C’était déjà environ la sixième heure (c’est-à-dire : midi) ;
l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure,
car le soleil s’était caché.
Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu.
Alors, Jésus poussa un grand cri :
"Père, entre tes mains je remets mon esprit."
Et après avoir dit cela, il expira.
Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié.
Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
Le Vendredi saint est le jour de la célébration liturgique du mystère de la Passion, de la mort sur la Croix et de la mise du Christ au tombeau.

D’après les Évangiles synoptiques, sur la route du Golgotha, les soldats obligent un passant, Simon de Cyrène, à porter la croix de Jésus. Luc ajoute que les femmes disciples suivaient Jésus et pleuraient sur son destin (Sainte Véronique, Sainte Marie-Madeleine, et la Vierge Marie).
Liturgie :
Le vendredi saint est le seul jour de l'année où on ne célèbre pas d'Eucharistie. La communion est distribuée aux fidèles au cours d'une célébration qui dégage une ambiance particulière : l'église est sombre, les autels sont dépouillés de leurs nappes, les statues et images sont voilées. Il n'y a pas de sonnerie de cloche, de jeu d'orgues, et les chants sont absents, ou très peu nombreux. La célébration commence et finit en silence. On lit l'évangile de la Passion. Il n'y a pas de prière eucharistique mais une grande prière universelle.
C'est le jour de la célébration de la Croix : la croix est amenée en procession puis proposée à la vénération des fidèles. Dans certains pays, comme l'Espagne, il y a d'importantes processions dans les rues des villes.
La dernière messe célébrée était celle du soir du Jeudi saint, correspondant à son institution au Cénacle, et la prochaine sera celle de la Vigile pascale, le soir du Samedi saint. (2)
Historicité
Selon le Digeste, code de droit romain, "le crime commis contre le peuple romain ou contre sa sécurité est un crime de lèse-majesté (maiestatis crimen)". Jésus, provincial juif condamné pour sédition, tombe ainsi sous le coup de la Lex Iulia maiestatis (it) qui établit pour ce crime de rébellion envers l'autorité impériale, la crucifixion. [Pierre Maraval, Simon Claude Mimouni, Le christianisme des origines à Constantin, Presses Universitaires de France, 2006, p. 87.]
L'historicité de la crucifixion ne fait plus aucun doute pour la majorité des chercheurs, qui y voient des critères d'authenticité (critère d'embarras ecclésiastique, d'attestation multiple, de cohérence) [Jacques Giri, Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme, éditions Karthala, 2011, p. 182; John Paul Meier, How do we decide what comes from Jesus, in The Historical Jesus in Recent Research, James D. G. Dunn et Scot McKnight, 2006, p. 126–136 ]

L'évangéliste Jean évoque le cloutage des mains au moment de la crucifixion en rapportant la remarque de S. Thomas "si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas !" (Jn 20:25).
Les autres évangélistes ne mentionne pas le procédé de la crucifixion chez les Romains. Mais la recherche contemporaine qui s'appuie sur les sources documentaires relatant les crucifiements à l'époque romaine, sur le contexte historique (les crucifiements en masse privilégiaient les cordes mais il n'était pas rare pour des exécutions singulières d'utiliser des clous) et les découvertes archéologiques confirment la pratique de la crucifixion chez les Romains.
En 1938, des recherches archéologiques près de Jérusalem, à Giv’at mivtar, ont démontré que les crucifiés contemporains du Christ étaient exécutés sur une croix. (Les Dossiers de l'Archéologie n°10 page 107. Article du professeur N. Haas de l'Université Hébraïque de Jérusalem.) Les crucifiés avaient les bras étendus à l’horizontale.
Dans les documents latins de l'époque romaine, le mot "crux" est mentionné, et ces sources antiques évoquent la poutre transversale sur les épaules attachée aux bras sous le terme de patibulum (partie transversale de la croix destinée au crucifiement). Le poteau vertical était appelé stipes, qui était généralement fixé de manière permanente dans la terre à l’emplacement de l’exécution.
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Saint Irénée, évêque de Lyon et Martyr (120-202 ap.J.-C.) dans Contre les hérésies, cote II, 24,4, daté d'entre 175 et 189 ap. J.-C., explique que la croix a cinq extrémités ; sur la cinquième se repose le crucifié : "La structure de la croix présente cinq extrémités, deux en longueur, deux en largeur, une cinquième sur laquelle s’appuie le crucifié." (Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, Sagesses chrétiennes, Cerf, Paris 2007, p. 225.)
Iconographie
La Crucifixion de Jésus a donné lieu à différentes représentations à travers les âges :
Dans la "Maison du Bicentenaire" à Herculanum, cité romaine qui fut détruite par l'éruption du Vésuve en l'an 79 apr. J.-C., une croix a été découverte en 1938 par les archéologues, qui donne sur le decumanus maximus, prestigieux immeuble d'un bloc d'habitations ayant des sols à mosaïques, des cloisons fastueusement décorés avec peintures, l'atrium avec toit à compluvium et un jardin avec portique. Dans l'un des côtés d'un somptueux tablinum décoré avec des peintures à sujet mythologique, on remarque une singulière grille en bois avec ouverture à soufflet. Dans l'une des modestes pièces du premier étage, on trouve un réduit, probablement le logement d’un esclave, où une croix a été gravée dans le plâtre d'une paroi. Selon l'interprétation la plus répandue, il s'agirait de l'un des témoignages les plus anciens de la religion chrétienne.Sources 1, 2
À Pompéi, d’autres symboles chrétiens ont été relevés, dont dans la Maison dite de Pansa :
• une croix gravée en relief sur un mur (découverte en 1813-1814)
https://www.eecho.fr/pompei-herculanum-vestiges-chretiens-avant-79/
Une des plus anciennes représentation de la Crucifixion et de Croix chrétienne est le graffiti d'Alexamenos, dessin injurieux réalisé entre le IIe et le IIIe siècle sur un mur de Rome (colline Palatin), au moment des persécutions.
Graffito d'Alexamenos. La légende signifie "d'Alexamenos rend un culte à son Dieu". Michael Gough, dans La Grèce et Rome (éd. Imprimerie des arts et manufactures, 1974, direction Marcel Brion, p. 364), suppose que Alexamenos était sans doute un esclave, que ses compagnons raillaient parce qu'il était chrétien. Daniel-Rops explique qu'Alexamenos fut un "page impérial" caricaturé par ses camarades. Le jeune chrétien d'alors n'avait guère à attendre que l'ironie et l'outrage. (DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome II Les Apôtres et les Martyrs, Librairie Arthème Fayard, Paris 1965, p. 175)
Giovanni Previtali, historien de l'art, crédite Giotto de l'innovation du Christ en croix avec trois clous et le suppedaneum, la planchette de bois chevillée sur laquelle les crucifiés pouvaient appuyer leurs pieds.
Sources: (1) Vie des Saints pour tous les jours de l'année avec une pratique de piété pour chaque jour et des instructions sur les fêtes mobiles, Alfred Mame et Fils éditeurs, Tours 1867, p. XVI. (2) L'Evangile au quotidien (3) Vendredi Saint (4) Crucifixion