Aucun saint marquant, aucune grande initiative religieuse n'avait surgi depuis la mort de S. Bernard (1153). Saint Dominique de Guzman naît dans la Vieille-Castille en 1170, dans une famille de la noblesse espagnole. Il a deux frères : Antoine, probablement mort durant la bataille tragique d'Alarcos contre les Maures en 1195, et Mamès, un homme contemplatif et saint qui se fit religieux et suivit Dominique.
Sa mère, Jeanne, avant sa naissance, a une vision étrange; il lui semble voir l'enfant qu'elle va mettre bientôt au monde sous la forme d'un petit chien tenant un flambeau dans sa gueule et prêt à répandre le feu sur la terre.
L'enfance de Dominique est marquée par plusieurs autres présages merveilleux.
Jeune étudiant, il vivait déjà comme un saint. Il avait chaque jour ses heures fixées pour la prière, et souvent il était ravi en Dieu. Il jeûnait presque toujours, ne buvait jamais de vin, dormait fort peu et n'avait d'autre lit que le plancher de sa chambre.
Un jour, ayant tout donné, il dit à une femme qui lui demandait de l'argent pour racheter son frère captif: "Je n'ai ni or ni argent; mais prenez-moi et offrez-moi aux Maures en échange de votre frère." La proposition héroïque ne fut pas acceptée, mais Dominique en eut le mérite. Dans une maladie très grave, causée par son travail et ses austérités, il fut guéri soudain par l'apparition de saint Jacques le Majeur, Apôtre (+44).
En 1203, Dominique, ayant dû venir en France avec son évêque Diègue (Diego d'Osma), découvre dans la région toulousaine, l'hérésie des "bons hommes", les Albigeois, qualifiés de "cathares" au XIXe siècle. Dominique logeait à Carcassonne et, discutant toute la nuit des vertus de la vraie foi avec son aubergiste, cathare, il le convertit. L'hérésie cathare se composait d'un mélange de vieilles hérésies, comme la négation de l'Eucharistie et du baptême catholique, sur un fond de manichéisme asiatique importé en Europe par les marchands, les pèlerins et les missionnaires revenus des Croisades. Sa présence dans le sud de la France est attestée à partir de 1140. Selon son enseignement, l'univers est en proie à la lutte de deux principes également forts et également premiers : le bien et le mal. (Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 312.) Ce n'est pas Dieu qui a créé l'univers, c'est Satan. Toute réalité terrestre est marquée du signe du mal…
Le manichéisme qui avait été détruit par les arguments de S. Augustin à la fin de l'Antiquité, se présentait déjà au IVe siècle comme "une religion de la Lumière, une Eglise de la Justice, des Elus, des Justes, des Véridiques. [...] Mani (216-277) que les Latins et les Grecs ont appelé Manichée. […] Son enseignement était tout simplement la gnose de Marcion (que S. Polycarpe, le disciple de l'apôtre Jean, reconnut comme le "Fils aîné de Satan"), et de Basilide.
Le catharisme n'est pas original. Il insiste simplement avec une accentuation particulière sur un double principe du monde, l'existence d'un dieu bon et d'un dieu mauvais en conflit éternel et sur la réincarnation des âmes. (Etienne COUVERT, La Gnose universelle, De la Gnose à l'Oecuménisme, tome 3, Editions de Chiré, Chiré-en-Montreuil 1993, p. 14-15.) La Création tout entière est un mélange inextricable de bien et de mal. L'homme est divin, lumineux par l'âme, mais le corps, opaque, est porté vers le mal. Avec Mani, tout est simple... il faut aider le Bien contre le Mal, c'est-à-dire écarter de soi tout ce qui est matériel et diabolique. Au IVe siècle, le manichéisme apparut comme une sorte d'anarchisme spirituel propre à désagréger tous les principes les plus solides de l'éthique et de la vie. "Sinistre, intolérante, pour laquelle chaque péché était mortel et qui condamnait la joie" (Emile GEBHART), l'hérésie manichéenne, dans son expansion, rencontra partout de terribles obstacles, récusée comme hérésie et persécutée. L'Inde, après quelques mois d'essais de pénétration s'en débarrassa. Elle fut également chassée de Chine. En Turquie, les Kirghiz, ces stricts musulmans éliminèrent le dualisme manichéen. (DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome II Les Apôtres et les Martyrs, Librairie Arthème Fayard, Paris 1965, p. 402-403.) "Les lucifériens, c'est-à-dire les adorateurs du diable, étaient manifestement une variété de cathares qui croyaient à l'existence des deux principes moteurs de l'univers." (Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 422.)
