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1 février 2009 7 01 /02 /février /2009 00:11
[N]ous ne pouvons souscrire jusqu'au bout à la dénonciation sans nuance du « corporatisme ». C'est l'occasion de nous expliquer sur ce point, en écho à une formule lancée par Alain Soral à Villepreux en novembre dernier : « Nous sommes corporatistes ! ».

... Qu'est-ce que le corporatisme ? Deux choses, d'abord, pour ce qui est de l'histoire des idées politiques - et deux usages distincts, ensuite, dans le domaine de l'organisation sociale de la production.

Sur le premier plan, il s'agit, dans un premier sens, de l'organisation sociale de la production sous l'Ancien Régime en France, et même plus, de ce sur quoi reposait toute la société urbaine d'Ancien Régime. Il s'agissait de toute une organisation du travail, reposant sur une association de maîtres défendant des savoirs, des savoir-faire traditionnels, transmis à des apprentis. Ce système permettait une certaine promotion des compagnons, surtout par le mariage. Ce système fut très critiqué au XVIIIe siècle comme un frein à la libre entreprise, critique suivie d'effets au moment de la Révolution Française qui abolit les corporations d'Ancien Régime.

Rêver aujourd'hui au corporatisme pris en ce sens, ce serait naturellement cultiver la nostalgie d'une époque passée, qui ne reviendra plus, du moins sous sa première forme.

... [L]e corporatisme, pris, cette fois comme doctrine politique plus que comme réalité sociale, a repris vie, à la fin du XIXe siècle, notamment dans la doctrine sociale de l'Eglise catholique - on pense bien sûr à l'Encyclique Rerum Novarum (1891) du Pape Léon XIII. Cette fois, il s'agit d'un projet d'organisation verticale de la société, par opposition à l'organisation si l'on peut dire horizontale que constitue sa division en classes se faisant face au moyen de leurs organisations (syndicats ouvriers et « syndicats » patronaux).

Pour les catholiques et pour certains penseurs que l'on regarde généralement comme réactionnaires, il s'agissait principalement de mettre fin au déchirement de la société en classes opposées, déchirement qui, comme le souligne souvent Maurras, prend une ampleur extraordinaire quand il entre en résonance, si l'on peut dire, avec le système de la démocratie parlementaire bourgeoise, où, pour se faire une carrière politique, le politicien a plus intérêt à se créer une clientèle, dont il flatte les passions antisociales, plutôt qu'à servir l'intérêt général du peuple. Pour remédier à cette situation, la proposition corporatiste visait à la collaboration des classes, dont les représentants deviennent alors des « partenaires sociaux », selon la très déplaisante expression en vigueur.

Un tel dispositif est évidemment sujet à deux interprétations et à deux usages sociaux, non seulement différents, mais tout à fait opposés, et c'est ce que ne veulent pas voir ces derniers marxistes dignes de ce nom que sont les lambertistes - les mêmes lambertistes qui furent il y a peu les plus ardents défenseurs, du reste, de la loi interdisant le travail de nuit des femmes dans l'industrie - loi pourtant arrachée en 1902 par le combat, non pas des syndicats ouvriers, mais des catholiques sociaux, généralement royalistes, de la sensibilité de La Tour du Pin et d'Albert de Mun.

Il est clair cependant que beaucoup, à travers l'idée de l'union du capital et du travail, ont surtout visé la prostitution des représentants du travail aux intérêts du capital, voire, dans certaines formes extrêmes (celles du « fascisme-Etat » en Italie, distinct du « fascisme-doctrine » et même du « fascisme-parti »), la complète subordination des travailleurs aux possédants au moyen d'une organisation quasi-militaire de la production et d'une simple prise en main vigoureuse des affaires de la classe dominante par un Etat fort et expéditif.

Mais rien n'interdit de concevoir, en un sens, l'inverse - et c'est à quoi nous nous appliquons - c'est-à-dire, de penser tout un peuple se composant selon des rapports organiques plutôt que mécaniques et voulant en masse une société hiérarchique où l'élévation dans la hiérarchie se paie de plus d'obligation que de privilèges.
Suite

                                                                ***

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