Mis à jour 22 octobre 2015.
Sinead O'Connor & the Chieftains- The Foggy Dew
Au moment où le sentiment identitaire recouvre une importance accrue au sein du peuple français désorienté, inquiet de son avenir, et sentant confusément - malgré la propagande républicaine - un complot sourdement ourdi contre lui, méticuleusement exécuté, ses conditions de vie et son environnement changer irrémédiablement (un fait...), son avenir s'obscurcir pour disparaître, il m'a semblé capital de reproduire ici quelques thèmes abordés par la célèbre médiéviste Régine Pernoud dans son Histoire du peuple français (1951).
Aux idéologues cosmopolites conscients ou inconscients, à tous les 'idéalistes' rêvant d'abolition des frontières comme si tout peuple n'avaient pas droit à l'auto-détermination..., et à tous ceux qui prétendent qu'être français se résume à la "citoyenneté", la possession de papiers... le rappel des éléments qui suivent doit servir de réponse.
Cet article est aussi une réponse aux pseudos identitaires à la mode néo-païenne ou néo-druido-maçonnique... sur certains points soigneusement occultés et/ou trafiqués par ces gens. Sur l'imposture du néo-druidisme : Une coïncidence signalée.
Régine Pernoud a écrit un livre remarquable : "Histoire du peuple français, des Origines au Moyen Âge". Elle s'est proposée d'en écrire non une histoire politique, une histoire des institutions, mais une histoire des hommes et des caractères dominants du peuple français. Elle a recherché les grandes paternités des courants d'opinion, des institutions et des coutumes françaises. Elle a cherché à partir de sa vie naturelle : les mentalités, la demeure, l'alimentation, le vêtement, le travail, les outils, les métiers et les techniques, les loisirs.
Rappelons que sur le 'Moyen Âge', revenant sur nombres de fables républicaines, elle contredit Michelet, le Xe siècle a été une époque de grands progrès technique dans l'agriculture (modification de l'attelage, ferrure du cheval), dans la confection des routes, dans l'installation des moulins et dans tout autre domaines. Les courants commerciaux se développent, le marchand crée la ville; la bourgeoisie apparaît. Le christianisme enseigne et protège le respect de la personne humaine, les droits de l'enfants, l'autorité des parents. Régine Pernoud est la pionnière d'une révolution de l'historiographie sur la vision du 'Moyen Âge'. Loin d'être ces "temps obscurs", le Moyen Âge - et le XII et XIIIe siècles en particulier - apparait au contraire comme l'apogée de notre civilisation occidentale, classique et chrétienne.
Ailleurs (Lumières du Moyen Âge, La femme au temps des Croisades, La femme au temps des Cathédrales), les ouvrages de Régine Pernoud indiquent que c'est le christianisme qui a donné des droits à la femme et que c'est la 'modernité' qui les lui a progressivement enlevés... (à méditer). Moment qui culminera avec le code civil de Napoléon.
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"[O]n doit évidemment reporter les origines de notre peuple à l'antiquité celtique, ... au moment où l'on est certain de la présence des Celtes sur notre sol et où cette présence se manifeste par tout un ensemble de civilisation originale. Il s'agit de l'époque de la Tène, soit environ l'an 500 avant Jésus-Christ. ... Dès l'époque de la Tène, ce sont les Celtes qui habitent notre pays, et si l'on peut avec certitude déceler les traces des Ibères dans le sud-ouest pyrénéen, et des Ligures sur les bords de la Méditerranée, du moins la civilisation celtique se présente-t-elle comme un tout cohérent qui donne son caractère à la grande majorité du pays que nous appelons aujourd'hui la France.
Portrait du peuple celte
L'étude des Celtes à l'époque de la Tène réserve une bonne surprise : il est impossible en effet de n'être pas frappé des traits de ressemblances évidents qui relient entre eux les peuples celte et le peuple français. Alors que dans d'autres pays le caractère de la population primitive a été complètement bouleversé par les invasions - c'est le cas par exemple pour la majeure partie de l'Angleterre (le pays de Galles excepté) après l'arrivée des Saxons - il semble que chez nous les apports successifs de populations aient à peine modifié le fond de notre race, tant nous pouvons nous reconnaître, reconnaître les Français d'aujourd'hui et plus encore ceux du Moyen Âge, dans les Celtes d'avant la conquête romaine."