Aux yeux des cathares, Jésus est un ange dont la vie terrestre n'a été qu'une illusion, le Christ n'a pas eu à ressusciter. La Vierge Marie était un pur esprit aux apparences humaines. La procréation, elle-même est criminelle : mettre un enfant au monde, c'est précipiter une nouvelle âme dans le royaume du Mal… Toutefois, certains "parfaits" admettent les relations charnelles; condamnant seulement l'institution du contrat et du sacrement de mariage, ils en viennent à prôner la liberté sexuelle. Ils faisaient eux-mêmes profession de chasteté perpétuelle, fuyaient avec horreur les moindres occasions d’impureté ; et cependant ils admettaient dans leur société les concubines des Croyants et les faisaient participer à leurs rites les plus sacrés, même lorsqu’elles n’avaient aucune intention de s’amender. Les "Croyants" eux-mêmes n’avaient aucun scrupule de conserver leurs maîtresses, tout en acceptant la direction des "Parfaits". On a dit que leurs doctrines rigoristes n’étaient qu’un masque sous lequel se dissimulaient les pires excès. Quiconque voulait être sauvé, devant se soumettre à la loi de la chasteté rigoureuse, le mari quittait la femme, la femme le mari, les parents abandonnaient les enfants, fuyaient un foyer domestique qui ne leur inspirait que de l’horreur ; car l’hérésie leur enseignait "que personne ne saurait se sauver en restant avec son père et sa mère. Il est inutile d’insister longuement sur les conséquences antisociales de la négation de la famille. Elle ne tend à rien moins qu’à supprimer l’élément essentiel de toute société (la famille), en faisant de l’ensemble de l’humanité une vaste congrégation religieuse sans recrutement et sans lendemain... Les autres engagements que prenaient les hérétiques en entrant dans la secte, allaient à l’encontre des principes sociaux sur lesquels reposent les constitutions de tous les états. Ils promettaient, au jour de leur initiation, de ne prêter aucun serment et niaient les sanctions sociales. La pure doctrine cathare déniait absolument à la société le droit de punir. C’était l’un des liens les plus solides que les Manichéens détruisaient ainsi, et en le faisant, ils avaient l’apparence d'anarchistes. Récusant l'Eglise, la famille, la propriété et le serment d'homme à homme, les cathares nient les fondements de l'ordre social. "Observant des rites initiatiques, obéissant à une hiérarchie secrète, ils présentent toutes les apparences d'une secte. Une secte qui contrevient ouvertement à la morale commune de l'époque". (Jean Sévillia, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 50-54). Henry Charles Lea, dans son Histoire de l’Inquisition, quoique protestant et ennemi de la religion catholique, a vu que le nihilisme des Albigeois marquait un retour à la barbarie, tandis que la doctrine chrétienne représentait la civilisation et le progrès. La victoire des Albigeois, c’était le déchaînement du fanatisme le plus terrible puisqu’il faisait gloire à l’homme de se suicider et un devoir à la famille de se dissoudre ; en les combattant, l’Eglise catholique défendit, avec la vérité dont elle est dépositaire, la cause de la vie, du progrès, de la civilisation.
Dominique de Guzman, décida de discuter en public et
A Montréal en 1206, suite à la réunion où lors d’une ordalie ("jugement de Dieu"), le libellus rédigé par Dominique lui est arraché des mains par les hérétiques qui le plongent dans le feu trois fois et ressort intact : il y eut (une toile de Pedro Berruguete illustre cet épisode parfaitement attesté dans les chroniques); à Pamiers en 1207, le président du débat se convertit avec ses compagnons vaudois.
