La civilisation espagnole a écrasé l’indien ; la civilisation anglaise l’a méprisé et négligé ; la civilisation française l’a étreint et chéri.
Jean-Marc Soyez (1927-2008), historien, dans Historama (juin 1984) disait : « Car il ne faut pas oublier que de tous les étrangers qui ont abordé ou aborderont l’Amérique, les Français sont les seuls à y avoir été invités par les autochtones. »
Tous ces héros oubliés dont les noms sonnent encore à nos oreilles : St Castin, Beausoleil, Dumas, Magdeleine, Piskaret, d’Iberville, Cadillac, Tsohahisen, La Vérandrye, Boishébert, Kateri Tekakwitha, Langy… et toutes ces victoires, La Monongahela, Corlar, Dover, William Henry, Carillon ou Ticonderoga et Sainte Foy… Comment ne pas rappeler Pontiac, chef Ottawa, allié des Français qui faillit, en unissant les tribus amérindiennes après le Traité de Paris, mettre les anglais à la mer !!!
N’oublions pas les Illinois, dont toute la tribu désirait embarquer vers la France plutôt que de rester face aux Britanniques. Ils savaient leur fin proche après le départ des Français… Un vieil Ottawa dans les reportages de Kevin costner disait : « Avec les Français, nous n’avions pas de problème, nos filles se mariaient avec eux… »
Le Marquis de Montcalm fut envoyé par Louis XV en 1756 pour défendre de la Nouvelle-France de l'invasion Britannique pendant la Guerre de Sept Ans, guerre des Français et de leurs alliés Indiens contre les Anglais. Cette guerre se conclut par la signature le 10 février 1763 du Traité de Paris définitif dans lequel la France céda au Royaume-Uni le Canada et toutes les possessions à l'est du Mississipi.
Pour les Amérindiens, la chute de la Nouvelle-France (1534-1763) a signifié le début du génocide de leur peuple par les anglophones protestants.
Lecture de l'ordre de déportation, Tableau de Charles William Jefferys |
Dans la même période, les Acadiens (francophones nord-américains), de 1755 à 1763 furent déportés, chassés des terres qu'il occupaient depuis 150 ans malgré leur pacifisme et leur neutralité.
Dispersés parmi les Anglophones dans le but de les assimiler, souvent séparés de leurs proches, les Acadiens s'établirent notamment en Louisiane où ils donnèrent naissance à la culture cajun.
La déportation des Acadiens constitua une opération de nettoyage ethnique de grande envergure, compte tenu de la démographie de l'époque.
Il y avait en Acadie à l'été 1755, 12.000 Acadiens d'origine française. Cette année-là, 7.000 ont été expatriés. La déportation durera 5 ans et en tout plus de 10.000 Acadiens seront exilés.
Les Anglais purent prendre les fermes et les terres des Acadiens qui étaient généralement les plus fertiles de la Nouvelle-Écosse.
Lorsque la déportation cessa, il ne restait plus en Acadie que 165 familles françaises. Moins de 1000 personnes.
Après le traité de Paris de 1763, le gouvernement britannique donna 18 mois aux Acadiens pour quitter l'Empire britannique et gagner une colonie française.
En 1766, les Acadiens furent officiellement autorisés à s'installer au Québec, où plusieurs s'étaient réfugiés avant 1759, mais, dans les provinces maritimes (ancienne Acadie), les droits politiques leur furent refusés jusque dans les années 1830.
Vers 1766, d'autres Acadiens, les Cadiens, commenceront à se regrouper en Louisiane, devenue colonie espagnole.
Carte de la Nouvelle-France vers 1750 :
Ce portrait de Pontiac, sans doute imaginaire, a été peint par John Mix Stanley près de cent ans après la mort du chef amérindien en 1769. |
La "rébellion de Pontiac", "conspiration de Pontiac" ou "guerre de Pontiac",entre 1763 et 1766, opposa l'Empire britannique à une confédération de tribus amérindiennes de la région des Grands Lacs, du Pays des Illinois et de la vallée de l'Ohio, alliées des Français. Alors même que les Canadiens francophones s'efforçaient de demeurer neutres, la guerre est nommée du nom du chef outaouais Pontiac, de la nation alconquine, le plus prééminent des chefs amérindiens qui faillit rejeter les Anglais à la mer.
Le conflit fut causé par les politiques désavantageuses qu'imposaient les Britanniques après avoir battu les Français durant la guerre de la Conquête (1754-1760).
Après la chute de Québec et la prise de Montréal le 12 septembre 1760 par le major général Jeffrey Amherst , Commandant en chef des forces de Sa Majesté britannique en Amérique du Nord, les Carnets de Jeffrey Amherst révèlent qu'en plus de revendiquer leurs vastes territoires, les Britanniques adoptèrent une attitude radicalement différente de celle des Français envers les Amérindiens, assimilés à des "créatures désoeuvrées", des "vauriens de sauvages".
