu’auteur. « Je veux maintenant que les manuels scolaires accordent autant d’importance au génocide qu’à la mort de Louis XVI », termine-t-il. Sera-t-il entendu un jour ?

 

Source: http://www.lejsl.com/edition-de-chalon/2012/05/13/changer-l-histoire-officielle

via http://www.democratie-royale.org/article-vendee-ou-le-genocide-franco-fran-ais-changer-l-histoire-officielle-105431450.html

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 13:33

La fin de la Première Guerre mondiale amène en 1920 une chambre des députés orientée à droite, la "chambre bleu horizon" (qui, composée de nombreux anciens combattants a connu dans les tranchées la fraternisation de religieux et de laïcs), à adopter le 24 juin 1920 un projet de loi du député et écrivain nationaliste Maurice Barrès (1), chantre de l'"Union sacrée". Une "fête nationale" de Jeanne d'Arc est instituée.

 

La "fête nationale de Jeanne d'Arc", ou "fête du patriotisme" a été instituée par la loi du 10 juillet 1920* comme devant avoir lieu le deuxième dimanche du mois de mai, jour anniversaire de la libération d'Orléans le 8 mai 1429 par l'armée française, sous le commandement de Jeanne d'Arc.

Le site "Jurispedia" indique que cette fête "semble tombée en désuétude". (2)

 

La "fête nationale de Jeanne d'Arc" ou "fête du patriotisme" ne doit pas être confondue avec la fête de sainte Jeanne d'Arc célébrée par le calendrier liturgique de l'Église catholique le 30 mai ou le dernier dimanche de mai, ni avec le "1er mai" du Front national, jour choisi par Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1988 pour célébrer la "fête du travail et de Jeanne d'Arc" et peser sur le résultat du second tour.

 

Y aura-t-il en cette journée du 13 mai "fête nationale", un "nationaliste" pour rappeler que le royalisme est le "nationalisme intégral" (formule de Charles Maurras) et non le républicanisme, et pour rappeler que Jeanne était royaliste et non républicaine ?... 

 

L'idéologie républicaine présentant la "loi civile" comme norme supérieure aux lois de Dieu, aux lois morales et à la loi naturelle, n'est pas une politique au service du bien commun, c'est une idolâtrie matérialiste, un absolutisme (la soit-disant "volonté populaire" coupée de la loi naturelle) et une tyrannie. 

 

L'erreur originelle des "nationalistes" 

 

On en revient toujours à l'erreur originelle de l'"Union sacrée" en 1914, expression employée pour unir les "nationalistes" et les royalistes aux républicains dans une guerre totale contre l'Allemagne. L'"Union sacrée" est une formule qui rappelle celle de la "Patrie en danger" de 1792 qui ne fut elle aussi qu'un moyen pour mener une "guerre d'agression" à l'Europe et lui apporter les "lumières" de la Révolution...

La main tendue par les républicains antichrétiens en 1792 comme en 1914, main saisie par les "nationalistes" n'aboutit une nouvelle fois qu'à la consécration de l'anti-patrie révolutionnaire par le sacrifice des Français comme en 1789 (thèse de Jean de Viguerie dans "Les deux Patries, essai historique sur l'idée de patrie en France", 1998). À chaque fois (en 1792, 1914, 1940-45), la guerre aura servi à consacrer la soit-disant "république", un régime oligarchique de l'argent, de la corruption et de la guerre qui se nourrit du sang des Français.

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 10:00

A propos de notre article "La Libre pensée 64 a décidé de manger gras le vendredi saint", chrysogone nous rapporte l'histoire spéciale d'une éruption volcanique passée dans l'oubli : l'éruption de la Montagne pelée en 1902 (fiche wikipedia). 

 

Les francs-maçons de la dite "Libre pensée" 64 feraient bien de se rappeler l'Ecriture : (1) de Dieu on ne se moque pas (Ga 6, 7), (2) Il y a 110 ans, en 1902, le 8 mai 1902, jour de la fête de l'Ascension, l'éruption de la Montagne Pelée (Martinique, Antilles) détruisit en un clin d'oeil la ville de Saint-Pierre, alors préfecture de la Martinique, faisant près de 40 000 morts sur les 100 000 habitants que comptait la Martinique à cette époque. La nuée ardente dévasta une superficie de 16 km2 et le reste de la ville fut la proie des flammes. Il y eut très peu de survivants (Louis-Auguste Cyparis, un prisonnier sauvé par l'épaisseur des murs de son cachot, Léon Compère-Léandre, un cordonnier qui vivait à la périphérie de la ville, et Havivra Da Ifrile, une petite fille) parmi les 28 000 habitants de la ville (Source: Jacques-Marie Bardintzeff, Connaître et découvrir les volcans, Genève, Suisse, Liber, octobre 1997, p. 164).

 

Le 28 avril précédent, jour du Vendredi saint, une "procession" de libres penseurs s'était acheminée au sommet du volcan, au rythme d'un pseudo chemin de croix blasphématoire, pour y jeter dans son cratère une image du Christ. Coïncidence ?

 

L'abbé Pinaud, après avoir décrit les circonstances de l'événement, donne les preuves que cette catastrophe était véritablement un châtiment divin.

http://www.chire.fr/A-105486-l-eruption-de-la-montagne-pelee--on-ne-se-moque-pas-de-dieu.aspx

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Add. 8.04.2012 9:05. Un lecteur nous informe d'une coquille à corriger au sujet de la date du Vendredi saint 1902 qui tomberait le 28 mars 1902 et non le 28 avril. Après recherche sur le site "Worldtimer", il semble qu'il faille effectivement retenir la date du 28 mars comme jour du Vendredi saint 1902 : http://www.worldtimer.net/Calendar/?y=1902&h=fr

 

Le 8 mai, jour de l'éruption de la Montagne pelée, reste le jour de l'Ascension (fiche wikipedia).

 

Voici ce commentaire reçu ce dimanche 8 avril, que nous reproduisons en intégralité. Merci à son auteur, Renaud :

 

"rectification
Renaud
Bonjour,

Bravo pour votre blog!
J'essaie d'y venir autant que je le peux.
C'est pour vous indiquer qu'il doit falloir faire une rectification au sujet des éléments de votre article sur l'éruption de la Montagne Pelée en 1902 à la Martinique.
J'ai tous les documents pour les dates de Pâques (annuaire du Bureau des Longitudes) depuis l'année 1580 du calendrier Grégorien jusqu'à l'année 3000 après J.C.du même calendrier.
Le dimanche de pâques 1902 tombait le 30 mars 1902 et donc le vendredi Saint en question devait être le 28 mars et non le 28 avril.
Compte tenu que (sauf erreur très improbable) la Fête de Pâques ne peut jamais tomber après le 25 avril, aucun vendredi Saint n'eût lieu un 28 avril.
Merci de rectifier
Votre dévoué
avec mes encouragements
Renaud"

 

 

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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 23:00

Le 31 mars est une date importante de l'histoire de l'Espagne. C'est le 31 mars 1492, en effet, que les rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, ordonnèrent l'expulsion des juifs de toute l'Espagne par un édit daté du palais de l'Alhambra.

 

Quelques semaine auparavant, au mois de janvier, le royaume de Grenade, dernier bastion de l'islam dans la péninsule, avait été repris aux musulmans. Le 2 janvier 1492, Ferdinand et Isabelle, entourés de leurs troupes, avaient fait leur entrée solennelle dans la ville au son des cloches. Après huit siècles, l'Espagne tout entière était rendue aux chrétiens, comme du temps des Wisigoths.


L'édit du 31 mars contre les juifs était on ne peut plus clair : Il leur fut prescrit, sous peine de mort, de quitter dans un délai de quatre mois les territoires de Castille, d'Aragon, de Sicile et de Sardaigne. On leur permettait d'emporter leur avoir, sauf les métaux précieux et le numéraire. Le délai de quatre mois écoulé, on confisquerait les biens de tout chrétien qui protégerait ou accueillerait un juif.

 

Le grand argentier du royaume, le juif Isaac Abravanel, fit tout son possible pour convaincre les rois catholiques de revenir sur cette décision, leur offrant, au nom de sa communauté, des sommes colossales. Mais le grand inquisiteur Torquemada eut connaissance des démarches insistantes du ministre juif. Il accourut auprès des souverains, un crucifix à la main, et leur adressa ces paroles : « Judas Iscariote vendit le Christ pour trente pièces d'argent. Vos Majestés veulent le vendre pour trois cent mille ducats. Eh bien, le voici, vendez-le. » Et il laissa le crucifix dans la pièce. Isabelle résolut alors de maintenir l'édit d'expulsion, et, comme elle avait beaucoup d'énergie et de ténacité, elle parvint à faire partager son opinion à son époux. (Hervé Ryssen, Histoire de l'antisémitisme, 432 pages, 26 €).


A la fin d'avril 1492, on proclama dans tout le pays, à son de trompe, que les juifs n'étaient plus autorisés à rester en Espagne que jusqu'à la fin du mois de juillet et que ceux qui y prolongeraient leur séjour au-delà de ce délai seraient passibles de la peine de mort. Environ 50 000 juifs choisirent le baptême, et deux cent mille préférèrent s'exiler, ne songeant plus à embrasser le christianisme et à continuer à judaïser en secret, depuis qu'ils avaient compris que l'Inquisition n'était pas une plaisanterie. Ceux-ci se dirigèrent, dans les royaumes voisin de Navarre, du Portugal, en Italie, en Turquie et en Afrique.

 

 

  Il est absolument indispensable que vous lisiez ce livre d'Hervé Ryssen !

 

Source: http://anarchiste.vefblog.net/lien_article.php?id_art=1179552&nom_url=31_mars__une_grande_date

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 09:42
Paysans modernes (Les) dépossédés de leurs terres par les financiers et cédant aux sirènes citadines
 
(Extrait de « Revue universelle. Recueil documentaire universel et illustré », paru en 1902)

 

Au début du XXe siècle, l’écrivain Paul Adam dénonce dans Le Journal la ruine de vingt siècles de labeur paysan, précipitée non seulement par des villes dont les attraits mensongers détournent le travailleur agricole des vraies valeurs et affaiblissent le tissu rural, mais également par des banques érigées en créanciers anonymes dépossédant ce même travailleur, devenu leur esclave, de ses terres.

Grâce à son labeur de vingt siècles, le paysan a permis que la pensée pût naître dans les cerveaux de ceux qui mangeaient le pain en médisant. Mais voici que sa descendance ingrate condamne l’ancêtre. Née de son abnégation, l’intelligence des villes le dépouille de toutes forces. Continûment, sûrement, elle attire les plus accortes des villageoises et les plus délurés des gars. Elle les absorbe, les transforme, les différencie de leurs aïeux, détourne leurs âmes naïves du travail agricole, les éblouit avec les élégances de la mercière et la discussion du cabaret ivre.

Danse des paysans. Peinture de Pieter Bruegel l'Ancien (1568)
Danse des paysans. Peinture de Pieter Bruegel l’Ancien (1568)

Veuve de ses initiatives mâles et des amoureuses aptes à susciter la passion, à stimuler, pour être conquises, la paresse des esprits mornes, la population rurale, assurent les sociologues, verra décroître toujours son niveau moral et spirituel. Seuls, les gros cultivateurs et les gens incapables de servir à l’atelier demeureront aux villages. Des maîtres et des esclaves. Le citoyen disparaîtra des champs. Bien que la petite propriété se multiplie, les hypothèques considérables qui la grèvent en laissent la disposition au laboureur d’une manière absolument fictive. Les établissements de crédit se font les véritables détenteurs du sol et des fermes. Ces banques se peuvent syndiquer, former un trust. Alors les champs passeront dans les mains de compagnies financières prêtes à exploiter le fonds plus habilement au moyen de la science.

Partout les créanciers acquièrent indirectement le bien du pauvre. Créanciers inexorables parce qu’ils demeurent anonymes, parce que des commis et des règlements les représentent, parce que les actions changent de titulaires, au gré des mouvements de Bourse. Certain jour, les assemblées d’actionnaires pourront obtenir les champs de leurs débiteurs malheureux afin d’y établir, avec des instruments aratoires et des cornues, les ingénieurs agronomes à leurs gages.

Déjà le paysan ne possède plus de terre. Comme les usines et l’outillage industriel, elle devient l’apanage du capital. En sorte que l’évolution collectiviste s’accomplit, en ce qui concerne la vie agricole, autour des corbeilles, dans les bourses et dans les cabinets des administrateurs. Les apôtres du communisme n’ont point à prêcher leurs théories aux prolétaires de la campagne. La finance se charge de réaliser d’abord leur désir sans révolution. Or les comptoirs de crédit prospèrent mal. Leurs affaires ne sont pas brillantes. Rien n’annonce qu’elles puissent s’amender. A mesure que leur situation empire, la nécessité surgit de nouveaux systèmes.

Probablement faudra-t-il en venir à créer, puis affermer des établissements de moyenne culture, les plus rémunérateurs, mais de culture chimique, sur les terrains des propriétaires insolvables. La petite et la très grande exploitation ne donnent pas de bénéfices appréciables : la première, parce que l’état de son rendement ne permet guère l’achat des engrais, des machines ; la seconde, parce que le transport des ouvriers et du matériel sur une vaste étendue coûte trop de temps, de salaires, de travail animal ou d’installations mécaniques. Pour ces raisons, les Américains s’en tiennent au juste milieu, les découvertes de laboratoire fertilisant davantage les efforts des agronomes dans un lieu convenablement mesuré.

Fini le naïf orgueil d’être le possesseur du lopin, le maître de l’arpent, des poules et de la vache, le seigneur absolutiste de l’âtre où tisonne la ménagère soumise. Bientôt des gens viendront pour l’enrôler dans les équipes et lui offrir un salaire. Il dormira dans une demeure commune ; il fatiguera la terre pour des maîtres inconnus. Le blé ne sera pas répandu dans son aire, mais dans les alvéoles de machines monstrueuses, aux membres d’acier vif et muet que des démons gouailleurs activeront. Le paysan ne comprendra point la grandeur d’abdiquer son indépendance illusoire au bénéfice de tous, afin que la terre produise en grand nombre des fruits meilleurs et moins chers, savoureux sur toutes les bouches.

Dix-huit siècles de christianisme ne l’ont pas instruit des magnificences de cette joie qui s’exalte en sachant les dons de ses labeurs. Il ne ressentira que l’ennui d’avoir perdu la possession jalouse, lamentable et précaire d’un pauvre bien. Plus de salaire et plus d’aisance ne le consoleront pas. Car, en dépit de l’évidence, très peu de gens, et parmi les mieux éduqués, s’aperçoivent combien le renchérissement des salaires, loin de ruiner les industries qui le mettent en pratique, au contraire, augmente la production et la richesse. L’ouvrier américain reçoit les honoraires les plus élevés qu’on accorde au travail. Cependant les courtiers yankees offrent sur tous les marchés d’Europe, malgré les tarifs de douane, des produits excellents à des prix inférieurs.

La concurrence est difficile à soutenir pour les fabriques d’Allemagne même, où le prolétaire reste le moins rémunéré. C’est qu’aux Etats-Unis un travailleur d’usine, placé dans des conditions identiques aux nôtres, crée pour 150 francs de marchandises, alors que, dans le même temps, l’Européen en crée pour 100 francs. En effet, une hygiène favorable, de l’aisance, une bonne nourriture, choses octroyées par la haute paye, valent à l’ouvrier une énergie de qualité supérieure, une ingéniosité, une adresse, une vigueur et un goût qui font défaut à notre prolétaire abêti par sa gêne, en butte aux mille inconvénients de la misère. On peut dire hardiment que plus le salaire s’élève et plus l’usine enfante. M. Daniel Halévy, dans son livre sur le mouvement ouvrier, Essais sur le mouvement ouvrier (1901), le remarque et le prouve de manière judicieuse et parfaite.

Versant au villageois plus d’or que n’en rapporte sa petite propriété, les trusts agricoles augmenteraient certes la fertilité du sol arable par l’amélioration de l’effort humain. Mais notre rustre n’admettra que lentement les mérites de cet essai. Avoir du bien, fût-ce la cause de la douleur permanente, lui paraîtra longtemps préférable à tout. Le sens atavique de la propriété l’affole. Dans quelque vingt années, la lutte sera terrible entre cette foi rustique et les entreprises des compagnies financières voulant soutenir la concurrence contre les importateurs d’outre-mer par l’exploitation directe et scientifique du domaine foncier.

 

Source: http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article4616

 

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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 08:01

Voici tout juste 100 ans, le quotidien La Presse, observant une recrudescence du grand banditisme, un perfectionnement des moyens techniques utilisés par les malfaiteurs et une violence des attaques sur les personnes que l’on pensait révolue dans une société civilisée, mettait en lumière l’absence de scrupules des auteurs de crimes, sans doute lié à l’absence d’idéal de la génération nouvelle. Lire la suite

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- A propos de la sécurité des personnes sous l'Ancien Régime, lire : "Être français s'est d'abord confondu avec le privilège de vivre protégé sous les fleurs de lys" (Pierre Chaunu) où l'on apprend qu'"aucune ville au monde n'est aussi sûre que Paris, de jour et de nuit, de 1730 à 1789". ...

 

La "France d'après" du Nicolas Sarkozy de 2007 ou la "France forte" du candidat Sarkozy de 2012, ou encore le "monde nouveau" de l'apparatchik franc-maçon Mélenchon... nous auront effectivement plongé dans un monde d'une extraordinaire sûreté et sécurité !

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 08:07

Personnage auquel s’attacha longtemps une légende de cynisme puis de faiblesse, auquel on prêta également des mots historiques apocryphes, Madame du Barry fait à la fin du XIXe siècle l’objet de travaux d’étude notamment entrepris par le conservateur du château de Versailles de l’époque, qui brosse le portrait d’une femme injustement vilipendée, en réalité sensible et n’ayant exercé qu’une influence heureuse sur Louis XV.

 

 Notre époque révise volontiers tous les vieux procès, corrige toutes les légendes et se plaît à une foule de réhabilitations, écrit le journaliste Jean Frollo. Le mot, cette fois, serait peut-être excessif : mettons qu’il s’agisse seulement d’une atténuation à des opinions couramment reçues sur une femme pour qui l’histoire a été sévère, sans consentir, pendant longtemps, à l’étudier d’un peu près. Elle paya, cependant, par une mort terrible les égarements de sa vie, et cette tragique expiation aurait pu lui valoir, du moins, un peu de pitié.

Madame du Barry par Élisabeth Vigée-Lebrun (1781)
Madame du Barry par Élisabeth Vigée-Lebrun (1781)
Depuis un siècle – écrit Frollo, du Petit Parisien, au début du XXe siècle –, le souvenir de Mme du Barry la dernière favorite de Louis XV, s’était résumé en deux mots, constamment répétés, qui ne sont pas moins apocryphes l’un que l’autre, d’ailleurs. C’était la maîtresse du roi, lançant, dans l’intimité d’un déjeuner, l’interjection fameuse : « La France, ton café fout le camp ! » Puis, l’épilogue de cette existence : la du Barry, traînée, le 8 décembre 1793, à l’échafaud, et suppliant l’exécuteur : « Monsieur le bourreau, ne me faites pas de mal ! »

Comme beaucoup de paroles « historiques », celles-là ne furent jamais prononcées. Le roi Louis XV avait au moins conservé une vertu, celle d’une exquise politesse, et un tel langage, en sa présence, eût été invraisemblable. Au demeurant, il existe des billets, et très intimes, de Mme du Barry a Louis XV, et jamais elle ne tutoya le roi.

Enfin, bien que sa naissance eût été hasardeuse, elle avait reçu une excellente éducation au couvent de Sainte-Anne, à Paris, et même en des heures aventureuses, elle ne s’en départit point. Les pamphlets du temps ont d’ailleurs fort exagéré ses aventures. Il serait évidemment ridicule vouloir la transformer en une vertueuse personne, mais elle n’était point descendue aussi bas que ses ennemis se plurent à le dire.