L'homme qui gouverne ses passions est maître de son monde. Il faut les commander ou en être esclave. Il vaut mieux être un marteau qu'une enclume.
Dominique avait, dès le début, donné à sa fondation ses buts précis : la vie évangélique et la prédication.
ÉÉÉÉÉ
Mais les cathares multiplient les attentats contre l’Eglise, ils pillent les églises et les monastères, persécutent les catholiques, massacrent les prêtres et les moines. Saint Dominique manque de se faire tuer : il voit les hommes embusqués, et chante le Veni Creator, hymne au Saint-Esprit. Les cathares sont sidérés. Plus tard, ils lui demandent :
"Qu’aurais-tu fait, si nous t’avions pris ? – Je vous aurais demandé de prolonger mon martyre en me coupant un à un tous les membres… – Pourquoi ? – Pour que je sois plus semblable à Jésus-Christ mourant sur la Croix afin de sauver vos âmes."
La nuit, on entend Dominique répéter "Seigneur, ayez pitié de votre peuple ! Seigneur, que vont devenir les pécheurs ?"
En 1207, ce chemin conduira Dominique jusqu’à la région de Fanjeaux, entre Carcassonne et Castelnaudary, où il s’établira dans l’œil du cyclone, arrachant à l’influence des prédicateurs pauvres et évangéliques les jeunes filles cathares de la noblesse locale qu’il installe à Prouille, en fondant ainsi une première communauté féminine de dames revenues dans l'Eglise, qui veulent mener une vie dévouée à la prière et à la pénitence dans la chasteté. Cette première communauté féminine deviendra en 1211 l'Abbaye Sainte-Marie de Prouille. Une communauté de frères se développe à côté du monastère: des fidèles s'offrent à leur tour pour la mission. C'est le moment où, au XIIIe siècle, l'Occident connaît un puissant mouvement spirituel, appelé évangélisme, qui prône une fidélité totale à l'Evangile, une pauvreté radicale et l'annonce par la parole et l'exemple de la Bonne Nouvelle.
En janvier 1208, la mission de Dominique est menacée à la suite de l'assassinat du légat du pape, Pierre de Castelnau, derrière lequel se dresse l'ombre menaçante de Raymond VI, comte de Toulouse, fief de l'hérésie. Les limites sont franchies. Le Languedoc est envahi par l'armée de Simon de Montfort: c'est la croisade des Albigeois, justifiée, non seulement par les doctrines subversives des Albigeois, et par les outrages de toutes sortes que depuis cent ans ils avaient accumulés contre les catholiques, mais aussi par ce meurtre qui frappait l’Eglise catholique tout entière dans la personne d’un légat du Saint-Siège. Les moines rentrent dans leurs abbayes, Arnaud regagne Cîteaux, maître Raoul est mort, et Diego est reparti en Espagne. Dominique reste seul dans la région. Il lui reste la communauté rassemblée dans le monastère de Prouille, aux environs de Fanjeaux. Il y resta jusqu'en 1214.
Au printemps 1215, Dominique s'installe avec quelques frères à Toulouse.
Sentant son insuffisance pour évangéliser seul de si vastes contrées, narre le Bienheureux Alain de la Roche, c'est à cette époque que la Sainte Vierge lui apparut et lui enseigna définitivement, en lui ordonnant de la répandre, la dévotion du Rosaire (chapelets d'oraison) qui fut bientôt le plus terrible fléau de l'hérésie.
La récitation répétée de prières litaniques apparaît au IVe siècle; les ermites et les ascètes les matérialisent par de petits cailloux qu'ils portent dans un sac. En Occident, les petits cailloux sont bientôt remplacés par des graines séchées, passées dans un fil et réunies en couronne. Les laïcs récitent 150 Pater en analogie avec les 150 psaumes de la prière monastique. Vers 1050, les dévots ajoutent les premiers mots de la salutation angélique aux Pater, et récitent 150 Ave après les 150 Pater. L'ensemble des grains est appelé couronne de roses ou rosaire.