Cependant que l'édit de Richelieu sous Louis XIII stipulait que tout amérindien christianisé était sujet du roi de France, censé et réputé naturel français et que s'il venait en France il jouirait "des mêmes privilèges que ceux qui y sont nés" (Compagnie des Cent-Associés, 29 avril 1629), les Puritains anglo-saxons considéraient les catholiques comme des démons et les Indigènes comme des sous-hommes. Les Français eux-mêmes étaient assimilés à "un obstacle pour la paix et le commerce".
Jeffrey Amherst qui, fait chevalier le 25 octobre 1761 à Staten Island, dans la colonie New yorkaise - Quartier général des forces britanniques en Amérique du Nord -, accomplit un geste exceptionnel en matière de diplomatie et de conciliation offrit. Sachant qu'il devait gagner l'appui des Canadiens français, il promit aux membres de l'élite qu'ils pourraient conserver leurs propriétés et leur religion s'ils prêtaient serment d'allégeance à la Couronne britannique. Mais jamais ce même Jeffrey n'accorda les mêmes concessions aux peuples amérindiens.
Les guerriers de nombreuses tribus (Potawatomi, Wyandot, Dalaware, Kickapoo, Wea, Miami, Shawnee, Chippewa, Ottawa de la nation alconquine) rejoignirent le soulèvement indien dont le but était de chasser les troupes et les colons britanniques de la région.
Montcalm à la tête de ses troupes sur les plaines d'Abraham. Aquarelle de Charles William Jefferys. |
La guerre débuta en mai 1763, quatre mois après la signature du Traité de Paris, lorsque les Amérindiens, offensés par les politiques du général britannique Jeffrey Amherst, attaquèrent plusieurs forts et implantations britanniques. Huit forts furent détruits et des centaines de colons furent tués ou capturés tandis qu'un nombre plus important quitta la région. Désespérés, les Britanniques se montrèrent impitoyables. Dans ce qui est peut-être l'incident le plus connu de la guerre, des officiers britanniques du Fort Pitt tentèrent d'infecter les Amérindiens assiégeant le fort avec des couvertures ayant été utilisées par des malades de la petite vérole, maladie extrêmement contagieuse et alors sans remède. C'est un crime de guerre, une des premières guerres bactériologiques connues.
Les nations amérindiennes virent alors en Pontiac, ancien allié du Marquis de Montcalm, un chef de guerre capable de faire plier un empire arrogant qui cherchait à les détruire, à voler leurs terres et à écraser leurs peuples. Pontiac qui avait été fait "Officier d'honneur" des Armées de Sa Majesté (le roi Louis XV) riposta au nom de la nation alconquine mais il défendait aussi la présence française en Amérique du Nord comme "fils de Louis" jusqu'à son dernier souffle, bien que la France ait capitulé depuis longtemps. Pour Pontiac et son peuple, la France était un bon père respectueux qui maintenait l'harmonie entre les différentes tribus, depuis deux siècles.
Après la signature du Traité de Paris, l'abbé Raynal, jésuite, conseilla :
« laissez aux colons assemblés le soin de vous éclairer de leurs besoins. Qu'ils forment eux-mêmes le code qu'ils penseront convenir à leur situation. ... Rien ne paraît plus conforme aux vues d'une politique judicieuse, que d'accorder à ces insulaires le droit de se gouverner eux-mêmes, mais d'une manière subordonnée à l'impulsion de la métropole. »
(Histoire de la colonisation française, Pierre PLUCHON, ibid., p. 270.)
« Au lieu de cet éloignement pour la France, [...] on verrait naître dans les colonies cet attachement que la confiance paternelle inspire toujours à des enfants. [...] Le vœu des nations est maintenant pour la puissance qui saura les défendre contre la prétention d'un peuple (les Anglais) à la monarchie universelle des mers ; et il n'y a en ce moment que la France qui puisse les délivrer de cette inquiétude. »
(Abbé Raynal, cité in Histoire de la colonisation française, Pierre PLUCHON, ibid., p. 270-271.)
Pontiac mit tout en oeuvre pour faciliter le retour des Français. Mais, le 20 octobre 1763, alors qu'il était sur le point de réussir, le Commandant français au Mississipi lui fit parvenir une missive sous couvert diplomatique. La nouvelle fut dévastatrice : "Enfants des Français, Nations des Grands lacs, le Maître de la Vie a inspiré votre Père, le Grand Roi des Français et son frère, le Grand Roi des Anglais afin qu'ils fassent la paix. Dès aujourd'hui, chefs et guerriers doivent enterrer la hachette de guerre. Votre joie sera grande en voyant les Français et les Anglais fumant au même calumet, mangeant à la même écuelle, vivant enfin comme des frères." Les nations amérindiennes abandonnèrent progressivement Pontiac.