Quant à l’autre mot, le mot suprême qui lui aurait été arraché par l’épouvante, il fut inventé de toutes pièces. En réalité, Mme du Barry arriva jusqu’à la guillotine dans un état de torpeur voisin de l’inconscience. Puis, soudain, elle poussa un long cri d’angoisse et ce fut tout.

Notre journaliste rapporte que des travaux récents ont entrepris, en dépit du mépris dans lequel est tenue la mémoire de Mme du Barry, qui eut des ennemis dans des camps opposés, et pour des raisons très différentes, de montrer ce qu’elle fut, au vrai. On fit d’elle la victime expiatoire de toutes les fautes de la monarchie. En réalité, elle paraît avoir été très calomniée. A la fin du XIXe siècle, le conservateur d’alors du château de Versailles, Vatel, entreprenait cette œuvre d’équité, qui fut ensuite reprise par un courant d’idées, de plusieurs côtés à la fois.

Mme du Barry, qui ne se piquait assurément point de principes austères, avait gardé, pour tous, une certaine retenue. Elle n’était pas seulement d’une beauté vraiment captivante ; il y avait en elle un fond de bonté naturelle, qu’elle garda quand les circonstances l’eurent faite toute-puissante. Il est, d ailleurs, certain, aujourd’hui, que le hasard seul la mit d’abord en présence du roi, qui s’informa d’elle, et qu’on imagina l’histoire d après laquelle elle lui aurait été offerte, avec la complicité du valet de chambre Lebel, pourvoyeur des plaisirs de Louis XV.

Sensible, intelligente plus qu’on ne voulut le reconnaître, d’esprit cultivé, elle n’exerça sur le souverain qu’une influence heureuse. Elle ne joua guère, en fait, de rôle politique, et c’est à tort qu’on lui attribue la chute du ministre Choiseul. Malgré tout le mal que fit dire d’elle celui-ci, elle n’eut point de ressentiment contre lui, et elle s’employa même à adoucir son exil. La postérité n’en a pas moins retenu, surtout, toutes les fables haineuses lancées par Choiseul.

Après la mort de Louis XV, elle ne supporta pas sans dignité les rigueurs de la nouvelle cour. Plus tard, pendant la Révolution, elle montra du dévouement à un parti qui l’avait pourtant abreuvée d’humiliations, et ses voyages en Angleterre, qui avaient pour but apparent la recherche de ses diamants volés étaient bien plutôt des missions acceptées avec quelque courage auprès des émigrés.

Un grand amour l’avait purifiée, au reste, et, dans un temps où la passion s’ennoblissait par tous les dangers que l’on courait, sa liaison avec le duc de Brissac eut une sorte de beauté héroïque. Quel épilogue à ces amours ! Un jour, Brissac était massacré, à l’Orangerie de Versailles, et dans la chambre de Mme du Barry, on jetait la tête coupée de l’homme qu elle avait chéri !...

Voici encore qui relève Mme du Barry, dont la vie, naguère, avait été si brillante et si fêtée, et à qui le malheur avait fait une autre âme. Après une longue lutte contre les dénonciations, elle avait fini par succomber. Elle avait été arrêtée elle était la Conciergerie, attendant son jugement. Un Irlandais, un aventurier fécond en ressources, parvint à s’introduire dans sa prison et à lui communiquer un plan d’évasion qu’il avait formé en sa faveur. Ce projet était hardi, mais non irréalisable.

– Pouvez-vous sauver deux personnes ? demanda Mme du Barry.
– Non, une seule, répondit l’Irlandais.
– Eh bien, ce n’est pas à moi qu’il faut songer.

Et elle donna tout ce qu’elle possédait pour que l’homme entreprît de délivrer Mme de Mortemart, la fille de ce Brissac qu’elle avait tant aimé et auquel elle restait fidèle par delà la tombe. Cette abnégation n’est pas, on en conviendra, d’une âme vulgaire. L’Irlandais lui obéit et put, en effet, arracher Mme de Mortemart à l’échafaud. Il réussit à la faire passer en Angleterre. Ce fut donc par un acte de dévouement que Mme du Barry termina son existence. A lui seul, ne rachèterait-il pas bien des fautes ? Il y eut, du moins, un moment où elle fut admirable. On est loin, là, de la légende de cynisme et ensuite de faiblesse, de l’ancienne favorite, tant diffamée, semblant résumer en elle toutes les folies et toutes les erreurs d’une époque.

Quel est l’intérêt des recherches actuelles sur cette femme dont la destinée offre tant de contrastes ? s’interroge Jean Frollo. Simplement celui de la vérité. Et, à tout prendre, n’y a-t-il pas quelque satisfaction à découvrir, fût-ce dans le passé, moins de mal qu’on ne le supposait ? Sait-on que la dernière personne qui avait connu Mme du Barry mourut en 1862 seulement, à Versailles. C’était sa cousine et son héritière, Mlle de la Neuville. Elle avait quatre-vingt-douze ans. Sous le second Empire, elle pouvait parler encore de la maîtresse de Louis XV.

 

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 08:06

Marion Sigaut, historienne, auteur, nous parle du règne de Louis XV, de ses deux ouvrages "La marche rouge" et "Mourir à l'ombre des Lumières, l'énigme Damiens".

 

On apprend au sujet des enlèvements d'enfants, dans les années 1750, que ceux-ci étaient envoyés à l'Hôpital général de Lille, lieu de renfermement des mendiants et miséreux, mais aussi siège d'un réseau pédophile tenu par des magistrats de l'époque, des magistats tout-puissants capables de faire prévaloir leur avis sur celui du roi pour agraver la peine et le supplice de Damiens, mort écartelé, pour tentative d'assassinat de Louis XV en 1757.  

 

Quelques autres éclairages sur saint Vincent de Paul, qui souhaitait faire tout ce qui est humainement possible pour soulager la misère humaine, et en face de lui, on trouvait la "Compagnie du Saint-Sacrement", organisation secrète de notables et de bourgeois qui au XVIIIe siècle regroupaient les juges jansénistes, opposants à l'"absolutisme royal"..., mais malgré tout "plus papistes que le pape, plus royalistes que le roi"...et qui tenaient d'une manière absolutiste l'Hôpital général, sans aucun contrôle. Molière a parlé d'eux sous le nom de bigots, d'hypocrites, pour qui les miséreux étaient des "fainéants". Le supplice de Damiens était pour les juges une manière de dissuader toute recherche à leur encontre. Des magistats qui avaient des moeurs guère éloignées de ceux des juges d'aujourd'hui.

 

La marquise de Pompadour, également abordée, fut véritablement la "corruptrice du roi".

 

Edit Christroi 05/03/2012 10:05. Un message de Marion Sigaut m'informe à propos des enlèvements d'enfants dans les années 70 à Paris que ceux-ci étaient envoyés à la Salpêtrière et non à Lille.

 

 

 

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 08:17

Jésus selon Jean-Christian Petitfils,

par l'abbé Denis Puga

Jean-Christian Petitfils vient de publier chez Fayard une vie de Jésus.

Spécialiste de l'histoire française des XVIIe et XVIIIe siècles, auteur de nombreux ouvrages appréciés à juste titre sur cette période, il tente dans son nouveau travail une aventure d'historien à la recherche des données historiques sur la vie du Christ. Avant lecture on aurait pu s'attendre à une étude fouillée (le livre comporte plus de 650 pages !) de l'historicité des documents évangéliques, de leur crédibilité et à partir de là découvrir l'élaboration d'une vie de Jésus fondée sur des faits indubitables en montrant par exemple leur corrélation et leur conformité avec les données de l'histoire de l'Antiquité.

 

Un postulat regrettable

Mais tout en proclamant vouloir ne faire qu’œuvre d’historien, l’auteur s’engage dans une toute autre voie non scientifique. Cherchant son inspiration auprès de quelques exégètes modernes du XXe siècle comme Xavier Léon Dufour, le P. Benoit, le P. Grelot et surtout en se mettant aveuglément à la remorque des thèses de l’Ecole Biblique de Jérusalem, Jean-Christian Petitfils part d’un a priori : le genre littéraire des évangiles, et tout spécialement des évangiles que l’on nomme synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), serait un genre tout à fait à part. En effet l’intention des auteurs ne serait pas de nous rapporter les événements tels qu’ils se sont déroulés en réalité mais tels que les auteurs les ont perçus et entendent les transmettre aux fidèles. Bien entendu, en aucun endroit de son ouvrage Jean-Christian Petitfils ne nous explique, et encore moins ne nous démontre, pourquoi il en aurait été ainsi et pourquoi, surtout, il a choisi, lui historien, de suivre cette thèse qui a toujours été rejetée dans l’Eglise catholique jusqu’au milieu du XXe siècle. Mais, comme le déclare notre auteur sans nostalgie aucune, c’était une « époque pas si lointaine où l’on tenait les écrits évangéliques pour vérité historique irréfragable » (p. 469). Saint Pie X stigmatisait déjà il y a un siècle les exégètes modernistes : « Il semblerait vraiment que nul homme avant eux n’a feuilleté les livres saints, qu’il n’y a pas eu à les fouiller en tous sens une multitude de docteurs infiniment supérieurs à eux en génie, en érudition » (encyclique Pascendi). Les vingt pages de bibliographie à la fin de cet ouvrage sur Jésus sont  éloquentes : 98 % des études citées sont postérieures aux années soixante. En un mot avant le concile Vatican II, il semblerait que la véritable exégèse n’ait pas existé. Des grands noms qui ont illustré, tant dans les universités romaines que dans les instituts catholiques, la défense de l’historicité des évangiles, pas un seul n’est cité, comme par exemple les pères Tromp, de Grandmaison, Renié, l’abbé Fillion etc…

Influencé par les études de Xavier Léon-Dufour, Jean-Christian Petitfils manifeste une préférence indéniable pour l’Evangile de Jean (qui, pour notre auteur, n’est pas de saint Jean l’apôtre…) au point d’entreprendre de nous libérer en matière historique de la « Tyrannie du Jésus des Synoptiques » (p. 544). C’est pourquoi, tout au long de son ouvrage, il n’a de cesse de mettre en doute la réalité des événements que les évangiles de Matthieu, Marc et Luc nous rapportent. Un épisode rapporté par ceux-ci viendrait à être absent de l’évangile de Jean, aussitôt la suspicion apparaît quant à sa vérité. Cela n’empêche pas l’auteur de prétendre que Jean lui-même n’est pas forcément toujours fidèle à l’histoire réelle, la part de symbolique ayant son rôle !

 

Une vision partiale et fausse

Quelles vont être les conséquences de l’application par l’auteur d’un tel filtre d’a priori sur l’historicité de nos évangiles ? Donnons quelques exemples tirés de l’ouvrage lui-même. Il ne sera pas alors difficile au lecteur de comprendre que, pour Jean-Christian Petitfils, il y a un fossé entre le Christ de la Foi et le Christ de l’Histoire.

Le récit de la tentation du Christ au désert est un « récit fictif illustrant une idée théologique ». (p. 96). Le voir autrement serait faire preuve d’une « lecture fondamentaliste.» (Idem).

La prière et l’agonie de Jésus à Gethsemani : « Le récit des synoptiques est une construction élaborée à partir de diverses traditions et phrases hors de leur contexte » (p. 290). « Historiquement il n’est pas simple de dire ce qu’il s’est passé » et l’auteur de renvoyer l’épisode au dimanche de l’entrée triomphale dans Jérusalem en l’assimilant à un tout autre épisode rapporté par l’évangile de Jean.

Le baiser de Judas ? « Peut-être une figure littéraire et symbolique soulignant la perfidie extême » (p. 309).

La comparution de Jésus devant le Sanhédrin dans la nuit du jeudi au vendredi durant laquelle le Christ se déclarant Fils de Dieu ce qui lui vaut d’être déclaré digne de mort ? Lisez bien : « Jésus n’a jamais comparu devant le Sanhédrin ». « Les évangélistes ont agrégé dans un procès fictif l’ensemble des éléments qui l’opposaient aux autorités juives ». (p. 320).

Le procès devant Ponce-Pilate ? Sur le plan historique affirme l’auteur, « il n ‘y a aucune certitude que les événements se sont passés comme Matthieu les rapporte » ; (p. 350). Et bien sûr Jean-Christian Petitfils, pour ne pas aller à l’encontre de la pensée dominante contemporaine, n’hésite pas à déclarer que les paroles des Juifs réclamant sur eux la responsabilité du sang qui va être versé (paroles qui selon lui n’ont probablement pas été prononcées !) « vont nourrir chez les chrétiens un antijudaïsme, une haine des Juifs comme peuple déicide, que rien, absolument rien ne justifie. Elles vont servir de prétexte à des siècles de meurtres, de pogroms et d’incompréhension » (p. 350). Trois fois l’auteur réaffirme cela dans son ouvrage.

« Mon Père pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Que penser de cette parole de Jésus sur la Croix ? « Ce cri de détresse a-t-il réellement jailli de la bouche de Jésus » se demande l’auteur ? « Certains en ont douté. » Mais on peut « supposer un arrière fond historique ». D’où la question qu’il se pose, sans y répondre : « A partir de quel élément réel les synoptiques ont-ils élaboré leur version ? » Il avance cependant une hypothèse « Jésus aurait simplement soupiré : Mon Dieu, c’est toi » ! (p. 393). Comme on le voit en quelques lignes il ne reste quasiment rien de l’historicité de l’une des paroles les plus sublimes et bouleversantes du Christ méditée par les générations de chrétiens depuis les origines de l’Eglise.

Pour les récits de la Résurrection du Christ, il en est de même : « On n’est pas obligé de croire littéralement Matthieu lorsqu’il nous dit que l’Ange s’adresse aux femmes pour leur dire que le Christ est ressuscité » p. 434. Et l’auteur de conclure : « C’est ici au tombeau vide que s’arrête l’Histoire et que commence la Foi. L’historien sans s’engager sur la résurrection de Jésus ne peut à partir de ce moment qu’enregistrer les témoignages, les confronter » (p. 432). Mais permettons-nous d’objecter gravement à l’auteur : si l’historien ne peut me dire si les témoignages sur la résurrection de Jésus sont crédibles, qui pourra m’en donner la certitude pour me permettre de poser mon acte de Foi ?

 

Les récits de l’enfance

Jean-Christian Petitfils n’examine les récits évangéliques de l’enfance de Jésus qu’à partir de la page p. 451 dans son épilogue. Cela en dit déjà long sur l’estime que l’historien qu’il se veut d’être leur porte ! Que dit-il ? « Ces récits n’entretiennent pas le même rapport avec l’Histoire que les récits de la vie publique de Jésus. » (Et nous avons vu auparavant que l’historicité de ces derniers avait déjà beaucoup de lacunes !) « Ils sont le fruit d’une activité rédactionnelle élaborée… dans le dessein spécifique d’exalter l’origine divine de Jésus dans sa conception (p. 454)… Leur théologie prend volontairement la forme du merveilleux.

Leur écriture colorée, enjolivée d’anecdotes, fait la joie de la piété populaire. » (p. 455). Et l’auteur de citer le cardinal Ratzinger : « Ces récits débordent radicalement le cadre de la vraisemblance historique ordinaire et nous confrontent avec l’action immédiate de Dieu ». Tout est là, pour Jean-Christian Petitfils et ses inspirateurs : sans la foi, il est impossible de dire ce que fut historiquement l’enfance de Jésus.

Concluons. Tout l’ouvrage est sous-tendu par une vision moderniste de l’inspiration des écritures, que le pape saint Pie X a parfaitement stigmatisée et condamnée dans son encyclique Pascendi : « Ils distinguent, dit le Pape, soigneusement l’Histoire de la foi et l’histoire réelle ; à l’histoire de la foi, ils opposent l’histoire réelle, précisément en tant que réelle ; d’où il suit que des deux Christ l’un est réel ; celui de la foi n’a jamais existé dans la réalité ; l’un est venu en un point du temps et de l’espace, l’autre n’a jamais vécu ailleurs que dans les pieuses méditations du croyant ».

Jean-Christian Petitfils, en écrivant son « Jésus » ne s’est sans doute pas rendu compte qu’en se mettant à l’école d’exégètes modernistes plutôt que d’agir en véritable historien, il perd toute vision objective de la véritable histoire de Jésus. Pour le non chrétien, cet ouvrage ne pourra l’amener qu’à la conclusion que l’on ne possède guère de sources crédibles sur l’histoire du Christ. La foi du lecteur chrétien, quant à elle, sera ébranlée au point qu’il finira par se demander si le Christ auquel il croit est bien le même que celui qui a vécu parmi nous. Echappé de sa période historique habituelle où il excelle, Jean-Christian Petitfils a fait une téméraire incursion dans l’Antiquité Chrétienne.

Ce fut un désastre. Vite, qu’il retourne à son époque de prédilection ; c’est là que nous l’apprécions.

Jésus, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011, 670 pages.

Abbé Denis PUGA

Article extrait du Chardonnet n° 275 de février 2012

 

Notes

Pour aller plus loin, lire notamment l’encyclique Providentissimus de Léon XIII sur l’inspiration biblique, l’encyclique Pascendi et le décret Lamentabili de saint Pie X sur les erreurs modernistes, Cent ans de modernisme par l’abbé Bourmaud (chez Clovis), Centenaire de l’encyclique Pascendi, actes du symposium 9-10-11 novembre 2007 (chez Clovis) ainsi que le Catéchisme sur le modernisme d’après l’encyclique Pascendi Dominici Gregis de S.S. Pie X, éd. Forts dans la foi, n° 32-34.

 

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 00:01
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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 00:00

(Extrait de « Protestation présentée au peuple français
contre le jugement de Louis XVI », paru en 1793)

 

En 1793, quelque temps après que le jugement condamnant Louis XVI ait été prononcé, paraît, sous le titre de Protestation présentée au peuple français contre le jugement de Louis XVI, un pamphlet dont l’auteur se propose de démontrer que la condamnation prononcée revêt tous les caractères d’une décision nulle au sens juridique. Entre autres arguments, il avance que ceux qui l’ont rendu ont cumulé deux pouvoirs cependant que le texte des droits de l’homme stipule explicitement qu’ils doivent être distincts et séparés ; qu’ils ont déclaré Louis XVI jugeable par eux avant que l’abolition de la royauté ne fût prononcée ; qu’en leur qualité de juges ils auraient dû respecter une majorité des deux tiers ; qu’ils ont rejeté l’appel légitime au peuple que Louis XVI avaient formulé devant eux...

 

Qui sont ces mandataires, pour se rendre tout puissants et exercer sans notre aveu, et pourtant en notre nom, un acte de souveraineté absolue dans la cause la plus sérieuse qui puisse affecter une nation, le jugement et la condamnation de son Roi ? Je ne ferai que leur répéter ce que Pétion leur a dit dans la tribune : « Où sont ces mandats, où est cette mission expresse qui vous donne le droit de vous élever au-dessus de la sanction du peuple ? »

Vous n’êtes pas seulement ses mandataires élus dans ses assemblées primaires ; vous ne tenez vos pouvoirs que de ses électeurs ; avons-nous autorisé nos électeurs à nous donner des despotes qui puissent réunir à la faculté de faire des lois, celle de les appliquer ? Les avons-nous surtout autorisés à exercer la justice suprême, et à méconnaître la souveraineté du peuple par un honteux rejet de l’appel interjette à son autorité ?



