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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 07:30

Mis à jour le 14-12- 2024.

Indiens

Indiens

Du temps de nos ancêtres les Gaulois et de Rome, n'importe qui pouvait devenir esclave, qu'on appartienne à la noblesse ou à la plèbe: les esclaves étant pour l'essentiel des prisonniers de guerre. L'Église indiquera très tôt un chemin de libération des esclaves qui vit cette institution économique héritée de l'Antiquité disparaître au fur et à mesure des progrès de l'évangélisation.

"Saint Grégoire de Nysse († 395) a explicitement condamné l'esclavage jugé 'opposé à Dieu et à la loi naturelle.'" [1]

 

C'est un nombre énorme de conciles qui consacrèrent des canons à cette entreprise : les conciles d'Orange (441), Arles (442), Agde (506), Orléans (541), Mâcon (585), Paris (615), Reims (625), Chalon-Sur-Saône (650). [2]

 

De toutes les grandes croyances, le christianisme fut le seul à élaborer une opposition religieuses à l'esclavage sérieuse, et celle-ci commença à se faire jour vers le VIIe siècle. On citerait cinquante conciles régionaux qui, entre 451 et 700, édictèrent des canons pour protéger les esclaves.

 

BathildeAu VIIe siècle, dans le Regnum francorum, le Royaume des Francs, la reine sainte Bathilde (626-680), épouse de Clovis II, abolit l'esclavage. La tradition lui attribue l'interdiction des marchés d'esclaves sur ses terres, provoquant la disparition de l'esclavage dans les royaumes francs. Voici ce qu'en dit l'historienne médiéviste Régine Pernoud :

"Clovis mourra jeune, après être tombé dans la démence. Bathilde a pris en main les affaires du royaume et, lorsqu'elle devient veuve, l'an 656, son fils aîné n'ayant que cinq ans, c'est elle qui gouverne. La tradition lui attribue une décision capitale dans l'histoire des moeurs: elle interdit les marchés d'esclaves, ce qui revient à prohiber l'esclavage sur ses terres." [3]

"Elle promulgua l'interdiction de vendre les chrétiens comme esclaves et fit procéder à des rachats massifs de ceux qui l'étaient." [4]

 

Les moines de l'abbaye de Jumièges avaient coutume d'acheter des esclaves pour pouvoir leur rendre immédiatement la liberté. Un exemple bien connu est celui de S. Sidoine.

À la fin du VIIIe siècle, Charlemagne s'opposa à l'esclavage, tandis que le pape et de nombreuses voix cléricales puissantes et efficaces firent échos à sainte Bathilde.

 

À l'aube du IXe siècle, l'évêque Agobard de Lyon tonna :

"Tous les hommes sont frères, tous invoquent le même Père, Dieu : l'esclave et le maître, le pauvre et le riche, les ignorants et les savants, les faibles et les puissants. [...] Aucun n'a été élevé au-dessus des autres. [...] Il n'y a ni esclave ni homme libre, mais en toute chose il n'y a toujours que le Christ." (Bonnassie, 1991, 54, cité dans Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 55)

 

"À partir du VIIIe siècle, l'Espagne musulmane organise la traite, surtout celle des enfants et des adolescents, destinés à devenir des eunuques très prisés.

 

Lest trafiquants d'Al-Andalous parviennent à s'entendre avec leurs congénères juifs et chrétiens pour organiser une traite au long cours. Tout à l'est vivent des slaves païens [...] : capturés du côté de la Pologne ou de la Russie, ils sont envoyés en longues caravanes jusqu'à Verdun et, de là, à Venise ou à Arles, d'où on les embarque pour les ports espagnols. [...] Les garçons sont volontiers castrés, car les musulmans veulent des eunuques comme serviteurs, et pas seulement pour garder leurs harems.

 

[...] Un voyageur du Xe siècle, Ibn Hawqal, note avec admiration qu'en Espagne, 'un article d'exportation bien connu consiste dans les esclaves garçons et filles, qui sont enlevés en France et en Galice, ainsi que les eunuques slaves. L'ensemble des eunuques slaves qui se trouvent sur la surface de la terre proviennent d'Espagne. En arabe, le terme 'slave' en vient à désigner l'eunuque. L'aristocratie andalouse adore les blondes aux yeux bleus, mais qui ensuite ne sont pas non plus épargnées. Car, selon le malikisme [...] qui domine en Espagne, les femmes doivent être excisées. (Laurent VISSIÈRE, dans Historia, Les Vérités sur l'esclavage, Février 2020, n° 878, p. 29.)

 

"Dès le IXe siècle, des papes se sont élevés contre la pratique de l'esclavage. En 873, le Pape Jean VIII commandait aux princes de Sardaigne d'"un amour paternel, si vous avez acheté [aux Grecs] des captifs, de les laisser aller libres pour le salut de votre âme." (Pascal-Raphaël Ambrogi, Dictionnaire culturel du christianisme, le sens chrétien des mots, Honoré Champion Editions, Paris 2021, p. 353.)

 

"Au Xe siècle, l'esclavage avait disparu presque partout en Occident, ne se manifestant de façon résiduelle que sur ses marches. [...] L'esclavage prit fin en Europe médiévale uniquement parce que l'Église admit tous les esclaves à ses sacrements et réussit ensuite à prohiber l'esclavage pour les chrétiens (ainsi que pour les juifs). Dans le contexte de l'Europe médiévale, cette interdiction équivalut en fait à son abolition[5]

 

Au Nord de l'Europe, "à partir du VIIIe siècle, les Vikings prennent le contrôle de cette manne. Ils s'approvisionnent en hommes en multipliant les raids depuis l'Irlande jusqu'à l'Estonie. La marchandise est [...] regroupée dans de grands ports, notamment à Birka, à côté de la ville actuelle de Stockholm. Il existe aussi des sites dont le nom de Trelleborg ('camp d'esclaves') indique clairement la vocation. [...] Il ne reste plus qu'à les acheminer vers le sud à la recherche d'acheteurs.. [...] Entre Dniepr et Volga, les esclaves changent de mains, tandis que les sommes obtenues remontent vers la Scandinavie.

 

 

Jusque vers l'an mille, Vikings et Scandinaves dominent les circuits d'approvisionnement en main d'oeuvre servile. Païenne, exclusivement.