S'agissant des traits physiques, R. Pernoud indique que "les auteurs antiques, du moins ceux qui comme Strabon, avaient assez voyagé pour connaître et des Celtes et des Germains, étaient surtout frappés par les différences physiques entre les deux races : 'Les Germains, dit-il, diffèrent quelque peu de la race celtique par une nature plus sauvage, une taille plus grande, une chevelure plus blonde. Ils s'en rapprochent par tout le reste, par l'aspect, les moeurs et les lois'.
Et il suffit aussi de regarder ce que sont les peuples demeurés profondément celtes : les Irlandais, entre autres, pour comprendre que le type gaulois n'a rien à voir avec l'idée que l'on s'en fait généralement. Nos ancêtres devaient être de taille moyenne, cheveux châtains, yeux noisettes. Comme le dit Ferdinand Lot, si l'on veut savoir à quoi ressemblait un Gaulois, regardons-nous dans la glace.
L'agriculture et l'élevage
Une activité favoriste : l'agriculture.
Pendant très longtemps, sur notre sol, tout au moins au nord de la Loire, on construira en bois beaucoup plus qu'en pierre.
La forêt joue son rôle dans l'agriculture. Elle est un immense réservoir d'où l'on tire des résines, du bitume, de l'huile de cèdre, les baies de buissons, les champignons et les simples qui guérissent. Elle fournit le bois pour les instruments agricoles. ... Suivant les régions, les châtaignes, les faînes, les airelles, les pistaches fournissent aux besoins de la population. Mais surtout, il y a le gland du chêne, - ce gland si précieux pour nourrir les porcs. Or les Gaulois sont de grands éleveurs de porcs. Ils savent dès cette époque qe le porc engraissé avec des glands a la chair la plus fine et la plus délicate.
Enfin, il ne faut pas oublier la principale ressource de la forêt: la chasse; les sangliers, les lièvres contribuent à l'alimentation.
Les celtes étaient en agriculture d'excellents techniciens et c'est à eux qu'il faut, suivant les données les plus récentes de l'archéologie et de l'histoire, faire remonter un certain nombre d'inventions qui ont bouleversé l'agriculture. Ainsi, tandis que les Romains ne connaissaient encore que l'araire au soc fixe, péniblement tirée par l'esclave ... les Gaulois, eux, avaient inventé la charrue à roues avec avant-train indépendant et coutre mobile. Ils se servaient également de la herse, que tous les peuples ont adopté peu à peu. Ils furent les premiers à mécaniser l'agriculture, et Pline parle avec étonnement de leurs machines à faucher avec lesquelles ils coupaient les foins en un temps incroyable pour les Romains. Ils se servaient même de moissonneuses à dents de fer fixées à une grande caisse évasée où retombaient les épis coupés.
Les gaulois n'étaient pas moins habiles dans l'art de fertiliser le sol. Ce sont eux également qui ont découvert la pratique du marnage et du chaulage des terres.
En ce qui concerne les méthodes de culture, elles sont déjà ce qu'elles devaient rester jusqu'à l'époque moderne ... des champs ouverts sur lesquels la culture se renouvelle tous les trois ans : une année de blé ou les autres céréales riches, la seconde année des céréales pauvres ou des plantes à racines, la terre restant en friche la troisième année.
Contrairement à ce qui se passait en territoire romain, la culture de la terre n'est pas faite par des esclaves, mais par des hommes libres. L'esclavage semble avoir été moins pratiqué chez les Celtes que chez les peuples méditerranéens.
Les arts et les métiers
César ne peut s'empêcher, notamment lors du siège de Bourges, de reconnaître cette supériorité des Gaulois sur le Romain : 'A l'exceptionnelle valeur de nos soldats, écrit-il, les Gaulois opposaient toutes sortes de moyens. C'est une race d'une extrême ingéniosité et ils ont de singulières aptitudes à imiter ce qu'ils voient faire. A l'aide de lacets, ils détournaient les coups de nos faux et quand ils les avaient bien serrées dans leurs noeuds, ils les tiraient avec des machines à l'intérieur des remparts; ils faisaient écrouler notre terrassement en creusant des sapes, d'autant plus savants dans cet art qu'il y a chez eux de grandes mines de fer et qu'ils connaissent et emploient tous les genres de galeries souterraines'.
Il n'est donc pas exagéré d'attribuer à notre ascendance celtique la réputation dont n'a cessé de jouir l'ouvrier de France, - réputé partout le plus habile , - et aussi cette spécialité que constitue chez nous l'artisanat, l'objet d'art, depuis la tapisserie française jusqu'à la mode et aux articles de Paris.
