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4 août 2015 2 04 /08 /août /2015 18:58
4 août 1789 : LES LIBERTÉS PERDUES ! - Isaac Le Chapelier (juif-franc-maçon)

«On représente les privilèges de l’Ancien Régime comme les privilèges des nobles qui ne payaient pas l’impôt. Mais savez vous ce qui a été aboli dans la nuit du 4 août 1789 ? Les privilèges des nobles seulement ? Non, tous les privilèges : ceux de certaines villes, ceux de certains métiers, de certaines corporations etc., et il y en avait une multitude, qui dépassaient de très loin le seul cadre des individus appartenant au Second Ordre. Or après deux cents ans, il est remarquable de constater que les privilèges sont revenus partout. (…) Privilège, oui. Toute société a ses privilèges nécessaires, je ne le conteste pas, sauf quand ce sont seulement des avantages injustifiés [comme en République]. Mais au moins, qu’on cesse de nous parler des privilèges de l’ancien Régime…»

 

Yves-Marie Adeline (Le royalisme en questions)

 

C'est tout le peuple français qui, sur le plan économique, perd ses libertés élémentaires.

 

Les paysans d'abord, et les plus pauvres. Cette Révolution est faite pour les propriétaires individuels, à l'encontre des droits collectifs du monde rural. La propriété est un « droit sacré » dont on veut « le maintien éternel ». Les révolutionnaires y tiennent d'autant plus que les biens nationaux sont vendus contre assignats, et qu'ils ne trouveraient pas acquéreurs si les titres de propriété en étaient contestés. Cambon souligne : « Nos assignats ne seraient rien sans le respect des propriétés. »

 

A l'Assemblée, le Normand Thouret s'est fait l'interprète de la nouvelle conception : « Il faut des propriétaires réels. Les communautés ne sont que des propriétaires factices. » Traduction :

 

l'Église, qui est une propriétaire collective, sera dépossédée, et ses biens seront vendus par la nation, contre assignats.

 

Autre traduction, qui abolit les vieux droits d'usage : il n'est plus permis aux vieillards, aux veuves, aux enfants, aux malades, aux indigents, de glaner les épis après la moisson, de profiter des regains, de recueillir la paille pour en faire des litières, de grappiller les raisins après la vendange, de râteler les herbes après la fenaison; tout ce qu'ont laissé sur place les moissonneurs, les vendangeurs ou les faneurs, selon la loi biblique et l'usage féodal. Il n'est plus permis aux troupeaux d'avoir libre accès aux chaumes, aux guérets, aux jachères : la Révolution prétend interdire la « vaine pâture », qui, étendue par le « droit de parcours », permettait de passer d'une paroisse à l'autre. Elle donne aux propriétaires le droit d'enclore leurs champs (loi du 6 octobre 1791). Elle édicte le partage des biens communaux, avec répartition par tirage au sort (loi du 10 juin 1793). Mais les traditions seront les plus fortes : elles maintiendront longtemps la vaine pâture et le droit de parcours fondés sur un usage immémorial. Le partage des communaux doit être rendu facultatif, puis, sous le Consulat, totalement arrêté.

 

Comme les paysans, les salariés de l'industrie et du commerce sont atteints par l'idéologie révolutionnaire, hostiles à tout ce qui peut s'interposer entre l'État et l'individu. Avant la Révolution, tandis que les confréries groupaient maîtres et compagnons, les compagnonnages rassemblaient, en fait ou en droit, et surtout dans les métiers nouveaux, qui étaient des métiers libres, les seuls compagnons face aux maîtres. Ces compagnonnages devenaient des organisations de solidarité, mais aussi souvent de lutte ouvrière.

 

La Révolution y met bon ordre. Après avoir aboli le système corporatif, elle supprime les compagnonnages, en interdisant aux citoyens d'une même profession, ouvriers et maîtres, de « nommer des présidents, secrétaires ou syndics, de tenir des registres, de prendre des arrêtés, ou délibérations, de former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs ». Prohiber la nomination de « syndics », c'est prohiber les syndicats, c'est refuser toute coalition de salariés.

 

Le Constituant qui se fait le promoteur de cette loi s'appelle Isaac Le Chapelier [franc-maçon]. Élu de la sénéchaussée de Rennes, il a présidé l'Assemblée lors de la nuit du 4 août. Il a contribué à poser le principe de l'égalité dans les successions. Il a rédigé le décret qui abolit la noblesse et les titres féodaux. Cette fois, il exclut toute tentative d'union des travailleurs face à l'entrepreneur, il écarte toute menace de grève. La loi Le Chapelier, du 14 juin 1791, met fin à ce qui pouvait subsister de libertés ouvrières : « Si des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers faisaient entre eux des conventions..., lesdites conventions sont déclarées attentatoires à la liberté, et de nul effet... Tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail sont tenus pour séditieux. »

 

Le Chapelier est guillotiné en 1794, mais son oeuvre subsiste. Le Code civil ignore la législation du travail. Le Consulat parachève l'asservissement des salariés en exerçant sur eux un contrôle de police, avec le livret ouvrier, où sont consignés les embauches et les licenciements, voire les appréciations, élogieuses ou sévères, de l'employeur, ainsi que les sommes dont le salarié peut être débiteur. Le livret doit être visé par le commissaire de police à chaque changement de place. Ce système ne tombera en désuétude que sous la Restauration.

 

Les compagnonnages renaîtront seulement dans la clandestinité. Le droit de grève ne sera reconnu que sous le second Empire, et la liberté syndicale que sous la troisième République : la Révolution aura fait reculer la législation sociale de trois quarts de siècle.

 

René Sédillot, « Le coût de la Révolution française ».

 

Source et suite

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commentaires

A
Isaac Le Chapelier n'était pas juif (Ploncard s'est trompé sur ce coup). Il était de Bretagne et la Bretagne n'abritait pas de juifs, car un ancien édit d'expulsion des juifs avait été constitutionnalisé. En outre c'est un pays bien trop rural pour les attirer. La famille Le Chapelier était "une dynastie de juristes". Le père d'Isaac était Guy-Charles, lui même un grand homme politique, sa mère s'appelait Madeleine-Olive de Chambron de Jariays. Isaac s'est marié à une Rennaise, Anne Marie Esther de la Marre. Il lui donna un fils, Alfred.<br /> Source : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1971_num_78_2_2562<br /> <br /> Par conséquent il faut nous garder d'une critique trop superficielle. Quelle est la genèse de l'idée anti-corporatiste ? quels furent les soutiens dans la société ? voilà des questions qui nous éclairent bien mieux.
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C
"la Révolution aura fait reculer la législation sociale de trois quarts de siècle." De sans doute beaucoup plus, car toutes les coutumes abolies avaient plus de 75 ans.
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