Bruno DUMÉZIL, Historia, Les Vérités sur l'esclavage, Février 2020, n° 878, p. 30.

À partir du XIIe siècle, le mouvement antiesclavagiste grandit. Des conciles comme celui de Londres en 1102, interdirent "l'ignoble commerce par lequel on vend des hommes comme des bêtes." [6]

Durant le XIe siècle, aussi bien saint Wulfstan que saint Anselme luttèrent avec succès pour faire disparaître les derniers vestiges de l'esclavage dans la Chrétienté. L'abolition de la l'esclavage est simplement l'exemple le plus frappant du progrès moral qui eut lieu durant le "sombre Moyen Âge".

En Europe du Nord, "l'introduction du christianisme ne fut pas sans répercussions sur l'organisation des sociétés nordiques. [...] On peut également supposer que, [...] elle favorisa le recul de l'esclavage. [...] La conversion imposait par ailleurs de renoncer à l'exposition des enfants, bien attestée dans les sociétés anciennes." [7] Pour Jean Renaud, "Il n'y aura pratiquement plus d'esclaves en Scandinavie à la fin du XIIIe siècle. [8] Pour Régis Boyer, du fait de la christianisation, "la pratique (de l'esclavage d'hommes, femmes et enfants capturés lors des raids et revendus au prix fort sur les marchés d'esclaves) cesse complètement dans le Nord au cours du XIe siècle (1100 au plus tard). [...] Et foin, ici, des légendes ou des récits affreux que nous livrent certaines de nos sources imprégnées de modèles hagiographiques latins et cherchant à l'évidence un sensationnel que rien ne vient vérifier dans les faits. Car il faut le répéter avec force : à quelques rares exceptions près, le Nord est passé sans coup férir à la religion du Christ : pas de répressions sanglantes, pas d'imposition par la force, pas de martyrs, pas de guerres de religion, pas d'hérésie ni de noyaux de résistance - à cette époque-là comme ensuite. [...] Il faut en outre rappeler un certain nombre d'évidences : le rôle pacificateur de l'Église; [...] ses exigences comme l'éradication de l'esclavage." [9]

 

Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), dans sa Somme théologique, conclut que l'esclavage est un péché. À son époque, l'esclavage n'existait plus en Europe. Sa conclusion était dérivée de son analyse de la moralité des relations humaines. Il opposait l'esclavage à la loi naturelle et déduisait que toutes les "créatures rationnelles" ont droit à la justice. Il n'y avait donc, selon lui, aucun fondement à ce qu'une personne en assujettisse une autre, ce qui éliminait toute possible justification de l'esclavage basé sur la race ou la religion. [10]

Les papes agirent autant qu'ils purent pour que la conversion des esclaves leur valût la liberté; le résultat fut obtenu, en France, sous Philippe Auguste où il fut déclaré que "tout esclave atteignant les marches du royaume se faisant baptiser, est affranchi", puis de même à Florence en 1289. Évidemment il se trouva toujours des évêques pour fermer les yeux sur ces scandaleux trafics, mais dans l'ensemble, le christianisme travailla à faire condamner moralement l'esclavage et à améliorer le sort des esclaves, au salut de qui les ordres de S. Jean de Matha et de S. Pierre Nolasque consacraient une charité sans limites. [11]

Selon le droit de nature, chacun doit naître franc.

Edit du 3 juillet 1315 de Louis X le Hutin, cité dans Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, Saint-Louis, Colbert, Napoléon, Jules Ferry..., tous victimes du politiquement correct, Robert Laffont, Paris 2019, p. 111.

Abolition de l'esclavage : qui a aboli l'esclavage le premier ?

Le 3 juillet 1315, le roi Louis X le Hutin, publie un édit qui affirme que "selon le droit de nature, chacun doit naître franc", que "nul n'est esclave en France" et que "le sol de France affranchit l'esclave qui le touche".

Officiellement, depuis cette date, il n'y aura plus d'esclaves sur le sol métopolitain...

On trouve des traces de l’application de ce texte par les parlements français au XVIe siècle :

- à Bordeaux, en 1571, l'édit de Louis X est invoqué pour justifier la libération d’une cargaison d’esclaves africains, transportée par un négrier normand. (Source)

- "En 1571, le tribunal de Bordeaux avait déjà affranchi un nombre considérable d'esclaves noirs appartenant à la cargaison d'un vaisseau ayant dû accoster dans son port, au motif que la France 'mère des libertés' ne tolère pas la pratique esclavagiste sur son sol

- "À Toulouse, la même raison fut invoquée par le Parlement pour libérer un jeune esclave noir de passage avec son maître, se rendant en Espagne : 'Toutes personnes sont franches en ce royaume; sitôt qu'un esclave a atteint les marches de celui-ci, se faisait baptiser, il était affranchi...[12]

 

"Lorsque paraît l'édit de Louis X, l'esclavage proprement dit a en fait disparu. Sous le règne des rois mérovingiens déjà, cette pratique n'avait plus guère de défenseurs. [...] L'édit vient clore par la loi un processus quasiment achevé." [13]

Abolition de l'esclavage : qui a aboli l'esclavage le premier ?

Au XVe siècle, l'esclavage revient dans la société européenne avec la conquête des îles Canaries et la découverte du Nouveau Monde.

 

Mais de 1435 à 1890, une succession de papes condamna sans équivoque la traite négrière et l’esclavage.

 

Le premier pape à le faire fut Eugène IV (r. 1431-1447), qui, dans sa bulle Sicut Dudum de 1435, exigeait que les chrétiens libèrent tous les indigènes esclaves des îles Canaries dans un délai de quinze jours ; ne pas le faire entraînerait une excommunication automatique. Ainsi, cinquante-sept ans avant le premier voyage de Colomb, le pontife romain interdisait sans équivoque l'esclavage des peuples indigènes.