Ils étaient d'excellents forgerons .... Les épées gauloises étaient remarquablement trempées et conçues pour frapper de taille mesuraient plus d'un mètre de long. Leurs javelots avaient aussi la réputation d'être excellents. ... Les Gaulois savaient aussi fabriquer les piques et les arcs qui servaient à leurs fantassins.
... Enfin, ce sont eux qui ont inventé la cotte de mailles, qui allait devenir d'une usage général chez les guerriers et le demeurer jusqu'au XIVe siècle, époque où les lourdes armures compliquées commencent à remplacer la cotte de mailles de l'époque féodale.
Il faut leur rapporter l'invention de l'argenture et celle aussi de l'étamage dont les conséquences se sont fait sentir de tous temps, puisque c'est l'étamage du cuivre qui permet de l'utiliser dans les usages domestiques.
Ils prenaient leur repas assis devant des tables basses, et non pas couchés comme les Latins. En revanche, ce sont eux qui ont inventé cette précieuse pièce de mobilier qu'est le matelas. Ils dormaient sur des matelas de laine, alors que les peuples du Midi ne connaissaient que les paillasses.
La céramique est longtemps restée chez eux assez grossière, mais à l'époque de la conquête romaine on voit se développer le goût pour la poterie peinte.
Les Gaulois ont également pratiqué le tissage. ... Ils semble qu'ils aient poussé très loin l'industrie textile et en aient fait un art véritable. Ils ont été les premiers, leur goût pour la couleur aidant, à fabriquer ces tissus que nous appelons écossais, précisément parce que l'usage s'en est conservé dans les régions demeurées en partie celtiques, et notamment en Ecosse. Ces larges plaids dont le goût est revenu sur le continent, ce sont en réalité les manteaux gaulois; César parle des manteaux tissés de couleurs diverses formant des carrés, sur lequels s'asseyaient les chefs et les nobles gaulois durant leurs conseils de guerre. les rares tissus retrouvés dans les tombes gauloises attestent de leur fabrication.
... Il faut bien dire d'ailleurs qu'à côté du costume grec ou romain, le costume gaulois apparaît singulièrement adapté et pourrait être l'indice d'une civilisation beaucoup plus développée, si paradoxale que paraisse cette affirmation. Il est à la portée de n'importe quel primitif de se draper dans un tissu quelconque comme le faisaient les Grecs ou les Romains dans leurs toges. Alors que les Gaulois ont inventé toutes les pièces de vêtements caractéristiques de la civilisation occidentale: les braies ou pantalons - on les appelle encore brayes ou brayettes dans le Midi de la France - les justaucorps ou tuniques courtes fendues par devant et pourvues de manches et qui sont nos vestons actuels; enfin, les saies ou manteaux dans lequels ont peut se draper comme dans une pèlerine, ou que l'on agrafe sur la poitrine. ... Un empereur romain a même été surnommé Caracalla, qui était le nom de la blouse gauloise qu'il avait adopté pour son usage personnel.
C'est donc notre peuple qui, dans l'Antiquité a trouvé la meilleure façon de se vêtir, la plus adaptée ax besoins du corps, au point que leur vêtement est devenu celui de toute l'Europe.
D'autre part, les Gaulois étaient connus aussi parmi les peuples antiques pour être de parfaits cordonniers. Alors que la plupart des autres peuples ne connaissaient que la sandale, on leur doit l'invention du soulier montant ou galoche dont le nom atteste l'origine (c'étaient les 'chaussures gauloises' : gallicae).
... Et c'est à eux également que l'ensemble du monde civilisé doit cette invention inestimable: le savon. Les premiers, les Celtes ont connu la fabrication et l'usage du savon dont le nom même est d'origine gauloise (sapo). Ils le fabriquaient, si l'on en croit Pline, à l'aide d'une sorte de potasse extraite de la cendre végétale, et mélangée avec du suif. Encore un trait qui atteste l'extrême ingéniosité de notre race. Les Gaulois avaient d'ailleurs la réputation d'être extrêmement propres.
L'expansion commerciale
La conquête romaine ne fera en réalité que développer, surtout dans des buts stratégiques, un réseau routier déjà fort important. ... [L]e centre du pays n'est pas Lyon, création romaine, mais bien la Beauce et le pays chartrain. Orléans, principal entrepôt de la Gaule celtique, paraît être le centre vital du pays.
