Cliché La "réaction féodale au XVIIIe siècle"
"Les monographies nombreuses dont nous disposons témoignent à cet égard d'une réalité très différenciée: les paysans de Le Roy Ladurie, dans un Midi qui a été relativement peu 'féodalisé', semblent avoir liquidé la rente seigneuriale très tôt, dès le début du XVIe siècle (Emmanuel Le Roy Ladurie, Les Paysans de Languedoc, SEVPEN, t. I, p. 291-292). Dans la Sarthe de Paul Bois (Paysans de l'Ouest, Mouton 1960, p. 362 et suiv.), le taux de la redevance seigneuriale semble très faible et même infime à l'intérieur de la rente foncière, par rapport au montant du fermage. Et la révision des terriers quis 'opère au XVIIe siècle ne fait pas apparaître de droits supplémentaires. "On peut dire dire, conclut Paul Bois, en exagérant à peine, que la question des rentes seigneuriales ne concerne pas le paysan"...
"Il n'est donc pas possible, dans l'état actuel de nos connaissances, de parler de 'réaction féodale' au XVIIIe siècle".
(François Furet, La Révolution française, Préface de Mona Ozouf, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. 110).
"(Les Français) sont est-il besoin de le dire ? des hommes libres. Le servage qui s'est conservé dans presque tous les pays d'Europe n'existe plus en France. Il ne subsiste, sous une forme atténuée, que dans quelques coins du Jura et du Bourbonnais. C'est l'impossibilité de tester et c'est ce qu'on appelle la mainmorte. Si le mainmortable décède sans enfant, il est réputé sans héritier et ses biens reviennent au seigneur. Par un édit de 1779, préparé par Necker, Louis XVI supprima les dernières traces de servage sur les terres de la couronne."
(Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 22-23).
"Au fil du temps, les incapacités frappant les serfs se transforment en taxes. Puis le servage recule. Encouragé par l'Eglise, le mouvement d'émancipation s'accélère dès le IXe siècle. Le moine Suger, ami et conseiller de Louis VI puis de Louis VII, est fils de serf. Le roi donne l'exemple: il affranchit les serfs de son domaine. À la mort de Saint-Louis, le servage a pratiquement disparu en France"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 29).
Cliché La Révolution abolit l'esclavage
Voir notre article "La franc-maçonnerie et l'histoire de l'esclavage".
L'abolition de l'esclavage antique en France remonte, au VIIe siècle, à la Monarchie mérovingienne et plus particulièrement à une reine catholique, sainte Bathilde, épouse de Clovis II, qui provoque la disparition de l'esclavage dans les royaumes francs.
Le roi de France Louis X le HutiN (1314-1316) signa une ordonnance "selon laquelle tout individu mettant le pied dans le royaume de France était libre".
(Olivier Pétré-Grenouilleau, Les Traites négrières, Folio Histoire, Saint-Amand 2006, p. 257).
Cliché, "Les temps de barbarie"
"Féodalité et noblesse, nous dit-on, appellent barbarie, cruauté, corruption des moeurs.
"[...] Les livres pour enfants, manuels scolaires ou autres outils 'pédagogiques', ont repris l'image de la "guerre féodale", dès les premiers temps de l'Ecole républicaine de Jules Ferry: "Les barons féodaux étaient (forcément) brutaux et farouches; quelques-uns n'étaient pas moins atroces que les Huns venus jadis en Gaule...", "Le seigneur vit uniquement de brigandage, pille les chaumières, détrousse les voyageurs; la guerre, toujours la guerre, voilà ce que rêve cet homme épais et brutal... ses plaisirs sont barbares", ou encore: "Le seigneur est un guerrier brutal,c ruel, ignorant; la guerre est son unique occupation... il foule les moissons dorées..., il sème partout la ruine; le serf a moins de valeur qu'une bête"; et enfin: "Le serf vit comme un lièvre poltron; toujours il a l'oreille tendue; au premeir appel, il s'enfuit avec sa femme... il vit dans l'épouvante [Et aussi: "Que de charges pèsent sur ce misérable serf!... réduits à se nourrir d'herbes, d'animaix immondes, les misérables se révoltent". Cf J. Guiraud, Histoire partielle... Introduction au chap. XX "La féodalité, les seigneurs féodaux" qui présente des extraits des manuels scolaires...]. DE TELLES STUPIDITES ETAIENT ENSEIGNEES SANS SOURCILLER PAR LES MAITRES D'ECOLE qui, sans aucun sens du ridicule, devaient illsutrer et broder par quantité d'exemples édifiants; nos enfants étaeint jugés sur ce savoir...
