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Christ Roi

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 09:24

Le professeur Roberto de Mattei nous alerte sur les évènements actuels dans l'Eglise et le monde, par le biais d'une parabole tirée de l'Histoire, le Sac de Rome par les troupes de Charles-Quint, en 1527.

Le sac de Rome, gravure de Martin van Heemskerck (1527).

Le sac de Rome, gravure de Martin van Heemskerck (1527).

Le Professeur Roberto de Mattei a écrit un article "Le Sac de Rome. Un châtiment miséricordieux" et qui a été traduit et publié par le site "Benoît-et-moi".

 

"Dans son dernier billet, Roberto de Mattei nous alerte sur les évènements actuels dans l'Église et le monde, par le biais d'une parabole tirée de l'Histoire, le Sac de Rome par les troupes de Charles-Quint, en 1527. Et il ne craint pas de parler de "châtiment divin".

J'ai personnellement été frappé de voir qu'avant les terribles événements du sac de Rome de 1527, "il y avait eu des avertissements comme, par exemple, un éclair de foudre tombé sur le Vatican".

Bien qu'il soit difficile de donner l'interprétation exacte d'un tel phénomène, nous sommes en droit de penser qu'il s'agit là d'un signe annonciateur de grands troubles et de la colère qui vient.

Voici donc le texte du Professeur de Mattei :



Le sac de Rome. Un châtiment miséricordieux

1er décembre 2015

"L'Eglise vit une époque d'égarement doctrinal et moral. Le schisme a explosé en Allemagne, mais le pape ne semble pas réaliser l'ampleur de la tragédie. Un groupe de cardinaux et d'évêques a préconisé la nécessité d'un accord avec les hérétiques. Comme il arrive toujours dans les pires heures de l'histoire, les événements se succèdent très rapidement.

Le dimanche 5 mai 1527, une armée descendue de Lombardie atteignit le Janicule. L'empereur Charles-Quint, rendu furieux par l'alliance politique du pape Clément VII avec son adversaire, le roi de France François Ier, avait envoyé une armée contre la capitale de la chrétienté. Ce soir-là, le soleil se coucha pour la dernière fois sur la beauté éblouissante de la Rome de la Renaissance. Environ 20 mille hommes, italiens, espagnols et allemands, dont les mercenaires lansquenets, de confession luthérienne, se préparent à prendre d'assaut la ville éternelle. Leur commandant leur avait donné la permission de piller. Toute la nuit, la cloche du Capitole sonna à la volée pour appeler les Romains aux armes, mais il était trop tard pour improviser une défense efficace. A l'aube du 6 mai, à la faveur d'un épais brouillard, les lansquenets se ruèrent à l'assaut des murs, entre Sant'Onofrio al Janicolo et Santo Spirito in Sassia (deux églises romaines). Les gardes suisses se rassemblèrent autour de l'obélisque du Vatican, décidés à rester fidèle à leur serment jusqu'à la mort. Les dernier d'entre eux furent sacrifiée sur l'autel de la basilique Saint-Pierre. Leur résistance permit au pape de prendre la fuite, avec quelques cardinaux. A travers le Passetto del Borgo, un passage reliant le Vatican au Chateau Saint-Ange, Clément atteignit la forteresse, seul rempart resté contre l'ennemi. Du haut des gradins le pape assista au terrible carnage commencé avec le massacre de ceux qui avaient afflué vers les portes du château pour trouver un abri, tandis que les malade de l'hôpital Santo Spirito in Sassia étaient truicidés à coups de lance et d'épée .

La licence illimitée de voler et de tuer dura huit jours et l'occupation de la ville, neuf mois. «L'enfer n'est rien en comparaison de l'aspect qu'a maintenant Rome», lit-on dans un rapport vénitien du 10 mai 1527, repoduit par Ludwig von Pastor.

Les religieux furent les principales victimes de la fureur des lansquenets. Les palais des cardinaux furent pillés, les églises profanées, des prêtres et des moines tués ou faits esclaves, les religieuses violées et vendues sur les marchés. On vit des parodies obscènes de cérémonies religieuses, des calices de messe utilisés pour s'enivrer parmi les blasphèmes, des hosties consacrées rôties dans des poêles et données en nourriture aux animaux, des tombeaux de saints violés, les têtes d'apôtres, comme celle de Saint André, utilisées pour jouer à la balle dans les rues. Un âne fut revêtu d'habits ecclésiastiques et conduit à l'autel d'une église. Le prêtre qui refusa de lui donner la communion fut mis en pièces. La ville fut outragée dans ses symboles religieux et dans ses souvenirs les plus sacrés.

Clément VII, de la famille des Médicis n'avait pas répondu à l'appel de son prédécesseur Adrien VI pour une réforme radicale de l'Eglise. Martin Luther répandait ses hérésies depuis dix ans, mais la Rome des Papes continuait à être immergée dans le relativisme et l'hédonisme. Les Romains, toutefois, n'étaient pas tous corrompus et efféminés, comme semble le croire l'historien Gregorovius. Ces nobles, tels Jules Vallati, Giambattista Savelli et Pierpaolo Tebaldi, qui, hissant une bannière avec l'enseigne "Pro Fide et Patria", opposèrent l'ultime résistance héroïque au Pont Sixte (pont sur le Tibre) ne l'étaient certes pas; pas non plus les élèves du Collège Capranica, qui accoururent et moururent au Pont Saint-Esprit pour défendre le pape en danger. A cette hécatombe l'institution ecclésiastique romaine doit le titre de "Almo". Clément VII se sauva et gouverna l'Église jusqu'en 1534, affrontant, après le schisme luthérien, celui anglican, mais avoir assisté sans pouvoir rien faire au pillage de la ville, fut pour lui plus dur que la mort elle-même.

Le 17 Octobre 1528, les troupes impériales abandonnèrent une ville en ruines. Un témoin oculaire, un Espagnol, nous offre un tableau terrifiant de la ville un mois après le sac: «A Rome, capitale de la chrétienté, aucune cloche ne sonne plus, aucune église n'est ouverte, on ne dit plus de messe, il n'y a plus ni dimanche ni jour de fête. Les riches boutiques des marchands servent d'écuries pour les chevaux, les plus splendides palais sont dévastés, de nombreuses maisons ont été incendiées, d'autres réduites en pièces, privées de portes et de fenêtres, les rues sont transformées en fumier. C'est l'horrible puanteur des cadavres: les hommes et les bêtes ont la même sépulture; dans les églises, j'ai vu des cadavres rongés par les chiens. Je ne trouve rien d'autre à comparer à cela, sauf la destruction de Jérusalem. Maintenant, je reconnais la justice de Dieu, qui n'oublie pas, même si elle vient tard. A Rome se commettaient ouvertement tous les péchés: sodomie, simonie, idolâtrie, hypocrisie, tromperie; c'est pourquoi nous ne pouvons pas croire que cela soit arrivé par hasard. Mais par la justice divine».

Le Pape Clément VII commanda à Michel-Ange le Jugement Dernier dans la Chapelle Sixtine comme pour immortaliser le drame que l'Église de Rome avait subi durant ces années,. Tous comprirent qu'il s'agissait d'un châtiment du Ciel. Il y avait eu des avertissements, comme [par exemple] un éclair de foudre tombé sur le Vatican et l'apparition d'un ermite, Brandano da Petroio, vénéré par les foules comme «le fou du Christ», et qui le jour du Jeudi Saint 1527, tandis que Clément VII bénissait la foule à Saint-Pierre, avait crié: «bâtard sodomite, pour tes péchés Rome sera détruite. Confesse toi et convertis toi, parce que dans 14 jours, la colère de Dieu s'abattra sur toi et sur la ville».

L'année précédente, fin août, les armées chrétiennes avaient été défaites par les Ottomans sur le champ de Mohács. Le roi de Hongrie Louis II Jagellon mourut dans la bataille et l'armée de Soliman le Magnifique occupa Buda. La vague islamique semblait inexorable en Europe.

Et pourtant, l'heure du châtiment fut, comme toujours, l'heure de la miséricorde. Les hommes d'église réalisèrent à quel point, follement, ils avaient poursuivi l'attrait du plaisir et de la puissance. Après le terrible sac, la ville changea profondément. La Rome jouisseuse de la Renaissance se transforma en la Rome austère et pénitente de la Contre-Réforme.

Parmi ceux qui souffrirent du Sac de Rome, figurait Gian Matteo Giberti, évêque de Vérone, mais qui résidait alors à Rome. Emprisonné par les assiégeants, il jura qu'il n'abandonnerait jamais sa résidence épiscopale, s'il était libéré. Il tint parole, retourna à Vérone et il se consacra avec toutes ses énergies à la réforme de son diocèse, jusqu'à sa mort en 1543. Saint-Charles Borromée, qui sera le modèle des évêques de la Réforme catholique s'inspirera de son exemple.

Etaient également à Rome Carlo Carafa et saint Gaétan de Thiene qui, en 1524, avaient fondé l'ordre des Théatins, un institut religieux raillé pour sa position doctrinale intransigeante et pour l'abandon à la divine Providence au point d'attendre l'aumône sans jamais la demander. Les deux co-fondateurs de l'ordre furent emprisonnés et torturés par les Lansquenets et échappèrent miraculeusement à la mort. Lorsque Carafa devint cardinal et président du premier tribunal de la Sainte Inquisition romaine et universelle, il voulut à ses côtés un autre saint, le père Michele Ghislieri, un dominicain. Les deux hommes, Carafa et Ghislieri, sous les noms de Paul IV et de Pie V, seront les deux papes par excellence de la Contre-Réforme catholique du XVIe siècle. Le Concile de Trente (1545-1563) et la victoire de Lépante contre les Turcs (1571) démontrèrent que, même dans les heures les plus sombres de l'histoire, avec l'aide de Dieu, la renaissance est possible:, mais aux origines de cette renaissance, il y avait eu le châtiment purificateur du Sac de Rome."

Source

via Le Forum catholique

Châtiment divin : un éclair avait frappé le Vatican
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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 12:14

Merci à Claire Colombi pour cette lumineuse conférence.

"La fabrication de la légende noire du Moyen-Âge" par Claire Colombi

L'historienne médiéviste Claire Colombi continue de lever le voile sur les mensonges bien établis au sujet de l'histoire de la France médiévale dans le cursus scolaire depuis le plus jeune âge.

Extrait :

 

"On va commencer le Moye Âge à la Chute de Rome en 476. On va mettre mille ans jusqu'à la fin du Moyen Âge, en 1453 : fin de la Guerre de Cent Ans, chute de Constantinople, découverte de l'Amérique (1492), et Prise de Grenade.

 

On va rentrer dans la 'période moderne' jusqu'à la Révolution française.

 

Et à partir de la Révolution française, on va appeler cela la 'période contemporaine'.

 

La 'Renaissance', au XVe et XVIe siècle.  C'est la période qui a vu la plus grande guerre civile de l'Europe entre catholiques et protestants, la folie de la chasse aux sorcières, et le plus grand génocide de l'histoire en terme de nombre avec la dévastation du continent américain, mais il continue à jouir quand même d'une image - dans le public -, d'un progrès en marche. Il n'y a que les historiens médiévistes qui ont écrit des livres pour dénoncer les mensonges sur toute la période.

 

Mon travail est inspiré de Régine Pernoud (1909-1998). Et notamment ses ouvrages 'Lumière du Moyen Âge, Beauté du Moyen Âge' (1ère éd. 1944), et 'Pour en finir avec le Moyen Âge' (1977). Ensuite, Jacques Heers (1924-2013), 'Le Moyen-Âge, une imposture' (1992). Et aussi les travaux qui avaient beaucoup inspiré Régine Pernoud, de Gustave Cohen (1879-1958), 'La Grande clarté du Moyen-Âge' (1943) - 'est pour cela que Régine Pernoud écrivit son livre 'Lumière du Moyen-Âge' - qui lui était un passionné d'art et de culture du Moyen-Âge.

 

L'idée que l'Antiquité a été oubliée est un mensonge d'une malhonnêteté d'un point de vue intellectuel. Les oeuvres des troubadours font constamment référence au bouillant Achille, à l'Illiade, ou à Alexandre le Grand. Et surtout ceux qui ont permis que cette transmission de la mémoire se fasse, c'est les copistes. qui ont écrit dans leurs scriptorium (Les scriptoria les plus célèbres sont ceux qui se sont développés à l'époque carolingienne et ont permis la transmission des textes de l'Antiquité classique, ouvrant la période appelée la "Renaissance carolingienne". Ndlr.)

 

Régine Pernoud écrit tellement bien que je ne peux pas passer par-dessus elle : 

... Pour trouver un véritable épanouissement de l'esprit français, une littérature pure et dépouillée de tout emprunt, il faut recourir au Moyen Âge. S'obstiner à ne rien voir au-delà de la Renaissance, c'est se mutiler de la plus authentique manifestation du génie de notre race. C'est, au surplus, ignorer une époque pendant laquelle, précisément, la civilisation des lettres françaises fut imitée dans toute l'Europe.

Aujourd'hui, on a évacué le Roman de Renart, les chansons de geste, telle que Roland de Roncevaux, Tristan et Iseut, le Roman de la Rose, les Romans Arthur et ce que l'on appelle la Matière de Bretagne, les poèmes de Rutebeuf (1230-1285) et de François Villon (1431-1463). En fait, la poésie chantée des Troubadours et des Trouvères. Elle était très complexe et très riche d'un point de vue de la forme. Ils avaient des formes fixes qu'on appelait virelais, rondeaux, avec des jeux de mots liés à l'homophonie, etc. Et à côté de cette complexité et de cette diversité, le sonnet, la forme poétique reine de la 'Renaissance', au XVI et XVIIe (Ronsard, par exemple) est vénérée pour sa simplicité, son élégance et son style épuré. Mais, techniquement, c'est un appauvrissement. Cette volonté d'épuration du style, d'un strict point de vue technique, est un appauvrissement.

 

(A la 'Renaissance', à propos de) cette idée de pureté originelle et de dévoiement culturel, ce qui s'est passé, c'est que cette manière de penser à été récupérée par des gens qui se sont dit 'on va revenir à la pureté originelle de l'Ancien Testament', et on va se débarrasser de tout cela, et en fait, c'est la Réforme protestante. C'est-à-dire que cette contestation culturelle devient une contestation religieuse.

Et c'est la Réforme protestante qui fantasme une lumière de l'Evangile qui se serait obscurcie.

 

De la même manière qu'on avait un 'humaniste' qui disait on avait un latin de Cicéron qui était magnifique et qui, au fil du temps, s'est perdu, les protestants arrivent derrière et disent on avait une lumière de l'Evangile qui était magnifique et la papauté a dit n'importe quoi et on a perdu le sens. Et donc, rappelez-vous la définition du dictionnaire (sur le Moyen Âge) 'hégémonie de l'Eglise'....

 

Donc, les protestants ont participé à cette dénonciation de la papauté.

 

Et, s'agissant de l'imprimerie inventée vers 1450, toutes les imprimeries privées, dans les trente ans qui viennent, tombent aux mains des protestants. Ils ont le pouvoir de la presse, et ils vont imprimer des pamphlets anticatholiques, des livres qui ont été interdits. Et vraiment, ils prennent le contrôle de l'information.

 

Et c'est pour cela qu'on a beaucoup d'écrits anti-Eglise de cette époque.

 

Ce n'est pas le peuple qui est contre l'Eglise, c'est les protestants qui tiennent la presse.

 

Tout ce qui nous est resté d'imprimé, c'était eux.

 

Et je pense qu'un des mensonges les pires, c'est ce qui concerne le 'Marteau des Sorcières' (Malleus Maleficarum), qui a été écrit par deux dominicains sur ordre du Pape et qui explique comment torturer les sorcières, il y a tout un passage sur le fait que les femmes portent le péché par rapport à Eve - enfin, c'est un livre assez abominable -, qui a servi aux juges laïques de la chasse aux sorcières.

 

Et on dit, il a été demandé par le Pape. Des dominicains l'ont écrit, c'est bien la preuve que l'Eglise est impliquée là-dedans.

 

Quand le Pape a lu cela, il a failli tomber dans les pommes, il a frappé le livre d'interdiction qu'on le publie. Et qui a continué, années après années à le publier ?

 

Ce sont les protestants.

 

C'est-à-dire que le Pape interdit (ces livres) et, aujourd'hui, on dit vous voyez c'est bien la preuve que le Pape était d'accord !...

 

Alors qu'on a les Bulles pontificales qui ont été réitérées.

 

C'est-à-dire que les papes successifs ont redit qu'ils ne voulaient pas que ce livre soit imprimé... Et de toutes façons les protestants continuaient à l'imprimer.

 

Et le fameux Keller (Cellarius) (1638-1707), qui a créé le terme de Moyen-Âge, c'était biensûr un luthérien convaincu, acharné, fanatique.

 

Et c'est à ce moment là d'ailleurs que l'idée d'un Moyen Âge se fixe d'un seul bloc.

 

Parce qu'on est bien d'accord, entre l'époque de Clovis et les Mérovingiens, puis l'époque de Charlemagne, l'avènement d'Hugues Capet en 987, les premières cathédrales (art "gothique", art français. Ndlr.) et la fin du Moyen Âge, on n'est pas du tout dans la même configuration. Mais eux, ils ne voient qu'une seule chose, c'est l'hégémonie de l'Eglise et le règne sans partage du Pape, donc de la chute de Rome jusqu'à ce que nous on arrive, pour sauver le monde (!), c'est un bloc inséquable: le 'Moyen Âge'.

 

Ensuite, les 'ténèbres du Moyen Âge' s'éclaircissent, grâce aux 'humanistes', et à la 'Réforme'.

 

Et donc, arrive la 'Raison', parce qu'avant, les gens ne raisonnaient pas. Et c'est donc les 'rationnalistes', les 'Lumières', qui arrivent sur l'Europe.

 

Pour Voltaire, l'histoire contient principalement des crimes de la folie et de la misère. Et il est nécessaire de connaître l'histoire (sous-entendu du Moyen-Âge), à seule fin de la mépriser. Cela, c'est dans ses essais.

 

Il faut qu'ils (les auteurs des 'Lumières') justifient le changement qu'ils exigent.

 

Pour qu'il y ait 'lumière', il faut qu'il y ait obscurité. Sinon, cela n'a pas de sens.

 

Et comme ils veulent des changements sociaux et économiques, il faut qu'ils les justifient. Donc, ils sont toujours en train de parler des 'abus', des anciennes manières de faire, des archaïsmes, pour justifier ce changement qu'ils veulent...

 

Et, il faut savoir que Voltaire a promu - énormément - Newton, il en parle dans ses Lettres. Et il oppose la nouvelle science face à l'esprit stupide, 'fanatique' et 'superstitieux'. Or, (le mot) 'supersitieux', depuis les protestants jusqu'aux 'Lumières', cela veut dire 'catholiques'. C'est la définition de l'époque... Ils veulent opposer les savants Newton, Gallilée, Copernic, contre l'Eglise qui les a pourchassé ou essayé de les faire taire.

 

(Au XVIIIe s.), le libéralisme économique et la montée de la bourgeoisie, c'est le credo des 'Lumières', qui trouvent leur inspiration en Angleterre, qui a déjà fait une espèce de révolution libérale.

 

CBastille--Prise-de-la-Bastille.jpgela prépare la 'Révolution française'. Les 'Lumières', les Encyclopédistes, attaquent violemment les institutions politiques et l'organisation sociale. Je vous lis un passage de Condorcet (1743-1794), dans lequel il y a tout : 

 

'L'Europe, écartelée entre la tyrannie sacerdotale et le despotisme militaire, attendait dans le sang et les larmes le moment où de nouvelles lumières lui permettraient de renaître à la Liberté, à l'Humanité et à la Vertu...'

 

Donc, là on a tout, le message est clair : la cible, le clergé et le noblesse (tyrannie sacerdotale, despotisme militaire), le message laissez la place à la bourgeoisie libérale.

 

Et l'objectif, c'est de prendre le pouvoir, c'est-à-dire d'abolir la société féodale, la division des trois ordres. Donc, là on sent bien la volonté d'un libéralisme économique, et de cette nouvelle classe écrasée entre le despotisme militaire et la tyrannie sacerdotale.

 

Et donc, c'est évidemment le mouvement des 'physiocrates', qui est porté par les 'Lumières', avec la volonté de la libre circulation des biens et des marchandises, la libéralisation du prix des grains (édit de Turgot en 1774) et le libéralisme économique.

 

Lire : Comprendre les Lumières : aux sources de la prolétarisation du monde ouvrier

 

Et de là va naître, ce qui, personnellement, est ma légende préférée sur le Moyen Âge : 'les gens ont faim...'

 

90% des gens vivent à la campagne. Vous avez les plus mauvais agriculteurs de l'histoire du monde. Parce que quand 90% de la population vit à la campagne, je ne sais pas comment on fait pour avoir faim. Parce que, évidemment, durant l'Antiquité, on n'avait pas faim. Le fait que les sénteurs faisaient cultiver leur champ par des esclaves, c'est la beauté de l'Antiquité romaine, et de l'Antiquité grecque, c'est-à-dire une partie au-dessus qui surnage sur un peuple d'esclaves : c'est intéressant. Donc, imaginer que les paysans français ont peu avoir faim tout le temps, c'est ridicule. Alors comment cela passe ? Cela passe par la ruse de la sémantique. Vous allez par exemple trouver des textes de moines ou de gens de l'époque qui disent 'et là ils n'avaient plus de pain et donc ils étaient obligés de manger des feuilles et des racines'. En fait l'être humain ne peut pas manger des feuilles, ni des écorces d'arbres car il ne digère pas la cellulose. Donc, les légumes du potager se divisent en deux, les légumes feuilles (les épinards, les choux), et les légumes racines (les carottes, les navets). Le paysan mangeait une délicieuse soupe de légumes avec des épinards et des carottes. Il ne mangeait pas les feuilles des arbres et les racines.

 

Democratie-medievale--un-monde-sans-fin-.jpgLe 'marché' au Moyen Âge, ce n'est pas le libéralisme économique et le marché. C'est ultra-réglementé.

 

Et les 'Lumières' préparent le terrain (à la dérèglementation Ndlr.).

 

Arrive la Révolution française, l'avènement du libéralisme économique.

 

Je vais vous parler particulièrement de la 'Nuit du 4 août' et de l'abolition des privilèges.

 

Puisque vous savez qu'on vivait dans un monde inique de 'privilèges' et que grâce à la 'Nuit du 4 août' on a aboli les privilèges...

 

Donc le 4 août 1789, le Club Breton, futur 'Club Jacobin', entre 18h et 2h du matin, a proposé et a obtenu la suppression des privilèges, la suppression de la dîme, et il a mis fin au système féodal. Et Il a voté la fin des corporations. Puis après les lois ont été votées plus tard. Le duc d'Aiguillon, deuxième fortune de France après le Roi, (membre de la loge "L’Olympique de la Parfaite Estime" du "Grand Orient de France". Ndlr.) propose l'abolition des droits seigneuriaux. Un hasard...

 

Et surtout, il veut qu'on puisse racheter ses droits. Mais le vicomte de Noailles propose d'abolir toutes les corvées, tous les droits seigneuriaux.

 

La Nuit du 4 août a été extrêmement préparée à l'avance par ce fameux 'Club Breton'. Mais ils ont emmené le public avec eux. Cela a été une espèce d'effervescence. Cela a été une espèce de folie : l'un 'on va abroger la dîme', l'autre 'on va empêcher au seigneur l'exclusivité du droit de chasse', etc.

 

Evidemment (cette mise en scène) avait été très bien préparée, mais ils avaient emmené l'Assemblée dans une espèce d'effervescence de 'la Liberté'. Nous allons nous libérer de toutes ces lois.

 

Alors (en fait), la France est débarrassée de toutes ses protections (ses 'privilèges'), elle va pouvoir entrer dans le monde libéral, capitaliste.

 

Le mot privilège vient du latin, il veut dire lois particulières. Il a été synonyme de liberté au moyen Âge, même à l'époque moderne. Le roi, quand il annexait une province (par exemple la Bretagne, ou même la Bourgogne), promettait de respecter ses privilèges, c'est-à-dire ses libertés, c'est-à-dire ses lois particulières, les coutumes, les droits immémoriaux de ses habitants. Le privilège empêchait cette espèce de centralisme jacobin, qui fait qu'aujourd'hui, en France, on parle tous la même langue. Et que toutes les lois sont partout pareilles. Alors que là, l'idée était que les Bretons avaient leurs lois, leurs droits particuliers, les Gascons avaient leurs droits particuliers, etc. Les Gascons étaient tellement fiers qu'ils avaient reçu l'autorisation de ne pas enlever leur chapeau en présence du roi. D'où l'expression 'fier comme un gascon.' C'est-à-dire que le roi respectait les droits et les coutumes locales, sans rien y changer.

 

Le Guen de Kerangal, un breton du 'Club Breton, raconte qu'au Moyen Âge, les serfs devaient passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs. Donc, ils se mettent à inventer des espèces de coutumes seigneuriales. Et Régine Pernoud se demande avec beaucoup de malice qu'est-ce qui fait le plus de bruit, des grenouilles qui croassent, ou une armée de serfs en train de taper comme des malades avec des bâtons sur les étangs. La question reste ouverte...

Extrait:

 

"Par la suite, les auteurs du XIXe siècle vont justifier ce coup d'Etat. Et là, je ne peux pas manquer l'occasion de vous citer Michelet, dans son Histoire de la Révolution française :

 

Elle emportait cette nuit, l'immense et pénible songe des mille ans du 'Moyen Âge'. L'aube qui commença bientôt était celle de la 'Liberté'. Depuis cette merveilleuse nuit, plus de classes des Français, plus de provinces, une France.

 

Et Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire du XIXe siècle:

 

Il suffit d'un vote de constituants pour venger la nation de la tyrannie incessante de douze siècles. Tant il est vrai que le bonheur du peuple est facile à faire quand ceux qui le gouvernent s'occupent moins d'eux-mêmes que de lui.

 

Alors, peut-être que ces mensonges pouvaient encore fonctionner au XIXe, et même au début du XXe siècle, mais alors, moi ce qui va le plus me faire rire, c'est l'impôt au 'Moyen Âge'. Parce que si on va comparer l'impôt d'aujourd'hui et l'impôt du Moyen Âge, je prends n'importe qui sur un ring et on va comparer ! Parce qu'alors là, c'est magnifique.

"La fabrication de la légende noire du Moyen-Âge" par Claire Colombi

Donc : 'le paysan médiéval est taillable et corvéable à merci.' Vous êtes tous au courant. Et 'le peuple croule sous l'impôt.'

 

Alors souvent dans les manuels, même les manuels (d'aujourd'hui), j'ai enseigné, et on en parle en 5e, parce qu'on fait le 'Moyen Âge' :

 

'Cens, champart, taille, dîme, gabelle, mainmorte, formariage, banalités, tonlieux et biensur corvées en tous genres.'

 

Alors on va faire méthodiquement impôt par impôt. Le champart et le cens sont des loyers de la terre. Donc, est-ce que aujourd'hui vous comptez votre loyer dans votre impôt ? Je ne crois pas.

 

Lire: Des impôts dix fois supérieurs à ce qu'ils étaient avant 1789 !

 

Et le champart et le cens, c'est deux sortes de loyer différents. Le cens, c'est un loyer fixe, que vous allez payer par année, et le champart, c'est un pourcentage de la récolte. Et l'on pratique l'un ou l'autre. C'est-à-dire que certains pays sont en cens, d'autres en champart. Vous ne payez jamais le cens et le champart. C'est l'un ou l'autre. Donc, déjà, les mettre côte à côte c'est un mensonge, vous ne payez pas les deux.

 

La mainmorte et le formariage. La mainmorte, c'est un droit de succession. Aujourd'hui, on ne paye plus de droits de succession, vous êtes au courant ! 

 

Et le formariage, c'est une taxe qui est payée si un serf veut se marier avec un serf qui cultive la terre d'un autre seigneur. Donc vous ne la payez pas si vous vous mariez dans votre communauté et vous la payez une fois dans sa vie. Deux à la limite, si vous êtes veuf. Et c'est le principe est de ne pas morceller la terre.

 

Le tonlieu, c'est un péage. Donc, aujourd'hui, quand on se ballade sur les autoroutes et qu'on gare sa voiture au parking, on ne paye plus de péage, vous êtes au courant !

 

La banalité, c'est une taxe qui est liée au droit de banque que détient le seigneur. Donc le paysan payait une taxe pour utiliser le moulin, le pressoir, le four à pain. Donc inadmissible que quand vous utilisiez la machine de quelqu'un ou que vous lui demandiez service, on vous fasse payer. Aujourd'hui, cela n'a plus court !

 

Et le mieux du mieux, c'est la gabelle, impôt royal sur le sel d'abord et c'est ensuite devenu un impôt sur la consommation, comme le vin. Et elle née à l'époque moderne, elle ne concerne pas le Moyen Âge, mais cela ne dérange pas les auteurs de certains manuels de la rajouter aux impôts médiévaux.

 

Les deux seuls impôts directs sont donc la taille et la dîme.

 

La taille, c'est un sixième de la récolte de blé, ce qui fait 16% des revenus. Moi j'aimerais bien être taxé sur 16% de mes revenus (on est à 45% de taux de prélèvement obligatoire en 2013. Taux le plus élevé... des pays de l'OCDE... Ndlr.)

 

Et la dîme est payée pour assurer à l'Eglise un revenu en propre et la rendre indépendante. La dîme est payée en nature sur le blé. Si vous avez des animaux, cela ne vous concerne pas. Et là je vais citer Jacques Heers,

 

'le prélèvement ne s'appliquait pas à toutes les récoltes, mais principalement au blé. Il n'atteignait pas les 10%, loin de là. Cela dépend des provinces, puisque cela dépend des 'privilèges' (dont je vous ai parlé). Sur l'usage ensuite, outre l'entretien du clergé et l'exercice du culte, l'Eglise assumait alors une part notable de l'assistance publique, hôpitaux, hospices, maisons-dieu, aumônes, enfants abandonnés. Et l'enseignement dans les paroisses, les petites écoles.

 

Faut-il comparer  ces prélèvements à ceux d'aujourd'hui pour notre sécurité sociale, et nos système d'éducation ?'

 

On pourrait faire une petite comparaison, cela pourrait être intéressant.

 

François Hincker (1937-1998), qui est un historien marxiste de l'époque moderne, a essayé de faire une comparaison :

 

Utilisons un étalon artificiel mais qui a l’avantage d’être parlant. Les 25 millions d’habitants que compte probablement la France ont donc à payer 470 millions d’impôts, entre 18 ou 19 livres. À ce moment le salaire journalier d’un compagnon maçon à Paris se situe à un peu moins d’une livre. Ainsi un salarié moyen travaillerait un peu plus de sept jours, juste avant la Révolution française, pour payer ses impôts directs (taille, capitation et vingtième. Ndlr.), un peu plus de deux pour payer la gabelle, et un peu plus de neuf pour payer les autres impôts indirects.

 

Dix-huit jours de travail : c’était la contribution que la fiscalité française de l’Ancien Régime réclamait au travailleur. Qu’en est-il aujourd’hui ? Avec un taux moyen d’imposition de 56,9% (chiffre 2013), il faut 208 jours de travail pour payer en moyenne ses impôts directs sur l’année.

 

Donc, même s'il se trompe, et que maintenant ce n'est pas 20 jours, mais 40 jours et qu'on double son estimation, on est encore très très loin (des 208 jours !) Et alors il se demande si la Révolution française a servi à améliorer notre condition ?

 

Aujourd'hui, j'explique comment fonctionnent les mensonges, si vous mettez tous les impôts que doivent payer les gens en y ajoutant les impôts qu'on paye une fois dans sa vie, on peut dire n'importe quoi.

 

Donc, moi j'ai anticipé sur un manuel scolaire des années 2400 par exemple:

 

Le salarié de l'an 2000 était écrasé d'impôts : impôt sur le revenu, taxe foncière, taxe d'habitation, TVA, taxe sur les produits pétroliers, CSG, taxe sur l'alcool, le tabac, redevance télé, droits de successions, droits de donation, droits de mutation, timbres fiscaux des paiers officiels.

 

Dès qu'un salarié voulait faire quelque chose, il lui fallait un permis : permis de voiture, permis de chasse, permis bateau, très onéreux.

 

S'il voulait échapper à sa condition de salarié, devenir petit patron ou autoentrepreneur, il fallait payer la licence, les charges patronales, le RSI. Il fallait respecter tellement de normes étranges et arbitraires que notre salarié faisait faillite. L'assurance était obligatoire, en cas d'accident, mais aussi pour la maison, pour la voiture, sans oublier la complémentaire.

 

La IIIe République.

 

"Ma prétention est de vous montrer que l'égalité et l'éducation n'est pas une utopie, que c'est un principe, qu'elle est un droit incontestable et qu'en principe cette utopie, elle est apparente et dans l'ordre des choses possibles.' (Discours de Jules Ferry)

 

L'histoire de France et des Français, c'est celle de son 'affranchissement'. Nos ancêtres les Gaulois vivaient dans des huttes basses. (Cela) c'était dans un manuel de la IIIe république. Les Gaulois n'étaient pas assez intelligents pour faire des maison à leur taille. Et là un jour, il y en a qui a dit: et si on réhaussait la porte ?

 

Lire : Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

 

Rousseau, dans La Nouvelle Eloïse disait :

 

'N'instruisez pas l'enfant du village, car il ne convient pas d'être instruit.'

 

Il répondait à Voltaire qui répondait à La Chalotais, qui avait écrit un texte intitulé 'Essai sur l'Education nationale' : 'Je vous remercie d'avoir prescrit l'étude chez les laboureurs. Moi qui cultive des terres, je vous présente requête pour avoir des manoeuvres, et non des clercs tonsurés. Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas qu'il soit instruit. Il n'est pas digne de l'être...' Donc voilà, là on est vraiment dans les 'Lumières'.

 

En fait, les républicains inventent l'école et l'éducation pour tous : jusque-là on n'y avait pas pensé non plus. Et là, il y a vraiment une volonté, il faut instruire le peuple. Il y a un renversement qui se crée.

 

En 1882, les réformes Jules Ferry. Les francs-maçons, les libres penseurs, les anticléricaux, et les protestants libéraux sont à la barre. Le minsitre de l'Intérieur et des Cultes, c'est Ernest Constans, c'est un franc-maçon. Et Léon Say, au ministère des finances, c'est un protestant. Jules Ferry, franc-maçon du 'Grand Orient', 'Loge de la clémente Amitié', se marie sur le tard avec une calviniste. Jules Steeg, pasteur protestant de Libourne, deviendra ministre de l'Instruction publique en 1883. Ferdinand Buisson, pasteur protestant de Neuchâtel, est à la direction de l'Enseignement primaire. C'est lui qui en 1905 va réaliser les textes de séparation de l'Eglise et de l'Etat, et a créé la Ligue française des droits de l'homme. Et le troisième, Félix Pécaut, pasteur protestant, instructeur général de l'Inspection publique chargé par Ferdinand Buisson de fonder l'Ecole Normale supérieure des jeunes filles, qui va être dirigée par Jules Steeg. Ces trois pasteurs représentent le courant ultra-libéral, et sont tous les trois passés par la franc-maçonnerie. (Un hasard. Ndlr.) Et c'est eux qui mènent cette réforme, qui rédigent les textes. Et notamment l'arrêté du 27 juillet 1882 qui sont les programmes, et qui va exclure les congrégations religieuses et instauré la mainmise de l'état sur l'école.

 

Jules Steeg ne fait pas qu'être ministre et d'écrire la réforme : il écrit directements des manuels (d'histoire de France pour les écoliers). Notamment les manuels publiés par Fernand Nathan. C'est presque encore plus beau que Michelet. Je crois que là on a trouvé un concurrent sérieux :

 

'Depuis des siècles, écrit le pasteur protestant franc-maçon Jules Steeg, la France gémissait sous le joug des rois et des seigneurs. Ils étaient les maîtres et le peuple n'avait aucun droit. Il travaillait pour eux, il payait toutes les dépenses, il était foulé aux pieds, et souvent il mourait de faim. On disait de lui qu'il était taillable et corvéable à merci. C'est-à-dire que ses maîtres pouvaient lui imposer à volonté toutes les corvées et toutes les contributions inimaginables, qu'on appelait la taille, le cens, la gabelle, la dîme. Quand il ne voulait pas travailler pour le seigneur, on le battait et on le jetait en prison. Quand il ne pouvait plus payer les lourds impôts qui l'écrasaient, on vendait sa maison et ses outils. On jetait les pauvres gens dehors dans les bois où ils se nourrissaient d'herbes. Soumis à tous les caprices de ses maîtres, le peuple ne jouissait d'aucune liberté. Il ne pouvait ni suivre la religion qui lui convenait, ni diriger les affaires de la ville ou de son village, ni exercer les métiers qui lui convenait.'

 

Donc, là on a un concentré de poncifs de tout ce que je vous ai parlé depuis le début. Vous ête sur le Livre moral du Petit citoyen.

 

Paul Bert, qui était ministre de l'Education, juste avant lui, donc un confrère, libre penseur, franc-maçon, athée convaincu, lors de l'affaire des Congrégations, c'est-à-dire le moment où l'on a exclu les congrégations religieuses de l'enseignement (pour y enseigner la doctrine franc-maçonnique relativiste. Ndlr.), il présidait un banquet au Conseil général de l'Yonne, et portait un toast à la destruction des deux phylloxera, le phylloxera qui se cache sous la vigne et le phylloxera que l'on cache avec des feuilles de vigne (donc c'est biensûr l'Eglise catholique) : 'Pour le premier, nous avons le sulfure de carbone et pour le second, l'article 7 de la loi Jules Ferry ('les congrégations religieuses n'ont plus le monopole de l'Instruction'). S'il ne répond pas à notre attente, nous n'hésiterons pas à chercher un autre insecticide plus puissant pour sauver la France.'

 

Donc, le Moyen Âge, on ment sur lui et la république n'a que le choix entre mentir ou ne plus l'enseigner, ce qui est en train d'être le cas puisqu'il disparaît dans les programmes. les seules figures médiévales qui vont être sauvées, c'est Jeanne d'Arc, parce qu'il faut une héroïne, Saint-Louis qui rend sa justice sous un arbre. Et Charlemagne, parce qu'il ne faut pas le laisser aux Allemands qui nous ont déjà piqué l'Alsace et la Lorraine. 

 

Aix-la-Chapelle, capitale de l'empire francCes siècles de propagande ont porté leur fruit et aujourd'hui le Moyen Âge est synonyme de barbarie, et de terreur.
 
Et aujourd'hui, il y a encore quelque chose de pire qui se passe, les références culturelles sont oubliées. ... Il y a comme un voile, et à moins d'avoir été élevé dans une famille encore très catholique, c'est extrêmement difficile avec une formation classique, avec un bac classique en France, à moins d'avoir une passion, d'aller vers ça. Le Moyen Âge aujourd'hui est tombé dans l'oubli. Je vous rappelle que les siècles de Clovis et de Charlemagne ont disparu des programmes de 5e, et qu'on va plus jamais en reparler à un lycéen... Et donc, du mensonge, on est passé à son effacement progressif, mais pur et simple.
 