 

Sur la soit-disant responsabilité unique des Blancs qui devraient payer, rappelons que les rois africains n'étaient pas en reste dans l'odieux trafic. "Les familles royales... d'Achanti, du Congo et du Dahomey... vendirent un très grand nombre d'esclaves durant plusieurs générations. Parfois même, les rois avaient recours à es raids sur leur propre peuple pour satisfaire la demande d'esclaves européenne... : dans les années 1730, un roi du fleuve Saalum, entre le Cap-Vert et la Gambie, attaquait ses propres villages la nuit, incendiait les maisons et s'emparait des fuyards aussitôt asservis...", indique Hugh Thomas, dans "La Traite des Noirs 1440-1870" (Bouquins Robert Laffont, Lonrai 2006). [14] En 1789, "les monarques d'Afrique eux-mêmes ne s'opposaient pas à la poursuite de la Traite". [15]

 

L'histoire officielle occulte le mouvement abolitionniste induit par l'Église, ainsi que les interdictions de l'esclavage par les papes dès le XVIe siècle, sous peine d'excommunication. "La Renaissance en Europe n'eut aucune prétention humanitaire. Sa flamme (de la "Renaissance") réactualisa les idées et les pratiques de l'Antiquité, dont l'esclavage..." [16]. On est loin de la vision idyllique de la "Renaissance", représentée par l'histoire officielle...

 

Durant les années 1430, les Espagnols colonisèrent les Îles Canaries et commencèrent à réduire en esclavage la population autochtone.

 

Quand le pape Eugène IV (1431-1447) en eut connaissance, il publia une bulle Sicut dudum, dans laquelle il s'exprimait en faveur des des habitants noirs des îles Canaries, ne mâchant pas ses mots. Tous ceux qui étaient impliqués devaient impérativement obéir à l'ordre suivant :

 

'Sous peine d'excommunication, tout maître d'esclave a quinze jours à compter de la réception de la bulle pour rendre leur liberté antérieure à toutes et chacune des personnes de l'un ou l'autre sexe qui étaient jusque-là résidentes desdites îles Canaries. [...] Ces personnes doivent être totalement et à jamais libres et doivent être relâchées sans exaction ni perception d'aucune somme d'argent.' (Panzer, 1996, 8, Bulle Sicut Dudum)

 

 

Les papes Pie II (1458-1464) et Sixte IV (1471-1484) condamnèrent à leur tour avec des bulles complémentaires cette calamité qui, de toute évidence, avait repris. Cet épisode montre la faiblesse de l'autorité papale à cette époque, et non l'indifférence de l'Église vis-à-vis de l'esclavage.

 

Le problème ne venait pas de ce que l'Église aurait manqué de condamner l'esclavage, mais plutôt de ce que peu de gens entendaient cette condamnation et que la plupart ne la prenaient pas en compte.

 

Léon X (pape 1510-1521), le plus grand pape de l'Eglise renaissante, avait,[...] enseigné que "non seulement la religion chrétienne mais la nature elle-même se récriait contre l'état d'esclavage" (Lewis Pastor, History of the Papacy, 40 vol. (Londres 1891), VIII, p. 447.) [17]

Paul III "interdit aux conquistadors du Nouveau Monde d'asservir les Indiens." (...) Dans sa lettre Veritas ipsa (2 juin 1537), "il proclama l'abolition complète de l'esclavage en affirmant que tous les esclaves avaient le droit de s'affranchir. (...) Enfreindre ces injonctions était passible d'excommunication". [18]

 

Et dans sa Bulle "Sublimis Deus" du 9 juin de la même année 1537, Paul III déclarait encore solennellement "que les Indiens... ne doivent pas être privés de leur liberté ni de la jouissance de leurs biens... et qu'ils ne doivent pas être réduits en servitude." [19]

 

Paul III dans cette bulle Sublimis Deus "se livre [...] à une condamnation générale de l'esclavage, une oeuvre du diable 'voulant empêcher la prédication de la parole de Dieu.' La suite de la bulle interdit explicitement la réduction en esclavage des 'Indiens de l'Ouest et du Sud et des autres peuples dont nous avons eu récemment connaissance', ce qui au sens strict pouvait inclure les populations africaines. Mais cette interdiction n'aura pas plus d'effet que les autres.", écrit Thomas Tanase dans son Histoire de la papauté. [20] 

 

Paul III dénonce une telle pratique comme directement inspirée par l'Ennemi du genre humain (Satan), ce qui montre clairement son absence de tergiversation sur ce point.

 

"En 1542, Charles Quint reviendra à l'ancienne législation prohibant de façon absolue l'esclavage des Indiens." [21]

 

En 1591, Grégoire XIV (1590-1591) promulgue Cum Sicuti, adressé à l'évêque de Manille aux Philippines, et réitère les interdictions de ses prédécesseurs contre l'esclavage des peuples autochtones.

 

Au XVIIe siècle, Urbain VIII (1623-1644) promulgua Commissum Nobis (1639) en soutien à l'édit du roi d'Espagne (Philippe IV) interdisant l'esclavage des Indiens dans le Nouveau Monde.

 

Le besoin d’une main-d’œuvre abondante et bon marché dans les colonies est à l’origine de la traite négrière africaine. Cette nouvelle forme de servitude fut condamnée par les papes, à partir d'Innocent XI (1676-1689).

 

En 1741, Benoît XIV (1740-1758) publia Immensa Pastorum, qui réitérait que la sanction pour l'esclavage des Indiens était l'excommunication. En 1839, Grégoire XVI (1831-1846) publia In Supremo pour condamner l'esclavage des Africains. Le pape Léon XIII (1878-1903) promulgua deux bulles condamnant l'esclavage en 1888 et 1890.

 

Pourtant, malgré les nombreuses condamnations papales de l'esclavage , les colons européens ont continué à asservir les Africains et les indigènes du Nouveau Monde jusqu'au XIXe siècle. 

 

Les dénonciations papales de l'esclavage étaient si dures et si fréquentes que les colons espagnols ont institué une loi interdisant la publication de documents papaux dans les colonies sans l'approbation royale préalable. 

 

Il est ironique que l'Église soit faussement accusée de soutenir l'esclavage ou de ne pas le condamner, alors que l'esclavage massif de chrétiens par des musulmans (estimé à un million de personnes), en particulier par les Turcs ottomans du XVIe au XVIIIe siècle, est pratiquement ignoré. 

 

Curieux que l'enseignement officiel sur l'"abolition de l'esclavage" (sic) n'enseigne pas ces faits historiques ! Un hasard, sans doute... Il est fallacieux d'assimiler le comportement immoral de certains catholiques à l'enseignement officiel de l'Église. Le fait que certains catholiques aient possédé des esclaves ou participé à la traite des esclaves n'est pas une mise en accusation de l'Église, mais plutôt une illustration du fait que les catholiques ignorent parfois les enseignements clairs de l'Église.