Interrogatoire de Louis XVI


Si ces étranges juges avaient respecté cet appel, voici, Citoyens, ce que je vous aurais dit. Chez aucun peuple on n’a exactement défini les cas où une nation doit ou peut selon l’équité reprendre l’exercice de la souveraineté, lorsqu’elle l’a une fois délégué, soit à un seul, soit à plusieurs magistrats perpétuels. Le peuple le plus célèbre de l’antiquité, celui chez lequel les sages des autres nations allaient puiser des leçons, les Egyptiens jugeaient aussi leurs Rois, mais ce n’était qu’après leur mort ; ils condamnaient ou absolvaient la mémoire, et non la personne. Est-ce par respect pour le représentant perpétuel auquel ils avaient délégué l’autorité suprême ? Non, ce motif n’était que secondaire ; ils pensaient que le repos public était intéressé à l’inviolabilité d’un Roi vivant, et que c’était assez pour eux, que de proposer à ses successeurs, ou un objet de malédiction qui pût les effrayer, ou un modèle qu’ils dussent imiter.

 Est-il des cas où un Roi puisse être frappé d’une mort civile, dont les effets soient semblables à ceux d’une mort naturelle ? Je ne traiterai point cette question délicate, qui, heureusement pour le repos des nations, devient très rarement le sujet d’une discussion.

 

 Mais si la Convention Nationale avait envisagé cette affaire mémorable sous ce point de vue, elle aurait pris une marche plus assurée ; celle qui est la plus régulière est toujours la plus sûre, et les formes ont toujours été et seront toujours les conservatrices du fondement de toutes les lois ; avant de décréter que Louis XVI serait jugé par elle, elle aurait décrété l’abolition de la Royauté, et si nous avions confirmé ce décret par notre sanction formelle, Louis XVI fût tombé dans le cas de la mort civile, comme Roi, alors nous eussions condamné ou absous la mémoire de son règne. La Convention a précisément fait l’inverse ; avant d’abolir la Royauté, elle a décrété que Louis XVI serait jugé par elle ; par cette marche elle lui a laissé son inviolabilité au moment même qu’elle y portait atteinte, et elle a déclaré jugeable un être qu’elle reconnaissait encore revêtu de la Royauté.

 

 J’avoue, Citoyens, qu’à la vue de cette contradiction mon embarras est extrême, et je n’ai plus de base certaine pour un jugement ; car si avant l’abolition de la Royauté, Louis XVI n’était pas jugeable, comment a-t-il pu être condamné depuis, lui, qui resserré dans une étroite prison, n’a pu se rendre coupable d’aucuns faits postérieurs ?

 

 Mon embarras redouble, lorsque je considère que le décret de l’abolition de la Royauté n’a pas été porté à la sanction formelle du peuple. Des adresses d’adhésion, fussent-elles venues de tous les départements, de tous les districts, peuvent-elles suppléer à renonciation du vœu de l’universalité, ou seulement de la majorité du peuple français, légalement convoqué dans ses assemblées primaires ?

 

 De tous les discours qui ont été prononcés à la tribune, dans cette cause qui intéresse tous les peuples, celui du Citoyen Pétion m’a paru renfermer les raisonnements les plus spécieux ; c’est donc à eux que je m’attacherai plus particulièrement.

 

 Il fait d’abord à l’assemblée dont il est membre, cette question : « Pouvions-nous renvoyer ce procès devant un tribunal national ? » Je ne répondrai pas que non, parce que nos commettants n’avaient pas limité nos pouvoirs. Mais de ce que ces pouvoirs n’étaient pas énoncés dans les mandats , peut-on en conclure qu’il fussent illimités ! La conséquence serait absurde ; autant vaudrait-il dire que les commettants ont entendu rendre leurs délégués tout puissants. Le parlement d’Angleterre est aussi composé de représentants dont les pouvoirs ne sont pas spécifiquement énoncés dans leurs mandats, prétendrait-on pour cela, que des pouvoirs sont illimités ? Toute l’Angleterre crierait à l’anathème et à l’usurpation ; elle entend que les pouvoirs de ses représentants soient limités, non seulement par les règles éternelles et générales de la justice naturelle, mais encore par les principes de sa constitution particulière.

 

 Il est vrai qu’au moment de la convocation de l’assemblée actuelle, ses pouvoirs n’étaient pas définis par une constitution préexistante, puisque c’est pour en former une durable qu’elle a été principalement convoquée. Mais il est impossible de supposer qu’il soit entré dans l’intention de ses commettants, qu’elle pût s’élever au-dessus des règles de la justice éternelle ; c’est pourtant ce qu’elle eût fait, si, à l’exemple de Cromwell, elle eut donné à Louis XVl, des juges auxquels elle eût pu être soupçonnée vouloir dicter leur sentence.

 

 Pe’tion s’est donc trompé en insinuant que la convention aurait pu renvoyer le procès de Louis XVI devant un tribunal national ; son procédé n’eût été régulier qu’autant qu’elle aurait demandé au corps collectif de la nation et un juré d’accusation et un juré de jugement. Par cette marche, elle aurait concilié la dignité de sa mission avec le vœu de la justice naturelle. Cette marche eut évité au citoyen Pétïon l’embarras de répondre à un argument de la plus grande force, par une distinction sophistique. Il avoue que dans la thèse générale, un législateur ne peut être juge, mais il excepte le cas où une mesure de sûreté serait inséparable d’un jugement particulier.

 

 Sans doute la nécessité excuse dans de certains cas, si elle ne justifie pas une violence faite aux règles générales. Mais en supposant que la sûreté publique exigeât que Louis XVI fût jugé, où était la nécessité qu’il le fût par la convention ? ou au moins quel devait être le juge de cette nécessité ? N’est-ce pas le corps collectif de la nation lui-même ? C’est donc lui qu’il fallait consulter, et il aurait pourvu à la forme de l’instruction comme à celle du jugement.

 

 Le citoyen Pétion confirme lui-même cette réflexion. Il trouve qu’il y aurait eu de la timidité dans la convention à ne juger que le fait, et il voulait qu’elle prononçât aussi la peine ; cependant un instant après, il convient que le refus du renvoi du jugement au peuple serait une usurpation de pouvoir.

 

 Que Pétion s’accorde donc avec lui-même. Si la convention n’avait ni mandats, ni mission pour prononcer en dernier ressort sur Louis XVI, en avait-elle davantage pour le juger en première instance ? Où sont ses mandats, sa mission pour cela ?


Si donc le jugement porté contre Louis XVI était nul et incomplètement rendu par la convention en première instance, à combien plus forte raison est-il infecté de ces vices, quand on le considère comme un jugement souverain et sans appel ? Ou toutes les notions que nous avons sur la souveraineté sont fausses, ou l’appel des jugements est son principal attribut ; si donc elle réside dans le peuple, personne ne peut, sans une mission spéciale de sa part, exercer la justice souveraine, à moins d’usurper son pouvoir.

 

 Jusqu’à présent, je n’ai parlé qu’au raisonnement : appelons au conseil le sentiment, et laissons à la seule humanité à prononcer. Tout le peuple français a accepté, juré, et est disposé à maintenir cette partie de la constitution qui, dans toutes les poursuites criminelles, exige impérieusement un juré d’accusation distinct du juré de jugement. Quelle est en effet la horde sauvage qui donnerait à un accusé pour juges ses dénonciateurs Se ses accusateurs ? Je ne crois pas qu’il en existe de cette espèce sur la surface de la terre ; c’est pourtant ce qui vient d’arriver dans l’affaire de Louis XVI de la part d’un tribunal indéfinissable et tel que l’inquisition n’en a jamais fourni d’exemple, ni même donné l’idée ; et pour achever le prodige, on a vu des hommes qui avoient notoirement et publiquement ouvert leur avis, avant le jugement, opiner à la mort ; on en a vu d’autres qui, sans voir les pièces du procès, ni en entendre aucune des défenses de l’accusé, ont envoyé par la poste, de deux cent lieues de l’instruction, leur avis également à la mort.

 

Le voilà donc qu’il se transforme en juré de jugement, ce même tribunal qui 24 heures avant, avait pris la forme de juré d’accusation ; bientôt nous lui verrons prendre la qualité de juge sans appel ; c’est-à-dire, que nous le verrons, successivement proposer l’accusation , déclarer l’accusé convaincu, et prononcer arbitrairement la peine.

 

Dans quels termes propose-t-il l’accusation ? Louis est-il coupable ? Cette question ainsi posée, était évidemment insidieuse ; car pour des faits qui se sont passés durant le règne de la constitution, Louis XVI ne pouvait être accusé que comme Roi Constitutionnel. La question devait donc être posée dans ces termes : « Louis XVI est-il, ou non coupable d’avoir violé la constitution qu’il avait acceptée ! » Si la preuve du fait avait été acquise, le juré de jugement aurait eu un seul mot à prononcer ? « Coupable ». Alors les juges n’auraient eu autre chose à faire qu’à ouvrir le code de la constitution, et à déclarer la peine qui y est écrite, la déchéance.

 

Mais ce n’est point ainsi qu’on a procédé ; le juré de jugement a dénaturé la question proposée par celui d’accusation, et en ajoutant au mot coupable ceux de haute trahison, il a transporté la cause et l’accusé, du code constitutionnel au code pénal, c’est-à-dire qu’il a renvoyé Louis XVI, qui ne devait être jugé que comme roi d’après la constitution, dans la classe des citoyens ordinaires qui se rendraient coupables de haute trahison. Sous ce point de vue, l’assemblée devenait doublement incompétente en enfreignant la loi de la constitution non encore abolie, et en violant une loi en pleine vigueur, celle des jurés.

 

Si, dans une cause ordinaire, un juré de jugement dénaturait les termes de l’accusation, en y ajoutant ou en en altérant le sens, son prononcé serait indubitablement dans le cas de la cassation, celui de l’assemblée qui a déclaré Louis XVI coupable de haute trahison, tandis qu’il ne pouvait l’être que de contravention à la constitution, peut-il échappera la censure ?

 

On voit d’avance le préjudice que cette erreur devait causer à l’accusé, car lorsqu’une fois le juré de jugement l’a déclaré convaincu d’un fait exactement défini, il ne reste plus aux juges qu’à ouvrir le livre de la loi, et à prononcer la peine qui y est textuellement écrite ; ils ne sauraient être ses interprètes, ils ne doivent en être que les organes ; ils ne peuvent délibérer entre eux sur l’application de la peine, que dans le cas où il n’y aurait à juger que l’intention de l’accusé, ou dans celui où il y aurait eu erreur dans le prononcé du juré.

 

Ainsi, cette fastueuse séance de trente-six heures, qui paraît avoir été apprêtée au théâtre, dans le jugement de Louis XVI, devenait entièrement inutile ; le prononcé qui le déclarait coupable de haute trahison le renvoyait nécessairement au code pénal, où est écrit la mort. Si on peut être surpris, c’est de ce qu’il se soit trouvé parmi les votants, des hommes qui, après avoir prononcé le mot traître, aient opiné à une peine différente de celle qui est écrite ; tant il est vrai que dans ce procès, qui est le sceau de la fatale destinée de Louis XVI, tout devait être marqué au coin de l’arbitraire.

 

Enfin on compte les voix ; la première qui vient douloureusement affecter nos oreilles, est celle d’un renégat ; quel est le tigre qui l’engendra, et quelle est la louve qui le porta dans ses flancs impurs ? cependant sa voix est comptée. Plusieurs autres viennent après, qui, revêtus du caractère de pasteurs d’une communion qui abhorre le sang, ne se font pas de scrupule d’appeler sur eux celui d’une illustre victime, et leurs voix sont comptées. Vient ensuite la troupe incendiaire des dénonciateurs, des accusateurs, de ceux qui avoient ouvert leur opinion avant le jugement ; et leurs voix sont comptées.

 

Enfin, le président proclame le résultat de l’appel nominal et dit : l’assemblée est composée de sept cent quarante-cinq membres ; un est mort, six sont malades, deux sont absents sans cause, onze sont absents par commission, et quatre non votants : ce qui fait en tout vingt-quatre membres qui n’ont point donné de voix ; le nombre des votants se trouve ainsi réduit à sept cent vingt-un ; pour que la majorité soit acquise, il faut une réunion de trois cent soixante-un suffrages ; c’est-à-dire, la moitié plus un.

 

Il y a eu dans le premier recensement des voix une erreur, qui a été rectifiée dans le second appel nominal sur le sursis ; le président a proclamé que sur 748 membres, au lieu de 745, 17 étaient absents par commission, 21 par maladie, 8 sans cause, 12 non votants. L’assemblée étant ainsi réduite à 690 votants, il s’en est trouvé 310 pour le sursis, et 380 pour l’exécution, ce qui ne faisait encore qu’une majorité absolue, et une différence de 70 voix, tandis que celle des deux tiers était requise ainsi qu’une différence de 230 voix. Mais d’abord, quant à la réduction des suffrages, a-t-on renoncé, dans cette assemblée, à ce que les mœurs publiques ont consacré chez toutes les nations ? et l’estime publique est-elle au nombre de ces préjugés, sur la ruine desquels le règne philosophique doit s’établir ? je veux parler des récusations ; il n’y a pas un peuple policé sur la terre, qui n’en ait consacré l’usage, comme par instinct ; il n’en est pas un qui ne notât d’une sorte d’infamie ceux de ses juges, qui ne s’abstiendraient pas volontairement de prononcer dans une cause, dans laquelle il y aurait des moyens notoires de récusation à proposer contre eux.


J’interpelle ici le président, et je lui demande s’il n’était pas de sa dignité et de celle de l’assemblée de lui dire : « Citoyens ! s’il en est parmi vous qui tiennent à l’accusé par les liens du sang ou de la parenté ; s’il en est d’autres dont le caractère religieux répugne, chez tous les peuples de l’Europe, à l’effusion du sang ; s’il en est enfin qui aient manifesté leur opinion avant le jugement, je les avertis que l’honnêteté publique les invite à se retirer ; l’Europe qui vous contemple les verrait avec indignation conserver le caractère de juges, et les défenseurs de l’accusé, qui sont là, leur diraient tout bas, en fixant les yeux sur eux : Hunc egero, iniquus est.

Je les récuse donc, moi, et je crois que tous les hommes honnêtes en feront autant. Si on en porte le nombre à vingt seulement, celui des votants se trouvait réduit à sept cent un. Ici se présente la question, comment la majorité des suffrages devait être acquise ; est-ce la majorité absolue, ou la majorité requise dans un juré de jugement ? Dans le premier cas, il ne fallait que la moitié plus un, c’est-à-dire, trois cent cinquante et une voix ; dans le second , il fallait les deux tiers, c’est-à-dire quatre cent soixante-six.

 

Or, il n’y en a eu que trois cent soixante-six pour la mort ; donc, il s’en faut de cent voix que la majorité eut été acquise dans un juré de jugement. Mais, dit-on, la question sur la majorité avait été proposée, et il avait été décrété qu’on s’en tiendrait, dans ce jugement, à la majorité absolue, comme dans la formation des décrets ordinaires de l’assemblée ; mais répondez à ce dilemme : si vous avez prononcé comme législateurs, vous avez outrepassé vos pouvoirs ; si vous avez prononcé comme juges d’un juré, il vous fallait suivant votre propre code, les deux tiers des voix.

 

 Vainement dira-ton que le code n’astreint que les jurés à une majorité des deux tiers, et que les juges, en appliquant la peine, peuvent s’en tenir à une majorité absolue. Pur sophisme ! Lorsque le juré a déclaré le fait, les juges ne peuvent plus délibérer sur l’application de la peine, que dans le cas où il y aurait eu erreur dans le prononcé du juré ; or cette erreur n’a point été objectée ni mise en question ; en tout cas elle n’aurait pu être interprétée qu’en faveur de l’accusé ; les juges étaient donc astreints à suivre dans le prononcé du jugement, la même majorité qu’ils avaient suivie dans celui du juré ; or cette majorité était des deux tiers.

 

Ainsi sous tous les rapports le jugement prononce contre Louis XVI est nul.


Il est nul en ce que ceux qui l’ont rendu ont cumulé deux pouvoirs, qui, suivant le texte exprès des droits de l’homme, doivent être distincts et séparés.

 

 II est nul en ce qu’ils ont déclaré Louis XVI jugeable par eux, avant que l’abolition de la royauté ne fût prononcée.

Il est nul en ce qu’ils ont cumulé dans leurs personnes la qualité de juré d’accusation et celle de juré de jugement, tandis que suivant le code criminel, ces deux jurés doivent être distincts et séparés.

 

Il est nul en ce que, comme juré de jugement, ils ont déclaré Louis XVI coupable de haute trahison, tandis que l’accusation ne portait que sur le mot pur et simple de coupable.

 

Il est nul en ce qu’ils n’ont ni proposé, ni jugé les récusations de droit, que la notoriété publique élevait contre un grand nombre d’entre eux.

 

Il est nul, en ce qu’en leur qualité de juges, ils ont, dans l’application de la peine, suivi une majorité de suffrages différente de celle qu’ils avoient suivie dans le juré de jugement.

 

Il est nul enfin, en ce qu’ils ont rejeté l’appel au peuple, que Louis XVI a porté devant eux.

 

Je proteste, en mon nom, comme membre du corps collectif de la nation contre un rejet, qui porte une atteinte formelle à la souveraineté du peuple. J’avoue que je ne puis m’étonner assez que les défenseurs de Louis XVI dont je me plaisais à considérer les lumières, autant que je respectais leur généreux dévouement, n’aient pas suivi dans cet appel, la marche que la hiérarchie judiciaire indiquait naturellement.

 

L’appel d’un jugement n’est autre chose que le recours au souverain ; c’est ainsi qu’il est qualifié chez la plupart des nations de l’Europe. Il faut donc qu’il soit porté directement et par un acte solennel par devant le supérieur, en même temps qu’il est notifié à l’inférieur afin de suspendre l’exécution du jugement de celui-ci. 

 

 (...)

 

Louis XVI vivant était intéressé à faire abjurer à son fils tout sentiment de vengeance ; Louis XVI mort sur un échafaud lui donne le monde entier pour vengeur. Quelle sera la première démarche des armées étrangères qui vont fondre sur le territoire français ? Car, ne nous le dissimulons plus, ses frontières vont être envahies ; c’est de rendre les départements où elles pénétreront, responsables de la mort tragique de leur roi. Que diront ces départements ? Qu’ils n’ont eu aucune part à cet attentat, et qu’ils le désavouent. Que deviendront alors leurs députés ? Quel asile trouveront-ils ?

 

 Ah, citoyens ! Cessez d’être les dupes des rêves politiques dont on vous entretient depuis trop longtemps ; « Abattez, vous ont-ils dit, la tête de Louis XVI, et la terreur fera crouler tous les trônes des despotes. » Cette prédiction, croyez-moi, ne se vérifiera pas plus que celles qui vous annonçaient, il y a dix mois, la défection de leurs armées, et après elle, celle de leurs peuples ; mettez un terme à vos illusions et aux perfides suggestions de ceux qui ont entrepris de vous égarer ; expiez, s’il est possible, le crime épouvantable dont la France vient d’être souillée, et vengez vous-mêmes le ciel de la témérité de ces nouveaux Titans, qui, en bravant la foudre, la feront tomber sur vous-mêmes.

 

Source : http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article5600

via http://www.democratie-royale.org/article-nullite-du-jugement-condamnant-louis-xvi-a-mort-pamphlet-de-1793-97404344.html

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 00:00

Chanson de la fin 1792 ou début 1793 réclamant la clémence pour le roi Louis XVI qui sera finalement exécuté le 21 janvier 1793.

interprétation : Simone Bartel, disque 33t "la révolution française, chants et chansons des rues et des salons "

Il faut pour notre gloire En ce jour , oh français
Quune œuvre méritoire, vous illustre à jamais
Pénétré dindulgence, votre sensible cœur
Toujours par la clémence, triomphe le vainqueur

Plus Louis fut coupable, plus soyons généreux
Pour être inexorable, en est on plus heureux ?
Fatale déchéance, suffit pour le punir
Elle est notre vengeance et fait son repentir

Lhonneur de la patrie, veut pour se conserver
Que Louis reste en vie, seule elle peut le sauver
Cet acte de clémence doit prouver à jamais
Toute la bienfaisance du bon peuple français.

