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2 septembre 2023 6 02 /09 /septembre /2023 14:20

En ce 2 septembre où nous commémorons les Bienheureux Martyrs de Septembre 1792 (1300 morts), voici un autre article au sujet de la Révolution non spontanée de 1789 et le complot anglo-genevois :

Il y a deux histoires: l'histoire officielle, menteuse, puis l'histoire secrète, où sont les véritables causes des évènements.

Honoré de BALZAC, in Pierre DOUAT, Tout ce que vous auriez voulu savoir sur la France et qu'on vous a caché toujours caché, éd. Marsan, 2015, p. 9

Lorsque tout tremble devant le tyran, l'historien paraît, chargé de la vengeance des peuples.

Chateaubriand, in Pierre DOUAT, Tout ce que vous auriez voulu savoir sur la France et qu'on vous a caché toujours caché, éd. Marsan, 2015, p. 5

Dans‘’Histoire secrète de la Révolution française’’ (Amazon, Brétigny-sur-Orge 2022), Pierre DOUAT écrit que ‘’La Fayette et Bailly s’accordaient pour reconnaître que le parti de la violence (sous la Révolution) semblait dirigé par une main cachée que le temps jusqu’ici n’a pu faire connaître.’’

 

Robespierre a découvert l’origine de ce ‘’parti de la violence’’, qu'il qualifia de "système de terreur" de "listes odieuses", qu'il dénonça à l’assemblée, sans en donner les noms, imprudence qui le fit condamner la nuit même, arrêter et décapiter le lendemain.

 

Dans un contexte où ‘’l’essentiel de la puissance économique d’un pays tenait à son commerce avec ses colonies’’, Pierre Douat fait remonter l'origine des évènements à la guerre à la France que nous livrait l’Angleterre depuis le règne de Louis XIV où ‘’l’Angleterre entreprit de financer des conflits continentaux pour occuper la France, de manière à l’empêcher de concentrer ses efforts sur ses colonies.''

 

"Plus tard, sous Louis XV, c’est cette stratégie de diversion qui nous fit perdre l’Inde et le Canada. […] Malheureusement pour les Anglais, la perte des Etats-Unis les rabaissa en dessous de la France qui inondait l’Europe du produit de ses îles sucrières.‘’

 

À cette guerre économique, l’auteur évoque la ‘’vengeance des Genevois’’, ou ‘’complot anglo-genevois’’ qui, selon lui, fut à l’origine du ‘parti de la violence’’ dans la Révolution ‘’française’’ afin de discréditer le gouvernement révolutionnaire.

Le complot anglo-genevois contre la France (1789-1792)

L'auteur fait remonter la constitution de ce parti à 1782 après que Louis XVI ait réprimé "une révolution protestante déclenchée à Genève", et proscrit les agitateurs qui l’avaient déclenchée. Ces derniers s’adressèrent alors au gouvernement anglais, lui demandant de les aider à se ‘venger’ de la France. (HAVARD L II, p. 35, KARMIN, p. 117 ; POUGET 1-5 ; MALLET DU PAN,T. II, 69, BAILLY 33-34, SEGUR T. II, 199-201 in Histoire secrète de la Révolution française, p. 11, 103.)

 

[D'après Albin Thourel et JP Saint-Ours, Histoire de Genève, p.330-31, les réfugiés à Londres avaient nom Dentand, Flournois, VIEUSSEUX, CLAVIERE (beau-père du précédent), DUROVERAY, GRENUS, D. CHAUVET, J. JANOT, G. RINGLER, JJ BRUSSE-LAMOTHE, JA THUILLIER, Esaïe GASC, JL SCHRAIDEL. D'après Friedrich Bulau (in Personnages énigmatiques 1861, p. 335) on comptait DUMONT, Chauvet, MARAT (déjà initié à la Loge KING'S HEAD SERVARD de l'Orient de Londres, le 15 juillet 1774) et MELLY (parent de Du Roveray).]

 

''Le Premier ministre britannique, Lord SHELBURNE marquis de Lansdowne (1782-1783), accepta leur proposition et leur offrit une subvention de 50000 £. Lord Grenville, futur Premier ministre britannique (1806-1807), s’associa à eux. Trois d’entre eux, Clavière [banquier protestant calviniste né en 1735, homme d'affaires, et spéculateur, défenseur de Rousseau et de la 'liberté d'expression', mort par suicide le 8 décembre 1793], Jacques-Antoine Du Roveray (1747-1814) et Francis d’Ivernois (1757-1842) reçurent un accueil chaleureux en Angleterre où le Premier ministre William Pitt (1783-1801) pour des raisons autres (l'expédition en Amérique) partageait leur haine de la France.]

Ils adoptèrent la nationalité irlandaise et prêtèrent serment de fidélité au roi d’Angleterre. 

 

Ces Genevois qui étaient pensionnés par le gouvernement anglais depuis 1782, représentèrent la part d'influence britannique sur Mirabeau qui comptait beaucoup sur le soutien de l'Angleterre pour l'accomplissement des réformesDu Roveray, fut donc en même temps et par la suite un agent d'influence officieux du gouvernement britannique y compris à Paris pendant la Révolution française, sous couvert de servir les intérêts du ministère français. Beaucoup d'historiens ont ignoré (faute de lire les correspondances en anglais) ou dénié pour des raisons d'aveuglement idéologique ce fait incontestable, notamment Edouard Benetruy dans sa belle compilation orientée de documents passionnants, qui sont essentiellement des Mémoires ou des justifications des suisses (Dumont, Romilly, d'Yvernois et autres Suisses pensionnés de l'Angleterre depuis 1782). De nombreuses correspondances ministérielles entre les ministres et ambassadeurs de Pitt établissent ce fait.]

 

Tous trois furent enrôlés dans le cercle Bowood, dirigé par Shelburne, et qui réunissait toute l’intelligentsia britannique. Clavière se mit en contact avec trois espions anglais, Keith, Herries et Duplain. Puis, il se mit en affaires avec la Banque Boyd, principale agence de financement de l’espionnage anglais.