Donc, en plus de déraciner le peuple européen et celui de France en ce qui nous concerne, ce processus d'éradication, pour moi, est la preuve de la puissance radicale de la pensée médiévale. Il serait dangereux, aujourd'hui, pour le peuple de France, de se rappeler comment cela fonctionnait au Moyen Âge: que cette période 'sombre' était remplie de communautés villageoises qui décidaient par elles-mêmes, où les femmes pouvaient voter, que c'était une période de révoltes constantes. Une période d'équilibre des pouvoirs, avec une économie morale, où le bien commun prévalait sur le bien privé; une période où les paysans ne partaient pas à la guerre : moi je remercie toujours vivement (la république) d'avoir envoyer en pleine moisson toute la jeunesse de France se faire tuer dans les tranchées. Une période où le travail d'un homme nourrissait sa femme, ses enfants, et des grands-parents à charge. Une période où l'on se préoccupait du salut de son âme. Vraiment, oui je pense que c'est assez dangereux aujourd'hui de s'en rappeler. Et je pense que je vais finir par la merveilleuse phrase de Gustave Cohen, dont je vous ai parlé au début, qui écrivait :

Les ténèbres du Moyen Âge ne sont que celles de notre ignorance.

Gustave Cohen

La suite de la video est consacrée aux questions du public.

Notons:

 

39:00 Je ne sais pas si vous imaginez à quel point notre culture est méprisée à l'étranger (dans les élites anglo-saxonnes Ndlr.), par les élites anglaises (je ne parle pas des Anglais et des Américains du peuple). Encore une fois, tout ce qui émane du peuple, ce n'est pas bon...

 

40:45 (la Révolution "française") C'est vraiment un système de pillage et de folie. Il y a un mépris absolu de tout ce qui est populaire.

... Au Moyen Âge il y avait une culture du peuple pour le peuple. Aujourd'hui qui comprend l'art ?

 

43:50 Pour passer la loi de 1882, il a fallu (encore une fois) qu'ils suppriment les Jésuites, et qu'ils excluent les congrégations religieuses avant de pouvoir faire ce qu'ils voulaient...

 

44:50 ... Aujourd'hui les gens disent 'oui mais le peuple français ne se révolte pas'. Si, si ! Il s'est révolté. Il s'est révolté en 1789, et il s'est fait massacrer...

 

Ensuite, il s'est révolté en 1830, puis il s'est fait massacrer. Puis il s'est révolté sous la Commune, et il s'est fait massacrer. Et ensuite toute la jeunesse s'est faite envoyée en 1914 dans la Grande Guerre.

 

Donc, il y a un moment, il faut bien comprendre qu'il y a eu des résistants, il y a eu des révoltes, et on les a perdues successivement. Nous sommes des polytraumatisés de ce système. Alors j'entends, 'oui mais aujourd'hui on ne bouge pas'. Mais les dernières fois où on a bougé, on est mort."

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 14:59
Aux origines du "dauphin", successeur des rois de France

Dans l'émission d'Europe 1 "Au Coeur de l'histoire", le 24 novembre, Franck Ferrand explique les origines du terme "dauphin" pour désigner le successeur d'un roi de France.

Blason"A l'origine, il y a un prénom, Delphinus, Dauphin, qui est un simple prénom et qu'on donnait comme deuxième prénom aux héritiers de deux petites régions, les comtes d'Albon-Viennois, dont les héritiers avaient pour second prénom ce prénom de Dauphin. Et c'est pour ça qu'on s'est mis à appeler ces deux régions le Dauphiné.

Or, le dernier dauphin du Viennois, Humbert II, est contraint de vendre ses seigneuries, et jusqu'au traité de Romans, le 30 mars 1349, par lequel il cède le dauphiné à Philippe VI, roi de France - il a toute sorte de difficultés financières -, et la Couronne de France récupère en 1349 cette région du Dauphiné, et il est dit dans le traité que ces terres vont devenir apanage du fils aîné du roi.

Donc, désormais, le fils aîné du roi devient 'dauphin' du Viennois. Et petit à petit on va oublier le 'du Viennois' et on dira tout simplement 'dauphin'. Et par homonymie, on se met à utiliser des dauphins héraldiques, tout à fait stylisés, pour désigner le fils du roi de France. Quand sous Louis XIV - vous savez que tout est grand (la Grande  Galerie, le Grand Canal, le Grand siècle) -, on va appeler le fils de Louis XIV, le 'Grand Dauphin'."

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 12:20

Le discours du Prince pour la commémoration du tricentenaire de la mort de Louis XIV vient d'être publié sur VLR:

Discours du prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, pour commémorer le tricentenaire de la mort du Roi Louis XIV (1715-2015)

lundi 23 novembre 2015.

 

Discours prononcé lors de la réception du lundi 23 novembre organisée pour commémorer le tricentenaire de la mort du Roi Louis XIV (1715-2015)

 

Chers Amis,

 

Alors qu’il y a quelques mois, nous apprenions qu’allait se tenir à Versailles la passionnante exposition Louis XIV et que nous organisions une soirée en hommage au grand roi, autour de la conférence qui nous a tant intéressés, personne n’imaginait que la France serait frappée par un acte d’une barbarie infinie.

 

La France frappée, et en particulier Paris, sa capitale. Paris, que le Comte de Chambord en 1870 alors que les ennemis étaient en son cœur qualifiait, de « la ville de Clovis, de Clotilde et de Geneviève, (...) la ville de Charlemagne et de Saint Louis, de Philippe Auguste et d’Henri IV, (...) la ville des sciences, des arts et de la civilisation ». L’ennemi, une nouvelle fois, est là !

 

Frappée au plus profond d’elle-même car, répétant un geste que les révolutionnaires connaissent bien, les assassins ont pris les jeunes pour cibles. Faire mourir des enfants, c’est aussi pour une part, tuer les parents. Alors, ne supportons plus le déni, donnons leurs sens aux événements et aux mots, parlons en vérité : ceux qui ont commis ces massacres sauvages sont des assassins et des barbares sans foi ni loi.

 

Ma compassion et mes prières vont à toutes les victimes et à leurs familles meurtries et j’adresse mes encouragements et félicitations aux forces de l’ordre et aux autorités judiciaires dont l’action dangereuse s’est révélée efficace ainsi qu’aux médecins et infirmières qui ont secouru et soigné, confrontés à des blessures de guerre bien inhabituelles pour eux.

 

Mais comme héritier des rois, comme héritier d’une tradition, ayant élevé au rang des principes intangibles de la politique, l’état de droit garanti par les lois fondamentales, je ne peux, comme vous tous, que ressentir au plus profond de moi la tragédie que représentent de tels actes perpétrés sur notre sol, perpétrés contre la France et les Français.

 

Évoquer cette tragédie en cette journée, où nous tenions à honorer le roi Louis XIV à l’occasion du tricentenaire de sa mort, apparait alors comme un vrai symbole, tant elle en est l’antithèse. En effet, qu’a voulu le roi, si ce n’est tendre vers le meilleur régime ? Le moins mauvais, en tout cas, sachant ce que sont les individus. Gouvernement d’équilibre entre Dieu et les hommes. Entre les égoïsmes de chacun et le bien commun pour tous. Entre tradition et progrès.

 

S’il fut un grand souverain, celui dont le professeur Jean Christian Petitfils nous a si bien parlé ce soir, c’est qu’il a découvert tôt dans sa vie, lorsqu’il a décidé de gouverner personnellement, ces principes qu’il s’est appliqué ensuite à mettre en œuvre. Pouvoir d’équilibre et de maîtrise du monde naturel comme des hommes ; du monde spirituel comme des institutions. Pouvoir pour ordonner la société comme un jardin à la française, c’est-à-dire lui donner du sens, mais aussi pour permettre aux Lettres et aux Arts d’acquérir leur plein épanouissement. Sa mort fut à l’image de sa vie comme Madame Saule l’a si bien évoqué dans la remarquable exposition qu’elle a montée à Versailles et qu’elle m’a fait visiter cet après-midi. Sa mort résume sa vie et la magnifie. L’astre a alors rejoint les cieux !

 

Mais celui que les hommes avaient peut-être jugé un peu vite, trop occupé de sa propre grandeur, ne la poursuivait pas pour lui-même mais pour la France dont il a fait un exemple donné au monde et un modèle de civilisation.

 

Or, n’est-ce pas le message que l’on attend actuellement ? Notre société a besoin de sens et de modèles auxquels se référer. Ne faut-il pas, une nouvelle fois, rappeler la phrase si prophétique de saint Jean-Paul II, « France qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? »

 

La France tient-elle toujours sa place ? Au fond d’elle-même peut-elle toujours dire qu’elle est un modèle à donner aux autres nations quand elle renie la vie, quand elle ne sait plus éduquer ses enfants, quand elle abandonne ses vieillards, quand elle baisse la garde alors que depuis près de 15 ans la menace était visible, quand elle oublie l’essentiel de son histoire et méprise la réalité au profit de l’idéologie ? Pour pouvoir être un modèle auquel le monde peut et veut adhérer, encore faut-il être exemplaire.

 

La France vient de montrer qu’elle était capable de l’être dans le malheur et lorsqu’elle est attaquée, en retrouvant une certaine union ainsi que réalisme et lucidité. Elle doit continuer à le montrer à l’avenir. Reprendre sa place de veilleur et de sentinelle dont la vocation est de protéger et de promouvoir ses idéaux puisés aux sources chrétiennes et ses valeurs nées de l’héritage gréco-romain et polies par quinze siècles d’histoire. « Ne l’oubliez pas, c’est du retour à ses traditions de Foi et d’honneur, que la grande nation, un moment affaiblie, recouvrera sa puissance et sa gloire », écrivait le Comte de Chambord toujours si pertinent dans ses jugements. C’est cette France que le monde attend et espère surtout quand les barbares sont à ses portes, prêts à répandre la mort, le désespoir, la ruine et la désolation.

 

Chacun à leur manière, Madame Saule et Monsieur Petitfils, à qui je tiens à redire tous mes remerciements, l’ont grandement montré. La première par l’exposition qu’elle offre à Versailles et qui j’en suis persuadé recevra de très nombreux visiteurs ; le second par ses talents d’historien et tous ses travaux dont la conférence de ce soir nous a donné un aperçu trop bref mais si convaincant.

 

La dynastie capétienne depuis les premiers temps, a toujours accompagné la France dans ses moments de gloires comme dans ceux d’épreuves : à Bouvines et à Rocroi, comme à Crécy et Malplaquet. Chaque fois, elle a apporté son message d’espoir. Incarnée dans une famille, elle sait, plus que tout autre, qu’il y a toujours une génération pour prendre la relève. Louis XIV laissant la France aux mains d’un enfant de 5 ans le savait. Son héritier incarnait la jeunesse du monde. La jeunesse de la France sans cesse renouvelée, celle qui porte notre avenir.

 

Par l’intercession de Saint Louis, protégeons notre pays et transmettons notre héritage à nos enfants.

 

Merci de m’avoir écouté.

Louis de Bourbon, duc d’Anjou

Source: Vive le Roy

Discours du prince Louis de Bourbon pour la commémoration du tricentenaire de la mort du Roi Louis XIV (1715-2015)

Merci à Marc M.

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 12:08

Mis à jour le 2 juin 2021

Pendant les siècles où la France créa ses traditions, puis ... - leur resta fidèle, elle est demeurée la première nation du monde. Puisse-t-elle s'en souvenir!

Frantz FUNCK-BRENTANO, Membre de l'Institut, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 245.

Les libertés et l'égalité : des principes monarchiques millénaires dévoyés ou le bilan effroyable de la République "française"

Ne nous y trompons pas : le christianisme, dans la Gaule du IVe siècle, c'est une révolution, beaucoup plus semblable qu'on ne le croirait à la Révolution de 89 et fondée sur les mêmes principes, Liberté, Egalité, Fraternité. La violence en fut exclue, parce qu'elle ne fut pas conduite par des politiciens ambitieux, avides de pouvoir et de biens; elle fut toute de foi, d'enthousiasme et de coeur. Loin de se faire par l'ambition, elle se fit par le dévouement, par la renonciation, par le sacrifice : saint Martin.

Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 189

Les libertés et l'égalité : des principes monarchiques millénaires dévoyés ou le bilan effroyable de la République "française"

Dans cet article, nous présenterons les concepts de libertés et d'égalité au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime. Nous verrons en conclusion comment ils ont été dévoyés et réduits à néant.

En effet, il s'agit ici de répondre à un ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a dit récemment au terme de deux jours d'Etats généraux du christianisme organisés par La Vie, que "les valeurs républicaines sont aussi largement celles de l'Evangile".

Bernard Cazeneuve : "les valeurs républicaines sont aussi largement celles de l'Evangile" Source : http://france3-regions.francetvinfo.fr/alsace/bas-rhin/strasbourg/etats-generaux-du-christianisme-cazeneuve-mis-en-garde-contre-les-propos-qui-attisent-les-tensions-821953.html

Bernard Cazeneuve : "les valeurs républicaines sont aussi largement celles de l'Evangile" Source : http://france3-regions.francetvinfo.fr/alsace/bas-rhin/strasbourg/etats-generaux-du-christianisme-cazeneuve-mis-en-garde-contre-les-propos-qui-attisent-les-tensions-821953.html

Comme l'explique le site Reinformation.tv, "pour être percutant, ce message n’est ni tout à fait original, ni même absolument faux.

 

Le problème est que, sous l’influence de la "laïcité" dite républicaine (pour faire court), la république n'est plus qu'un théâtre du vide, bâti sur la subversion des principes monarchiques et le nihilisme. Tous les principes de libertés et d'indépendance hérités des Gaulois et ceux d'égalité, du Moyen Âge à l'Ancien Régime, ont été subvertis et renversés, pour ne plus être aujourd'hui que lettres mortes. Voici, bien qu'incomplète et parcellaire, une petite histoire de ces principes.

Le "droit divin" a longtemps été le rempart à l'Oligarchie et aux maîtres de la monnaie qui parvinrent à créer les banques centrales au XIXe siècle.

 

Au "Moyen Âge", le droit canonique de l'Eglise catholique interdisait formellement de prêter de l'argent avec intérêt. Ce concept avait déjà été édicté par Aristote et saint Thomas d'Aquin. L'intérêt était contraire à la raison et à la justice. En accord avec les règles de l'Eglise au "Moyen Âge", l'Europe a interdit les intérêts sur prêts de monnaie et qualifait ce délit d'"usure". Ce délit et cette interdiction "de droit divin" fondait l'économie française jusqu'à la Révolution "française" où les banques prirent le pouvoir et l'Empire de Napoléon où la Banque dite "de France" fut créée en 1800 sur injonction des banquiers.

 

En comparaison, on sait que de nos jours, nos gouvernants ne sont que des hommes de paille derrière lesquels se tient "une super-classe invisible" (Philippe de Villiers, Entretien intégral à Reinformation.tv), les vrais tireurs de ficelles, eux-mêmes manipulés par d’autres instances occupant des échelons supérieurs:

 

« Il y a dans tout pouvoir démocratique (…) une oligarchie cachée, à la fois contraire à ses principes et indispensable à son fonctionnement », relevait le célèbre historien François Furet dans Penser la Révolution française (p. 241).

 

Déjà en 1889, René de la Tour du Pin  relevait :

 

 « Le siècle actuel porte la marque de l’usure et mérite d’en conserver le nom. » (R. de la Tour du Pin, Vers un Ordre social chrétien, p. 71.)

 

Et dans l'encyclique Quadragesimo Anno (1931), le Pape Pie XI avertissait le monde des deux conséquences du pouvoir discrétionnaire des maîtres de l’argent sur l’économie moderne :
 

- la « déchéance du pouvoir politique (…) tombé au rang d’esclave et devenu le docile instrument (…) de toutes les ambitions de l’intérêt ».

- l’ « internationalisme ou impérialisme international de l’argent, funeste et exécrable, pour lequel là où est la fortune, là est la patrie ».

 

Cette double caractéristique des temps modernes (développement de l’usure, domination de l’économie et de la politique par la dette et donc les puissances d'argent) a été reconnue aussi bien par des hommes de finance et des hommes politiques que par des doctrinaires de ces deux disciplines. Elle tranche avec la saine pratique de droit divin, qui, pendant des siècles permit d'éviter la soumission du politique à l'Argent.

 

En somme, tout se passe comme si à mesure que nous nous éloignons du règne du Christ sur la société, et plus le pouvoir est soumis à l'Argent. Le Christ Notre Seigneur ne dit-il pas : "Nul ne peut servir deux maîtres" ? Les libertés et l'égalité en droit comme de fortune suivent ce mouvement et se restreignent jusqu'à complète disparition aujourd'hui.

 

Les libertés au "Moyen Âge" et sous l'"Ancien Régime"

 

"Le mot de liberté, que nos pères ont laissé trop souvent s'obscurcir au cours de leurs frivoles querelles, reprendra le sens religieux que lui donnèrent jadis nos ancêtres celtes. La liberté française deviendra du même coup la liberté du genre humain. [...] Nous aurons raison de vous et des vôtres, si nous avons su garder notre âme !"
 
 
(Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune, dans Essai et écrits de combats, t. I,  p. 450, cité in Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 725).

 

"Les libertés sous la Monarchie se déclinaient au pluriel" (François Bluche dans son Louis XV)

 

La France a dès le Moyen Âge porté la responsabilité d'une défense de la liberté de l'Eglise. Dans une lettre du 21 octobre 1239, le pape Grégoire IX écrit au roi de France Louis IX (saint Louis):

 

 

Emile_Signol_-_Louis_IX,_dit_Saint_Louis"Dieu, auquel obéissent les légions célestes, ayant établi ici-bas des royaumes différents, suivant la diversité des langues et des climats, a conféré à un grand nombre de gouvernements des missions spéciales pour l'accomplissement de Ses desseins.

Et comme autrefois Il préféra la tribu de Juda à celles des autres fils de Jacob et comme Il la gratifia de bénédictions spéciales, ainsi Il choisit la France, de préférence à toutes les autres nations de la terre, pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, la France est le Royaume de Dieu même, les ennemis de la France sont les ennemis du Christ.

 

Cette lettre a été rappelée par saint Pie X le 13 décembre 1908 lors de la béatification de Jeanne d'Arc, et fut reçue avec une sainte ferveur par un gouvernement anticlérical, réuni à la cathédrale pour l'occasion.

 

La liberté de culte pour les croyants d'autres religions s'est manifestée pour la première fois en France en 1562 dans un édit royal qui octroya la liberté de culte aux protestants.

 

Dès 1562 sous Charles IX (roi de France 1560-1574), soit en pleine monarchie de droit divin, le roi octroie aux protestants l'"édit de tolérance", dit édit de "Saint-Germain" ou encore "Edit de janvier" (17 janvier 1562). Cet édit royal donnait la liberté de culte aux réformés, ainsi que le droit de se réunir à l'extérieur des villes fortifiées. L'"édit de tolérance" eut paradoxalement des conséquences inattendues. Il décupla le radicalisme des Huguenots, attisa la haine entre les deux communautés (catholiques et protestantes) et provoqua les Guerres de religion qui devaient durer trente ans. Le Parlement de Paris refusa de le ratifier. On estime qu'à ce moment, plus d'un tiers de la noblesse française était acquise au protestantisme. Les protestants qui crièrent à la persécution, prirent les armes. En mars 1562, la guerre civile commençait et un manifeste du prince protestant de Condé l’ouvrit.

 

D'une manière générale, aujourd'hui, avec le recul, on constate que les libertés privées et civiles étaient bien plus étendues sous la monarchie que sous la république dite "française".

 

La loi du roi dès le Haut Moyen Âge ne pouvait pas aller contre la loi des gens, ce qu'on appelait les traditions du peuple (coutume) parce que cette loi appartenait au peuple. Ainsi, sous Charlemagne, au VIIIe siècle la loi est "intangible" parce qu'elle "appartient au peuple", le roi ne peut y "toucher quant au fond" (Jean Favier, Charlemagne, Texto, Le Goût de l'histoire, Lonrai 2013, p. 334-335). "Le roi n'a rien d'un autocrate. Pour bien des affaires législatives ou politiques, qui ne sont pas dans le champ d'application du ban royal, la rédaction de l'assemblée paraît avoir infléchi ou déterminé la décision royale" (J. Favier, ibid., p. 303).

 

"En 792, il (le roi) évoque les nombreuses plaintes de ceux qui 'n'ont pas conservé leur loi'. Si quelqu'un dit qu'on lui a refusé le bénéfice de sa loi, écrit le roi, les missi doivent bien dire que ce n'est ni la volonté ni l'ordre du roi. On punira le missus ou le comte qui aura confondu les lois. Pour limiter les contentieux, le roi prescrit que l'on fasse enquête pour savoir 'quelle est la loi de chacun, d'après son nom' !

 

En fait, "lorsque le roi ajoute aux lois, c'est pour clarifier les ambiguïtés et combler les lacunes, non pour changer le sens de la législation" (J. Favier, ibid., p. 347-348.) Encore moins pour changer de civilisation comme a pu le déclarer en toute impunité une "ministre de la Justice" de la Ve république, Christiane Taubira (ce qui, notons-le, est du jamais vu dans l'histoire) :

 

"C'est une réforme de société et on peut même dire une réforme de civilisation", déclara Christiane Taubira, le 7 novembre 2012 au sujet du projet de loi sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels, dans un entretien publié dans "Ouest France".

 

Le roi avait-il le droit comme madame Taubira de changer la civilisation ? L'excellent Frantz Funck-Brentano, évoquant les coutumes du Royaume, répond :

 

"Le roi a-t-il le droit de modifier ces usages ? ... [C]ertains jurisconsultes, comme Jean de Terre-Rouge, déclaraient-ils qu'il n'était puissance humaine qui eût pouvoir de modifier les coutumes du royaume. Les Etats généraux eux-mêmes n'auraient pu s'en arroger le droit. Sur ce point, l'excellent Bodin, de sa pensée si vivante, répand sa claire lumière: 'Quant aux coutumes générales et particulières, on n'a pas accoutumé d'y rien changer, sinon après avoir bien et dûment assemblé les trois Etats de France en général et de chacun bailliage en particulier.'

 

Etienne Pasquier reconnaît à son tour que les rois ont toujours plié leur volonté aux constitutions locales des pays de France, Bossuet, pour grand que soit son culte de l'absolutisme monarchique, déclare que le roi doit se plier aux privilèges des provinces et aux libertés diverses du pays.

 

Et l'historien d'expliquer que nous voyons Louis XIV, lui-même, proclamer que le roi ne peut modifier les "lois de son Etat":

"'Qu'on ne dise point que le souverain ne soit pas sujet aux lois de son Etat, puisque la proposition contraire est une vérité du droit des gens, que la flatterie a quelquefois attaquée, mais de de bons princes ont toujours défendue comme une divinité tutélaire', paroles impressionnantes sous la plume du roi-soleil.'" (Louis XIV cité in F. Funck-Brentano, Ce qu'était un roi de France, Hachette, Corbeil 1940, p. 202-203.)

 

Au IXe siècle,

 

"Charlemagne ne s'aventure pas à harmoniser en force les lois qui régissent son royaume, à plus forte raison l'empire. Mais par le jeu des capitulaires 'à ajouter aux lois', dont il peut étendre l'effet sur tout un territoire et éventuellement sur tous ses sujets, il commence d'atténuer les discordances. Il n'ira pas plus loin. Même lorsqu'un Agobard jugera souhaitable, dans les années 830, d'unifier le droit des peuples soumis à l'empereur franc, il sera seul de son avis." (J. Favier, ibid., p. 349). Quelques exemples :

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3f/Br%C3%A9viaire_d%27Alaric_%28Clermont%29.jpg/220px-Br%C3%A9viaire_d%27Alaric_%28Clermont%29.jpg. La Bourgogne gardera une loi qui n'a plus rien de national, "une loi purement territoriale".

. La loi romaine que résumait pour les Visigoths le  Bréviaire d'Alaric, on ne songe pas à y toucher.

. On ne touche pas davantage lors de la constitution de la Marche d'Espagne, à la loi du royaume visigothique dérivée du Bréviaire et codifiée en un Livre des Juges rédigé à Tolède en 654 par le roi Réceswinthe.

 

L'historien Jean Favier résume le degré maximal que pouvait atteindre un Charlemagne législateur :

 

"Les mesures d'exception du capitulaire saxon mises à part, le roi des Francs n'a guère osé 'ajouter' vraiment aux lois. Limitée était sa capacité à l'être (législateur) sans dresser contre lui les tenants de la tradition germanique, réticente envers l'innovation comme envers la fixation par écrit d'un droit par principe oral et largement tributaire de l'interprétation. Limités étaient aussi les domaines dans lesquels il pouvait intervenir, et les esprits ne paraissaient pas prêts à accepter une uniformisation du droit dans le royaume, à plus forte raison dans l'empire." ( J. Favier, ibid., p. 351).

 

Sous l'"Ancien Régime", du XVIe siècle à 1789, la France était un "pays hérissé de libertés", au point que pour Tocqueville, "les libertés (françaises)... offraient une résistance à l'arbitraire 'plus efficace,... que celle des lois" (in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 528).

 

"Selon le mot de Montesquieu : 'Chaque partie de l'Etat était un centre de puissance.'

 

'Tout village, disait Richelieu, est une capitale.'

 

Le Parlement de Provence déclarait: 'Chaque commune parmi nous est une famille qui se gouverne elle-même, qui s'impose ses lois, qui veille à ses intérêts.'

 

Les parlements de province auraient pu parler de même. Les assemblées de village, où les gens des campagnes délibéraient de leurs affaires, soit sur la place commune, soit dans l'église, ont été souvent étudiées: 'C'est là, écrit Emile Cheysson, c'est sur cette place, sous cet orme, que nos pères se réunissaient et délibéraient de leurs fors. Aujourd'hui ces villages sont absorbés par la centralisation et ressentent tous au même moment la même impulsion bureaucratique. Ils ont perdu leur vie propre et leur relief.'

 

Le pays de France était hérissé de libertés. Par elles il se gouvernait, libertés renforcées par les hiérarchies sociales et l'indépendance des provinces." (F. Funck-Brentano, Membre de l'Institut, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 179)

 

"Louis XIV et Colbert unirent vainement leurs efforts pour faire disparaître les douanes intérieures qui séparaient nos provinces les unes des autres. ... Vainement tentèrent-ils de doter les français de l'unité des poids et mesures." (F. Funck-Brentano, ibid., p. 181.)

 

"La France en semblait une agrégation de peuples distincts. En Provence, le roi n'était pas considéré comme roi, mais comme comte de Provence. Le Languedoc et la Provence voulaient délimiter précisément leurs frontières.

 

... En Dauphiné, le roi était dauphin du viennois, en Bretagne, duc de Bretagne. Le Parlement de Pau déclare que les Béarnais habitent un pays 'étranger à la France', 'indépendant sous une suzeraineté commune.'

 

En chacune de ces provinces, les habitants avaient le droit d'être administrés par les hommes de la province, jugés chez eux par des magistrats de la province; de même en Artois, en Bourgogne, en Alsace, en lorraine; Marseille est une ville franche qui ne fait pas corps avec le Royaume, un petit Etat à part, de même que Bayonne et Dunkerque. (F. Funck-Brentano, ibid., p. 183.)

 

"Au XVIIe siècle encore, Pascal et Domat pourront dire : 'la coutime, c'est la loi.' Et les Capétiens ne légiféreront plus jusqu'à la Révolution." (F. Funck-Brentano, Membre de l'Institut, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 56-57.)

 

"Le monarque absolu au royaume de France n’est donc ni un tyran ni un despote. (F. Bluche)

 

C’est pourquoi certains auteurs ont songé à remplacer monarchie 'absolue' par monarchie 'administrative' ou même de monarchie 'tempérée'..." (François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 195).

 

"L'Etat de nos jours est plus directif que sous l'Ancien Régime" (Jean-Louis Harouel)

 

"La plus libérale des démocraties actuelles est bien plus absolue que la monarchie dite 'absolue'... En effet, l’autorité étatique y est beaucoup plus à même d’imposer sa volonté..." (Jean-Louis Harrouel, L’esprit des institutions d’Ancien Régime, Le miracle capétien, Perrin, 1987).

 

"On aurait bien tort de croire que l'Ancien Régime fut un temps de servilité et de dépendance: il y régnait plus de liberté que de nos jours'..." (Tocqueville cité in Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 529).

 

"Prise dans le carcan administratif qu'elle porte depuis plus d'un siècle sans révolte et qui favorise si bien les tyrannies sectaires ou césariennes, la France d'aujourd'hui est sans résistance et sans force contre les ministres et les bureaux..." (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 11).

 

Un pays traversé de "chartes, de droits, de statuts, d'immunités de toute grandeur et de toute nature" (Pierre Gaxotte)

 

"La "conception (révolutionnaire-napoléonienne) d'un gouvernement bureaucratique servi par une armée de fonctionnaires, promulguant pour une nation d'administrés une seule législation, est peut-être ce qu'il y a de plus étranger à l'Ancien Régime... Les plus grands réformateurs, les plus amoureux d'unité, Colbert, Machault, Maupeou, Lamoignon, ne pouvaient même pas imaginer pareille uniformité [que celle de la révolution], ni pareille docilité..." (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 6-7).

 

"Les rois du vieux temps laissaient se gouverner leurs sujets à l'abri de leur autorité souveraine" (F. Funck-Brentano)

 

"En tête de ses Considérations sur le Gouvernement, vers 1737, le Marquis d'Argenson mettait cette épigraphe: 'La liberté est l'appui du trône' .

 

"Sénac de Meilhan ne croyait pas formuler un paradoxe quand il écrivait: 'La nation devait à ses souverains la liberté dont elle jouissait'.

 

"Les étrangers ne s'y trompent pas. Dallington va jusqu'à définir la France sous le gouvernement de ses princes, 'une vaste démocratie'..." (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 525-526)

 

Des historiens n'ont pas craint de d'écrire que l'ancien régime était "hérissé de libertés" libertés et autorités, en effet, des organisations professionnelles, des familles, des corps intermédiaires, des provinces, des communes, mais aussi de l'Etat et de l'Eglise" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926,)

 

Ces libertés "grouillent, innombrables, actives, variées, enchevêtrées et souvent confuses, en un remuant fouillis. Chacune d'elle s'anime de pouvoirs particuliers, dont la variété aussi est infinie: autorités locales actives,... illimitées, empiétant les unes sur les autres et se contrariant souvent." (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 527).


"Nous sommes bien éloignés, aujourd'hui, d'une telle conception de la société et des rapports entre les hommes, mais il n'est pas interdit, précisément, d'y réfléchir..." (Alphonse, duc d'Anjou et de Cadix dans un message du 25 janvier 1987). 


"La royauté française, marquée par le christianisme, (...) était fondée sur la justice, la paix et les vraies libertés qui sont les incessantes aspirations du peuple français..." (Alphonse, duc d'Anjou et de Cadix dans une lettre aux directeurs de "Mémoire" en date du 21 juin 1985).

 

On votait plus au "Moyen-Âge" et sous l'"Ancien régime" qu'aujourd'hui

 

Et des votes au plus près de la personne au niveau local dans les communes, les syndics, les corps de métiers, parlements provinciaux, au niveau national, les cahiers de doléance et Etats généraux.

 

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Les femmes votaient dès les "temps barbares de l'obscur Moyen-Âge..."

 

C'était un vote au niveau local qui avait beaucoup plus de puissance et d'efficacité car le sujet du vote et l'élu lui-même était plus proche de la personne. Un vote sain car les gens connaissaient bien le sujet du vote, les problèmes au niveau local, ils pouvaient donner un avis éclairé. Sous la monarchie dite 'absolue', l'élection a donc eu un rôle plus important qu'on ne dit.

Tout d'abord lorsque le Roi réunissait les Etats Généraux pour leur demander conseil ou créer un nouvel impôt, les trois ordres (noblesse, clergé, tiers état ) élisaient leurs représentants sur la base de circonscriptions régionales.

Plusieurs provinces dites pays d'états possédaient un parlement autonome (en matière financière ou d'administration régionale par exemple).

 

. La femme au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime : l'exclusion des femmes ne date pas des "siècles obscurs" mais vient plus tard, de la modernité

 

Le parlement local était élu par la population locale.

 

Chaque grande ville élisait ses dirigeants, désignés parfois sous le terme d' échevin.

"Dans les provinces les plus tardivement réunies à la couronne, avaient longtemps subsisté des Etats particuliers dont les pouvoirs étaient vastes: ils dirigeaient l'administration locale, géraient leur budget privé et votaient les impôts généraux. A la veille de la Révolution, ce système fonctionnait partiellement en Bourgogne, en Provence, en Flandre et dans plusieurs pays des Pyrénées, absolument en Languedoc et en Bretagne. les Etats de Languedoc avaient une forme bonne réputation et passaient pour assez traitables. Ceux de Bretagne étaient difficiles. L'emploi de commussaires du Roi y était considéré comme une épouvantable corvée ...

Aussi originale était la situation des terres alsaciennes et lorraine... Beaucoup d'Allemands viennent s'installer chez nous. Huit ou neuf mille servent dans notre armée et tiennent précisément garnison dans l'Est. les jeunes seigneurs du Palatinat ou du Wurtemberg (Forêt noire) rêvent de Versailles, parlent notre langue, achètent nos livres et collectionnent nos oeuvres d'art. les universités de Bonn et de Mayence sont toutes pénétrées de notre civilisation et quand Goethe songe à être professeur, c'est pour enseigner à Strasbourg.

"Il ne faut point toucher aux usages du pays d'Alsace", avait écrit un ministre de Louis XIV. En vertu de cet adage, ni le Concordat de 1516, ni la révocation (1685) de l'Edit de Nantes (1598) n'y sont appliqués. Les églises y vivent sous le régime en vigueur au moment de la réunion (Traité de Westphalie 1648); les protestants y pratiquent leur culte à peu près sans entraves. La langue, les coutumes, les tribunaux, les libertés bourgeoises, les constitutions municipales sont fidèlement respectées. Ni taille, ni aides, ni droits d'enregistrement; des impôts locaux perçus selon la forme traditionnelle (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 9-10).

 

Chaque corporation ou métier élisait ses représentants salariés et patronaux.

 

Les évêques et les abbés étaient élus par les membres du clergé.

 

Pour finir la Charte de 1814 octroyée par Louis XVIII instituait une chambre des députés. Mais il s'agit probalement là d'une concession faite au principe révolutionnaire de la souveraineté populaire détenue et déclinée par l'Oligarchie..

N'oublions pas non plus que la république, qui se veut en France un modèle, a exclu les femmes du vote jusqu'en 1945, et non la monarchie...

 

"Dans certaines provinces, les sujets du roi pouvait naître, vivre et mourir sans avoir directement affaire à l’Etat..." (Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989).

 

Sous "l'Ancien Régime", "le principe des libertés nationales était posé dans cette maxime fondamentale de l'Etat français : Lex fit consensu populi et constitutione regis. (La loi est faite par le consentement du peuple et la constitution du roi. Ndlr.)

 

"Consentement de la nation et décret du prince", voilà l'antique formule du pouvoir législatif en France, depuis l'établissement de la monarchie." (Mgr Freppel, La Révolution française, Autour du centenaire de 1789, Paris: A. Roger et F. Chernoviz, 1889, p. 33.) 

 

Le self-government rural ou la "démocratie" et des élections à la pluralité des voix dans chaque village

 

Description de cette image, également commentée ci-après"Parmi les écrivains de l'Ancien Régime, il en est un d'une valeur unique quand il s'agit de la vie populaire, ville ou campagne; nous l'avons déjà cité, le célèbre, trop célèbres par certains côtés, Rétif de la Bretonne. Paysan bourguignon, demeuré en relations avec les gens de son village, il décrit avec une plume fidèle la vie des siens. L'un de ses livres, presque exclusivement consacré à la vie rurale, La Vie de mon père, est un chef d'oeuvre. Parlant des deux villages de Sacy et de Nitry (département de l'Yonne), Rétif écrit :
 
'...Les habitants étaient possesseurs de leur finage, chacun cultivait ses terres, avait des bestiaux en proportion de ses fourrages et des engrais dont il avait besoin.' Outre les propriétés particulières, chacun de ces villages (on disait communauté) possédait des communes (biens communaux) appartenant généralement à tous. Mais laissons la parole à notre paysan : 'La petite paroisse de Sacy, dit Rétif, ayant des communes, elle se gouverne comme une famille.' Chaque mot ici est à retenir : 'Tout s'y décide à la pluralité des voix, dans des assemblées qui se tiennent sur la place publique, les dimanches et fêtes au sortir de la messe, et qui sont indiquées par le son de la grosse cloche. C'est à ces assemblées qu'elle - la petite paroisse - nomme les syndics, les collecteurs pour la taille, les garde-finages pour la sûreté des terres ensemencées et des vignes, enfin les pâtres publics.'
 
C'était comme on le voit, le self-government rural dans son intégrité. Notons que ce tableau de l'assemblée du village, donné par Rétif pour la Bourgogne, concorde, et jusque dans ses détails, avec celui que le cardinal Mathieu présentera pour la Lorraine d'après ses recherches dans les archives locales, avec le tableau que trace M. Jean Barruol pour la Provence et le Comtat-Venaissin, avec le tableau que donne Emile Cheysson de la vie rurale dans nos provinces du Sud-Ouest. 'Quarante mille associations naturelles, écrit Albert Babeau, délibéraient sur leurs propres intérêts et choisissaient leurs agents.'
 
Et Jean Barruol en ses précieuses études sur La Vie rurale dans l'Ancienne France : '1789 donnera aux habitants des campagnes des droits politiques souvent illusoires, qui ne remplaceront pas les libertés et privilèges de plus modeste allure, mais aussi plus pratiques, élaborés par l'expérience et les rapports millénaires du Prince, du Seigneur et des antiques souches paysannes.' (Frantz FUNCK-BRENTANO, La Société sous l'Ancien Régime, Flammarion, Lagny 1934, p. 33-35.)
 
... Et les documents d'archives, pièces inédites, ajoute M. Jean Barruol (La Vie rurale dans l'Ancienne France) confirment de tous points le tableau des ménages rustiques tracé par Rétif de la Bretonne et par Marmontel. (Frantz FUNCK-BRENTANO, ibid., p. 395.)
 
 
En 1788, dans ses Mémoires sur les états généraux, leurs droits, et la manière de les convoquer, le Comte d'Antraigues écrit que les rois ne sont que les simples dépositaires de la volonté du peuple. (La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, sous la dir. De Jean TULARD, Perrin 1990, rééd. CNRS Éditions, Biblis, Paris 2021, p. 24.) Il est l'un des premiers à voir dans le Tiers état la "nation". Dans un passage célèbre, il écrit : "Le Tiers état est le Peuple et le Peuple est le fondement de l'État ; il est en fait l'État lui-même… C'est dans le Peuple que réside tout le pouvoir d'une nation et c'est pour le Peuple qu'existent tous les états." 

 

Ce même comte d'Antraigues, député de la noblesse, défendra pendant l'été 1789 la nécessité d'une déclaration des droits de l'homme. (La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, ibid. p . 25) Ceci ne l'empêche pas de défendre Louis XVI, de revendiquer les prérogatives de la noblesse, de s'opposer au système d'emprunt du ministre Necker, et de publier par la suite de nombreux pamphlets contre la Révolution et contre Napoléon.

 

"La plupart des absolutistes – comme des monarchiens – adoptaient une autre explication... Beaucoup de ceux qui ont été appelés aristocrates furent dans cette période des démocrates, écrit Sénac de Meilhan. Les grands, la haute noblesse, le clergé, les dames, les nobles de robe demandaient alors un changement dans le gouvernement. Ils voulaient obtenir, en usant de leur influence sur la nation,  plus de considérations des ministres. Ils voulaient être honorés dans leur province [...] Ces aristocrates sont les vrais auteurs de la Révolution." (La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, sous la dir. De Jean TULARD, Perrin 1990, rééd. CNRS Éditions, Biblis, Paris 2021, p. 29-30.)

