29 juillet 2009
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Date d'envoi : 18/07/09 19:54
Gaza dans l'Antiquité
Dans une sorte d'histoire inversée, Maurice Sartre renverse la situation actuelle. Aux environs de 3000 av. J.-C., à l'époque de Samson, ce sont les Hébreux qui sont soumis à ceux qui ont donné leur nom à la Palestine, c'est-à-dire aux Philistins, dans le territoire actuel de Gaza, le sud de la Palestine actuelle.
Dans les années 1450 av. J.-C., Gaza est un royaume philistin (mélange de Crétois, de Grecs-Mycéniens) soumis à l'Egypte par Thoutmôsis III, et son torrent est la frontière entre la Syrie et l'Egypte. Et devient un enjeu entre l'Egypte et les Babyloniens. Les Egyptiens ont toujours su que l'Egypte ne se défendait pas sur le tracé actuel du canal de Suez mais au sud de la Syrie. D'où les efforts des Egyptiens pour toujours contrôler le Sud de la Syrie et notamment Gaza, dernière place forte avant l'entrée dans le delta égyptien. C'est un enjeu stratégique, au carrefour de trois mondes, au début du Ier millénaire, il y a l'Egypte, mais il y a aussi les Hébreux qui ont construit un royaume d'abord limité autour de Jérusalem, mais royaume qui Prend de l'ampleur et qui a fini par couvrir presque tout ce qu'on appelle aujourd'hui la Palestine au sens géographique du terme. Sauf une région qui résiste toujours, la zone de Philistie, ou de Gaza, zone qui résiste pratiquement depuis toujours.
Contrairement à ce que pourraient penser certains, Gaza n'a pratiquement jamais été soumise aux Hébreux, cela peut être intéressant à rappeler aujourd'hui. Elle forme le coeur d'une sorte de confédération de cinq villes très ouverte sur la Méditerranée. Et le troisième pouvoir qui intervient, ce sont les Arabes (Nabatéens, Kédarites) qui occupent le nord de l'Arabie Saoudite actuelle, une partie du Sinaï, et pour qui Gaza c'est le débouché sur la Méditerranée. C'est par Gaza que les produits qui viennent du Yemen (l'Arabie heureuse) se répandent en Méditerranée. Et donc Gaza a été très tôt, entre le VIIIe et le Ve siècle, avant la conquête d'Alexandre, un grand marché des produits grecs. Par exemple on a trouvé dans les fouilles beaucoup de céramique grecques d'époque archaïque, d'époque classique, qui montrent qu'il y avait des échanges. On sait que dès le Ve siècle et pendant tout le IVe siècle, pendant un siècle et demi, Gaza et ses deux voisines, dont Ascalon, le pays de l'échalotte, ont émis des monnaies qui sont des copies de la monnaie athénienne, les chouettes athéniennes, parce que cette monnaie athénienne est la monnaie de référence, le dollar de l'époque, la monnaie connue en laquelle on a confiance.
Une proposition arabe le 26 novembre 1956, dans une lettre au quartier général des Observateurs de l'O.N.U. à Jérusalem, a été de faire de Gaza et de la péninsule du Sinaï, un Etat tampon palestinien, proclamé "République arabe de Palestine", entre l'Egypte et l'Etat d'Israël, et qui serait habitée par la majorité des réfugiés. Maurice Sartre qui ne connaissait pas cette proposition, indique que cette suggestion est intéressante car on retrouve une situation géopolitique que l'on a connue aux Ve et IVe siècles avant notre ère, lorsque les Perses veulent s'emparer de l'Egypte au VIe siècle, ils commencent par négocier avec le roi des Arabes qui contrôle la région de Gaza et la péninsule du Sinaï, c'est-à-dire en gros cette "République de Palestine" suggérée en 1956.
Gaza, du Xe jusqu'au début du VIe siècle, est un Etat qui s'étend progressivement sur à peu près tout ce qui est aujourd'hui l'Etat d'"Isaël" et la Cisjordanie et parfois qui en déborde largement sur le Sud du Liban ou sur la Syrie du Sud. Elle va être la zone de résistance à la conquête des Hébreux. Gaza résiste presque tout le temps. Lorsque la Palestine est prise par les Babyloniens en 587 elle tombe et devient babylonienne, puis devient perse vers 539-538, et elle deviendra grecque avec la conquête d'Alexandre.
Maurice Sartre est Professeur émérite d'histoire ancienne à l'université François-Rabelais de Tours, membre de l'Institut universitaire de France, il est directeur de l'antenne tourangelle de l'UMR 5189 du CNRS "Histoire et sources des mondes antiques" (HISOMA). Il a écrit de nombreux ouvrages sur l'histoire du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale dans l'Antiquité. Il a également publié plusieurs volumes des inscriptions grecques et latines de Syrie et de Jordanie. Il publie un bel article dans "L'Histoire" (mars 2009), "La splendeur oubliée de Gaza". La cité serait le lieu où Samson (ou Chimchon, en Hébreu : שִׁמְשׁוֹן, Chimchôn, est l'un des Juges d'Israël) a été emprisonné et a trouvé la mort (Livre des Juges 16:21). Aux environs de 3000, les Cananéens ont développé divers centres urbains dont Gaza. Les artefacts de Tell al-Ajjul, notamment des poteries, des œuvres en albâtre et en bronze, sont gardées au musée Rockefeller à Jérusalem-Est. Selon la Bible, la ville fait partie du territoire qui doit revenir à la tribu de Juda, mais il ne semble pas que celle-ci ait pu s'en emparer. Les prophètes Amos (Un des douze petits prophètes dans la Bible Hébraïque) et Sophonie (ou Zephaniah ou Tzfanya) ont prédit que Gaza serait abandonnée. Sous l'Empire Perse, la ville va connaître une grande prospérité car elle se trouvait aux débouchés des routes commerciales venant d'Arabie. Hérodote (Historien Grec, 484-v.425) décrit Gaza comme une ville de taille équivalente à Sardes, la capitale de la satrapie Perse d'Asie mineure. Sa population était à cette époque fortement cosmopolite avec, outre les descendants des Philistins, une petite population arabe, Perse et des marchands Grecs. Gaza va battre sa propre monnaie, les premières pièces ont été frappées sur le modèle d'Athènes aux environs de 380 Av.J.C.
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