Depuis trois ans, Gilles habitait ce lieu solitaire, quand un jour Wamba, roi des Visigoths d'Espagne, vint chasser jusque dans les forêts voisines avec une suite nombreuse. La biche qui nourrissait le saint ermite, poursuivie par les chiens allait succomber; enfin, exténuée de fatigue, elle vint se jeter aux pieds de son maître. Gilles, ému jusqu'aux larmes, pria le Seigneur de protéger la vie de l'innocent animal. Une flèche, lancée par un chasseur, vint frapper la main de l'homme de Dieu et lui fit une blessure qui ne devait jamais guérir. La biche était sauvée, car le roi, plein d'admiration pour cet homme qui lui apparaissait avec l'auréole de la sainteté sur le front, donna ordre de cesser la poursuite. Wamba fit même bâtir là, à la demande de Gilles, un monastère, qui devint l'abbatiale Saint-Gilles, dans le Gard. Mentionnée dès 814, l’abbaye doit sa grande renommée au pèlerinage du tombeau de son fondateur légendaire, invoqué pour la libération des prisonniers et la guérison des infirmités et les maladies. Elle est aujourd'hui classée au titre des monuments historiques, et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
Devenu abbé, Saint Gilles conseilla les plus grands, pape et rois.
On raconte qu'un grand personnage (Charles Martel ou Charlemagne ?) lui avait demandé l'absolution pour un très grand péché (inceste). Alors que Saint Gilles célébrait la Messe, un ange plaça sur l'autel un parchemin où était consignée la faute. Au fur et à mesure du déroulement de l'office, les traces écrites du péché s'effacèrent sur le parchemin.
Après avoir dirigé quelques temps ce monastère, Gilles chercha de nouveau la solitude, et revint enfin terminer ses jours parmi ses chers religieux.
Saint Gilles est représenté avec une biche, poursuivie par des chasseurs, ou tantôt en abbé bénédictin, avec la crosse. On le représente aussi en Italie avec une fleur de lys (giglio signifiant "lys" en italien).
Sur son tombeau fut construite l'abbaye de Saint-Gilles-du-Gard, alors port de mer, étape de pèlerinage sur le chemin de Rome et de Compostelle. Gilles a toujours son tombeau dans la crypte de l'abbatiale.
Au "Moyen-Âge", le culte de Saint Gilles était très important, non seulement en Provence et dans le Languedoc mais dans la plupart des pays de la chrétienté. Il était surtout vénéré comme saint auquel on se confessait le plus volontiers, puisqu'il assurait l'absolution.
Son culte se répandit rapidement, de nombreux pèlerins venus des pays les plus lointains (Flandres, Danemark, Hongrie, Norvège, Pologne…) s'acheminèrent vers son tombeau, invoquant saint Gilles contre la peur et le feu, pour la guérison des maladies nerveuses et pour la protection des enfants.
La ville de Saint-Gilles, aussi appelée Saint-Gilles-du-Gard, doit son nom au célèbre abbé Gilles l'Ermite dont elle garde le tombeau; elle fut au XIIe siècle un des plus importants lieux de pèlerinage de la chrétienté. La ville connut alors un développement sans précédent. Aujourd’hui, même si le culte de Gilles est moins pratiqué, Saint-Gilles-du-Gard demeure une étape pèlerine sur le chemin de Saint-Jacques.
Des villes et des villages en France et à l'étranger portent son nom et plus de 2000 églises le désignèrent comme patron.
Patron des estropiés, on invoque saint Gilles contre le cancer, la folie, la stérilité des femmes et la protection des enfants.
Selon le livre V du Codex Calixtinus (une oeuvre collective due aux maîtres et étudiants de la cathédrale compostellane et dont des chapitres copiés sont attribués au pape Calixte II), probablement rédigé vers 1120-1130:
"Le digne corps de Saint Gilles, très pieux confesseur et abbé, doit aussi être visité avec le plus grand soin et vigilance : car le très saint Gilles, célèbre dans tous les climats de la terre, doit être aimé et invoqué par tous, et l'objet des supplications de tous. Après les prophètes et les Apôtres, personne parmi tous les autres saints n'est plus digne, personne n'est plus saint, personne n'est plus glorieux, personne ne vient plus vite au secours. C'est lui en effet, avant les autres saints, qui a l'habitude d'être le plus prompt à aider les nécessiteux, les affligés et les angoissés qui font appel à lui. Ô que la visite de son tombeau est œuvre belle et précieuse ! Le jour même, celui qui l'aura prié de tout son cœur sera sans aucun doute heureusement secouru.
"Cela même que je dis, je l'ai expérimenté : j'ai vu autrefois un homme qui, le jour où il l'invoqua échappa grâce à l'aide du saint confesseur de la maison d'un certain Peirot, cordonnier, dont la très vieille demeure s'effondra entièrement. Qui donc verra davantage son tombeau ? Qui adorera Dieu dans sa très sainte Basilique ? Qui embrassera le plus son sarcophage ? Qui baisera son vénérable autel ou qui racontera sa très pieuse vie ? Un malade revêt sa tunique et est en effet guéri; grâce à sa vertu indéfectible, un homme mordu par un serpent, est guéri; un autre, ravi par le démon, est libéré. Une tempête en mer s'arrête; la fille de Théocrite lui est rendue par une guérison longuement souhaitée; un malade de tout le corps, privé de santé, retrouve le bon étant si longtemps désiré; une biche qui était sauvage, domestiquée par ses pouvoirs devient familière; l'ordre monastique sous le patronage de cet abbé s'étend; un énergumène est délivré du démon; le péché de Charlemagne qui lui fut révélé par un ange est remise au roi; un défunt est rendu à la vie; un paralysé retrouve sa santé antérieure; mieux encore, deux portes en cyprès portant des représentations sculptées de princes des apôtres de la ville de Rome jusqu'aux portes du Rhône, parviennent sur les ondes marines, sans aucun gouvernail, par la seule puissance de son pouvoir. Mourir me dégoûte parce que je ne peux narrer toutes ces œuvres vénérables tant elles sont nombreuses et grandes." (Adeline RUCQOI, Le Voyage à Compostelle, du Xe au XXe siècle, Robert Laffont, Lonrai 2018, p. 30, 44-45.)