... Ces foires et ces marchés étaient en même temps l'occasion de tenir les assemblées qui représentaient la vie politique du pays. Elles étaient en même temps les assises générales et avaient un rôle juridique. La principale assemblée annuelle avait lieu à un emplacement nommé Cassiciate, que l'on a identifié avec Chassis (commune de Neuvy-en-Sullias dans le Loiret), près de la future abbaye de Saint-Benoît-en Loire. Cette assemblée annuelle maintenait l'unité entre les différents peuples dont se composait la Gaule celtique.
La religion, les moeurs et les coutumes
César définit les Celtes comme un 'peuple très adonné aux pratiques religieuses'. Et en effet le sens mystique paraît avoir été chez eux extrêmement développé.
Les prêtres en étaient les druides qui formaient une sorte de classe à part dans le peuple, bien que mêlés à toutes les activités de la vie courante. Ces druides subissaient une très longue formation qui s'étendait parfois sur vingt années d'études et, trait caractéristique, ils n'ont jamais rien écrit. ... L'usage de l'écriture étant interdit, il fallait écouter et retenir ce que la tradition orale pouvait seule transmettre.
En quoi consistait la doctrine des druides? On est certain qu'ils professaient les croyance en l'immortalité de l'âme. Pour le reste on ne sait que peu de choses, sinon que les druides maintenaient chez tous les peuples de race celtique une unité d'ordre religieux. Lors de l'assemblée annuelle, c'était eux qui faisaient office de juges et qui immolaient les criminels. Lorsque les Romains après la conquête voudront détruire l'unité du monde celte, ils traqueront les druides et ce sont leurs sacrifices humains qui leur en fourniront le prétexte.
Aux druides revenaient entre autres charges l'éducation de la jeunesse. Et il est remarquable que les Celtes aient été les seuls peuples antiques à confier ainsi à une classe spéciale la fonction d'éducation.
... Leurs dieux sont associés en triades : les noms de teutatès, Mésus et Taranis apparaissent ainsi réunis, et l'on possède des sculptures représentant un dieu à trois têtes (Cf. En particulier les divinités tricéphales trouvées à Reims, aujourd'hui au Musée de Saint-Germain-en-Laye).
Ce qui ressort surtout de l'ensemble de la mythologie gauloise, c'est la radicale incompatibilité avec la mythologie gréco-latine, son caractère mystique et l'incontestable sens surnaturel qui s'en dégage. Nous sommes loin avec les druides du paganisme grossier des Germains et de cette non moins grossière réduction des divinités aux hommes qui constitue la religion du monde classique. Il n'y a rien eu de comparable, en Occident, aux collèges druidiques et à leur doctrine. Plus qu'aucun autre peuple antique, les Gaulois vivaient dans une atmosphère toute imprégnée de pratiques religieuses. Aucun évènement : naissance, fiançailles, mariage, maladie et mort, chasse et guerre, arrivée et départ ne se passe sans l'assistance de la religion et le secours des dieux. Comme l'a écrit Jullian, la religion chez les Gaulois était 'à la fois une manière de vivre et une façon d'expliquer les choses'. C'est elle qui discipline le rythme des saisons, des mois, des jours.
... Il est hors de doute que cette religion gauloise, si éloignée des simples marchandages dans lequels consistaient les rapports des Romains avec leurs dieux, a eu également son aspect barbare : rites sanglants et immolations de victimes humaines faisaient partie des cérémonies publiques. Souvent on sacrifiait ainsi les prisonniers de guerre ou les criminels, mais parfois aussi il s'agissait d'innocentes offerts en sacrifice d'apaisement.
Le caractère des Gaulois
Ce que les historiens soulignent surtout, c'est la hantise d'indépendance dont les Gaulois font preuve. C'est un peuple résolument individualiste. Alors qu'un peu partout dans l'Antiquité, mais surtout à Rome, la famille restait plus ou moins dépendante de la tribu la famille gauloise apparaît comme une entité bien déterminée et formée des seuls membres qui lui sont essentiels : père, mère, enfants. Les individus agissent en leur nom propre et en celui-là seul. Au point que des parents très proches par le sang peuvent se trouver complètement séparés ou ennemis dans l'action : ce fut le cas pour Vercingétorix qui est combattu à outrance par son oncle, le frère de son propre père. On n'eût jamais pu voir en Gaule ce que l'on vit à Rome: tous les hommes de la gens fabia se proposer pour partir en guerre contre une ville ennemie.