"Les manières certes ont changé et, généralement (mais pas toujours...), les auteurs évitent ces outrances qui, peut-être feraient douter de leur bonne foi... MAIS, mis à part quelques livres édités ces toutes dernières années, et encore bien rares, LE FOND DU DISCOURS RESTE LE MÊME... Le seigneur féodal, brutal et inculte, occupé surtout à guerroyer s'impose encore à nous comme une image force de notre passé et, loin d'y voir un de ces vieux poncifs dépassé, nous y adhérons souvent... De nombreux livres nous le montrent ainsi et certains hsitoriens, pour expliquer l'évolution des sociétés et des économies, bâtissent leurs hypothèses sur ce postulat.
"[...] Il n'est pas rare de trouver, dans les livres récents, une analyse très commune des origines de la guerre de Cent Ans, à savoir que la noblesse de France, les seigneurs féodaux donc, voyant leurs revenus fonciers diminuer d'une façon dramatique (la crise, toujours la crise..!), n'avaient trouvé d'autre façon de se maintenir au même niveau de fortune que de pousser leur roi à la guerre contre les Anglais...
"[...] L'Encyclopaedia Universalis (qui passe pour la pluss cientifique des Encyclopédies...), qui se pique de donner le dernier état des questions..., en est encore là et renchérit sur les positions ordinairement exposées dans quelques manuels déjà anciens... L'article, consacré ici à la guerre de Cent Ans, affirme, sous le titre "La féodalité en mutation", que "les causes profondes de la guerre de Cent Ans" doivent être recherchées dans les réactions du monde féodal face "aux mutations que les historiens ont baptisées 'crise' ou 'crises' du XIVe siècles". Les nobles, gravement lésés par les transformations de l'économie et plus particulièrement par led éveloppement de l'économie monétaire, voyaient dans la guerre une solution à leurs difficultés. pendant plus de cent ans, ils furent poussés à renouveler les combats par le désir de réaliser quelques profits (pillages et rançons), par l'espoir de prendre ou de retrouver une bonne part du pouvoir politique, par l'espoir aussi de voir la guerre freiner les 'évolutions naturelles' qui leur étaient si contraires, et même par la quête d'un 'divertissement' apporté aux inquiétudes par les 'aventures militaires' (Encyclopaedia Universalis, éd. 1984, t. 8, p. 1150, article Guerre de Cent Ans de J. Le Goff...]
"Ignorance ou parti pris... TOUT EST A REVOIR, TOUT EST FAUX!
"D'une part, dire que la noble foncière avait vu ses revenus s'amenuiser d'une façon sensible à l'aube du XIVe siècle, est énoncer un de ces postulats passe-partout qui connaissaient certes un beau succès il y a un demi-siècle mais qui sont maintenant gravement mis en cause et même souvent contredits...
"Très vraisemblabement, cette idée d'une seigneurie "en crise" n'a connu une telle fortune que parce qu'elle s'inscrivait tout net dans une vue générale des fameuses, et pour la plupart mythiques..., crises de la fin du Moyen Age. En tout état de cause, à la veille de la guerre de Cent Ans, nous ne sommes encore qu'au tout début des années 1300; cette crise serait donc le fait des temps de Saint Louis et de ses successeurs immédiats, temps souvent reconnus comme de grande prospérité ou, du moins d'équilibre. De toutes façons, il apparaît clairement, à lire nombre d'études bien documentées, que les grands propriétaires et même les nobles moins bien lotis étaient capables de faire face à d'éventuelles difficultés de trésorerie, aux dévaluations de la monnaie, aux évolutions des marchés et des goûts.
"De plus et surtout, l'image du seigneur poussant à la guerre dans le but de s'enrichir est ABSTRACTION et INVENTION: elle traduit là encore un grave manque d'information. Le Roi de France Philippe VI, appelant ses vassaux nobles aux armes pour combattre les Anglais et défendre son royaume, se heurtait à quantité de mauvais vouloirs, à des refus délibérés. Les semonces des hommes astreints au service d'ost (servive militaire), loin de provoquer de grands mouvements d'enthousiasme, restèrent souvent sans grands effets; les nobles se dérobaient ou arrivaient très tard, mal armés, avec de trop petites suites; certains, tout de même mis en demeure, combattaient à peine, préféraient négocier et livrer leur château ou garnison [P.C. Timbal, La guerre de Cent Ans vue à travers les registres du Parlement (1337-1369), Paris 1961, p. 7, 14-19; M. Jusselin, Comment la France se préparait à la guerre de Cent Ans in Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1912; R. Cazelles, La société politique et la crise de la Royauté sous Philippe VI de Valois, Paris 1958 - "Lettres closes, lettres 'de par le Roy' Philippe VI de Valois in Annuaire Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1958].
"Au total, la guerre a plutôt ruiné la noblesse de France, lui infligeant des pertes considérables en hommes et en argent..., l'obligeant à aliéner ses biens, à s'endetter outre-mesure. Avec, pour conséquences, tout naturellement, la perte d'une part d'indépendance, un renforcement du pouvoir royal ou princier car seul ce service de l'Etat pouvait offrir d'intéressantes compensations aux pertes subies sur les champs de bataille"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 124-128).