 

‘’Le réseau terroriste du 14 juillet

 

‘’Trois d’entre eux furent envoyés en France pour une ‘mission non officielle’ (Voir Otto KARMIN, Sir Francis d'Ivernois, 1757-1842: sa vie, son oeuvre et son temps, Bader/Mongenet, Genève 1920, p. 122, 156-157. Voir aussi Albert GOODWIN, The Friends of Liberty, Hutchinson, 1979, p. 104-105)

 

‘’D’Ivernois qui était conseiller auprès du gouvernement anglais, resta seul à Londres et fut chargé de la propagande anti-française, pendant que Clavière, Du Roveray et Dumont (un autre genevois du cercle Bowood) s’installèrent à Paris (Elizabeth SPARROWSecret Services : British agents in France 1792-1815, The Boydell Press, Woodbridge 1999, p. 33). Pour plus de discrétion, ils s’assurèrent le services de repris de justice tels Brissot, Mirabeau ou Pellenc, qui ne pouvaient rien leur refuser.

 

Agissant toujours par personnes interposées, leurs discours subversifs étaient publiés sous les noms d’emprunt de Mirabeau et de Brissot (Voir DUMONT, p. 172 ; WHATMORE, p. 1 ; BÉNÉTRUY, p. 477-479.) Clavière connaissait déjà Mirabeau qu’il avait rencontré à Neufchatel, juste après sa révolution ratée. Tout le génie de nos agitateurs genevois fut employé à donner à Mirabeau l’apparence d’un champion de la démocratie.

 

[…] D’Ivernois, Dumont et Du Roveray touchaient du gouvernement anglais une pension de 300£. Quant à Clavière, il pratiquait la spéculation baissière qui lui permettait à la fois de ruiner l’appareil d’État français, et d’en tirer un profit financier. Pour corrompre Mirabeau, Clavière l’entraîna dans ses spéculations, tant et si bien que Mirabeau le surnomma ‘son maître en finances’ [Clavière avait été initié à la stratégie baissière, qui lui permettait de tirer un profit financier des désordres qu’il occasionnait à Paris : la méthode de la ‘vente à découvert’, consistait à vendre une valeur que l’on ne détient pas, mais qu’on se met en mesure de détenir le jour où sa livraison est prévue. Lorsque le cours baissait, ce procédé lui permettait de payer moins cher que le prix qu’il l’avait vendue précédemment. L’astuce pour Clavière consistait à repérer des actions surévaluées, et à financer des pamphlets écrits par des journalistes dans le besoin, tels Mirabeau et Brissot (qu’il fit sortir de prison). Ces pamphlets avaient pour but d’influencer le marché à la baisse : les critiques les plus véhémentes étaient proférées dans le double but d’acheter ces actions à bas prix, et de décrédibiliser le gouvernement. Clavière agissait de façon concertée avec deux autres baissiers, l’anglais Panchaud, et le hollandais Cazenove. Tous trois concentrèrent cette activité sur des compagnies d’état : la Caisse d’escompte, la Compagnie des Eaux, la Banque St Charles et la Compagnie des Indes. Mirabeau fut entraîné lui aussi dans les spéculations de Clavière qu’il appelait son ‘maître en finances’. Devenu spéculateur sur les malheurs publics, Clavière partageait les intérêts de l’Angleterre. Presque tout ce qu’il fera pendant son ministère sera dirigé contre les intérêts français (DARNTON TRENDS, p. 54 ; WHATMORE p. 1-26 ; BOUCHARY, p. 43-80, FAY p. 136 ; SOULAVIE V 5 p. 301 ; MIRABEAU V. 4 p. 180 ; MONITEUR T 18 p. 144)]

 

‘’Tout ce petit monde se réunissait dans la propriété de Clavière à Suresnes. […] L’alliance de ces intrigants avec le formidable tribun qu’était Mirabeau, fut redoutable. Rien ne leur résista.

 

‘’La réforme de Calonne (d’égalité devant l’impôt. Ndlr.), seule capable d’éviter au roi les frais d’une révolution, fut mise en échec par Clavière : il chargea Mirabeau de publier un pamphlet accusant Calonne de favoriser l’agiotage et d’en tirer un profit personnel, ce qui ruina totalement sa crédibilité et fit échouer son projet.

‘’Un autre ministre, Loménie de Brienne prit aussitôt la relève et reprit l’essentiel de la réforme à son compte. Mais, Clavière ne lâchant rien, chargea Brissot de publier un autre pamphlet mensonger, dans lequel il disait qu’il n’y avait pas de déficit, que le gouvernement mentait pour imposer sa nouvelle réforme fiscale, et que la convocation des États généraux prouverait tout cela. Du coup, pour ne pas avoir à payer le nouvel impôt, la noblesse elle-même exigea la convocation des États généraux. Le premier pamphlet s’appelait ‘Dénonciation sur l’agiotage’. Il était signé Mirabeau mais inspiré par Clavière, et accusait le gouvernement ne la personne de Calonne, de favoriser les spéculations frauduleuses. Il eut pour effet de discréditer ce dernier et de faire échouer sa réforme sur la Subvention territoriale [Brissot, Mémoires T 2 p. 29 ; DUMONT p. 31, 147, 297-298 ; FAY, p. 81-83 ; COLLING 104, MIRABEAU V 4 p. 279, 8, 36, 50, 57, 59 ; SOULAVIE V 5 p. 302 ; Vie publique 31 ; Peltier DOMINE p. 39.] Le second pamphlet s’appelait ‘Point de banqueroute ou Lettre d’un Créancier de l’État sur l’impossibilité de la banqueroute nationale’. Il était signé Brissot, mais inspiré par Clavière. Il expliquait qu’il n’y avait pas de déficit, que le gouvernement mentait pour imposer ses réformes fiscales, que la convocation des États généraux prouverait tout cela, et que les réformes fiscales devaient être refusées, ce qui arriva (Brissot, Point de Banqueroute, p. 32-34).] Cette action décisive fit incontestablement de Clavière le véritable déclencheur de la Révolution. Brissot ayant fait échouer la réforme, fut mis sous le coup d’une lettre de cachet, et dut fuir à Londres pour éviter d’être embastillé. Quant à Clavière, qui avait tout manigancé, il resta indemne de toute accusation. Clavière tenait Brissot qui lui devait tout depuis que celui-ci l’avait fait sortir de prison en réglant toutes ses dettes. [BÉNÉTRUY p. 134]

 

Peur et panique instrumentalisées. La stratégie du choc du peuple déjà à l'oeuvre !

