Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a rencontré aujourd'hui 15 avril 2011 les "représentants de la conférence des responsables de culte en France". (1) Dans son intervention, il revient sur l'article 2 de la loi de 1905, qu'il cite "en premier" : "la République « ne reconnaît aucun culte »." Puis, quatorze lignes plus bas, il indique que l'Etat laïc n'a aucune raison de les ignorer." (Ndlr. les cultes)". Il faudrait savoir. Soit l'Etat ne "reconnait aucun culte", soit l'Etat "n'a aucune raison de les ignorer". C'est l'un ou l'autre, cela ne peut pas être les deux à la fois.
En réalité, alors que pour le grand public, la franc-maçonnerie dit que "la loi de 1905 ne devra pas être modifiée" (Jean-Michel Quillardet, ex-"Grand Maître" du "Grand Orient de France"), tout indique au contraire que les loges ont donné le signal d'un changement de direction. Au moment précis où la verticalité et la transcendance semblent prendre le pas avec les revendications religieuses des musulmans, le système opère un revirement stratégique afin de ne pas paraître au devant de l'histoire comme anti-humaniste.
Claude Guéant ajoute: "la laïcité n'est pas l'ignorance du fait religieux, encore moins sa négation". Cet infléchissement en faveur du "fait religieux" se fait sentir au moment même où de leurs côtés, les nationalistes derrière Marine Le Pen se saisissent de cette laïcité précisément comme moyen "identitaire" d'endiguer l'"islamisation".
Faut-il y voir une erreur monumentale des nationalistes du même genre que le refilement de la "patate chaude", selon l'expression de Bernard Lugan, lorsque les républicains refilèrent aux nationalistes le projet colonial (un projet de la gauche laïque et maçonnique des années 1880), alors même qu'eux-mêmes l'abandonnaient. (2)
Aujourd'hui, après un siècle de soit-disant "laïcité", la loi de 1905 en réalité abandonnée par le système maçonnique, est à présent défendue par ceux qui depuis toujours s'y étaient opposés !
Le Front national en campant sur une position dure de la laïcité, s'imagine doubler la franc-maçonnerie par la droite en se battant avec sa propre définition, celle d'une laïcité invention chrétienne. Il risque au final de se retrouver dans un combat d'arrière-garde, et dans quelques années désigné comme une force politique irréligieuse au moment même où les religions seront reconnues par la république maçonnique, celle-la même qui fut à l'origine de la loi de 1905.
Puisque Claude Guéant semble reconnaitre les religions, autant que le Front national en prenne son parti, saisisse la balle au vol et parle de la France "terre chrétienne". Cela évitera notamment de donner à l'islam le premier rang dans les discussions.