"C'est une erreur de parler de "théorie du complot" car, sur tous les points importants, on a affaire à une PRATIQUE DU COMPLOT.
La vertu première d'un citoyen digne de ce nom est la vigilance par rapport à tous les pouvoirs.
Cette vertu est appelée complotisme par les comploteurs", explique dans un tweet Etienne Chouard.
C'est une erreur de parler de "théorie du complot" car, sur tous les points importants, on a affaire à une PRATIQUE DU COMPLOT.
— Étienne Chouard (@Etienne_Chouard) January 29, 2022
La vertu première d'un citoyen digne de ce nom est la vigilance par rapport à tous les pouvoirs.
Cette vertu est appelée complotisme par les comploteurs https://t.co/Fyilc0TA6N
Commentaire du blog Christ Roi.
Etienne Chouard a raison quand il dit que "la vertu première d'un citoyen digne de ce nom est la vigilance par rapport à tous les pouvoirs. Cette vertu est appelée complotisme par les comploteurs.
Je réfléchis, je m'informe, je m'intéresse, je recherche, j'analyse, je me méfie des médias, je doute, j'apprends, je pense, je compare, je suis autonome, je prends du recul, je suis rationnel, je discerne, j'examine, je suis impartial, je suis incontrôlable, je suis libre, indépendant et souverain, je trie, je suis autodidacte, j'approfondis, je ne suis pas manipulable : je suis "complotiste" !
Mais rappelons que cette tendance des comploteurs à appeler "complotiste" la vertu de vigilance des citoyens par rapport à tous les pouvoirs, est née en 1789, lorsque des Français s'inquiétant des actes de la république naissante plus exactement en 1792-93, furent envoyés en masse à l'échafaud pour "complot", "complotisme aristocratique", en vertu de la loi des suspects (qui inspirera les lois staliniennes).
Cette loi des Suspects, loi de la première "république" désignant des "complotistes", est une "PRATIQUE du complot d'Etat". Elle déclencha l'arrestation de 500 000 suspects, le placement en résidence surveillée de 300 000 citoyens. Les ouvriers furent envoyés par charrettes entières à la guillotine ; Les "décapitations concernent pour 28% des paysans, pour 31% des artisans et des ouvriers, sans doute pour plus de 20% des marchands ... 8 à 9% des nobles, pour 6 à 7% des membres du clergé." (Chiffres donnés par René Sédillot dans Le Coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 24.) Près de 80% des exécutés étaient des petites gens. "Le bilan estimé des morts liées à la Révolution demeure toujours incertain. [...] On s'en remet souvent aux calculs de Donald Greer en 1935 qui recense 30 000 à 40 000 victimes des procédures juridiques (fusillées et guillotinées). Il s'agit d'une base minimale à laquelle il faut ajouter environ 170 000 victimes vendéennes." (Patrice Gueniffey in La Révolution française, Préface de Michel Winock, L'Histoire Edition, 2014, p. 119-120.)
Retraçons « le fantasme du "complot aristocratique" » qui « envahit très vite l'espace du discours révolutionnaire » :
« [...] [I]l suffit de considérer le flot ininterrompu des dénonciations qui sont adressées au Comité des recherches de l'Assemblée constituante (Pierre Caillet, Comité des recherches de l'Assemblée nationale 1789-1791, Inventaire analytique de la sous-série D XXIX bis, Paris, Archives nationales, 1993.)
« [...]. Il convient de préciser que cette frénésie dénonciatrice témoigne autant de l'irruption de l'esprit révolutionnaire que de la persistance de cette mentalité traditionnelle déjà évoquée et accoutumée à incriminer des conspirateurs. (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 64.)
« Voyez en 1792 la république du soupçon des "Argus, Surveillants, Dénonciateurs, Sentinelles et Aveugles clairvoyants" (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, ibid., p. 70) repose tout entière et seulement dans l'exercice du soupçon !
« L'idéologie révolutionnaire est à la recherche d'auteurs, de responsables, d'un ou plusieurs "individus" à désigner. » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, note 65, p. 170.)
« La recherche et la dénonciation nominale des ennemis de la Nation ou du Peuple n'a pas été le propre des Jacobins; il s'agit d'une conduite généralisée dès le début de la Révolution... » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin, ibid., p. 192.)
« L'imaginaire du complot remplit une autre fonction encore. La crainte du "complot aristocratique" est en effet le vecteur par lequel la nation se constitue. [...] La nation [révolutionnaire. NdCR.] se définit par ce qu'elle rejette; elle prend forme forme matérielle, consistance et réalité, à travers la mobilisation qu'entraînent les rumeurs sur les complots qui le menacent. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, ibid., p. 65.)
Dans ce discours républicain, en fait, dès le début en 1792, la république se constitue contre (il n'y a rien de positif), en désignant des ennemis, « complotistes". »
D'autres éléments "proto-totalitaires" autres que l'élément révolutionnaire et la tendance à désigner des "complotistes", sont importants en 1789 :
- La Terreur comme moyen de gouvernement (la guillotine), la Terreur sur une échelle beaucoup plus large : la Vendée. Le terme "populicide" a été inventé par Babeuf en 1794, le terme génocide, beaucoup plus tard en 1944 par le juriste polonais Lemkine. Mais dès 1794, Babeuf écrivant un livre sur les massacres de Vendée avait inventé le mot populicide pour désigner l'extermination complète d'une population considérée comme ennemie.
- La préfiguration de groupes extrémistes, les Jacobins, qui visent à s'emparer du pouvoir par la violence pour imposer leur projet.
- Une Terreur mise en oeuvre par des petits groupes activistes à partir de 1792-1793, qui s'en servent comme moyen pour s'emparer et conserver le pouvoir, préfiguration de la révolution bolchévique de 1917. Ce n'est pas la guerre qui crée la Terreur, mais la Terreur qui crée la guerre... On verra la même chose dans la révolution "russe", qui crée la guerre civile afin de prendre le pouvoir. Bien avant 1917, Lénine ne rêve que de guerre civile et considère qu'on ne pourra pas faire de révolution sérieuse si on n'organise pas la guerre civile. Ce qu'il va réussir à faire.
- et l'apparition de nouvelles élites totalitaires formées d'un type d'homme prêt à pratiquer la terreur et le mensonge pour mieux profiter des gratifications offertes. (Cf. Stéphane Courtois, Les logiques totalitaires en Europe, Editions du Rocher 2006)