 

‘’[Le 12 juillet 1789] Afin de créer la panique, on fit croire à tous que le nouveau gouvernement allait proclamer la banqueroute. Toute la bourgeoisie créancière de l’État paniquée, fit bloc derrière l’assemblée, prête à tout renverser pour éviter la faillite. [La majeure partie des investisseurs parisiens était créanciers de l’État et vivaient dans la hantise de la banqueroute royale. … D’après Rivarol, ‘les capitalistes par qui la révolution a commencé n’étaient pas difficiles en constitution ; et ils auraient donné les mains à tout, pourvu qu’on les payât… Qu’on essayât une révolution pour les payer ; que tout fut renversé pourvu qu’on les payât. … C’est ce vil intérêt qui a soulevé Paris : car le patriotisme, ce prétexte éternel des parisiens, n’a été la raison que de quelques bourgeois qui n’entendaient pas l’état de la question. Soixante mille capitalistes et la fourmilière des agioteurs l’ont décidée (la Révolution), en se dévoyant à l’Assemblée nationale du jour où elle mit les dettes du gouvernement sous la sauvegarde de l’honneur et de la loyauté française.’ (Rivarol, Mémoires, Baudouin, Paris 1824,p. 186, 235.)

Le 14 juillet 1789, lorsque la fausse nouvelle de la banqueroute royale fut diffusée dans tout Paris, Isaac Panchaud, principal conseiller de Necker et premier décideur à la Caisse d’escompte (ancêtre de la Banque de France) était la seule personne à pouvoir démentir cette rumeur, mais il mourut de façon providentielle le jour même.]

 

‘’Stanislas Maillard, l’agent de Clavière, entraîna les bandes affamées des faubourgs jusqu’à la prison de la Bastille. [L’émeute du 14 juillet fut déclenchée de façon bien concertée : Des attroupements populaires furent créés par une augmentation artificielle du prix du pain : 20000 sacs de farine commandés par Necker pour Paris furent bloqués à Londres par William Pitt (Mirabeau, Courrier p. 28-30 ; BLACK p. 336-338.) Lorsque le prix du pain augmenta, on fit courir le bruit que le roi l’accaparait pour nourrir ses armées qui encerclaient Paris. Camille Desmoulins, secrétaire de Mirabeau, annonça que les armées royales préparaient un massacre, et appela le peuple aux armes. Pour obliger le duc d’Orléans à se compromettre avec les émeutiers, son buste fut promené à la tête de la foule (CHATELET I, p. 182, 183, 191.) Le lendemain, pour créer la panique dans la bourgeoisie, la bourse fut fermée par les agents de change, et les bruits de banqueroute furent répandus. Parmi les émeutiers, on retrouve cinq agents de Clavière : son agent de change Stanislas Maillard eut le rôle principal : il reçut l’acte de reddition de la Bastille et obtint la garde du gouverneur. Les quatre autres furent Legendre, Santerre et son beau-frère Panis, accompagné de son ami Sergent (THIERS p. 265 ; BLANC, Les Hommes, p. 16, 231 ; Site internet de la mairie du XIe arrondissement ; MAYEUR) Maillard laissa décapiter le gouverneur par Jourdan, ‘coupe-têtes’ qui était probablement son complice et qu’il entraîna plus tard à Avignon pour y commettre d’autres atrocités. … L’idée de détruire la Bastille était de Clavière : il l’avait déjà suggérée deux ans plus tôt dans sa ‘Lettre à un créancier de l’État’ pour ‘mettre fin aux arrestations arbitraires’.] … La forteresse (de la Bastille) fut prise, des têtes furent promenées sur des piques. … De toute évidence, ces violences ne furent pas organisées par la bourgeoisie parisienne, puisqu’elle-même en fut tellement effrayée, qu’elle décida enfin à créer cette Garde nationale tant souhaitée par nos agitateurs genevois. Les complices de Clavière l’organisèrent sur le modèle de la milice anglaise. De nombreux banquiers s’y engagèrent avec leur personnel… [Les 60000 électeurs de Paris constituèrent cette milice bourgeoise. Les banquiers Boscary, Perrégaux, Delessert, Prévoteau et Coindre s’y engagèrent avec leur personnel (La Révolution française, Albert Mathiez, 26 juillet 1789).]

 

Pierre DOUAT explique (p. 25) que :

 

‘’Le but final des genevois était de provoquer la fuite du roi à l’étranger pour obtenir sa destitution, exactement comme c’était arrivé en Angleterre à Jacques II, qui en fuyant en France avait perdu tous ses droits à la couronne. […] La régence aurait été confiée au duc d’Orléans, réputé très anglophile, et Mirabeau aurait obtenu un ministère.

‘’À partir de 1789, ce fut Du Roveray qui écrivit les discours de Mirabeau, tant et si bien que ce dernier l’appela ‘son maître en révolution’. Du Roveray avait été pris en flagrant délit et dénoncé publiquement comme ‘pensionné du roi d’Angleterre’, en pleine assemblée nationale, alors qu’il transmettait des notes à Mirabeau à la tribune. [SOULAVIE V 5 p. 301 ; DUMONT p. 57-58.] Pellenc servait d’informateur aux genevois, et Lord Elgin, espion de Pitt, les conseillait [Olivier BLANC, La Corruption sous la Terreur, R. Laffont, Paris 1992, p. 74 ; DE LA MARLE p. 59, 205 ; Etienne DUMONT, Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives, Meline, Bruxelles 1832, p. 73-74, 96, 102, 106, 172-173 ; Michael DUREY, William Wickham, master spy : The Secret war against the french revolution, Taylor, New Yord 2009, p. 35-36 ; Elizabeth SPARROW, Secret Services : British agents in France 1792-1815, The Boydell Press, Woodbridge 1999, p. 37-51.].

 

‘’Le même stratagème qu’à la Bastille fut utilisé dans les campagnes où l’on souleva les paysans en répandant le bruit que des bandes armées payées par les seigneurs, allaient brûler les récoltes. ["Grande peur"]

‘’Les villageois une fois rassemblés, ne voyant rien venir, assaillirent à leur tour les châteaux pour exiger l’abolition des droits féodaux. … Sous prétexte de contenir ces paysans, la même ‘garde nationale’ fut crée dans les provinces, ce qui était le véritable but de l’opération [Ces rassemblements populaires organisés de façon concertée dans tout le pays sont très bien décrits dans les mémoires de la marquise de la Tour du Pin (p. 194-195.)]