 

"La plupart des cahiers de doléances – tous les cahiers généraux du Tiers, le gros de ceux de la Noblesse et une partie de ceux du clergé –  demandaient la consécration de droits nombreux.

"[...] On prend clairement la mesure de cet engouement lorsqu'on voit un Jacob-Nicolas Moreau – adversaire des ''cacouacs'' (les philosophes) et ultime ''légiste'' de l'ancienne France – livrer au mois de mai 1789 des Maximes fondamentales du gouvernement françois ou profession de foi nationale renfermant tous les dogmes essentiels de notre symbole politique, présentées sous la forme d'articles et comportant certes un playdoyer pour la ''monarchie pure'', mais aussi quelques-uns des éléments d'une déclaration des droits." (La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Présentée par Stéphane Rials, Hachette, Pluriel Inédit, Paris 1988, p. 115, 118.)

 
 
En 1790, certains contre-révolutionnaires "ont été parmi les premiers, avant les révolutionnaires, à penser le pluralisme politique. C'est Cazalès, leader de l'opposition noire, qui déclara : "Quels que soient les principes qu'il professe, le parti de l'opposition est et sera toujours le parti du peuple. Le parti qui lutte contre l'autorité dominante, est toujours le parti de la liberté, Roi, Sénat, Assemblée nationale, Parlement, partout où l'autorité n'est pas contredite, le peuple est esclave et le gouvernement tyrannique." (Opinion de M. de Cazalès, dans l'affaire de Nancy, s.l.n.d, in-8°, 22 p. in La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, sous la dir. De Jean TULARD, Perrin 1990, rééd. CNRS Éditions, Biblis, Paris 2021, p. 53.)
 
On doit la consécration elle-même du droit de résistance à l'oppression dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à une initiative du député monarchien Mounier. (La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Présentée par Stéphane Rials, Hachette Pluriel Inédit, Paris 1988, p. 402.) Ce député royaliste réformateur est également à l'origine  des premiers articles de la Déclaration affirmant les "droits naturels et imprescriptibles de l'homme" et la rédaction définitive elle-même de la Déclaration (La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Présentée par Stéphane Rials, ibid., p. 179, 385, 392.)
 
 
Une instruction plus développée qu'on ne le croit
 
"Quant à l'instruction, elle était beaucoup plus développée qu'on ne le croit généralement. [D]ans la Vie de mon père, (de Rétif, (mort en 1806 Ndlr.) encore, nous trouvons des détails précis sur l'école populaire des villages de sacy et de Nitry en Bourgogne.
 
M. T., receveur de l'enregistrement, à B... (Gironde), nous faisait l'honneur de nous écrire, écrit F. Funck-Brentano :
 
"En classant dernièrement de vieux papiers dans le Lot-et-Garonne, j'ai trouvé un document qui confirme votre opinion sur l'instruction primaire dans les campagnes sous l'Ancien Régime. Il s'agit d'un cahier d'écolier de novembre 1686." Ce dernier appartenait à une famille de laboureurs, d'est-à-dire de paysans. Ce qui au surplus, est remarquable, écrit M. T., c'est que cet écolier demeurait dans un coin du Lot-et-Garonne, à Lastraules, où, il y a une soixantaine d'années, il n'y avait encore aucun chemin pour s'y rendre, mais de simples pistes. Nous sommes en un modeste petit village comme perdue parmi ses cultures. ... Dans le corps du cahier on trouve diverses manières d'additionner, de soustraire, une table pour apprendre à bien multiplier, laquelle il faut savoir par coeur. La réduction des monnaies y tient une grande place. Le tout est accompagné d'exemples et de problèmes. "J'appaprtiens à une très ancienne famille du Rouergue, poursuit notre correspondant, rapporte F. Funck-Brentano. Voilà un mois, je conduisais mon grand-père dans le petit cimetière d'un village près de Millau. Lorsque, dans la douloureuse nuit où nous veillions son corps inanimé, les premières lueurs de l'aube vinrent se mêler à la clarté vacillante des cierges, je demandai à mon père de me montrer les archives familiales. Une liasse de vieux papiers jaunis où revit une partit de ma race. Jamais encore je n'avais pu obtenir de mon grand-père de me les montrer. Parmi ces paysans, mes ancêtres, qui précédèrent la Révolution, tous sont doués d'une belle écriture, d'une phrase parfaitement correcte. ... Après la Révolution au contraire, vers 1840, je trouve un de mes pères complètement illettré, puis le père de mon grand-père écrit difficilement; mon grand-père aussi. Qu'est-ce à dire sinon que, sous l'Ancien Régime, l'instruction était très répandue. J'ai des testaments qui sont de vrais chefs- d'oeuvre de correction, de style et j'ajoute, de charité. Tous donnaient une part aux pauvres du village. Ne serait-ce pas la Révolution qui aurait fermé les écoles et ne donne-t-on pas à l'Ancien Régime une réputation d'ignorance et d'obscurantisme qui, en réalité, reviendrait à l'époque qui lui a succédé ?"
 
"Observations, explique F. Funck-Brentano, confirmées de la manière la plus précise par M. Lucien Noël dans le précieux ouvrage qu'il vient de publier, Montfermeil et sa région: Ces institutions (assistance et instruction publiques) léguées à la Révolution par les gouvernements antérieurs, formaient un splendide patrimoine que les assemblées révolutionnaires paraissent ne pas avoir apprécié à sa valeur... Elles ne s'occupèrent de l'instruction primaire que pour l'amoindrir." (Frantz FUNCK-BRENTANO, La Société sous l'Ancien Régime, Flammarion, Lagny 1934, p. 46-48.)

 

Cliché le peuple d'illettrés

 

"...les livres scolaires, au lendemain des lois sur l'obligation scolaire (Lois scolaires Jules Ferry), endoctrinaient les enfants dès leurs jeune âge. Les manuels d'histoire accusaient, sans nuance et sans crainte du ridicule, l'Eglise médiévale d'avoir mis tout en oeuvre pour maintenir les hommes dans un état de totale inculture; tous disaient que, pour le clergé, "la diffusion des livres était le triomphe du diable". À les lire, s'imposait l'idée que l'Eglise avait "réservé jalousement pour ses moines, dans le mystère des cloîtres, des bribes de science qu'elle se garda bien de communiquer au grand public"... Ces responsables de l'enseignement, appliqués à forger des esprits, suivaient de très près leurs maîtres, Michelet surtout qui intitulait les chapitres de son Histoire de France, consacrés à l'Eglise: "De la création d'un peuple de fous" ou encore "La proscription de la nature"... Certains diraient qu'avant Jules Ferry rien n'avait été fait pour l'instruction du peuple! En tout cas, truisme constamment rappelé, aux temps "médiévaux" (pourquoi pas 'moyenâgeux' ?) aucune école ni dans les villages, ni dans les divers quartiers des villes, si ce n'est pour quelques privilégiés... aussitôt destiné aux carrières ecclésiastiques.

 

"Or nous voici dans l'erreur la plus totale car toutes sortes de documents (archives comptables des municipalités et archives judiciaires, registres fiscaux) témoignent amplement, pour différents pays, de l'existence, outre le curé et ses assesseurs, de maîtres d'école de profession, régulièrement patentés et rémunérés.

 

À Paris, en 1380, Guillaume de Salvadille, professeur de théologie au collège des Dix-Huit, chef des "petites écoles" de la ville, réunit les directeurs de ces écoles où l'on apprenait aux enfants la lecture, l'écriture, le calcul et le catéchisme; sont présents vingt-deux "maîtresses" et quarante et un "maîtres", tous non-clercs, dont deux bacheliers en droit et sept maitres ès arts (J. Hillairet, L'Ile de la Cité, Paris 1969, p. 48)" (Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Vérités et Légendes, Perrin, Perrin Malesherbes 2001, p. 217-218).

Les libertés et l'égalité : des principes monarchiques millénaires dévoyés ou le bilan effroyable de la République "française"

"L'enseignement était obligatoire et gratuit" (F. Funck-Brentano, ibid., p. 50) :

 

"Par les ordonnances du 15 avril 1695 et du 13 décembre 1698, Louis XIV déclare : 'Que les pères et mères ainsi que les tuteurs ou autres personnes chargées de l'éducation des enfants devront envoyer les enfants aux écoles jusqu'à quatorze ans.'

 

"Albert Babeau a noté qu'en  Normandie il y avait, avant la Révolution, 94% de gens sachant lire et écrire; en Lorraine, 87%. 40.000 écoles gratuires avaient été construites pour une population sensiblement inférieures à celles de la France d'aujourd'hui (en 1934 Ndlr.).
 
Au cours de son livre l'Ecole sous la Révolution, V. Pierre constate qu'il y avait en 1789 des écoles dans chaque paroisse 'et presque dans chaque hameau'. (Frantz FUNCK-BRENTANO, ibid. p. 50-51.)
 
"[N]ous regretterions de ne pas terminer en citant un auteur qui ne sera pas taxé d'une tendresse excessive pour la France de l'ancien temps, ni d'hostilité aux réformes nouvelles: il s'agit de Voltaire. 'Je ne sais, dit l'auteur de Candide et du Siècle de Louis XIV, je ne sais comment il arrivé que, dans nos villages, où la terre est ingrate, les impôts lourds, la défense d'exporter le blé qu'on a semé intolérable, il n'y ait pourtant un colon qui n'ait un bon habit de drap, qui ne soit bien chaussé, bien nourri', et nous ajouterons "bien instruit", comme on vient de le voir !" (Voltaire cité in Frantz FUNCK-BRENTANO, ibid. p. 55)

 

 

"Les grands services de l'Etat, la justice, l'armée, la perception des impôts, l'instruction publique échappaient au pouvoir central.

 

De toutes parts le gouvernement se trouvait endigué par des forces plus maîtresses de l'Etat que lui-même."

 

A la tête de la magistrature française, le chancelier est 'l'interprète de la volonté souveraine, devant les cours de justice.' ... Magistrats qui ne craignaient pas de tenir en échec la volonté souveraine.

 

... 'Les parlements, dira Louis XV, élèvent leur autorité à côté et même au-dessus de la nôtre, puisqu'ils réduisent notre pouvoir législatif à la simple faculté de leur proposer nos volontés en se réservant d'en empêcher l'exécution!' (F. Funck-Brentano, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 185-187.)

 

Quant aux forces de police armée, on peut dire que dans le royaume, elles n'existaient pas ! (Funck-Brentano, ibid., p. 189.)

 

"L'instruction publique, on sait comment, depuis le sommet jusqu'au dernier échelon, elle était hors les mains de l'Etat. L'idée que l'Etat pût se substituer comme éducateur au père de famille eût plongé nos ancêtres dans un grand étonnement." (Funck-Brentano, ibid., p. 191.)

 

"Notre administration (aujourd'hui NdCR.) a dans les mains la gendarmerie, les gardes mobiles, le corps enseignant, le monde des préfets, sous-préfets, contrôleurs, percepteurs, instituteurs, employés des postes et des chemins de fer, ingénieurs et agents des ponts et chaussées, des eaux et forêts, douaniers, sans oublier les intarissables speakers de la T.S.F (radio Ndlr.); multitude immense installée dans les coins et recoins les plus divers du pays et sur laquelle du fond de son cabinet, du matin au soir, le ministre peut agir, s'il le faut, par la rapidité du télégraphe et du téléphone....

 

[L]e plus modeste de nos secrétaires d'Etat dispose de moyens d'action plus nombreux et plus forts que le Roi-soleil en sa toute puissance.... (Funck-Brentano, ibid., p. 195-196.)

 

Peut-être à ces conclusions objectera-t-on les lettres de cachet.

 

... En trois années, la Révolution a délivré plus de lettres de cachet pour affaires d'Etat - et dont le plus grand nombre ont eu l'issue tragique -, que le gouvernement royal en trois siècles." (Funck-Brentano, ibid., p. 197.)

L'égalité

Saint Thomas d'Aquin définit la loi comme une "ordonnance de la raison, promulguée par celui qui a autorité sur la communauté, pour le bien commun" (I-II, Q. 90, a. 4).

 

La loi ne lie pas de sa propre autorité mais de celle de Dieu, et nous sommes tenus d'obéir à la loi dans la mesure où elle porte l'autorité de Dieu. Par conséquent, si une loi viole la loi de Dieu - la loi naturelle ou divine - alors non seulement elle ne nous lie pas en conscience, mais nous sommes plutôt tenus de désobéir à ces lois, au moins par une résistance passive (comme le refus de participer à l'avortement ou l'euthanasie).

 

Thomas d'Aquin dit que les lois sont contraignantes si elles remplissent trois critères:

 

Premièrement, la "fin": la loi doit servir le bien commun de la société pour laquelle elle est promulguée et destinée, et elle ne doit pas seulement être "bonne en général". Il peut être bénéfique pour les étudiants de faire de la gymnastique le matin, mais il serait étrange qu'un collège l'exige comme partie du régime du matin de chaque classe. 

 

Deuxièmement, "l'auteur": la loi doit être promulguée par l'autorité compétente. Un évêque ne peut décréter des lois liturgiques et autres que dans les limites géographiques (ou spirituelles) de son propre diocèse. Il y a des cardinaux et des archevêques qui voudraient imposer leurs protocoles de Covid à des provinces, des États ou des nations entières, mais eh bien, tant pis.

 

Troisièmement, la "charge" de la loi - car toute loi a sa dimension coercitive - ne peut être disproportionnée par rapport au bien recherché ou au mal évité (le remède ne doit pas être pire que le mal). La loi ne doit pas non plus retomber de manière disproportionnée sur une partie de la population plutôt qu'une autre. Les impôts doivent être imposés de manière équitable, de même que la conscription, la fonction de juré, et personne ne devrait bénéficier d'un traitement préférentiel indu. Tous sont égaux devant la loi, sans que certains soient plus égaux que d'autres.

L'égalité correspond à l'âme française, dès l'époque de la monarchie.   

 

Bien avant 1789 et la franc-maçonnerie, la France Fille aînée de l'Eglise a inventé l'égalité.

   

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"Par la sainte Ampoule (qui aurait servi au baptême de Clovis NdCR.) se trouve symbolisée la doctrine chrétienne, selon laquelle tous les hommes étant égaux, aucun d'eux ne peut exercer l'autorité sur ses semblables si ce n'est par une délégation de Dieu, à qui il devra des comptes. D'ailleurs, l'expression, 'par la grâce de Dieu roi de France', telle qu'on l'employait aux temps féodaux, n'est pas autre chose qu'une forme d'humilité." (Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, Stock, Évreux 1982, p. 63).

 

. C'est la France mérovingienne qui la première au VIIe siècle a aboli l'esclavage sur le territoire franc.  

La reine sainte Bathilde (626-680), épouse de Clovis II "interdit les marchés d'esclaves, ce qui revient à prohiber l'esclavage sur ses terres." (Régine Pernoud, Les saints au Moyen Age, la sainteté d'hier est-elle pour aujourd'hui ? Plon, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 204-205.)

 

. Apparition du principe du consentement dans le mariage chrétien. "Le mariage consenti met l'homme et la femme à égalité au moins sur le plan des principes, ce qui n'était pas le cas auparavant" (La France médiévale , Sous la Direction de Jean Favier, Fayard, Vitry-sur-Seine 1983, p. 35.)

 

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"Le mouvement communal a été, dès son origine dans les années 1070, le fruit d'une prise de conscience collective et l'expression de la construction spontanée de solidarités horizontales entre hommes libres et égaux." (Jean Favier,  La France féodale, 1984, réed. Le Grand Livre du Mois, Paris 1995, p. 115.)

 

. C'est la France capétienne qui sous Louis X le Hutin  a publié un édit affirmant que « selon le droit de nature, chacun doit naître franc », c'est-à-dire libre.

 

Officiellement, depuis cette date, « le sol de France affranchit l'esclave qui le touche ». Il n'y aura plus d'esclaves sur le sol métopolitain depuis ce jour sur le sol métropolitain.

 

"[L'affirmation de l'individu au sein du groupe défini par ses privilèges favorise l'établissement de relations horizontales entre personnes de rang égal." (Jean Favier, La France féodale, 1984, rééd. Le Grand Livre du Mois, Paris 1995, p. 11)

 

Les rois de France n'ont cessé depuis la fin du XVIIe siècle de vouloir faire la grande réforme fiscale d'égalité devant l'impôt

 

"Capitation" 1695, "dixième" 1710, "vingtième" 1750, "Subvention territoriale" 1786. Ils en furent empêchés par les parlements qui refusaient d'enregistrer les édits... (Cf.  Les révolutions françaises, Sous la Direction de Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1989, chapitre "La pré-Révolution 1788-1789, rédigé par Jean-Marie Harouel).

Cette réforme eut sauvé la monarchie et nous aurait évité la Révolution avec ses bains de sang, le génocide vendéen, les guerres napoléoniennes, les génocides et les totalitarismes du XXe siècle qui s'en inspirèrent.

 

Lire : "14 juillet 1789 : La Révolution dite "française".

 

Description de cette image, également commentée ci-après

Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville

 

En 1749, le vingtième est un impôt direct qui fut voulu par le contrôleur général des finances Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville qui souhaitait établir un impôt direct touchant l'ensemble de la population (tiers-état, nobles et clergé) dont le montant correspondait à 5 % (1/20) des revenus.

 

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Calonne,

Projet de "Subvention territoriale" de 1786

 

Le 20 août 1786, Calonne présente son projet de Subvention territoriale. Il adresse à Louis XVI le Précis d’un plan d’amélioration des finances dans lequel il propose de "revivifier l’État entier par la refonte de tout ce qu’il y a de vicieux dans sa constitution". Il s'agit de supprimer les douanes intérieures, de supprimer les traites, de réduire la taille, de remplacer les corvées par une prestation en argent, de transformer la Caisse d’escompte en une banque d’État et surtout de créer de nouveaux impôts en taxant les propriétés de la noblesse et du clergé. Cette réforme ne put se faire à cause de l'opposition de la Haute-noblesse et du Haut-Clergé sous Louis XIV ("Capitation" de 1695), la franc-maçonnerie sous Louis XV et Louis XVI ("Vingtième" et "Subvention territoriale"). Ces gens (qui avaient colonisé le Parlement de Paris ainsi que les parlements de France et de Navarre), pratiquaient une obstruction parlementaire systématique contre tout projet royal visant à établir l'égalité devant l'impôt.

 

La franc-maçonnerie, alliée de la banque qui devait prendre le pouvoir en 1789 et le garder jusqu'à aujourd'hui, ne défendit cette égalité fiscale qu'en 1789... c'est-à-dire qu'une fois que leur "Révolution" aura été mise en place, afin de se tirer la couverture à elle.

 

En 1789, le l'abbé Mably estimait que "c'était toute la nation, y compris le Tiers-État qui participait de l'égalité et de la liberté originelles des guerriers (Francs) fondateurs" (La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, sous la dir. De Jean TULARD, Perrin 1990, rééd. CNRS Éditions, Biblis, Paris 2013, p. 31.)

 

"Les théoriciens chrétiens proposaient depuis longtemps des théories sur la nature de l'égalité et sur les droits de l'individu. Le travail ultérieur de théoriciens politiques 'laïques' tels que John Locke a été explicitement fondé sur des axiomes égalitaires posés par les penseurs religieux." (Jeremy Waldron, God, Locke, and Equality, Cambridge University Press, 2002, cité in Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme, Éditions Presses de la Renaissance, Paris 2007, p. 11). 

 

"Beaucoup expriment également de l'admiration pour les œuvres de John Locke au XVIIe siècle comme étant une source majeure de la théorie démocratique moderne, apparemment sans se rendre compte le moins du monde que Locke fonda explicitement toute sa thèse sur les doctrines chrétiennes concernant l'égalité morale." (Jeremy Waldron, ibid.cité in Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison, ibid., p. 119.)

 

"Il (le christianisme) est surtout admirable, écrit Chateaubriand dans Génie du Christianisme (1802) pour avoir transformé l'homme physique en homme moral.

 

"Tous les grands principes de Rome et de la Grèce, l'égalité, la liberté, se trouvent dans notre religion, mais appliqués à l'âme et au génie, dans des rapports sublimes." (Chateaubriand cité in La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, sous la dir. de Jean TULARD, Perrin 1990, rééd. CNRS Éditions, Biblis, Paris 2021, p. 341)

 

Et dans les Mémoires d'Outre-Tombe, il démontre l'idée que le christianisme a apporté au monde la véritable notion de liberté et que cette notion toute chrétienne doit être la pierre angulaire des sociétés politiques de l'avenir.

 

"Il n'y a pas de véritable religion sans liberté ni de véritable liberté sans religion" (1831).

 

"La liberté est sur la croix du Christ, elle en descend avec lui." (1836, Chateaubriand cité dans La Contre-Révolution, Origines, Histoire, Postérité, ibid., p. 343)

 

"La disparition de l'esclavage sous la double action des femmes et de l'Evangile" (Régine Pernoud)

 

 

"On est frappé du dynamisme, de la capacité d'invention de ces femmes que l'Evangile a libérées. Un exemple est frappant: celui de Fabiola… Elle fait partie de ces dames de l'aristocratie romaine qui sont devenues les disciples de saint Jérôme; frappées de voir le nombre de pèlerins qui viennent à Rome et là se trouvent sans ressources, elle fonde une "Maison des malades", nosokomïon, à leur intention. Autrement dit, Fabiola fonde le premier hôpital. C'est une innovation capitale et il est inutile de souligner l'importance qu'elle aura au cours des siècles. Un peu plus tard, de nouveau, elle fera preuve d'invention en créant à Ostie, port de débarquement des pèlerins, le premier centre d'hébergement, xenodochion. On a souvent affecté de reprocher à la femme un certain manque d'imagination: Fabiola offre à cette réputation un démenti éclatant, et lorsqu'on visite ces chefs d'œuvres d'architecture fonctionnelle et de réalisation artistique que sont l'hôpital de Tonnerre ou celui de Beaune, on devrait se souvenir qu'ils sont le fruit, l'aboutissement d'une œuvre de femme attentive aux besoins de son temps qui sont ceux de tous les temps… Le système hospitalier du Moyen Age, extrêmement développé, celui des hospices routiers qui jalonnent les routes de pèlerinage, témoignent de la fécondité de cet héritage.

 

"Il y aurait tout un chapitre à écrire sur les religieuses (p. 28) hospitalières; contentons-nous de rappeler ici la fondation à Paris de l'Hôtel-Dieu, l'an 651, où pendant mille deux cents ans des religieuses et religieux soignèrent gratuitement les malades [pas besoin de sécurité sociale] qui se présentaient. Pour donner une idée de son activité, il suffira de rappeler la requête de la prieure de l'Hôtel-Dieu de paris, sœur de Philippe du Bois, rédigée le 13 décembre 1368, où elle indique que la consommation journalière de l'Hôtel-Dieu s'élève à 3500 draps ou autres de toile. A cette même date de 1368, l'Hôpital parisien de Saint-Jacques, non loin de l'Hôtel-Dieu, donnait asile en un an à 16 690 pèlerins.

 

"Pour en revenir aux contemporaines de Fabiola, il faut signaler les deux Mélanie, l'ancienne et sa petite-fille, Mélanie la jeune; celle-ci, héritière des immenses domaines de sa grand-mère (on sait que dans la province d'Afrique, la moitié des terres appartenaient à six propriétaires!), donc Mélanie la jeune et Pinien son époux distribuent cet immense territoire à leurs esclaves (plus d'un millier); Pinien devient évêque sur les pas de l'évêque d 'Hippone, saint Augustin, et Mélanie se retire en Terre sainte où sa grand-mère a fondé une communauté de libération des esclaves, Mélanie a eu une action concrète, certaine.

 

"N'est-il pas surprenant que l'on ait pas souligner cette mutation que représente la disparition de l'esclavage ? Les manuels scolaires sont muets sur un fait social dont l'importance pourtant primordiale semble avoir quelque peu échappé aux historiens...

 

"Le retour de l'esclavage à l'époque de la Renaissance aurait dû cependant attirer leur attention sur le processus inverse qui s'était amorcé dès le IVe siècle...

 

"L'esclave, totalement dépourvu de droit, l'esclave-chose, tel qu'il était dans le monde romain, ne pouvait évidemment survivre longtemps à la diffusion de l'Evangile. Déjà l'affranchissement des esclaves était largement facilité au IVe siècle, et dès Constantin Ier, l'une des réformes stipulant que les membres de la famille de l'esclave ne seraient plus séparés impliquaient pour l'esclave ce droit à la famille et au mariage qui lui avait été refusé jusqu'alors… Enfin, le rôle joué par l'Eglise dans les affranchissements de fait est consacré par le Code Justinien pour lequel le séjour au monastère dans le dessein d'y entrer suspend toute servitude. Justinien avait aboli la loi romaine du Bas-Empire interdisant d'affranchir plus de cent esclaves à la fois.

 

"Les conciles ne cesseront d'édicter des mesures pour humaniser le sort de l'esclave et peu à peu amener à le reconnaître en tant que personne humaine. Ainsi mesure-t-on les progrès entre le concile d'Elvira de 305 qui impose sept ans de pénitence à celui qui aurait tué son esclave jusqu'au concile d'Orléans (511) où le droit d'asile des églises est proclamé pour les esclaves fugitifs, ou celui d'Eauze (551) qui affranchit d'autorité le serf que son maître aurait fait travailler le dimanche.

 

"Mais pour comprendre l'évolution qui s'est produite, il faut rappeler qu'au moment du concile d'Elvira on se trouve encore en pleine civilisation païenne, où le meurtre d'un esclave n'est aucunement considéré comme un crime puisqu'il est légalement permis.

 

"On peut aussi relever ces canons des conciles d'Orange (441) et Arles (452) dans lesquels il est précisé que les maîtres dont les esclaves auraient cherché asile dans l'église ne pourront pas compenser cette défection en s'emparant des esclaves des prêtres.

 

"Il est toute une étude à faire, dont il faut bien constater qu'elle n'a été entreprise que dans le cadre stricte du juridique, pour suivre l'influence de la mentalité chrétienne, imprégnant peu à peu les mœurs, sur la législation civile proprement dite. Au Ve siècle, saint Césaire s'écrie, répondant à ceux qui le blâment d'avoir payé pour l'affranchissement d'esclaves: "Je voudrais bien savoir ce que diraient ceux qui me critiquent s'ils étaient à la place des captifs que je rachète. Dieu, qui s'est donné lui-même pour prix de la rédemption des hommes, ne m'en voudra pas de racheter des captifs avec l'argent de son autel"…

 

(Source: Régine Pernoud, La femme au temps des cathédrales, Stock, Évreux 1980, p. 27)

 

L'esclave qui était une chose devient une personne (Régine Pernoud)

 

"C'est donc une constatation qui s'impose: au cours de cette époque réputée brutale s'accomplit le changement peut-être le plus important de l'histoire sociale: l'esclave, qui était une chose, devient une personne; et celui qu'on appellera serf désormais jouira des droits essentiels de la personne: soustrait à ce pouvoir de vie et de mort qu'avait sur lui son maître, il pourra avoir une famille, fonder un foyer, mener sa vie avec la seule restriction à sa liberté que sera l'obligation de demeurer sur le sol selon des modalités qu'on étudiera plus aisément à l'époque féodale proprement dite.

 

Enfin, il faut en revenir aussi à ces pieuses femmes groupées autour de saint Jérôme à la fin du IVe s. pour découvrir les racines de la culture religieuse féminine. En effet, le monastère fondé à Bethléem où se sont retrouvées Paula, Eustochium et leurs compagnes est un véritable centre d'étude; il est vrai que sous l'impulsion de l'infatigable traducteur et exégète auquel on doit le texte de la Vulgate l'activité intellectuelle dont elles témoignent est toute naturelle. Il reste que Paula par exemple apprend l'hébreu: "elle y réussit si bien qu'elle chantait les psaumes en hébreu et parlait cette langue sans y rien mêler de la langue latine", écrira saint Jérôme. L'étude des psaumes, de l'Ecriture sainte, de leurs premiers commentateurs, est familière aux moniales de Bethléem, et c'est à leur demande, par exemple, que Jérôme lui-même compose son Commentaire sur Ezéchiel.

 

Une tradition de savoir va s'établir, dont le point de départ est ce premier monastère féminin de Bethléem. Les monastères d'hommes rassembleront plutôt des êtres désireux d'austérité, de recueillement, de pénitence, les monastères de femmes, à l'origine, ont été marqués par un intense besoin de vie intellectuelle en même temps que spirituelle.

 

A considérer la vie de l'Eglise dans la perspective de ce qu'elle fut à l'époque féodale, on constate que les femmes en ont été les auxiliaires sans doute les plus dévouées, les plus ardentes. Et il est curieux de trouver en germe parmi ces femmes qui agissent avec un tel esprit d'invention aux IVe et Ve siècles ce qui va caractériser la civilisation féodale: à travers Fabiola qui crée les premiers hôpitaux, Mélanie qui abolit l'esclavage dans ses domaines, Paula qui veille à sa propre instruction et à celle des filles groupées autour d'elle, (p. 31) on discerne les éléments de la vie domaniale, le début des monastères où s'épanouit une haute culture, ceux de la chevalerie où la double influence de l'Eglise et de la femme contribueront à faire l'éducation du mâle, à lui inculquer l'idéal du prince lettré et le souci de la défense du faible.

 

C'est pourquoi il nous faut commencer par étudier ce type de femme totalement inconnu de l'Antiquité qu'est la religieuse.

 

(Source: Régine Pernoud, La femme au temps des cathédrales, Stock, Évreux 1980, p. 29-30).

 

L'abolition de l'esclavage au VIIe siècle par Sainte Bathilde, Reine de France" (Mgr Paul Guérin)

 

"Elle veille à la régularité du Clergé, elle met des saints sur les sièges épiscopaux, elle relève les monastères et en fonde de nouveaux, elle travaille à l'affranchissement du peuple, crée un grand nombre d'hôpitaux, abolit l'esclavage en France, assure le maintien de la paix, fait rendre exactement la justice, entetient des ambassadeurs en Espagne et en italie, et évangélise l'Allemagne par ses missionnaires.

 

"[...] Elle s'éteignit... dans le service de Dieu, le 30 janvier de l'an 670. La petite ville de Chelles a le bonheur de posséder encore les reliques de Sainte Bathilde (Mgr Paul Guérin, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Editions D.F.T., Argentré-du-Plessis 2003, p. 64.)

 

L'idéal humain sous Saint Louis: la "prud'homie"

 

"L'idéal humain de Saint Louis est ... la "prud'homie", qu'on ne saurait définir autrement que comme une conduite conforme au code de l'honnête homme tel que pouvait le concevoir le XIIIe siècle.

 

"Parmi ses composantes figurent la courtoisie, l'esprit de justice, la modération, la franchise et le souci d'observer les convenances" (Jean Richard, Saint Louis, Librairie Arthème, Éditions Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1991, p. 146).

 

La justice au coeur des institutions médiévales

 

Dans les instructions laissées par Saint Louis à son fils, on lit:

 

"Cher fils, s'il advient que tu deviennes roi, prends soin d'avoir les qualités qui conviennent à un roi; c'est-à-dire que tu sois si juste, que, quoi qu'il arrive, tu ne t'écartes pas de la justice. Soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu'à ce que tu saches la vérité; et, quand tu la connaîtras, fais justice" (Jean Richard, Saint Louis, Librairie Arthème, Éditions Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1991, p. 304).

 

Fraternité.

Economie et société au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime

Le "Moyen Âge", l'âge d'or de l'Occident

 

"En ce temps-là (Xe-XIIIe s.), seigneurs et paysans vivaient l'âge d'or économique de l'Occident, grâce à l'amélioration des alliages metalliques qui leur permettait de remplacer l'araire de bois par un soc de charrue en métal, source de meillures cultures. le paysan partait travailler avec une hache et des outils tranchants, qui lui donnaient l'occasion de défricher, de gagner des surfaces cultivables sur les forêts, et donc d'augmenter ses bénéfices" (Magazine Histoire du Christianisme, Dossier Les Croisés en Terre sainte 1095-1099, N° 28, juin 2005, p. 76).

 

Grandeur et gloire de la féodalité (Funck-Brentano)

 

"Telle fut l'âme de la féodalité; en elle la France s'organisa. Tout ce qui en est sorti de grand et glorieux, est-il utile de le rappeler?" (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 17).

 

La plus belle époque de notre histoire

 

"Mais le XIIe siècle s'écoule et la majeure partie du XIIIe: la plus belle époque de notre histoire.

 

"Sous la douce suzeraineté de Saint Louis la société féodale devait jeter un dernier éclat. "Âge d'or" diront cinquante ans plus tard nobles et roturiers" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 119-120).

La féodalité, "une famille véritable"

 

La "seigneurie est un Etat en miniature, avec son armée, ses coutumes, son ban qui est l'ordonnance du seigneur, son tribunal" (Seignobos in Mgr Delassus, L'esprit familial, dans la famille, dans la cité et dans l'Etat, Société Saint-Augustin, Desclée De Brouwer, Lille 1910, réédité aux ESR, p. 17.)

 

Une économie "bonne et loyale" (Régine Pernoud)

 

"Telle est l'économie médiévale qui a bien mérité son nom d'économie "bonne et loyale".

 

"L'historien Pirenne la déclare "digne des cathédrales dont elle est contemporaine"; et d'énumérer ses caractères:

 

"Elle a assuré aux bourgeois le bienfait de la vie à bon marché; elle a impitoyablement poursuivi la fraude, protégé le travailleur contre la concurrence et l'exploitation, réglementé son labeur et son salaire, veillé à son hygiène, pourvu à l'apprentissage, empêché le travail de la femme et de l'enfant (On se reportera avec fruit aux deux volumes qu'Henri Pirenne a consacrés à la question, sous le titre Les villes au Moyen Age)" (Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L'histoire buissonnière, Stock, Évreux 1982, p. 283).

 

La compassion pour le pauvre. "La fraternité fut le sentiment qui présida à la formation des communautés des marchands et d'artisans constituées sous le règne de Saint Louis." (Mgr Gaume)

 

"La fraternité fut le sentiment qui présida à la formation des communautés des marchands et d'artisans constituées sous le règne de Saint Louis.

 

Dans ce Moyen Âge qu'animait le souffle du christianisme; mœurs, coutumes, institutions, tout s'était coloré de la même teinte. Le style même des statuts se ressentait de l'influence dominante de l'esprit chrétien.

 

La sollicitude pour les déshérités de ce monde se fait jour à travers les règlements de l'antique jurande. Si l'on reconnaît dans les corporations l'empreinte du christianisme, ce n'est pas seulement parce qu'on les voit dans les cérémonies publiques promenant solennellement leurs religieuses bannières; ces pieuses cérémonies exprimaient les sentiments que fait naître l'unité des croyances. Une passion qui n'est PAS aujourd'hui dans les mœurs ni dans les choses publiques rapprochait alors les conditions et les hommes : LA CHARITE." (Mgr Gaume, L'Europe en 1848.)

 

"Protéger les faibles avait été une des préoccupations du législateur chrétien" (Louis Blanc)

 

Les métiers formaient autant de groupes pressés dans la même rue ou sur les bords du fleuve, et ne reconnaissaient d'autre rivalité que celle d'une fraternelle concurrence.

 

"Protéger les faibles avait été une des préoccupations du législateur chrétien. Loin de se fuir, les artisans d'une même industrie se rapprochaient l'un l'autre pour se donner des encouragements réciproques et se rendre de mutuels services. Les métiers formaient autant de groupes pressés dans la même rue ou sur les bords du fleuve, et ne reconnaissaient d'autre rivalité que celle d'une fraternelle concurrence."

 

"Qui écrivit ces lignes, où respire le génie du christianisme dans ses rapports avec l'industrie? Ce n'est ni M. de Chateaubriand, ni M. De Maistre, c'est Louis Blanc !" (Louis Blanc cité par Martin-Doisy in Mgr Gaume, L'Europe en 1848.)

 

"L'esprit de charité était très développé dans toutes les corporations industrielles et marchandes" (Luchaire)

 

"A la même époque, la "frairie" des marchands de drap de la même ville (Valenciennes, vers 1114) publiait ses ordonnances, qui débutaient ainsi:

 

"Frères, nous sommes images de DIEU, car il est dit dans la Genèse: "Faisons l'homme à l'image et semblance nôtre". Dans cette pensée, nous nous unissons, et, avec l'aide de Dieu, nous pourrons accomplir notre œuvre, si dilection fraternelle est épandue parmi nous; car par la dilection de son prochain, on monte à celle de DIEU. Donc frères, que nulle discorde ne soit entre vous, selon la parole de l'Evangile: "Je vous donne nouveau commandement de vous entr'aimer, comme je vous ai aimés et je connaîtrai que vous êtes mes disciples en ce que vous aurez ensemble dilection."

 

L'esprit de charité, dit M. Luchaire, était très développé dans toutes les corporations industrielles et marchandes, à plus fortes quand elles se constituaient en confréries.

 

Non seulement les confréries sont, à tous les points de vue, des sociétés de secours mutuel, mais une partie de leur trésor commun est généralement consacrée au soulagement des malheureux.

 

Larges aumônes faites le jour de la fête patronale, invitation d'un certain nombre de pauvres aux repas de corps, argent fourni aux hôpitaux et maladredries, fondations d'hospices: tels sont les usages bienfaisants qui sont en pratique dans la plupart de ces associations." (Luchaire, Manuel des Institutions françaises, période des Capétiens directs, p. 368, cité in Mgr Delassus, L'esprit familial, dans la famille, dans la cité et dans l'Etat, Société Saint-Augustin, Desclée De Brouwer, Lille 1910, réédité aux éditions.Saint Rémi p. 96.)

 

Sous l'Ancien Régime, le paysan le plus pauvre était assuré de sa subsistance

 

"Ce n'est pas que le pays fût malheureux: le servage, qui subsistait dans plusieurs autres pays de l'Europe, en avait disparu. Le XVIIIe siècle avait été pour le paysan une ère de prospérité relative. Les hommes de la glèbe s'étaient enrichis jusqu'à acquérir et posséder plus de la moitié du sol. Voltaire dit leur bien-être.

 

[...] L'industrie était généralement prospère, le commerce avec l'étranger très florissant; depuis Louis XIV, il avait plus que quadruplé. le célèbre banquier genevois Necker, estime que la France détenait, sous Louis XVI, la moitié de l'argent monnayé en circulation dans l'Europe entière.

 

La population du pays montait à vingt-cinq millions d'habitants - chiffre égal à celui de l'Angleterre et de l'Allemagne réunies." (Frantz Funck-Brentano, La Révolution française, Flammarion, Paris 1935, p. 3-4.)

 

"Le servage avons-nous dit, était aboli, les corvées étaient supprimées; les protestants jouissaient de tous les droits d'un citoyen. Les communications avaient été rendues plus faciles et plus rapides par cet admirable réseau de routes dont l'administration de nos intendants sillona la France. Depuis 1784, le régime des lettres de cachet n'existait pratiquement plus.

 

Mais sous l'influence des doctrines abstraites, du fameux laissez faire, laissez passer, le gouvernement venait (1788) de renverser les barrières fermant la France aux produits manufacturés anglais. ... Sous l'afflux des produits industriels anglais, de qualité inférieure mais vendus meilleur marché, des centaines d'ateliers durent congédier leurs artisans. Nos incomparables faïenceries, si belles et si prospères, Rouen, Limoges, Strasbourg, Nevers, Moustiers, Oiron, combien d'autres furent ruinées ! L'industrie de la dentelle, de la bonneterie, les tissages, la ferronnerie, en furent mortellement atteints, des milliers de chômeurs jetés sur le pavé. Des troubles inquiétants en résultèrent." (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 5.)

