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12 mai 2009 2 12 /05 /mai /2009 17:22
Homélie prononcée lors des fêtes johanniques à Orléans
le vendredi 8 mai 2009


Après avoir quitté Blois et roulant vers Orléans pour vous rejoindre, Frères et Sœurs, je ne pouvais pas ne pas penser à la cavalcade conduite par Jeanne tenant son cher étendard et chantant le Veni Creator.
De Blois, elle partait au secours d’Orléans assiégé, avec une autorité qui confondit Dunois, alors lieutenant du roi pour l’Orléanais. Elle avait mieux que lui trouvé le bon angle d’attaque et sommé par lettre le sire de Talbot de retourner au royaume d’Angleterre « sinon elle attaquerait rudement ». Jeanne ne voulait pas d’effusion de sang. Jeanne voulait rendre aux Orléanais leur liberté, leur dignité.
Aujourd’hui, en ce terroir, Jeanne n’est pas oubliée. Tout Orléans est là : les uns défilent, les autres regardent… unis dans le souvenir, la gratitude, la curiosité aussi. Jeanne d’Arc est singulière, hors norme. C’est pourquoi, beaucoup ont élucubré à son sujet et continuent encore : la croire fille de roi, affabulatrice bien sûr, voire sorcière et même nier sa mort sur le bûcher.
Or, le procès de condamnation et celui de réhabilitation nous la présentent lorraine et chrétienne. La mission assurément est peu commune mais marquée du sceau de l’authenticité : une mission ne se donne pas, elle se reçoit et s’accomplit dans le discernement.
Chrétienne, Jeanne le fut avec des moments de lumière et des heures de doute. Depuis son baptême, Jeanne appartient au Christ et c’est dans ce rapport que se dévoile le mystère de sa vie. Les passages de l’Écriture retenus pour sa fête fondent la pertinence de ses voix et l’audace de son action. En Jeanne, la foi et la raison s’interpellent, se conjuguent, dialoguent et réalisent la vocation la plus inouïe qui soit.
« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive » (Mt. 16, 24).
La feuille de route est rude : quitter son pays, faire sacrer le dauphin Charles, forcer l’anglais à lâcher prise.
Alors la liturgie de ce jour, s’inspirant du livre de la Sagesse, place ces mots prophétiques sur les lèvres de Jeanne :
« J’ai résolu d’amener la Sagesse à partager ma vie, car je savais qu’elle serait ma
conseillère dans le bonheur, mon réconfort dans les soucis et dans la tristesse. Grâce à
elle, j’aurai l’honneur auprès des anciens malgré ma jeunesse. Au tribunal on
reconnaîtra la vivacité de mon esprit… Grâce à la Sagesse, je laisserai un souvenir
éternel, je montrerai ma bravoure à la guerre…
» (Sg. 8, 9-15)
La Sagesse n’a rien à voir avec une idéologie aliénante. La Sagesse désigne l’esprit de Dieu qui sans cesse façonne à sa ressemblance l’être qui librement s’abandonne à lui.
Jeanne a une conviction « A Dieu rien d’impossible » (Lc 1, 37). Alors, sa devise est « Notre Seigneur, premier servi ». Ces quatre mots sont à eux seuls le commentaire du Pater que lui avaient appris sa mère Isabelle Romée et Me Minet son curé.
Le service de Dieu et l’amour du prochain ne font qu’un. Il faut relire ce bref dialogue du procès :
« Savez-vous si vous êtes dans la grâce de Dieu ?
Si je n’y suis, Dieu m’y mette ; et si j’y suis, Dieu m’y tienne. Je serais la plus dolente du monde si je savais n’être pas en la grâce de Dieu. Et si j’étais en péché, je crois que la voix ne viendrait pas à moi. Et je voudrais que chacun l’entendît aussi bien comme moi ».
Jeanne par cette dernière phrase exprime son désir d’associer les autres aux grâces qu’elle a reçues. Sa mission serait accomplie si Français et Anglais pouvaient chanter ensemble.
« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps. 84, 11).
La quête de la vérité, de la justice et de la paix motive l’action de Jeanne d’Arc. Une force intérieure l’aide à déjouer les pièges qu’on lui tend. Elle a l’étoffe d’un stratège, d’un décideur politique. Sa science procède des deux noms peints sur son étendard, fabriqué à Tours et béni à Saint-Sauveur de Blois : « Jesus Maria ». Imiter Jésus en donnant sa vie par amour. Être comme Marie la servante du Seigneur par amour. Seul l’amour est digne de foi. C’est au nom de l’amour qui émanait de tout son être que l’on a cru à son message, c’est au nom de l’amour que ceux qui, un temps, avaient préféré les ténèbres à la lumière, ont réhabilité Jeanne dans sa dignité de fille de Dieu.
Beaucoup d’entre vous se souviennent sans doute que le 19 octobre 1997, Jean-Paul II proclama sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, docteur de l’Église universelle. La lettre du pape débute ainsi :
« La science de l’amour divin que répand le Père de toute miséricorde, par Jésus Christ
en l’Esprit Saint, est un don accordé aux petits et aux humbles afin qu’ils connaissent et
qu’ils proclament les secrets du Royaume cachés aux sages et aux savants ; pour cela,
Jésus a exulté dans l’Esprit Saint, bénissant le Père, qui en a ainsi disposé » (Mt. 11,
25).
« La science de l’amour divin », Jeanne l’a éminemment pratiquée et enseignée ; c’est pourquoi, il semblerait juste et bon que Jeanne d’Arc soit déclarée docteur de l’Église universelle, rejoignant ainsi Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Thérèse de Lisieux.
Si ce souhait se réalisait, il faudrait que le titre de docteur honoris causa d’Orléans lui fût aussi décerné conformément au récent accord sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur, signé conjointement par la République Française et le Saint Siège le 18 décembre 2008. J’ose croire aussi que l’École nationale d’administration, Sciences Po, les écoles militaires et le Cadre Noir – elle fut une bonne cavalière - s’honoreraient d’avoir en Jeanne d’Arc un patronage aussi dynamique que séduisant. En Jeanne, les responsables de notre pays peuvent trouver le comportement juste pour assurer la conduite de l’Etat, la cohésion sociale, le service des pauvres et des démunis. Le défi est lancé et ne relève pas de l’utopie.
C’est avec gravité que je fais ce plaidoyer en faveur du doctorat de Jeanne car nos Universités sont dans une situation gravissime et entament la confiance des jeunes, des familles, des entreprises déjà malmenées par la crise. Jeanne, viens à notre secours ! Tu avais vingt ans quand tu pris d’autres barricades ! Jeanne, sois source d’espérance et de confiance pour les jeunes !
Les fêtes johanniques pérennisent l’honneur retrouvé. Jeanne est fille de France et aucun parti ne peut s’en prévaloir. Orléans demeure pour la France, selon l’heureuse expression de Denis Tillinac, « comme une capitale supplétive » où, depuis 580 ans, les habitants, l’espace d’un 8 mai, vivent au rythme de la passion de Jeanne pour son pays.
La devise de Jeanne « Notre Seigneur, premier servi » rejoint celle de la France « Liberté, égalité, fraternité ».

Mgr Maurice de GERMINY, évêque de Blois
Via le Forum catholique
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