 

‘’À la fin du mois de septembre (1789), un nouveau complot fut organisé. Pour obliger le roi à fuir, il fut décidé de l’attaquer directement dans son château à Versailles. [CHATELET I, p. 19-20, 91, 215-216.]

‘’Malgré l'abondance des grains en Angleterre, la chambre des Communes refusa d'autoriser l'exportation des blés à Paris où régnait déjà la disette.

‘’En France, les blés destinés à la capitale furent accaparés par la banque Turnbull & Forbes. [Emile DARD, Le général Choderlos de Laclos, Perrin, Paris 1905, p. 190; Olivier BLANC, La corruption sous la Terreur, Paris, Robert Laffont, coll. Les hommes et l'histoire, 1992, p. 84.]

‘’ On fit courir le bruit qu'une émeute se préparait... Mirabeau ne cessait de répéter à son ami le comte de La mark que 'le roi et la reine allaient périr et que la populace allait battre leurs cadavres', sachant très bien que ces propos seraient rapportés à la Cour. [Mirabeau, Correspondance, p. 112]

‘’Un associé de Mirabeau nommé Gorsas, publia un pamphlet mensonger accusant les gardes du roi d'avoir piétiné la cocarde tricolore lors d'un banquet. [PELTIER, Domine salvum fac regem, p. 39 ; Mirabeau, Vie publique, p. 31]

‘’Mirabeau prit la parole à l'Assemblée, et accusa la reine d'être personnellement responsable de cette 'orgie sacrilège'. [CHATELET I, p. 242-243, 265, II, p. 11; 11; Etienne DUMONT, Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives, Meline Bruxelles, 1832, p. 141]

‘’… Clavière et Du Roveray furent aperçus en train de chauffer la foule et de distribuer de l’argent [CHATELET I p. 148 ; HAVARD, p. 48-49]

‘’On paya des émeutiers pour les inciter à aller ‘assassiner la reine et les gardes royaux’. [CHATELET I, p. 133, 166, 174, 224]

‘’Le 5 octobre (1789), Stanislas Maillard, toujours lui, conduisit la foule affamée à Versailles [CHATELET I, p. 60, 99, 113, 114, 133, 134.]

‘’Les portes du château furent forcées, deux gardes royaux furent décapités, et leurs têtes promenées sur des piques. La foule envahissait les appartements royaux, mais le roi ne prenant toujours pas la fuite, La Fayette fut obligé d’intervenir avec sa ‘garde nationale’. La reine fut sauvée de justesse, et pour calmer le peuple, elle fut reconduite à Paris sous bonne garde avec la famille royale. Le duc d’Orléans essaya de se dégager de l’affaire [Etienne DUMONT, Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives, Meline Bruxelles, 1832, p. 139 ; CHATELET p. 91]. Mais, rendu responsable de tout, il fut aussitôt exilé à Londres. Louis XVI apprit plus tard par l’ambassadeur d’Espagne, que c’était l’ambassade d’Angleterre qui avait financé l’émeute.

"… Le complot anglo-genevois fut publiquement dénoncé dans le pamphlet du journaliste Peltier, ‘Domine salvum fac regem’, puis dans le journal royaliste ‘Les Actes des Apôtres’ : les noms de Mirabeau et de ses complices genevois y étaient cités. [Pour la dénonciation du complot anglo-genevois, voir GOODWIN, p. 105.)]

 

‘’[…] Enfin, Reibaz, autre complice de Clavière, fit introduire l’assignat, monnaie de papier virtuelle, qui assurera la ruine de notre économie.

‘’…Ainsi se clôtura ce qu’on pourrait appeler la première révolution, qui consacrait l’avènement d’une nouvelle noblesse, celle de l’argent.’’ (Pierre DOUAT, Histoire secrète de la Révolution française, Amazon, Brétigny-sur-Orge 2022, p. 33.)

...‘’Mais le plan de William Pitt n’était pas encore totalement accompli. Désireux d’en finir avec Louis XVI, il finança sa fuite à l’étranger pour mieux le compromettre [À la note 49 Pierre Douat précise que : "le projet de provoquer la fuite du roi à l'étranger n'était pas nouveau : on sait qu'une première tentative avait eu lieu lors de la prise de la Bastille.

‘’Clavière et Du Roveray avaient organisé avec Mirabeau une deuxième émeute à destination de Versailles le 31 août 1789, mais qui fut dispersée dans Paris par la Garde nationale. Le meneur était un certain marquis de Saint Hurugue, arrivé récemment de Londres, qui sera réutilisé plus tard par les agents de Pitt (CHATELET I, p. 91; DUMONT, p. 139; DARD p. 185). Une troisième émeute plus sanglante eut lieu le 5 octobre 1789. Le but était d'obliger le roi à fuir et d'offrir la régence au duc d'Orléans. Gorsas, complice de Clavière, publia un pamphlet mensonger accusant les gardes du roi d'avoir piétiné la cocarde tricolore. Mirabeau accusa la reine d'être à l'origine de cette profanation (PELTIER, Domine, p. 39; MIRABEAU, Vie publique, p. 31; CHATELET I, p. 242-243, 265, II, p. 11; DUMONT, p. 141) Pour créer les attroupements, les blés en provenance de Londres furent accaparés (BLANC, La Corruption p. 84; DARR, p. 190, 226; STAEL 126, 134, 136, 142, CHATELET I, p. 15-16, 41, 68, 235, 258). Du Roveray et Clavière furent aperçus distribuant de l'argent aux émeutiers (CHATELET I, p. 148, HAVARD, p. 48-49). Mirabeau fut aperçu en train de soudoyer les troupes royales, puis on le vit côtoyer les émeutiers  (MALOUET; MARICOURT, p. 174,175.) On incita les femmes à aller égorger la reine, et de l'argent fut distribué (CHATELET I, p. 19; MARCOURT p. 145] Les principaux meneurs furent Stanislas Maillard, Nicolas Renier, Buirette Verrières et Fournier l'Américain, tous agents de Clavière (CHATELET I, p. 60, 99, 113, 134, 137, 138, 207; L. BLANC, Histoire V, 6, p. 416; FOURNIER p. 27-35; THIERS p. 265; BOUCHARY, p. 98; CHATELET I p. 13-17, 60; Olivier BLANC, La corruption sous la Terreur, Paris, Robert Laffont, coll. Les hommes et l'histoire, 1992, p. 11-12, 61; DESMOULINS, Histoire p. 9-18; DE LA MARLE p. 649-650.) Ici aussi Louis XVI ne prit pas la fuite, et le duc d'Orléans fut accusé et dut s'exiler à Londres. Le roi apprit de l'ambassadeur d'Espagne que Dorset, ambassadeur britannique, avait financé cette émeute. Louis XVI protesta officiellement, et Dorset reconnut avoir reçu cet argent de négociants anglais et l'avoir distribué à des négociants français. Il prétendit 'ignorer l'emploi qu'on avait pu en faire', et fut remplacé peu après, ce qui est presque un aveu de culpabilité (MARICOURT p. 174-175.)