 

""En 1789, avril, on a commencé à se ressentir du blé cher. Beaucoup de commerçants le retenaient dans leurs magasins pour le vendre plus cher. le pain qui ne valait que 14 sols, est venu en peut de temps à 20. Il y avait à Orléans beaucoup de murmure." Le 20 avril, une émeute éclatait dans la ville, accompagnée de pillage. 'Cela fait un rude vacarme', dit Samelin. Ces scènes de violence se renouvelèrent sur divers points du pays.

 

Nous avons vu que le traité de commerce (libre-échange NdCR.) passé avec l'Angleterre avait produit une crise de chômage. Paris était rempli de mendiants et dont la quémanderie s'accompagnait d'étranges menaces." (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 8.)

 

Auparavant: "la distribution (du blé) se faisait régulièrement toutes les semaines sous l'inspection d'un préposé. Si la provision de quelque loge venait à s'épuiser, ON PRENAIT DANS LE TAS DU SEIGNEUR TOUTE LA QUANTITE NECESSAIRE pour la famille qui en manquait, à charge par elle d'en rendre la même quantité à la moisson nouvelle. AINSI LE PAYSAN LE PLUS PAUVRE ETAIT ASSURE DE SA SUBSISTANCE. Qu'on décide si ce régime ne vaut pas celui des mendiants libres & mourants de faim..." (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1798, t. II, p. 247.)

 

"Il n'y a guère un colon de nos villages "qui n'ait un bon habit de drap et qui ne soit bien chaussé et bien nourri" (Voltaire)

 

Sur la richesse de l'Ancienne France et la richesse des paysans, notons ce témoignage capital d'un ennemi acharné de l'Eglise, Voltaire:

 

"Je ne sais comment il est arrivé que, dans nos villages, où la terre est ingrate, les impôts lourds, la défense d'exporter le blé qu'on a semé intolérable, il n'y ait guère pourtant un colon qui n'ait un bon habit de drap et qui ne soit bien chaussé et bien nourri..." (Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 410-411).

 

Une nourriture "substantielle et abondante" (Frantz Funck-Brentano)

 

"Vers le début du règne de Louis XVI, les habitants de Nouans (canton de Marolles-les-Braults, Sarthe)... vivaient ainsi: "La nourriture des habitants, même les moins aisés, était substantielle et abondante. Le pain, dans lequel il n'entrait qu'un tiers d'orge sur deux tiers de blé, était fort bon et le cidre, plus ou moins affaibli par l'eau, ne manquait à personne. La soupe du dîner et au souper était suivie d'un plat de viande ou d'œufs ou de légumes; au déjeuner et à la collation, on avait toujours deux plats, beurre et fromage, puis souvent un troisième de fruits crus, ou cuits, ou secs, pommes, noix, etc." (Bernard, Souvenirs d'un nonagénaire, cité in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 419).

 

"Legrand d'Aussy parle des paysans d'Auvergne...: les dimanches et fêtes la soupe s'enrichit d'un morceau de lard; les autres jours, elle s'assaisonne de beurre ou simplement de sel. A la table des paysabs aisés on sert du lait et du fromage. Ils mangent tous du pain de sèigle. Quant à la boisson ils ne connaissent, en dehors de l'eau pure, que le 'petit lait'" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 419).

 

"La vie paisible, souvent aisée, quelquefois large des paysans" (Pierre Gaxotte)

 

"Au-dessous de la troupe dorée des bourgeois enrichis, y a-t-il une masse énorme de paysans affamés et sans ressources ? Beaucoup l'ont prétendu (évidemment)...

 

"Et aussitôt de citer le célèbre passage de La Bruyère: "L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles... noirs, livides et tout brûlés par le soleil...", sans réflechir que cette page, vieille d'un siècle, n'était qu'un morceau de littérature fignolé par un moraliste qui, comme tous ses contemporains, prenait la charmante vallée de Chevreuse pour un sauvage désert...

 

"On a glané aussi à travers les écrits de certains économistes des peintures effrayantes de la vie des champs... on a cité des témoignages de voyageurs, mais en face de chaque note affligeante on a pu décrire une autre qui la contredit. Comment d'ailleurs, tirer de ces indications fugitives une conclusion générale ? En une heure de voiture, on passe d'un bon pays dans un mauvais, d'une terre grasse à un sol ingrat... Il suffit d'un jour de grêle pour mettre un village dans la désolation. Une récolte qui s 'annonce bien en juin est misérable en juillet. un printemps ensoleillé rachète un hiver détestable. D'une année à l'autre, tout change. D'une province à l'autre, tout varie. Il serait imprudent de donner à de menus faits,strictement localisés, une portée qui dépasserait la limite de leur canton.

 

"Et puis, il faut avoir à présent à la mémoire un fait capital et indiscutable, à savoir que le système d'impôts qui pesait sur le paysan lui faisait des APPARENCES de la pauvreté une nécessité presque absolue. l'impôt rural, la taille, était un impôt sur le revenu grossièrement réparti d'après les signes extérieurs de la richesse, par des collecteurs choisis à tour de rôle entre les paysans eux-mêmes... Malheur au taillable exact et sincère! C'est sur lui que retombera tout le fardeau. Ayant à percevoir une somme fixée globalement à l'avance, désireux d'être débarassés au plus vite de leur horrible mission, enchantés de trouver un naïf de bonne foi, une "poire" comme on dirait aujourd'hui, les taxateurs malgré eux se hâtent de doubler ou de tripler sa cote, tandis qu'ils ménagent ceux dont ils craignent les difficultés: les malins qui ont dissimuler leurs revenus, les mauvais têtes qui ont la réputation de ne pas se laisser faire, les plaideurs endurcis qui ne craignent pas les complications ni les "histoires"!

 

"C'est un dogme profondément ancré dans les esprits populaires que le seul moyen de ne pas payer pour les autres, la seule façon de ne pas être écrasé par les estimations injustes, c'est de restreindre ses dépenses, de paraître sans ressources, d'affecter les dehors du plus profond dénuement ! "Le plus riche d'un village, écrivait en 1709 le grand bailli de l'Ile de France, n'oserait à présent tuer un cochon que nuitamment, car si cela se faisait en public, on lui augmenterait ses impositions"... Le contribuable de l'Ancien Régime est rétif, dissimulé et hargneux, à un point que nous ne soupçonnons plus. Sa mauvaise volonté est sans bornes. Il ne s'exécute qu'à la dernière extrémité. Le plus souvent, il est en retard de deux ou trois ans. Tel qui a de l'argent caché, dit Boisguillebert, ne se laisse pas arracher un sou avant la quarantième sommation. plutôt que d'avouer son aisance, en payant dans les délais, on préfère être traîné en justice et menacé de saisie. On harcèle l'intendant de réclamations et de plaintes. On fait intercéder le seigneur, le juge et le curé ! On gémit, on crie, on proteste sans arrêt et c'est à qui gémira, criera et protestera le plus fort et le plus longtemps, afin de ne paraître ni plus riche ni plus facile que le voisin...

 

"Telle est exactement la situation des paysans de l'Ancien Régime: une grande affectation de misère et, derrière ce manteau de guenilles, une vie paisible, souvent aisée, quelquefois large..." (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 22-23).

 

"En 1789, les Français n'étaient pas malheureux. (Pierre gaxotte)

 

Les documents les plus sûrs nous prouvent, au contraire, que la richesse s'était considérablement accrue depuis un demi-siècle et que l'état matériel de toutes les classes de la société, sauf celui de la noblesse rurale, s'était sensiblement amélioré. Le régime corporatif n'avait pas empêché la naissance et la mise en place de la grande industrie..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 19).

 

Et si "en 1789 la partie la moins favorisée de la population paysanne était en révolte virtuelle contre la transformation capitaliste de l'agriculture, il n'en reste pas moins que, depuis un siècle, les campagnes s'étaient enrichies..." ( Pierre Gaxotte, ibid., p. 30).

 

"Aussi, (en 1789) on peut dire que la vie est devenue plus sûre pour tout le monde. Plus de famines.

 

Les disettes qui au siècle précédent, avaient provoqué une raréfaction des mariages et une restriction des naissances ne sont plus que souvenirs ou imprécises menaces. Les meilleurs rendements, le maïs, la pomme de terre, les communications plus faciles en sont venus à bout. A défaut de signe, l'accroissement régulier de la population suffirait à le prouver" (Pierre Gaxotte, ibid., p. 31).

 

Le pauvre avait toujours "pains, vêtements et asile..., un service public et vraiment royal de charité..., le tout sans coûter un denier à l'Etat..." (Mgr Gaume)

 

"Les splendides caisses d'épargne du travailleur"

 

"L'Europe, devenue chrétienne, embrassa avec ferveur cette double loi. Le riche fut magnifique dans sa charité; ses fondations en faveur des pauvres couvrirent longtemps le sol de l'Europe et de la France en particulier. Confiées à la garde fidèle de la religion, elles (ces fondations) devinrent les splendides caisses d'épargne du travailleur, l'inépuisable patrimoine du malheureux.

 

"Non seulement le pauvre eut du pain, des vêtements, un asile; mais encore on créa pour lui un service public et vraiment royal de charité.

 

"Aussi nombreux que sont les besoins moraux et matériels de l'homme, aussi nombreuses furent les branches de l'admirable service dont nous parlons. L'enfant eut des instituteurs, l'orphelin des pères et des mères, le malade, des médecins et des gardes, le vieillard, le blessé, le lépreux, le pestiféré, le coupable même, en un mot, le malheureux, quel qu'il fut, se vit entouré de soins assidus et d'amis dévoués; tout cela se faisait sans coûter un denier à l'Etat" (Mgr Gaume, L'Europe en 1848.)

 

Fêtes commémoratives, danses & repas pris en commun

 

"Cette noblesse vit familièrement avec ses vassaux & les plus humbles.

 

Elle se mêle, avec femme & enfants, aux fêtes populaires, où le seigneur et la châtelaine et leurs demoiselles dansent avec les paysans. Aux fêtes commémoratives en des repas en commun, dans la prairie verdoyante, sous les grands ormes de la place, le gentilhomme s'attable avec ses tenanciers, ayant apporté vin et gibier et les épices pour relever le menu" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 133).

 

Le seigneur joue avec les gars et trinque avec eux

 

"Le Seigneur joue aux boules, aux quilles avec les gars et trinque avec eux; il intervient dans leurs querelles; apaise leurs différents, familièrement" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 133).

 

"Jusqu'au coeur de la Révolution, en Vendée, dans le Bocage poitevin et dans le Marais, seigneurs et paysans ont gardé cette union étroite: 'Ils se rencontraient aux champs, à l'église, dans les marchés, écrit Pierre de la Gorce; les jours de fête le château prêtait sa pelouse pour les danses'... Seigneurs et métayers allaient chasser ensemble.

 

"On vit jusqu'au cœur de la Révolution, en Bourbonnais, les paysans arracher de l'église le banc du maire jacobin qui avait remplacé celui du châtelain.

 

"- ' Ils avont brûlé le banc de not' bon seigneur ', disaient les braves gens pour leur défense" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 437).

 

Cliché, le paysan attaché à sa glèbe

 

"Le Moyen Age est le théâtre de grandes migrations : pour explorer des terres lointaines, des villages entiers se déplacent" (Jean Sévillia, Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 27).

 

"L'image du paysan attaché à sa terre s'est profondément ancrée dans notre bagage culturel; nous y croyons, nous en parlons volontiers: contraintes seigneuriales qui interdisaient de se dépalcer, impossibilité de s'établir à son gré... L'image s'est largement diffusée et appliquée à toute condition paysanne. C'est à tort. Les hommes de nos campagnes acceptaient alors l'aventure, en de nombreuses occasions. Les grandes errances, les déplacements de communautés, les Croisades, les défrichements de terres lointaines, le repeuplement des pays repris aux musulmans jusqu'en Andalousie, tous ces phénomènes parfaitement situés et analysés nous éclairent sur cette aptitude, cette propension parfois à la mobilité; sur ce goût de l'inconnu même" (Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 166)

 

Cliché, le paysan misérable

 

(p. 27) Certes, quand un accident climatique ruine la récolte, la famine menace. Il en sera ainsi bien au-delà du Moyen Age, donc bien après la fin de la féodalité, tant qu'on aura pas maîtrisé les techniques de fertilisation des sols et de stockage des grains.

 

Des paysans pauvres, il y en a toujours au XXIe siècle.

 

Dès le Moyen Age, certains s'enrichissent soit en se mariant, soit en héritant, soit en travaillant beaucoup.

 

On voit des laboureurs plus fortunés que les petits nobles ruinés par la guerre.

 

L'alleu, terre (libre) appartenant à un paysan, se rencontre en Languedoc, en Provence, dans le Mâconnais, en Bourbonnais, dans le Forez, en Artois, en Flandre.

 

Locataires de leur exploitation, les tenanciers ne peuvent en être expulsés. Ils possèdent le droit de le transmettre à leurs héritiers, (une sorte de fonction publique, d'emploi à vie transmissible à ses héritiers. Ndlr.) ce qui institue de facto des tenures héréditaires.

 

"De nos jours, le locataire d'une maison, d'un champ, d'une exploitation rurale quelconque, est-il assuré de le rester tout le temps lui sied, aux mêmes conditions, sans augmentation de son loyer quelles que soient la conjoncture et l'inflation de la monnaie ? Est-il assuré de ne pas devoir quitter les lieux si le propriétaire veut s'y installer, ou établir l'un des siens, ou vendre à une entreprise qui promettrait d'y construire un plus bel immeuble, de plus fort rapport ? Est-il assuré encore de transmettre cette maison ou cette ferme à ses enfants, ainsi de génération en génération, pour le même prix, sans que le propriétaire puisse rien y contrevenir ? peut-il vendre son droit d'occupation à bon prix, équivalent à la valeur réelle du bien au jour de l'opération, à un tiers qui prendrait sa place, s'y installerait, ne versant au "seigneur" qu'un pourcentage, au demeurant assez faible, du prix de cette vente ? Peut-il sous-louer avec un fort bénéfice et exiger plusieurs fois le loyer qu'il paie, lui, et qui n'a pas varié depuis des lustres ? Partager le terrain en plusieurs lots pour en tirer de meilleurs revenus ? Enfin, vous est-il loisible, locataire d'aujourd'hui, d'hypothéquer ce bien, de le mettre en gage contre un prêt d'argent ? Tout ceci, nombre de tenanciers 'non propriétaires' pouvaient, à la ville comme à la campagne, le faire et ne s'en privaient pas...

 

(Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 171)

 

Cliché le seigneur qui pressure le serf en lui confisquant tout

 

(p. 29) ...jusqu'aux grains à semer ! Quel intérêt aurait un propriétaire agricole à tarir sa propre source de revenu ?

 

Cliché, le serf "esclave"

 

(p. 28) Un serf n'est certes pas un homme libre. Il n'est pas non plus un esclave. Le droit romain reconnaissait le droit de vie et de mort sur l'esclave : rien de tel n'existe au Moyen Age [grâce à l'Évangile qui petit à petit a imprégné les moeurs. Ndlr.].

 

L'étymologie des deux mots a beau être commune (servus), l'esclave est une chose tandis que le serf est un homme, mais un home dont le statut social est grevé d'incapacités. Si le serf est tenu de rester sur le domaine et de le cultiver, s'il peut être vendu avec les terres, il ne peut en être expulsé et reçoit sa part de la moisson. Il est libre de se marier contrairement à l'esclave antique et de transmettre sa terre et ses biens à ses enfants (tenures héréditaires).

 

Le servage personnel, transmissible à ses descendants, se distingue du servage réel, qui tient à la terre que l'on exploite: prenant l'exploitation d'une terre servile, des hommes libres peuvent volontairement devenir des serfs.

 

Le mouvement d'émancipation est encouragé par l'Église

 

Au fil du temps, les incapacités frappant les serfs se transforment en taxes. Puis le servage recule.

 

Encouragé par l'Église, le mouvement d'émancipation s'accélère dès le IXe siècle.

 

Le moine Suger, ami et conseiller de Louis VI puis de Louis VII, est fils de serf. Le roi donne l'exemple: il affranchit les serfs de son domaine. À la mort de Saint-Louis, le servage a pratiquement disparu en France (Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 29).

 

Cliché les impôts insupportables

 

. Des impôts dix fois supérieurs à ce qu'ils étaient avant 1789 !

 

Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 171-178:

 

"Tout indique que l'idée que nous nous faisons, de nos jours encore, des charges fiscales qui, au Moyen Age, pesaient sur les paysans, que ces condamnations des abus que, inlassablement, rappellent nos manuels ou nos récits romancés, résulte d'un parti pris... ou d'un manque de réflexions. celles-ci devraient, pour une vue plus sereine et plus exacte des choses, s'orienter en deux directions.

 

D'une part, admettre que la ponction fiscale est un procédé inhérent à toute sorte de gouvernement, de quelque nature qu'il soit: aux temps médiévaux, en Occident, les villes marchandes et les princes avaient établi des organismes de perception plus expérimentés et plus contraignants que ceux des seigneurs féodaux aux réputations pourtant si détestables. De toute évidence, les taxes n'étaient ni plus nombreuses ni plus élevées en ces temps de barbarie féodale que dans l'Antiquité ou dans les temps dits modernes. Hors d'Occident, ces organismes et officiers sévissaient certainement avec autant de soin et d'exigence.

 

D'autre part, considérer comme établi que tout renforcement de l'État contre les structures particularistes, en l'occurrence la féodalité, a provoqué, au fil des siècles, un alourdissement des prélèvements et, en même temps, une plus grande sévérité dans les processus de perception (Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin Malesherbes 2001, p. 178-179).

 

Cliché, les "corvées effrayantes"

 

(p. 27) Les corvées auxquelles les manuels de jadis faisaient une réputation effrayante, se bornent à un ou deux jours de travail par an, six au maximum (à comparer aujourd'hui avec le nombre de jours que l'État nous vole par le biais de l'impôt sur les revenus)... Avant la lettre, c'est une forme de contribution locale.

 

Cliché, le paysan "taillable et corvéable à merci"

 

(p. 28) Le paysan paie la taille. Certains "à merci", ce qui signifie que cet impôt direct est fixé par le seigneur (l'impôt royal apparaît relativement tard, à la fin du XIVe s.) Dans la pratique, la taille est négociée sous forme d'un abonnement communautaire qui fixe la part de chacun.

 

"La ponction fiscale, remarque Jaques Heers, est de tout gouvernement: les taxes médiévales ne sont pas plus nombreuses ni plus élevées que dans l'Antiquité ou les temps modernes" (Jacques Heers, Le Moyen Age, une imposture, Perrin, 1992)

 

 

L'Ancien Régime. "L'industrie et le commerce étaient interdits à la noblesse" (Funck-Brentano)

 

Comme l'explique très bien Frantz Funck-Brentano, "on parle des PRIVILEGES de la noblesse, mais ils se payaient d'une terribles rançon par l'interdiction de pratiquer le commerce et l'industrie." (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 137)

 

"La noblesse demeurait, en raison de sa constitution, étrangère au "grand mouvement commercial et industriel de la Renaissance".

 

La noblesse était "héréditairement constituée pour le service militaire et pour le patronnat agricole. C'était sa fonction. TOUTE AUTRE LUI ETAIT INTERDITE, et les plus lucratives, celles qui donnent la fortune, la puissance de l'argent. En regard, la bourgeoisie avait héréditairement dans ses attributions la pratique du commerce et de l'industrie.

 

"Conception de la plus grande beauté, féconde et simple. Sur elle la France s'est bâtie. Elle s'était formée spontanément" (ibid, p. 137).

 

"La noblesse anglaise faisait le commerce: la différence tenait aux différences d'origine. La noblesse anglaise ne s'était pas formée familièrement, féodalement: noblesse conquérante, d'importation étrangère.

 

"La noblesse française était faite pour combattre, tandis qu'à l'ombre de sa valeur, le paysan travaillait la terre et le marchand commerçait. C'était son labeur à elle (la noblesse): un patronat armé; comme ce travail n'était pas rétribué, il était juste, non seulement que la noblesse fût exempte de certains impôts, comme la taille, mais qu'elle perçut des redevances, les sources de la fortune étant taries pour elle...

 

"Nous touchons à l'un des points de l'histoire de notre Ancien Régime sur lesquels on se fait souvent des idées incomplètes. Que si notre ancienne aristocratie s'abstenait systématiquement du commerce et de l'industrie, on (les Révolutionnaires) l'attribue à des sentiments de vanité, à son orgueil? Nous sommes loin du compte indique Funck-Brentano. Le commerce et l'industrie, poursuit-il, étaient INTERDITS à la noblesse, à la requête du Tiers-Etat lui-même (...) qui faisait valoir ses droits, ses PRIVILEGES à lui, et les faisait valoir énergiquement (Etats-Généraux du XVIe s.)... La bourgeoisie ne veut aucune concurrence: elle défend son MONOPOLE, en échange de quoi elle abandonne à la noblesse l'exemption de la taille, les grades militaires et les charges de Cour" (ibid, p. 138).

 

"La noblesse... sa condition agrandissait pour elle les moyens de dissiper sa fortune sans lui offrir les moyens d'en acquérir! On la vit tomber de toutes parts dans une pauvreté extrême" (Frantz Funck-Brentano, ''L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 139).

 

Décadence et pauvreté de la noblesse rurale

 

Funck-Brentano parle de "décadence de la noblesse rurale" (Frantz Funck-Brentano, ''L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 141), ainsi que de "misère de la noblesse rurale" (ibid, p. 154).

 

"Morceau par morceau, les terres qui entouraient le manoir familial ont été vendues à des paysans, à d'anciens fermiers, sous réserve des droits seigneuriaux qui y étaient attachés à titre inaliénable. on voit ainsi des gentilshommes qui n'ont plus pour subsister (le commerce et l'industrie leur étant interdits), eux et leur famille que le produit des redevances!" (ibid, p. 156).

 

"Les écrivains sont unanimes à constater la pauvreté de la noblesse rurale.

 

"[...] Dans les environs d'Auch, observe Arthur Young, les nobles labourent leurs propres champs. 'Et ceux-là, ajoute notre gentleman, sont peut-être des membres de la société plus estimables que les insensés et les coquins qui se moquent d'eux'.

 

"Il en est même qui travaillent dans des fermes voisines, en qualité de journaliers, chargés des plus rudes emplois!

 

"Le délabrement du manoir fait contraste avec le bon aspect des bonnes maisons du village. Pierre Retil, laboureur à Nitry en Bourgogne dit à son fils Edmond: 'Tu as vu ces gentilshommes chasseurs de la Puisaye, en guêtres, en souliers ferrés, portant sous le bras une vieille épée rouillée, mourant de faim... Voudrais-tu être à leur place?' (ibid, p. 157).

 

"En Berry, les 'trois-quart des gentilshommes meurent de faim' (1754). Turgot fera la même constatation pour le Limousin.

 

"En 1750, l'intendant de Besançon fait à son successeur une peinture de la noblesse rurale en Franche-Comté: "La noblesse de ce pays est assez bonne, mais fort pauvre, elle est autant fière qu'elle est pauvre. Elle est très humiliée en proportion de ce qu'elle était autrefois" (ibid, p. 158)

"Le peuple était opprimé" : un mensonge de la secte "républic-haine"; richesse de l'Ancienne France

 

"Albert Mathiez, "champion du robespierrisme", convient que "ce n'est pas dans un pays épuisé, mais au contraire dans un pays florissant qu'éclate la Révolution..." René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 201).

 

Voici donc le type même d'hérésie-blasphème, historiquement incorrect, que l'on n'enseigne pas. Il ne faut surtout pas enseigner que le pays était florissant à la veille de la Révolution!...

 

Non il faut noircir et mentir: "le peuple était opprimé", etc.

 

"L'industrie augmente tous les jours,... on croirait que l'opulence est vingt fois plus grande qu'autrefois" (Voltaire)

 

"L'industrie augmente tous les jours, écrit Voltaire; à voir le luxe des particuliers, ce nombre prodigieux de maisons agréables bâties dans Paris et dans les provinces, cette quantité d'équipages, ces commodités, ces recherches qu'on appelle 'luxe', on croirait que l'opulence est vingt fois plus grande qu'autrefois... Le moyen ordre s'est enrichi par l'industrie.. Les gains du commerce ont augmenté. Il s'est trouvé moins d'opulence qu'autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre et cela a mis moins de distance entre les hommes... aujourd'hui, l'industrie a ouvert mille chemins qu'on ne connaissait pas il y a cent ans" (Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 485).

 

Ce témoignage du chef des impies est capital pour contrer le manichéisme farfelu des marxistes agitant aujourd'hui encore le spectre du peuple, pauvre, dominé et opprimé par la noblesse sous l'Ancien Régime...

 

Témoignages d'étrangers sur la richesse et la prospérité de la France d'Ancien Régime

 

"L'air d'abondance et de constentement répandu dans les campagnes de France" (Lady Montague)

 

"Puis voici le témoignage d'étrangers qui jugent nos conditions sociales sans arrière-pensée, celui de Lady Montague qui note en 1739 'l'air d'abondance et de constentement (contentement)répandu dans les campagnes en France'" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 411).

 

Un "pays prodigieusement enrichi" (Horace Walpole)

 

[...] celui d'Horace Walpole traversant l'Artois en 1765: "Je trouve ce pays-ci prodigieusement enrichi... les moindres villages ont un air de prospérité'.

 

"Un intendant du Roussillon note les nombreux repas que font les campagnards, "quatre, cinq, six repas par jour et, à chaque repas, de la viande et du vin...'" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 411).

 

La prospérité des grandes foires (René Sédillot)

 

"A défaut de statistiques globales sur le commerce intérieur, la prospérité des grandes foires porte témoignage.

 

"En 1788, c'est-à-dire en une année qu'Ernest Labrousse considère comme mauvaise sur le plan commercial, la foire de Beaucaire réalisait un chiffre d'affaires de 41 millions. Sa notoriété remontait au Moyen Age, et sur l'axe du Rhône elle restait, chaque mois de juillet, le grand rendez-vous des marchands de textiles. Lyon était le premier marché européen de la soie. Orléans et Rouen fixaient les cours de la laine. Mais les foires elles-mêmes n'avaient plus le monopole des grandes transactions… Les richesses circulaient dans une véritable ivresse de communications facilitées par les progrès des techniques." (René Sédillot, René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 201-202).

 

Le meilleur réseau routier (René Sédillot)

 

"C'est d'abord le réseau routier qui devenait exemplaire. Jamais depuis Rome on n'avait vu un réseau d'une telle ampleur et d'une telle qualité. Il était l'œuvre de Daniel Trudaine, demeuré vingt-six ans directeur des Ponts et Chaussées.

 

"Quarante mille kilomètres d'anciens chemins de terre ou de routes fatiguées étaient redressés, élargis, empierrés, bordés d'arbres et de fossés, avec, de lieue en lieue, de hautes bornes de granit, fleurdelisées, qui marquaient les distances par rapport au point zéro – le parvis de Notre-Dame.

 

"Le corps des Ponts et Chaussées recevait son statut: à la base, une école dont les élèves étaient recrutés au concours; trois années d'études savantes; un ingénieur en chef par généralité, assisté de sous-ingénieurs; quatre inspecteurs généraux, un intendant-directeur au sommet de la hiérarchie. Devant les routes du royaume, les étrangers se récriaient d'admiration.

 

"Elles sont "superbes jusqu'à la folie", s'exclamait le voyageur Arthur Young. De la voie qui reliait Limoges à Brive, sur laquelle avait veillé Turgot, le même Young enchérissait: "Le plus beau chemin du monde, parfaitement construit, parfaitement tenu; on n'y voit pas plus de poussière, de sable, de pierre, d'inégalité que dans l'allée d'un jardin…"

 

"Un inspecteur des Travaux publics, Pierre Trésaguet, avait (p. 203) inventé un revêtement bombé qui superposait une couche épaisse de pierraille à une assise de moellons: le drainage était plus efficace et l'entretien plus facile.

 

"Ce qui subsistait de péages et de douanes n'apparaissait que comme normale contrepartie des libertés locales.

 

(René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 203).

 

L'explosion des échanges extérieurs (René Sédillot)

 

"A l'extérieur, les chiffres parlent: d'environ 50 millions de livres à l'avènement de Louis XV, les exportations passaient à la veille de la révolution à plus de 450 millions. En soixante-dix ans, elles avaient été multipliées par neuf.

 

"Dans le même temps, les importations passaient de 40 à 240 millions: multiplication par six.

 

"Le commerce extérieur de la France, égal à la moitié du commerce anglais au temps de la Régence, le rejoignait en 1789. Il laissait à la France, en permanence un excédent substantiel (p. 204) (sauf en quatre années de la décennie 1770-1780).

 

"Excédent sur l'étranger: 70 millions.

 

"Jamais on n'avait assisté à pareille exubérance de l'activité marchande et à pareil enrichissement.

 

"Quand Necker brossait le tableau de la balance commerciale avec les pays étrangers, en excluant de ses calculs tout ce qui venait des colonies (Saint-Domingue, île du Vent) ou ce qui leur était destiné, il évaluait les entrées à 230 millions – dont 70 de matières premières, 20 de diamants et métaux précieux, 40 d'objets manufacturés, 40 de comestibles, 10 de tabacs, le reste concernant des bois, des plants, des mâts, des marchandises d'Extrême-Orient; en regard, il estimait les sorties à 300 millions, dont 150 en objets manufacturés, 70 à 75 en denrées des îles (réexportées), 35 à 40 en vins, eaux-de-vie et liqueurs, 22 en blés, beurre, sel, safran, cuirs, bois, 18 en réexportations de produits orientaux (thé, étoffes, riz de Chine, café, poivre…)

 

"A la veille de la révolution, tous les ports de France battaient leurs records de trafic et se grisaient de leur propre croissance. On ne devait plus, avant longtemps, leur connaître une telle allégresse" (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 205-207).

 

Un développement prodigieux du commerce extérieur (Pierre Gaxotte)

 

"Le commerce extérieur... a pris un développement prodigieux que - fait rare dans l'histoire économique de l'Ancien Régime - nous pouvons suivre d'année en année, grâce aux statistiques dressées par un commis du Contrôle général nommé Arnould et que corroborent les renseignements réunis par la Compagnie des Indes. Depuis la mort de Louis XIV, il a plus que quadruplé. En 1788, il atteint 1061 millions et cet énorme chiffre ne se retrouvera plus avant 1848...

 

"Marseille accapare le commerce du Levant. Sur ses quais et dans ses magasins, s'entassent les tapis, les indiennes, les liqueurs, le riz, les blés, les vins de Chypre, les huiles, les peaux, les mousselines, les toiles peintes. Bordeaux et Nantes ont le monopole des denrées coloniales. A elle seule, Saint-Domingue leur fournit la moitié du sucre consommé dans le monde. Un moment ébranlés par le traité de 1763, leurs grands armateurs se sont vite ressaisis. les victoires de la guerre de l'Indépendance américaine leur ont donné une audace nouvelle. Là où on lançait sept navires en 1738, on en construit trente-trois en 1784. Les vins de Bordeaux se vendent jusqu'en Russie. Les Bourgognes règnent sur la Belgique et sur l'Allemagne" (Pierre Gaxotte, La Révolution française, 1928, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 21).

 

Le commerce intérieur suit une marche parallèle (Pierre Gaxotte)

 

Un progrès étonnant du commerce

 

"En 1715, on avait que de mauvais chemins coupés de fondrières et ravagés par les eaux, avec quelques chaussées pavées qui se disloquaient. En 1789, il y a dix mille lieues de bonnes routes, solidement empierrées, régulièrement entretenues, que n'arrêtent ni les rivières ni les montagnes. Les messageries réorganisées par Turgot, sont plus rapides et moins coûteuses. Dans aucun pays, on ne voyage aussi vite, aussi bien et à si peu de frais. Arthur Young qui visita la France sous Louis XVI, au début de la Révolution, ne tarit pas d'admiration (quoique très porté à dénigrer tout ce qui n'est pas anglais) sur la beauté et la commodité des routes françaises" (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 21).

 

La vie paisible, souvent aisée, quelquefois large des paysans en 1789

 

"En 1789, les Français n'étaient pas malheureux. Les documents les plus sûrs nous prouvent, au contraire, que la richesse s'était considérablement accrue depuis un demi-siècle et que l'état matériel de toutes les classes de la société, sauf celui de la noblesse rurale, s'était sensiblement amélioré. Le régime corporatif n'avait pas empêché la naissance et la mise en place de la grande industrie..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 19).

 

Et si "en 1789 la partie la moins favorisée de la population paysanne était en révolte virtuelle contre la transformation capitaliste de l'agriculture, il n'en reste pas moins que, depuis un siècle, les campagnes s'étaient enrichies..." (Pierre Gaxotte, ibid., p. 30).

 

"Aussi, on peut dire que la vie est devenue plus sûre pour tout le monde. Plus de famines. Les disettes qui au siècle précédent, avaient provoqué une raréfaction des mariages et une restriction des naissances ne sont plus que souvenirs ou imprécises menaces. les meilleurs rendements, le maïs, la pomme de terre, les communications plus faciles en sont venus à bout. A défaut de signe, l'accroissement régulier de la population suffirait à le prouver" (Pierre Gaxotte, La Révolution française, 1928, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 31).

Conclusion

 

 

Les concepts de liberté et d'égalité sont des valeurs chrétiennes et monarchiques avant d'être des principes dévoyés par la Révolution libérale de 1789 qui a charrié des idéologies (libéralisme et communisme) totalitaires.

 

Le capitalisme dit "libéral" (capitalisme moderne coupé du droit divin) et le communisme (matérialisme athée mondialiste) ne sont plus que les deux seules options pour des peuple soumis au seul dieu qui reste, l'Argent.

 

Les conséquences de la proclamation de la liberté et de l'égalité par la république dite française a engendré la ruine de ces principes millénaires.

 

Les écarts de richesses n'ont jamais été aussi importants. Les libertés publiques sont réduites (atteintes aux libertés de manifestation, d'expression, emprisonnements pour délit d'opinion). Le peuple est en voie d'esclavagisation par la dette et l'impôt. Le droit de propriété est méthodiquement détruit (taxes foncières impayables), des impôts dix fois supérieurs à ce qu'ils étaient en 1789. La liberté de culte et de religion est foulée aux pieds par l'imposition de normes générales et particulières contraires à l'Evangile. Un nombre de sans-domiciles fixes qui bondit, des migrants toujours plus nombreux. La progression et la montée de l'illetrisme. L'ascenseur social de l'école en panne (enquête Pisa). Le bilan social de la république est effroyable.

 

Contre la décadence des principes de liberté et d'égalité, et la montée d'un Etat Leviathan totalitaire déshumanisant, un seul remède: le règne social de Jésus-Christ sur les sociétés.

Comme en d'autres temps troublés, la France retrouvera sa paix et sa grandeur par l'union autour de ce qui a toujours fait sa force et sa constance, ses valeurs, puisées aux sources de son histoire.

Louis de Bourbon, duc d’Anjou, à Paris. Le 14 novembre 2015

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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 11:28
11 novembre - In Memoriam - Louis XX Facebook

In memoriam. 11novembre – à Verdun.

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 13:34
Jubilé de Saint Martin : les célèbrations commencent ce mardi à Tours

Les célébrations des 1700 ans de la naissance de Saint Martin de Tours ont commencé mardi 10 novembre 2015 par une procession dans les rues de la ville de Tours. Saint Martin est un des principaux saints de la chrétienté et le plus célèbre des évêques tourangeaux avec Saint Grégoire de Tours.

Martin est né dans l'Empire Romain, plus précisément à Savaria dans la province romaine de Pannonie (l’actuelle Hongrie), en 316. Il est mort à Candes, en Gaule, le 8 novembre 397.

Son père, originaire de Pavie (en Italie du Nord), est un officier supérieur chargé de l’administration de l’armée. En tant que fils de militaire, Martin suit son père au gré des affectations de garnison. A 15 ans, il entre à son tour, dans l’armée avec le grade de Circitor chargé de la ronde de nuit et d’inspecter les postes de garde et la surveillance de nuit de la garnison.

A 18 ans, alors qu'il est affecté en Gaule, un soir de l’hiver 338 à Amiens, il partage son manteau avec un déshérité transi de froid et la nuit suivante, le Christ lui apparaît en rêve vêtu de ce même pan de manteau. Le reste de son manteau, appelé « cape » sera placé plus tard, à la vénération des fidèles, dans une pièce dont le nom est à l'origine du mot : chapelle (cappella en italien, chapel en anglais, Kapelle en allemand).

En 356, Martin a quitté l'armée et rend visite à  l'Evèque de Poitiers Hilaire grand défenseur de la foi. Martin vient le rencontrer mais repart pour un long voyage de missionnaire, d'abord ses parents, sa mère se fera finalement baptisée, il passe par Milan et par Rome avant de revenir en Gaule. Il s'installe dans un ermitage à Ligugé dans la Vienne. en 371, sa réputation de faiseur de miracles attirent les tourangeaux à la recherche d'un Evèque. Martin prend à coeur sa nouvelle fonction mais veut aussi rester moine et fonde, à proximité de Tours, le monastère de Marmoutier.

Martin va poursuivre ses voyages missionnaires dans toute la Gaule et c'est à Candes sur Loire (aujourd'hui Candes Saint Martin) où il est appelé pour régler une querelle entre les clercs de l'endroit qu'il meurt en 397.

Le culte de Saint Martin se répand très vite au Ve et VIe siècles dans toute l'Europe. Charlemagne fit construire la Chapelle à Aix pour conserver l'autre pan du manteau de Saint Martin et les rois de France à partir du Xe siècle furent les abbés de la basilique tourangelle.

Saint Martin est aussi le patron de  Buenos Aires, Mayence, Utrecht, Rivière-au-Renard et Lucques, Martina Franca.

 

L'Année Saint Martin 2016

 

Plusieurs rendez vous sont prévus jusqu'en juillet 2017 pour célébrer les 1700 ans de la naissance de Saint Martin.


Des milliers de pèlerins sont attendus en Touraine au cours de l'année Saint Martin. Plusieurs itinéraires de pèlerinage seront proposés aussi bien à Tours, à Candes, ou encore à Langeais, Amboise autant de lieux que Martin a parcouru pour évangéliser les populations.

Cette année Saint Martin est officiellement inaugurée par le Maire de Tours, Serge Babary (Les Républicains), un Saint dit-il qui porte de fortes valeurs de solidarité, toujours d'actualité.

 tout au long de ces 18 mois, des rendez vous religieux et culturels célèbreront Saint Martin de Tours. Le Pape François n'a pas prévu de venir à Tours pour ces célébrations mais pourrait se rendre en Hongrie lieu de naissance de Martin.

Jubilé de Saint Martin : les célèbrations commencent ce mardi à Tours

Source : Jubilé de Saint Martin : les célèbrations commencent ce mardi à Tours, France Bleu, Par Marie-Ange Lescure, France Bleu Touraine mardi 10 novembre 2015 à 12:08

 

. Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 11:31
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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 07:28

Mise à jour le 10/02/2017

Contredisant un sociologue qui prétendait que la Gaule était sans rapport avec notre pays, Braudel protestait : "Comme si l'histoire n'allait pas jusqu'aux fonds des âges, comme si la préhistoire et l'histoire ne constituaient pas un seul processus." (Fernaud BRAUDEL, L'Identité de la France, Arthaud, 1986). Pierre Chaunu pensait de même : "La clef de notre identité est enterrée là sous nos pieds. La France est faite avant la Gaule, mot tardif inventé par les Romains." (Pierre CHAUNU, L'obscure Mémoire de la France. De la première pierre à l'an mille, Perrin, 1988).