"...jusqu'aux grains à semer ! Quel un propriétaire agricole à tarir sa propre source de revenu ?"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin, 1992, p. 29)
Cliché Les "corvées effrayantes"
"Les corvées auxquelles les manuels de jadis faisaient une réputation effrayante, se bornent à un ou deux jours de travail par an, six au maximum (à comparer aujourd'hui avec le nombre de jours que l'Etat nous vole par le biais de l'impôt sur les revenus)... Avant la lettre, c'est une forme de contribution locale."
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin, 1992, p. 27)
Cliché Le paysan "taillable et corvéable à merci"
"Le paysan paie la taille. Certains "à merci", ce qui signifie que cet impôt direct est fixé par le seigneur (l'impôt royal apparaît relativement tard, à la fin du XIVe s.) Dans la pratique, la taille est négociée sous forme d'un abonnement communautaire qui fixe la part de chacun. La ponction fiscale, remarque Jaques Heers, est de tout gouvernement: les taxes médiévales ne sont pas plus nombreuses ni plus élevées que dans l'Antiquité ou les temps modernes"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin, 1992, p. 28)
"Un serf n'est certes pas un homme libre. Il n'est pas non plus un esclave. Le droit romain reconnaissait le droit de vie et de mort sur l'esclave: rien de tel n'existe au Moyen Age.
L'étymologie des deux mots a beau être commune (servus), l'esclave est une chose tandis que le serf est un homme, mais un homme dont le statut social est grevé d'incapacités. Si le serf est tenu de rester sur le domaine et de le cultiver, s'il peut être vendu avec les terres, il ne peut en être expulsé et reçoit sa part de la moisson. Il est libre de se marier contrairement à l'esclave antique et de transmettre sa terre et ses biens à ses enfants (tenures héréditaires).
Le servage personnel, transmissible à ses descendants, se distingue du servage réel, qui tient à la terre que l'on exploite: prenant l'exploitation d'une terre servile, des hommes libres peuvent volontairement devenir des serfs."
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin, 1992, p. 28)
Cliché, Le "droit de cuissage" ("la plus belles des balivernes"!)
"Si le répertoire s'est un peu déquanté, nous demeure tout de même comme vérité attestée le fameux "droit de première nuit" qui permettait au seigneur de posséder, le premier, l'épouse de chacun des vassaux... Nombre d'ouvrages en parlent encore très sérieusement...; quantité de romans historiques et mêmes plusieurs scénarios de films ont agrémenté et renforcé leurs intrigues de tels épisodes scandaleux qui provoquaient à juste titre, la révolte des dits vassaux aidés de leurs amis. Nos historiens du XIXe siècle étaient, sur ce point, intarrissables et rappelaient régulièrement les abus d'"un droit qui prouve l'excès de la tyrannie des seigneurs et de l'esclavage de leurs sujets"... En France, écrivaient-ils, ce droit de cuissage s'est maintenu plus longtemps qu'ailleurs "par le caractère des Français qui attachent beaucoup de prix à de telles redevances!" (Sur ce "droit", toutes les anecdotes sont rapportées très sérieusement par J.A Dulaure, La noblesse..., pp. 605 et sq.)
"[...] TOUT CECI, insistons, ADMINISTRE sans ordre, sans précisions de dates bien souvent, SANS LA MOINDRE PREUVE SOLIDE, mais avec tant de sérieux et rencontrant des audiences SI BIEN préparées QUE LES PLUS BELLES BALIVERNES FIRENT LEUR CHEMIN PENDANT DES GENERATIONS...
"Dans le même temps, dans les dernières décennies, plusieurs recherches rigoureuses furent menées sur le sujet, conduisant à des conclusions toutes différentes et ne retenant que l'aspect financier d'une taxe sur le mariage des serfs [Il y a déjà plus d'un siècle: C. Schmidt, Der Streit über das Jus primae noctis in Zeitschrift für Ethnologie, t. XVI, 1884]; mais ces travaux sont restés (et restent encore...) confidentiels, jamais repris par les livres de large diffusion... Personne n'en tint compte et l'on continua, de façon plus ou moins directe, à accréditer toutes manières de légendes"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 135-136).