Les expéditions britanniques de 1764 entraînèrent des négociations de paix qui durèrent deux ans. Les Amérindiens furent incapables de chasser les Britanniques mais le soulèvement de Pontiac poussa le gouvernement britannique à modifier les politiques draconiennes à l'origine du conflit.
En disgrâce, le général Amherst fut rappelé en Angleterre. Ses politiques draconiennes envers les nations indiennes échouèrent lamentablement. Elles visèrent à économiser de l'argent, elles coûtèrent plutôt une guerre. La vie à 400 soldats britanniques et 2000 colons, et pour en finir avec la rebellion de Pontiac, une somme fabuleuse. A Son retour chez lui, Amherst ne fut pas accueilli en héros pour avoir vaincu les Français. Au contraire, il lui fallut expliquer sa défaite aux mains d'un chef indien qu'il qualifia de "maudit sauvage".
Le 20 avril 1769, Pontiac est assassiné par un indien qu'il croyait son camarade. Entre autres choses, Pontiac avait montré aux colons que les tuniques rouges n'étaient pas invincibles.
Rappelons que vers 1750, la Nouvelle-France comprenait le Canada (actuel sud du Québec), l'Acadie (actuelle Île-du-Prince-Édouard et Île du Cap-Breton) et la Louisiane (actuel centre des États-Unis).
« Désormais, et pour longtemps, l'Angleterre capitaliste et impérialiste imposera sa loi à la nation, à l'Europe, au monde. »
(Histoire de la colonisation française, Pierre PLUCHON, Fayard, tome I, Saint-Amand-Montrond 1996, p. 1008.)
Toutes ces parties de la colonie firent l'objet à un moment ou l'autre des sarcasmes mercantiles d'un certain Voltaire... qui ne voyant dans le Canada et la Nouvelle-France aucun débouché économique, mais une terre glacée et improductive, ne cessait de railler ces régions. Ainsi écrit-il: « On plaint ce pauvre genre humain qui s'égorge dans notre continent à propos de quelques arpents de glace en Canada » (Lettre à M. de Moncrif, 1757).
« Cette véritable campagne contre le Canada – les 70000 Français d'Outre-Atlantique étant systématiquement ignorés – prend un tour public dans le Précis du Siècle de Louis XV (1763). En quelques lignes, Voltaire assassine littéralement la Nouvelle-France que voulait garder Machault (le ministre qui voulait la généralisation de l'impôt et l'égalité fiscale contre la côterie maçonnique de Choiseul, des parlementaires et des autres directeurs de la pensée nouvelle... Ndlr.), mais qui n'intéressait pas Choiseul, toujours au ministère. « Ces quinze cents lieues, dont les trois quarts sont des déserts glacés, explique le philosophe, n'étaient peut-être pas une perte réelle... » (Voltaire cité in Histoire de la colonisation française, Pierre PLUCHON, ibid., p. 228.)
Voltaire fut un des philosophes des "lumières" du nouveau Régime, un des responsables de la "première logique totalitaire de l'histoire" et de la grande exploitation capitaliste qui devait venir et allait faire «reculer la législation sociale de trois quarts de siècle» au XIXe siècle. (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 82.)
Vingt-six années après 1763, en 1789 :
«... Ce que la France perd, l'Angleterre le gagne. Plus encore sur le plan commercial que sur tout autre plan, elle (l'Angleterre ) est la grande bénéficiaire de la Révolution et de ses suites. Elle est sans doute consciente, dès le début du grand bouleversement, de la chance qui s'offre à elle: comme elle a une revanche à prendre sur la monarchie française qui a aidé l'Amérique à se libérer, elle n'est pas fâchée de voir le roi contesté et diminué... "Voici, dit Fox après la 'prise de la Bastille', l'évènement le plus important de l'histoire du monde et le plus heureux...
... La "Cavalerie de Saint-Georges" ne manque pas l'occasion de financer discrètement les révolutionnaires les plus corruptibles...
Ainsi, dans tous les domaines du commerce, sur terre comme sur mer, la Révolution et l'Empire consacrent à la fois le triomphe britannique et l'éclipse de la France. Le commerce français ne retrouvera son niveau d'activité de 1789 qu'après 1825... Encore la part de la France dans le commerce mondial sera-t-elle alors loin de rejoindre le pourcentage atteint avant la révolution... Ce pourcentage-là ne sera jamais retrouvé. En chiffres absolus, trente-cinq années ont été perdues. En chiffres relatifs, à l'échelle du monde, le recul est sans appel. »
(René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 220-222).