Alliance royale vient de publier un article sur le Triple A. C'est beaucoup plus fouillé que ce que dit Marine Le Pen.
La nouvelle est tombée en clôture de bourse vendredi 13 janvier, sans doute afin de permettre aux marchés financiers de se calmer durant le week end, la France a perdu son triple A, délivré par les agences de notation financières, preuve de sa mauvaise santé économique et budgétaire. La note sera désormais AA+ avec une possible nouvelle dégradation en 2013, qui serait donc de AA. Depuis ce vendredi, les différents candidats à l'élection présidentielle se sont déchainés contre la politique de l'actuel gouvernement et du Président Sarkozy, tandis que ces derniers tentaient de minimiser l'impact de cette situation nouvelle. Au milieu des gesticulations politiques, il convient surtout de se pencher sur les conséquences très concrètes de la perte du triple A. Cette notation est un indicateur de confiance pour les marchés financiers au sein desquels l'Etat français trouve les moyens de financement de sa dette. Jusqu'à ce jour, la signature de la France, connue pour sa qualité, est encore l'une des plus recherchées sur le marché des obligations d'Etat en Europe, et ce à tel point que les émissions d'obligations par le Trésor sont toujours couvertes au-delà de ce qui est attendu. La dégradation de notre note risque bien de troubler cette situation. Autrement dit, une baisse de cette confiance se traduira par de plus grandes difficultés à trouver des prêteurs, ou bien à des taux d'intérêts plus importants. Or, la direction générale du Trésor public, institution chargée de gérer le compte courant de l'Etat à la Banque de France, a un besoin quotidien de ces financements. En effet, statutairement, le compte courant de l'Etat n'a pas le droit d'être débiteur. Cependant, trois facteurs fragilisent cette exigence :
- Premièrement, le décalage de temps entre les dépenses quotidiennes de fonctionnement de l'Etat et les rentrées d'impôts qui, elles, se réalisent à un rythme mensuel plus saccadé, provoquent un déséquilibre temporaire très régulier.
- Deuxièmement, la politique actuelle du Trésor public consistant à optimiser l'utilisation de ce compte courant en faisant fructifier les fonds non dépensés sur les marchés financiers européens, laissant le moins possible d'argent public dormant à la Banque de France, le compte se trouve fréquemment en situation tendue avec un besoin de financement immédiat et donc un recours à l'emprunt à court terme, pour maintenir l'équilibre.
- Troisièmement, de façon plus structurelle, aucun budget n'ayant été voté à l'équilibre depuis 1974, les dépenses sont constamment supérieures aux recettes, ce qui contraint le Trésor à recourir à l'emprunt de moyen et de long terme pour des raisons structurelles.
Pour combler ces trois besoins de financement, le Trésor public recourt, on l'a dit, à l'émission d'obligations. La dette de l'Etat est ainsi constituée de 13% de Bons du Trésor à Taux fixe, pour les emprunts de court terme sur quelques mois, et donc dont les taux d'intérêts seront impactés dès les prochaines semaines par la perte de notre triple A. 19% de Bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels, pour les emprunts allant jusqu'à 1 an, dont les taux d'intérêts seront impactés par la perte de notre triple A dans les mois à venir. 68% d'obligations à terme, dont le taux est fixe, pour les emprunts à long terme, supérieurs à 1 an. La durée de vie moyenne de cette dernière catégorie d'obligations est de 7 ans. Dans ce dernier cas, les conséquences de la perte du triple A interviendront en décalé dans le temps. Cependant, 11% de ce dernier type d'obligations est à taux variable, indexé sur l'inflation, et provoquera donc un renchérissement immédiat de notre dette en cas de conséquences de la perte du triple A sur l'équilibre des prix, soumis en partie à la confiance des marchés.