"...les livres scolaires, au lendemain des lois sur l'obligation scolaire (Lois scolaires Jules Ferry), endoctrinaient les enfants dès leurs jeune âge. Les manuels d'histoire accusaient, sans nuance et sans crainte du ridicule, l'Eglise médiévale d'avoir mis tout en oeuvre pour maintenir les hommes dans un état de totale inculture; tous disaient que, pour le clergé, "la diffusion des livres était le triomphe du diable". À les lire, s'imposait l'idée que l'Eglise avait "réservé jalousement pour ses moines, dans le mystère des cloîtres, des bribes de science qu'elle se garda bien de communiquer au grand public"... Ces responsables de l'enseignement, appliqués à forger des esprits, suivaient de très près leurs maîtres, Michelet surtout qui intitulait les chapitres de son Histoire de France, consacrés à l'Eglise: "De la création d'un peuple de fous" ou encore "La proscription de la nature"... Certains diraient qu'avant Jules Ferry rien n'avait été fait pour l'instruction du peuple! En tout cas, truisme constamment rappelé, aux temps "médiévaux" (pourquoi pas 'moyenâgeux' ?) aucune école ni dans les villages, ni dans les divers quartiers des villes, si ce n'est pour quelques privilégiés... aussitôt destiné aux carrières ecclésiastiques.
"Or nous voici dans l'erreur la plus totale car toutes sortes de documents (archives comptables des municipalités et archives judiciaires, registres fiscaux) témoignent amplement, pour différents pays, de l'existence, outre le curé et ses assesseurs, de maîtres d'école de profession, régulièrement patentés et rémunérés. À Paris, en 1380, Guillaume de Salvadille, professeur de théologie au collège des Dix-Huit, chef des "petites écoles" de la ville, réunit les directeurs de ces écoles où l'on apprenait aux enfants la lecture, l'écriture, le calcul et le catéchisme; sont présents vingt-deux "maîtresses" et quarante et un "maîtres", tous non-clercs, dont deux bacheliers en droit et sept maitres ès arts (J. Hillairet, L'Ile de la Cité, Paris 1969, p. 48)"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Vérités et Légendes, Perrin, Perrin Malesherbes 2001, p. 217-218).
"Le Moyen Age est le théâtre de grandes migrations : pour explorer des terres lointaines, des villages entiers se déplacent" (Jean Sévillia, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 27).
"l'image du paysan attaché à sa terre s'est profondément ancrée dans notre bagage culturel; nous y croyons, nous en parlons volontiers: contraintes seigneuriales qui interdisaient de se dépalcer, impossibilité de s'établir à son gré... L'image s'est largement diffusée et appliquée à toute condition paysanne. C'est à tort. Les hommes de noscampagnes acceptaient alors l'aventure, en de nombreuses occasions. les grandes errances, les déplacements de communautés, les Croisades, les défrichements de terres lointaines, le repeuplement des pays repris aux musulmans jusqu'en Andalousie, tous ces phénomènes parfaitement situés et analysés nous éclairent sur cette aptitude, cette propension parfois à la mobilité; sur ce goût de l'inconnu même"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 166).
"Certes, quand un accident climatique ruine la récolte, la famine menace. Il en sera ainsi bien au-delà du Moyen Age, donc bien après la fin de la féodalité, tant qu'on aura pas maîtrisé les techniques de fertilisation des sols et de stockage des grains. Des paysans pauvres, il y en a toujours au XXIe siècle. Dès le Moyen Age, certains s'enrichissent soit en se mariant, soit en héritant, soit en travaillant beaucoup. On voit des laboureurs plus fortunés que les petits nobles ruinés par la guerre. L'alleu, terre (libre) appartenant à un paysan, se rencontre en Languedoc, en Provence, dans le Mâconnais, en Bourbonnais, dans le Forez, en Artois, en Flandre. Locataires de leur exploitation, les tenanciers ne peuvent en être expulsés. Ils possèdent le droit de le transmettre à leurs héritiers, ce qui institue de facto des tenures héréditaires."
(Jean Sévillia, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 27).
"De nos jours, le locataire d'une maison, d'un champ, d'une exploitation rurale quelconque, est-il assuré de le rester tout le temps lui sied, aux mêmes conditions, sans augmentation de son loyer quelles que soient la conjoncture et l'inflation de la monnaie ? Est-il assuré de ne pas devoir quitter les lieux si le propriétaire veut s'y installer, ou établir l'un des siens, ou vendre à une entreprise qui promettrait d'y construire un plus bel immeuble, de plus fort rapport ? Est-il assuré encore de transmettre cette maison ou cette ferme à ses enfants, ainsi de génération en génération, pour le même prix, sans que le propriétaire puisse rien y contrevenir ? peut-il vendre son droit d'occupation à bon prix, équivalent à la valeur réelle du bien au jour de l'opération, à un tiers qui prendrait sa palce, s'y installerait, ne versant au "seigneur" qu'un pourcentage, au demeurant assez faible, du prix de cette vente ? Peut-il sous-louer avec un fort bénéfice et exiger plusieurs fois le loyer qu'il paie, lui, et qui n'a pas varié depuis des lustres ? Partager le terrain en plusieurs lots pour en tirer de meilleurs revenus ? Enfin, vous est-il loisible, locataire d'aujourd'hui, d'hypothéquer ce bien, de le mettre en gage contre un prêt d'argent ? Tout ceci, nombre de tenanciers 'non propriétaires' pouvaient, à la ville comme à la campagne, le faire et ne s'en privaient pas...