Cet article se propose de rapporter quelques faits historiques encore soigneusement cachés par les historiens officiels et l'histoire officielle républicaine héritée des clichés du Petit Lavisse.

LES CLICHES émis par Lavisse dans ses manuels d'histoire de France ont la vie dure. Image tirée de la Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 18

LES CLICHES émis par Lavisse dans ses manuels d'histoire de France ont la vie dure. Image tirée de la Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 18

Le manuel qui devait être dénommé "le petit Lavisse", paru en 1884, fit l'objet de dizaines et dizaines de rééditions, sans cesse remanié. "Nos ancêtres les Gaulois" y sont dépeints comme des barbares qui n'ont aucune unité..., aucune discipline. Le contraire des Romains. ... Le manuel scande l'apologie de la République, ... justifie la colonisation qui amène les sauvages à la civilisation, comme les Romains ont fait pour les Gaulois ! (Christian Goudineau, Le Dossier Vercingétorix, Babel, Lonrai 2009, p. 185-189.)

 

"Et en effet, il est étrange de constater le peu de curiosité que l'on a manifesté jusqu'à notre temps, envers nos ancêtres les Gaulois. En fait - et cela pendant plusieurs siècles - l'Université et en général les lettres ont délibérément ignoré le monde celtique. En dehors des pays anglo-saxons, on ne s'est intéressé aux Gaulois qu'à l'instant où l'on pouvait les appeler 'Gallo-Romains'; il était communément admis que la seule histoire digne de ce nom était celle de Rome et du monde antique, et le cliché des armées de Jules César apportant aux Gaulois le flambeau de la Civilisation persiste encore." [1]

 

Le druide dans la société gauloise Les historiens républicains comme Michelet (1798-1874) font débuter l'histoire de la "nation française" avec la Révolution dite "française", qui, pourtant, seule serait fidèle au modèle gaulois. Ils ne craignent pas de se contredire et d'énoncer une contre-vérité historique grossière. La contradiction : comment une nation née en 1789 peut-elle, en même temps, naître il y a deux mille ans ?... La contre-vérité historique et l'anachronisme : les Gaulois (Arvernes, Carnutes, Séquanes, Eduens, Bituriges, Parisii, Vénètes, etc.) ne vivaient pas sous une république "laïque", mais sous des monarchies électives, parfois héréditaires, où le clergé druidique était constitué en une "fédération de dignitaires" hiérarchisée (Camille Jullian), et où les druides représentaient pour les Gaulois ce qu'étaient pour le peuple romain pontifes et augures. "Les Gaulois n'eurent pas, tant s'en faut, l'esprit plus laïque que les Grecs et les Romains." (Camille Jullian) [2]

"Les druides ne vont point à la guerre et ne paient aucun des tributs imposés aux autres Gaulois ; ils sont exempts du service militaire et de toute espèce de charges. [...] Toute la nation gauloise est très superstitieuse." (Jules César, Guerre des Gaules, liv VI, ch. 13 à 16.)

"Les pratiques religieuses mais également politiques s'abreuvaient d'une philosophie morale et d'une connaissance mythologique totalement contrôlées par la classe sacerdotale et les druides en particulier. Le caractère oral de ce savoir préservait évidemment un pouvoir qui était de nature aristocratique.... Les ministres du culte étaient de véritables fonctionnaires du sacré, pris en charge par la collectivité." (Jean-Louis BRUNAUX, Les Religions gauloises (Ve- Ier siècles av. J.-C.), Biblis Cnrs Editions, Paris 2016, p. 38; 69)

 

"S'ils n'ont guère écrit, ce n'était pas qu'ils en étaient intellectuellement incapables, ni qu'ils avaient rien à transmettre, mais qu'ils ne voulaient pas confier leur tradition à l'écriture pour des raisons qui ne manquaient pas de logique. [...] Bon nombre de nos belles légendes remontent jusqu'à ce vieux fonds celte de même qu'une bonne part de notre folklore : pèlerinages plus ou moins christianisés à des sources ou des pierres 'miraculeuses', fêtes équinoxiales ou solsticiales telles que feux de la Saint-Jean." (Claude STERCKX, La mythologie du Monde celtique, Poche Marabout, Allemagne 2014, p. 9-11.)

 

Les Gaulois avaient le souci de la justice. C'est rapporté par le géographe Strabon (60 av. J.-C. - 20 ap. J.-C.) : "Ils courent en masse aux armes; et cela sans dissimuler leurs projets, et sans y apporter la moindre circonspection. Cela fait qu'on peut aisément les vaincre en employant les ruses de la guerre. [...] La franchise et la simplicité de leur caractère font que chacun ressent les injustices qu'on fait à son voisin, et qu'elles excitent chez eux une telle indignation qu'ils se rassemblent promptement pour les venger." (Strabon, Géographie, liv. IV, ch. 4.)

 

Retraçons rapidement les débuts de la guerre des Gaules avec Frantz Funck-Brentano. Vers l'années 62 av. J.-C. la pression des Germains sur le Rhin devenait de plus en plus forte. Arioviste, le chef de la coalition germanique s'empressa de répondre à l'appel des Séquanes établis dans la Franche-Comté actuelle, et qui supportaient impatiemment la domination des Eduens devenus la plus puissante nation de la Gaule depuis la chute de l'hégémonie arverne. Arioviste marcha au secours des Séquanes. Les Eduens furent vaincus. Arioviste commença par réclamer la Haute-Alsace.

 

Un druide éduen, Diviciac, vint alors à Rome où il multiplia les démarches. De leurs côtés, les Helvètes, population gauloise de Suisse, conduits par Orgétorix, quittaient leur pays pour venir en Gaule vers l'Océan. Ils passèrent le Jura, arrivèrent chez les Eduens. Les Eduens redoublèrent leurs plaintes à Rome. Jules César y gouvernait en qualité de proconsul. Il vit dans ce conflit l'occasion d'un succès qui le placerait d'emblée au-dessus de ses rivaux. Il se mit en marche pour intervenir, disait-il, en faveur des Eduens, "alliés de Rome", et en "protecteur des Gaulois" contre les Germains. Le début de la guerre des Gaules a été fixé au 28 mars 58 av. J.-C. César franchissant le col du Saint-Bernard dans les Alpes poursuivit les "400 000 Helvètes environ", femmes et enfants, leur infligea une défaite complète, et obligea ceux qui survécurent  à regagner leur pays. 

 

Après quoi, César se retourna contre les Suèves (les Germains d'Arioviste) qui descendaient la vallée de la Saône en menaçant la Provincia, province romaine (Gaule transalpine). La victoire de César, ici  encore, fut complète. Arioviste et ses Suèves s'enfuirent jusqu'au Rhin, où les Romains arrivèrent. Aux environs de Bâle, ce fut un égorgement formidable : soldats, femmes, enfants, vieillards, César fit tout tuer. Nombre de Germains se noyèrent en essayant de traverser le fleuve. Des peuplades germaniques qui sur la rive droite, attendaient le moment de passer le cours d'eau à leur tour, rétrogradèrent en désordre et se firent massacrer à leur tour en détail par les habitants des pays qu'ils traversèrent. Ces évènements se passent en 58 av. J.-C. Les Gaulois ne virent pas tout d'abord dans les Romains des ennemis, mais des auxiliaires plutôt contre leurs envahisseurs. Et quand ils eurent compris que les Romains ne visaient qu'à étendre leur Empire, encore que dans la plupart des cités de l'aristocratie, les riches se déclarèrent-ils pour César, la cause de l'indépendance trouvera son appui dans les masses populaires, dans la plèbe, le "commun".

 

Depuis deux siècles, les Gaulois n'avaient guère modifié leur pratique de la guerre; ils la faisaient encore en batailleurs primitifs, comme au temps d'Ambigat et de Sigovèse. Marcher droit à l'ennemi, sans précaution particulière... Ils partaient en guerre en troupes nombreuses, avec femmes et enfants. Vercingétorix conçut une manière de faire la guerre plus réfléchie, plus habile, adaptée aux moyens et aux ressources de l'adversaire. Mais il aura la plus grande peine d'empêcher ses soldats de courir sus à l'ennemi, aveuglément, de se précipiter à l'attaque en rangs serrés, au pas de courses, de manière à arriver haletants, épuisés, au contact de l'ennemi (les phalanges romaines) et sans précaution aucune.

 

Le Gaulois tenait à l'honneur de se présenter la poitrine nue face à l'ennemi. Il était armé, il est vrai, d'un bouclier qu'il prenait la précaution d'attacher fermement à son bras gauche par des courroies. Ce bouclier était très grand, montant à hauteur d'homme, mais fait de bois ou d'une cloiserie d'osier que les javelots romains transperçaient à la première attaque. Hérissé de javelots comme une pelotte d'épingles, le bouclier demeurait attaché au bras gauche du guerrier qui était obligé de s'en défaire et de demeurer sans protection. ... En face du Gaulois qui se présentait la poitrine nue, le soldat romain apparaissait vêtu de fer et de cuir.

 

César commença la conquête de la Gaule par le pays des Belges, renommés entre tous, avec les Arvernes, pour leur valeur guerrière. Les Belges semblent avoir compris le danger. Une de leurs peuplades cependant, les Rèmes (Reims) demeurèrent fidèles à l'alliance conclue avec les Romains. La campagne fut rude, dirigée par le meilleur lieutenant de César, Titus Labiénus. Elle se termina, sous la conduite de César lui-même, par la sanglante défaite des Nerviens (Hainaut) sur les bords de la Sambre.

 

On a pu diviser la guerre des Gaules en trois périodes :

 

- la première de 58 à 55 av. J.-C., est remplie d'entreprises désordonnées, sans entente commune: les Gaulois ne comprenaient pas encore, ils ne pouvaient pas encore comprendre que leur indépendance à tous était en jeu.

 

Par malheur, ce temps devait être horriblement mis à profit par les conquérants. La campagne de l'année 56 est occupée par la guerre en Armorique et en Aquitaine. Les peuplades de l'Ouest s'étaient levées sous l'impulsiona de l'active et énergique nation des Vénètes (Vannes). Les Vénètes étaient les maîtres de la mer. Ils faisaient du commerce avec l'Angleterre avec leurs grands navires dont le vent enflait les voiles de cuir. César et son lieutenant Brutus réalisèrent une marine pour combattre les Vénètes. Il trouva des rameurs de Provence et des auxiliaires chez les Celtes aquitains de la Saintonge et de la Vendée dont une rivalité ancienne avait fait les concurrents des Vénètes. Le tromphe de César fut complet. On massacra beaucoup de monde. Tous les sénateurs du pays furent égorgés; ce qui restait de la population fut mis en vente comme du bétail. "Cette forte et laborieuse nation des Vénètes, conclut Camille Jullian, dont les origines et la puissance remontaient aux hommes des domens, la plus ancienne et la plus originale de toute la Gaule, s'effondra dans l'esclavage et dans la mort", et la vie, maintenue en Armorique, s'y éteignit jusqu'au Moyen Âge.

 

Mais ces hauts faits devaient être surpassés par César lui-même en son expédition contre les peuplades du Rhin (quatrième campagne, 55 av. J.-C.), le proconsul marcha contre les Usipiens et les Teuctères qu'il trouva rassemblés en une foule où les femmes et les enfants étaient en grand nombre. Les chefs de la nation s'adressèrent à lui en termes émouvants. César répondit en les convoquant et les principaux de leur peuple dans son camp. Conviés à cette entrevue, Usipiens et Teuctères s'y rendirent. César fit entourer par ses soldats les chefs et notables usipiens et teuctères qui s'étaient fiés à lui, il les fit ligoter, sourd à leurs observations et à leurs prières, tandis que le gros de son armée attaquait la masse de leurs compatriotes privés de leurs chefs, la plupart désarmés. Femmes et enfants furent égorgés. Ceux qui prirent la fuite se trouvèrent coïncés dans l'angle que formait le confluent de la Meuse et du Rhin, où la cavalerie romaine, lancée à leur pousuite, put les tuer à plaisir. César avait remporté la plus belle de ses victoires. Il en écrit lui-même avec orgueil : "Les Romains délivrés d'une guerre si redoutable, où ils avaient en tête 430 000 ennemis - Oh oh ! - rentrèrent dans leur camp sans aucune perte." A Rome, Plutarque rapporte qu'au Sénat, Caton d'utique parla avec véhémence, flétrissant l'infamie commise et proposant de livrer César à l'ennemi pour apaiser les dieux... Mais on lui rit au nez et les sénateurs décrètèrent des fêtes et des sacrifices en l'honneur de ce nouveau triomphe.

 

César compléta cette attaque contre les Germains par une attaque contre la Grande-Bretagne, foyer du druidisme dont les flammes animaient les Gaulois. Il prétexta les secours dont les Armoricains recevaient des Bretons. Il s'embarqua à hauteur de Boulogne, refoula les Bretons au-delà de la région de Londres, mais il était sans grande ardeur en un pays où il n'y avait rien à piller. Plutarque a soin de le noter. César n'y fit pas grand profit, dit-il., "car on ne savait rien prendre ni gagner qui eût valeur, sur des hommes pauvres et nécessiteux, de quoi la guerre n'eut pas telle issue que César espérait." Aussi remit à la voile pour la Gaule, après avoir reçu des Bretons - un bon billet à La Châtre - leur acte de soumission et de fidélité enforcée de serments solennels.

 

- la deuxième période, des années 54 et 53 av. J.-C., devait être marquée par des mouvements pour l'indépendance de plus en plus imortants. Les crimes répétés des Romains finissaient par éveiller le sentiment national.

 

Nous sommes au temps de la grande curée. Non moins que la Gaule en Occident, les armées romaines se couvrent de gloire en orient. Suétone dit que César en Gaule "détruisait plus souvent les villages pour le pillage (ob praedam) qu'en punition de quelque tort." Il bourre les temples romains d'ex voto volés dans les sanctuaires gaulois pour se magnifier aux yeux des Romains.

 Avec la cinquième campagne de César, marquée par la seconde guerre de Belgique (54 av. J.-C.), nous entrons dans la deuxième période de la guerre des Gaules, celle où les Gaulois, violentés depuis quatre ans, dupés, volés, égorgés ou vendus comme esclaves en un des plus répugnants spectacles qu'ait offerts l'histoire de l'humanité, commencent à s'unir, autant qu'il leur était possible à cette époque, pour la délivrance de leur pays.

Les Romains coupaient les récoltes sur pied, livraient les villages aux flammes, femmes et enfants étaient égorgés, des villiards périrent dans les plus affreux supplices.

César voulait s'emparer d'Ambiorix, roi des Eburons, qui infligea une cinglante défaite aux légions romaines en 54 av. J.-C., peut-être dans la vallée du Geer (rivière de Belgique et des Pays-Bas, affluent de la Meuse.) Servi par des partisans, par les espions, par les agents qu'il entretenait dans le pays, il organisa une chasse à l'homme, sauvage, minutieuse, savante. Ambiorix s'était entouré de quatre compagnons fidèles, énergiques, ardents et rapides comme lui. En quelques semaines il passa avec son héroïque escorte à l'état de figure légendaire. "Tout fut détruit, écrit Aulus Hirtius, par le meurtre, le feu et le vol (rapinis)."

Et tandis qu'Ambiorix courait toujours, César ramena ses soldats à Reims, parmi les Rèmes, ses fidèles amis (septembre 54 av. J.-C.) (Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, Livre VIII, 24,25.)

Le pays était dévasté. César ne ménageait le blé et les fourrages que dans les régions où il pouvait en avoir besoin pour ses troupes et où il s'en emparait d'ailleurs. Certaines contrées furent saccagées à fond, deux et trois fois, voire quatre fois, comme le pays des Carnutes, la Beauce, les nombreuses villes prises d'assaut furent mises à sac, pillées, incendiées, la population égorgée ou réduite en esclavage, vendue comme du bétail. Le vol dans les temples et dans les demeures privées fut organanisé méthodiquement, avec une régularité digne de la grande administration romaine. Le proconsul des Gaules, certes, était un guerroyeur de génie,

 

"Mais les voleurs n'ont pas de place au Panthéon..."

 

Le vers est de Paul Déroulède. Il ne peut être question d'y laisser Jules César ! (Frantz Funck-Brentano, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 85-118)

 

Selon Plutarque, César aurait fait, entre 58 et 51, un million de morts, et réduit en esclavage un million de Gaulois.

Image illustrative de l'article Commentaires sur la Guerre des Gaules Les Gaulois se soulevèrent en 52 à l'initiative du généreux et grand roi des Arvernes, Vercingétorix, fils de Celtill, qui réussit à fédérer, unifier les tribus gauloises sous son sceptre, en dépit de leurs divisions proverbiales. Il venait de s'emparer de la royauté arverne au nom de la défense de la liberté gauloise (Bellum Gallicum, La Guerre des Gaules, Livre VII, 4.)

 

 

"Nos ancêtres les Gaulois", une civilisation millénaire

 

Les Proto-Celtes... sont en place vers 1000 av. J.-C

 

"Les Proto-Celtes... sont en place vers 1000 av. J.-C. ou peu après, de même que les Proto-Latins et les Proto-Germains, explique Karl Ferdinand WERNER. Tous ont un fond linguistique commun très large, fait non seulement de vocables, mais aussi de structures grammaticales.

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

Les civilisations décelables en Europe dans le courant du IIe millénaire doivent nécessairement correspondre aux 'ancêtres' de ces peuples, ou plutôt de ces populations à langue commune." [3]

Chose peu connue, si l'on fait le décompte des siècles sous lesquels l'Hexagone a vécu sous le régime politique de la monarchie, nous dépassons allègrement les deux millénaires et pouvons remonter aux frontières des temps préhistoriques. Il y avait en effet encore avant les Celtes, les Ibères et les Ligures dont les institutions étaient voisines et qui vivaient eux aussi sous la monarchie.

 

Régine Pernoud écrit que s'"il y a une date pour la fondation de Rome,... les Celtes se situent à l'intersection de la Préhistoire et de l'Histoire; entre eux et les peuplades qui ont élevé des monuments mégalithiques, ou même celles qui ont peuplé de dessins fantastiques les grottes de Lascaux, archéologues et historiens ne placent aucun jalon précis." [4]

 

Une apparition entre le deuxième et le troisième millénaire avant J.-C.

 

L'Europe celtique à l'âge du Fer (VIIIe - Ier siècle) par [Buchsenschutz, Olivier] "Compte tenu de la continuité entre les cultures archéologiques qui se succèdent dans le domaine nord-alpin depuis l'âge du Bronze final et l'âge du Bronze moyen, divers auteurs ont cru pouvoir faire remonter l'apparition des Celtes au deuxième millénaire. Pour d'autres, on peut la chercher dans les phénomènes complexes qui touchent le domaine nord-alpin au Chalcolithique, au troisième millénaire [Brun 2006]" [L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la direction de Olivier BUCHSENSCHUTZ, Nouvelle Clio, PUF, Mayenne 2015, p. 78.] Cet ouvrage confronte les sources classiques aux données les plus récentes de l'archéologie.

 

"Les Celtes de ces périodes ne paraissent pas attachés à un territoire. Ces princes, rois, roitelets, offrent de multiples points de comparaison avec les basileis du monde homérique (armes exceptionnelles, chars d'apparat et véhicules pour se déplacer sur leurs terres, banquets)." (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), ibid., p. 282.)

 

"La région nord-alpine qu'ils (les Celtes) occupent à la fin du dernier millénaire avant J.-C., exprimait déjà une homogénéité culturelle plus de 1500 ans auparavant. (Patrice BRUN, Princes et Princesses de la Celtique, Le premier Âge du fer en Europe, 850 – 450 av. J.-C., Collection des Hespérides, Editions Errance, Paris 1987, p. 15)

 

"Les premières mentions des 'Celtes' dans la littérature antique remontent à la fin du VIe siècle (Hécatée de Milet, Fragm. 53 à 58) et au Ve s. (Hérodote, Histoires). " (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la direction de Olivier BUCHSENSCHUTZ, ibid., p. 75.)

 

Les populations pré-celtiques, Ibères et Ligures

 

L'ensemble des hommes 'préceltiques' Ibères et Ligures "représente sans doute une part considérable dans la constitution génétique comme dans l'héritage culturel des populations postérieures", écrit K.F. Werner. [5]

Camille Jullian (1859-1933) estime que Ligures et Celtes ont parlé la même langue : selon lui, les Celtes étaient une tribu ligure qui fonda un Etat dans le domaine ligure.

Les Ligures ont occupé le bassin du Rhône tout entier. Quelques auteurs estiment que c'est de là qu'ils sont partis pour la conquête de la Haute-Italie puis, en 'Gaule', ils ont débordé sur les régions avoisinantes, dans les parties supérieures du bassin de la garonne et de la Seine. Auguste Longnon s'est même appuyé sur le nom de la Thiérache, dont la forme originelle serait Teorasca, pour étendre le domaine des Ligures jusqu'à la Mer du Nord.

L'habitation lacustre apparaît donc à l'âge de la pierre polie et s'étend, après l'âge du cuivre relativement court, jusque sur l'âge du bronze. Ce dernier s'ouvre vers le milieu du IIIe millénaire (environ 2500 av. J.-C.), pour finir vers le début du IXe siècle av. J.-C.

Plus nombreux et plus intéressants que les monuments funéraires creusés dans les grottes, apparaissent ceux qui s'élevaient au-dessus du sol, et souvent en des proportions grandioses : les dolmens (constructions funéraires mégalithiques préhistoriques), les menhirs (monolithe vertical) les cromlechs (alignements de monolithes verticaux). On a voulu en faire des monuments druidiques; mais on en trouve, et des plus importants dans des contrées où les druides n'ont jamais paru. Les mégalithes sont bien antérieurs aux Celtes et aux druides.

Poulnabrone dolmen in the Burren, County Clare, Ireland

Poulnabrone dolmen in the Burren, County Clare, Ireland

Menhir de Kerloas, Plouarzel (Finistère), plus grand menhir encore dressé de Bretagne

Menhir de Kerloas, Plouarzel (Finistère), plus grand menhir encore dressé de Bretagne

"Les menhirs seraient des piliers funéraires." (F. Funck-Brentano, Les Origines, ibid., p. 26.)

Nous sommes parvenus aux frontières des temps préhistoriques. Déjà nous avons cité un nom de peuple, les Ligures, auprès desquels viennent se placer les Ibères. Il est vrai que ces derniers, les historiens ne s'accordent guère. Le mot 'Ibère' désignerait, non une race, mais un Etat, l'empire de l'Ebre, nom que les Grecs encore lui auraient donné. Au début du Ve siècle (500-475 av. J.-C.), le royaume des Ibères, débordant les Pyrénées, se serait étendu en Languedoc jusqu'au Rhône. Bordeaux devient ibérique. L'euskarien, c'est-à-dire le basque, qui va s'accrocher avec la ténacité que l'on sait au flanc des monts, serait la langue des Ibères. La péninsule espagnole doit son nom - Ibérie - aux Ibères, nom d'origine grecque, et au Ier siècle av. J-C., un de leurs groupements, sous le nom d'Aquitains, occupait la région qui s'étend entre les Pyrénes et la Garonne, où les soldats de César les trouveront.

 

Quels que soient le caractère et le nom des populations diverses, Celtes, Ligures ou Ibères, il n'y a pas entre elles de divergences fondamentales : 'Nous retrouvons chez toutes des formes politiques et des superpositions analogues.' (C. Jullian) [6]

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

Les Celtes ont une origine d'Outre-Rhin. Plusieurs vagues vers l'Hexagone entre 1500 et 300 av. J.-C.

 

Les divers auteurs font venir les Celtes dans l'Hexagone par vagues successives d'un vaste territoire à cheval sur les deux rives du Rhin entre Alpes et Baltique, du Danube à la Bohême, en passant par le nord de l'Italie.

 

"C'est de là que, par deux fois, partent vers l'Ouest les hommes ("Proto-Celtes" Ndlr.) qui appartiennent à des civilisations dont l'empreinte sera profonde sur l'Hexagone : la civilisation des 'Tumulus de bronze' à l'âge du bronze moyen (1500 à 1100 av. J.-C. Ndlr.), et celle des 'Champs d'urne' à l'âge du bronze final (1200 à 700 av. J.-C. Ndlr.)

Les hommes des Champs d'urne occupent... des territoires autour du haut et du moyen Danube, qui seront ultérieurement ceux des Celtes.

Il est certain que la civilisation des 'Champs d'urne' a précédé et préparé au moins en partie les conditions dans lesquelles on trouvera celle des Celtes." [7]

 

"L'apparition dans l'Hexagone de populations parlant une langue celtique - et mentionnées chez les auteurs anciens depuis le milieu du premier millénaire avant J.-C. sous le nom de Celtes - coïncide ... avec l'apparition du fer dans cette partie de l'Europe. (vers - 800 av. J.-C. Ndlr.) La première grande civilisation européenne au nord du monde méditerranéen est, au IIIe siècle, une civilisation celtique, ... caractérisée par une domination parfaite du fer et de son emploi diversifié. [8]

 

"Par des réchauffements savamment dosés et par l'utilisation d'un noyau en fer pur, donc souple, on arriva à produire des épées moins larges et plus longues (115 à 120 cm au lieu de 80 à 90 cm) que les épées de bronze. Cet armement supérieur apparaît à partir du VIIIe siècle. ... Il s'agit là d'un évènement historique qui bouleverse l'équilibre des forces politiques, rend possible les exploits des Celtes et influence profondément les structures sociales.

 

C'est à partir du Ve et du IVe siècles, l'âge de l'expansion des Celtes

 

Les auteurs grecs anciens avaient des doutes sur l'origine antique des Gaulois. Selon Poseidonios d'Apamée, 'une partie de ce peuple était d'origine indigène mais que celle-ci s'était trouvée grossie de populations venant d'îles lointaines et de régions situées au-delà du Rhin, chassées de leur demeures par la fréquence des guerres et par les raz-de-marée'. L'auteur précise que ces théories étaient diffusées par les druides.

Une information que César a recueillie auprès des Rèmes donne le plus grand crédit à cette histoire druidique: il rapporte que

'la plupart des Belges étaient issus de chez les germains, qu'ils avaient franchi le Rhin autrefois.'

... Les druides conservaient la mémoire de ces faits remontant à plusieurs siècles." [9]

 

Ce second âge du fer, d'environ, 450 à 50 av. J.-C. est celui d'une civilisation celtique à travers l'Europe: il sera à l'origine ... d'une 'Gaule' largement celtisée." [10]

 

"La nation celtique ne pénétra d'ailleurs pas tout entière en 'Gaule'; une partie demeura sur la rive droite du Rhin qui se trouva ainsi celtique sur les deux rives, de même que les deux versants des Alpes étaient ligures, et ibériques les deux versants des Pyrénées. (Frantz FUNCK-BENTANO) [11]

Le "IVe siècle (av. J.-C.) marque l'apogée de l'Empire celte

 

C'est le second âge du fer dont nous avons parlé. Les Celtes ont conquis la Grande-Bretagne; ils ont conquis l'Espagne, moins les côtes de la Méditerranée, la 'France' entière à l'exception du bassin du Rhône, le Nord de l'Italie : ils règnent sur l''Allemagne' entière en exceptant les contrées du nord; ... leur domination est assurée sur le Moyen et sur le Bas-Danube, sur une partie de la Hongrie; en Silésie actuelle, elle s'étend jusqu'à Liegnitz; en Roumanie jusqu'à Isakscha; en Russie jusque sur le Bas-Dniester : un empire plus grand que celui de Charlemagne et que celui de Napoléon; un empire qui va du détroit de Gibraltar à la Mer noire, au temps où Alexandre de Macédoine s'engageait dans la conquête de l'Asie (334 av. J.-C.) ... En 283, les gaulois apparaîtront en Grèce (conduits par Brennos ou Brennus Ndlr.), où ils pilleront le trésor de Delphes (278); ils fonderont un Empire en Thrace, un autre en Phrygie et, à l'ouest de la Phrygie, dans la région qui a conservé leur nom, la Galatie." [12]

 

"Certains groupes celtiques purent atteindre, si l'on en croit Théopompe de Chios (né vers 378 av. J.-C.), vers le milieu du IVe siècle, les régions illyriennes dans les Balkans. La consolidation du nouveau pouvoir celtique dans la cuvette capatique est reflétée par la tradition selon laquelle les Celtes établirent des relations diplomatiques avec Alexandre le Grand en 335, alors stationné sur le Bas Danube." (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la dir. De Olivier BUCHSENSCHUTZ, ibid., p. 206.)

 

"L'invasion de la Macédoine et de la Grèce ne représente qu'une partie du flot celtique, ... ce fut surtout hors de la Grèce que la poussée gauloise laissa des traces durables. D'autres bandes en effet envahirent la Thrace, où un royaume celtique, dit royaume de Tylis (v. 280 Ndlr.), qui devait subsister jusque vers la fin du siècle, occupa une grande partie de l'ancien domaine de Lysimaque, et surtout l'Asie mineure occidentale." (Edouard WILL) [13]

Les invasions celtiques (en Gaule) se sont arrêtées au IIIe siècle av. J.-C.

 

Sur la frontière Nord-Est les Germains font sentir leur poussée. Déjà ils ont fait refluer en Gaule les Celtes qui s'étaient établis sur la rive droite du Rhin; après quoi ils ont passé le fleuve et ont multiplié leurs établissements dans les vallées de la Somme, de l'Oise, de l'Aisne, de la Moselle, se mélangeant aux indigènes pour constituer au nord de la Seine et de la Marne ce peuple distinct des Celto-Ligures et que l'on appela les Belges. (F. Frantz-Funck-Brentano, Les Origines, ibid., p. 77.)

 

"Le plus grand changement, et de loin, tient à ce que la pression des Germains, qui se déplacent lentement vers le sud (surtout depuis 300) oblige les Celtes à abandonner entre 250 et 120 av. J.-C. tous leurs territoires situés au nord d'une ligne qui va du delta du Rhin à la forêt de Thuringe. Ce n'est seulement qu'à l'ouest de la Weser qu'ils se maintiennent plus longtemps. Par exemple, bon nombre de Celtes, surpris par l'invasion de Belges ont préféré s'en aller vers l'Angleterre actuelle, où nous trouvons leur trace dans le Sussex, le Wessex et le Kent. Inquiets de la poussée des Belgae, les Parisii ont également quitté pour une part importante les rives de la Seine pour aller s'installer dans le Yorkshire actuel où l'on retrouve leur nom. On place le départ des Séquanes de la Seine vers la France-Comté à la même époque." (Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid.p. 147)

Carte de l'expansion celtique maximale au Ier s. av. J.-C.

Carte de l'expansion celtique maximale au Ier s. av. J.-C.

La "Gaule" : une définition romaine

 

Le mot se trouve pour la première fois dans un traité de Caton, Les Origines (deuxième quart du IIe siècle av. J.-C.). De Gallus, Galli, est venu le nom de la Gaule et des Gaulois.

 

Pour les Anciens, les trois dénominations, Celtes, Galates, Gaulois, étaient synonymes. Auguste Longnon (1844-1911) estime qu'originairement elles devaient désigner trois rameaux de la même race.

 

Jules César a appelé les Celtes, Galli, "gaulois", dans sa "Guerre des Gaules" (58-52 av. J.-C.)

 

Tandis que les Ligures étaient petits avec des cheveux bruns, les Celtes étaient grands, blonds; ils avaient le teint rose et clair. Les Celtes aux têtes blondes, écrit Claudien, 'fiers de leur haute stature méprisaient la petite taille des Romains' (J. César).

 

Frantz Funck-Brentano dans son livre Les origines propose cette répartition en 1925 :

 

"Que s'il fallait, parmi les races diverses dont s'est formée la nation française, chercher un type prédominant, c'est sans aucun doute chez les Ligures qu'il se trouverait et chez les autochtones, en admettant que les Ligures aient été eux-mêmes des immigrants. ... L'alliage pourrait peut-être se chiffrer très approximativement de la manière suivante : Dans la formation de la nation française seraient entrés 50% d'autochtones, Ligures et Ibères, 20% de Celtes, 5% de Latins, 16% de Germains, en y comprenant l'élément gothique, 4% de Normands et 5% d'éléments divers : Grecs, Basques, Sémites, Syriens, Africains...

 

..La langue des Celtes, pareille au Ligure, avait des rapports étroits avec l'ombro-latin. Des dialectes néo-celtiques se parlent de nos jours encore en notre Bretagne bretonnante, en Irlande, en Pays de Galles, en Haute-Ecosse et dans l'Île de Man, mais ces idiomes n'ont plus que des rapports éloignés ave ce que l'épigraphie a conservé du celte primitif. [14]

 

Karl Ferdinand WERNER confirme que "les Celtes ne bouleverseront pas notablement" le fondement ethnique de la population de Gaule pré-celtique : "la base biologique des populations de l'Hexagone était en place avant l'établissement et les dominations successives des Celtes, des Romains et des Francs." (Les Origines, ibid., p. 119.)

 

"Galli et son dérivatif Gallia ne sont point des termes 'gaulois', mais des mots latins." [15]
 

Tous les Gaulois sont des Celtes, mais tous les Celtes ne sont pas des gaulois

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

Le mot "Galli" se trouve pour la première fois dans un traité de Caton l'Ancien, intitulé Les Origines (deuxième quart du IIe siècle avant J.-C.), oeuvre en grande partie perdue mais dont on possède des fragments, qui raconte l'histoire ancienne des villes italiennes, en particulier Rome depuis sa fondation jusqu'à la préture de Servius Sulpicius Galba). De Gallus, Galli, est venu le nom de la Gaule et des Gaulois. (Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid.,p. 31.)

 

L'archéologue Jean-Louis Brunaux explique que "tous les Gaulois sont des Celtes, mais tous les Celtes ne sont pas des gaulois" ("Faut-il dite Celtes ou Gaulois ?, in Revue Dossier pour la Science, "Gaulois, qui étais-tu ?", n° 61 Octobre-Décembre 2008.) Tous les Celtes ne sont pas gaulois au sens sens géographique donné par César.

 

Il faut attendre les années 100 avant notre ère pour qu'un grand savant, géographe et astronome (grec Ndlr.), Poseidonios d'Apamée (135-51 avant notre ère) effectue un véritable travail de géographie physique et humaine de notre région. Il le fait d'autant mieux qu'il entreprend, le premier, un voyage en Gaule intérieure, même si celui-ci est limité au Languedoc et à la vallée de la Garonne. Il donne à la Gaule ses frontières naturelles, qui seront plus tard reproduites par César (100-44 avant notre ère) : les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées, l'Océan et le Rhin (voir carte ci-dessus. Ndlr.) Il en indique les différents peuplements, dont il évoque l'histoire. Au centre de la Gaule se trouve la Celtique, occupée par un peuple indigène très tôt hellénisé, les Celtes. Les autres peuples, sous l'influence civilisatrice des Celtes sont les Belges, de la loire (ou de la Seine pour César) au Rhin, et les Aquitains, au sud de la Garonne. Les Belges résultent d'un mélange entre les populations indigènes et immigrants du Nord et de l'Est du Rhin, arrivés au IVe et IIIe siècles avant notre ère. Les Aquitains sont des peuples riverains des Pyrénées, en partie d'origine ibère. Notons le renversement de perspective : pour Poseidonios, la Celtique est une partie de la Gaule, alors que dans l'usage actuel de ces termes, c'est la Gaule qui est une partie de la Celtique.

Poseidonios rapporte une légende grecque adoptée par les gaulois à propos de l'ethnogénèse du peuplement de la gaule. Héraclès, entré en Celtique après avoir vaincu le roi Géryon, s'unit à la fille de celui-ci, qui en conçut un enfant, Galatès. A l'âge adulte, ce fils devint roi à son tour. Il entreprit de vaincre et de civiliser les peuples à demi-sauvages et nomades entourant la Celtique. Il y parvint et leur octroya son nom, qui devint celui du pays tout entier, la "Galatia", autrement dit la Gaule. [16]

Vercingétorix. Source image : http://www.e-stoire.net/article-camille-jullian-vercingetorix-_-chap-ix-p-7-101168682.html

Vercingétorix. Source image : http://www.e-stoire.net/article-camille-jullian-vercingetorix-_-chap-ix-p-7-101168682.html

Les Francs Gaulois chez les humanistes

 

Après avoir démontré la fausseté de l'origine troyenne des Francs, les humanistes des XV et XVIe siècles développèrent une thèse originale peu connue : les Germains et les Celtes n'étaient que des Gaulois. Les Francs redevenaient dans leur opinion les descendants de Barbares germaniques qui avaient détruit, avec l'Empire romain, la culture, les arts et la civilisation de l'Antiquité.

 

"Pendant les siècles qui précédèrent le mouvement humaniste, on ne parla guère des Gaulois. [...] Le mot Gaule resta d'usage courant, sans interruption depuis l'époque romaine. On l'employait surtout dans le domaine ecclésiastique, où il pouvait avoir un caractère officiel, par exemple à propos des conciles. Abbé de Saint-Denis et biographe du roi Louis VI, Suger parle au XIIe siècle de la Francia et du Regnum grancorum dans un contexte politique, mais de la Gallicana Ecclesia pour les questions ecclésiastiques.

 

"Les humanistes donnèrent une actualité toute nouvelle aux notions de 'Gaule' et de 'Germanie'. Elles perdirent leur coloration ecclésiastique. Ces mots (Gallia, Germania) servirent aux adeptes du latin classique pour exprimer les notions de 'France' et d''Allemagne'. Cette identification est donc l'oeuvre des humanistes.

 

"[...] Vers 1510-1513, Jean Lemaire des Belges, historiographe officiel et poète humaniste, se fondait encore sur l'origine troyenne des Francs pour faire des Français, dans ses Illustrations de Gaule et singularitez de Troye, les égaux des Romains.

 

"[...] Il y avait en fait un choix déchirant. Il fallait admettre ou bien une population gauloise supplantée par un peuple barbare (les Francs) ou bien l'existence de deux peuples au sein du royaume : les Gaulois vaincus et les Francs vainqueurs. Pour éviter ces deux éventualités, on lança une version palliative dont l'incroyable succès montre combien était ressentie la difficulté que nous venons de résumer: n'étant plus troyens, les Francs ne sont pas pour autant Germains. En vérité, ce sont des Gaulois qui ont quitté leur patrie, conquise par les Romains - ou avant même cette conquête -, selon quelques auteurs - et sont revenus triompher pour libérer leur pays de ces Romains. C'était là faire d'une pierre deux coups: venger l'humiliation de la défaite gauloise devant les Romains (sous Vercingétorix), éviter l'hypothèse de la soumission à l'envahisseur germanique, préserver l'unité de l'origine nationale - qui, pour la première fois est imaginée comme purement gauloise." (Karl Ferdinand WERNER, Les Origines (avant l'an mil), Histoire de France sous la Direction de Jean Favier, tome 1, Fayard, Evreux 1984, p. 34-37.)