"La menace ayant échoué, on essaya la persuasion. Mirabeau, l'homme de Clavière, proposa au roi d'organiser sa fuite vers la frontière pour reprendre le pouvoir, mais Louis XVI s'y refusa (DUMONT p. 162-169).

[4e tentative : Le 28 février 1791, Paris se réveille au son des rumeurs. On raconte partout dans la capitale que les royalistes vont organiser une "Saint-Barthélemy" des patriotes. Il y a bien une conspiration mais pas celle que le peuple croit. Ndlr."Une nouvelle tentative fut organisée lors de la conspiration des chevaliers du poignard : Dossonville, espion avéré de l'Angleterre, chercha à emmener le roi avec quelques dizaines de partisans, pendant que Santerre, agent de Clavière, faisait diversion à Vincennes pour distraire La Fayette et sa Garde nationale [Un plan astucieusement mené puisqu’il fit sortir le général de Lafayette et la Garde nationale de sa caserne afin qu’il rejoigne Vincennes. Ndlr.]; mais Louis XVI [qui refusait de faire couler le sang. Ndlr.] refusa à nouveau de partir (Elizabeth SPARROW, Secret, p. 63, 132-134; THIERS p. 265; Olivier BLANC, Les hommes, p. 125). La cinquième tentative fut la bonne"]

 

(5e tentative quatre mois plus tard) : ‘’De Fersen, ambassadeur de Suède, réussit à convaincre la reine de fuir. L’opération avait été financée par Quintin Craufurd, agent secret de Lord Malmesburry, nouvel ambassadeur d’Angleterre. Craufurd n'hésita pas à utiliser sa propre maîtresse Mrs Sullivan pour manipuler de Fersen qui devint son amant. L’opération fut un succès : le roi fut arrêté à Varennes, ramené de force à Paris, et les parisiens ne tardèrent pas à demander sa destitution. [Elizabeth SPARROW, Secret Services : British agents in France 1792-1815, The Boydell Press, Woodbridge 1999, p. 36 ; Jacques DE LAUNAY, Histoire de la Diplomatie secrète 1789-1914, La Rencontre, 1965, p. 115-119 ; Encyclopedia Britannica 11th ed. Vol 7, SI. 6, Q. Crawfurd ; Voir aussi Etienne DUMONT, Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives, Meline Bruxelles, 1832, p. 239.]

‘’La fuite à l’étranger était un piège. Ce fut l’évènement qui abattit définitivement la monarchie : le roi fut désormais suspect de ‘trahison’.

 

‘’Pour pousser les partisans de la destitution à une action violente, des provocateurs à la solde de l’étranger déclenchèrent la fusillade du Champ de Mars : les partisans de la destitution furent mitraillés par la garde nationale... Dès lors, le peuple en colère était fin prêt pour ‘renverser son roi’. Pour cette fusillade, Brissot, l’homme de Clavière, rameuta le peuple à l’aide de son journal, et rédigea la pétition qui demandait la destitution du roi [STAËL p. 217].

‘’D’après Staël, l’Angleterre aurait financé les meneurs par l’intermédiaire de Brissot. [Staël p. 217-218 ; RICKER p. 189]

‘’De nombreux étrangers furent aperçus lors du rassemblement, distribuant de l’argent aux émeutiers. L’agent anglais Rotondo fut arrêté pour avoir distribué de l’argent et avoir incité à l’émeute [POUGET p. 106, 134 ; CABET V 2, p. 358, 370 ; CONSEIL p. 388.]

‘’Un agent de Clavière, nommé Fournier l’Américain, se mêla à la foule avec sa bande. Ils décapitèrent et promenèrent les têtes de deux innocents. … Fournier tira à bout portant sur LaFayette [CABET V 2, p. 365, 370-373, 379-381 ; MATHIEZ, Les Grandes p. 115-128.]

‘’Santerre, Sergent, Stanislas Maillard, agents de Clavière, ainsi qu’un espion anglais nommé Duplain, étaient aussi à la fête [THIERS p. 265 ; DOUAT note 507 ; BOUCHARY p. 98 ; Lettre anglaise, Feller, vol. 11, p. 273 ; ROLAND, tome I p. 408, 410 ; TOURZEL, p. 367-369 ; DUMAS p. 360-400 ; FOURNIER p. 48-50,53.]

‘’… La loi martiale avait été votée grâce à Duroveray...

‘’Clavière avait donc des intelligences à la fois dans le camp des émeutiers et dans celui de la répression…

‘’Au Champ de Mars, … les Gardes nationaux qu’on avait pris la peine d’enivrer auparavant, tirèrent sans sommation dans la foule, tuant plusieurs dizaines de manifestants. ... Parmi les douze personnes arrêtées ce jour-là, on remarquera Rotondo, Fournier l’Américain et Buirette Verrières, tous agents de Clavière.

‘’L’Angleterre et la Prusse s’étaient probablement entendus pour renverser le régime.

‘’En fait d’intimider le peuple, le résultat de ce massacre fut au contraire d’exciter la fureur populaire contre les partisans du roi.

‘’La fusillade du Champ de Mars préparait le 10 aôut, elle n’avait pas d’autre but..."

 

‘’Robespierre contre William Pitt

 

Pierre Douat avance que ‘’Robespierre organisa l'émeute (du 10 août) [qui vit le Massacre des Tuileries, l'arrivée au pouvoir de la Commune insurrectionnelle, l'emprisonnement de Louis XVI, l'abolition de la monarchie et la proclamation de la république le 21 septembre 1792]

 

Les "idées révolutionnaires commençaient à gagner l'Irlande et l'Angleterre, menaçant la couronne anglaise. Pitt débordé [...] s'engagea dans une politique de guerre totale avec la France. Voulant dégoûter son peuple'' de la révolution ''française'', il décida d'encourager le terrorisme...