La tenure, c'est indiscutable, était non seulement viagère mais héréditaire; seul le preneur pouvait rompre le contrat, fuir, déguerpir ailleurs, là où pouvaient l'appeler de meilleures possibilités. Régulièrement, les fils succédaient aux pères et leurs droits n'étaient pas contestés... De plus, au cours des âges, ces tenures pouvaient subir toutes sortes d'avatars. Face à de pressants besoins d'argent, le paysan laissait en gage la terre qu'il tenait de son seigneur. D'autres n'hésitaient pas à sous-louer si l'occasion s'en présentait... En tout état de cause, de ces analyses des conditions sociales ne se dégagent que des contours assez flous, une teinte d'ambiguïté, qui conduisent à penser que l'idée que les gens de l'époque se faisaient de la propriété seigneuriale différait quelque peu de celle, bien mieux tranchée, que nous en avons aujourd'hui"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 170-171).
"La distribution (du blé) se faisait régulièrement toutes les semaines sous l'inspection d'un préposé. Si la provision de quelque loge venait à s'épuiser, on prenait dans le tas du seigneur toute la quantité nécessaire pour la famille qui en manquait, à charge par elle d'en rendre la même quantité à la moisson nouvelle. Ainsi le paysan le plus pauvre était assuré de sa subsistance. Qu'on décide si ce régime ne vaut pas celui des mendiants libres & mourans de faim..." (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1798, t. II, p. 247).
Sur la richesse de l'Ancienne France et la richesse des paysans, notons ce témoignage capital d'un ennemi acharné de l'Eglise, Voltaire:
"Je ne sais comment il est arrivé que, dans nos villages, où la terre est ingrate, les impôts lourds, la défense d'exporter le blé qu'on a semé intolérable, il n'y ait guère pourtant un colon qui n'ait un bon habit de drap et qui ne soit bien chaussé et bien nourri..."
(Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 410-411).
"L'industrie augmente tous les jours, écrit Voltaire; à voir le luxe des particuliers, ce nombre prodigieux de maisons agréables bâties dans Paris et dans les provinces, cette quantité d'équipages, ces commodités, ces recherches qu'on appelle 'luxe', on croirait que l'opulence est vingt fois plus grande qu'autrefois... Le moyen ordre s'est enrichi par l'industrie.. Les gains du commerce ont augmenté. Il s'est trouvé moins d'opulence qu'autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre et cela a mis moins de distance entre les hommes... aujourd'hui, l'industrie a ouvert mille chemins qu'on ne connaissait pas il y a cent ans" (Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 485).
Ce témoignage du chef des impies est capital pour contrer le manichéisme farfelu des marxistes agitant aujourd'hui encore le spectre du peuple, pauvre, dominé et opprimé par la noblesse sous l'Ancien Régime...
"Puis voici le témoignage d'étrangers qui jugent nos conditions sociales sans arrière-pensée, celui de Lady Montague qui note en 1739 'l'air d'abondance et de constentement (contentement)répandu dans les campagnes en France'"
(Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 411).
[...] celui d'Horace Walpole traversant l'Artois en 1765: "Je trouve ce pays-ci prodigieusement enrichi... les moindres villages ont un air de prospérité'.
"Un intendant du Roussillon note les nombreux repas que font les campagnards, "quatre, cinq, six repas par jour et, à chaque repas, de la viande et du vin...'"
(Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 411).
"Telle est exactement la situation des paysans de l'Ancien Régime: une grande affectation de misère et, derrière ce manteau de guenilles, une vie paisible, souvent aisée, quelquefois large..."
( Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 22-23).
"En 1789, les Français n'étaient pas malheureux. Les documents les plus sûrs nous prouvent, au contraire, que la richesse s'était considérablement accrue depuis un demi-siècle et que l'état matériel de toutes les classes de la société, sauf celui de la noblesse rurale, s'était sensiblement amélioré. Le régime corporatif n'avait pas empêché la naissance et la mise en place de la grande industrie..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 19).
Et si "en 1789 la partie la moins favorisée de la population paysanne était en révolte virtuelle contre la transformation capitaliste de l'agriculture, il n'en reste pas moins que, depuis un siècle, les campagnes s'étaient enrichies..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 30).
"Aussi, on peut dire que la vie est devenue plus sûre pour tout le monde. Plus de famines. Les disettes qui au siècle précédent, avaient provoqué une raréfaction des mariages et une restriction des naissances ne sont plus que souvenirs ou imprécises menaces. les meilleurs rendements, le maïs, la pomme de terre, les communciations plus faciles en sont venus à bout. A défaut de signe, l'accroissement régulier de la population suffirait à le prouver" (Pierre Gaxotte, ibid., p. 31).