En 1213-1214, alors que S. Dominique prêchait en Espagne avec son frère Fra Bernardo, il fut enlevé par des pirates. La nuit de l'Annonciation de Marie (25 mars) une tempête détruisit le navire sur lequel ils étaient quand la Madone dit à Dominique que le seul salut à la mort pour l'équipage était de dire oui à sa Confrérie du Rosaire, donc les pirates avec les Dominicains à bord pour être les premiers membres. Depuis, le Rosaire est devenu la prière la plus populaire pour combattre les hérésies et, au fil des décennies, l'une des prières catholiques les plus traditionnelles.
On reconnait traditionnellement quinze mystères divisés en trois catégories : les mystères joyeux, les mystères douloureux, et les mystères glorieux. Chaque catégorie comprend cinq mystères, correspondant aux cinq dizaines du chapelet. Ceci permet de réciter une fois en entier le chapelet pour chaque catégorie de mystère, et trois fois le chapelet pour faire tous les mystères joyeux, douloureux et glorieux- soit un rosaire entier, composé de 15 dizaines, ou 150 prières (150 étant le nombre des psaumes).
Désormais, lui, le grand marcheur qui sillonnait les routes du Lauragais va devenir le globe-trotter de l’Europe. Il avait déjà fait deux fois le trajet de l’Espagne au Danemark en passant par Rome, mais cette fois-ci il se dirigera à deux reprises vers Rome, fin 1215 et fin 1216. Il en reviendra avec une bulle d’approbation du pape Honorius III, datée du 22 décembre 1216. Désormais son ordre devient universel et il décide d’abandonner Toulouse, ses pas le conduiront vers Paris, Madrid, Salamanque, Bologne...
Personne ne peut le retenir, le plus déçu dans l’affaire sera son protecteur l’évêque Foulques : "ce fut contre la volonté du comte de Montfort, de l’archevêque de Narbonne, de l’évêque de Toulouse, de l’évêque de Toulouse, et le mien propre", dit-il pour justifier cet arrachement, "je sais ce que je fais !"
Parmi les miracles quotidiens que Dieu opérait en sa faveur, on rapporte que, dans ses voyages, la pluie tombait souvent autour de lui sans l'atteindre; qu'un jour, son sac et ses livres, étant tombés dans une rivière, furent repêchés plusieurs jours après, sans qu'on y vît aucune trace d'eau.
A l'occasion de l'ouverture le 11 novembre 1215 à Rome du IVe concile dans la basilique Saint-Jean-de-Latran en présence de quelques quatre cents évêques, Dominique fit le voyage de Rome pour obtenir l'approbation de l'Ordre des Frères-Prêcheurs. C'est là, alors qu'ils ne se connaissaient pas et ne se seraient pas rencontrés dans le tohu-bohu de ces quelques mille cinq cents personnes, qu'ils se reconnurent, s'embrassèrent comme deux frères et lièrent une amitié profonde qui dura jusqu'à la mort. S. Dominique rencontra François d'Assise, qu'il avait vu en songe. Dans cette vision, S. Dominique vit Jésus irrité contre le monde qui a perdu la foi et vit dans le péché. Pour l'apaiser la Vierge lui présente deux hommes dont la sainteté, lui dit-elle, est à même de racheter la mauvaise conduite des autres qui, par eux, retrouveront la voie de la vérité. Il se reconnaît dans l'un de ces hommes. Il se demande qui pourrait bien être l'autre qui a l'air d'un mendiant, vêtu d'une simple tunique de bure. Le lendemain, dans une église dont la tradition n'a pas conservé le nom, S. Dominique reconnaît, habillé comme il l'avait vu dans son extase, ce deuxième homme que la Vierge recommandait si chaleureusement au Christ. S. Dominique se serait précipité vers S. François et l'aurait serré dans ses bras en lui disant : "Vous êtes mon compagnon, vous marcherez avec moi, tenons-nous ensemble et nul ne pourra prévaloir contre nous."
Dominique opérait une multitude de miracles, ressuscitait les morts, et se disait: "le plus grand pécheur de l'univers".