 

"Les Francs ne seraient autres que des Gaulois qui, ayant fui la Gaule lors de la conquête romaine pour se réfugier en Franconie (région centrale d'Allemagne), seraient revenus quatre siècles plus tard pour la libérer des Romains." (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 5)

 

"C'est Jean Bodin (1529-1596), [...] qui l'exprime le mieux. Pour lui aussi, les Francs descendent des Germains mais, ajoute-t-il, les Germains, à leur tour, sont d'origine gauloise .[...] L'analyse de Bodin est poussée plus loin que celle de son inspirateur. Là où Beatus Rhenanus voyait des ressemblances qu'il interprétait en termes de parenté, Bodin s'appuie sur des faits historiques : la migration mythique des Celtes de Gaule conduite par Sigovèse est attestée, du temps de César, par la présence des Gaulois, les Volques Tectosages précisément, dans l'actuelle Bavière. [...] La démonstration [...] avait l'avantage de faire des francs, en quelque sorte, des non-étrangers, sans fragiliser la cohésion nationale : tout le peuple français était issu de ces Francs conquérants, eux-mêmes descendants de peuples gaulois plus anciens." (Jean-Louis BRUNAUX, Les Celtes, Histoire d'un mythe, Belin, Paris 2014 , p. 199.)

 

L'hypothèse des Humanistes des Francs Gaulois que l'on trouve chez les humanistes des XV et XVIe s., n'est pas complètement impossible si l'on se rappelle que les Proto-Celtes viennent d'une région située à cheval sur les deux rives du Rhin entre Alpes et Baltique :

Source image : http://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences/La-carte-de-l-installation-des-Celtes-2016-08-07-1200780564

Source image : http://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences/La-carte-de-l-installation-des-Celtes-2016-08-07-1200780564

Dans cette hypothèse les Germains deviennent des Celtes. La Celtique (keltike en grec) est un espace géographique correspondant à peu près à la Gaule (Gallia en latin) et peuplé, selon les Grecs, de « barbares » – c’est-à-dire d’hommes ne parlant pas le grec – dont les Celtes et, parmi ces Celtes, les Gaulois.

 

"Tous les Celtes ne sont pas des Gaulois. C’est César qui, lors de la conquête des Gaules, décide de n’attaquer que les Celtes situés à l’ouest du Rhin, bien qu’il y en ait aussi à l’est, les Germains occupant le nord." (Les Celtes, Européens sans le savoir, La Croix, Denis Sergent, le 07/08/2016 à 10h56 )

 

Historien allemand qui ne reconnaît pas l'existence d'une "nation gauloise", - et donc peu susceptible de parti pris, Karl Ferdinand WERNER écrit dans "Les Origines" :

 

"On voit donc comment l'histoire d'une nation, qui commence vraiment, selon Michelet, avec la Révolution, peut-être favorable au 'modèle gaulois' si celui-ci permet à cette nation nouvelle (en 1789 Ndlr.) de se reconnaître dans un lointain passé gaulois. Cela supposerait évidemment, pour être historiquement exact, que les Gaulois n'aient ni connu ni accepté la domination d'une aristocratie..." [17]

 

"La Révolution de 1830 apporte la consécration des honneurs officiels et populaires à l'ascendance gauloise des Français.

 

Le 'coq gaulois' est piqué sur les hampes des drapeaux sous un Louis-Philippe qui doit chercher la popularité cocardière plutôt que la légitimité du descendant de Clovis. ... L'expression 'Nos ancêtres les Gaulois' s'implante définitivement. Son contenu domine les manuels, la vague gauloise étant particulièrement forte entre 1871 et 1914 dans l'enseignement primaire, tandis que l'enseignement secondaire donne plus de place à l'apport de la civilisation romaine. La quête d'une identité si possible totale entre Gaulois et Français conduit l'historien Henri Martin à observer chez les Français des poumons plus importants et des entrailles plus réduites que chez les Allemands. Selon lui, ces caractéristiques correspondent certainement à celles des Gaulois et des Germains." [18]

 

Pour l'historien Henri Martin, auteur d'une Histoire de France, les Français sont "fils des Gaulois par la naissance et le caractère, fils des Romains par l'intelligence." (On a envie de dire merci pour l'intelligence des Gaulois ! Ndlr.) La manière dont les Français considèrent leurs origines en sera jusqu'à nos jours profondément marquée.

 

"Il fallut attendre la Révolution pour que l'ascendance gauloise des masses populaires fût clairement annoncée et assumée par un historien, constamment attaché au club des Jacobins, nommé en septembre 1792 à la Convention dite "nationale", qui se prononça lors du procès de Louis XVI, d’abord pour l’appel du peuple, avant de voter la mort sans sursis et sans appel, J.A. DULAURE dans son Histoire critique de la noblesse (1790) :

 

'Ah, malheureux peuple, vous étiez au pied des Barbares, dont les aïeux ont massacré vos ancêtres. Ils sont tous des étrangers, des sauvages échappés des forêts de la Germanie, des glaces de la Saxe... Il est probable qu'ils descendent d'un brigand.'

 

Et l'auteur de déclarer fièrement : 'Je suis de race gauloise...' [19]

 

A l'origine, les républicains sont donc des racialistes acharnés.

 

Cette remarque est importante tant on voit aujourd'hui leurs descendants spirituels renier ce qu'ils ont adoré hier, jusqu'à nier même qu'il y ait une nation française avant 1789... [20], un "peuple" français de souche... [21] Ou même "nos ancêtres les gaulois..." Pourtant, sans doute devrions-nous dire encore aujourd'hui à l'instar de J. A. Dulaure, nous sommes "de race gauloise" !

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

La nation gauloise préexiste à l'entité politique

 

Les historiens qui, aujourd'hui, ne reconnaissent pas l'existence d'une "nation" gauloise avancent pour appuyer leur thèse qu'il n'y avait pas en "Gaule" de cohérence politique, pas d'administration commune, pas de frontières, comme dans la "république" romaine à la même époque par exemple. Se servant du sens moderne du mot "nation", défini comme "groupe humain assez vaste qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre en commun" (Le Robert, Dictionnaire d'aujourd'hui)", ils avancent, à l'instar de Karl Ferdinand WERNER, que "César a donc créé la nation gauloise". Sous-entendu : auparavant elle n'existait pas.

 

Or, César n'a fait que placer arbitrairement la frontière entre Gallia et Germania sur le Rhin. "Peu lui importaient alors les Celtes qui peuplaient toujours l'Allemagne méridionale..." (K. F. WERNER) [22] Peu lui importait les Celtes peuplaient également toute la Germanie et l’arc nord-alpin.

 

Jean-Louis Brunaux dans Nos Ancêtres les Gaulois, est plus circonspect. Il explique que le concept de "nation" est "vague et fluctuant selon les époques."

 

Le premier sens (de la nation), le "sens ancien", "dont on peut reprendre la définition du Petit Robert : 'Groupe d'hommes auxquels on suppose une origine commune', correspond à une "représentation essentiellement ethnique." [23]

 

La nation n'implique pas la présence de frontières.

 

"La royauté n'implique pas l'existence d'un royaume. La cité ne possède pas de territoire unifié mais des pagi, chacun irréductible. La cité est une structure souple pouvant absorber ou perdre un ou plusieurs pagi, accueillir de nouveaux peuples ou se séparer d'une part non négligeable de sa population (migrations)." (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la direction de Olivier BUCHSENSCHUTZ, Nouvelle Clio, PUF, Mayenne 2015, p. 282.)

 

« Les Celtes pratiquaient la colonisation de terres plus lointaines, déléguant à une partie de leur population, le soin de les conquérir en Italie, en Allemagne méridionale et en méditerranée orientale. » (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 09.)

 

Le Petit Larousse illustré 2007 ajoute le sens moderne de la nation héritée des Romains : c'est une "grande communauté humaine, le plus souvent installée sur un même territoire et qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique plus ou moins forte."

 

La nation gauloise, bien qu'établie sur des territoires aux limites fluctuantes, répond à l'ensemble de ces définitions :

. une origine commune (Petit Robert), pas forcément installée sur un même territoire (sens ancien),

. qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique" (sens moderne, Petit Larousse),

. et même qui se caractérise par la "conscience de son unité" au sens moderne (Le Robert, Dictionnaire d'aujourd'hui). La lutte pour l'indépendance sous Vercingétorix, le premier empire Gaulois de Sabinus en 69 après J.-C., le second empire gaulois de Postume en 260 ap. J.-C., ainsi que toutes les révoltes gauloises après la conquête de Jules César montrent assez combien le souvenir de l'unité était un sentiment suffisamment puissant pour soulever nos ancêtres.

 

La nation gauloise préexiste donc à la frontière fixée par César, ainsi qu'à l'entité politique, elle se caractérise par un peuple d'origine commune situé sur les deux côtés du Rhin, bien que divisé en diverses tribus, chacune sous l'autorité d'un chef particulier, le vergobret qui disposait de l'autorité royaleavec chaque année la réunion des druides dans un centre religieux commun, de même que la réunion chaque année d'un "Conseil de toute la Gaule" (voir plus bas)

 

Cette nation gauloise avait comme nous le verrons un même mode de vie, des traditions, des coutumes communes, une religion commune, des traits et caractères communs.

 

De la même façon qu'on ne voit pas comment on pourrait dire que la nation grecque n'existait pas au Ve siècle av. J.-C. du fait d'une guerre entre Athéniens (Ligue de Délos) et Spartiates (Ligue du Péloponnèse)..., on ne voit pas très bien pourquoi on pourrait dire des Gaulois qu'ils ne formaient pas une "nation" du fait de leurs divisions ?

 

Ou encore pourquoi dirait-on que la nation française n'existait pas au XIV et XVe siècle, du fait de l'opposition entre Armagnacs et Bourguignons, durant la Guerre de Cent Ans ?

 

Ou encore pourquoi ne dirions-nous pas, selon le même argument, que cette nation française n'existait pas non plus en 1789 du fait de la guerre civile, du génocide et de la Révolution qui fit deux millions de morts ?

 

Camille Jullian précise que les Celtes, "semblables encore en cela aux Grecs des temps de l'indépendance (et nos fameux basileis des temps homériques, Agamemnon et Priam), avaient le sentiment de leur unité morale, et ce sentiment survivait aux discordes intestines. Ils parlaient tous la même langue; ils portaient des noms formés de la même manière; ils adoraient quelques grands dieux, commun à toute leur race; les nations de la Gaule avaient des qualités et des défauts analogues, et leurs institutions politiques ne différaient pas sensiblement. Surtout, elles avaient le souvenir ou la persuasion d'une identité d'origine.

 

Si les rivalités entre peuplades empêchaient la cohésion politique, un vague instinct de conscience nationale maintenait le goût de l'unité", écrit Camille Jullian, dans Vercingétorix. (Editions mise à jour et préfacée par Paul-Marie Duval, Marabout Université, 1979, p. 26.)

 

Un centre politique commun : le "Conseil de toute la Gaule"

 

Outre un sanctuaire commun (voir plus bas), plus récemment, l'archéologue Jean-Louis BRUNAUX, a évoqué un "Conseil de toute la Gaule".

 

« Chaque année, écrit-il, un "Conseil de toute la Gaule" (Concilium totius Galliae) se réunissait et les élus de chacun des peuples y accordaient le principat (le leadership) à un peuple-patron. Cette assemblée, dont les pouvoirs paraissent avoir été limités, avait l'avantage de matérialiser un espace dont la nature était avant tout politique. » (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 07)

 

Une forme de fédéralisme

 

« Très tôt - au moins dès le IIIe siècle avant J.-C. -, les peuples prirent l'habitude de réunir leurs chefs et des délégués des différentes assemblées dans le "Conseil de toute la Gaule"... qui avait pour mission d'accorder à l'un d'entre eux ce que César nomme un "principat". ... En 52 avant J.-C., c'est lui qui décida la création d'une gigantesque armée confédérale. Mais le contrôle des accords, le respect des prérogatives de chaque population, l'arbitrage des conflits étaient délégués à une autre assemblée annuelle, celle des druides. » (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, ibid.,, p. 11.)

 


... sous l'autorité d'un roi élu, chargé de fonctions exécutives :

 

 

« Ce pouvoir, le souverain le partage avec le sénat ou assemblée du peuple (publicum concilium des Cénomans), lequel se compose des représentants des clans et des hommes libres; le souverain est l'exécuteur des décisions du sénat / peuple. S'agissant des fonctions du roi, les sources sont peu explicites.

 

Chef militaire, le roi avait la faculté de convoquer l'assemblée et le conseil armée, prélude à toute opération belliqueuse. La royauté n'implique pas l'existence d'un royaume (frontières). La cité ne possède pas de territoire unifié mais des pagi, chacun irréductible. La cité est une structure souple pouvant absorber ou perdre un ou plusieurs pagi, accueillir de nouveaux peuples ou se séparer d'une par non négligeable de sa population (migrations). Les Celtes de ces périodes ne paraissent pas attachés à un territoire. ... Ces princes, rois, roitelets offrent de multiples points de comparaison avec les basileis du monde homérique.
 

 

Les modalités de désignation sont en revanche totalement inconnues. Si l'aval des grands était indispensable, une sanction plus populaire est vraisemblable [Brunaux 2004, 28-29]

 

L'épigraphie monétaire (Colbert de Beaulieu, Fischer 1998) confirme la survivance des anciennes charges avec l'identification d'un certain nombre de magistratures - Rex, Basileus, Vergobreto, Argantodan, Argantokomaterekos, Ulatus (Gruel 1989, 136) - jusqu'à la conquête romaine.

 

Quelques-uns de ces monnayages de cité sont identifiables par des légendes monétaires au nom du peuple (Volcae, Eburones), au nom du roi ou du vergobret. On a aussi quelques rares cas de mention de magistrats monétaires : arcantodan (Colbert de Beaulieu, Fischer 1998). » (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la dir. De Olivier BUCHSENSCHUTZ, ibid., p. 281-291)

 

L'importance et le souvenir de ce Conseil de toute la Gaule se révèlera encore en janvier 70 ap. J.-C. Alors que l'Empire des Gaules avait été proclamé par Classicus, Tutor et que Sabinus, autoproclamé "empereur des Gaulois" (Tacite, Histoires, IV, 67), vit certaines légions lui firent allégeance (69), le Congrès de Reims se prononça contre l'"empire gaulois", suite à un discours habile du général romain Cerialis qui, tel César, su instrumentaliser nos divisions, ainsi que la crainte de la domination germanique. (Tacite, Histoires, IV, 68-74.) 

 

Les traits physiques

Histoire du Peuple français, Publiée sous la Direction de L.-H. Parias, Préface de Edouard Herriot de l'Académie française, Des Origines au moyen-Âge (Ier siècle av. J.-C. - 1380), par REGINE PERNOUD, Nouvelle Librairie de France, F. SANT'ANDREA, Paris 1951

Histoire du Peuple français, Publiée sous la Direction de L.-H. Parias, Préface de Edouard Herriot de l'Académie française, Des Origines au moyen-Âge (Ier siècle av. J.-C. - 1380), par REGINE PERNOUD, Nouvelle Librairie de France, F. SANT'ANDREA, Paris 1951

Régine Pernoud précise que "l'étude des Celtes à l'époque de la Tène réserve une bonne surprise : il est impossible en effet de n'être pas frappé des traits de ressemblances évidents qui relient entre eux le peuple celte et le peuple français. Alors que dans d'autres pays le caractère de la population primitive a été complètement bouleversé par les invasions - c'est le cas par exemple pour la majeure partie de l'Angleterre (le pays de Galles excepté) après l'arrivée des Saxons - il semble que chez nous les apports successifs de populations aient à peine modifié le fond de notre race, tant nous pouvons nous reconnaître, reconnaître les Français d'aujourd'hui et plus encore ceux du Moyen Âge, dans les Celtes d'avant la conquête romaine", écrit-elle.

 

S'agissant des traits physiques, Régine Pernoud indique que "les auteurs antiques, du moins ceux qui comme Strabon, avaient assez voyagé pour connaître et des Celtes et des Germains, étaient surtout frappés par les différences physiques entre les deux races : 'Les Germains, dit-il, diffèrent quelque peu de la race celtique par une nature plus sauvage, une taille plus grande, une chevelure plus blonde. Ils s'en rapprochent par tout le reste, par l'aspect, les moeurs et les lois'... Et il suffit aussi de regarder ce que sont les peuples demeurés profondément celtes : les Irlandais, entre autres, pour comprendre que le type gaulois n'a rien à voir avec l'idée que l'on s'en fait généralement. Nos ancêtres devaient être de taille moyenne, cheveux châtains, yeux noisettes. Comme le dit Ferdinand Lot, si l'on veut savoir à quoi ressemblait un Gaulois, regardons-nous dans la glace", écrit encore Régine Pernoud. [24]

 

Les inventions

 

Loin des clichés du Petit Lavisse et de l'histoire républicaine, la nation gauloise est à l'origine d'un certain nombre d'inventions. Elle a inventé les vêtements moqués par Rome (le pantalon, le costume) et que Rome adopta ensuite, le savon, la fertilisation des terres par le marnage et le chaulage, "à l'étonnement stupide des Romains surpris qu'un peuple s'employât à 'engraisser la terre par la terre'" (F. Funck-Brentano, Les Origines, p. 68), la literie à matelas, la carroserie.

 

Les Gaulois prenaient leur repas assis devant des tables basses, et non pas couchés comme les Latins. Ils ont inventé le matelas. Ils dormaient sur des matelas de laine, alors que les peuples du midi ne connaissaient que les paillasses (R. Pernoud, Histoire du peuple français, ibid., p. 36.)

 

La nation gauloise disposait d'une verrerie très avancée : "les Gaulois étaient parvenus à des couleurs  d'une intensité et d'une limpidité incomparables et que notre temps se trouverait incapable de reproduire ...

 

On sait que c'est en France que les édifices religieux connaîtront les premières verrières où la lumière se filtera au jeu des plus vives couleurs; dans la France du XIIe siècle, l'art des vitraux connaîtra une magnificence et une perfection qu'aucune autre nation, aucun autre temps, ne pourront égaler. Les Gaulois appliquaient plus particulièrement leur technique verrière à la fabrication des bijoux, en imitation du corail et de l'ambre, de l'ambre fauve, du corail rouge si recherchés", écrit Funck-Brentano. [25]

 

S'agissant des méthodes de culture, elles sont déjà ce qu'elles devaient rester jusqu'à l'époque moderne ... des champs ouverts sur lesquels la culture se renouvelle tous les trois ans : une année de blé ou les autres céréales riches, la seconde année des céréales pauvres ou des plantes à racines, la terre restant en friche la troisième année. Les Gaulois ont inventé la faux pour récolter le foin, invention qui se répandra peu à peu dans tous les pays européens, la charrue à roues, la herse.

 

"Contrairement à ce qui se passait en territoire romain, la culture de la terre n'est pas faite par des esclaves, mais par des hommes libres. L'esclavage semble avoir été moins pratiqué chez les Celtes que chez les peuples méditerranéens", écrit Régine Pernoud dans un livre remarquable : "Histoire du peuple français, des Origines au Moyen Âge." [26]

 

"Les transports ne se faisaient pas à dos d'hommes. C'est l'honneur des Gaulois de n'avoir jamais considéré leurs semblables comme des bêtes de somme. Les transports se faisaient sur leurs charrettes à deux roues, ou à quatre roues, et qui ne se sont guère modifiées. ...La carrosserie des Gaulois étaient en renom parmi les Romains, au point que ceux-ci allèrent jusqu'à leur emprunter les principaux termes du métier." [27]

 

Les voies de communication, les routes seront élargies, renforcées par les Romains; mais elles ne feront que suivre les longs chemins gaulois, traversant le pays, reliant leurs capitales. Ces chemins gaulois n'ont pas été appréciés à leur juste valeur. Ils seront assez larges et assez fermes pour permettre à César de faire circuler ses armées et leurs impedimenta. Fleuves et rivières étaient franchis sur des ponts de bois. Les rivières étaient activement utilisées. [28] (Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 66.)

 

Régine Pernoud explique que "les grandes routes gauloises sont d'ailleurs assez souvent des routes préhistoriques. Le commerce de l'étain par exemple, qui frayait sa voie à travers toute l'étendue de la Gaule avait lieu certainement avant l'époque de la Tène (ou second âge du fer de 450 av. J.-C. à 25 av. J.-C.) Aux premiers siècles av. J.-C., écrit-elle, quatre routes principales permettaient d'acheminer l'étaint des Îles britanniques nommées alors Îles Cassitérides, du nom grec de l'étain, jusqu'aux pays méditerranéens. (R. Pernoud, Histoire du peuple français, des Origines au Moyen Âge, Nvelle Librairie de France, Paris 1951, p. 40)

 

Les arts et métiers
 

L'ingéniosité. César ne peut s'empêcher, notamment lors du siège de Bourges, de reconnaître cette supériorité des Gaulois sur le Romain :

 

'A l'exceptionnelle valeur de nos soldats, écrit-il, les Gaulois opposaient toutes sortes de moyens. C'est une race d'une extrême ingéniosité et ils ont de singulières aptitudes à imiter ce qu'ils voient faire. A l'aide de lacets, ils détournaient les coups de nos faux et quand ils les avaient bien serrées dans leurs noeuds, ils les tiraient avec des machines à l'intérieur des remparts; ils faisaient écrouler notre terrassement en creusant des sapes, d'autant plus savants dans cet art qu'il y a chez eux de grandes mines de fer et qu'ils connaissent et emploient tous les genres de galeries souterraines'.


Il n'est donc pas exagéré d'attribuer à notre ascendance celtique la réputation dont n'a cessé de jouir l'ouvrier de France, - réputé partout le plus habile , - et aussi cette spécialité que constitue chez nous l'artisanat, l'objet d'art, depuis la tapisserie française jusqu'à la mode et aux articles de Paris.

Un archéologue, Olivier BUCHSENSCHUTZ, dans la revue Dossier pour la Science, explique que les Gaulois étaient d'excellents forgerons. Ils ont créé la faux, un outil spécifiquement européen pour récolter le foin, des fourreaux métalliques pour protéger le tranchant des épées... [29]

 

En agriculture, tandis que les Romains ne connaissaient encore que l'araire au soc fixe, péniblement tiré par l'esclave, les Gaulois, eux, avaient inventé la charrue à roues avec avant-train indépendant et coutre mobile. Ils se servaient de la herse, que tous les peuples européens ont adopté peu à peu... Ils furent ainsi les premiers à mécaniser l'agriculture, et Pline parle avec étonnement de leurs machines à faucher avec lesquelles ils coupaient les foins en un temps incroyable pour les Romains. Ils se servaient même de moissoneuses à dents de fer fixées à une grande caisse évasée où retombaient les épis coupés. (R. Pernoud, Histoire du Peuple français, p. 28)

 

Régine pernoud explique que les épées gauloises étaient remarquablement trempées et conçues pour frapper de taille mesuraient plus d'un mètre de long. Leurs javelots avaient aussi la réputation d'être excellents. ... Les Gaulois savaient aussi fabriquer les piques et les arcs qui servaient à leurs fantassins.

...Ce sont eux qui ont inventé la cotte de mailles, qui allait devenir d'une usage général chez les guerriers et le demeurer jusqu'au XIVe siècle, époque où les lourdes armures compliquées commencent à remplacer la cotte de mailles de l'époque féodale.

Il faut leur rapporter l'invention de l'argenture et celle aussi de l'étamage dont les conséquences se sont fait sentir de tous temps, puisque c'est l'étamage du cuivre qui permet de l'utiliser dans les usages domestiques.

Ils prenaient leur repas assis devant des tables basses, et non pas couchés comme les Latins. En revanche, ce sont eux qui ont inventé cette précieuse pièce de mobilier qu'est le matelas. Ils dormaient sur des matelas de laine, alors que les peuples du Midi ne connaissaient que les paillasses.

La céramique est longtemps restée chez eux assez grossière, mais à l'époque de la conquête romaine on voit se développer le goût pour la poterie peinte.

Les Gaulois ont également pratiqué le tissage. ... Ils semble qu'ils aient poussé très loin l'industrie textile et en aient fait un art véritable. Les textiles découverts dans les sépultures aristocratiques de l'Europe celtique révèlent un haut degré technique atteint par les Celtes au cours du premier âge du fer (VIIIe-Ve siècle), où  apparaît le métier vertical à quatre barres qui remplace le traditionnel métier à tisser vertical à deux barres hérité du Néolithique, le métier à tablettes, l'apparition de nouvelles sources de colorants, comme le kermès... A partir du IXe siècle avant notre ère, c'est grâce à cette évoluition du métier que les armures de tissage se diversifient. L'amure principale est le sergé, qui sert de base à d'autres armures dérivées, tels le chevron et le losange qui apparaissent au même moment. ... L'usage des textiles associés aux épées, apparu au début du IXe siècle avant notre ère, se perpétue tout au long du premier âge du fer. L'emballage des épées par tissu est indissociable des pratiques funéraires aristocratiques du premier âge du fer et se retrouve dans tous les types de sépultures d'Europe celtique. ... De nouvelles techniques, telle celle de la navette volante, où des fils de trame supplémentaires sont utilisés pour réaliser un motif au cours du tissage, sont observées à Hochdorf. ... En 1978, la découverte de la sépulture exceptionnellement bien conservée de Hochdorf, dans le Bade-Wurtemberg, en Allemagne du sud, a permis d'apprécier l'éventail des réalisations textiles au cours du VIe siècle avant notre ère. ... Les Celtes utilisaient des étoffes colorées avec des motifs géométriques (losanges, svastikas, etc.), à des fins vestimentaires et décoratives. De tels tissus ont été découverts da,s plusieurs sépultures princières. ... La plupart possèdent des traces de coloration bleue et rouge. [30]

 

Ils ont été les premiers, leur goût pour la couleur aidant, à fabriquer ces tissus que nous appelons écossais, précisément parce que l'usage s'en est conservé dans les régions demeurées en partie celtiques, et notamment en Ecosse. Ces larges plaids dont le goût est revenu sur le continent, ce sont en réalité les manteaux gaulois; César parle des manteaux tissés de couleurs diverses formant des carrés, sur lequels s'asseyaient les chefs et les nobles gaulois durant leurs conseils de guerre. Les rares tissus retrouvés dans les tombes gauloises attestent de leur fabrication.

... Il faut bien dire d'ailleurs qu'à côté du costume grec ou romain, le costume gaulois apparaît singulièrement adapté et pourrait être l'indice d'une civilisation beaucoup plus développée, si paradoxale que paraisse cette affirmation. Il est à la portée de n'importe quel primitif de se draper dans un tissu quelconque comme le faisaient les Grecs ou les Romains dans leurs toges. Alors que les Gaulois ont inventé toutes les pièces de vêtements caractéristiques de la civilisation occidentale: les braies ou pantalons - on les appelle encore brayes ou brayettes dans le Midi de la France - les justaucorps ou tuniques courtes fendues par devant et pourvues de manches et qui sont nos vestons actuels; enfin, les saies ou manteaux dans lequels ont peut se draper comme dans une pèlerine, ou que l'on agrafe sur la poitrine. ... Un empereur romain a même été surnommé Caracalla, qui était le nom de la blouse gauloise qu'il avait adoptée pour son usage personnel. C'est donc notre peuple qui, dans l'Antiquité a trouvé la meilleure façon de se vêtir, la plus adaptée aux besoins du corps, au point que leur vêtement est devenu celui de toute l'Europe.

D'autre part, les Gaulois étaient connus aussi parmi les peuples antiques pour être de parfaits cordonniers. Alors que la plupart des autres peuples ne connaissaient que la sandale, on leur doit l'invention du soulier montant ou galoche dont le nom atteste l'origine (c'étaient les 'chaussures gauloises' : gallicae).
... Et c'est à eux également que l'ensemble du monde civilisé doit cette invention inestimable: le savon. Les premiers, les Celtes ont connu la fabrication et l'usage du savon dont le nom même est d'origine gauloise (sapo). Ils le fabriquaient, si l'on en croit Pline, à l'aide d'une sorte de potasse extraite de la cendre végétale, et mélangée avec du suif. Encore un trait qui atteste l'extrême ingéniosité de notre race. Les Gaulois avaient d'ailleurs la réputation d'être extrêmement propres." [31]

 

'Le savon, dit Pline, inventé par les Gaulois aux cheveux rutilants.'" Les Gaulois "vendaient aux Romains le savon." [32]

 

"Les Gaulois sont propres sur eux, dit Ammien, soignant leurs longs cheveux, leurs longues moustaches, tombantes, la fraîcheur de leur teint. Ammien ajoute 'Vous ne trouverez pas chez eux, comme vous trouverez ailleurs, homme ou femme, pour pauvres qu'ils soient, en vêtements sales ou loqueteux !'" (F. Brentano, Les Origines, ibid., p. 69.) ... "Les villes étaient généralement bien tenues. On vantait la propreté gauloise." (F. Brentano, Les Origines, ibid., p. 148.)

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

"Le savon, une forme de dentifrice, des techniques avancées de tissage produisant des étoffes aux décors géométriques de différentes couleurs, l'émail sont d'autres innovations gauloises." (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 13.)

 

"Le dépôt fréquent dans les tombes de La Tène ancienne du rasoir et d'instruments de toilette, pincettes et scalptorium, puis, à partir de la Tène moyenne, de l'association de forces et de rasoirs, attestent l'importance des soins corporels." (Olivier BUCHSENSCHUTZ, L'Europe celtique à l'âge du Fer, VIIIe – Ier siècles, ibid., p., 234)

 

Les Transports. Les Gaulois construisent des attelages : "le mot 'char', qui est passé dans toutes les langues antiques, vient du celtique" (Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 22.)

 

"Pour bâtir leurs demeures, les Gaulois faisaient peu usage de la pierre : maçons malhabiles, écrit Frant Funck-Brentano, jusqu'à l'arrivée des Romains et médiocres carriers. Leurs dieux mêmes ne connaissaient guère les temples bâtis. (F. Brentano, Les Origines, ibid.,p. 62.)

 

Plus tard, sous les Gallo-Romains, ce sera différent. "Les temples consacrés à leurs dieux imitaient l'architecture grecque, ils l'imitaient à la Romaine, oeuvres d'écoliers habiles, attentifs, ayant sous les yeux de bons exemples, mais sans la délicate maîtrise du modèle, sans la flamme ni la vie de l'originalité. ... Avec les thermes, les monuments les plus importants de la ville était les arènes et les théâtres, édifices immenses disposés pour contenir des foules nombreuses, car les spectacles étaient gratuits. Tout le monde y était admis, jusqu'aux esclaves." (F. Brentano, Les Origines, ibid.,p. 142, 143.)

 

Religion, moeurs et coutumes particulières

 

"César définit les Celtes comme un 'peuple très adonné aux pratiques religieuses'. Et en effet le sens mystique paraît avoir été chez eux extrêmement développé.

 

Les prêtres en étaient les druides qui formaient une sorte de classe à part dans le peuple, bien que mêlés à toutes les activités de la vie courante. Ces druides subissaient une très longue formation qui s'étendait parfois sur vingt années d'études et, trait caractéristique, ils n'ont pas laissé d'écrit. ... Leur tradition se transmettait oralement.

 

La religion gauloise était spécifique. Dans les religions préhistoriques européennes en effet, la religiosité reposait essentiellement sur la croyance en des forces naturelles et associait l'environnement à la divinité dans une forme de panthéisme. L'arbre y avait par exemple une place spéciale. Or, dans la religion gauloise, cette religiosité primitive a disparu peu à peu de nos contrées pour laisser place à des religiosités plus élaborées. Ainsi, à la fin du IVe siècle avant .-C., les ensembles architecturaux ont succédé aux lieux remarquables (montagnes, grottes, sources, arbres, etc.), même si ces derniers peuplaient encore les poèmes et les chants qui envahissaient encore la mémoire des Gaulois :

 

"Les arbres et les cultes purement naturistes ont disparu à l'époque de La Tène (450-25 aV. J.-C.). Seuls des noms divins associés aux rivières et aux montagnes ont survécu. Les arbres ne sont plus chez les Gaulois un objet de culte comme ils le sont encore à la même époque chez les Germains." (Jean-Louis BRUNAUX, Les Religions gauloises (Ve- Ier siècles av. J.-C.), Biblis Cnrs Editions, Paris 2016, p. 92-93.)

 

L'écriture et l'usage des monnaies sont venus aux Gaulois, non des Romains, mais des Grecs, depuis Marseille, fondée vers 600 av. J.-C. (Funck-Brentato, Les Origines, ibid., p. 54, 55.) 

 

L'idée reçue "les Celtes ne connaissaient pas l'écriture" est fausse. L'usage de l'écriture est ancien : de Castelletto Ticino, Via Aronco, en Italie du Nord, provient une inscription celtique sur vase à boire datée du deuxième quart du VIème av. J.-C. ; elle est donc aussi ancienne que les plus vieilles inscriptions latines. Elle est gravée dans l'alphabet dit de Lugano, dérivé de l'alphabet nord-étrusque, qui a couramment servi aux Celtes d'Italie du Nord dès le VIème siècle. Plus tard, l'usage de l'écriture est devenu très courant de part et d'autre des Alpes. En Gaule intérieure, c'est souvent, en particulier à partir du IIème siècle av. J.-C., l'alphabet grec qui est employé par les Celtes pour transcrire leur langue.

 

"L'utilisation de l'écriture est attestée par des graffitis sur la céramique et par la découverte de styles (poinçons servant à l'écriture)" (Olivier Buchsenschutz, Sous l'oeil des archéologues, in Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 28.)

 

"A l'arrivée de César,... ils (les Gaulois) battaient monnaie, se servaient de l'écriture." (Funck-Brentato, Les Origines, ibid., p. 169.)

Inscription gauloise en alphabet grec, de Vaison-la-Romaine. Dédicace d'un nemeton (enclos sacré) à la déesse Belisama, IIème siècle av. J.-C.

Inscription gauloise en alphabet grec, de Vaison-la-Romaine. Dédicace d'un nemeton (enclos sacré) à la déesse Belisama, IIème siècle av. J.-C.

 

"Ce clergé des druides formait une société hiérarchisée. Les druides obéissaient à un chef unique détenant l'autorité suprême et qui à sa mort était remplacé par un autre chef désigné par élection. ils avaient auprès des peuples et des rois un double rôle social, comme magistrats et comme conseillers." (Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 36.)

 

En quoi consistait la doctrine des druides? On est certain qu'ils professaient les croyances en l'immortalité de l'âme. On en retrouve l'écho chez Lucain, qui mentionne l'existence d'un autre monde (orbe alio) où les âmes pourraient se mouvoir, alors que les autres auteurs (Posidonius, César, Diodore, Strabon et Ammien Marcellin)  laissent entendre que les âmes des trépassés reviennent sur terre (réincarnation). Le mort pourrait connaître différents destins suivant la vie qu'il a menée et la mort qu'il a connue. Les rites funéraires avaient aussi leur importance dans ces passages et ces cheminements. L'historien de la philosophie Diogène Laërce nous donne une idée révélatrice du contenu des préceptes moraux druidiques. "Ils disaient qu'il faut honorer les dieux, ne rien faire qui soit mal, s'exercer au courage." L'expression "ne rien faire de mal" sous-entend qu'il existe un tableau du bien et du mal et suggère que les idées de péché et de salut existaient chez les Gaulois. (Jean-Louis BRUNAUX, Les Religions gauloises (Ve- Ier siècles av. J.-C.), Biblis Cnrs Editions, Paris 2016, p. 100-102; 110). Pour le reste on ne sait que peu de choses, sinon que les druides maintenaient chez tous les peuples de race celtique une unité d'ordre religieux.

 

Lors de l'assemblée annuelle, c'était eux qui faisaient office de juges et qui immolaient les criminels. Lorsque les Romains après la conquête voudront détruire l'unité du monde celte, ils traqueront les druides et ce sont leurs sacrifices humains qui leur en fourniront le prétexte.

 

"La doctrine druidique... était un agrégat de croyances religieuses souvent archaîques et irrationnelles voisinant avec des théories beaucoup plus développées sur la vie, la mort et l'univers. ... Les arbres ne sont plus chez les Gaulois un objet de culte comme ils le sont encore à la même époque chez les Germains." (Jean-Louis BRUNAUX, Les Religions gauloises (Ve- Ier siècles av. J.-C.), ibid., p. 93.)


"Ils portaient des sortes de toges blanches, garantes de la pureté de leur âme, ils suivaient l'enseignement d'un maître, tout au long d'une période d'une vingtaine d'années, ils proscrivaient l'écriture.

 

Les druides sont également des théologiens; Eux seuls connaissent la nature des dieux. (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 24.)


Aux druides revenaient entre autres charges l'éducation de la jeunesse. Et il est remarquable que les Celtes aient été les seuls peuples antiques à confier ainsi à une classe spéciale la fonction d'éducation.

 

"Il existait une histoire indigène (orale), celle que les druides avaient consciencieusement compilée et qui faisait partie du savoir transmis à leurs élèves." (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, ibid., p. 13)

Druides cueillant le gui au 6e jour de la nouvelle lune, Henri-Paul Motte, v. 1900

Druides cueillant le gui au 6e jour de la nouvelle lune, Henri-Paul Motte, v. 1900

"Les druides sont entourés du plus grand respect. Ils statuent en effet sur presque tous les différents publics ou particuliers." (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, ibid., p. 25)

 

... Les dieux gaulois sont associés en triades : les noms de Teutatès, Hésus et Taranis apparaissent ainsi réunis, et l'on possède des sculptures représentant un dieu à trois têtes. Cf. En particulier les divinités tricéphales trouvées à Reims, aujourd'hui au Musée de Saint-Germain-en-Laye (Aisne), Dennevy, (Saône-et-Loire), au Faubourg Saint-Jacques, à Beaune et à Paris (Le dieu tricéphale gaulois, séance du 29 octobre 1875, Par Jean-Joseph De Wittesem, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 1875 Volume 19 Numéro 4, p. 336.)

Le dieu à trois têtes, IIe siècle ap. J-C. On trouve cette image dans le livre de Régine Pernoud, "Les Gaulois", avec cette légende : "Le dieu à trois têtes. IIe siècle ap. J.-C. Beaucoup plus tardive que la pièce précédente, cette stèle de pierre monte trois têtes semblables, mais distinctes et non fondues en une seule. L'influence de la sculpture romaine est ici très nette, encore qu'il s'agisse d'une triade celtique, et que le dieu à trois têtes porte le torque bouleté. Trouvée à Condat-sur-Trincou (Dordogne). Musée d'Aquitaine, Bordeaux."(R. PERNOUD, Les Gaulois, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 43.)

Le dieu à trois têtes, IIe siècle ap. J-C. On trouve cette image dans le livre de Régine Pernoud, "Les Gaulois", avec cette légende : "Le dieu à trois têtes. IIe siècle ap. J.-C. Beaucoup plus tardive que la pièce précédente, cette stèle de pierre monte trois têtes semblables, mais distinctes et non fondues en une seule. L'influence de la sculpture romaine est ici très nette, encore qu'il s'agisse d'une triade celtique, et que le dieu à trois têtes porte le torque bouleté. Trouvée à Condat-sur-Trincou (Dordogne). Musée d'Aquitaine, Bordeaux."(R. PERNOUD, Les Gaulois, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 43.)

Camille Jullian avait bien vu que ces triades pouvaient n'être qu'un triple aspect du même personnage. Pour Régine Pernoud, la religion celtique dépasse infiniment la mythologie gréco-latine que n'effleure aucun sens d'une transcendance divine, ou même l'ensemble des doctrines philosophiques et morales d'une sagesse tout humaniste, sur lequel vécurent les populations méditerranéennes. Elle s'apparentait beaucoup plus facilement à la religion biblique, puisque comme cette dernière, elle eut la prescience de l'immortalité de l'âme, et peut-être d'un dieu unique. (Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 45.)