"Les paysans sont aussi le plus souvent des propriétaires. Ils profitent de la hausse des produits agricoles pour améliorer leur condition. Il est certain... qu'ils possèdent au moins la moitié du sol..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 23-24).
Cliché "Le paysan français est écrasé d'impôts par un pouvoir tyrannique"
"En trois années la Révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'Etat, - et dont la plupart ont eu les plus tragiques conséquences - que le gouvernement royal en huit siècles"
(Frantz-Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 539).
Exemple de falsification-manipulation relevée dans les extraits de l'intervention d'un conférencier franc-maçon (La libre pensée de Haute-Garonne), via l'article "Franc-maçonnerie et République" du Blog maçonnique: "La monarchie, d’absolue, devint despotique, et ce au moment même où le mouvement des idées tendait à remettre en cause les anciens schémas".
Notre article "Une légende républicaine: le paysan français de l'Ancien Régime écrasé d'impôt par un pouvoir tyrannique", s'appuyant sur les travaux de l'historien Jean-Christian Petitfils, et ceux d'autres historiens, démonte cette sornette inventée par les propagandistes de la république et prouve l'exact inverse de ce que dit la franc-maçonnerie :
"L'image du paysan français écrasé d'impôts par un pouvoir tyrannique est une légende inventée par l'historiographie du XIXe siècle à partir des stéréotypes révolutionnaires". En 1715, le contribuable français payait en moyenne deux fois et demie moins d'impôts que son homologue britannique. A cette date, en effet, la pression fiscale représentait un équivalent de 0,70 hectolitre de grain de froment pour la France contre 1,62 de l'autre côté de la Manche (Peter Mathias et Patrick O'Brien, Taxation in Britain and France 1715-1810, A Comparison of the Social and Economic Incidence of Taxes collected for the Central Government, The Journal of European Economic History, vol. 5, n° 3, 1976, p. 618-620). La monarchie absolue par conséquent fut moins oppressive fiscalement que la monarchie 'représentative et tempérée' à l'anglaise"
(Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, 2002, réed. Collection Tempus, La Flèche 2006, p. 703-705).
"Le règne personnel de Louis XIV est un règne de relatif calme fiscal; quant au XVIIIe, il correspond à une décrue. l'impôt en France, à la différence de ce qui se passe partout en Europe, ne suit pas l'accroissement de la population, de la richesse et des besoins. ... La France devient un paradis fiscal"
(Pierre Chaunu, Le Grand déclassement, à propos d'une commémoration, Robert Laffont, Paris 1989, p. 82).
"L'absolutisme se révèle, par nature, un régime limité et tempéré, certainement pas la matrice d'un pouvoir totalitaire. Ce n'est pas lui qui parviendra à imposer la fiscalisation généralisée de la population, la conscription obligatoire, la levée en masse et le concept de guerre totale"
(Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, Collection Tempus, La Flèche 2006, p. 148).
Aujourd'hui, un président de la République "française", dont les pouvoirs peuvent aller, outre la violation des lois divines, jusqu'à la violation du droit de propriété (impôt de succession...), la violation du droit naturel, la violation de la morale (avortement, eugénisme, manipulations génétiques), la cession de territoires (la liquidation de nos colonies), la destruction de coutumes et traditions françaises (suppression du lundi de Pentecôte), a plus de pouvoirs qu'un roi de France qui devait respecter les "libertés françaises", les coutumes du royaume et les lois fondamentales du Royaume. Le Roi n'était pas propriétaire du Royaume, il ne pouvait en disposer à sa guise: la loi d'inaliénabilité des biens de la Couronne interdisait au Roi de céder des territoires du Royaume de France déclarés inaliénables. Aujourd'hui, un président de la république peut aliéner des pans entiers de notre territoire (comme de Gaulle qui liquida l'Algérie française en 1962). En toutes ces choses, le président de la "République" est un bien plus grand despote que n'a pu l'être n'importe quel Roi de France.
"La monarchie française n'est pas 'absolue' au sens moderne du terme, qui évoque un pouvoir totalitaire. D'abord parce qu'elle reste fondée sur les 'lois fondamentales' du royaume, qu'il n'est au pouvoir d'aucun souverain de changer: les règles de succession au trône, les propriétés de ses 'sujets' sont par exemple hors de son atteinte. Mais surtout les rois de France n'ont pas développé leur pouvoir sur les ruines de la société traditionnelle. Ils l'ont au contraire construit"
(François Furet, La Révolution française, Préface de Mona Ozouf, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. 125).
"Loin d'être réactionnaire, ou prisionnier d'intérêts égoïstes, l'Etat monarchique du XVIIIe siècle est ainsi un des grands agent du changement et du progrès général"
(François Furet, ibid., p. 127).