 

"Lors de la conquête de la Nouvelle Espagne (Mexique au XVIe siècle, Ndlr.) les souverains espagnols insistent [...] continuellement sur le fait que les titulaires des commanderies n'ont pas le droit de s'emparer des terres des Indiens. Le grand spécialiste mexicain des commanderies, Sivio Zavala, souligne dans ses conclusions que 'les Indiens possédaient les terres collectivement et individuellement, sans que le seigneur ou titulaire de la commanderie puisse les en dépouiller légitimement.' [22]

 

Comparativement à ce qui a été pratiqué par les Anglo-Saxons protestants aux États-Unis avec les Indiens Cherokees, par exemple, déportés et expropriés dans les années 1830 du nord de la Géorgie et des Carolines en Oklahoma),  "le résultat, ... est clair : la population indienne aux Etats-Unis, est réduite à quelques 'réserves', alors que c'est elle qui domine très nettement au Mexique. Elle a disparu complètement dans les Antilles françaises où 'la patrie des droits de l'homme' l'a remplacée par une population noire, dans les circonstances que l'on sait." [23]



"Le pape Urbain VIII, dans une lettre de 1639 à son nonce au Portugal, condamne absolument l'esclavage et menace d'excommunication ceux qui le pratiquent." [24]

 

"Une fois encore, le Vatican s'éleva contre l'esclavage au commencement du XVIIIe siècle: [...] Clément XI, invita la Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle à demander à ses nonces à Madrid et Lisbonne d'agir pour amener 'la fin de l'esclavage'." [25] "En 1741, le pape Benoît XIV reprit les interdictions de l'esclavage édictées un siècle plus tôt par le pape Urbain VIII, dans le bref Immensa." [26]


 

"Le siècle des Lumières est celui de l'esclavage. Éliminé d'Occident par l'influence du christianisme, ce fléau social avait reparu au XVIe siècle dans les territoires colonisés par les Européens. La fin du XVIIe siècle avait vu les débuts de la traite négrière et les achats d'esclaves pour les galères. Mais c'est au XVIIIe siècle que le mal sévit avec le plus de force. [...] L'édit de Louis XIV de mars 1685 (dit Code noir) en a défini les normes pour les Antilles. [...] 'L'esclavage est aboli en France', dit le droit français (d'Ancien Régime). [...] Mais cette règle ne vaut pas pour les esclaves venant des colonies. [27]

 

Montesquieu a défendu l'esclavage en tant que nécessité économique pour s'assurer "la prospérité des territoires  conquis."

 

"Voltaire [...] a une part de 5000 livres dans un négrier nantais." (Guide Vert Michelin, Bretagne, 2018).

 

"Voltaire [...] a été accusé dès son époque de participer financièrement à la traite négrière. [...] Ces accusations ont flambé au milieu du XIXe siècle en pleine remise en question de l'héritage des Lumières et dans le contexte de la deuxième abolition de l'esclavage. Voltaire est devenu une figure de proue de la traite négrière et un exemple de l'hypocrisie des théoriciens de l'abolitionnisme qui, en façade, défendaient les libertés et par-derrières n'hésitaient pas à s'enrichir. [...] Mais, [...] Voltaire fut un des premiers à dénoncer dans Candide la cruauté de l'esclavage dans les colonies. [...] Et [...] le chapitre 'Le Nègre de Surinam' est aujourd'hui enseigné dans les collèges comme modèle de la littérature abolitionniste." [28] 

 

"Voltaire et les Encyclopédistes n'ont pas craint de se contredire parfois à quelques pages de distance, ce qui rend impossible toute classification des auteurs dans un camp ou dans l'autre." (Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, p. 248.)

 

"À partir du milieu du XVIIIe siècle, et notamment après 1763 (du fait de l'investissement nécessaire à la mise en valeur des îles obtenues par l'Angleterre après la Guerre de Sept ans), le contrôle de la traite par les milieux bancaires britanniques s'accentue." [29]

 

Le Roi Louis XVI, le 4 février 1776, promulgua un édit condamnant fermement la possession d’esclaves sur le territoire français. "L'interdiction d'introduction des esclaves noirs en France est prononcée en 1762 sous Louis XV; sous Louis XVI, elle "s'étend en 1777 à tous les gens de couleur." [30] Les circulaires et ordonnances se succèdent enjoignant le rembarquement immédiat des Noirs. [31]

 

Louis XVI, bien avant les petits bourgeois perfides qui allaient mettre la France à feu et à sang, avait compris que la liberté d’un homme ne devait pas être bafouée. C’est ainsi que moins de 3 ans plus tard, par une ordonnance du 8 Mai 1779, il abolit également le servage et le droit de suite en France. Par cette même ordonnance, il affranchissait tous les "mains mortables" des domaines royaux, ainsi que les hommes de corps, les "mortaillables" et les "taillables". 

 

"Les caractères de l'ancienne servitude ont progressivement disparu. Il ne reste plus gère (sous l'Ancien Régime), en quelques régions du royaume, que des sujets soumis à la mainmorte." C'est-à-dire des gens qui ne peuvent transmettre leurs biens à d'autres qu'à leurs enfants. La mainmorte décline aux XVIIe et XVIIIe siècle. [32]

 

"En France, [...] le servage disparaît presque partout, et dans quelques régions où il subsiste, c'est sous une forme très atténuée. [...] Dès la fin du Moyen-Âge, la quasi totalité de l'Europe occidentale était désormais composée de personnes de conditions libres. Une situation entièrement inédite, que l'on a appelée à juste titre la 'libération médiévale'". [33] 

 

Les juristes de la chrétienté occidentale en tirent les conséquences: la liberté des personnes est la règle, et l'esclavage une institution définitivement abolie. Ainsi, dans la France du XVIe siècle, un célèbre adage de Loisel disait qu'il ne pouvait y avoir d'esclaves dans ce royaume, et que tout esclave qui y entrait et se faisait baptiser devenait automatiquement un homme libre." (Loisel, Institutes coutumieres, Paris, 1637 [1607], Livre 1, titre I, § 3.) Ce grand juriste du XVIe siècle releva dans le droit coutumier français ce principe ancien selon lequel "le sol de France affranchit l'homme qui le touche."