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 23:58

Suite à des informations de médias polonais selon lesquels deux Allemands auraient retrouvé et sorti illégalement du territoire polonais des archives des SS du camp allemand d’Auschwitz-Birkenau, le musée du camp a demandé lundi à la justice polonaise d’ouvrir une enquête criminelle dans cette affaire, a indiqué lundi soir à l’AFP, un porte-parole du musée M. Pawel Sawicki. Selon le journal local Nowiny Jeleniogorskie et la radio publique Jedynka, deux citoyens allemands originaires du Schwarzwald (sud-ouest d’Allemagne) auraient déterré près de Przelecz Kowarska, un village en Basse Silésie dans le sud-ouest de la Pologne trois caisses avec des documents du camp d’Auschwitz-Birkenau. Source: http://www.lesoir.be/actualite/le_fil_info/2012-01-16/le-musee-d-auschwitz-birkenau-demande-une-enquete-sur-un-trafic-presume-d-archives-du-camp-890620.php

Il pourrait s'agir de documents de très grande valeur aussi bien historiques pour le Musée du camp, qu'en tant qu'éventuelles pièces à conviction dans des enquêtes toujours menées par l'Institut polonais de la mémoire nationale (IPN) contre des anciens criminels nazis, a souligné le porte-parole. Source: http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/01/16/97001-20120116FILWWW00642-auschwitz-enquete-sur-un-trafic-d-archives.php

 

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10 décembre 2011 6 10 /12 /décembre /2011 13:07

Le testament politique de Louis

Testament politique de Louis XVI : analyse d'Yves Marie Adeline (A.R)
  " Ne prononcez pas cette péroraison : Je veux les convaincre, non pas les attendrir. "

Et Mr de Sèze, avocat du Roi-martyr, jeta au panier la conclusion pathétique qu’il souhaitait donner à sa plaidoirie devant les Conventionnels. Oui, le roi voulait convaincre, pas attendrir.

Mais il a perdu ce combat. On décida sa mort, à une voix de majorité, celle de son cousin le duc d’Orléans, le prédécesseur des actuels princes d’Orléans : comte de Paris, duc de Vendôme, etc…


Et depuis ce temps, dans le meilleur des cas, Louis XVI vous attendrit. Mais il ne vous a pas convaincu. Le régime républicain à gagné cette ultime partie, capitale à ses yeux.  

Une partie capitale, parce que c’est sur ce socle, c’est sur cette tombe qui enferme le testament politique de Louis XVI (rédigé le 20 juin 1791, la veille de la "fuite à Varennes", à ne pas confondre avec le testament rédigé à la cour du Temple le 25 décembre 1792. Ndlr.), que repose sa solidité. Tant que vous ne connaîtrez pas ce testament, tant que vous aurez à l’esprit l’image mensongère que la république vous a donnée de Louis XVI, ce régime sera tranquille.

(Note de la rédaction du blogue: cet éditorial d'Yves Marie Adeline a été écrit en 2002 et figurait sur le premier site internet de l'Alliance Royale au moment où elle présenta ses candidats aux élections européennes de 2004; Le film "Louis XVI, le roi qui ne voulait pas être roi" passé sur FR2 le 29 novembre dernier, rétablit une partie de la Vérité sur ce grand Roi qui aima tant la France et ses Peuples; le texte suivant d'Yves Marie Adeline rétablit le reste de la Vérité qui manque encore au film. Les Français doivent enfin réaliser que tous nos rois jusqu'au dernier ont toujours voulu oeuvrer pour le bien commun et l'unité harmonieuse des peuples sous leurs juridictions et l'ont fait mieux que les 5 républiques)

C’est pourquoi, lorsque chaque année, le 21 janvier, jour de son supplice, des Français fidèles viennent comme en pèlerinage exprimer leur fidélité, leur piété filiale, c’est bien, c’est beau, c’est juste.

Et pourtant il y a toujours quelque chose qui me gêne ce jour-là : c’est le regard que la république porte sur ce geste annuel. Non pas, certes, un regard de bienveillance, ni de sympathie ; mais une sorte d'indulgence amusée: " Bah! laissez-les tranquilles, ils ne sont pas bien dangereux... ".

Et après tout, la République elle-même a rompu depuis longtemps avec sa haine de Louis XVI. Elle ne revendique plus son sang: c'est désormais inutile. Car elle a obtenu, et depuis longtemps, ce qu'elle cherchait à obtenir à tout prix. Et quand je dis: à tout prix, c'est le prix du sang et du mensonge qui, en s'agglomérant, ont constitué le ciment le plus solide de son régime.

Ce qu'elle voulait obtenir, c'est que tous les Français, royalistes ou non, aient dans leur esprit un portrait identique de Louis XVI: un portrait que la Révolution a dessiné à l'usage de tous.

Regardez-le bien, ce portrait: un homme bon sans doute, mais faible, irrésolu, qui n'était pas l'homme de la situation. Un homme bien gentil, mais qui incarne à merveille le mythe selon lequel la royauté était exténuée, expirante, surannée, vieillie, dépassée par une histoire nouvelle. Bref, une monarchie inadaptée aux nouveaux temps, et a fortiori à l'avenir.

Écoutez-moi bien: tant que ce portrait restera imprimé dans toutes les têtes, la République pourra respirer tranquille. A la limite, elle pourrait aujourd'hui accepter toutes les révisons de notre histoire, qu'elle a abondamment falsifiée depuis deux siècles. Toutes les révisions. Mais pas celle-là.

Oh, combien de fois ai-je lu, dans nos propres rangs, des ouvrages qui répondent inconsciemment à cette attente de la République?

Alors, vous vous dites fils de Saint Louis? Oui, ça ne la dérange pas.

Fils de Louis XIV? Mais oui, pourquoi pas?

Fils de Louis XVI? Ah non! Celui-là, c'est le dernier. Il ne doit pas exister une descendance politique de Louis XVI.

Chaque année donc, vous entendez le testament spirituel, pourrait-on dire, de Louis XVI. C'est bien. Mais il existe aussi une sorte de testament politique auquel personne, même parmi nous, ne fait attention... pour le plus grand bonheur de la République... Car c'est celui-là, c'est la seule chose que la République redoute par-dessus tout.

Et c'est de ce testament-là que je veux vous parler aujourd'hui.

Examinons, s'il vous plaît, le portrait mensonger que la République a dessiné pour nous " re "-présenter Louis XVI.

D'abord son aspect physique. J'ai été très frappé, en observant un jour une peinture datant de la Restauration, de constater que Louis XVI y était représenté de la même taille que les personnages qui l'entouraient. Cette peinture, pourtant, n'était pas l'œuvre d'un républicain. Mais l'infestation de la propagande républicaine avait déjà atteint son objectif. Alors que le Roi-martyr mesurait plus d'un mètre quatre-vingt-dix, que sa force musculaire était colossale. On raconte même qu'il jouait à tordre un fer à cheval pour amuser son fils, le Dauphin. Je ne sais si cela est vrai, mais ce témoignage exprime au moins l'étonnement de ses contemporains pour sa force naturelle.

Et que dire du mythe de Louis XVI en gros glouton? Souvenez-vous de ces listes de plats qu'il était censé ingurgiter à chaque repas sans défaillir. C'était oublier opportunément que Versailles était une immense machine administrative où l'on ne faisait pas ses courses au marché comme la ménagère. Alors, à table, on présentait au Roi une carte des plats, et il choisissait.
Imaginez que, dans deux siècles, de prétendus historiens écrivent que nous étions d'infatigables mangeurs, en exhibant comme preuve les cartes des plats disponibles dans nos restaurants! Eh oui, voilà comment la République refait l'histoire.

Plus récemment, j'ai vu un film qui le mettait en scène parmi d'autres personnages. Le comédien qui jouait le rôle affectait de zozoter, pour inspirer la moquerie au grand public! Jamais, bien sûr, le Roi n'a zozoté, jamais personne n'a jamais dit qu'il avait, comme on dit, un cheveu sur la langue. Mais c'est égal: l'important est de le rendre ridicule.

Ensuite, il y a le portrait intellectuel. Alors là, on atteint des sommets. Car après tout, le fait de zozoter n'est pas en soi un obstacle au talent! Prenons l'exemple de l'écrivain Émile Zola. Et remarquons d'ailleurs, au passage, que lorsqu'un comédien incarne cet auteur républicain, il ne zozote jamais... C'est amusant, n'est-ce pas? II semble que la vérité soit décidément insupportable à notre temps, jusque dans ses moindres détails.

Le portrait intellectuel de Louis XVI, tous ceux qui se souviennent de leurs années passées à l'école le connaissent: c'est celui d'un parfait imbécile. Sa seule passion, paraît-il, était de monter et démonter les serrures du Palais de Versailles. Il faudra attendre la fin du XX° siècle, avec les historiens Girault de Coursac, pour s'apercevoir que ceci est une légende, et que les passions intellectuelles du Roi sont plutôt la marine, la géographie, la découverte et l'exploration des terres encore inconnues.

Ah, la marine! Combien le Roi a-t-il dépensé d'efforts pour cela! Les défaites du règne précédent, qui nous avaient fait perdre les Indes et le Canada, n'avaient jamais été acceptées par le petit-fils du Bien-Aimé. II rêvait d'une revanche, non pas tant par vanité stérile que pour abattre la prépondérance anglaise sur les mers. Voilà qui explique la magnifique marine qu'il donna à la France. Notre longue histoire a toujours montré cette difficulté qu'éprouve la France à fournir simultanément deux efforts majeurs: la puissance terrestre et la puissance maritime. Depuis le Roi-Soleil, ni le Régent ni Louis XV n'étaient parvenus à ce qu'avait réussi Louis XVI. Pourquoi l'a-t-on oublié? Parce que c'est la République qui nous a instruits à l'école.

Dans le soulèvement américain, Louis XVI vit une première occasion de rééquilibrer le rapport des forces entre les deux nations sur les océans. Certes, il n'était pas envisageable, dans l'état des choses, de reprendre pied au Canada et aux Indes. Le prix qu'il fallut payer pour la seule indépendance américaine montre bien que la lutte pour la maîtrise des eaux eût été longue, et constituait l'un de ces grands desseins qui, lorsqu'ils réussissent, font l'avenir d'un grand pays.

La guerre fut coûteuse et l'entourage du Roi se découragea souvent. C'est Louis XVI qui s'obstina à aller jusqu'au bout. Aujourd'hui, la République, parlant au nom de la France, se vante volontiers de cette page d'histoire, parce que l'Amérique, non seulement est devenue la première puissance du monde, mais aussi représente la quintessence de l'État idéologique, déguisé sous ses parodies de religion héritées du Protestantisme. II apparaît que les deux républiques, française
et américaine, souhaitent maintenir sous une chape de silence le rôle du Roi de France dans cette affaire. A-t-on jamais traversé une Rue Louis XVI dans une ville des États-Unis? Mais après tout, le mépris dans lequel l'Amérique tient le Roi est bien réciproque, puisque Louis XVI se moquait bien sûr du tiers comme du quart des états d'âme de cette colonie anglaise: l'important, pour lui, était de saisir une bonne occasion d'affaiblir la puissance maritime de notre rivale.

La guerre fut coûteuse et l'opinion publique ne se passionna guère. De sorte que la Cour elle-même ne donna pas au pays l'exemple du patriotisme. Tandis que Marie-Antoinette refusait d'acheter le fameux Collier au motif qu'il valait mieux offrir un navire de plus à la France, les autres grands ne mesuraient pas l'enjeu que représentait notre aide aux Insurgés.

De plus, l'effort financier consenti par l'État était mal relayé par un système fiscal totalement inadapté aux dépenses d'une époque moderne. Il fallait donc une réforme, mais les privilégiés traînaient des pieds. Comment, alors, l'imposer? Nous y reviendrons.

Louis XVI gagna cette guerre, et la marine qu'il avait donnée à la France fut à la hauteur de sa tâche. S'il n'y avait pas eu la Révolution, que se serait-il passé? Il est difficile, bien sûr, de parler ainsi dans le vide. Mais le dessein du Roi ne laisse aucune doute sur ses intentions, et c'est là que ses vraies passions personnelles prennent tout leur sens. Il aurait multiplié les expéditions outre-mer, convaincu que l'avenir était là. Avec lui et après lui, la France aurait entamé plus tôt la constitution d'un empire colonial qui, peut-être, eût été plus important que celui que l'Angleterre put conquérir sans contrainte après l'écrasement de notre pays en 1815. Et qui sait même s'il n'aurait pas réussi à récupérer un jour nos anciennes possessions? Certes, les Français, qui se plaisent tellement dans leur pays de cocagne, n'ont jamais eu l'esprit colonial. Voilà encore une
incompréhension entre notre peuple et le plus savant de ses rois. Et, comme tous les savants, en particulier les savants scientifiques, Louis XVI répugnait aux longues explications.

Enfin, il y a le portrait politique du Roi. En quelques mots, il se résume à ceci: Louis XVI n'a rien compris à la Révolution, il a vu passer les événements de son regard hébété de gros bêta. En revanche, bien sûr, tout le monde autour de lui et partout ailleurs comprenait ce qui se passait. Sauf lui. Ah, s'il avait écouté ceux qui le conseillaient! Mais c'était un imbécile, vous dis-je. Il n'était pas l'homme de la situation. En définitive, il était la dernière incarnation d'un régime politique dépassé.

Avouons-le, mes amis, combien d'auteurs qui se voulaient ou se veulent royalistes ont répété ces fadaises républicaines, inconscients d'être infestés eux-mêmes par la propagande du camp qu'ils croyaient combattre? Au mieux, ils se résignaient à passer ce règne par pertes et profits, défendant la monarchie, mais pas celle de Louis XVI. Voilà pourquoi la République n'aura jamais peur de vous, tant que vous lui serez fidèles au moins sur ce point crucial.

Mais nous, ce soir, essayons d'y voir plus clair. Le mythe veut que Louis XVI n'ai eu aucune pensée politique, aucun regard personnel sur les événements. Est-ce vrai? Et si ce n'est pas vrai, où trouver trace de cette pensée?

J'ai parlé des passions du Roi, en oubliant d'en citer une: la vénerie. Excellent cavalier, Louis XVI chassait le plus souvent possible: c'est ainsi qu'il dépensait une énergie qu'exigeait sa puissante carrure, pour remédier à l'inaction physique à laquelle le contraignait son travail.

Et tous ceux qui sont d'une famille de veneurs le savent: un grand chasseur aime à tenir scrupuleusement un journal de chasse, quitte à mentionner que, tel jour, il n'a pas chassé. Les faiseurs d'histoires stipendiés par la République ont saisi dans cette passion la matière d'un subterfuge extraordinaire: ils ont fait passer le carnet de chasse du Roi pour un journal intime!
Quelle aubaine! Ainsi, le jour de son mariage avec Marie-Antoinette, le Roi écrit: " Rien ". Et le 14 juillet, il écrit encore: " Rien ". Je me souviens de mon professeur d'histoire au collège, qui nous amusait avec cela. Quelle rigolade secouait alors notre classe! Quel imbécile que ce dernier des rois! C'est bien la preuve qu'il ne comprenait rien à rien, puisqu'il écrivait: " rien " le soir du 14 juillet!

Louis XVI n'a jamais tenu de journal intime ; mais alors, comment savoir s'il avait une réflexion personnelle sur la Révolution? Eh bien lisons ses annotations sur les rapports de ses ministres! Et lisons surtout ses lettres! Et l'on découvre avec stupéfaction une pensée propre, si peu ordinaire à cette époque que nous en sommes réduits aujourd'hui à n'admettre plus qu'une seule alternative: soit le Roi ne comprenait rien au moment où les autres comprenaient tout ; soit le Roi a tout compris tandis que les autres ne comprenaient rien.

Car la vérité est là, aveuglante, impossible à méconnaître pour celui qui a l'occasion de la voir en face. Louis XVI avait bel et bien une vision propre de la Révolution. Pour vous en faire une idée, je la diviserai en deux parties: qu'était-ce donc que cette révolution, et comment y répondre? Et d'abord, s'agissant de la question de savoir ce que signifiait cette révolution, la théorie du Roi s'articulait autour de trois méditations.

Il a médité l'histoire de son royaume, qui couvrait déjà treize siècles. Il revient sur ce qu'il appelle " l'histoire de ses aïeux ", qui n'est rien d'autre que celle de la France. C'est ainsi que le 18 novembre 1790, soit deux ans avant la proclamation de la République, mais déjà un an après le début des événements, il écrit au duc de Polignac: " Plusje inédite l'histoire de mes aïeux, plus je suis convaincu que nous sommes à la veille de la subversion la plus cruelle dans ses résultats. Il était si facile d'opérer le bien, lorsque moi-même j'allais au-devant de tout ce que le peuple pouvait raisonnablement ambitionner. Je n'ai dit moins rien à me reprocher " .

Ainsi, dès le début de la Révolution, Louis XVI voit dans ces bouleversements quelque chose d'à la fois énorme et inédit. Il sent tout de suite qu'il a affaire à un événement auquel aucun de ses aïeux n'a jamais eu à faire face.

Sa deuxième méditation se concentrait sur son rôle de roi, tel que l'entendait la tradition française treize fois séculaire, remontant au baptême de Clovis en 496. Il n'est pas un despote, et puisqu'il est convaincu qu'il n'a pas affaire à une simple fronde ou quelque chose qui y ressemblerait, il sait bien que la force ne saurait rien résoudre. nous reviendrons sur cette
extraordinaire prescience de Louis XVI. Alors, devant ces événements d'une nature particulière et nouvelle, quelle conduite faut-il tenir? son entourage lui parle d'employer la force en toutes circonstances, mais il ne partage pas ce point de vue, car il est persuadé, et le restera toujours, que rien ne peut plus arrêter le cours des choses. C'est dans cet état d'esprit méconnu qu'il se pose de telle sorte que, dans la chaleur des passions exacerbées, plus personne ne comprendra son attitude. Dès le mois de septembre 1789, il écrit à son frère le Comte d'Artois: "
Vous parlez de courage, de résistance aux projets des factieux, de volonté. Mon frère, vous n'êtes pas roi! Le Ciel, en me plaçant sur le trône, m'a donné un cœur sensible, les sentiments d'un bon père. Tous les Français sont mes enfants ; je suis le père commun de la grande famille confiée à mes soins. L'ingratitude, la hargne arment contre moi ; mais les yeux sont obscurcis, les esprits sont égarés, la tourmente révolutionnaire a tourné toutes les têtes ".

Notre cœur se serre en découvrant une telle grandeur d'âme, un sentiment aussi élevé de sa position, de sa mission sur Terre. D'ailleurs, remarquons que depuis Louis XVI, tous les rois détrônés se sont efforcés de suivre son exemple: ne pas répandre le sang du peuple. Même des monarques parvenus, comme le dernier souverain de Perse, par exemple, qui n'était jamais que le fils d'un officier usurpateur, se feront un honneur de se configurer au personnage emblématique du Roi-martyr. Il n'est pas un despote, et la couronne de France, il n'en est que le dépositaire après une longue suite d'aïeux qui en ont eu la garde. C'est pourquoi, pour rien au monde il n'accepterait de l'éclabousser du sang français. Réprimer, oui. Mais la Révolution à laquelle il est confronté est d'un autre ordre qu'une insoumission ordinaire. Et il va d'ailleurs expliquer sa vision des choses
dans d'autres lettres.