 

"Un plan bien organisé’’

"Stanislas Maillard, l'agent de Clavière, organisa lui-même les massacres de Septembre [1792] où plus de 1200 prisonniers parisiens furent égorgés.

"Contrairement à certaines affirmations, les massacres de septembre ne durent rien à une prétendue fureur populaire, mais découlèrent d'un plan bien organisé, puisqu'une circulaire du comité de surveillance fut signée en haut lieu pour étendre ces massacres à la France entière [Alexandre TUETEY, Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Assemblée législative, Paris 1900, T. 5, p. 57.] Sur la copie du document, on trouve parmi les signataires, trois espions anglais : Jourdeuil, Deforgues et Duplain [Olivier BLANC, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Éditions Perrin, Paris, 1995, p. 92; La Corruption p. 64.] Ce furent précisément les deux derniers qui accueillirent au comité Jean-Paul Marat, membre dune loge anglaise qui avait vécu plusieurs années à Londres où il était retourné quelques mois avant les massacres. Il a donc pu être influencé. Un dénommé Sergent, marié à une anglaise, et ami de Panis, lui-même beau-frère de l'agent anglais Santerre. Un troisième signataire nommé Duffort, obéissait aux deux premiers [TUETEY V, p. IX]. Tous ces signataires étaient sous influence anglaise. Un dernier nommé Guermeur de son vrai nom Royou, était probablement aussi un agent subversif puisque son propre frère fut arrêté pour avoir incité à la répression après la fusillade du Champ de Mars. Il rédigeait 'L'Ami du Roi', un journal royaliste d'une extrême violence : les deux frères incitaient donc à la violence dans les deux camps opposés.’’ [Louis MORTIMER-TERNAUX, Histoire de la Terreur 1792-1794, Levy, Paris 1863, V 4, p. 456.]

[Pierre DOUAT, Histoire secrète de la Révolution française, Amazon, Brétigny-sur-Orge 2022, p. 40, et note 56 p. 126.]

 

"Les massacres de septembre découlèrent d'un plan bien orchestré."

 

Le Premier ministre britannique William Pitt décida d'encourager le terrorisme.

 

Tandis que "pour mettre la vie du roi en danger", "Pitt et le roi de Prusse publièrent le 'manifeste de Brunswick', véritable provocation dans laquelle les puissances de la coalition menaçaient Paris d'extermination en cas d''atteinte à la souveraineté royale, les Tuileries furent attaquées le 10 août 1792 et les Gardes suisses massacrés (dans une insurrection bien orchestrée elle aussi. Ndlr.), ses affidés organisèrent les massacres de septembre.

 

"Gorsas, complice de Clavière, se chargea d'échauffer les esprits, annonçant dans son journal que Brunswick allait piller Paris et supplicier ses habitants, hommes, femmes et enfants. ... L'après-midi du 2 septembre, le canon tonna pour donner le signal. Stanislas Maillard alias 'Tape dur', homme de main de Clavière, accompagné de ses 68 comparses, entraîna vers les prisons les éléments les plus violents des faubourgs en leur promettant de l'argent [BOUCHARY 98; MORTIMER, vol. 3 p. 484, 490, 525-530; TWETEY T 5 p. 39; HUE 123.]

[Pierre DOUAT, Tout ce que vous auriez voulu savoir sur la France et qu'on vous a caché toujours caché, éd. Marsan, 2015, p. 16-17, et note 30 p. 279]

 

‘’Une proposition écrite fut envoyée au duc d'Orléans pour lui offrir la couronne qui la refusa.

 

‘’Et le 22 septembre, la république fut proclamée. 

Clavière avait réussi à s'installer au pouvoir avec les Girondins, et occupait le poste de ministre des finances... Il payait Reibaz qui transmettait à Pitt tous les secrets du cabinet, pendant que Du Roveray, en poste à l'ambassade de Londres, trahissait la France en envoyant de faux rapports à son ministre.

 

Pitt cherchait à ruiner notre économie en l'inondant de faux assignats, Clavière ruina leur crédibilité en en émettant pour plus de 7 milliards (au lieu de 2 prévus).

‘’L'assignat perdit 65% de sa valeur sous son ministère. Sous couvert de lutte contre leur contrefaçon, il fit au contraire tout pour la favoriser. Une fabrique de faux assignats fut établie juste à côté de chez lui à Suresnes. Puis Clavière fit fondre toute l'argenterie des hôtels des monnaies qui provenait du pillage des églises, et qui finira déporter à l'étranger. Il organisa de gigantesques détournements de fonds publics qu'il fit passer ... en Angleterre, grâce à deux de ses complices, Claude Baroud, et le baron de Batz.

‘’L'Angleterre convoitait nos colonies sucrières, l'action militante de Clavière et de Brissot incitera nos planteurs à y accueillir les Anglais !

‘’Puis Clavière rétablira la prime d'encouragement au commerce des Noirs, qui fut en grande partie reversée aux Anglais. Il facilitera la prise de nos vaisseaux par les Anglais en envoyant des royalistes assurer la sécurité de nos ports.

 

La trahison de nos généraux fut achetée par l'Angleterre, et notre armée fut vaincue. Robespierre n'eut alors aucun mal à renverser ces Girondins fauteurs de guerre mais incapables d'arrêter l'envahisseur. Il remplaça les transfuges qui dirigeaient notre armée par des ''patriotes'' : à la surprise générale, les troupes anglo-autrichiennes furent à leur tour vaincues...