"Être français, c'est, avec des libertés, des privilèges reconnus, partager la fierté d'être gouverné par un roi qui ne ressemble en rien à ces despotes orientaux que l'on voit honorés par une foule servile.
"La patrie française est terre gouvernée par un roi qui respecte les coutumes de ses sujets et dont la gloire rejaillit sur l'ensemble de ses peuples"
(Jean-Paul Bertaud, La Révolution française, collection Tempus, La Flèche 2004, p. 15).
"La monarchie chrétienne et française est par son essence même, une monarchie 'tempérée' qui n'a rien à voir avec ces gouvernements d'aventure qui promettent l'âge d'or et conduisent aux abîmes"
(Comte de Chambord, dans son manifeste du 2 juillet 1874).
"Le monarque absolu au royaume de France n’est donc ni un tyran ni un despote. C’est pourquoi certains auteurs ont songé à remplacer monarchie absolue par monarchie 'administrative' ou même de monarchie 'tempérée'..."
(François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 195).
Pour revenir au paysan croulant sous les impôts, Jacques Heers explique: "Mis à part certains manuels récents, pas un seul ouvrage de grande diffusion qui ne présente inlassablement le même thème de la pauvreté paysanne; tous, des livres de classe pour nos enfants jusqu'aux volumes agrémentés de belles illustrations, publiés sous la garantie d'un grand auteur, insistent, évoquent les "révoltes paysannes" et, surtout, alignent régulièrement d'impressionnantes listes de taxes et d'impôts. Si vous faites le compte de toutes ces retenues, vous vous apercevez qu'il ne restait vraiment à ces malheureux qu'à peine de quoi vivre, de quoi ne pas mourir de faim.
Cependant tout ceci sent trop bien la mauvaise foi ou, plus souvent peut-être, le conformisme et l'ignorance têtue. Certes ces catalogues de redevances complaisamment détaillés, si impressionnants, laissent à juste titre accablé. Mais tout y est truqué, faux, incohérent, truffé d'erreurs grossières et de contradictions. Comment expliquer qu'un auteur, même polygraphe, même très hâtif, ne puisse s'apercevoir que l'on a mis là ensemble, pour faire très lourd, des prélèvements qui n'ont rien à voir avec l'impôt ou qui découlent de taxes perçues non du fait de la seigneurie mais des pouvoirs publics ?
Pour les hommes libres, pour lesquels l'on parle communément d'arbitraire et de charges insupportables, chacun des prélèvements régulièrement cités mérite une attention particulière.
Nos manuels citent presque toujours, en premier lieu, le cens dû par le tenancier. or le cens, enc ertaines occasions d'ailleurs seulement symbolique ou très faible, n'est absolument pas un impôt mais un loyer. Il ne viendrait à aucun de nos contemporains l'idée de comptabiliser le loyer de sa maison ou de son commerce, ou de so natelier, de son champ, au titre des impôts. Manque de discernement ou supercherie? En fait, dès les premières attaques contre la féodalité, cette affectation d'ignorer la véritable nature du cens n'avait rien d'innocent mais participait d'une volonté de combat... Avant même la révolution, plusieurs auteurs, philosophes ou historiens des formes de la vie politique, ont volontairement entretenu la confusion et, pour certains même, laissé entendre que le fait de payer le cens sur ses tenures était une marque de servitude... De telles sornettes se trouvent dans Montesquieu qui écrit, d'une belle assurance: "c'était la même chose d'être serf et de payer le cens, d'être libre et de ne le payer pas".
Les catalogues des droits féodaux, des redevances en tout cas, font état tout naturellement, de la dîme, perçue par l'Eglise ou par des accapareurs. mais, là aussi, l'examen tourne vite court et n'envisage rarement ni le poids de cette levée, ni sa véritable nature. Les mises au point pourtant ne manquent pas. Sur le poids tout d'abord: le prélèvement ne s'appliquait pas à toutes les récoltes mais principalement aux blés et n'atteignait pas toujours les 10 pour cent, loin de là. Sur l'usage ensuite: outre l'entretien du clergé, l'exercice du culte, les messes et prières auxquels nombre de civilisations consacraient et consacrent encore, tout naturellement, des sommes appréciables, l'Eglise assurait alors une part notable de l'assistance publique (hospices, hôpitaux, maisons Dieu, aumônes, enfants abandonnés) et de l'enseignement dans les paroisses. Faut-il comparer ces prélèvements de 5 à 10 % à ceux d'aujourd'hui pour notre sécurité sociale et au coût de nos systèmes d'éducation ?