Cela fait l'objet de sa troisième méditation: sur l'empoisonnement général des esprits. Dans une lettre au Prince de Condé datant du 15 août 1791, il assure ne pas douter que l'élite de sa noblesse saurait mettre en pièces les bandes armées des Sans-Culottes. Mais après? Ilécrit: " Ils n'attendaient que la Constitution pour être parfaitement heureux; la retarder était à leurs yeux le plus grand des crimes, parce que tous les bonheurs devaient arriver avec elle: le temps leur apprendra combien ils se sont trompés. Mais leur erreur n'en est pas moins profonde: si l'on entreprenait aujourd'hui de la renverser, ils n'en conserveraient l'idée que comme celle du plus grand moyen de bonheur ; et lorsque les troupes qui l'auraient renversée seraient hors du Royaume, on pourrait avec cette chimère les remuer sans cesse, et le gouvernement se trouverait dans un système opposé à l'esprit public et salis moyens pour les contenir. On ne gouverne jamais une nation contre ses habitudes. Cette maxime est aussi vraie à Constantinople que dans une république: les habitudes actuelles de cette nation sont dans les droits de l'homme, tout insensés qu'ils sont. Une force immense ne pourrait la gouverner longtemps dans une opinion contraire " .

En lisant et en me répétant ces phrases datant de deux cents ans, j'en reviens toujours éberlué par l'incroyable intelligence de cette analyse. Incroyable, car à l'époque on n'avait pas comme aujourd'hui deux siècles d'expérience des révolutions pour permettre une approche correcte du phénomène révolutionnaire. Comment, par quelle grâce, sinon par une grâce d'état réservée à celui qui a reçu l'Onction de Reims, Louis XVI a-t-il pu toucher aussi juste? Car enfin! Reprenons l'étude de toutes les révolutions et de toutes les subversions qui ont suivi, et l'on retrouve mot à mot l'essentiel de cette analyse. Le Roi semble nous dire: je réprimerai, et après? Tant que le peuple n'aura pas été convaincu que la Constitution est une erreur, faudra-t-il maintenir derrière chacun de mes sujets un homme en armes? Et cet homme en armes, dans quel esprit est-il lui-même?

A ce stade de sa réflexion, le Roi va même jusqu'à poser au Prince de Condé cette question si pertinente: " D'ailleurs, cette noblesse d'émigration qui prétend me défendre, est-elle toute dans le même esprit? N'a-t-elle pas, elle aussi, ses partis contraires, ses opinions exclusives? ".

Autrement dit: vous qui prétendez être royalistes, l'êtes-vous vraiment? N'avez-vous pas vous-même succombé à cette tentation générale qui veut que l'on décide soi-même de ce qui convient ou qui ne convient pas au bon gouvernement des affaires publiques?

Oh, mes amis, prenons pour nous cette apostrophe extraordinairement clairvoyante de Louis XVI. Dressons en effet un bilan de deux siècles de royalisme, de doctrines diverses et l'engagements militants. N'avons-nous jamais procédé nous-mêmes de la même manière que les républicains? N'avons-nous jamais prétendu imposer à nos princes nos propres visions de la monarchie? Relisons nos livres, et sans qu'il soit nécessaire de citer ici certains auteurs, nous y découvrons souvent tout un programme de gouvernement préfabriqué, que le roi à venir serait bien avisé de mettre en pratique sans rechigner, faute de quoi on juge qu'il ne serait pas même bon qu'il monte sur le trône. Combien de fois ai-je lu ce genre de littérature, truffée de chartes, de systèmes préparés à l'avance et figés dans une gloire intellectuelle parfaitement dérisoire? Combien de fois ai-je lu ou entendu des discours tels qu'en définitive, on se demande qui devrait être le roi dans ce genre de monarchie: l'auteur des propos en question, ou le prince légitime. Mes amis, est-ce que j'invente en rappelant cela, ou suis-je dans le vrai?

Mais alors, quand on pense et agit de cette manière, de qui se moque-t-on, sinon du Roi lui-même? Ne sommes-nous pas à notre tour, fût-ce à notre corps défendant, des constitutionnels, dispersant ainsi gravement cet héritage de la monarchie française que Louis XVI a voulu sauver à n'importe quel prix, et entre autres au prix de sa vie?

A ceux qui lui reprochaient son attitude face à la Révolution, le Roi n'a jamais manqué de s'expliquer clairement. C'est d'ailleurs pour cela que vous ne le savez pas. Mais rien ne nous empêche, nous, d'essayer d'en savoir plus. Que disait-il? Reprenons la lettre au Prince de Condé que je citais tout à l’heure. Louis XVI y prévoyait que l'idéologie constitutionnelle ne pouvait être combattue efficacement, ou vaincue durablement, par le seul emploi des armes. Napoléon ne dira-t-il pas plus tard que l'esprit sera toujours vainqueur de l'épée? En outre, le Roi se rendait bien compte que ses défenseurs eux-mêmes étaient empoisonnés par la nouvelle idéologie. C'est en prenant acte de cette réalité incontournable qu'il écrivait: "J'ai vu que la guerre ne présentait d'autres avantages que des horreurs, et toujours de la discorde. J'ai donc cru qu'il fallait éloigner cette idée, et j'ai cru devoir essayer encore des seuls moyens qui me restaient: la réunion de ma volonté aux principes de la Constitution".

"Les seuls moyens qui me restaient"... Oui, le Roi savait qu'il n'en avait pas d'autres, et qu'en tout état de cause, il refuserait toujours d'être mêlé au bain de sang général qu'il redoutait. Et son attitude était d'autant plus méritoire que, avec sa clairvoyance habituelle, il savait à l'avance que la seule voie qui lui était ouverte était elle-même sans issue. Car il ajoutait: "Je sens toutes les difficultés de gouverner ainsi une grande nation, je dirais même que j'en sens 1'impossibilité ; mais l'obstacle que j'y aurais mis aurait porté la guerre que je voulais éviter, et aurait empêché le peuple de bien juger cette Constitution, parce qu'il n'aurait vit que mon opposition constante ". Toujours cette préoccupation majeure: son peuple est malade de ses idéologies, le salut n'est envisageable que lorsqu'il aura compris son erreur. Et Louis XVI concluait: " En adoptant ses idées, en les suivant de bonne foi, il connaîtra la cause de ses malheurs ; l'esprit public changera, et puisque sans ce changement on ne pouvait espérer que des convulsions nouvelles, je marcherai mieux vers lin meilleur ordre des choses par mon acceptation que par mon refus ".

Voilà quel était le programme politique de Louis XVI, et jamais il n'admettra s'être trompé sur ce point. La thèse officiellement enseignée depuis deux siècles prétend qu'il avait tord. Mais nous qui avons désormais l'expérience des révolutions, nous qui en connaissons le processus et la nature intime, posons-nous à nouveau cette question: qui avait raison?

A ses contemporains qui stigmatisaient sa prétendue faiblesse, parce qu'ils analysaient la Révolution avec moins de pertinence que leur maître, Louis XVI disait: " J'avoue que ces reproches m'affectent moins que les malheurs du peuple, et mon cœur se soulève en pensant aux horreurs dont je serais la cause " . Ce qui signifie que le Roi-martyr était convaincu que, sous les coups révolutionnaires, son sacre avait perdu sa force politique, mais qu'il le revêtait encore d'une seule et dernière qualité: celle d'être le père du peuple, le père de toute la famille française. Que ceux qui n'ont jamais éprouvé aucun sentiment paternel continuent à penser comme la République veut qu'ils pensent. Les autres me comprendront.

Méditons encore cette phrase: " J'ai donc préféré la paix à la guerre, parce qu'elle m'a paru à la fois plans vertueuse et plus utile: je fines suis réuni ail peuple, parce que c'était le seul moyen de le ramener ; et entre deux systèmes, j'ai préféré celui qui ne m'accusait ni devant mon peuple, ni devant ma conscience ".

Encore et toujours ce dernier souci du Roi, qui est de rester fidèle au dernier devoir qu'il peut remplir, un devoir moral. " Du moins, je n'ai rien à me reprocher " , écrivait-il. Oh non, Sire, vous n'avez rien à vous reprocher. Dans cette épouvantable tragédie qui a fini par vous emporter, vous avez été d'une probité et d'un courage sans exemple ; vous avez été le modèle de tous les rois, selon ce plan mystérieux de la Providence qui dispose que, depuis le Baptême de Clovis, la monarchie française soit regardée comme le modèle de toutes les monarchies. Un jour viendra où le monde vous rendra l'hommage qui vous est dû, pour avoir été un grand roi méconnu, dont la lumière commence à peine à poindre devant les yeux de notre génération. Un jour viendra aussi, où l'Église d'ici-bas reconnaîtra vos vertus exemplaires, et vous élèvera sur nos autels. Car enfin, qui peut le nier? vous étiez également un saint...

Nous parlons d'un testament politique de Louis XVI. Il me reste à vous en dévoiler le sommet.

Nous avons vu comment le Roi a profondément médité sur les événements auxquels il a dû faire face. C'est alors qu'il lance une bouteille à la mer, pour l'avenir, pour préserver l'avenir, pour empêcher que les vrais principes de la monarchie française ne soient emportés, eux aussi, par la tourmente révolutionnaire, par ces deux siècles de régime constitutionnel ou républicain. En fait, dès le commencement de la Révolution, le 12 octobre 1789, il a fait quelque chose 'extraordinaire, qu'il faut absolument que vous sachiez, et que la République ne veut à aucun prix que vous sachiez.

II écrit au roi d'Espagne, Charles IV, une lettre qui revêt pour nous la plus haute importance. Car en vérité, ce n'est pas au roi d'Espagne qu'il s'adresse, mais au chef de la branche cadette de sa maison. On sait en effet que depuis la victoire de Louis XIV dans la guerre de succession d'Espagne, des princes français de la famille royale règnent désormais sur le trône de Charles-Quint. Voici donc ce qu'écrit Louis XVI:
"
Je dois à tries enfants, je dois à tria famille et à toute ma maison de ne pouvoir laisser avilir entre tries mains la dignité royale qu'une longue suite de siècles a confirmée dans tria dynastie... J'ai choisi votre majesté comme chef de la seconde branche pour déposer entre vos mains la protestation solennelle que j'élève contre toits les actes contraires à l'autorité royale qui m'ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet de cette année".

Est-ce que vous mesurez bien l'importance de ce document? Dès les premiers mois de la Révolution, et bien qu'il ait choisi de se laisser entraîner par le courant constitutionnel plutôt que de verser le sang de son peuple, le Roi-martyr délie à l'avance les princes de son sang de tous les engagements compromettants qu'il a dû faire et qu'il devra faire encore. Autrement dit, quand on lit cela et qu'on le met en face de ce que nous lisions tout à l’heure, on comprend qu'il ait voulu dire: la voie que j'ai suivie n'engage que moi, elle ne saurait obliger mes successeurs, elle ne traduit qu'un pis-aller, certainement pas une fidélité aux principes immémoriaux de notre monarchie. La constitution, ce n'est pas la monarchie française, et le Roi tient à transmettre ce message à ses cadets, pour le cas où la coutume successorale, un jour, viendrait à les saisir.

Et puis il s'est produit ce qui se produit dans l'histoire naturelle de toutes les familles: la branche aînée s'est éteinte avec le Comte de Chambord et le principe se déposa sur cette branche cadette devenue l'aînée. Or voilà, mes amis, voilà l'héritage politique qui repose désormais entre les mains du chef actuel de la famille royale. Ce n'est pas l'héritage de Charles X, ni de Louis XVIII, ce n'est pas le produit bâtard issu d'un accouplement adultère entre la royauté et la constitution, non! c'est la royauté instituée, c'est le sacre de Reims, c'est la monarchie que Jeanne d'Arc avait sauvée ; Jeanne qui rappelait que le Christ est le premier roi de France, et le roi terrestre son second.

Ces principes fondateurs, le Comte de Chambord nous les transmettra à son tour, quand il refusera de monter sur un trône de pacotille, quand il refusera de jouer la comédie d'une monarchie de carnaval, otage de l'esprit révolutionnaire, constitutionnel, républicain. C'est pourquoi il disait: " Ma personne n'est rien, c'est mon principe qui est tout ". Oh, comme nous lui sommes redevables, à lui aussi, d'avoir gardé intact le trésor des rois légitimes! J'ai souvent dit que ce fut sa manière à lui de régner, en conservant le dépôt sacré, en transmettant ce qu'il avait reçu: telle fut la mission sur terre d'Henri V.

Mais ce qu'il avait reçu venait-il directement de son aïeul Charles X? Non, certes non. Oh, bien sûr, Charles X, celui-là même qui, lorsqu'il n'était que le Comte d'Artois, reprochait tant à son frère aîné de ne pas combattre la Révolution par les armes, Charles X n'était certes pas un partisan du régime constitutionnel. Mais il fallait bien faire avec, puisque la formule lui était imposée. Toutefois, et peut-être justement parce qu'il avait trop bien vu ce qui découlait de cet accouplement, aggravé encore par l'expérience de l'usurpation orléaniste, Henri V avait puisé plus haut les principes de son refus du drapeau révolutionnaire, et de tout ce qui en découlait politiquement. Ces principes-là, qu'il fallait garder intacts, c'est Louis XVI qui fut le dernier à les incarner. Et il est attachant de voir comment, passant d'un prince incompris à un autre prince également incompris, l'héritage de Clovis et de Clotilde, de Saint Rémi, de Saint Louis et de Sainte Jeanne, cet héritage brille encore, qui dans la nuit de nos constitutions nous montre le chemin du salut.

Voilà donc, le testament de Louis XVI, auquel il est de notre devoir, une fois que nous avons pu en prendre connaissance, de lui être fidèle. Car il ne suffit pas que vous vous disiez fils de Saint Louis ou de Louis XIV. La Providence vous a donné un dernier roi différent des autres, et dont le sort abominable fut aussi différent des autres: c'est de lui que vous tenez votre héritage. Et si la République vous a menti sur lui, si elle vous empêché de le connaître, c'était précisément pour que vous méprisiez votre héritage, et par là même, que vous méprisiez sans le vouloir tous les autres qui précédaient. Car une race qui finissait sous la figure méprisable ou dérisoire de Louis XVI ne pouvait pas être une bonne race.

Voilà notre héritage et certes, à notre époque des nouveaux rois fainéants, il n'est pas facile de défendre et illustrer devant le monde ce principe que l'idéologie moderne a si totalement vaincu. Pendant longtemps, d'ailleurs, nos théories royalistes n'eussent pas même songé à revendiquer autre chose qu'une restauration sur le modèle de Louis XVIII. Pendant longtemps, le testament de Louis XVI fut non seulement un testament inconnu, mais un testament impossible: lui seul avait su mesurer les conséquences de l'intrusion de l'esprit constitutionnel dans l'édifice monarchique ; lui seul avait compris qu'en définitive, une monarchie constitutionnelle n'était plus la monarchie française de Reims, modèle des monarchies chrétiennes. Mais puisque cet esprit délétère avait empoisonné jusqu'à son entourage, jusqu'à ceux qui se croyaient sincèrement contre-révolutionnaires, que pouvait-il faire? Quand il décida toutefois d'accompagner le mouvement constitutionnel, pour les raisons pacifiques que l'on sait, il réussit à tenir trois ans avant de sombrer. Son frère le Comte d'Artois, le futur Charles X qui conseillait d'être inébranlable, tiendra trois jours en 1830. Il n'est pas inutile de remettre quelquefois les choses en perspective pour mesurer la vraie taille des uns et des autres.

Longtemps, l'héritage de Louis XVI fut impossible: soit que nous étions nous-mêmes infectés par l'esprit constitutionnel, soit que nous ne disposions pas de l'outil doctrinal nécessaire pour formaliser intellectuellement la différence essentielle entre l'institution et la constitution. S'il n'est qu'une chose que j'aurais faite parmi mes compagnons du combat royaliste, c'est d'avoir théorisé cette différence, mais je n'ai rien inventé en faisant cela: je n'ai fait qu'expliquer un principe profondément original et fondateur de la monarchie française, ce principe même que Louis XVI a sauvé, et transmis à sa famille. Ce même principe qu'Henri V a sauvé une seconde fois en refusant de régner plus bas encore que Louis XVIII,au niveau d'un Louis-Philippe.

Toutefois, les triomphes théoriques sont une chose, l'engagement politique dans la réalité de tous les jours est encore autre chose. Je n'oublie pas que l'état d'esprit qui doit être le nôtre est difficile à maintenir, comme un cap que le marin doit garder dans la tempête. Notre engagement est exigeant, parfois douloureux. Et je sais que certains parmi nous seront tentés d'abandonner leur cause: j'en ai connu, par exemple pour qui les lambris dorés des palais républicains valaient bien un reniement.

C'est pour cela, c'est contre l'esprit du monde qu'il nous est demandé plus que jamais d'être nobles. Non pas d'avoir le panache du désespoir: réservez les baroud d'honneur à ceux qui sont vaincus. Nous, au contraire, il nous est demandé de se battre intelligemment, prudemment, mais de toujours se battre: car tant qu'un homme se bat, il n'est pas vaincu.

Il nous est demandé d'être noble: je n'ai pas dit " aristocrate " , qui n'est pas la même chose, et qui renvoie au classement social anglais, ou bien traduit la perte progressive du sens de la noblesse en France dans les siècles les plus modernes de la monarchie, où l'on pouvait acheter des charges anoblissantes. Non! Et je ne circonscris pas non plus cette exigence d'aujourd'hui à un ordre ancien subsistant. L'homme noble dont je parle est aujourd'hui celui .que chacun reconnaît spontanément comme tel, et qui combat en gardant toujours dans son cœur les trois vertus théologales: foi, espérance, et charité. Car l'ennemi d'aujourd'hui peut devenir le frère de demain.

Et si votre pire ennemi: le désespoir vous prend, si le spectacle du monde qui vous entoure vous appelle à baisser les bras, songez précisément à ce monde hostile, et demandez-vous s'il existe une autre raison de vivre que de combattre encore et toujours. Encore une fois, je ne parle pas d'un combat désespéré, contre des moulins à vent, d'un combat dérisoire de Don Quichotte. Non, je parle d'un combat mené pour vaincre.

Vaincre, oui! Oh, tant de choses et tant d'hommes vous persuaderont que votre combat est sans issue. Et pourtant... C'est vrai, nous œuvrons dans le noir, encore que ce soit moins vrai aujourd'hui qu'hier. Mais n'oubliez jamais ce mot éternel de Charette: à l'officier républicain qui l'arrêtait, et qui criait du fond de son cœur: " Ah, Monsieur, que d'héroïsme perdu! " , le Chevalier vendéen répondit: " Monsieur, rien ne se perd. Jamais ".

Il disait aussi: " Nous sommes la jeunesse dit monde " . Et c'était vrai! vous êtes la jeunesse du monde, précisément parce que vous êtes des héritiers: la semence est en vous!

Alors, venez, fils de Louis XVI, venez chercher votre héritage, l'héritage de Reims, de Clovis et de Clotilde, auquel un régime hideux voudrait vous voir renoncer! Venez, jeunesse du monde, allons chercher notre héritage, et que l'âme limpide de Louis XVI éclaire nos pas.

Yves-Marie Adeline  

 

Yves Marie Adeline est le Fondateur en 2002 de l'ALLIANCE ROYALE, président jusqu'en 2008, il a démissionné pour raisons familiales et professionnelles, il a été remplacé par l'ancien député- Maire Pierre Bernard à la tête du Parti Royaliste; Yves Marie Adeline est toujours président honoraire de l'Alliance Royale.