La fondation de Prouille (1207) avait précédé de huit ans la création de la première communauté masculine à Toulouse (1215). A l'été 1217, Dominique envoie des frères à Paris pour étudier et établir un couvent placé sous le patronage de S. Jacques qui vaudra aux Dominicains français le surnom de Jacobins. D'autres partent pour l'Espagne ou pour l'Italie.
C'est lors du chapitre général de Bologne de 1220 que Dominique impose à ses frères prêcheurs le renoncement aux possessions et aux revenus, au profit d'un abandon à la providence divine. La même année 1220, des prêcheurs sont envoyés en Suède, en Angleterre, en Hongrie, au Danemark, en Pologne et peut-être aussi en Grèce.
Mais l'été 1221, Dominique, épuisé, tombe malade à Bologne et assure aux frères qu'il leur sera plus utile mort que vivant. Il meurt le 6 août 1221. Dès 1223, une enquête officielle sur sa sainteté et ses miracles recueille de nombreux témoignages à Bologne et dans la région toulousaine. Au terme du procès, Dominique est canonisé à Rieti le 3 juillet 1234. L'ordre s'étend sur l'Europe entière. Les provinces périphériques sont des bases d'action missionnaire pour les pays païens, musulmans, ou séparés de Rome. Dès le XIIIe siècle, des laïcs s'assemblent autour des couvents dominicains et franciscains.
En 1303, l'Ordre compte près de 10000 religieux. Il en compte 6000 aujourd'hui. Contemplation, étude et prédication sont les raisons de son succès. L'acharnement des dominicains à étudier pour comprendre, réfuter et témoigner explique aussi le succès des prêcheurs. C'est dans le public étudiant que les premiers frères ont cherché des vocations et ce fut en collaborant avec l'université de Paris qui naquit en leur temps, que les Dominicains ouvrirent de nouveaux chemins à l'intelligence de la foi. La scolastique s'offrait comme une méthode d'investigation du réel d'une extraordinaire fécondité.
Sa fête liturgique est fixée au 5 puis au 4 août. Elle est transférée au 8 août après Vatican II.
Postérité
La traduction en latin des auteurs grecs a eu lieu "non à la Renaissance mais aux siècles précédents par de pieux érudits monastiques. En effet, 'entre 1125 et 1200, une véritable vague de traduction vers le latin avait rendu accessibles les écrits grecs, une vague qui allait enfler encore au XIIIe siècle' (Grant, 1996, 23) - ce qui est largement attesté par les catalogues des bibliothèques monastiques survivantes, qui remontent jusqu'au XIIe siècle et révèlebt l'ampleur de leurs fonds en auteurs classiques. [...] L'essor de la science fut inséparable de la théologie chrétienne" (Rodney STARK, Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019, p. 100-101.)
Au XIIIe siècle, on attendra de l'Ordre de S. Dominique une parole qui mène à Dieu mais qui fera droit à la raison comme l'enseignera S. Thomas d'Aquin (1225-1274) qui naîtra quatre ans après la disparition du fondateur (1221) et occupera une place particulière, à la fois comme un maître et un frère; l'Aquinate exercera son influence sur les universités de Paris, de Bologne et d'Oxford.
À partir de 1230, les œuvres d'Aristote, principales représentantes de la scolastique (philosophie développée et enseignée au "Moyen-Âge" dans les universités), sont traduites du grec en latin par le dominicain allemand Albert le Grand, véritable introducteur de la pensée du philosophe, et par Guillaume de Moerbeke, secrétaire de Thomas d'Aquin, et introduites dans les universités.
"La scolastique des XIIe et XIIIe siècles porte un esprit nouveau, celui des écoles avec leur intérêt pour la science, la philosophie. La tradition chrétienne est relue au prisme d'Aristote. La nature, le monde sont réinvestis, valorisés. Il existe une physique qui a ses lois propres, que l'on peut comprendre par la raison, sans avoir besoin de s'en référer à Dieu, et qui sert de base à un ordre politique naturel qui a lui aussi son autonomie, même s'il dépend en dernier ressort des normes divines." (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 189.)