 


Ce qui ressort surtout de l'ensemble de la mythologie gauloise, c'est la radicale incompatibilité avec la mythologie gréco-latine, son caractère mystique et l'incontestable sens surnaturel qui s'en dégage. Nous sommes loin avec les druides du paganisme grossier des Germains et de cette non moins grossière réduction des divinités aux hommes qui constitue la religion du monde classique. Il n'y a rien eu de comparable, en Occident, aux collèges druidiques et à leur doctrine. Plus qu'aucun autre peuple antique, les Gaulois vivaient dans une atmosphère toute imprégnée de pratiques religieuses. Aucun évènement : naissance, fiançailles, mariage, maladie et mort, chasse et guerre, arrivée et départ ne se passe sans l'assistance de la religion et le secours des dieux. Comme l'a écrit Jullian, la religion chez les Gaulois était 'à la fois une manière de vivre et une façon d'expliquer les choses'. C'est elle qui discipline le rythme des saisons, des mois, des jours.



Quant à l'importance de la religion dans la vie quotidienne des Gaulois, nous avons le témoignage unanime des écrivains antiques qui considéraient les Celtes comme les gens les plus religieux qui soient; "peuple très adonné aux pratiques relgieuses", dit César, et Strabon de son côté indique que les Celtes se caractérisent par leur piété. (Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, ibid, p. 38.)

 

Il est hors de doute que cette religion gauloise, si éloignée des simples marchandages dans lequels consistaient les rapports des Romains avec leurs dieux, a eu également son aspect barbare : rites sanglants et immolations de victimes humaines faisaient partie des cérémonies publiques. Souvent on sacrifiait ainsi les prisonniers de guerre ou les criminels, mais parfois aussi il s'agissait d'innocents offerts en sacrifice d'apaisement.

 

Ce qui confond d'imagination, c'est que ces mêmes druides, organisateurs de sacrifices atroces, étudiaient le mouvement des astres et la constitution des éléments, parlaient de la grandeur de l'univers, enseignaient une morale élevée, épurée, où dominait la plus noble croyance en l'immortalité de l'âme. Ils combattaient l'idolâtrie. (Frantz Funck-Brentano, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 36-39)

 

... La croyance en l'immortalité de l'âme était, dans la pensée des Gaulois, d'une intensité particulière. Elle était si vive que les Grecs et les Romains, qui cependant la partageaient, en était frappés. Ils lui attribuaient ce mépris de la mort qui faisait marcher les gaulois la poitrine découverte contre des ennemis casqués et cuirassés. Déjà aurait-on pu dire d'eux ce que les Italiens diront des gentilshommes français au temps de Louis XIII : 'Ils vont au combat comme s'ils devaient ressusciter le lendemain.'

 

Diodore de Sicile dit que les Gaulois méprisent la mort au point qu'ils se battent en duel et se tuent les uns les autres pour les causes les plus futiles : tels encore les gentilshommes français au temps de Louis XIII..

 

Un centre religieux

 

"Chaque année à date fixe, ils (les druides) tiennent leurs assises en un lieu consacré dans le pays des Carnutes qui passe pour occuper le centre de la Gaule", écrit César dans une page des Commentaires que la plupart des historiens ont cité (6.13).

 

Description de l'image Camille Jullian.jpg.Camille Jullian évoque un sanctuaire commun à toutes les tribus.
 
 
"Chaque année, à des jours solennels, les prêtres des tribus, ... les druides, se réunissaient en un lieu consacré pour y tenir leurs assises; et ce lieu était, comme je l'ai indiqué, sur la Loire, près de la forêt d'Orléans. 
 
 
En apparence, ce n'était que concile et cénacle de prêtres : en réalité, c'était assemblée nationale, image et symbole de patrie.
 
[...] Deux mille ans plus tard, lorsque les moines bénédictins voudront refaire l'unité intellectuelle et morale de cette Gaule devenue chrétienne, c'est au même endroit, à Fleury-sur-Loire, qu'ils installeront un puissant monastère et leurs plus célèbres écoles : car, là, diront-ils, on touche à la fois à la France, Aquitaine et Bourgogne. [...] Là où était le centre du pays, là s'assemblaient ses prêtres." (Camille Jullian, De la Gaule à la France, Nos Origines historiques, Librairie Hachette, Paris 1922, p. 96-98)
 
 
Dans le pays des Carnutes, deux villes sembleraient indiquées comme lieu des assemblées des druides: Chartres et Orléans. Or, les érudits n'ont pas encore résolu la question. Chartres a une cathédrale qui recèle une source, le Puits des Saints-Forts, située dans sa crypte à trente-trois mètres de profondeurs et qui passe pour avoir été voué dès l'Antiquité païenne à la Vierge qui doit enfanter. Mais d'autres raisons militeraient en faveur d'Orléans qui fut toujours le point de départ de ces sursauts de résistance qui ponctuent l'histoire du pays tout entier: qu'il s'agisse  de Vercingétorix, de Jeanne d'Arc ou de 1940, Orléans a toujours un rôle décisif. Un troisième lieu s'offre aux érudits: le lieu d'assemblée des Gaules n'aurait-il pas été Saint-Benoît-sur-Loire? Un lieu de culte important sur lequel fut implanté l'ancienne abbaye de Fleury-sur-Loire. (Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, ibid.p, 35.)

 

Camille Jullian, historien du début du XXe siècle, auteur d'une monumentale Histoire de la Gaule, a été à la Gaule ce que Régine Pernoud a été au "Moyen Âge". Il a mis fin à un certain nombre de clichés sur les Gaulois barbares incultes civilisés par les Romains..., qui n'avaient aucune "unité", dont le sol était "mal cultivé", avec un territoire où l'on ne "voyait presque point de routes et pas de villes", "le contraire des Romains" (Cf. le Petit Lavisse d'Ernest Lavisse, dit l'"Institueur national", dont les "manuels Lavisse", manuels de la IIIe république, ont été constamment réédités jusqu'en 1950, et ont donc déformé de multiples générations de professeurs, d’instituteurs et d’élèves en leur inculquant des contre-vérités historiques).

 

L'archéologue Christian Goudineau explique par exemple, qu'après la parution du Vercingétorix de Camille Jullian (1901) "seuls les quelques inévitables illuminés de service écriront encore d'invraisemblables sornettes, mais leur nombre diminuera considérablement" (C. Goudineau, Le Dossier Vercingétorix, Babel, Lonrai 2009, p. 218.)

 

Jullian a "fait justice du cliché des demi-sauvages ne rêvant que d'en découdre". Il a insisté sur leur organisation, leurs institutions, leur vie publique, qu'il compare à celles des cités grecques d'avant l'âge classique. .

.. Non la Gaule n'était pas barbare, oui, c'était une patrie (ou en tout cas, elle était prête à le devenir).

Oui, Vercingétorix a pris la tête d'un 'parti national', auxquels se sont opposés de malheureux chefs, complices ou dupes du proconsul. Il a perdu, la tête haute, mais les germes de son entreprise démontreraient plus tard leur fécondité. Le premier 'résistant'." (Christian Goudineau) [33]


Des caractères particuliers

Ce que les historiens soulignent surtout, c'est la hantise d'indépendance dont les Gaulois font preuve. C'est un peuple résolument individualiste. Alors qu'un peu partout dans l'Antiquité, mais surtout à Rome, la famille restait plus ou moins dépendante de la tribu la famille gauloise apparaît comme une entité bien déterminée et formée des seuls membres qui lui sont essentiels : père, mère, enfants. Les individus agissent en leur nom propre et en celui-là seul. Au point que des parents très proches par le sang peuvent se trouver complètement séparés ou ennemis dans l'action : ce fut le cas pour Vercingétorix qui est combattu à outrance par son oncle, le frère de son propre père. On n'eût jamais pu voir en Gaule ce que l'on vit à Rome: tous les hommes de la gens fabia se proposer pour partir en guerre contre une ville ennemie.

Importance de la femme. Les Celtes sont strictement monogames. La femme n'est pas regardée comme l'esclave, explique Régine Pernoud, mais comme l'associée de l'homme; elle paraît avoir joué dans la vie de son époux un très grand rôle.

 

Même dans les querelles, elle intervient à ses côtés et, s'il faut en croire Ammien, c'est un adversaire redoutable dont les poings s'abattent rapides et durs 'comme les engins de catapulte'.

 

Plutarque raconte même que les Gauloises intervenaient dans les Conseils où se décidaient la paix et la guerre et que l'on recourait à leur arbitrage dans les contestations avec les étrangers. [34]

 

Frantz Funck-Brentano indique que "les femmes vont et viennent librement, elles tiennent boutique : la parfumerie est leur spécialité. On entend parler haut, fortes en bec, les marchandes des quatre-saisons. ... On n'a pas encore de femmes avocats, mais on a des femmes médecins." (F. Funck-Brentano, Les origines, ibid., p. 148.)

 

Des femmes juges

 

"Alors que leurs femmes, s'avançant au milieu des armes et prenant en main leurs querelles, furent pour eux des arbitres et des juges si exempts de reproches qu'il naquit de là entre tous, et de cité à cité, de maison  à maison, une merveilleuse amitié." (Plutarque, Des vertus des femmes, VI, 6, cité in Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 27.)

 

La femme sera exaltée sous les traits de la Mère de Dieu. (F. Funck-Brentano, Les origines, ibid., p. 41.)



Un trait qui va distinguer la société qui s'élabore, c'est la place qu'y tiendra la vie de famille. Cela, c'est nouveau; les affections familiales étaient à peu de choses près absentes des lettres comme de la mentalité antiques. Ce qui s'explique d'autant mieux que, du point de vue juridique, la famille dans l'Antiquité classique n'existait pas: dans le droit romain, elle tient tout entière dans la personnalité du père de famille, le pater familias, qui exerce un droit de propriété sur les membres dont elle se compose, femme, enfants, esclaves, comme sur ses biens meubles et immeubles, avec une autorité pratiquement presque illimitée.

 

En Gaule, la famille paraît avoir eu dès les premiers temps une existence véritable. La femme tient sa place aux côtés de l'homme jusque dans les combats et les liens de parenté sont vivants comme ils le seront dans les sociétés barbares, germaniques ou nordiques. 

 

Le premier écho de ces affections familiales dans la littérature, nous le trouvons chez le poète Ausone. ... Cette société du IVe siècle ap. J.-C., est imprégnée de christianisme; la vie de famille va s'en ressentir profondément, puisque la femme est considérée désormais comme l'égale de l'homme. [34]

 

La fidélité conjugale

 

"En dehors de leur réputation de beauté, de fécondité et de courage, les femmes de la Gaule ont souvent fourni aux moralistes du temps de remarquables exemples de fidélité conjugale", écrit Régine Pernoud.

 

"L'histoire en particulier de Sabinus et d'Eponine a été pour les générations antiques le modèle classique d'amour et du dévouement entre époux, et ce modèle n'était pas tiré d'un roman mais bien de la vie réelle: Eponine pendant neuf années partagea la vie sauvage de Sabinus recherché par les Romains pour rébellion et contraint de se cacher dans des cavernes dans lesquelles sa femme venait lui apporter de la nourriture; lorsqu'il fut découvert et condamné à mort, Eponine demande et obtint de mourir avec lui. [35]

 

"Les archéologues sont frappés du très grand nombre de stèles funéraires élevées en Gaule par l'époux ou l'épouse survivant à son conjoint disparu, et dont les inscriptions sont conçues dans les termes les plus touchants."

 

Le poète gaulois bordelais, sans doute chrétien, Ausone (IVe siècle), dont le père médecin s'exprime encore plus facilement en gaulois qu'en latin, a consacré toute une série de poèmes aux membres de sa famille. L'un des plus émouvants portraits qu'il trace est celui d'Attusia Lucana Sabina, sa femme : "J'ai parlé d'êtres chers selon les modes pieux du chant funèbre. Mais c'est à présent un chagrin, une torture, une plaie toujours vive, que je dois rappeler : la mort de mon épouse. Noble depuis ses bisaïeux, illustre depuis l'origine du sénat, Sabina s'est illustrée plus encore par les mérites de sa vie. C'est bien jeune, dans les premières années, que j'ai gémi sur toi qui m'as été si tôt enlevée, et voici que, veuf depuis 36 ans, je te pleure encore. Je ne pouis cicatriser ni endormir ma douleur: elle se ravive toujours comme si elle était nouvelle. D'autres reçoivent du temps un soulagement à leurs peines : ma blessure, elle, s'aggrave chaque jour."

 

De l'avis général, les Celtes étaient un peuple remarquablement doué sous le rapport de l'intelligence : 'Ils ont l'esprit pénétrant et non sans aptitude pour le savoir', remarqua Diodore de Sicile; et nous avons déjà vu comment leur ingéniosité forçait l'admiration de César.

Les Gaulois étaient très hospitaliers. ... Par contre, aucun de leurs récits ne permet de soupçonner que cette gaieté ait eu quelques rapport avec ce que nous appelons de nos jours des 'gauloiseries'. Cette réputation et l'emploi du terme dans ce sens sont totalement modernes et ne remontent pas au-delà du XIXe siècle; on les voit apparaître chez les auteurs de romans-feuilletons sans la moindre base dans la réalité.

 

"Les Gaulois avaient une conception de la nation qui mêlait droit du sang et droit du sol : on devenait gaulois en s'installant en Gaule, ce qu'avaient fait les Belges". [36]

Les Celtes s'excitent facilement à tout propos. Ils sont épris d'équité et Strabon, l'un des écrivains qui les connaissait le mieux, insiste sur la facilité avec laquelle ils s'associent pour venger une injustice. On trouve déjà chez eux cette sorte d'idéalisme qui fait que le peuple français est toujours prêt à partir en guerre pour l'Espagne ou pour la Pologne opprimées.

 

"Une âme généreuse." Chevaleresques, les Gaulois punissent le meurtre d'un étranger plus sévérement que celui d'un concitoyen; honnêtes, ils laissent ouvertes les portes de leurs demeures; mais très économes, écrit Strabon, - Diodore de Sicile dit "extrêmement avares." (F. Funck-Brentano, Les Origines, ibid., p. 53.)

Ce qu'ils aiment, ils l'aiment avec passion; ils sont enclins aux coups de têtes, aux accès de colère. Ainsi reproche-t-on aux Irlandais de nos jours d'avoir la tête près du bonnet. Chez eux les disputes s'élèvent fréquemment. Les bons repas auxquels ils se plaisent se terminent souvent en rixes et les querelles dégénèrent en combats. Le drame de Vercingétorix, c'est qu'il eut à lutter tout autant contre cet incurable défaut de ses compagnons d'armes que contre César et ses légions. ... Il avait réussi, pour la première fois, à obtenir que tous les peuples de Gaule fissent front commun devant l'envahisseur. La patience, la maîtrise de soi, étaient certainement, avec le sens de la cohésion, les qualités qui manquaient le plus aux Gaulois.

Les Gaulois étaient bons, d'abord simple et franc. La franchise celte était même dans l'Antiquitié une sorte de lieu commun comme on parlait de la mauvaise foi carthaginoise.


Ils étaient vantards et bavards; en toutes choses ils se montraient bruyants et exubérants; que ce soit dans la bataille, à table ou dans les assemblées, les chants et les cris se succédaient. ... Ils aimaient à parler d'eux-mêmes, de leurs exploits, et prenaient volontiers un ton farouche ou superbe. 'Dans leurs discours, dit Diodore de Sicile, la parole est brève, énigmatique, procédant par allusions et sous-entendus, souvent hyperboliques quand il s'agit de se grandir eux-mêmes et de rabaisser les autres. Ils ont le ton menaçant, hautain, tragique'. ... La place que tient chez eux la poésie, la rapidité avec laquelle se transmettent oralement les nouvelles, et surtout leur système d'éducation uniquement par voie orale, tout atteste l'importance de la parole chez les Gaulois.

 

L'éloquence des Gaulois. "Les Gaulois, dit Caton, ont deux passions : se battre et parler" (F. Funck-Brentano, Les Origines, ibid., p. 53.)

 

Les Gaulois en arrivent "à fournir aux Romains leurs meilleurs discoureurs : Domitius Afer, le maître de Quintilien, qui place son éloquence au-dessus de toute autre, était de Nîmes; Montanus était de Narbonnes, Julius Africanus, origainaire de Saintes.

 

... Tacite met sur les lèvres du représentant de leur éloquence en son dialogue des Orateurs: 'Vous cherchez la perfection et vous croyez qu'elle est signe de santé... Allons donc ! s'écrie le Gaulois de Tacite. Le véritable orateur vaut par la force, la gaîté, la vivacité, le luxe des mots et la variété des mouvements. N'être qu'en bonne santé littéraire est déjà signe de faiblesse: l'avocat n'est pas un gens-de-lettres, c'est un combattant.' 

 

Comme elles formaient des orateurs, les écoles gallo-romaines en arrivèrent à former des poètes, mais ceux-ci ne brilleront de leur plus vif éclat qu'au IVe siècle, avec Ausone et, au siècle suivant encore, avec Sidoine Apollinaire. Et par un paradoxe plein d'ironie, ce sera cette terre martyrisée par le divin Jules, au nom de Rome, qui donnera à Rome les derniers chants latins qui aient célébré sa gloire...

 

Mais ici encore le vice irrémédiable qui anémie cette littérature est le manque d'originalité." (F. Funck-Brentato, Les Origines, ibid., p. 153-154.)
 

Les Gaulois aiment la parure; ils prennent un soin extrême de leur corps et nous avons vu qu'ils sont soucieux de propreté au point d'avoir inventé le savon. Ils ont les cheveux teints, des bracelets d'or au cou, et des vêtements de couleur. ... Virgile dépeint le Celte 'la chevelure dorée, vêtu d'une tunique d'or, recouvert d'un manteau aux raies de mille couleurs, un collier d'or entourant son cou d'une blancheur de lait'. Le grand nombre de bijoux retrouvés dans les tombes, le soin avec lequel ils aimaient sertir le corail ou l'émail dans le cuivre, attestent ce goût de l'ornement qui demeurera tout à fait caractéristique de notre peuple, jusqu'à la fin du Moyen Âge et plus tard encore."

 

C'est Rome qui a ajouté au concept de "nation" le sens moderne d'une "volonté de vivre en commun et un gouvernement partagé"

 

Dans le sens premier de "nation", il est indéniable que les Gaulois soulevés à l'instigation de Vercingétorix avaient ensemble la conscience d'une unité ethnique, sociale, historique, culturelle et religieuse à défendre face au danger romain : la nation fédérée et décentralisée en quelque sorte préexistait à l'administration, à la frontière, au gouvernement "partagé" et à la "volonté de vivre ensemble", qui sont des concepts modernes.

 

Inversement, la romanisation constitue un retour en arrière et une régression terrible pour l'ascension de la jeune nation gauloise. Rome a aiguisé la concurrence entre les tribus, exacerbé leurs spécificités, les dotant de différences ethniques artificielles, joué des divisions pour régner...

 

Il fallut des siècles à la jeune civilisation gauloise pour se reconstituer.

 

Frantz Funck-Brentano l'explique très bien dans son ouvrage Les Origines. Il fallut "plus de dix siècles, et des malheurs inouïs, des catastrophes effroyables, une anarchie affreuse et des efforts sublimes", "tout un millénaire", pour que "la sève printanière d'un grand peuple" "remonte lentement, obstinément à l'air libre, au soleil, au vent, à la pluie qui font vivre, et y développer ses frondaisons",... une époque qu'il situe "au XIIe siècle." (p. ibid., 75; 114, 147). "La nation gauloise a gardé en elles, intactes, ses forces vives, et ses coutumes, et, du jour où elle pourra se mouvoir en liberté, elle déroulera, avec la magnificence que l'on sait, l'incomparable histoire de France." (ibid., p. 75)

 

"Selon la remarque de Camille Jullian, il faut descendre jusqu'aux plus beaux temps du Moyen Âge français, jusqu'aux XIIe-XIIIe siècles, pour retrouver une fièvre de bâtisse comparable à celle dont semblent avoir été dévorés aux II-IIIe siècles les Gallo-Romains" (ibid.p, 147.)

 

Pour étayer sa thèse selon laquelle il n'y a pas de "nation" gauloise, K. F. WERNER cherche la solution dans l'élément "patriotique". Pour les Gaulois, "la patrie", "c'est la tribu, devenue cité. D'une grande patrie de tous les Celtes, nul ne parle alors, pas même pendant les combats contre César".

 

K. F. WERNER ne confondrait-il pas "patrie" et "nation" ? La patrie suppose l'existence de frontières que ne possédaient pas les Celtes à cette époque pré-romaine, en effet. Cependant, si la patrie ne peut pas ne pas avoir de frontières, la nation si. 

 

A cette époque d'ailleurs, peu de nations avaient leur état constitué, avec des frontières bien délimitées, une cohérence politique établie. Pourtant est-ce à dire qu'elles n'existaient pas et ne jouaient aucun rôle dans la géopolitique de cette époque ? Est-ce à dire qu'hormis Rome, c'était le désert ? Camille Jullian fait observer que la conception d'une unité nationale n'apparaît chez aucun peuple de l'Antiquité. Une nation préexiste à l'entité politique et à la délimitation de frontières. C'est l'historiographie maçonnique ou maçonnisante qui prétend qu'en France, la nation est une construction de l'Etat et nie que la nation a préexisté à l'état. Cela lui permet de prétendre que la nation est née en 1789 avec la république, tout en affirmant que cette nation plonge ces racines en Gaule. (Bonjour la contradiction!)

 

Un exemple bien connu est la nation juive qui appela de ses voeux pendant deux mille ans la (re)création d'un état juif, cet état juif qui avait été définitivement anéanti par les Romains de l'empereur Hadrien, en 135 ap. J.-C. [37] Les Israélites durent attendre 1948 pour voir leur état de nouveau exister, avec des frontières physiques. Qui s'aventurera à leur dire qu'avant 1948, leur "nation" n'existait pas ? Pas grand monde...

 

Pourtant, deux poids deux mesures s'agissant de la France et des Français. Les républicains aujourd'hui nous expliquent de long en large, le plus sérieusement du monde, que la nation française aujourd'hui n'existe pas (ou plus !) Un journaliste représentant parfaitement cette mentalité, Yann Moix, dans l'émission de Ruquier "On n'est pas couché", prétend que le peuple français n'existe pas, que ce "peuple" est introuvable... Sa collègue, la journaliste d'I-télé, Léa Salamé, pour enfoncer le clou, demande au philosophe Michel Onfray ce qu'est un "français" ! Il faudra leur dire de lire nos auteurs dans cet article !

 

La monarchie gauloise

Au berceau de la royauté française, comme du temps de nos ancêtres les Gaulois,

le Roi franc était à l'origine élevé sur le Pavois.

Jean Favier, Charlemagne, Texto, Le Goût de l'histoire, lonrai 2013, p. 36-37.

Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France

Le roi sous la "Gaule" pré-romaine

C'était du souvenir de l'unité primitive que s'inspiraient les traditions ou les légendes indigènes. - Elles racontaient que la Celtique avait formé autrefois un seul royaume, et n'ayant qu'un souverain. Ce roi lui était donné par les hommes du Centre, les Bituriges: le chef qui commandait tous les Celtes siégeait au milieu même du pays. On conserva longtemps la mémoire d'un de ces rois, Ambigat.

Camille JULLIAN, La Gaule avant César, Editions du Trident, Paris 2012, p. 69.

« La royauté, souvent mentionnée par les auteurs antiques, reste méconnue (informations peu nombreuses, disparates et tardives). Les sources les plus anciennes ne sont pas antérieures au IIe s. (Polybe) et concernent en premier lieu la Cisalpine et la Galatie en Asie mineure. Polybe parle de hégoumenoi (II, 21, 4) pour désigner les chefs, de proestôtes (chefs), de basileis (rois). Tite-Live, un siècle plus tard, désigne les chefs par les vocables regulus (roitelet) (XXI, 29,6; XXIV, 42,8; XXV, 22,3/5; XXXIII, 36) et nobilis (imperatores nobiles, XXXI, 21,17).
 

La royauté, en recul dans la dernière période, reste mal connue. Le premier roi mentionné, Ambigat, renvoie à un passé mythique où un individu exerçait une souveraineté suprême sur l'ensemble de la Celtique (Tite-Live, V, 34).
 

La royauté celtique comportait différents degrés, comme en Irlande où il y avait toute une hiérarchie de rois échelonnés depuis celui de la tuath jusqu'au roi suprême de l'Irlande (Hubert 1932b, 232). [...] Chef militaire, le roi avait la faculté de convoquer l'assemblée et le conseil armé, prélude à toute opération belliqueuse. » (L'Europe celtique à l'Âge du fer (VIIIe-Ier siècles), sous la dir. De Olivier BUCHSENSCHUTZ, ibid., p. 281-282; 284; 291)

 

"Rien, dans ces sociétés d'autrefois, ne ressemblait à des sujets tremblant sous un maître, à un tyran gouvernant à sa guise. Le despotisme y était inconnu. Au-dessus du père de famille était le devoir familial ; au-dessus du roi de tribu était l'Esprit de la tribu. Les êtres passaient, familles et tribus restaient. Idée ou principe s'imposaient aux volontés individuelles. Ce qui commande véritablement à ces hommes, ce n'est pas un chef, c'est la loi, qui est la même pour tous, aussi bien pour le chef que pour les autres. Un souffle de liberté et d'égalité anime ces hommes. Rappelons-nous la manière indépendante dont les grecs d'Homère parlent à leur rois : c'est un dernier écho de la tradition primitive des Indos-Européens." (Camille Jullian, De la Gaule à la France, Nos Origines historiques, Librairie Hachette, Paris 1922, p. 91-92)

 

Frantz Funck-Brentano évoque la figure du roi myhtique Ambigat, "monarque patriarcal", "roi des Bituriges", "qui paraissent avoir été le peuple dominant". "On l'a nommé le Charlemagne des Celtes." Aux Bituriges serait due l'invention de l'étamage. (Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 57)

 

"Les poètes gaulois racontaient que les deux conquérants de l'Europe avait été Bellovèse et Ségovèse, neveux du roi Ambigat (Ve siècle av. J.-C.) : ils s'étaient mis en route, l'un pour franchir les Alpes, l'autre pour traverser le Rhin, mais le roi Ambigat était resté en sa résidence du Berry pour gouverner les Celtes. [...] Ces courses triomphales n'étaient point inutiles au maintien de l'entente celtique. Elles contribuaient à former un esprit national. L'écho des victoires du Danube ou du Tibre revenait en Gaule, mêlé de rumeurs de miracles.

 

On racontait les hauts faits d'un Brennos, vainqueur de Rome (390 av. J.-C. Ndlr.) d'un autre Brennos, adversaire de l'Apollon de Grèce (279 av. J.-C.). Des hymnes et des poèmes naissaient sous les pas des conquérants; et c'était un ferment de plus pour accroître la cohésion du nom gaulois et soulever l'orgueil de ceux qui le portaient.

 

"La légitimité des princes était avant tout généalogique." (Jean-Louis BRUNAUX, Les Religions gauloises (Ve- Ier siècles av. J.-C.), Biblis Cnrs Editions, Paris 2016, p. 62.)

Brennus (IVe siècle av. J.-C.) Buste de Brennos provenant de la figure de proue du cuirassé Brennus, Musée national de la Marine.

Brennus (IVe siècle av. J.-C.) Buste de Brennos provenant de la figure de proue du cuirassé Brennus, Musée national de la Marine.

Brennus marcha sur Rome. L'affrontement entre les deux armées ennemies a lieu le 18 juillet -390 sur la rive gauche du Tibre, à l'endroit où se jette un modeste affluent, le ruisseau appelé Allia, (peut-être le Fosso Maestro, près de Marcigliana), qui donna son nom à la bataille (Bataille de l'Allia). L'armée romaine fut terrassée par l'armée gauloise, plus expérimentée et avide de vengeance. La défaite est si grave, que le 18 juillet (le Dies Alliensis) fut dès lors considéré comme un jour néfaste dans le calendrier romain. En proie à la famine, les assiégés finissent par négocier leur reddition contre rançon. La tradition rapporte que celle-ci est de 1000 livres d'or. Lors de la pesée de la rançon, les historiens rapporteront également que les Gaulois utilisent à cette occasion des poids truqués. Aux protestations romaines, Brennos répondra de manière éloquente en ajoutant son épée aux poids incriminés, se justifiant du droit des vainqueurs par la phrase « Vae Victis » (« Malheur aux vaincus »).

 

La prise même de Delphes sera, comme celle de Rome, sans lendemain; les Gaulois se retirent comme il s'étaient retirés après le sac de la Ville. Mais, par la suite, certains d'entre eux s'établiront au nord de la Macédoine, où ils fonderont la ville de Singidunum (ajourd'hui Belgrade); d'autres fondent en Thrace u nroyaume gaulois qui durera une centaine d'années; d'autres enfin s'établiront en Asie mineure (Turquie actuelle), aux confins de la Phrygie, et y organiseront le plus durable des établissements celtiques: l'Empire des galates dans lequel vont se perpétuer les peuples qui avaient pris part à l'expédition de Brennus: Tectosages, Trocmes et Tolitsoboï, qui chaque année envoient leurs délégués à une assemblée commune et possèdent un sanctuaire au nom bien celtique de Dunemeton. Ces Galates seront au début de l'ère chrétienne évangélisées par Saint Paul, et encore au IVe siècle à l'époque de Saint Jérôme, qui déclare que les Galates d'Asie Mineure emploient le même dialecte que les gaulois de la région de Trèves. Le parler celtique s'était conservé chez ce médecin qui fut le père du poète Ausone. [38]

  Bituitos - Roi des Arvernes au IIème siècle avant J.-C. Fils du roi Luernos, il fut vaincu par les Romains en 121 avant J.-C., mettant fin à la domination des Arvernes sur les peuples de la Gaule. Athénée dans le Banquet des sophistes parle d'un poète qui avait reçu du roi Bituit une bourse pleine d'or et avait alors improvisé un poème célébrant le souverain et sa générosité.  Strabon, Géographie, IV, 3: "Bituit, qui guerroya contre Maximus et Domitius, avait pour père, ce Luérius [Luernos] dont les richesses et le faste étaient si extraordinaires que, pour faire montre à ses amis de son opulence, il se promenait sur un char dans la campagne, en semant çà et là de la monnaie d'or et d'argent, que ramassaient les gens de sa suite."  Camille Jullian résume ainsi l'impression produite sur les Grecs par le royaume arverne: "Le charme des vers, l'ivresse des repas, le foisonnement de l'or, les tumultes des grandes assemblées et par-dessus tout l'apothéose d'un héros vivant, voilà ce qu'étalait aux yeux des étrangers la royauté de Luern et de Bituit, et pour tout cela, cette monarchie arverne fut l'expression la plus complète de la vie et de l'humeur gauloises."  Appien, Histoire Romaine, IV, 12 : "Sur le refus des Allobroges, ils envoyèrent une expédition commandée par Cneius Domitius. Au moment où le général quittait le territoire des Salyens, un ambassadeur de Bituit, roi des Allobroges [en réalité, des Arvernes], en somptueux équipage, vint au devant de lui : il était escorté de gardes richement vêtus et de chiens. Les barbares en ces contrées ont aussi une garde de chiens. Un poète suivait, qui dans une poésie barbare chantait le roi Bituit, puis les Allobroges, puis l'ambassadeur lui-même, leur naissance, leur courage et leurs richesses ; c'est même pour cela surtout que parmi les ambassadeurs ceux qui sont illustres emmènent avec eux des gens de cette sorte. Celui-ci demanda grâce pour les chefs des Salyens, mais sans rien obtenir."  Il ne s'agit pas d'un simple topos littéraire : certains deniers romains frappés en commémoration de leur victoire figurent Bituit en compagnie d'un chien. A rapprocher, peut-être, du nombre particulièrement élevé de crânes de chiens et de restes de canidés sur le sanctuaire de Corent, contemporain des règnes de Luern et de Bituit, qui a conservé la trace de leurs fastueux festins dont Posidonios se fait l'écho.  Florus, Histoire Romaine, III, 3: "On remarqua tout particulièrement dans le cortège triomphal leur roi Bituitus avec ses armes de diverses couleurs et son char d'argent, comme au jour du combat."  Tite Live, Periochae, 61: "Le consul Q. Fabius Maximus, petit-fils de Paul Émile, remporte une victoire sur les Allobroges et sur Bituitus, roi des Arvernes. Cent vingt mille hommes de l'armée de Bituitus furent taillés en pièces. Lui-même, étant parti pour Rome afin de satisfaire aux ordres du sénat, fut retenu et mis en surveillance à Albe, parce que son retour en Gaule paraissait dangereux. On ordonne aussi par un décret de saisir son fils Congennetiacus, et de l'envoyer à Rome."Source : http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/bituitos-bituit-2150.htm

Bituitos - Roi des Arvernes au IIème siècle avant J.-C. Fils du roi Luernos, il fut vaincu par les Romains en 121 avant J.-C., mettant fin à la domination des Arvernes sur les peuples de la Gaule. Athénée dans le Banquet des sophistes parle d'un poète qui avait reçu du roi Bituit une bourse pleine d'or et avait alors improvisé un poème célébrant le souverain et sa générosité. Strabon, Géographie, IV, 3: "Bituit, qui guerroya contre Maximus et Domitius, avait pour père, ce Luérius [Luernos] dont les richesses et le faste étaient si extraordinaires que, pour faire montre à ses amis de son opulence, il se promenait sur un char dans la campagne, en semant çà et là de la monnaie d'or et d'argent, que ramassaient les gens de sa suite." Camille Jullian résume ainsi l'impression produite sur les Grecs par le royaume arverne: "Le charme des vers, l'ivresse des repas, le foisonnement de l'or, les tumultes des grandes assemblées et par-dessus tout l'apothéose d'un héros vivant, voilà ce qu'étalait aux yeux des étrangers la royauté de Luern et de Bituit, et pour tout cela, cette monarchie arverne fut l'expression la plus complète de la vie et de l'humeur gauloises." Appien, Histoire Romaine, IV, 12 : "Sur le refus des Allobroges, ils envoyèrent une expédition commandée par Cneius Domitius. Au moment où le général quittait le territoire des Salyens, un ambassadeur de Bituit, roi des Allobroges [en réalité, des Arvernes], en somptueux équipage, vint au devant de lui : il était escorté de gardes richement vêtus et de chiens. Les barbares en ces contrées ont aussi une garde de chiens. Un poète suivait, qui dans une poésie barbare chantait le roi Bituit, puis les Allobroges, puis l'ambassadeur lui-même, leur naissance, leur courage et leurs richesses ; c'est même pour cela surtout que parmi les ambassadeurs ceux qui sont illustres emmènent avec eux des gens de cette sorte. Celui-ci demanda grâce pour les chefs des Salyens, mais sans rien obtenir." Il ne s'agit pas d'un simple topos littéraire : certains deniers romains frappés en commémoration de leur victoire figurent Bituit en compagnie d'un chien. A rapprocher, peut-être, du nombre particulièrement élevé de crânes de chiens et de restes de canidés sur le sanctuaire de Corent, contemporain des règnes de Luern et de Bituit, qui a conservé la trace de leurs fastueux festins dont Posidonios se fait l'écho. Florus, Histoire Romaine, III, 3: "On remarqua tout particulièrement dans le cortège triomphal leur roi Bituitus avec ses armes de diverses couleurs et son char d'argent, comme au jour du combat." Tite Live, Periochae, 61: "Le consul Q. Fabius Maximus, petit-fils de Paul Émile, remporte une victoire sur les Allobroges et sur Bituitus, roi des Arvernes. Cent vingt mille hommes de l'armée de Bituitus furent taillés en pièces. Lui-même, étant parti pour Rome afin de satisfaire aux ordres du sénat, fut retenu et mis en surveillance à Albe, parce que son retour en Gaule paraissait dangereux. On ordonne aussi par un décret de saisir son fils Congennetiacus, et de l'envoyer à Rome."Source : http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/bituitos-bituit-2150.htm

Du jour où il y eut un roi de guerre, conducteur de Celtes, les chefs des différentes tribus aspirèrent à ce titre, à être 'le roi des rois', et plus d'une fois on se combattit à qui le posséderait. Acquérir 'le principat de toute la Gaule' devint le rêve suprême de quiconque se sentit le désir de commander à des hommes. Mais, par cela seul qu'elle existait, cette ambition d'une royauté unique entretenait la suprématie de l'honneur convoité. Il appartint longtemps au chef des tribus du Berry, au roi des Bituriges, et nous venons de voir le fameux Ambigat, le Charlemagne celtique, vieillard puissant et sage, mais qui, à la différence de Charlemagne guerroyant aux côtés de son neveu Roland, demeure majestueux et immobile en son Palais, se bornant à donner à ses neveux le mot d'ordre pour conquérir le monde. Celui-là, évidemment, la légende l'a obscurci de ses nuages. Mais il est impossible de ne pas y reconnaître un grand fond de vérité, tout ainsi que la légende de Charlemagne n'empêche pas de croire à son existence et à son Empire", écrit Camille Jullian.

 

Le Sénat de Rome n'aimait point les grandes royautés: il y avait, entre elles et lui, incompatibilité d'ambitions. Les principaux obstacles à sa domination universelle lui vinrent des rois, Pyrrhus, Philippe, Antiochus, Persée, et en ce moment même Mithridate. Les aristocraties étaient moins dangereuses pour le Sénat : aucune n'avait des velléités conquérantes excessives. Ce fut sur elles que les chefs de Rome s'appuyèrent, aussi bien chez les peuplades gauloises qu'à Athènes ou à Capoue. ... Le régime aristocratique, çà et là, se substituait à la monarchie. (Camille Jullian, Vercingétorix, Editions mise à jour et préfacée par Paul-Marie Duval, Marabout Université, 1979, p. 43)

 

"Nous connaissons par l'histoire quelques-uns des rois de la Gaule qui régnèrent après lui (Ambigat), Luern et Bituit, dont l'autorité, dit-on, s'étendit au-dessus des Belges et des Celtes, jusqu'aux Pyrénées et jusqu'au Rhin. Ceux-ci étaient l'un le père, l'autre le fils: ce qui permit de supposer que les gaulois acceptèrent un instant une royauté héréditaire. Tous deux étaient des Arvernes, rois des Puys et de la Limagne en même temps que dictateurs militaires de la Gaule.[...] Luern et Bituit sont, je le répète, des figures d'histoire. Des voyageurs grecs ou italiens les ont vus, ont été reçus à leur cour. Ils nous ont montré Luerne paradant à travers les routes en un cortège de fête, debout sur un char plaqué d'argent, lançant des pièces d'or, et près de lui un poète chantant sa gloire, pareille à celle d'un laboureur divin qui fait lever la richesse sous le soc de sa charrue. Et ils nous ont aussi montré Bituit, marchant contre les Romains à la tête de cent cinquante mille hommes et de ses meutes de chiens de guerre. Si folle et si vaniteuse qu'elle ait pu être, je ne trouve pas que cette royauté d ela gaule soit moins grandiose que celle d'un Cyrus ou d'un Alexandre. [...] Luern et Bituit, ... sont moins les maîtres d'un Empire que les symboles vivants et directeurs d'une unité nationale. Leur pouvoir ne sort pas des frontières de la Gaule, et ils l'exercent du centre même de cette Gaule, à l'ombre de ses plus hautes montagnes et sous l'appui de ses plus grands dieux." (Camille Jullian, De la Gaule à la France, Nos Origines historiques, Librairie Hachette, Paris 1922, p. 130)

 

Au IIe siècle av. J.-C., c'était donc au tour des Arvernes de prétendre à l'hégémonie de la Gaule. Mais les Eduens, pour faire pièce aux Arvernes, se rapprochèrent des Romains. Les Eduens avait, comme les Romains, un gouvernement aristocratique sous forme républicaine ; tandis que chez les Arvernes, sous la direction de leur roi, le célèbre Bituit, prédominait l'élément populaire, le 'commun', comme dira le Moyen Âge.