 

Source : Alliance royale Nivernais-Berry : http://www.allianceroyalenievre.com/article-le-testament-politique-de-louis-xvi-analyse-d-yves-marie-adeline-91796540.html via http://www.democratie-royale.org/article-testament-politique-de-louis-xvi-analyse-d-yves-marie-adeline-a-r-91879557.html

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 07:55
L’histoire des mondes non européens a toujours figuré dans les programmes scolaires, cependant, elle n’était pas enseignée aux dépens de l’histoire de France. De plus, cette nécessaire ouverture ne se faisait qu’à partir du moment où les fondamentaux de notre histoire étaient acquis par les élèves. Aujourd’hui, il en va tout autrement avec la réforme Darcos qui prépare le délitement de l’imaginaire historique national, ce précieux socle auquel les Français sont encore arrimés.
Les ravages commencent désormais dès la classe de 5° qui a subi des amputations insensées et même proprement « ubuesques » de son programme d’histoire. Or, ces amputations ont été rendues nécessaires afin de dégager autant de plages horaires destinées à l’étude des civilisations non européennes, qu’elles soient africaines, asiatiques ou autres. Pour ce qui concerne l’Afrique, seront ainsi étudiés plusieurs royaumes avec un point central, celui du Mali. Pour leur « faire de la place », Louis XIV a donc été relégué en toute fin de programme et il ne sera donc « survolé » que si le Monomotapa (!!!) a été vu. De même que les crédits de l’armée constituent la variable d’ajustement des déficits de l’Etat, l’histoire de France devient quant à elle la variable d’ajustement des apprentis sorciers du ministère de l’Education nationale.
Toute éducation supposant l’acquisition de fondamentaux et de connaissances de base sans lesquelles il est impossible ou vain de vouloir aller plus loin, il est donc insensé de vouloir faire apprendre l’histoire du Mali à des enfants qui ne savent pas si Napoléon a vécu avant ou après Louis XIV…Les « docteurs Folamour » du pédagogisme ne l’ignorent pas. Ils en sont même parfaitement conscients, mais ce sont d’abord des militants dont le but est de casser tous les enracinements européens considérés par eux comme susceptibles de déclencher des réactions identitaires.
Ne nous cachons pas derrière notre pouce et disons les choses clairement : le premier but de cette aberrante réforme de l’enseignement de l’histoire est de toucher le public de ces établissements mosaïques dans lesquels 30 à 40% d’élèves possédant moins de 350 mots de vocabulaire, ne sachant ni lire, ni écrire, ni même raisonner et encore moins comparer, pourrissent littéralement l’apprentissage de classes entières. Les assassins de notre mémoire espèrent, grâce à cette réforme, capter l’attention de ces auditoires « difficiles » et avant tout peu intéressés par l’histoire de France, en leur proposant une histoire sur mesure, une histoire à la carte, une histoire ethno sectorielle en quelque sorte.
Les élèves d’origine mandé-malinké de Tremblay en France seront peut-être attentifs à l’histoire de l’empire du Mali qui fut constitué par leurs ancêtres, mais il risque de ne pas en être de même avec les petits soninké de Garges les Gonesse, héritiers, eux, du royaume de Ghana qui fut détruit par les premiers…De plus, comment vont réagir les rejetons des nombreux autres peuples africains ? N’y a-t-il pas une forme de discrimination à leur égard ? En effet, pourquoi privilégier le Mali ou le Ghana et passer sous silence l’empire Luba et le royaume zulu ?
Un autre but de ce programme qui fait naturellement de continuelles références à la traite des esclaves vue comme une sorte de fil conducteur de la matière, est de tenter de faire croire aux élèves que l’histoire du monde est d’abord celle de la confrontation entre les méchants, lire les Européens, et les bons, lire les autres. L’ethno culpabilité est décidément sans limites !
De plus, et là est peut-être le plus important, l’histoire de l’Afrique a son propre temps long qui n’est pas celui de l’Europe. Elle s’appréhende avec une méthodologie particulière impliquant une maîtrise de la critique des sources orales, une connaissance approfondie de l’anthropologie, de l’archéologie, de la linguistique, etc., Or, les professeurs qui vont devoir enseigner cette histoire à leurs jeunes élèves n’ont pas été formés pour cela.
Un exemple : la connaissance que nous avons de Philippe le Bel repose sur des dizaines de milliers d’études, de thèses, de documents d’archives, de mémoires, de correspondances, de traités etc. Son contemporain, Abu Bakr II empereur du Mali (+- 1310-1312), dont l’existence n’est même pas certaine, n’est connu que par des traditions orales tronquées, des sources arabes de seconde ou même de troisième main et par une chronologie totalement erronée établie par Maurice Delafosse en 1912. L’histoire de son bref règne, s’il a véritablement eu lieu, est pourtant largement enseignée en Afrique où ce souverain est présenté comme une sorte d’explorateur conquistador parti à la tête de 2000 ou même 3000 pirogues pour découvrir les Amériques.  
Les professeurs des classes de 5° qui vont devoir parler du Mali, cœur du nouveau programme, devront évidemment étudier cet empereur. Or, sont-ils formés pour expliquer à leurs élèves que l’histoire scientifique ne se construit pas sur des légendes? De plus, le seul fait, dans un cours, de consacrer le même temps d’étude à un personnage historique attesté d’une part, et à un autre, largement légendaire d’autre part, conduira automatiquement les élèves à prendre le virtuel pour la réalité, ce qu’ils sont déjà largement enclins à faire avec les jeux électroniques.   
Mais allons encore au-delà et abordons l’essence même de la question. Face à ces élèves « en difficulté» (traduction en langage politiquement incorrect : enfants dont la langue maternelle n’est pas le français), les enseignants oseront-ils, sans risquer un hourvari, expliquer qu’un tel voyage n’a jamais eu lieu?  En effet, si tout est faux dans cette légende c’est parce que les Africains de l’Ouest -à la différence de ceux de l’Est-, ne pouvaient affronter la haute mer car ils ignoraient l’usage de la voile ainsi que celui de la rame et parce que leurs pirogues étaient sans quille. 
Les mêmes enseignants sont-ils armés pour faire comprendre à leurs classes que pour atteindre l’Amérique, les hommes d’Abu Bakr II auraient été contraints de pagayer durant plus de mille kilomètres à travers l’océan atlantique avant de rencontrer enfin le courant des Canaries, seul susceptible de leur permettre de dériver ensuite vers l’Ouest… et cela sur 6000 km ? Enfin, seront-ils en mesure de mettre en évidence l’incohérence majeure de cette légende que certains considèrent comme une histoire vraie, à travers un exemple clair : comment l’expédition de l’empereur malien aurait-elle pu atteindre l’Amérique alors que les Africains ignoraient l’existence de l’archipel du Cap-Vert situé à 500 km « à peine » de la péninsule du Cap-Vert, point le plus occidental du littoral ouest africain contrôlé par l’Empire du Mali et qui leur barrait la voie du grand large ? En effet, cet archipel était vierge et vide d’habitants en 1450,  au moment de sa découverte par le Génois Antonio Noli qui était au service du Portugal... [1]
L’enseignement de l’histoire africaine ne s’improvise pas !
Hier la méthode d’apprentissage de la lecture dite « globale » fabriqua des générations d’illettrés et de dyslexiques; la réforme des programmes d’histoire donnera quant à elle naissance à des générations de zombies incapables de rattacher des évènements ou des personnages à une chronologie et ayant pour toute culture historique celle du volapük mondialisé.
Bernard Lugan
23/09/2011
 


[1] Pour en savoir plus sur cette question, on se reportera à Bernard Lugan, Histoire de l’Afrique des origines à nos jours. 1250 pages, Ellipses, 2009.
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12 septembre 2011 1 12 /09 /septembre /2011 09:34

Sur la colline du Kahlenberg aux alentours de Vienne, le 12 septembre 1683, les 250 000 soldats turcs du grand vizir, Kara Mustafa Pacha, sont vaincus par l’armée autrichienne et allemande (70 000 hommes) commandée par le duc Charles V de Lorraine, et l’armée polonaise (30 000 hommes) du roi de Pologne Jean III Sobieski.

Les Turcs sont forcés à une retraite désordonnée et rapide. Le sultan donne l’ordre de décapiter le grand vizir vaincu. C’est la fin de la précédente expansion turque en Europe et le début de la reconquête des pays européens occupés par les Ottomans.

Les Turcs avaient mis le siège devant Vienne le 14 juillet 1683 et déjà une partie des remparts viennois étaient pris. Si Vienne tombait les Ottomans pouvaient poursuive leur invasion de l’Europe.

 

  Mais plusieurs pays européens surent s’unir pour venir au secours de Vienne et conjurer la menace. Arrivées devant Vienne depuis leurs pays respectifs les forces européennes surent également, pour plus d’efficacité, décider très vite d’avoir un commandement unique centré sur le Roi de Pologne. Celui-ci mena lui-même la charge de cavalerie finale décisive avec ses redoutables lanciers polonais et la cavalerie des autres pays ; peut-être la plus grande charge de cavalerie de l’histoire.

[NdCR. Ce religieux prince commença par faire célébrer la messe, qu'il voulut servir lui-même, ayant les bras en croix. Après y avoir communié avec ferveur, il se leva à la fin du sacrifice et s'écria : « Marchons avec confiance sous la protection du ciel et avec l'assistance de la très sainte Vierge. »]

La spectaculaire charge de cavalerie du film “Le Retour du Roi” (2003), troisième volet de la trilogie “Le Seigneur des anneaux” de Peter Jackson, présente tellement de similitudes (voir video sur Youtube) avec la situation avant, pendant et après la charge devant Vienne que cela ne semble pas pouvoir être un simple hasard !  

En reconnaissance pour cette victoire, le pape Innocent XI institue la fête du Saint Nom de Marie. Les boulangers viennois créent la brioche en forme de croissant (l’emblème ottoman) pour commémorer l’évènement. Ne mangeons plus nos croissants sans une pensée pour les valeureux et intelligents défenseurs de l’Europe qui surent s’unir pour arrêter et faire refluer cette invasion turque le 12 septembre 1683.

Hier, dimanche, cet anniversaire a été commémoré par une messe solennelle sur le site de la bataille dans l’église de Saint-Joseph sur le Kahlenberg. La messe a été célébrée par SE Mgr Gérard Bernacki de l’Archidiocèse de Katowice (Pologne) et accompagnée par la chorale de l’Archidiocèse. Mgr Bernacki a souligné l’importance de cette bataille dans l’histoire, mais a évité toute allusion à la situation actuelle, en particulier à l’expression viennoise : 1529 – les Turcs devant Vienne pour la première fois, 1683 – les Turcs devant Vienne pour la deuxième fois, 2011 – les Turcs ont fini par prendre la ville de Vienne.

Des chants et des danses folkloriques ont eu lieu après la messe ainsi qu’un événement sportif, une course en l’honneur du roi polonais Sobieski.

Il est très agréable de constater que le souvenir de la bataille de Kahlenberg est encore si vif en Pologne que chaque année de nombreux polonais, notamment des jeunes gens, viennent à Vienne pour participer aux commémorations. Par contre l’administration rouge-vert de la ville de Vienne n’avait même pas envoyé un représentant officiel pour les cérémonies.

 

Xavier Merlin

Source: http://fr.novopress.info/96917/328e-anniversaire-dune-victoire-europeenne-capitale/

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Note de Christroi. Rappellons ces autres victoires capitales contre les invasions musulmanes toujours renaissantes : Poitiers 732, Jérusalem 1099, Las Navas de Tolosa 1212, Grenade 1492, Lépante 1571, Saint-Gothard 1664, Vienne 1683, Zenta 1697, Peterwardein 1717.

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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 18:59

Ce que nos enfants n'apprennent plus au collège

 

778 : Roland sonnant du cor, à la bataille de Roncevaux, où les Sarrasins ont battu l'armée franque. A son côté, son épée Durandal. L'épisode a peu à voir avec la réalité historique, mais il a nourri l'imaginaire français. (Rossignol/Editions Hoebeke)
778 : Roland sonnant du cor, à la bataille de Roncevaux, où les Sarrasins ont battu l'armée franque. A son côté, son épée Durandal. L'épisode a peu à voir avec la réalité historique, mais il a nourri l'imaginaire français. (Rossignol/Editions Hoebeke)
 

Le saviez-vous ? Clovis, Saint Louis ou François I er , mais aussi Henri IV, Louis XIV ou Napoléon ne sont plus étudiés dans les collèges français !  Rayés des programmes ou relégués en option. Raison invoquée par l'Education nationale: il faut consacrer du temps, entre la sixième et la cinquième, à «l'enseignement des civilisations extra-européennes», de l'empire du Mali à la Chine des Hans. C'est ce scandale pédagogique et culturel que dénonce l'historien Dimitri Casali dans son salutaire Altermanuel d'histoire de France (Perrin), dont Le Figaro Magazine publie des extraits. Superbement il lustré, l'ouvrage se présente comme un complément idéal aux manuels scolaires recommandés (ou imposés) par les professeurs de collège. Qui fixe les programmes scolaires en histoire ? L'enquête du Figaro Magazine montre que la question engage l'avenir de notre société.

 

Clovis, Charles Martel, Hugues Capet, Louis IX, dit Saint Louis, François Ier, Louis XIII ont disparu des instructions officielles de sixième et de cinquième. Le programme de sixième passe sans transition de l'Empire romain au IIIe siècle à l'empire de Charlemagne, soit une impasse de six siècles. Les migrations des IVe et Ve siècles (les fameuses «invasions barbares»), pourtant fondamentales dans l'histoire de l'Europe, ne sont plus évoquées.

Ces absences sont incompréhensibles. Comment comprendre la naissance du royaume de France sans évoquer Clovis? Comment mesurer «l'émergence de l'Etat en France » sans appréhender le règne de Louis IX? La Renaissance sans connaître François Ier? «L'affirmation de l'Etat » sans expliquer Louis XIII et Richelieu? Tous les historiens s'accordent sur l'importance de ces personnages et de leur œuvre, non seulement politique, mais aussi économique et culturelle.

Le règne de Louis XIV est quant à lui relégué à la fin d'un programme de cinquième qui s'étend sur plus de mille ans d'Histoire. Faire étudier aux élèves en fin d'année scolaire cette longue période (1643-1715) tient de la mission impossible, sachant que les enseignants peinent à boucler des programmes surchargés. Ce règne est de plus noyé dans un thème «L'émergence du "roi absolu" » qui s'étend du début du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle. C'est ainsi tout un pan de l'histoire de France qui risque d'être partiellement ou - au pire - pas du tout traité. Le règne de Louis XIV est pourtant décisif, tant dans l'affirmation du «pouvoir absolu» que dans le rayonnement de la civilisation française, en France et à l'étranger, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Le Brun, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Lully, La Fontaine, Corneille... Autant d'artistes et d'écrivains qui risquent de n'être jamais évoqués dans les classes.

A côté des «oubliés» et des «relégués» des programmes, il y a les «optionnels»... L'une des originalités des nouveaux programmes réside en effet dans le système des options, censé permettre à l'enseignant de construire son propre parcours pédagogique. Si cette démarche est intéressante, elle n'en montre pas moins rapidement ses limites... Ainsi, dans le thème 1 («Les bouleversements culturels et intellectuels») de la partie IV («Vers la modernité») du programme de cinquième, les enseignants doivent faire étudier «la vie et l'œuvre d'un artiste ou d'un mécène de la Renaissance ou un lieu et ses œuvres d'art». Ils pourront donc enseigner, par exemple, Léonard de Vinci ou Laurent de Médicis ou la chapelle Sixtine, mais pas les trois. Dans le thème 2 («L'émergence du "roi absolu"») de la partie IV, ils doivent choisir un règne entre le XVIe siècle et 1715. François Ier, Henri IV, Louis XIII ou Louis XIV. Le choix est impossible.

Parmi ces périodes optionnelles figure le premier Empire (1804-1815). En classe de quatrième, dans le seul chapitre consacré à la Révolution et l'Empire, «La fondation d'une France moderne», l'étude doit être menée à travers un sujet donné. Il y a cinq propositions, dont trois excluent totalement la période impériale:

- Invention de la vie politique;

- Le peuple dans la Révolution;

- La Révolution et les femmes;

- La Révolution, l'Empire et les religions;

- La Révolution, l'Empire et la guerre.

Bref, le premier Empire ne donnera lieu, au mieux, qu'à un éclairage thématique. Dans trois cas sur cinq, il ne sera pas étudié ! Ajoutons que cette période a disparu du nouveau programme de seconde.

A-t-on peur des grands personnages?

 

Elevé sur le pavois par ses soldats, comme le veut la coutume, Clovis est reconnu roi des Francs, à Tournai, en 481. Agé de 15 ans, il est alors maître de toute la Gaule. (Editions Hoebeke)
Elevé sur le pavois par ses soldats, comme le veut la coutume, Clovis est reconnu roi des Francs, à Tournai, en 481. Agé de 15 ans, il est alors maître de toute la Gaule. (Editions Hoebeke)

 

Clovis, Louis IX, François Ier, Louis XIII, Louis XIV, Napoléon Ier... La disparition ou l'amenuisement de ces souverains et de leur règne laisseraient-ils penser qu'ils n'ont plus de réalité historique? Leur importance n'est pourtant pas remise en cause par les historiens. Comment expliquer alors «l'optionnalisation» du premier Empire en quatrième et sa disparition en seconde? S'agirait-il de gommer un régime jugé trop autoritaire, trop militariste et trop expansionniste? De même, Clovis et Louis IX, dit Saint Louis, seraient-ils devenus trop politiquement «connotés» pour être cités dans les instructions officielles? La même question peut être posée concernant la relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième. Pourquoi faire disparaître ou réduire des règnes notamment caractérisés par le rayonnement de la France à l'étranger? Il est à craindre que la règle du «politiquement correct» ait été appliquée aux programmes, conception moralisatrice de l'enseignement qui tient de la manipulation de l'Histoire.

... Ce ne sont pas seulement des personnages historiques, des périodes et des règnes majeurs qui sont écartés, réduits à la portion congrue ou devenus optionnels. Des textes fondateurs, des traités et des lois décisives sont tout simplement passés à la trappe: le serment de Strasbourg (842), l'un des plus anciens textes en langue romane, le lointain ancêtre du français; le partage de Verdun (843), qui dessine une nouvelle carte de l'Europe d'où sont issus les Etats européens; l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), qui impose l'usage du français dans l'administration à la place du latin, constituant ainsi une étape clé dans l'unification du royaume de France. La relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième rend extrêmement difficile sinon impossible l'étude de la révocation de l'édit de Nantes (1685), qui marque l'interdiction du protestantisme en France et entraîne l'exil de plus de 250.000 protestants. L'histoire des arts n'est pas épargnée. Le précédent programme de quatrième prévoyait l'étude d'extraits du Bourgeois gentilhomme (1670), des Châtiments (1853) et des Misérables (1862), permettant d'inscrire Molière et Victor Hugo dans leur époque, de mesurer l'importance historique de leur œuvre et de faire prendre conscience aux élèves de leur génie littéraire. Or, les deux plus grands auteurs de la littérature française ont disparu des nouveaux programmes.

 

Source: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/08/27/01016-20110827ARTFIG00002-ce-que-nos-enfants-n-apprennent-plus-au-college.php

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10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 07:18

10 août 1792: le massacre des Gardes Suisses par des barbares, une Révolution violente, une république née dans un bain de sang.

Devoir de mémoire: 10 août 1792, le massacre des Gardes suisses
 
 
Les Adieux Suisses évoque le départ d’un soldat à la guerre et son amour pour son amie restée sur la terre natale. Il a longtemps existé une tradition en Suisse de service dans des armées étrangères, tradition qui subsiste de nos jours au Vatican.

La coopération avec la France s'acheva avec le massacre, le 10 août 1792 des gardes suisses par une partie de la population parisienne et des Gardes françaises, fanatisée par des révolutionnaires. 
 

Un directoire jacobin secret entre les amis de La Fayette et du girondin Brissot lâcha des "manifestants" préparés politiquement et militairement pour susciter cette insurrection parisienne non spontanée (Gérard MAINTENANT, Les Jacobins, Que sais-je? PUF, Paris 1984, p. 52-58) qui devait conduire à la proclamation de leur "république" le mois suivant (20 septembre 1792).