 

De même, Étienne Pasquier, autre grand jurisconsulte du XVIe siècle, écrivait [...] : 'Toutes personnes naissent libres et franches en France hormis en quelques coutumes particulières. [...] C'est un bénéfice que nous avons  avec le temps, rapporté de toute notre chrétienté.' (E. Pasquier, L'interprétation des Institutes de Justinien, Paris 1847, Livre I, chapitre XXII)." [34]

 

"[T]tout homme qui met le pied sur le sol français devient instantanément libre. C'est [...] ce qu'affirme la tradition juridique nationale. Les tribunaux en ont fait une jurisprudence : Pontchartrain l'explique à l'Intendant de Rochefort le 28 août 1704 après avoir reçu les doléances d'une femme de Saint-Christophe à qui on a enlevé l'esclave qu'elle a fait venir avec elle. [...] Un demi-siècle plus tard l'Encyclopédie reprend le même argument avec une légère restriction. 'Présentement en France, toutes personnes sont libres, et sitôt qu'un esclave y entre, en se faisant baptiser il acquiert sa liberté, ce qui n'est établi par aucune loi, mais par un long usage qui a acquis force de loi.' (Article Esclave) [35]

 

L'interdiction de l'emploi d'esclaves sur le sol français sera dans l'ensemble respectée.

Le servage va disparaître à son tour dans le grand mouvement d'affranchissement au XIIIe siècle. Il faut en créditer les rois et les papes en même temps que l'évolution des moeurs en France.

Marc Bloch en tire d'ailleurs les conséquences, sans parti pris en présentant son ouvrage Rois et serfs:

"Présentation de Rois et serfs rédigée par Marc Bloch pour The French Quaterly (1921) :

 

"Les sociétés médiévales, dans l'Europe Centrale et Occidentale, n'ont pas connu l'esclavage, ou ne l'ont connu qu'exceptionnellement. C'est un des points où elles s'opposent le plus nettement aux sociétés antiques. En revanche, elles ont admis partout l'existence d'une classe d'hommes de condition inférieure, qui n'étaient point précisément comme les esclaves la chose de leurs maîtres, mais qui néanmoins ne passaient pas pour entièrement libres. [...]

 

"Au début du XIIe siècle, le lien servile semble encore très fort. Beaucoup peut-être parmi les serfs eux-mêmes ne songent pas à s'en dégager. En tout cas, les rois ne le relâchent pas volontiers. Seules les villes, auxquelles il faut joindre les agglomérations rurales qui en sont immédiatement voisines, ont la force, et peut-être aussi le désir, de le secouer ; mais elles n'y parviennent pas sans peine. Il faut quarante trois ans à la royauté pour se résigner à affranchir la seconde ville du domaine : Orléans. Puis, au XIIIe siècle, dans toute la France, sur les terres des seigneurs comme celles des rois, les affranchissements se multiplient : les serfs veulent la liberté. Autrefois, le servage était conçu comme un lien particulièrement fort attachant le serf à son seigneur ; désormais, par suite d'une lente évolution des idées juridiques, il paraît surtout comme une condition sociale inférieure, entachée de désavantages économiques redoutables ; il semble insupportable à ceux qui le subissent. Quiconque est assez riche pour acheter sa liberté offre de l'argent à son seigneur, et bien souvent le seigneur, qui a besoin de numéraire, accepte. Qu'il s'agisse du domaine royal ou de domaines privés, les choses se passent de même partout. Saint Louis accorde de grands affranchissements ruraux, qui bien entendu ne sont pas gratuits ; c'est qu'il ne songe pas à résister au mouvement social qui emporte son temps ; il y participe sans le commander. Mais après lui, le gouvernement royal, de plus en plus préoccupé par l'état du Trésor, cherche à transformer l'affranchissement en un moyen budgétaire normal. Jadis, sous Louis VI et Louis VII les serfs arrachaient péniblement au roi leur liberté ; sous Saint Louis ils l'obtenaient aisément quand ils acceptaient pour leur rachat des conditions raisonnables ; désormais la royauté la leur offre, et cherche même parfois à la leur imposer. C'est le sens des mesures prises par Louis X et Philippe V. Elles n'avaient rien d'inédit. Elles avaient été précédées par des mesures analogues sous Philippe le Bel ; en 1302 notamment, ce roi avait envoyé des commissaires chargés de vendre les chartes de franchise dans deux bailliages et six sénéchaussées ; acte d'une portée bien plus vaste que ceux de 1315 et 1318. Mais les commissions de 1302 n'avaient pas de préambule. C'est pourquoi l'histoire les a longtemps ignorées. Telle est la puissance de l'art oratoire."

 

Georges Duby dans Histoire de la France, des origines à 1348, ouvrage collectif édité en 1987, indique qu'au XIIIe siècle les affranchissements se multiplient sous la forme de manumissions (actes d'affranchissement) :

 

"Elles (manumissions) furent si nombreuses dans la région parisienne à partir de 1245 que le servage en moins de trente ans avait à peu près disparu.

"Ainsi autour de 1270 dans l'ensemble du monde paysan les différents statuts personnels laissaient place à une commune liberté. "

 

C'est donc bien avant Louis X et 1315 que l'esclavage avait disparu en France et que le servage avait commencé à s'effacer.

 

Les Français ont ainsi fondé la première société antiesclavagiste, d'où sortit la première loi défiant l'esclavage : tout esclave devenait libre en mettant le pied sur le sol français.

 

Au XVIe siècle, l'esclavage n'existe plus depuis très longtemps en France, ce qui n'est pas le cas hors de France.

 

"Jusqu'au XVIIe siècle, ni la traite, ni l'esclavage ne préoccupent beaucoup les Français. L'institution a disparu depuis longtemps. Les derniers esclaves irlandais et flamands ont été vendus sur les marchés de Rouen au XIe siècle." (Jacques HEERS, Esclaves et domestiques, p. 23) [36] 

 

Ceci différencie notre pays des pays africains, d'Orient et du Moyen-Orient qui ont fait de l'esclavage un mode de vie quotidien et naturel. 