"Ce sont les érudits de l'Église qui, bien avant la Renaissance (au XIVe siècle), ont réintroduit les études classiques, en admettant qu'elles aient jamais été perdues." (Rodney STARK, Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019, p. 88-89.)
"Aristote, Platon, Euclide, Sophocle, Aristophane et autres coryphées de l'enseignement et de la littérature classiques..., cet héritage avait été pleinement restauré bien avant la Renaissance, avec un développement clé : la traduction en latin des écrits de ces auteurs, étant donné que le grec n'était plus le langage intellectuel de la chrétienté... Ils ont été traduits non à la Renaissance, mais aux siècles précédents par de pieux érudits monastiques. En effet, entre 1125 et 1200, une véritable vague de traduction vers le latin avait rendu accessibles les écrits grecs, une vague qui allait enfler encore au XIIIe siècle, ce qui est largement attesté par les catalogues des bibliothèques monastiques survivantes, qui remontent jusqu'au XIIe siècle et révèlent l'ampleur de leur fonds en auteurs classiques." (Rodney STARK, Faux Témoignages, Pour en finir avec les préjugés anticatholiques, Salvator, Paris 2019, p. 99-100.)
"Dans un autre domaine, celui des grands centres artistiques qui utilise les innovations du langage pictural au service de sa vision du monde, (au XIVe siècle)... Rome est tout autant un centre des débuts de la Renaissance que Florence. (Thomas TANASE, Histoire de la papauté d'Occident, Gallimard, Folio Inédit Histoire 2019, p. 187-188.)
Dans l'histoire de l'ordre dominicain, on trouvera des artistes comme Jean de Fiesole (1387-1455), dit Fra Angelico (le Frère Angélique), qui, même devenu prieur de sa communauté, continue d'exercer son ministère par la peinture; des grands prédicateurs comme Vincent Ferrier (1350-1419); des visionnaires comme Bartolomé de Las Casas (1484-1566), défenseur et protecteur des Indiens; ou des mystiques comme Rose de Lima (1586-1617), Patronne du Pérou, de l'Amérique du Sud et des Philippines.
En 1790, un décret révolutionnaire supprime les Dominicains. Ils ne renaissent en France qu'en 1850 grâce à la volonté d'Henri Lacordaire (1802-1861).
Plus tard, Marie-Joseph Lagrange, qui fondera à Jérusalem, l'Ecole pratique d'études bibliques (Ecole Biblique), et dont la cause en béatification est en cours à Rome, sera le "saint Thomas de la question biblique".
Aujourd'hui, l'actuelle province de Toulouse est l'héritière des anciennes provinces médiévales de Provence et de Toulouse. Elle a en héritage trois lieux historiques et spirituels importants pour l'Ordre : Fanjeaux (lieu de prédication de Dominique, fondation des moniales); Toulouse (fondation de la première communauté); et la Sainte-Baume, sanctuaire de sainte Marie-Madeleine où l'Ordre est présent depuis sept siècles.
L'Ordre de S. Dominique qui se maintient en France dans ses deux provinces, est en expansion aux Etats-Unis, en Afrique et en Asie.
Sources: (1);(2); (3); (4); (5) Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012; (6) Emile CHAVANT DE MALAN, Vie de S. François, Debécourt libraire-éditeur, 1841, p. 103. Cf aussi John MOORMAN'S, A History of the Franciscan Order, Franciscan Herald Press, 1988, p. 29, note 2, in Virgil TANASE, Saint François d'Assise, Gallimard Folio Biographies, Malesherbes 2015, p. 162-163; (7) 800e anniversaire : Qui sont les Dominicains ?, Revue La Nef, N° 274 – Octobre 2015; (8) Les Dominicains, 800 ans de prédication, in Histoire du Christianisme Magazine, bimestriel novembre - décembre 2015, n° 78, p. 30, 31; (9) F. FICARRA, Les Dominicains, éd. de Vecchi, Paris 2005; (10); (11) Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011, p. 48.