Louis XVI quitte ce jour-là les Tuileries pour chercher refuge auprès de l'Assemblée. Le Roi ordonne aux Suisses de déposer à l'instant leurs armes et de se retirer dans leurs casernes alors que la populace attaque les Tuileries. Mais les Suisses accomplissent leur devoir jusqu'au bout : "Honneur et fidélité" sont les mots qui sont inscrits sur leurs drapeaux. Ils seront massacrés jusqu'au dernier, égorgés, dépecés pour certains. Plusieurs centaines de soldats sont assassinés. 
 

Le massacre des Gardes Suisses reste présent dans certaines mémoires. "Ils ont quitté leurs casernes, celle de Rueil en particulier, pour aller défendre le roi.

 

Et ils savaient que ce n'était pas pour une partie de plaisir: ils avaient enterré leurs drapeaux dans la cour de la caserne», raconte Liliane Kalenitchenko, conservatrice du Musée de Rueil-Malmaison, qui inclut le Musée Franco-Suisse.

 

Avant d'ajouter

 

"Leur drapeau portait la mention 'Honneur et fidélité'

 

C'est d'ailleurs ce qui leur a été reconnu par tout le monde. Une fois qu'ils avaient prêté serment, c'était 'à la vie, à la mort', ils l'ont prouvé le 10 août 1792."

 

Devant le succès des insurgés, l'Assemblée prononce la suspension du roi. Le 10 août 1792 met brutalement fin à treize siècles de monarchie en France. (Source)


En novembre 2005, le gouvernement français de droite refusa à la Suisse l'apposition d'une plaque en souvenir de ce massacre.
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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 17:55

 Par Kenneth R. Weinstein – L’historien François Furet est décédé il y a quatorze ans jour pour jour, le 12 juillet 1997. Pour l’occasion, voici la traduction d’un article initialement paru dans The Weekly Standard, le 23 août 1999. Titre original : The Illusion that Failed (NdCR. L'Illusion qui a échoué).

 

De nos jours, les historiens sont généralement un groupe timoré, réduisant la grande histoire de l’action humaine à une petite discipline académique anxieuse, dans laquelle les fonctions sont achetées par d’interminables volumes calculant de menus détails, comme la quantité de céréales qui fut consommée au XVème siècle par les Guatémaltèques.

Il semble inutile d’observer qu’il n’en a pas toujours été ainsi. En fait, même de mémoire vivante, il n’en a pas toujours été ainsi. La publication en Anglais de l’ouvrage Le passé d’une illusion, Essai sur l’idée du communisme au XXème siècle, nous rappelle que François Furet, l’historien éminent de la Révolution française, est décédé en France il y a seulement deux ans, à l’âge de soixante-dix ans. Et Furet, comme son précurseur intellectuel Alexis de Tocqueville, était quelqu’un qui prenait l’histoire au sérieux – appréciant de manière franche et impartiale le passé afin de guider la façon par laquelle nous devrions vivre aujourd’hui.

Bien sûr, même de son propre temps – quand la plupart de ses pairs étaient des sur-spécialistes ou des historiens sociaux zélés, – Furet avait quelque chose d’un retour à la noble tradition historiographique du XIXème siècle, par l’accent qu’il mettait sur la politique et les forces personnelles et intellectuelles. Le Furet bourru, qui enseignait à la fois à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris et au Committee on Social Thought de l’Université de Chicago, tint seul pendant de nombreuses années, s’efforçant de modérer la fierté envers la Révolution française. Il devint la plus improbable des icônes culturelles. Son travail, qui l’a placé au centre du discours national français, est devenu l’une des forces les plus importantes de la réorientation de la compréhension moderne que la France avait d’elle-même.

« Une hagiographie marxiste de la Révolution »

Dans les années 1960 et 1970, les écoliers français étaient abreuvés par une hagiographie marxiste de la Révolution. Avant Furet, les événements de 1789 étaient présentés comme le choc inévitable des forces économiques: une bourgeoisie montante, rejetant l’ancien régime, qui était le sous-produit d’une société agricole. La violence totalitaire de la Terreur jacobine de 1793, par exemple, était considérée comme une tentative patriotique réalisée afin de sécuriser la souveraineté populaire par l’unification de l’Etat. L’interprétation de l’historien Albert Mathiez de 1927 était répétée dans les manuels scolaires depuis des décennies, projetant tout simplement la propagande soviétique sur la France de 1793 et justifiant les tactiques meurtrières du Comité de salut public de Robespierre comme une conséquence compréhensible de la guerre civile et étrangère.

Il a fallu à Furet beaucoup de courage pour faire face à ce catéchisme. Dans de nombreux volumes, notamment dans La Révolution française (coécrit en 1964 avec Denis Richet), L’Interprétation de la Révolution française (1978) et Marx et la Révolution française (1986), il rejeta le déterminisme économique. La Révolution de 1789, a-t-il soutenu, pourrait avoir commencé par l’appel à un gouvernement représentatif, face à une monarchie de plus en plus décidée à consolider son pouvoir. Mais, en quatre ans, tout espoir d’une démocratie libérale fut brisé par la Terreur. Au contraire, malgré des réclamations historiographiques défectueuses, la Terreur ne fut une réponse ni à un conflit de classe (il n’y en avait aucun de ce type opposant les Jacobins aux autres révolutionnaires) ni à une agression externe (l’étape la plus violente s’est produite après le recul de la menace étrangère). Comme l’a suggéré Furet, la meilleure explication se trouve dans le travail de ces penseurs du XIXème siècle comme Tocqueville et Augustin Cochin – qui n’ont pas vu les jacobins comme des tyrans ordinaires, mais comme un nouveau type d’hommes, si épris de certains idéaux intellectuels qu’ils étaient prêts à sacrifier leurs compatriotes au nom de la régénération de l’humanité.

S’appuyant sur cette idée puissante, Furet a tourné son attention, dans son dernier ouvrage, Le passé d’une illusion, vers le puzzle historique fondamental du XXème siècle: l’attrait pour le communisme. Le livre devint un best-seller à sa parution en Français en 1995 – en partie parce que Furet démontrait qu’il comprenait l’attrait du communisme (il avait détenu la carte de membre du PCF jusqu’en 1956) et, pourtant, il parvenait aussi à comprendre combien il était difficile, à partir du point de vue des années 1990, de saisir pourquoi quiconque avait pu croire en cette idéologie meurtrière.

Mais tâchez de croire que tel fut le cas. Au paroxysme de l’illusion communiste, même ses opposants ne s’attendaient pas à ce qu’elle soit « effacée » (comme le dit Furet). Comme il le fit dans ses travaux sur la Révolution française, François Furet a rejeté l’explication de la lutte des classes. Plutôt, en utilisant un mélange de philosophie politique et d’histoire, Furet suggère que toutes les démocraties libérales sont sujettes à une méfiance étrange face aux résultats de la démocratie.

Les critiques du libéralisme classique – Jean-Jacques Rousseau étant le premier d’entre eux, – avaient averti que les individus créés par le libéralisme étaient des caractères purement économiques, détachés de toute communauté et du bien commun. Et, en effet, ce que le libéralisme affirme comme sa plus grande vertu – l’égalité de ces individus portés par l’intérêt personnel et atomisés – est continuellement miné alors que la concurrence de l’un face à l’autre conduit à des inégalités de propriété. Ainsi, pendant la Révolution française, les Jacobins (qui ont commencé comme des partisans bourgeois de l’économie de marché) se sont retournés contre la nouvelle aristocratie de richesse et embrassèrent ce que Furet a lui-même décrit comme l’idée la plus puissante au sein de la démocratie moderne: l’idéal révolutionnaire.

Cet idéal est né d’une arrogance profonde au sujet de la toute-puissance de la volonté populaire et de l’illusion puissante selon laquelle l’homme pourrait créer un nouveau contrat social incarnant cet idéal de société. Mais cet idéal était aussi en proie à un profond doute sur lui-même – car si l’égalité démocratique  produit toujours l’inégalité aristocratique, alors la nécessité d’une révolution est pour le moins discutable. Et l’interaction de ces deux éléments – l’arrogance révolutionnaire et le doute sur la révolution elle-même – a perpétué en France tout au long du XIXème siècle (comme le note François Furet dans son grand classique, La Révolution française).

« La terreur de Lénine fut excusée ou même louée pour être la réincarnation de celle de Robespierre »

Mais les destructions sans précédent de la Première Guerre mondiale, qui semblaient accuser les fondements moraux de la démocratie libérale, écrasèrent rapidement les doutes quant à la nécessité de la révolution et l’arrogance révolutionnaire moderne naquit de nouveau en 1917, dans le plus improbable des lieux: la Russie, la nation la plus arriérée d’Europe. En s’appropriant l’antécédent jacobin, les bolcheviks réclamèrent une analogie historique avec la Révolution française. La terreur de Lénine fut excusée ou même louée pour être la réincarnation de celle de Robespierre, et la promesse de Lénine d’un nouvel avenir pour l’humanité en Russie semblait être l’accomplissement de la promesse analogue de la Révolution française.

Affirmant à la fois être le développement scientifique le plus considérable et détenir le sens moral le plus élevé, le communisme, affirme Furet,

« Est apparu unir la science et la morale – une combinaison miraculeuse de deux types de raisons tirées de deux univers différents. Convaincus qu’ils sont l’accomplissement des lois de l’histoire, les militants combattent aussi l’égoïsme du monde capitaliste, au nom de l’universalité de l’homme. Ils voilent leurs actes par un nouveau type de conscience, exalté comme une vertu civique (…) Tous les communistes ont cru, ou croient encore, qu’ils expérimentent à l’avance la réconciliation de l’humanité avec elle-même ».

Le sentiment antibourgeois et l’arrogance révolutionnaire qui ont généré la révolution russe ont également alimenté la montée de Mussolini et d’Hitler les décennies suivantes. Mais l’existence du fascisme et du nazisme, note François Furet, fut aussi fortuite pour le communisme que la Première Guerre mondiale. A la fin des années 1920, du fait de la volonté de Staline d’instaurer un «socialisme dans un seul pays» et des luttes contre Trotsky et les autres anciens héros de la Révolution, l’Union soviétique perdit beaucoup de son attrait en Europe occidentale. Affaibli sur le front intérieur, aussi bien par l’échec lamentable de la collectivisation que par les purges de millions de citoyens, Staline fut contraint de détourner l’attention par la menace extérieure: l’Union soviétique était le seul rempart contre le fascisme, et quiconque la critiquait était présumé offrir une aide à Hitler.

Avec l’antifascisme comme cause, l’Union soviétique était en mesure d’attirer l’aide dont elle avait besoin. En effet, la guerre civile espagnole offrit la preuve que les communistes étaient à l’avant-garde de la lutte contre les fascistes et, à travers des alliances de « Front populaire » avec la gauche d’Europe occidentale, des intellectuels non communistes ajoutèrent un prestige supplémentaire à la tyrannie de Staline. Même certains intellectuels catholiques romantiques trouvaient attrayante la vision stalinienne de la communauté. Le Congrès des écrivains pour la défense de la culture de 1935 – qui chantait les louanges de l’humanisme soviétique – mit en vedette des notables tels que Louis Aragon, André Malraux, André Gide, Heinrich Mann, Bertolt Brecht, Aldous Huxley, et EM Forster.

Staline n’avait rien fait pour mériter les éloges de ces intellectuels ou les sacrifices des brigades internationales durant la guerre civile espagnole. Et ses actions ultérieures jetèrent rapidement le discrédit sur la cause communiste. Si les récits de procès fantoches et des exécutions de masse pouvaient être rejetés par les intellectuels occidentaux comme de la propagande fasciste, le traité de Staline avec Hitler en 1939 ne pouvait l’être. Cet événement dévoila Staline, véritable tyran issu d’une tradition russe ancienne, déterminé à regagner les territoires perdus par la Russie en 1918. La haine présumée du fascisme de Staline ouvrit la voie à un soutien pour Hitler; les partis humiliés de la Troisième Internationale eurent du mal à expliquer pourquoi ils abandonnèrent soudain leur cri de ralliement antifasciste. Les doutes qui avaient gardé d’autres voyageurs à devenir communistes à part entière se répandirent, et beaucoup pensaient qu’ils avaient été dupés par Staline.

Mais l’histoire est venue une nouvelle fois à la rescousse de l’Union soviétique, avec l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale et la décision d’Hitler d’envahir la Russie. Staline n’était absolument pas préparé à combattre Hitler, après avoir purgé ses unités militaires d’élite dans les années 1930 et ayant ignoré des dizaines de mises en garde avant l’attaque imminente de l’Allemagne en 1941. Mais il a néanmoins récolté les bénéfices de la guerre. La défaite du fascisme a donné au marxisme-léninisme le monopole de l’esprit révolutionnaire qui avait commencé avec la Révolution française, et les victimes de la guerre apparurent comme les martyrs de la théologie marxiste de l’histoire. Avec la défaite d’Hitler, l’Union soviétique obtint une légitimité sans précédent en Occident. Les sacrifices du peuple russe aidèrent à absoudre aux yeux du monde les Soviétiques de leurs crimes. Le communisme, discrédité après le pacte germano-soviétique, naquit de nouveau, et l’admiration occidentale atteignit son apogée dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale.

Bien sûr, cette admiration n’était pas partagée par ceux qui, en Europe orientale, virent de plus en plus le communisme pour ce qu’il était: simplement un autre nom du commandement totalitaire de Staline. Alors, comment était-il possible que les intellectuels, à Paris et à Rome, se résolvent à nier la réalité de l’Europe, à nier le Goulag, à déclarer Staline le génie ayant compris la marche de l’histoire et à jurer que la science prolétarienne était en train de naître?

La réponse réside, en partie, dans le malheur des intellectuels européens face à la Guerre froide grandissante entre l’Union soviétique et les Etats-Unis, qui préfigurait le propre déclin géostratégique de l’Europe. Face à leur influence allant s’amoindrissant, de nombreux intellectuels trouvèrent l’anti-américanisme plus aisé à accepter que l’anti-communisme. Encore meurtris par la guerre, les intellectuels de gauche étaient antifascistes, et non pas anti-communistes. Fidèles à Staline en raison de « sa » victoire sur le nazisme, ils confondirent l’anti-communisme américain – caricaturé comme «maccarthysme» – avec une forme de fascisme qu’ils considéraient comme latent dans la démocratie libérale.

Staline avait réussi à prolonger la puissance de l’idée révolutionnaire pour son propre bénéfice, mais l’ignorance délibérée de la gauche occidentale face au véritable caractère du stalinisme fut fortement ébranlée par le successeur de Staline, Nikita Khrouchtchev. En dénonçant le culte de la personnalité de Staline et en réhabilitant les « nationalistes » communistes purgés par Staline durant ses dernières années, Khrouchtchev cherchait tout simplement à éliminer les excès du stalinisme, tout en maintenant fermement en place le système communiste. Mais ses efforts de réformes progressives, comme celles de Mikhaïl Gorbatchev plus de trois décennies plus tard, eurent des conséquences au-delà même de son propre entendement.

En permettant à l’intelligentsia de refaire surface, Khrouchtchev introduisit l’Occident à quelque chose qui lui était inconnu: l’intellectuel anti-communiste, notamment Alexandre Soljenitsyne. Et quand Khrouchtchev fut contraint d’agir de manière stalinienne, il manqua du prestige de Staline, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, pour le soutenir. Quand, par exemple, en 1956, les communistes hongrois ne furent plus en mesure de contrôler un soulèvement des travailleurs, il n’eut d’autre choix que de s’emparer du pays. Les actions de Khrouchtchev n’étaient pas sans rappeler les pires heures du stalinisme (y compris la prétention justifiant «l’aide fraternelle à la contre-révolution combattante de la classe ouvrière hongroise »). L’éradication de l’insurrection hongroise annihila la revendication communiste à la supériorité morale et, dans les années qui suivirent, la Gauche occidentale rejeta de plus en plus l’idée communiste incarnée par l’Union soviétique.

« Furet parvient à mettre en évidence les paradoxes de l’effondrement de l’Union soviétique en 1989″

L’histoire que François Furet expose dans Le passé d’une illusion s’estompe de façon spectaculaire après l’insurrection hongroise, en consacrant seulement quarante de ses six cents pages aux trois dernières décennies de l’Union soviétique. Mais Furet parvient à mettre en évidence les paradoxes de l’effondrement de l’Union soviétique en 1989: le communisme, qui prétendait être le verdict définitif de l’histoire, a été condamné à disparaître par celle-ci. Le communisme n’est plus l’avenir de la démocratie libérale qu’il avait affirmé être, qu’il aurait voulu remplir et remplacer.

Avec Le passé d’une illusion, François Furet nous a offert comme cadeau final une histoire à la fois complète et convaincante. Bien sûr, le livre contient quelques erreurs: Staline n’a pas soutenu avec ténacité les revendications de Tito à Trieste ; la brouille avec la Yougoslavie ne fut pas la première crise du communisme hors de Russie (après la Première Guerre mondiale, il y eut des coups d’Etat à Budapest ; en 1939, la tentative de prise de contrôle communiste en Finlande échoua). Alors aussi, Furet aurait pu renforcer son argumentation en se concentrant davantage sur le marxisme occidental hors de France, surtout en Italie.

Néanmoins, le livre offre un compte rendu exact et perspicace du passé illibéral de notre siècle. Et – avec son avertissement que la fin des Soviets ne signifie en rien que l’idéal révolutionnaire ne se manifestera jamais de nouveau dans la démocratie libérale – Le passé d’une illusion rappelle la façon par laquelle la discipline qu’est l’histoire devrait être utile, comment elle peut être encore utile entre les mains d’un maître courageux: être une appréciation franche et impartiale du passé, pour guider la façon par laquelle nous devrions vivre aujourd’hui.

Le Professeur Daniel J. Mahoney de l’Assumption College est mon guide indispensable pour comprendre Furet et de nombreux autres penseurs français contemporains. Je lui suis très reconnaissant de son aide pour l’élaboration de cet article.

_____________________

* Kenneth R. Weinstein est Président et CEO de l’Hudson Institute. Ses articles ont été publiés dans de nombreuses revues: The New Republic, The Wall Street Journal ou encore Le Figaro ou le Bungei-Shunju (Japon). Francophile, il est Chevalier dans l’ordre des arts et des lettres. Il a été élève d’Allan Bloom à l’Université de Chicago, étudiant à Sciences Po’ (DEA d’études soviétiques) puis diplômé d’un PhD à Harvard, réalisé sur Pierre Bayle, un philosophe français du XVIIème siècle. Il tient un blog, Vue de Washington.

Cette page est produite par l’Institut Coppet et le Bulletin d’Amérique.

 

Source: http://kenweinstein.blog.lemonde.fr/2011/07/12/francois-furet-et-la-seduction-du-communisme/ via http://www.ndf.fr/vu-des-etats-unis/14-07-2011/francois-furet-et-la-seduction-du-communisme#more-9182

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 23:00

Rediff. Le 29 mai 1453 l'empire romain d'Orient, "empire byzantin" s'effondrait par la chute de Constantinople avec massacres des civils, tueries, viols et sacrilèges commis par les sectateurs de Mahomet. Le système libéral pratique à ce sujet l'habituel silence médiatique comme pour tous les thèmes contraires au politiquement correct.. Aucune mémoire, aucune pensée, aucun article, aucun écho dans les medias pour ces victimes, apparemment moins égales que d'autres.

"Durant toute cette journée, les Turcs firent, par toute la cité, un grand carnage de chrétiens. Le sang coulait sur la terre comme s'il en pleuvait et formait de vrais ruisseaux. ... Georges Phrantzes dit aussi que, 'en certains endroits, le sol disparaissait sous les cadavres et que l'on ne pouvait passer par les rues'.

'... Ils volent, dérobent, tuent,... font captifs femmes, enfants, vieillards, jeunes gens, moines, hommes de tous âges, de toutes conditions'.