Importance de la femme. Les Celtes sont strictement monogames. La femme n'est pas regardée comme l'esclave, mais comme l'associée de l'homme; elle paraît avoir joué dans la vie de son époux un très grand rôle. Même dans les querelles, elle intervient à ses côtés et, s'il faut en croire Ammien, c'est un adversaire redoutable dont les poings s'abattent rapides et durs 'comme les engins de catapulte'. Plutarque raconte même que les Gauloises intervenaient dans les Conseils où se décidaient la paix et la guerre et que l'on recourait à leur arbitrage dans les contestations avec les étrangers.
De l'avis général, les Celtes étaient un peuple remarquablement doué sous le rapport de l'intelligence : 'Ils ont l'esprit pénétrant et non sans aptitude pour le savoir', remarqua Diodore de Sicile; et nous avons déjà vu comment leur ingéniosité forçait l'admiration de César.
Les Gaulois étaient très hospitaliers. ... Par contre, aucun de leurs récits ne permet de soupçonner que cette gaieté ait eu quelques rapport avec ce que nous appelons de nos jours des 'gauloiseries'. Cette réputation et l'emploi du terme dans ce sens sont totalement modernes et ne remontent pas au-delà du XIXe siècle; on les voit apparaître chez les auteurs de romans-feuilletons sans la moindre base dans la réalité.
Les Celtes s'excitent facilement à tout propos. Ils sont épris d'équité et Strabon, l'un des écrivains qui les connaissait le mieux, insiste sur la facilité avec laquelle ils s'associent pour venger une injustice. On trouve déjà chez eux cette sorte d'idéalisme qui fait que le peuple français est toujours prêt à partir en guerre pour l'Espagne ou pour la Pologne opprimées.
Ce qu'ils aiment, ils l'aiment avec passion; ils sont enclins aux coups de têtes, aux accès de colère. Ainsi reproche-t-on aux Irlandais de nos jours d'avoir la tête près du bonnet. Chez eux les disputes s'élèvent fréquemment. Les bons repas auxquels ils se plaisent se terminent souvent en rixes et les querelles dégénèrent en combats.
Le drame de Vercingétorix, c'est qu'il eut à lutter tout autant contre cet incurable défaut de ses compagnons d'armes que contre César et ses légions. ... Il avait réussi, pour la première fois, à obtenir que tous les peuples de Gaule fissent front commun devant l'envahisseur. La patience, la maîtrise de soi, étaient certainement, avec le sens de la cohésion, les qualités qui manquaient le plus aux Gaulois.
Les Gaulois étaient bons, d'abord simple et franc. La franchise celte était même dans l'Antiquitié une sorte de lieu commun comme on parlait de la mauvaise foi carthaginoise.
Ils étaient vantards et bavards; en toutes choses ils se montraient bruyants et exubérants; que ce soit dans la bataille, à table ou dans les assemblées, les chants et les cris se succédaient. ... Ils aimaient à parler d'eux-mêmes, de leurs exploits, et prenaient volontiers un ton farouche ou superbe. 'Dans leurs discours, dit Diodore de Sicile, la parole est brève, énigmatique, procédant par allusions et sous-entendus, souvent hyperboliques quand il s'agit de se grandir eux-mêmes et de rabaisser les autres. Ils ont le ton menaçant, hautain, tragique'. ... La place que tient chez eux la poésie, la rapidité avec laquelle se transmettent oralement les nouvelles, et surtout leur système d'éducation uniquement par voie orale, tout atteste l'importance de la parole chez les Gaulois.
Les Gaulois aiment la parure; ils prennent un soin extrême de leur corps et nous avons vu qu'ils sont soucieux de propreté au point d'avoir inventé le savon. Ils ont les cheveux teints, des bracelets d'or au cou, et des vêtements de couleur. ... Virgile dépeint le Celte 'la chevelure dorée, vêtu d'une tunique d'or, recouvert d'un manteau aux raies de mille couleurs, un collier d'or entourant son cou d'une blancheur de lait'. Le grand nombre de bijoux retrouvés dans les tombes, le soin avec lequel ils aimaient sertir le corail ou l'émail dans le cuivre, attestent ce goût de l'ornement qui demeurera tout à fait caractéristique de notre peuple, jusqu'à la fin du Moyen Âge et plus tard encore.
La conquête romaine
Vercingétorix eut quelque mal à convaincre son propre peuple des Arvernes parmi lequel on rencontrait des partisans des Romains. Ses principaux auxiliaires furent les Carnutes et ce n'est pas un hasard : la région de Chartres était celle qui, périodiquement, réunissait les têtes de la nation gauloise et où les druides tenaient leurs assises; elle était le centre spirituel de la Gaule, de ce pays où presque toujours les grandes gestes s'animeront d'un souffle religieux. Avec le recul de l'Histoire, le fait que le premier acte de révolte ouverte fut le soulèvement d'Orléans s'éclaire d'une curieuse lumière : il y aura bien d'autres exploits de ce genre à inscrire dans les Annales d'Orléans.