 

"Le Languedoc et la Provence tremblent à la seule évocation des Maures et des Sarrasins dont les razzias laissent de cuisants souvenirs dans les villages périodiquement mis à sac. Les femmes vont peupler les harems, tandis que les hommes travaillent dans les ateliers ou sur les propriétés agricoles." [37]

 

Mais loin des yeux, de l'autre côté de l'Océan... c'était une autre affaire et il suffisait de ne pas parler du problème pour l'évacuer. C'est ce que fit l'Europe négrière entre le XVIe siècle et la seconde moitié du XVIIIe siècle. (Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, p. 25.)

 

Au XVIIe siècle, la France n'a toléré la pratique de l'esclavage dans les colonies qu'en le réglementant (Code noir) pour en limiter les abus. 

 

"Le Code noir [...] permit d'adoucir dans une certaine mesure la vie des esclaves de l'époque, dans des situations où auparavant régnait l'arbitraire le plus total. La loi s'efforce ainsi d'améliorer leurs conditions de vie, avec la mise en place des procédures d'affranchissement et le renforcement des obligations du maître. [...] Le Code noir est nettemebnt moins dur et rude que les réglementations espagnoles, portugaises, anglaises et hollandaises en vigueur dans leurs colonies respectives, en particulier les législations dans les colonies anglaises en 1636 et en Virginie en 1662. 

 

"Enfin, dernier élément d'importance, il a été prouvé que jusqu'à la fin du XVIIe siècle, il n'y a que très peu de traite négrière française. [...] La France n'entre [...] dans la traite que tardivement par rapport aux Portugais, Espagnols et Hollandais." [38] 

 

Chape de plomb et mythe de la "révolution salvatrice des peuples opprimés", les dates de 1315, 1776 et 1779 sont largement occultées par les médias et les livres d’histoire.

 

L'Assemblée dite "nationale" de 1790 réaffirma par deux fois (décret du 8 Mars et du 12 Octobre 1790) la légalité de l’esclavage, revenant ainsi sur la réforme royale de 1776. L’Assemblée s’opposa ainsi à la publication de Brissot de 1790 : "Adresse à l’Assemblée Nationale pour l’abolition de la traite des Noirs"… S’asseyant allègrement sur cet idéal de fraternité tant de fois bafoué pendant la Révolution, l’Assemblée montrait par là même son mépris des plus faibles.

 

"L'égoïsme et la mauvaise foi sauront à l'occasion faire jouer l'article 17 et dernier de la Déclaration par lequel les bourgeois ont défini la propriété comme 'un droit inviolable et sacré'. Les esclaves y entrent de plein droit..." (Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, p. 257.)

 

 "Si le maintien de l'esclavage dans les colonies est une entorse spectaculaire au principe, elle n'est pas la seule. Quelques mois plutôt, l'Assemblée avait fondée l'exercice de la citoyenneté sur un principe censitaire distinguant entre les citoyens actifs et les citoyens passifs. On le voit : les hommes ne sont pas demeurés égaux en droit bien longtemps." [39] Ce n’est que pour éteindre les troubles de la révolte des esclaves des colonies (Saint Domingue notamment) qu’elle accepta d’abolir l’esclavage par une loi du 4 février 1794.

 

Bonaparte rétablit l'esclavage par une loi du 20 floréal an X (20 mai 1802)

 

Sous la Monarchie de Juillet, en 1831, le gouvernement de Jacques Laffitte, où siégeaient de nombreux membres de la Société de morale chrétienne engagés dans le combat contre la traite, fera adopter la loi du 4 mars 1831 qui visait à son abolition définitive : elle prévoyait vingt à trente ans de travaux forcés pour les responsables. 

 

L'esclavage sera réaboli (pour la 5e fois en France après 1315, 1776, 1789 - Déclaration des droits de l'homme -, et 1794), par deux décrets du 4 mars et du 27 avril 1848 du Gouvernement provisoire de la Deuxième république.

 

La traite des Noirs sera interdite par l'Angleterre en 1807, par Napoléon de retour de l'Île d'Elbe, le 19 mars 1815. 

 

Aux Etats-Unis, comme dans les colonies en France au XVIIIe siècle, la contradiction entre les principes affichés en 1776 ("tous les hommes sont égaux", de la déclaration d'Indépendance américaine) et la réalité profonde était plus éclatante encore à l'intérieur même de la société américaine.

 

"Le gouvernement fédéral proclamera la fin de la traite pour 1807, mais elle se continua illégalement." Le 13e amendement déclarera la fin de l'esclavage en 1865 (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, Perrin, Collection Tempus, Paris 2012, pp. 178, 478-479), et il faudra attendre les années 1960 pour que la Cour suprême déclarât les lois de discriminations raciales anticonstitutionnelles.

 

 L'historien Hugh Thomas indique que les francs-maçons, n'étaient pas en reste ! "Dans le Bordeaux de la fin du XVIIIe siècle, il semble que la plupart des francs-maçons aient été négriers...[40]

 

Le franc-maçon La Fayette, par exemple, auteur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le 10 mars 1790 à l'Assemblée, "vote le maintien de la traite des Noirs"...; les frères Lameth "possédaient trop d'intérêt à Saint-Domingue..., Barnave aussi." Tous étaient francs-maçons. [41]

 

Le congrès de Vienne, le 8 février 1815, abolira la traite négrière (le commerce des esclaves, l'achat et le transport d'êtres humains revendus comme esclaves dans l'empire colonial) en Angleterre, France, Autriche, Prusse, Portugal, Russie, Espagne, Suède. 

 

Lors de ce Congrès de Vienne de 1815, le Pape Pie VII affirma que : "c'est la conscience religieuse qui condamne et réprouve ce commerce ignoble par lequel les Noirs... sont pris, achetés, vendus et pressurés jusqu'à la mort." (Pascal-Raphaël Ambrogi, Dictionnaire culturel du christianisme, le sens chrétien des mots, Honoré Champion Editions, Paris 2021, p. 353)

 

"Comme nous le rappelle l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, spécialiste de l'Afrique, avant même que les Européens n'arrivent en Afrique, un Africain sur quatre est l'esclave d'un autre Africain (L'Histoire, Hors-série, Le Temps des colonies, avril 2001). Alain Mabanckou (Le Sanglot de l'homme noir, Fayard, 2012) porte un regard objectif sur la condition de l'homme noir. Ce romancier et essayiste français, d'origine congolaise, explique le danger des postures victimaires : 'Il serait inexact d'affirmer que le Blanc capturait tout seul le Noir pour le réduire en esclavage. La responsabilité des Noirs dans la traite négrière reste un tabou parmi les Africains, qui refusent d'ordinaire de se regarder dans le miroir. Toute personne qui rappelle cette vérité est aussitôt taxée de félonie, accusée de jouer le jeu de l'Occident en apportant une pierre à l'édifice de la négation.'" [42]

 

"L'essentiel des esclaves (Noirs) passés dans les traites d'exportations ont été vendus de leur plein gré par des négriers africains qui considéraient que l'affaire était pour eux suffisamment rentable." [43]

 

1 250 000 esclaves blancs 

 

Les Noirs ne furent pas les seules victimes de l'esclavage.