‘’Pitt finançait les insurrections royalistes de la Vendée, mais il fit toujours en sorte que celles-ci échouent... Son objectif n'était pas de restaurer la monarchie, mais d'aggraver nos troubles intérieurs. Il infiltra nos factions les plus extrêmes pour créer l'anarchie dans le pays.‘’

 

À la chute des Girondins, Clavière fut arrêté parce que soupçonné d'être un agent de l'étranger. Néanmoins, il continue de bénéficier d'une mystérieuse protection et ne figure pas au procès pour trahison intenté contre Brissot et ses complices. Il reste en liberté surveillée, et continue d'assurer ses fonctions. Clavière ne parla jamais et fut retrouvé 'suicidé' à la veillé de son procès. Son épouse subit le même sort. Tous ses documents financiers postérieurs à 1788 disparurent opportunément. Du Roveray lui aussi fut dénoncé comme agent de l'Angleterre, et dut s'enfuir à Londres. Puis, il repartir en Suisse pour reprendre ses activités d'espionnage au service de William Pitt. Ses papiers furent saisis mais disparurent opportunément, ainsi que ceux d'Ivernois. [Olivier BLANC, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Éditions Perrin, Paris, 1995p. 35; KARMIN p. 252, 360.]

Le complot anglais démasqué

 

En juin 1793 (six mois après l'exécution de Louis XVI), le complot anglais fut publiquement découvert : la correspondance d'un espion britannique avait été interceptée prouvant que William Pitt payait des espions pour organiser des violences sur notre territoire.

 

‘’La fameuse Lettre anglaise fut traduite en français et affichée à l'assemblée nationale : de nombreux noms y étaient cités, et chacun put se convaincre de la réalité du complot.

 

‘’Dès lors, une véritable paranoïa s'empara de nos élites, et chacun vit en son adversaire politique un espion de Pitt et de Cobourg.[Lettre anglaise, texte et nouvelle traduction, 4 août 1793, Paris, Boston public library]

 

‘’Une autre lettre saisie dans les papiers de Danton montra que le Foreign Office avait payé des espions pour inciter notre gouvernement à proclamer le régime de la 'Terreur'. La lettre écrite 8 jours après la proclamation de la Terreur demandait au banquier Perrégaux de récompenser trois agents secrets pour les 'services essentiels qu'ils avaient rendu, en soufflant le feu et en portant les jacobins au paroxysme de la fureur.' [Les trois agents étaient désignés par leurs initiales, qui étaient les mêmes que celles de de Merville (de M), Michel Chemin Deforgue (M. C. D.), deux agents de Pitt proches de Barère et de Danton. Le troisième, désigné par (WT) pouvait être l'espion anglais Wentworth, amant de Sophie Demailly, elle-même espionne anglaise et maîtresse de Barère (Olivier BLANC, Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, Éditions Albin Michel, Paris 1989, p. 38, 42, 61, 63, 71-73; Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Éditions Perrin, Paris, 1995, p. 50,51; Henri POUGET DE SAINT-ANDRÉ, Les Auteurs cachés de la Révolution française, éd. Perrin, Paris 1923, p. 231-232; Jean BOUCHARY, Les manieurs d'argent à Paris à la fin du XVIIIe siècle, Rivière, Paris 1939, vol. 3 p. 38; Louis-Gabriel MICHAUD, Biographie Universelle Ancienne et Moderne, Paris, 1837 V. 62 p. 313; Elizabeth SPARROW, Secret Service, The Boydell Press, Woodbridge, 1999, p. 92, 219).

"Francis Drake, ambassadeur d'Angleterre, écrira plus tard à son ministère "Quand Deforgue était ministre (des affaires étrangères), nous avions un moyen sûr de rectifier ses rapports par nos intelligences dans son bureau intime; nous n'avons pas encore le même avantage avec son successeur''.

"Dans une autre lettre datée du 2 septembre, Drake décrit Deforgue comme 'cachant ses véritables intentions sous l'aspect d'un jacobinisme des plus exagérés'.

"Deforgue comptait parmi les signataires de la circulaire des massacres de Septembre, et on imagine l'influence néfaste qu'il a pu avoir sur Barère, sur Danton, et peut-être même sur Robespierre (CLAPHAM 67)]

"Cette lettre ne sera découverte que plus tard, lors de l'arrestation de Danton. [Elle sera confirmée le 27 janvier 1795 à la Chambre des Lords, lorsque le duc de Bedford déclarera 'Nos efforts ont assurément beaucoup contribué à établir le régime de la Terreur dans ce pays.' Bedford ne sera pas contredit par ses interlocuteurs (Louis PORTIEZ, Influence du Gouvernement anglais sur la Révolution française, p. IV, p. 167; POUGET DE SAINT-ANDRÉ, Les Auteurs cachés de la Révolution française, éd. Perrin, Paris 1923, p. 247.)]

 

''Ignorant tout cela Robespierre en sera la première victime, et adhèrera au régime de la Terreur, parce qu'il avait réservé aux traîtres et ennemis de la Nation. La vérité lui apparut plus tard, en lisant un manifeste de la coalition qui décrivait nos révolutionnaires tels 'un ramassis de brigands en révolte contre Dieu'.

 

''Voulant réhabiliter la Révolution, Robespierre élimina les 'exagérés', mit fin à la déchristianisation, et appela à un retour à la modération. [Las Cases dit qu'à Sainte Hélène, Napoléon affirma avoir lu des lettres de Robespierre dans lesquelles il blâmait les atrocités et les horreurs de la Convention. Cambacérès lui avait affirmé que peu avant sa chute, Robespierre avait prononcé un discours magnifique dans lequel il prônait un retour à la modération, mais le discours ne fut pas inséré dans le Moniteur, et toute trace écrite en fut supprimée par ses adversaires (LAS CASES p. 424-425.)]

 

La situation devenait périlleuse pour l'Angleterre, et Pitt n'eut d'autre choix que de renverser ce nouveau gouvernement qui le menaçait. Ses agents entraineront les ennemis de Robespierre dans une politique d'extermination aveugle, qu'ils attribueront à tort à ce dernier : l'agent anglais Dossonville (1753-1832), nommé par Clavière, organisera des faux complots et fera exécuter des centaines d'innocents : 1285 têtes tomberont en deux mois. Cette période sera appelée Grande Terreur.