La civilisation gallo-romaine
L'administration romaine devait modifier profondément l'un des caractères du pays en imposant la suprématie des villes sur celle des campagnes. Rome était un Etat urbain; cela se sent dans toutes ses institutions. La Gaule au contraire était une contrée essentiellement rurale dans laquelle les villes ne tenaient qu'une place secondaire. Or, c'est sur les villes que Rome fondait sa domination. On la voit donc s'appliquer méthodiquement à développer la vie urbaine. L'aristocratie y est attirée par l'appât de ces honneurs que procurent les charges publiques. Des villes sont fondées pour recevoir les colonies de vétérans romains : Nîmes, Vienne, Lyon, Orange, Arles, Béziers sont des fondations romaines.
Il est évident d'ailleurs que Rome n'a pas cherché à s'assimiler l'ensemble de la Gaule, mais a voulu seulement se créer, en plus des fondations d'ordre stratégique, une zone d'influence incontestée dans le Narbonnais : c'est là qu'elle a surtout multiplié les colonies qui étaient de véritables centres de latinisation.
La religion celte et les druides qui en étaient l'âme furent poursuivis et traqués méthodiquement. En conquérants avisés, les Romains s'étaient rendu compte de ce que pouvait être dans la résistance une force spirituelle. On s'attaque donc avec une particulière rigueur aux sacrifices druidiques tandis que l'on s'attachait à promouvoir un nouveau culte qui devait être le centre de l'unité nouvelle : le culte de Rome et d'Auguste.
Du point de vue linguistique, ... le gaulois subsista jusqu'à la fin de l'Empire.
L'influence chrétienne
C'est sainte Madeleine abordant aux Saintes-Maries-de-la-Mer avec sa soeur Marthe, son frère Lazare et sa servante Sarah, et se fixant la premère à la Sainte-Baume, la seconde à Tarascon, Lazare le ressuscité à Marseille, tandis que sainte Sarah demeurait au rivage où l'avait portée la barque miraculeuse. Ce serait saint Martial, l'un des disciples fixé à Limoges, Zachée, celui que sa taille trop exiguë empêchait de voir passer le Christ et qui pour l'apercevoir grimpa sur un sycomore, qui aurait évangélisé Rocamadour et, fixée à Soulac, sainte Véronique qui essuya la face du Christ.
Chose curieuse, ce sont ces mêmes centres officiels dans lequels étaient entretenu le culte païen de l'Etat qui voient se propager les premiers la religion nouvelle : Lyon en particulier, Autun, Bordeaux, etc....
D'autre part, on est frappé de voir que souvent les nouvelles églises s'élèvent dans des lieux où se trouvaient des sources ou des arbres sacrés; or l'on sait que le culte des sources et des arbres était essentiellement celtique. Du vivant même de saint Martin, certains arbres reçurent des autels, et, de nos jours encore, on a signalé de nombreuses sources auprès des sanctuaires et dans quelques cas comme à Nohanent, dans l'église elle-même.
Ainsi la nouvelle religion s'insérait dans les coutumes ancestrales du peuple celte qui continuait à revenir aux endroits jadis honorés, mais pour un culte purifé et d'une tout autre essence.
Il ne s'agissait pas d'imposer brutalement les nouvelles façons de voir, ni de recourir à ces mesures artificielles qu'avaient adoptées la Rome des empereurs élevant des villes et des autels pour le culte officiel, mais bien de transfigurer les croyances existantes et de faire épanouir les possibilités latentes dans ce peuple celte que César déclarait entièrement tourné vers la religion.
Dans la suite des temps, l'histoire du christianisme en Gaule se confond avec l'histoire même du peuple français. Quelques îlots du paganisme subsistaient aux Ve et VIe siècles, mais on peut considérer que toute trace en avait disparu définitivement à la fin du VIIe siècle.
Régine Pernoud, Histoire du peuple français, Des origines au Moyen Âge, Nouvelle Librairie de France, Paris 1951.
* Lire aussi: Paganisme / Sainte Trinité. "Toutatis, Hésus et Taranis, la triade celtique, une ébauche de conception trinitaire" (Anne Bernet)