 

"Dans l'Antiquité, les premiers esclaves étaient presque toujours des Blancs. ... Il y avait peu d'Africains parmi ces esclaves. Les seuls à posséder des esclaves noirs étaient les Égyptiens, puis les Carthaginois". [44] 

En Europe, "tant en Grèce qu'à Rome, les esclaves étaient à l'origine des prisonniers de guerre ou capturés lors d'une razzia sur une île...

L'on se souvient que César ramena dans la capitale 'de nombreux captifs' après la Guerre des Gaules. Nombreux furent les Germains asservis dans les siècles ultérieurs. [...] Au Ier siècle av. J.-C., 15 000 esclaves gaulois étaient échangés chaque année contre du vin italien..." [45] 


 "L'esclavage blanc pratiqué par ceux que l'on nommait alors les Barbaresques a bel et bien existé sur une grande échelle et constitué une véritable traite qui fit, durant près de trois siècles, plus d'un million de victimes..." [46]

 

"Tous les peuples, toutes les civilisations ont pratiqué l'esclavage. [...] L'esclavage était pratiqué partout, notamment dans le monde arabo-musulman : ainsi, la traite orientale approvisionnera les espaces dominés par l'islam dès le milieu du VIIe siècle et le début du XXe siècle. Les esclaves provenaient d'Afrique subsaharienne, mais aussi d'Europe méditerranéenne, du Caucase et des pays slaves. L'historien Robert Davis estime qu'entre le début du XVIe siècle et le milieu du XVIIIe siècle, à eux seuls les marchands d'esclaves d'Alger, Tunis et Tripoli réduisirent 1 250 000 Européens en esclavage en Afrique du Nord

"[...] Les traites négrières pratiquées par les Arabes et l'empire ottoman auraient, selon le médiéviste Jacques Heers, concerné au minimum 17 millions d'Africains, chiffre qu'il juge sous-estimé en raison de l'effrayante mortalité provoquée par la castration des hommes destinés à devenir des eunuques..." [47]


Sur les esclaves Blancs et chrétiens à l'époque moderne : "Au début du XVIIe siècle, il y avait au total, entre le Maroc et la Libye, de 200.000 à 300.000 esclaves chrétiens dans les ports d'Afrique." [48]

 

Dimitri CASALI récapitule les chiffres des différentes traites :

 

La Traite musulmane : plus de 17 millions de personnes déportées entre le milieu du VIIe siècle et 1920.

Les traites infra-africaines : 14 millions de personnes déportées.

La traite européenne : 10 550 000 - nombre d'Africains déplacés en Amérique. Source: Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières. Essai d'histoire globale, Gallimard 2004. [49]

 

Le Régime athégriste organisera-t-il une journée de commémoration pour les Gaulois, esclaves des Romains dans l'Antiquité ?; les chrétiens européens esclaves des musulmans jusqu'au XIXe siècle ?; ou ces Français de souche en 2010 discriminés au travail à cause de la couleur de leur peau ("discrimination positive" de Nicolas Sarkozy) ?

 

 

Conclusion

 

"Lors de la chute de Rome, l'esclavage était répandu partout en Europe; à la Renaissance, il avait disparu depuis longtemps.

 

"Ce n'est pas durant la Renaissance ou à l'époque des Lumières que l'esclavage fut aboli la toute première fois. C'est au cours du dit 'Âge sombre'. Et cette abolition fut mise en oeuvre par des clercs avisés qui dans un premier temps permirent à tous les esclaves de recevoir les sacrements. Au début, les implications de leur christianisation passèrent inaperçues, mais bientôt le clergé déclara qu'un vrai chrétien (ou juif) ne pouvait être mis en esclavage. (Bonnassie, 1991, 30.)" [50]

 

La "Renaissance" se voulant fondamentalement comme une redécouverte de l'Antiquité a simplement réactualisé cette calamité antique que l'Âge sombre avait aboli.

 

La France est la première nation du monde à avoir aboli l'esclavage, dès le Moyen-Âge avec l'ordonnance de Louis X de Hutin (1306-1316) du 3 juillet 1315 sur le sol métropolitain, à avoir défini au XIVe siècle que l'homme naissait libre "selon le droit de nature" (édit de Louis X), amélioré le sort des esclaves des colonies avec le code Noir de 1685 et à avoir (de nouveau) aboli l'esclavage et la servitude personnelle dans les domaines de la Couronne sous Louis XVI en 1776 et 1779.

 

La civilisation occidentale, et la France en particulier..., n'a donc pas à rougir de son histoire, ni à pratiquer la repentance pour l'esclavage, une pratique universellement répandue à toutes les époques jusqu'à ce que l'Occident s'interroge sur la légitimité de sa conquête en Amérique, comme il avait déjà pu le faire déjà avec les Croisades (Martin Aurell, Des Chrétiens contre les croisades, XIIe – XIIIe siècle, Arthème Fayard, Saint-Amand-Montrond 2013) ou la destruction des Indiens d'Amérique. Une remise en question qui en soi est unique au monde.

 

"Partout à travers le monde, de la Maurétanie à la péninsule arabique, en passant par la Corne de l'Afrique, des cas d'esclavage contemporain sont constatés, chaque jour, sans que rien ne soit fait pour toutes ces victimes qui sont, elles, bien vivantes. Ni SOS Racisme, ni le Cran,, ni Collectifdom, ni le Pir, ni le Crif ne s'y consacrent, préférant attaquer la France...", relève justement Dimitri CASALI dans "Le Grand Procès de l'Histoire de France."