 

"Pour brouiller Robespierre avec l'assemblée, une fausse liste de proscription de 30 députés fut publiée qui lui fut attribuée. [Recruté par Clavière, l'espion anglais Dossonville était commissaire de police au comité de Sûreté générale (SPARROW, Secret p. 63, 132, 134; Olivier BLANC, La Corruption p. 13; DE JOUVENEL p. 58). Il profita de l'absence de Robespierre pour organiser des exécutions de masse afin de les lui attribuer : Dossonville créait des complots imaginaires, de concert avec Barère et les autres membres du Comité, tous ennemis de Robespierre. Des listes de noms étaient préparées à l'avance et certains prisonniers surnommés 'moutons' étaient sommés de témoigner contre eux sous peine d'être eux-mêmes exécutés : un prisonnier nommé Foignet témoigna de ce qu'il entendit d'un certain Armand, homme de main de Dossonville : 'Tu n'as pas d'autre moyen de te sauver que d'en faire guillotiner un grand nombre; invente une conspiration". 'Dossonville et Dulac venaient tous les 2 ou 3 jours rendre visite à Armand... Ils méditaient de nouvelles conspirations'. Tout ceci fut confirmé par Ferrière-Sauvebeuf, lui-même victime de ce chantage (E. J. J. FOIGNET, Mémoires d'un prisonnier de la Maison d'arrêt des Anglaises, Maret, 1795, p. 19, 20; Olivier BLANC, Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, Éditions Albin Michel, Paris 1989, p. 152-153) Lenôtre confirme qu'Armand, ancien faussaire, était l'agent de Dossonville. Joachim Vilate, ancien juré du tribunal révolutionnaire et témoin visuel, confirme lui aussi les accusations : 'Barère avait à Clichy, une maison de plaisance ... où les Vadier, les Vouland (membres du Comité de Surêté générale) inventaient avec lui des conspirations que la guillotine devait anéantir.' ... Le 29 août 1794, Lecointre porta publiquement les mêmes accusations contre Barère, Vadier et Vouland. D'après lui, ces derniers profitèrent de l'éloignement de Robespierre pour faire exécuter 1285 personnes pendant les 45 jours que dura son absence. Durant cette période, Robespierre ne signa que douze arrêtés, dont un sel était en rapport avec le régime de la Terreur. (Laurent LECOINTRE, Les Crimes de sept membres des anciens comités de salut public et de sûreté générale ou Dénonciation formelle à la Convention nationale, contre Billaud-Varennes, Barère, Collot-d'Herbois, Vadier, Vouland, Amar et David, suivie de pièces justificatives, indication d'autres pièces originales existantes dans les comités, preuves et témoins indiqués à l'appui des faits, Maret, 1795, p. 245.) Dossonville qui agissait dans l'ombre avait accumulé une telle somme de documents compromettants, qu'il en avait pris l'ascendant sur tous ses supérieurs : d'après le comte Dufort, 'jamais député, satrape, vice-roi n'avait eu de plus amples pouvoirs.' Ceux de Robespierre, eux, étaient limités : il était membre du Comité de salut public qui était en rivalité constante avec le Comité de sûreté générale et n'avait aucune autorité sur lui. Même au sein du Comité de salut public, Robespierre était minoritaire (J.N. DUFORT DE CHEVERNY, Mémoires sur les règnes de Louis XV, Louis XVI et sur la Révolution, t. 2 p. 308). Une fausse liste de proscription contenant 30 députés fut diffusée et attribuée à tort à Robespierre. Dans son dernier discours, ce dernier voulut dénoncer le complot anglais : 'Est-il vrai qu'on ait colporté des listes odieuses où l'on désignait comme victimes certains membres de la Convention et qu'on prétendait être l'ouvrage du Comité de salut public et le mien ? ... Oui les faits sont constants ... Pourtant des actes d'oppression avaient été multipliés pour étendre le système de terreur et de calomnie. Des agents impurs prodiguaient les arrestations injustes. Pour moi je frémis quand je songe que des ennemis de la révolution, que d'anciens professeurs de royalisme, que des ex-nobles, des émigrés peut-être se sont tout à coup faits révolutionnaires et transformés en commis du Comité de sûreté générale... Il serait assez étrange que nous eussions la bonté de payer des espions de Londres ou de Vienne pour faire la police.' L'allusion à Dossonville, ancien royaliste devenu agent anglais est manifeste. Plus loin, il dit : 'Nous sommes instruits qu'ils sont payés par les ennemis de la Révolution pour déshonorer le gouvernement révolutionnaire... Quand les victimes se plaignent, ils s'excusent en leur disant : c'est Robespierre qui le veut'. À la fin du discours, Robespierre expliquera toute l'architecture du complot : 'Il existe une conspiration contre la liberté publique; elle doit sa force à une coalition criminelle qui intrigue au sein même de la Convention. Cette coalition a des complices dans le Comité de sûreté générale et dans les bureaux de ce comité qu'ils dominent. Les ennemis de la République ont opposé ce comité au Comité de salut public, et ont constitué ainsi deux gouvernements, et des membres du Comité de salut public entrent dans ce complot.'

''Après avoir proféré ces terribles accusations, Robespierre fut incapable de donner des noms et c'est ce qui le perdit. Fouché, l'agent double, passa sa journée et sa nuit à visiter tous les députés en disant à chacun 'c'est demain que vous périrez s'il ne périt.' [Elizabeth SPARROW 1926-2016, Secret service under Pitt's Administrations 1792-1806, The Historical Association, 1998, p. 291; Olivier BLANC, Les Espions de la Révolution et de l'Empire, Perrin, Paris 1995, p. 27; Marcel POLLITZER, Le Règne des Financiers : Samuel Bernard, J. Law, G.J. Ouvrard, Nouvelles éditions latines, Paris 1978, p. 207).]

 

‘’Robespierre dénonça le complot anglais dans son dernier discours, mais il commit l'erreur de ne pas citer de noms. Du coup, tous ceux qui avaient quelque chose à se reprocher se crurent menacés, et par instinct de survie, décidèrent de sa chute. Il sera exécuté sans procès, avec 100 de ses partisans, et deviendra pour la postérité le bouc émissaire de la Révolution.

 

‘’On voit donc que la thèse du complot anglo-genevois est parfaitement étayée.

 

"[...] William Pitt aura ainsi atteint le double but de ruiner notre commerce colonial et d'aliéner certaines de nos élites au parti de l'étranger.

"Cette rupture dans notre société perdure hélas encore aujourd'hui.

 

Pierre DOUAT conclut : 

"Il est pour le moins étrange qu'en 200 ans d'historiographie, presqu'aucun historien n'évoque le complot anglais, alors que de nombreux mémorialistes en ont parlé, que Robespierre lui-même l'évoquait dans ses discours, et que les preuves écrites du complot furent publiquement exposées au sein même de l'assemblée nationale....'' (Histoire secrète de la Révolution française, p. 54)

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