Pour conclure sur les conséquences de la perte du triple A, elles vont concerner toute notre dette à venir dont les taux d'intérêts seront modifiés par la perte de confiance des marchés, soit dans l'année à venir les deux catégories de Bons du Trésor, renouvelés quasi-quotidiennement, et les 11% d'obligations à taux variable. Les obligations à taux fixe n'étant impactées que progressivement, au fur et à mesure des nouvelles émissions, moins fréquentes. Ces modifications impliquent donc un renchérissement de la dette sur plusieurs centaines de milliards d'euros durant l'année à venir. En effet, rappelons que la dette de l'Etat français est de 1320 milliards d'euros, soit 78,2% de nos 1688 milliards d'euros de dette publique, incluant les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière. Soit, pour la dette de l'Etat, un peu plus de 20 000 euros par tête de nos 63 millions de compatriotes. Une modification des taux d'intérêts sur de telles sommes prendra d'incroyables proportions. A cela nous ne pourrons rien.
La conséquences politique de cette évolution sera la suivante :
Pour maintenir l'équilibre des finances, le Trésor public devra recourir à de nouveaux emprunts pour rembourser les taux d'intérêts augmentés suite à la perte du triple A. C'est un cercle vicieux. Par ailleurs, le législateur devra se livrer à l'exercice périlleux du vote de lois de finances rectificatives, afin de réduire les dépenses publiques sur tel et tel budget, ou au contraire d'accroître les engagements budgétaires sur tel autre, comme le service de la dette, deuxième budget de l'Etat, occupé à régler les seuls intérêts de la dette en cours, ou d'augmenter les plafonds d'endettement autorisés. Ces lois rectificatives interviendront en pleine période électorale, c'est à dire dans un contexte institutionnellement fragilisé ; les plus hauts fonctionnaires attendant leur mutation en cas de changement de majorité politique, et les cabinets ministériels étant plus occupés à détruire les données de l'équipe en place pour éviter que la nouvelle équipe ne s'en serve, qu'à régler l'avenir de la France. Elle peut bien attendre...
On le voit, cette dégradation de notre note, sans être la catastrophe que prétendent MM. Hollande et Bayrou ou Mme Le Pen, sera un élément de plus de déstabilisation pour notre Etat, et derrière pour notre pays.
La cause de cette situation extrêmement tendue doit se trouver dans les trente six dernières années d'impéritie qui ont conduit notre Etat à ne voter aucun budget à l'équilibre, laissant peu à peu filer une dette publique dont les variations les plus faibles prennent des allures de défi herculéen. Les solutions courageuses de limitation de la dépense publique devaient être prises il y a plus de trente ans. Bien au contraire, laissant la génération suivante régler la note, les gouvernements successifs ont aggravé cette situation, en augmentant les dépenses de l'Etat. C'est une attitude irresponsable, de décideurs aujourd'hui morts, à la retraite ou en passe de quitter les affaires, qui nous a conduit dans cette impasse, en engageant des dépenses sur des fonds que nous n'avions pas, au titre de la solidité de notre signature sur le marché des obligations. Politique d'enfants inconscients de l'avenir de la France et considérant que dans toute ces histoire de "A", les andouilles resteraient bien les Français.
Aujourd'hui, cette politique désastreuse peut encore continuer, au risque de nouvelles dégradations, jusqu'au jour où il faudra bien y mettre fin, rétablir l'équilibre des finances publiques et régler nos dettes car plus personne ne nous fera confiance et ne voudra nous prêter. D’ores et déjà la cure d'austérité serait douloureuse, en termes de ruptures de subventions publiques, d'aides d'Etat, d'assurances sociales ou de pensions. Plus nous attendrons, plus dur sera le traitement. Les hommes qui nous gouvernent s'en moquent bien. Pour eux seule importe leur réélection, car elle est leur gagne pain. Or, l'homme qui prendra la décision courageuse de cette remise en état brutal est bien certain de ne pas être reconduit dans sa charge au scrutin suivant.
C'est ici, dans cette situation périlleuse, qu'il nous faudrait, à la tête de l'Etat, un souverain au-dessus des contingences électorales et partisanes, capable de donner son soutien à un gouvernement de braves. C'est ici qu'il nous faudrait un roi et que l'Alliance royale pose encore une fois aux Français la question nos institutions.
Gabriel Thibout
Source: http://www.allianceroyale.fr/articles/actualites/271-aaa
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Merci à Dominique