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10 mai 2018 4 10 /05 /mai /2018 16:43
Sortie des Etats-Unis de l'accord nucléaire iranien : les entreprises françaises menacées

Les pénalités et autres sanctions économiques américaines contre l'Iran vont faire des dommages collatéraux parmi les "alliés" des Américains et pourraient coûter très cher aux entreprises françaises présentes sur place. (1) Donald Trump a annoncé mardi 8 mai le retrait américain de l'Accord de 2015 sur le nucléaire iranien (2), sous les applaudissements paradoxaux d'Israël, Donald Trump ouvrant une période d'incertitude quant aux ambitions atomiques de Téhéran. (3) 

L'ancien président américain Barack Obama a jugé mardi soir sur les réseaux sociaux que la décision de son successeur constituait une "grave erreur", plaçant le monde face à une alternative désastreuse: un Iran doté de l'arme atomique ou le risque d'une guerre au Moyen-Orient. 

La Russie s'est dite "profondément déçue" par la voix de son ministère des Affaires étrangères, qui a dénoncé "une violation grossière du droit international". "Nous sommes profondément déçus par la décision du président américain de sortir unilatéralement" de l'accord et "rétablir les sanctions américaines envers l'Iran", selon un communiqué. "Nous sommes extrêmement inquiets que les États-Unis agissent contre l'avis de la plupart des États (...) en violant grossièrement les normes du droit international", selon le texte. 

Toutes les sanctions levées le 16 janvier 2016, date de l’entrée en vigueur de cet accord international sont rétablies "immédiatement" pour les nouveaux contrats et d’ici le 6 août ou le 4 novembre pour les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran. Celles-ci ont donc trois à six mois pour en "sortir" avant d’être frappées par les mesures punitives leur barrant l’accès aux marchés américains.

Donald Trump a assuré qu’il serait intraitable avec ces entreprises commerçant avec l’Iran et qu’il n’y aurait pas d’échappatoire possible aux sanctions économiques.

Or, depuis 2015, la France est devenue le troisième partenaire européen de l’Iran. De grandes entreprises s’y sont implantées : Airbus, PSA et Renault, Total... (4)

Les entreprises françaises qui ont investi en Iran depuis depuis deux ans, dans l'aéronautique, le pétrole, la santé ou l'automobile, pour un montant estimé à 25 milliards d'euros de contrats sont menacées.

John Bolton, conseiller à la sécurité nationale américaine à Washington, a déclaré hier 9 mai :

"Au sein de la zone économique couverte par les sanctions, aucun nouveau contrat ne sera autorisé. […] Certaines périodes seront de six mois, d'autres de 90 jours. Il y peut y avoir également d'autres dispositions."

 

Fin 2016, Airbus avait signé un contrat record avec l'Iran : 100 avions livrés pour 16,8 milliards d'euros. Le département américain du trésor a confirmé que les autorisations pour transporter du matériel aéronautique vers l'Iran seront révoquées sous 90 jours, sous peine de sanctions. 

Le secteur automobile, lui aussi, avait parié sur l'Iran. Renault, déjà bien implanté, pensait vendre 300 000 véhicules par an, Peugeot 200 000. L'Iran et ses 80 millions d'habitants était un marché très prometteur. (5) Dans le domaine de l'énergie, Total, qui a signé en juillet 2017 un accord avec l’Iran en vue de développer le gisement South Pars, pour un montant de cinq milliards de dollars, pourrait être contraint de se retirer.

En clair, toute transaction effectuée avec l'Iran en dollar ou via un citoyen américain sera passible de sanction dans les trois à six mois.

Sachant que la moitié du commerce mondial se fait en dollar américain, le pouvoir de nuisance d’une telle mesure est redoutable. En 2014 par exemple, la banque BNP avait été condamnée par les Etats-Unis a une amende record de 9 milliards de dollars, pour avoir continué à mener des opérations avec l’Iran, Cuba et le Soudan en dollars. (6) Le gouverneur de la Banque de France regretta alors l'hégémonie du dollar. Vladimir Poutine avait qualifié l'attitude américaine à l'époque de "chantage". Bien que certains eurent pu espérer une évolution positive, il n'y a rien de nouveau dans la diplomatie américaine sous Donald Trump. Les Etats-Unis ne renoncent pas à leurs instruments de puissance.

Le ministre de l'économie Bruno Le Maire, qui a évoqué le 9 mai une intimidation "pas acceptable", doit avoir un entretien téléphonique d’ici la fin de la semaine avec Steven Mncuchin, le secrétaire d’État au Trésor américain, pour étudier avec lui les possibilités d’éviter les sanctions américaines. Parmi les solutions envisagées, le ministre évoque des "clauses grand-père" (clause d’antériorité) et des "exemptions". (7)

La Chine et la Russie tentent de s'extraire du système du dollar comme monnaie internationale, et de ce chantage où la géopolitique est mise au service des intérêts américains. C'est la souveraineté des nations qui est enjeu. Même si les entreprises françaises font leur affaires en euros elles pourront être poursuivies et sanctionnées pour leurs activités aux Etats-Unis...

Première conséquence pour notre porte-monnaie, la flambée du cours du pétrole qui a atteint 77$ le baril le 9 mai. Cela pénalise les européens, mais pas Washington où l'extraction d'un baril coûte 65 dollars. Ce soir, les Américains sont déjà bénéficiaires. Autrement dit, la contestation jusque ici de l'accord nucléaire iranien par l'état d'Israël, seul, qui parlait d'un "très mauvais accord" (8), la reprise de ce discours par Donald Trump évoquant le "pire accord jamais conclu" par son pays, un Donald Trump qui a déjà déclaré Jérusalem, capitale d'Israël, à présent le jeu américain contre l'Iran, l'"escalade", sont mis au service de l'économie américaine. La mise en danger de l'équilibre et de la sécurité internationale, la guerre, n'est finalement qu'un outil parmi d'autres au service des intérêts exclusifs de la "grande démocratie" des Etats-Unis au détriment des "partenaires" et "alliés", qui de plus en plus ressemblent à des vassaux sans personnalité.

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