Quant aux impôts proprement dits, ceux effectivement perçus comme des taxes spécifiques par tel ou tel seigneur "féodal", notons, avant toute chose, que l'impôt royal est apparu en France, non sans grand mal d'ailleurs, relativement tard, à partir de 1357, avec le système fort complexe et très aléatoire des aides. Jusqu'alors l'impôt n'était pas perçu par le roi mais par ceux investis d'une part de l'autorité. Tous les maîtres des seigneuries ne pouvaient y prétendre et nombre d'auteurs, avec en particulier Robert Boutruche, ont bien su distinguer la seigneurie "foncière" (la propriété du sol) de la seigneurie banale (pouvoir de commandement, délégation ou usurpation des droits régaliens). Ces "impôts" étaient donc des "banalités"; ils ne relevaient pas des relations seigneurs-paysans mais de celles entre l'Etat et les sujets. Un long temps accaparés par différents féodaux, ils furent par la suite perçus au profit du roi et, depuis lors, ont connu de belles destinées, end es temps où il n'est question ni de féodalité ni de seigneurie. Il n'est pas nécessaire d'y penser longuement pour constater que nous en connaissons, sous diverses formes, l'équivalent ou la réplique, largement amplifiée et perfectionnée...
On a beaucoup disserté sur ces banalités, liées donc au pouvoir politique, féodaux si l'on veut et non seigneuriaux; nos manuels ne nous laissent rien ignorer ni de leurs diversités, de leurs ridicules même, ni de leur poids, des entraves quec es prélèvements imposaient à la vie économique. Nos temps de barbarie auraient beaucoup souffert de ces taxes abusives, invoquées à tout propos par des seigneurs qui en inventaient toujours quelques nouvelles et ne mettaient aucun frein à leurs exigences...
D'autres banalités frappaient les droits de passages à un carrefour de routes, à l'entrée d'une seigneurie, sur un pont ou sur le cours d'un fleuve. Ces péages ou tonlieux ont eux aussi fait couler beaucoup d'encre, souvent présentés comme les plus graves abus de la féodalité. Le péage féodal fut ainsi, à longueur d'ouvrages, l'objet d'attaques indignées qui ont forgé une image noire... aussi fausse mais aussi solidement ancrée que els autres. Un auteur du XIXe siècle, emporté par sa verve critique et cherchant comment convaincre davantage, n'hésitait pas à montrer à ses elcteurs le commerce ruiné par ces extorsions arbitraires, les communciations devenues impossibles, les routes en mauvais état et cosntamment barrées par des receveurs arrogants... Comment pouvons-nous charger d'un tel discrédit ces taxes et droits de passages seigneuriaux comme s'ils représentaient, dans l'histoire du passé, une malheureuse exception ? Pourquoi clamer de si vertueuses indignations alors que tout au long des siècles à travers le monde, et plus particulièrement en Occident, les droits de circulation, les échanges de ville à ville, les passages sur les ponts, etc. ont été sans cesse soumis à ponctions fiscales de toutes natures, dont on ne parle pas volontiers ? Au temps médiéval, le seigneur n'était certainement pas le mieux organisé. Quant à l'époque moderne et en Europe, faut-il rappeler les droits d'octroi maintenus si longtemps aux portes de nos cités, les péages sur les ponts et ouvrages d'art ? Rien n'a changé et l'habitude de payer paraît acceptée. Aujourd'hui, en Occident et ailleurs, les routes et passages privés, maintenus sans assistance de l'Etat, ne peuvent être empruntés que contre paiment d'un péage, au bénéfice du promoteur et propriétaire, individu ou organisme: droit éminemment privé, fixé ou gré du marché, que nous tolérons naturellement.
Tout indique que l'idée que nous nous faisons, de nos jours encore, des charges fiscales qui, au Moyen Age, pesaient sur les paysans, que ces condamnations des abus que, inlassablement, rappellent nos manuels ou nos récits romancés, résulte d'un parti pris... ou d'un manque de réflexions. celles-ci devraient, pour une vue plus sereine et plus exacte des choses, s'orienter en deux directions.
D'une part, admettre que la ponction fiscale est un procédé inhérent à toute sorte de gouvernement, de quelque nature qu'il soit: aux temps médiévaux, en Occident, les villes marchandes et les princes avaient établi des organismes de perception plus expérimentés et plus contraignants que ceux des seigneurs féodaux aux réputations pourtant si détestables. De toute évidence, les taxes n'étaient ni plus nombreuses ni plus élevées en ces temps de barbarie féodale que dans l'Antiquité ou dans les temps dits modernes. Hors d'Occident, ces organismes et officiers sévissaient certainement avec autant de soin et d'exigence.
D'autre part, considérer comme établi que tout renforcement de l'Etat contre les structures particularistes, en l'occurence la féodalité, a provoqué, au fil des siècles, un alourdissement des prélèvements et, en même temps, une plus grande sévérité dans les processus de perception"
(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 171-179)
Conclusion
Relativement aux sornettes inventées par l'enseignement national républicain, cet article est appelé à être augmenté régulièrement, au fur et à mesure de nos découvertes historiographiques sur le sujet.
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