 

"Aujourd'hui plus de 40 millions d'esclaves modernes sont recensés par l'ONU, de la Mauritanie au Pakistan... La Mauritanie n'a adopté une loi qui réprime la détention d'esclaves qu'en 2007, le Mali et le Niger pratiquent l'esclavage officiellement jusque dans les années 1980."

 

"En 1848, seules parmi les grandes puissances de toute la planète, les premières nations du monde à avoir aboli et interdit l'esclavage sont l'Angleterre (1833), le Danemark (1847) puis la France (1848). Donc, [...] il faudrait plutôt célébrer le fait positif que les nations européennes ont été les premières au monde à mettre fin à cet ignoble commerce." [51]

 

Au lieu d'être aujourd'hui quasiment le seul accusé d'un passé esclavagiste que partagent autant et plus d'autres civilisations [...], l'Occident chrétien devrait être célébré pour cette propension à se remettre en question, et à avoir détruit l'esclavage le premier, cette 'pratique la mieux partagée de la planète', selon les propres termes de Maleck Chebel (M. Chebel, L'esclavage en terre d'islam, p. 8). [52]

Notes

 

[1] Pascal-Raphaël Ambrogi, Dictionnaire culturel du christianisme, le sens chrétien des mots, Honoré Champion Editions, Paris 2021, p. 353

[2] DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome III L'Eglise des temps barbares, Librairie Arthème Fayard, Editions Bernard Grasset, Paris 1965, p. 259

[3] Régine PERNOUD, Les saints au Moyen Age, la sainteté d'hier est-elle pour aujourd'hui ? Plon, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 204-205

[4] Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 92

[5] Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 13 et 53

[6] DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome IV La cathédrale et le Croisade, Librairie Arthème Fayard, Editions Bernard Grasset, Paris 1965, p. 238

[7] R.M. KARRAS, Slavery and Society in Medieval Scandinavia, Yale Université Press, New Haven et Londres 1988, in Stéphane COVIAUX, La fin du monde viking, Passés Composés, Paris 2019, p. 218-219

[8] Jean RENAUD, Les vikings, vérités et légendes, Perrin, 2019, p. 220

[9] Régis BOYER, Les Vikings, Histoire et Civilisation, Perrin 2002, rééd. Collection Tempus, Paris 2015, p. 397, 402 et 145

[10] Rodney STARK, Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019, p. 190

[11] DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome IV, ibid., p. 238

[12] Edit du 3 juillet 1315 de Louis X le Hutin, cité dans Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, Saint-Louis, Colbert, Napoléon, Jules Ferry..., tous victimes du politiquement correct, Robert Laffont, Paris 2019, pp. 110-111

[13] Catherine MALABOU, Il n'y a pas eu de Révolution, Réflexion sur la propriété privée, le pouvoir et la condition servile en France, Bibliothèque Rivages, Éditions Payot & Rivages, Paris 2024, p. 230

[14] Hugh THOMAS, La Traite des Noirs 1440-1870, Bouquins Robert Laffont, Lonrai 2006, p. 393

[15] Hugh THOMAS, ibid., p. 552

[16] Hugh Thomas, ibid., p. 104

[17] Hugh Thomas, ibid., p.118

[18] Hugh Thomas, ibid., 118

[19] François BRUNE, La Vierge du Mexique ou le Miracle le plus spectaculaire de Marie, Le Jardin des Livres, Référence, 2008, rééd. Mesnil-sur-l'Estrée 2014, p. 107

[20] Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 263-264.

[21] François Brune, ibid., p. 107

[22] Jean DUMONT, L'Eglise au risque de l'Histoire, p. 116, cité in François Brune, ibid., p. 104.

[23] François BRUNE, ibid., p. 76-77

[24] Hugh THOMAS, ibid., 469

[25] Hugh Thomas, ibid., 477

[26] Hugh Thomas, ibid., 487

[27] Jean de VIGUERIE, Histoire et Dictionnaire du temps des Lumières 1715-1789, Bouquins Robert Laffont, Paris 1995, p. 962

[28]  Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, Saint-Louis, Colbert, Napoléon, Jules Ferry..., tous victimes du politiquement correct, Robert Laffont, Paris 2019, pp. 142 et 150.

[29] Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Les Traites négrières, Folio Histoire, Saint-Amand 2006, p. 387.

[30] Guy CABOURDIN, Georges VIARD, Lexique historique de la France d'Ancien Régime, Armand Collin, 3e éd., Paris 1998, p. 320

[31] Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, pp. 242-243

[32] Guy CABOURDIN, Georges VIARD, Lexique historique de la France d'Ancien Régime, ibid., p. 303 et 206

[33] P. DOCKES, La Libération médiévale, Paris 1980, cité dans Jean-Louis HAROUEL, Le Vrai génie du christianisme, Laïcité, Liberté, Développement, éditions Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy 2012, p. 105-106

[34] Jean-Louis HAROUEL, Le Vrai génie du christianisme, ibid., p. 106

[35]  Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, pp. 240-241

[36] Jacques HEERS, Esclaves et domestiques, p. 23, cité in Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, p. 18

[37] Jean-Michel DEVEAU, La France au temps des Négriers, France-Empire, Paris 1994, p. 19

[38] Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, ibid., pp. 107-108

[39] Philippe PICHOT-BRAVARD, La Révolution française, Via Romana, 2014, p. 94

[40] Hugh THOMAS, ibid., p. 309

[41] Bernard FAY, La Grande révolution 1715-1815, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 182, 183, 250

[42] Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, ibid., pp. 105-106

[43] Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, Les Traites négrières, ibid., p. 505.

[44] Jean MEYER, ibid., p. 16

[45] Hugh THOMAS, ibid., p. 8

[46] Robert C. DAVIES, Esclaves chrétiens maîtres musulmans, l'Esclavage blanc en Méditerranée 1500-1800, Editions Jacqueline Chambon, 2006

[47] Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, ibid., pp. 109-110

[48] Jean MEYER, Esclaves et Négriers, Découvertes Gallimard, 1999, p. 19

[49] Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, ibid., p. 162

[50] Rodney STARK, Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019, p. 89, 94

[51] Dimitri CASALI, Le Grand Procès de l'Histoire de France, ibid., pp. 164-166

[52] Jean-Louis HAROUEL, Le Vrai génie du christianisme, ibid., p. 113

 

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