... Ils prenaient les trésors et les vases sacrés, dépeçaient les reliques et les jetaient au vent; ils exhibaient dans les rues puis dans leurs camps, le soir, des crucifix montrant le Christ coiffé de l'un de leurs bonnets rouges. De Sainte-Sophie, ils firent d'abord une écurie. Un nombre incalculable de manuscrits précieux, ouvrages des auteurs grecs ou latins de l'Antiquité, furent brûlés ou déchirés.

Les religieuses, violées par les équipages des galères, étaient vendues aux enchères. ... 'Cette cohue de toutes les nations, ces brutes effrénées, se ruaient dans les maisons, arrachaient les femmes, les traînaient, les déchiraient ou les forçaient, les déshonoraient, les violentaient de cent façons aux yeux de tous dans les carrefours'.

Pendant trois jours, ce fut aussi une terrible chasse et un immense marché aux esclaves. ... Aucune bataille, aucune conquête n'avait jamais donné en si peu de temps autant de captifs. Ils furent vendus et revendus par la soldatesque puis par les mercantis de toutes sortes, séparés les uns des autres, promis aux travaux misérables jusqu'aux plus lointaines provinces du monde musulman.

... Mehmet avait ordonné que les familles des dignitaires grecs soient réduites à la plus dure et à la plus humiliante des servitudes. Il s'était fait réserver les filles les plus belles et les plus jeunes adolescents et il fit don de quarante très jeunes gens et de quarante vierges au pacha de Babylone. D'autres enfants grecs furent envoyés jusqu'à Tunis et à Grenade.

... Les habitants de Constantinople échappés aux massacres et à l'esclavage avaient fui. Ce n'était plus qu'une ville en grande partie dévastée et vide d'hommes.

... La chute de l'Empire byzantin marquait la fin d'un monde et jetait à bas l'héritage de l'antique Rome".

 

Rappelons que Mehmet II (Mohamed II) ne rêva "que d'entrer en maître dans cette Constantinople chrétienne, qu'il voulait capitale de l'Islam. Ce jeune homme cultivé,… ami des arts et des lettres, avait fait massacrer ses frères en bas âge et faisait, à chaque campagne, scier en deux ou empaler les chefs ennemis prisonniers".

 

Source : Jacques Heers, Chute et mort de Constantinople, Perrin, Collection Tempus, Paris 2007, p. 239, 252-259.



                                                    ***

Le 27 mai, Mahomet II réunit un Grand Conseil 

- Attaque en force des Turcs le 12 mai

- 20 avril 1453 Constantinople reçoit le renfort de quatre navires génois

- 18 avril 1453

- 12 avril 1453 Constantinople : Les gros tirs d'artillerie commencent

- 5 avril 1453 Mehmet II (Mohammed II) fait dresser son pavillon face aux murailles de Constantinople

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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 21:38

Les Francs n’ont pas seulement donné leur nom à la France ; leur langue, le francique ne disparaîtra pas sans avoir laissé de trace dans la langue française.

L’apport franc à la constitution de la langue française se distingue d’autres apports (mots de formation savante pris du grec ancien, mots isolés d’origine italienne, espagnole ou arabe…) par le fait qu’il résulte de l’implantation, sur le territoire gaulois, d’une population de langue germanique : les Francs. Si ces derniers apprennent assez rapidement à s’exprimer dans le bas-latin parlé par les gallo-romains, ils n’en continuent pas moins à pratiquer jusqu’à la dynastie carolingienne leur langue germanique d’origine : le francique.
 

Outre ses effets au niveau de la typologie, de la phonétique et de la syntaxe, l’apport francique a laissé, au niveau lexical, des mots assez importants et assez nombreux. Plus de 500 mots d’origine francique existent encore aujourd’hui dans la langue française (il y en avait 700 dans le vieux français). Selon M.J.Brochard («Le francique» dans Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaire Le Robert), certains emprunts lexicaux, dans une zone située entre la Picardie et la Lorraine, remontent à la première colonisation (Vè siècle). D’autres, qui ne dépassent pas le sud de la Loire, témoignent d’une forte implantation au nord de la Loire pendant la période mérovingienne. La troisième catégorie d’emprunts pénètre, par l’intermédiaire du latin carolingien, jusque dans les régions du sud de la Loire. Ces mots sont, pour la plupart, des emprunts interromans que l’on trouve dans d’autres langues romanes.

Des mots d’origine francique se retrouvent dans pratiquement tous les domaines, excepté le commerce, l’artisanat et la religion.
Conquérants, les Francs apportèrent à la langue française le mot guerre et tout un vocabulaire ayant trait à l’art médiéval : heaume, haubert, hache, héraut, ainsi qu’à l’art équestre : galoper, trotter, étalon, croupe, éperon, étrier. On leur doit également le nom de certaines fonctions : maréchal, sénéchal, baron.
Plusieurs verbes d’usage courant viennent des Francs. On trouve parmi eux des verbes indiquant : le mouvement : marcher, danser , grimper, frapper, ramper, heurter; l’observation : guetter, épier, guigner; la mise en ordre : ranger, garer; l’engagement : garantir, gager; le fait de conduire les autres : guider; le fait de s’assurer un profit, d’être vainqueur : gagner.

 

De même, est-on redevable à la langue des Francs de divers mots traduisant un sentiment particulièrement fort : orgueil, haine, hargne, honte, ainsi que d’adjectifs marquant l’énergie et le courage : hardi, ou l’honnêteté : franc.
Citons encore des couleurs : bleu, blanc, gris; des adverbes : trop, guère; des termes ayant trait à la vie rurale : hameau, jardin, haie, hêtre, houx, mousse, haricot, grappe, gerbe, gibier, harde, hanneton, crapaud, mare; des noms de bâtiments : hangar, halle; des noms d’objets divers : hotte, cruche, trique, échasse, jauge, gaule, gant, froc, trappe, gaufre.

L’apport de Francs à la langue française est si riche et si diversifié qu’il permet de construire des phrases où tous les noms, adjectifs et verbes proviennent de la langue francique. Ainsi continuons-nous d’une certaine manière à parler la langue des Francs lorsque nous disons que «la guerre éclate», que nous parlons de «gagner la guerre» ou que nous construisons une phrase telle que «le hardi baron guerroie sans heaume et sans haubert. Éperonnant son étalon, il franchit la haie au galop et, de sa hache, frappe l’orgueilleux sénéchal».

Dans un style plus pacifique et bucolique, on utilise également des termes d’origine franque lorsque nous parlons d’ attraper des crapauds dans la mare, de ranger la houe dans le hangar ou de récolter les haricots blancs du jardin.
L’apport des « Barbares » à la langue française ne se limite pas à l’apport initial des Francs. Les vikings qui s’installent en Normandie au Xè siècle apporteront nombres de mots d’origine scandinave dont une partie passera des dialectes normands dans la langue française. Ces termes ont essentiellement trait à la navigation et au monde de la mer : flotte, cingler, étrave, agrès, quille, hune, vague, crique, varech, crabe, homard, marsouin. Viennent également du scandinave des verbes tels que flâner et hanter.

Tous ces mots s’ajoutant à l’apport francique et aux mots qui continueront à être empruntés aux langues de peuples germaniques avec lesquels les Français restent en contact étroit durant tout le Moyen Âge (matelot, nord, sud, est, ouest, hisser, garder…) augmenteront l’impact germanique sur la langue française. César aurait ainsi bien du mal à retrouver son latin dans la phrase suivante : «Le matelot hisse le foc et grimpe sur le mât de hune. La flotte cingle vers le nord; à bord du bateau, l’équipage, harassé, grommelle.»

Une certaine légèreté de l’esprit français peut même s’exprimer en des termes qui ne doivent rien à la langue d’Ovide. Ainsi ne sommes-nous pas aussi «latins» que nous le croyons lorsque nous prononçons une phrase telle que : «Le galant marquis garde en gage le gant de la baronne.»
Notons, pour conclure, que les prénoms royaux les plus fréquemment utilisés nous viennent des Francs. Louis (Lodewig en francique, Ludwig en allemand), dont Clovis (Chlodwig) n’est qu’un doublet; Charles (Karl).
De même, près du quart des patronimes français actuels ont des racines germaniques, notamment franciques. Notons ainsi, parmi tous ceux qui sont cités par Albert Dauzat[1] : Auger (Adal-Garl), Baudouin (Bald-Win), Béraud (Berwald), Drumond (Drud-Mund), Foucher (Fulc-Hari), Gaubert et Jobert (Gaut-Berht) , Godard (Gud-Hard), Guichard (Wig-Hard) , Flobert et Flaubert (Hlod-Berht), Raimbaud (Ragin-Bald), Roland (Hrod-Land); Lambert (Land-Berht), Landry (Land-Ric), etc…

Peut-on en conclure que finalement, nos ancêtres ne sont pas les Gaulois ? Certainement pas !
Les Gaulois devinrent Gallo-Romains non parce qu’ils furent submergés par des populations d’origine romaine, mais parce qu’ils se soumirent à l’autorité militaire et administrative de Rome, et que petit à petit, ils adoptèrent de nombreux aspects de la culture romaine. Puis, les Gallo-Romains passèrent sous domination franque. Là encore, la population resta composée en très grande majorité de Gaulois, des Gaulois romanisés qui, se pliant à l’autorité des Francs assimilèrent une partie de la culture franque, sans pour autant perdre leur identité gauloise.

 

Bref, la France est un pays né d’une belle synthèse de trois éléments : Celtes (les Gaulois), Latins (les Romains), Germaniques (les Francs). La synthèse a été possible, et fructueuse, car Celtes, Latins et Germains appartenaient au même fond culturel et ethnique : les Indo-Européens.

Source : http://www.cgauloise.com/2011/05/lapport-des-francs-la-langue-francaise.html, via http://www.contre-info.com/lapport-des-francs-a-la-langue-francaise

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 15:35

30 avril Mort de Bayard.

 

Le Bréda à Pontcharra (Isère), avec à droite une statue du Chevalier Bayard et au fond le mont Granier

 

 

C'était le 30 avril 1524, nous dit un chroniqueur. L'armée française était en retraite. Le chevalier Bayard se retirait le dernier au petit pas de son cheval. Souvent, il s'arrêtait, le visage face à l'ennemi et l'épée au poing, quand soudain fut tiré un coup d'arquebuse à croc. La pierre vint frapper le chevalier.

 

- Jésus ! Hélas mon Dieu, je suis mort.

 

Il prit son épée par la poignée, et en baisa la croisée en disant :

 

- Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam (Ndlr. Pitié pour moi, mon Dieu, selon ta grande miséricorde). Bayard manqua glisser de son cheval. Mais il eut encore le coeur de prendre l'arçon de la selle, et demeura en cet état jusqu'à ce qu'un jeune gentilhomme, son maître d'hôtel, l'aidât à descendre sous les yeux de l'ennemi et le mît sous un arbre.

 

Le chef des Espagnols, le marquis de Pescaire accourut :

 

- Plût à Dieu, seigneur de Bayard, qu'il m'eût coûté le quart de mon sang, pour ne pas vous voir dans cet état; car depuis que j'ai connaissance des armes, n'ai vu ni ouï parler de chevalier qui en toutes vertus vous ait approché; et bien que je dusse être bien aise de vous voir ainsi, étant assuré que l'Empereur mon maître en ses guerres n'avait point de plus grand ni rude ennemi, que je ne puis me réjouir, car toute la chevalerie est en deuil.

 

Le connétable de Bourbon qui avait trahi la France et servait les Espagnols vint à passer :

 

- Messire Bayard, après tant de loyaux services, dans quel était je vous vois! Je vous plains de tout mon coeur.

 

- Monseigneur, il ne faut pas avoir pitié de moi, qui meurs en homme de bien; mais j'ai pitié de vous, qui êtes armé contre votre prince, votre patrie et votre serment.

 

Bayard rendit l'âme... Et pendant longtemps en France, dans toutes les provinces du royaume, avant de commencer le saint Sacrifice, le prêtre ordonnait:

 

'Prions Dieu, mes frères, pour le roi et pour Bayard qui a sauvé la France!'

 

 

  Statue du chevalier Bayard, 1823, place Saint-André, Grenoble, FRANCE 

 

Source : André Castelot, L'Almanach de l'histoire, Librairie académique Perrin, Paris 1962, réed. France Loisirs, Paris, 1974, p. 220.

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 13:00
Charles VII, winner of the Hundred Years War (1337-1453)
 
Charles VII, vainqueur de la Guerre de Cent Ans (1337-1453)
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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 00:01

Il y a 49 ans, le 26 mars 1962, un lundi après-midi, la fusillade de la rue d’Isly appelée aussi le massacre de la rue d'Isly a eu lieu devant la grande poste de la rue d’Isly à Alger (dont le nom commémore la bataille éponyme du 16 août 1844 qui vit la victoire du Maréchal Bugeaud... sur Moulay Abdal-Rahman, sultan du Maroc qui soutenait Abd el-Kader, à Alger).

 

Ce jour-là, vers 14h45, l'armée "française", composée en majorité de tirailleurs musulmans "en tenue de l'armée française", selon de très nombreux témoins, tirait sur des manifestants pacifiques pro-Algérie française, non-armés, "sans aucune sommation, ni par tambour, ni par clairon, ni par haut-parleur ou par voix". Les tirailleurs, selon les nombreux témoins, se trouvaient à la hauteur de l'Agence Havas. Selon ces témoins, "aucun avertissement n'a été donné à la foule préalablement à l'ouverture du feu. Le feu a été dirigé subitement sur des femmes et des hommes de tous âges et de toutes conditions venus à cette manifestation sans armes pour témoigner en faveur des isolés de Bab el Oued. Et ils tirèrent "dans le dos de la foule" qui, se retournant, cherchait à fuir... Les militaires tirèrent "sans arrêt rafale après rafale", "sur des gens à terre", "sur ceux qui levaient les bras". Achevant les blessés, ils tirèrent "sur ceux qui venaient secourir les blessés". "Les premiers médecins et infirmières, et pompiers furent mitraillés aussi et plusieurs tués, dont un docteur et plusieurs pompiers". "Le docteur qui se trouvaint là voulut porter secours pendant une accalmie à des blessés. Il fut tué sur place. Ils tirèrent aussi "sur les autres soldats". Ils n'obéirent pas au cessez-le feu. Les tirailleurs métropolitains adjurant les musulmans ne purent "rien empêcher, ceux-ci ne voulant rien entendre". "Simultanément, d'autres fusillades" éclatèrent à la même heure. Vers 14h50 dans le bas de la rue Richelieu, aux environs de la 'Boucherie Populaire', des éléments des C.R.S., 'habillés de bleu', se tenant à la hauteur du boulevard Baudin, en travers de la Rampe Chasseriau, ouvrit "brutalement le feu au moyen d'armes automatiques", en direction du carrefour de l'Agha et de la rue Richelieu, alors que la population qui emplissait la rue à ce moment était parfaitement calme et ne se livrait à aucune provocation... Après l'arrêt du feu, les C.R.S. firent lever les bras aux personnes qui étaient à proximité du carrefour de l'Agha et les ont matraquées à coup de crosse. Un témoin chrétien, déclara "devant Dieu" avoir vu, de ses yeux vu, "un garde mobile la mine réjouie, inviter ses camarades à venir prendre la position dans la corniche droite du monument aux morts en faisant le signe de la main que c'était formidable d'ici et que cette position leur assurait un endroit plus confortable pour continuer le massacre." Un témoin ancien officier affirme sa conviction que "l'ouverture du feu a été préparée et exécutée sur ordre général." "Les tirailleurs de la rue d'Isly appartenaient au 4e R.T., dont le P.C. se trouvait à Berrouaghia." (1)

 

La France avait son Oradour et avait édifié dans le sang son mur de la honte.

 

Le "dernier bilan officiel" (fiche wikipedia), un carnage, est de 46 morts et 150 blessés, bien que de nombreux blessés meurent à l'hôpital Mustapha, où la morgue est débordée. Aucune liste définitive des victimes n'a jamais été établie... Toutes les victimes étaient des civils, européens, quelques juifs séfarades. Toutefois en 2003, dans sa contre-enquête Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, le grand reporter Jean-Pax Méfret avance le nombre de 80 morts et 200 blessés au cours de ce qu'il nomme « le massacre du 26 mars » (Jean Jean-Pax Méfret, Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, Pygmalion, 2003). L'association des victimes du 26 mars publie une liste de 62 morts, tous des civils ; 7 militaires (dont 2 gendarmes) sont tués. Il faut attendre 12 septembre 2008, pour que la télévision "française" (France 3), consacre une émission à cet événement méconnu, Le massacre de la rue d'Isly, documentaire de 52 minutes, réalisé par Christophe Weber conseillé par l'historien Jean-Jacques Jordi. Les familles n'ont jamais eu le droit de récupérer les corps des victimes. Beaucoup ayant été clandestinement enterrés au cimetière Sainte Eugène.

 

Le Livre blanc, publié en 1962, avance quant à lui, le chiffre de 80 morts, et 200 blessés de la fusillade. (2)

 

Selon l'article wikipedia, "c'est un des derniers exemples de guerre civile entre Français" (sic). En réalité, il n'y a pas du tout eu de "guerre civile" ce 26 mars1962 : il s'agit là d'un pur mensonge, ce jour-là il n'y a pas eu de guerre entre des civils français, mais plutôt une attaque en règle de la dite "armée française" contre des civils français qui manifestaient pacifiquement pour l'Algérie française à la rue d'Isly. Ce n'est donc pas pareil. Il s'agit à notre sens d'un "crime de guerre" qui n'a jamais vu son (ses) auteur(s) poursuivi(s) devant un quelconque tribunal international... Les crimes de guerre étant définis par des accords internationaux et en particulier dans le Statut de Rome (les 59 alinéas de l'article 8) régissant les compétences de la Cour pénal internationale (CPI), comme des violations graves des Conventions de Genève (dont la première date de 1864). Ceci inclut les cas où une des parties en conflit s'en prend volontairement à des objectifs (aussi bien humains que matériels) non militaires, comme les civils, les prisonniers de guerres et les blessés.

 

En 1945, le procès de Nuremberg, chargé après la Seconde Guerre mondiale de juger les criminels et organisations nazis, définissait ainsi le crime de guerre, dans la Chartres de Londres : « Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés... » (3)

 

Au soir du 26 mars 1962, le président Charles de Gaulle s'adressait au "peuple français"... par l'intermédiaire d'une allocution télévisée (Allocution Elysée JT 20H - 26/03/1962). Il demanda au peuple de voter "oui" à l'imminent référendum portant sur l'autodétermination de l'Algérie et déclara que « En faisant sien ce vaste et généreux dessein, le peuple français va contribuer, une fois de plus dans son Histoire, à éclairer l'univers » (sic)..., mais ne fait aucune référence au massacre qui eut lieu dans la journée ; bien qu'un reportage ait été filmé par un correspondant de l'ORTF à Alger (Algérie: les événements du lundi 26 mars 1962, reportage muet filmé le 26 mars à Alger par Michel Colomes mais non diffusé, Journal Télévisé de 13H, ORTF, 28/03/1962).

 

45 minutes avant l'allocution du Président démarrant à 20h, Inter Actualités rapportait les évènements de la rue d'Isly par un reportage radiodiffusé de Claude Joubert, envoyé spécial à Alger.

 

Sources:

 

(1) Livre blanc, Alger le 26 mars 1962, L'Esprit nouveau, Meaux 1962, p. 29, 79, 80, 93, 99, 103, 109, 111, 117, 123, 143, 144, 150, 154, 179. 

(2) Livre blanc, Alger le 26 mars 1962, ibid., p. 11.

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Crime_de_guerre

 

- L'Algérie avant 1830: raids barbaresques en Méditerranée, enlèvements d'hommes, femmes, enfants réduits en esclavage

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