 

Les Allobroges, alliés des Arvernes, accueillirent avec honneur les Salyens (Provençaux) fugitifs qui avaient été vaincus par les Romains dans une première campagne en 125 av. J.-C. par le consul Caius Sextius, vendit la plus grande partie de la population à l'encan, et fonda sur le territoire une colonie, 'les eaux de Sextius', Aquae Sextiae, Aix.

 

Comme les Eduens se déclaraient pour Rome, Bituit, alliés des Allobroges, ravagea leur territoire. En 122 av. J.-C., le consul Cnéius Domitius Ahénobarbus se mit en route avec une armée puissante où se trouvaient des éléphants. Il s'agissait d'épouvanter les Gaulois qui n'en avaient jamais vu. L'entrevue entre l'ambassadeur de Bituit et l'Ahénobarbus est demeurée céléèbre. Bituit fit les offres les pls conciliantes, mais l'Ahénobarbus ne voulut rien entendre. La bataille s'engagea au confluent de l'Isère et du Rhône. La tactique des Romains, la supériorité de leurs armement et leurs gros éléphants remportèrent la victoire (121 av. J.-C.) ; encore les historiens latins, 120 000 Gaulois auraient péri contre 15 (sic) Romains. Le noble chef arverne fut traîné à Rome et promené comme un bœuf gras dans le cortège triomphal. La plèbe romaine poussait des cris d'enthousiasme à la vue du prince gaulois en son armure resplendissante. Pour se donner la crertitude que la tentative de Bituit ne serait pas reprise, le sénat de Rome se fit livrer son fils Congentiat, par l'aristocratie arverne, et se crut désormais tranquille de ce côté.

 

Rome vainquit Bituit, ... et après cette défaite, elle coupa la Gaule en deux : comme territoire en annexant les terres du midi, Provence, Languedoc et Dauphiné; comme nation, en supprimant l'hégémonie arverne et en soutenant, à l'aide de son alliance, les prétentions des Eduens.

 

[…] Un demi siècle plus tard, Celtill, chez les mêmes Arvernes, tenta à nouveau l'aventure. Il rétablit momentanément la suprématie de son peuple sur les peuples voisins. Le succès durable de son entreprise aurait pu amener l'unité de la Gaule et, par l'union, l'indépendance : Celtill fut renversé par la faction rivale, par les chefs des familles patriciennes. […] Il périt sur le bûcher ; mais sur les traces laissées par l'oeuvre du père marchera le fils, l'un des plus grands parmi les hommes : Vercingétorix. (Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 78-83)

 

La guerre civile éclata entre les deux partis gaulois. Ils rivalisèrent de maladresse et de crédulité. Les uns se confièrent en des mercenaires germains, dont le chef, Arioviste, finit par réclamer la Gaule pour lui-même. Les autres se confièrent en un proconsul de Romes, Jules César, qui ne procéda pas autrement que bandit d'Outre-Rhin, mais qui, plus fort que lui, sut prendre la Gaule et la garder.

 

En vain l'héritier des chefs arvernes, Vercingétorix, réussit-il à soulever un instant toutes les cités contre Jules César. Il le vanquit devant Gergovie, la ville royale de ses aïeux. Mais il fut vaincu par le Romain devant Alésia, la cité sainte des Celtes. Alors, tout fut fini pour la Gaule."
 

"On a compté en Gaule quatre à cinq cents tribus, lesquelles se sont groupées en soixante-douze peuplades ou nations, d'après le calcul de César, laissant de côté la Narbonnaise. Ce fut donc une moyenne de quatre ou cinq, jusqu'à dix tribus, dont le groupement forma une peuplade.

 

Réunies en peuplades, les tribus n'en conservaient pas moins une certaines indépendance; chacune d'elles gardait son caractère propre, ses traditions, une vie commune sous la direction d'un chef particulier : tel pourra apparaître Ambiorix, au temps des guerres pour l'indépendance (Ier siècle av. J.-C.), chef de l'une des tribus qui composaient la peuplade des Eburons.

 
Ambiorix, roi des Eburons, peuple gaulois du nord de la Gaule qui infligea une cinglante défaite aux légions romaines en 54 av. J.-C.

Ambiorix, roi des Eburons, peuple gaulois du nord de la Gaule qui infligea une cinglante défaite aux légions romaines en 54 av. J.-C.

Et ces chefs de tribus conservaient leur pouvoir dans le cadre plus étendu de la peuplade ou nation : magistrats locaux avec droits de police. La réunion en formait une assemblée délibérante, un conseil, où l'on discutait des intérêts communs et prenait les décisions utiles à la peuplade ou nation. Cette assemblée sera appelée par les Romains le sénat de la cité. Les sénats des cités gauloises sont composés des chefs de clans ou grandes familles, chef des 'gestes' qui formaient la tribu; la réunion de plusieurs tribus, le plus souvent au nombre de quatre ou de cinq formant la cité. En temps de guerre, chacun de ces sénateurs, de ces chefs de clan ou de geste, marchera à la tête des siens - tel encore le baron féodal au XIe siècle. Au cours des luttes pour l'indépendance, on verra les six cents sénateurs Nerviens mourir les armes à la main, chacun d'eux au milieu des siens : au dire de César, il n'en survécut que trois. C'est le tableau que nous offrira, vers le XIe siècle, la chanson de Guillaume d'Orange.

 

A la tête de ces peuplades ou nations, constituées chacune par la réunion de plusieurs tribus, elles-mêmes composées de la réunion de plusieurs familles, se trouve placé, dans l'origine tout au moins, un chef commun, un prince, un roi, de caractère familial, patriarcal, et de caractère religieux.

 

La monarchie unique disparut généralement en Gaule sur la fin du IIe siècle av. J.-C. Les familles s'étant progressivement hiérarchisées par les liens de la clientèle, les chefs des familles principales constituèrent une aristocratie qui se débarrassa de la royauté.

 

Toutefois, plusieurs des nations gauloises, après s'être dépouillées de leur constitution monarchique n'en remirent pas moins leur gouvernement entre les mains d'un magistrat suprême, mais un magistrat élu, pour une année ou deux ans, nommé le vergobret. Le vergobret disposait de l'autorité royale; mais il ne pouvait pas, en matière de politique extérieure, ou quand il s'agissait d'une déclaration de guerre, se passer du conseil de la nation, du sénat.

 

Le vergobret était magistrat suprême, avec droit de vie et de mort. Il était le chef des armées, mais à la manière de notre Président de la république : il ne paraissait pas aux armées en guerre, laissant aux généraux le soin de les diriger.

 

L'on vit renaître en Gaule l'autorité royale, mais avec un caractère tout différent de celui de la monarchie patriarcale et religieuse du premier âge; elle prit les caractères de la tyrannie; ou bien le peuple renforça l'autorité du vergobret, ce qui revint au même, ou bien il se donna, plus simplement encore, un chef qu'il suivait sans titre déterminé.

 

Comme en Grèce, le gouvernement de l'aristocratie représentait la liberté; le gouvernement populaire incarnait la tyrannie; et ce fut ce dernier gouvernement qui constituera le parti de l'indépendance, le parti national. [39]

 

Comme les Bituriges, les Arvernes se gouvernaient par une royauté élective assistée d'un sénat : magistrature à vie avec autorité souveraine; royauté élective qui, en fait, devenait souvent héréditaire. Le roi des Arvernes, Luern et son fils Bituit, qui, après la mort de son père, fut roi également, ont laissé dans l'histoire une courte page mais un vif éclat. Ils vécurent au IIe siècle. Leur autorité s'étendit sur la Gaule presque tout entière. Ils auraient commandé aux Belges eux-mêmes. [40]

 

Rien, dans ces sociétés d'autrefois, ne ressemblait à des sujets tremblant sous un maître, à un tyran gouvernant à sa guise. Le despotisme y était inconnu. Au-dessus du père de famille était le devoir familial; au-dessus du roi de tribu était l'Esprit de la tribu. Les êtres passaient, familles et tribus restaient. Idée ou principe s'imposaient aux volontés individuelles. Ce qui commande véritablement à des hommes, ce n'est pas un chef, c'est la loi, qui est la même pour tous, aussi bien pour le chef que pour les autres. Un souffle de liberté et d'égalité agite ces hommes", écrit Camille Jullian dans De la Gaule à la France, Nos origines historiques. [41]

 

Milieu du Ier siècle, il y avait par exemple :

 

Adiatuanos, roi des Sotiates

 

Commios, roi des Atrébates et des Morins

 

Dumnorix, prince éduen, frère du druide Diviciacos

 

Epanactos, prince arverne

 

Litaviccos, prince éduen

 

Luctérios, lieutenant cadurque de Vercingétorixqui qui sera le dernier à résister avec le sénon Drappès en 51

 

Sédullos, vergobret des Lémovices

 

Tasgetios, roi des Carnutes

 

et biensûr Vercingétorix, fils de Celtill, le roi des Arvernes, que la faction patricienne (le parti pro-romain), avait fait brûler sur un bûcher pour sa prétention à la royauté. Son fils, né entre 82 et 74 av. J.-C., avait grandi portant au coeur le désir de la vengeance." Il est possible que l'oncle de Vercingétorix, Gobannitio, ait contribué à la sentence : il allait devenir un des gardiens de cette autorité des grands que son frère Celtill avait tenté de renverser.

 

Amédée Thierry, dans L'histoire des Gaulois depuis les temps les plus reculés (1828), explique que "Vercingétorix sut de bonne heure effacer, par des vertus et des qualités brillantes, la défiance et la défaveur imprimées sur sa famille; sa grâce, son courage le rendirent l'idole du peuple. [...] Gergovie, cette fois, ouvrit ses portes; Gobanitio et ses partisans furent chassés."

 

La majorité des tribus gauloises et généralement toutes les cités armoricaines répondirent à l'appel de Vercingétorix. On organisa d'abord un conseil suprême. Le conseil lui remit d'une commune voix le commandement de la guerre.

 

'Vercingétorix' était un nom propre, c'était bien celui du héros : il signifiait en celte 'grand roi des guerriers', et ce nom, qui a retenti et ne cessera de retentir à travers les siècles, resplendissait déjà comme un drapeau, comme une fanfare. 'Il semblait fait, dit l'historien Florus, pour inspirer l'épouvante.' [42]

Une langue gauloise commune, comprise "du Rhin à la Garonne"

 

"César, dans son récit de la guerre, montre des gaulois qui, bien qu'appartenant à des peuples très divers, communiquent parfaitement entre eux.

 

... Le gaulois rassemblait un ensemble de parlers plus ou moins distincts, des dialectes en quelque sorte, mais compréhensibles, avec plus ou moins d'efforts, par toute la population s'étendant du Rhin à la Garonne.

 

Notre langue, et contrairement aux idées reçues, a conservé beaucoup de mots gaulois. Ce sont surtout des termes qui concernent la nature, les animaux, les pratiques agricoles et certains outils. La plupart d'entre eux, à cause de leur usage intensif, ont résisté au latin et ont pris place dans les parlers régionaux où ils peuvent encore figurer. Mais ils ne sont plus mentionnés aujourd'hui dans les dictionnaires.

 

Enfin, la syntaxe du français, bien plus éloignée qu'on le dit habituellement de celle du latin, doit probablement beaucoup à la langue gauloise, moins rigide et formaliste." (Jean-Louis BRUNAUX, La Gaule, une Redécouverte, Histoire Documentation photographique, La Documentation française, mai - juin 2015, p. 62.)

Vercintérorix, Alésia. Au pied de la statue élevée à Vercingétorix sur les hauteurs d'Alise-Sainte-Reine, on a gravé ces paroles de César : "Unie, la Gaule défierait le monde."

Vercintérorix, Alésia. Au pied de la statue élevée à Vercingétorix sur les hauteurs d'Alise-Sainte-Reine, on a gravé ces paroles de César : "Unie, la Gaule défierait le monde."

Vercingétorix. "Son nom avait été cité, dès le XVIe siècle, dans certaines généalogies qui faisaient remonter au Déluge les ancêtres des Rois de France."

Les peuples qui prirent part à la guerre pour l'indépendance

 

Il importe de préciser les peuples qui prirent part à la guerre pour l'indépendance et que nous pouvons nommer la guerre de Vercingétorix : les Arvernes (Auvergne) et les Carnutes (pays de Chartres et d'Orléans), qui en furent les promoteurs.

 

Si Vercingétorix "a réussi à grouper les Celtes sous ses ordres, c'est parce que, depuis quatre générations, ils étaient habitués à voir, dans les chefs de l'Auvergne, les maîtres naturels de la nation gauloise". (Camille JULLIAN) [43]

Statère d’or à la tête de face frappé par les Carnutes. Date : Ier siècle av. J.-C.

Statère d’or à la tête de face frappé par les Carnutes. Date : Ier siècle av. J.-C.

Se joignirent à eux sans retard :

 

. les Parisii (Parisiens). Selon César (53 av. J.-C.), leur ville principale (oppidum) aurait été l'Île de Lutetia. Quelques érudits ont trouvé dans la racine par le sens de 'bateau'. Ainsi les Parisiens auraient été nommés les bateliers. A cette époque, l'Ïle de la Cité était déjà un lieu saint où les dieux gaulois et ceux des Romains plus tard faisaient bon ménage, Esus et ses grues, Cernunos et ses cornes n'effarouchaient pas en leur temple Castor et Pollux, qui leur souriaient du haut de leur constellation. Sur la rive gauche, gravissant la pente du mont de Lutèce (colline Saint Geneviève), c'était une agglomération d'édifices de tous genres, édifices publics, qu'un quartier peuple; réserve faite pour les logis et les ateliers des céramistes qui avaient fait ressembler le sol de la butte à une écumoire. Sur cette rive gauche, le forum parisien qui occupait l'espace compris entre le boulevard du Palais et la rue de la Cité actuesl (en 1925. Ndlr.), le théâtre sur l'emplacement du lycée Saint-Louis et les arènes, où elles sont toujours. L'empereur Julien habitait au Palais de justice dont la transformation fera la demeure de nos vieux rois. Un marché couvrait l'emplacement de la rue Soufflot; enfin un grand bâtiment aux fortes voûtes et dont les restes subsistent au square Cluny, semble avoir été un lieu de réunion où les membres du Collège des nautes ou bateliers patriciens discouraient de leurs intérêts, organisaient leurs fêtes corporatives. Les nautes qui donneront à la ville de Paris son écusson, paraissent remonter à l'époque de l'indépendance.

 

Au IIIe siècle, le nom de Lutèce disparut, du moins du langage officiel et du parler populaire car les lettrés ne l'oublieront jamais. La ville prit le nom du peuple auquel elle avait toujours commandé, Parisii, d'où est venu notre mot Paris. Pareille chose se produisit dans quarante cités. Ainsi Avaricum est devenu Bituriges, Bourges; Augusta est devenue Treveri, Trèves; Bellovaques, Beauvais; Rèmes, Reims; Lémoviques, Limoges; Carnutes, Chartres.

 

On pourrait y ajouter les Senons, Sens. C'est ainsi que la plupart des noms de peuples gaulois ont survécu jusqu'à nos jours. "Où que vous viviez, vous avez plus d'une chance sur deux de vous rattacher à un toponyme gaulois..."

La Celtica, à la fin du Ier siècle av. J.-C., après la conquête romaine, avec la mention des diverses peuplades gauloises

La Celtica, à la fin du Ier siècle av. J.-C., après la conquête romaine, avec la mention des diverses peuplades gauloises

. les Sénons (Sens). "Senon" en celtique signifie "ancien" et vient du mot gaulois senos qui a donné sen en brittonique et hen en breton moderne, avec le même sens. Se nommer "les Anciens" était une façon d'affirmer l'antériorité, une sorte de primature. Leurs voisins les Rèmes s'appelant eux "les Premiers".

 

. les Aulerques (Maine), ensemble de quatre peuples gaulois, dont trois sont voisins, établis entre la rive gauche de la Seine et la Loire.

 

. les Lémovices (Limoges), peuple gaulois provenant d'Europe centrale puis ayant migré dans l'actuelle région française du Limousin auquel ils ont donné leur nom ainsi qu'à la ville de Limoges.

 

. les Turons (Tours)

Bronze au bige frappé par les Turones. Date : 80-50 av. J.-C., Description revers : Bige lancé à droite, un guerrier debout, brandissant une lance de la main droite et tenant un bouclier de gauche, dans le char ; un pentagramme au-dessus de la roue du char ; légende sous la ligne d’exergue. Description avers : Tête de Vénus, diadémée à droite, légende devant le visage ; grènetis

Bronze au bige frappé par les Turones. Date : 80-50 av. J.-C., Description revers : Bige lancé à droite, un guerrier debout, brandissant une lance de la main droite et tenant un bouclier de gauche, dans le char ; un pentagramme au-dessus de la roue du char ; légende sous la ligne d’exergue. Description avers : Tête de Vénus, diadémée à droite, légende devant le visage ; grènetis

. les Andécaves (Angers)

 

. et les populations de la fédération armoricaine, dans les deux presqu'îles et sur la côte, entre l'embouchure de la Seine et de la Loire.

 

. les Pictons (Poitou) adhérèrent au mouvement, mais en partie seulement, la ville principale Limonum (Poitiers) restant attachée au parti des Romains.

 

. au sud de l'Auvergne, les Nitiobroges (Agenais), les Gabales (Gévaudan) et ceux des Rutènes (Rouergue) qui n'avaient pas été englobés dans la province romaine, donnèrent leurs concours, entraînés par les Cadurques (Quercy) qui se montrèrent en ces cantons les agents résolus de l'indépendance nationale.

Drachme “à la tête triangulaire frappé par les Cadurques. Date : IIe siècle av. J.-CDescription avers : Tête triangulaire à gauche ; le nez figuré par un triangle, avec un point cerclé en guise d'œil ; le tout dans un entourage de bâtonnets et arcs de cercles bouletés et liés ; un collier de perles à la base du cou et un fleuron devant le visage

Drachme “à la tête triangulaire frappé par les Cadurques. Date : IIe siècle av. J.-CDescription avers : Tête triangulaire à gauche ; le nez figuré par un triangle, avec un point cerclé en guise d'œil ; le tout dans un entourage de bâtonnets et arcs de cercles bouletés et liés ; un collier de perles à la base du cou et un fleuron devant le visage

La Gaule Belgique avait été décimée, ravagée par la guerre récente; elle était incessamment menacée par la pression germanique sur le Rhin : elle ne put se décider que tardivement et partiellement.

 

Les Bellovaques (Beauvaisis) se prononcèrent contre Rome mais ne voulurent pas suivre Vercingétorix. les Rèmes (Reims) et les Lingons (Langres) se déclarèrent pour les romains. 'Chez ces deux peuples, dit Jullian, la haine de l'indépendance était passée à l'état de vertu.'

 

Les Eduens ne cessèrent de balancer d'un parti à l'autre. Les Santons (Saintonge) se déclarèrent pour les Romains. Les Aquitains (Gascogne) demeurèrent neutres. La Narbonnaise enfin était à César et les Allobroges (Dauphiné) semblaient se résoudre à la suzeraineté romaine.

 

Frantz Funck-Brentano écrit :

 

"Vercingétorix fut donc loin d'avoir avec lui la Gaule entière, à peine en eut-il le tiers; généralement la partie correspondant au Nord-Ouest et au Centre, la Celtique proprement dite. Dans la partie même de la Gaule qui adhéra à la cause de l'indépendance, la faction aristocratique ne cessera de se montrer indifférente, voire hostile au jeune patricien salué par les éléments populaires de l'Auvergne; elle se montrera toujours prêtre à le trahir et le trahira souvent.

 

En dehors des Belges, des Armoricains et des Aquitains, et sans parler de la Narbonnaise, la Gaule s'était en effet divisée en deux grandes fédérations, dont l'une suivait les Arvernes (Auvergne) et l'autre les Eduens (Bourgogne); une division semblable, note Jullian, à celle qui avait partagé la Grèce entre Athènes et Sparte..., une division semblable à celle qui partagera la France des XIVe et XVe siècles entre Armagnacs et Bourguignons...; et dans chaque état la division se fragmentait à nouveau. Les cités qui suivaient la direction des Arvernes fournissaient des partisans aux Eduens et inversement.

 

Inversement à ce qui passa pendant la Guerre de Cent Ans, les Eduens représentaient le parti du patriciat, les meliores, ce que seront les Armagnacs sur la fin du XIVe siècle; les Arvernes le parti populaire, les minores, ce que seront les Bourguignons, le parti populaire avec ses 'tyrans' et ses foules impulsives; mais, contrairement à ce qui se produira dans la lutte contre les Anglais, ce sont les démocrates, dans la lutte contre Rome, qui représenteront le parti national. 

 

"Pas une seule fois Vercingétorix ne parla  ou ne combattit au nom des Arvernes, mais toujours au nom de la Gaule. Cette Gaule était sa vraie patrie et le mot sacré du ralliement de ses hommes. Dans ses heures d'espérance et d'enthousiasme, il eut la vision de la Gaule entière, levée contre l'étranger, ne formant qu'un seul corps, n'ayant qu'une seule volonté, unie et invincible, et, par la vertu de sa concorde, imposant à l'univers le respect de son droit et de sa liberté.

 

"Au pied de la statue élevée à Vercingétorix sur les hauteurs d'Alise-Sainte-Reine, on a gravé ces paroles de César : 'Unie la Gaule défierait le monde.'" [44]

 

Vercingétorix proclame (se) unum consilium totius Galliae effecturum, cujus consensui ne orbis quidem terrarum possit obsistere. (De Bello Gallico, VII, 29). Je suis convaincu que César rapporte des paroles réellement prononcées. (Camille Jullian). [45]

 

"Notre patrie fût née plus tôt si Rome avait laissé la Gaule à ses rois et à la liberté" (Camille Jullian)

 

"La paix romaine nous a valu cinq siècles de veulerie plate, médicore, insignifiante, aux entiments incolores et rétrécis, à l'égoïsme stérile, cinq siècles d'imitation enfantine ou sénile, comme on voudra, d'où rien n'est sorti, d'où rien ne pouvait sortir.

 

... On répète que Rome a sauvé la Gaule des invasions germaniques, écrit Camille Jullian. Ce n'est point vrai. Tant que les proconsuls du Sénat ne se sont point présentés au delà des Alpes pour affaiblir et diviser les peuples, la Gaule d'Ambigat et de Bituit n'eut rien à craindre des Barbares d'Outre-Rhin. C'est Rome, à la fin, qui nous a livrés à eux, par la sottise criminelle de ses discordes, par la puérilité de ses rêves pacifiques, l'impéritie de son service aux frontières. [46]

 

Regardez, écrit Camille Jullian, dans quel état se trouvait le pays après trois siècles de règne latin : les villes détruites par les soldats ou les Germains, les champs en friche, la population réduite de plus de la moitié, partout la misère ou l'anarchie. Jamais la terre de France n'a été plus dévastée et plus malheureuse que sous les empereurs romains. [47]

 

Lors même que Rome était assiégée par Alaric en 410 ap. J.-C., elle était encore pleine de statues païennes, puisqu'on les dépouilla ou fondit pour financer la défense, vaine on le sait. Nulle part on ne vit de personnalité païenne défendre efficacement la société romaine contre les Barbares. Partout cette défense était assurée par les évêques qui seront ainsi les derniers représentants authentiques de la romanitas, de Saint Aignan à Orléans, à Saint Loup à Troyes, à Saint Sidoine Apollinaire en Auvergne, au pape Saint Léon à Rome.

 

Depuis Caracalla (début IIIe siècle) tous les sujets de l'empire sont citoyens romains; la carrière militaire en a perdu son principal avantage. Les empereurs essayèrent d'y remédier en rendant le métier militaire ... héréditaire et d'une hérédité que l'on ne pouvait récuser. Valentinien (365) décide que les fils de soldats seront soldats; mais la contrainte donne les résultats faciles à prévoir : les réfractaires recourent à tous les moyens pour échapper au service. Les recrues désertent. On doit les poursuivre, les traquer dans leurs repaires, rechercher et condamner ceux qui leur donnent asile... De jeunes gens se coupent le pouce de la main droite pour se mettre dans l'impossibilité de tenir une épée. [48]

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3a/Milvbruck.jpg/290px-Milvbruck.jpgEt cependant, à considérer l'ensemble de l'empire romain, dans ce délabrement général..., c'est encore en Gaule que se trouve le plus de vie et de vigueur. Le vieux peuple gaulois, celto-ligure, explique Frantz Funck-Brentano, n'a pas disparu. Il vit toujours, humble et patient, tenace, opiniâtre. Il suffit à animer cette Gaule, sous sa carapace étrangère, d'une vigueur que les autres provinces de l'Empire ne connaissaient plus.

 

La Gaule a ses empereurs à elle (empereurs gaulois qui se considéraient néanmoins comme les authentiques empereurs de tout l'Empire romain. Ndlr.).

 

De cette terre féconde partira Constantin (bataille du Pont Milvius en 312 ap. J.-C., où les légions gauloises et chrétiennes permirent à Constantin de vaincre les légions païennes de Maxence. Ndlr.) pour proclamer le triomphe du Christianisme.

 

Pauvre Gaule mutilée par César et qui donne ses dernières forces au monde romain, foyer ultime de la culture latine. L'Italie et l'Espagne sont muettes, seule la Gaule chante encore en la langue de Virgile et d'Horace. Le mot célèbre appliqué à Rome et à la Grèce "Graecia capta ferum victorem cepit, peut être modifié : "La Gaule écrasée était le soutien de ses dominateurs." [49]

 

La religion du Christ sera la religion des humbles, des faibles, des pauvres. La femme y sera exaltée sous les traits de la Mère de Dieu. Aussi, dès l'arrivée du Christianisme en Gaule, les masses populaires, les masses actives de la nation lui donneront-elles leur sève et l'irrésistible puissance de leur foi.

 

"'Qu'on ne parle plus de génie latin, s'écrie Jullian, qu'on ne fasse pas de la France l'élève de ce génie. Elle vaut mieux.'"

 

... Ne nous y trompons pas : le christianisme, dans la Gaule du IVe siècle, c'est une révolution, beaucoup plus semblable qu'on ne le croirait à la Révolution de 89, écrit F. Funck-Brentano et fondée sur les mêmes principes, Liberté, Egalité, Fraternité. La violence en fut exclue, parce qu'elle ne fut pas conduite par des politiciens ambitieux, avides de pouvoirs et de biens; elle fut toute de foi, d'enthousiasme et de coeur. Loin de se faire par l'ambition, elle se fit par le dévouement, par la renonciation, par le sacrifice : saint Martin de Tours. [50]

 

C'est un étrange spectacle, écrit Camille Jullian, que celui de la Gaule à la fin du IVe siècle. D'un côté les contingents étrangers, qui forment les armées de l'Empire; de l'autre côté la société romaine, toute civile, on peut même dire intellectuelle, qui donne aux hommes d'étude la meilleure partie de la richesse et de l'autorité'; - mais cette autorité passait aux mains des évêques... La masse du peuple, ce qui vit, comme dit Jullian, en dehors de la culture latine, plèbe et paysans, le peuple gaulois, vient de se retrouver sous l'égide du Christianisme.

 

Camille Jullian, encore, le dit en termes parfaits:

 

'Rome après avoir privé la Gaule de son existence nationale, a aboli jusqu'aux oeuvres et au souvenir de son histoire. Elle l'a frappée dans son présent, elle l'a effacée dans son passé, elle l'a retardée dans ses destins naturels.

Mais la nature finit toujours par s'imposer aux hommes et les morts par se rappeler aux vivants.

Rome n'avait pas pu détruire les énergies propres à la Gaule ni celles qu'y avait fondés le travail incessant des générations disparues. Ces énergies vont se montrer et agir à nouveau lorsque l'empire romain s'affaiblira à son tour.'

 

Au IVe siècle, l'évêque a dans ses mains le seul pouvoir vraiment fort en Gaule, parce que ce pouvoir est le seul qui repose sur des assises populaires. Il dirige l'administration de la cité, rend la justice, assure le ravitaillement de la population. [51]

Une autre démonstration convaincra d'un seul coup d'oeil, tout esprit impartial. La comparaison de trois cartes : celle de l'extension territoriale du christianisme aux IIIe et IVe siècles, celle des invasions barbares, et celle de l'Empire romain chrétien d'Orient au VIe siècle. Ces cartes se trouvent aussi bien dans les Grands courants de Pirenne, dans la Méditerranée dirigée par Braudel, dans l'Histoire de l'Eglise par elle-même de Loew et Meslin, dans le Grand Larousse encyclopédique, etc.



On constate immédiatement, par la comparaison de ces cartes, que les invasions barbares ont pénétré l'Empire romain là où il n'était pas christianisé.
Les Francs par les bouches du Rhin; les Alamans, Suèves, Burgondes, Lombards par le Rhin moyen; les Vandales, Ostrogoths, Wisigoths et Alains par le Danube moyen. On constate aussi que les invasions barbares n'ont été bloquées qu'à l'Est, devant le Bosphore, l'Egée et l'Asie mineure, seule partie de l'Empire romain massivement chrétienne au IVe siècle.


On constate encore, revenant à l'ouest, que la seule contre-attaque victorieuse de l'Empire romain, contre les Barbares, celle débouchant d'Orient sous Justinien, au VIe siècle, rétablit la romanité seulement dans les zones de christianisme majoritaire. L'Italie y compris, la Vénétie d'Aquilée, la Tripolitaine, le Maghreb carthaginois et numide, l'Andalousie, et la portion du Rif qui lui fait face où, fait frappant, la romanité chrétienne, à Ceuta, subsistera exactement jusqu'à la conquête musulmane de l'Espagne. Ce cheminement de la reconquête romaine, atteignant des extrémités géographiques apparemment aberrantes (quelle distance de Ceuta à Constantinople!) est révélateur. Il répondait à un appel, était une croisade. A la fin de l'Empire, l'authentique et volontaire romanité est bien la romanité chrétienne.

La plus longue vie historique de la romanité est celle de sa partie toute chrétienne, l'Empire de Byzance, qui dure un millénaire de plus (Ve-XVe siècle) que celle de sa partie majoritairement païenne l'Empire d'Occident. Un Empire de Byzance profondément romain, jusque dans ce qui était a-chrétien, puisque nous lui devons la codification définitive du droit romain, cette essence a-chrétienne de Rome.


Que cet empire de Byzance fût de plus en plus grec tout en restant romain (les Ottomans appelaient les Byzantins les Roms), avec un sens du mystère, de la transcendance et de la joie eschatologique plus vivement présent que dans la chrétienté latine, très rationnelle, ne fait que renforcer encore la démonstration. La Grèce et Rome, ces deux colonnes de la tradition antique, peuplaient librement de leurs traditions particulières l'espace de la basilique chrétienne, leur commune demeure. [52]

 

A partir du IIIe siècle, les Francs firent leurs apparitions en Gaule. Ils se mélangèrent si bien aux indigènes qu'au IVe siècle, le mot Gaule a été remplacé par le mot Francia. La Table de Peutinger, carte géographique mentionnant le mot FRANCIA date de cette époque.

 

Conclusion

 

. Une patrie qui fût née plus tôt si Rome avait laissé la Gaule à ses rois et à la liberté.

. Des populations pré-celtiques, Ibères et Ligures, peuples voisins des Celtes et à la langue voisine.

. Les Celtes sont originaires d'Outre-Rhin, d'une région comprise au nord avec la Baltique et les Alpes au sud, des régions du moyen Danube, de la Mer Noire au Rhin, arrivèrent dans l'Hexagone au long des siècles par vagues successives entre 1500 et 300 av. J.-C., sous la poussée d'autres peuples, les "Germains", eux-mêmes peuples voisins des Celtes.

. La Gaule est une civilisation millénaire jusqu'à l'arrivée de César en 58 av. J.-C.. Cette civilisation a parfaitement maîtrisé le fer (épée en fer pur, second âge du fer d'environ 450 à 50 av. J.-C. qui a rendu possible les exploits militaires des Celtes), développé l'écriture, utilisé la monnaie, réalisé des inventions capitales pour le progrès de l'humanité : en agriculture (charrue à coutre, moisonneuse mécanique, grande faux, engrais), artisanat (épées en fer pur, fourreaux pour épées, verrerie, étamage, tissage, literie, invention des matelas de laine), habillement (invention des souliers montants ou gallicae.., invention du pantalon..), hygiène (invention du savon), transports (attelages, le mot "char" est passé dans toutes les langues antiques vient du celtique)...

. Les Gaulois avaient des caractères particuliers : l'éloquence, "les Gaulois ont deux passions : se battre et parler" (Caton); une âme généreuse, l'hospitalité envers les étrangers; l'altruïsme, les Gaulois sont épris d'équité. Strabon insiste sur la facilité avec laquelle les Gaulois s'associent pour venger une injustice. Régine Pernoud évoque l'idéalisme d'un peuple "toujours prêt à partir en guerre" pour les autres comme les Français "pour l'Espagne ou pour la Pologne opprimées."

. Les Celtes avaient "le sentiment de leur unité morale", "le souvenir ou la persuasion d'une identité d'origine" (Camille Jullian, Vercingétorix)

. La Gaule possédait une religion commune avant J.-C. (sanctuaire de Fleury-sur-Loire), une religion commune après J.-C.: le christianisme, religion des humbles, des faibles, des pauvres, religion des masses populaires, des forces vives et des masses actives de ce qui restait de l'Empire romain..., pour lui donner leur sève et l'irrésistible puissance de leur foi.

La femme y sera exaltée sous les traits de la Mère de Dieu.

. La nation gauloise a préexisté à l'entité politique. Bien que sans cohérence politique forte à partir du III-IIe siècle av. J-C., mais avec des frontières établies par le géographe grec Poseidonios d'Apamée dessinant déjà l'Hexagone (frontières de la France d'aujourd'hui, Alpes, Méditerranée, Pyrénées, Océan Atlantique, Rhin.)

Pierre CHAUNU pensait de même : "La clef de de notre identité est enterrée là sous nos pieds. La France est faite avant la Gaule, mot tardif inventé par les Romains." (Pierre CHAUNU, L'Obscure Mémoire de la France. De la première pierre à l'an mille, Perrin 1988, cité in Jean Sévillia, Historiquement incorrect, Fayard, La Flèche 2011, p. 284)

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Notes

 

[1] Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 5.

[2] Camille Jullian, Vercingétorix, Editions mise à jour et préfacée par Paul-Marie Duval, Marabout Université, 1979, p. 31.)

[3] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, Histoire de France sous la Direction de Jean Favier, tome 1, Fayard, Evreux 1984, p. 109.

[4] Régine Pernoud, Les Gaulois, ibid., p. 21.

[5] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 20.

[6] Plusieurs pages de Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 22, 23, 28 et 46.

[7] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 111-112.

[8] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 121.

[9] J.-L. BRUNAUX, Nos ancêtres les Gaulois, Editions du Seuil, Points Histoire, Villeneuve d'Asq 2012, p. 69.

[10] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 122-124.

[11] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 34.

[12] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid.,, p. 50-51.

[13] Edouard WILL, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), Editions du Seuil, Points Histoire, Manchecourt 2003, p., 106.

[14] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 31, 32, 33.

[15] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 151.

[16] Jean-Louis BRUNAUX, Faut-il dire celtes ou gaulois ?, in Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 12.

[17] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 43.

[18] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 43. Sur l'origine du "coq gaulois", l'historien allemand Karl Ferdinand Werner nous livre cette anedocte amusante : "Avant d'en parler, soulignons quelques enseignements tirés des recherches récentes sur la période hallstattienne (vers 1000 av. J.-C.)

[19] Jacques-Antoine Dulaure, cité in Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 42.

[20] « Historiquement, c'est la gauche qui a inventé la nation, en 1789 » (Manuel Valls, en déplacement à Forbach, mardi 8 octobre 2013.)

[21] "Il n'y a pas de peuple premier en France, il n'y a pas de Français de souche" (Eric Besson, ministre de l'Immigration lançant le "débat sur l'identité nationale" en novembre 2009 sur RMC.)

[22] Karl Ferdinand WERNER, Les Origines, ibid., p. 153.

[23] J.-L. BRUNAUX, Nos ancêtres les Gaulois, ibid., p. 63.

[24] Régine Pernoud, Histoire du Peuple français, ibid., chapitre "Le portrait du peuple français", p. 24-27.

[25] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid.,p. 65.

[26] Histoire du Peuple français, Publiée sous la Direction de L.-H. Parias, Préface de Edouard Herriot de l'Académie française, Des Origines au moyen-Âge (Ier siècle av. J.-C. - 1380), par REGINE PERNOUD, Nouvelle Librairie de France, F. SANT'ANDREA, Paris 1951, p. 29.

[27] Frantz FUNCK-BENTANO, ibid.p. 65-66.

[28] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 66.

[29] Olivier Buchsenschutz, Sous l'Oeil des archéologues, in Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 27.

[30] Christophe MOULHERAT, Les textiles des princes celtes, in Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 36-37.

[31] Histoire du Peuple français, Régine Pernoud, ibid., p. 38-39.

[32] F. Brentano, Les Origines, ibid., p. 65, 67.

[33] Christian Goudineau, Le Dossier Vercingétorix, Babel, Lonrai 2009, p. 201, 207

[34] Histoire du Peuple français, Régine Pernoud, ibid., p. 50.

[35] Histoire du Peuple français, Régine Pernoud, ibid., p. 50.

[36] Jean-Louis Brunaux, Faut-il dire celtes ou gaulois ?, in Revue Dossier pour la Science, « Gaulois, qui étais-tu ? », n° 61 Octobre-Décembre 2008, p. 12.

[37] De 132 à 135 ap. J.-C., eut lieu le dernier soulèvement juif contre l'occupation romaine, connu sous le nom de révolte de Simon Ben Koseba, dit Bar Kokhba ("fils de l'Etoite"), qui avait été pris pour le Messie politique d'Israël devant libérer les juifs. "Ben Koziba", "fils du mensonge"..., pour les sources chrétiennes. Ben Koseba persécuta les judéo-chrétiens (juifs christianisant) comme de mauvais juifs (Cf. J. DANIELOU, L'Église des premiers temps, des origines à la fin du IIIe s., Points Histoire, Tours 1999, p. 56.) Selon Dion Cassius, la révolte que ce pseudo "Messie" engagea prit des proportions considérables : "Les juifs du monde entier se soulevèrent et les rejoignirent et créèrent beaucoup d’ennuis aux Romains." Publius Marcellus, le gouverneur de Syrie, fit appel à la XXIIe légion d’Égypte, qui fut bientôt anéantie par les insurgés. Le théâtre des opérations se situa essentiellement en Judée. On n’a pas pu établir si Ben Koseba était parvenu à s’emparer de Jérusalem et à y rétablir le culte sacrificiel. Bar Kokhba, Nessi Israël ("prince d’Israël") frappa des monnaies à l’effigie du Temple, à la devise "An I de la liberté de Jérusalem", et Rabbi Aqiba, le chef spirituel révéré, le proclama "Roi-Messie". Selon les sources rabbiniques, l'empereur Hadrien en personne prit le commandement des troupes romaines et mena les opérations jusqu’à la chute de la cité forte de Bethar. En fait, rappelé de Bretagne, le général romain Julius Sévère vainquit les insurgés, qui se retranchèrent dans Béthar bientôt prise d’assaut. En 135, Bar Kochba, rabbi Akiba et leurs partisans (on parle de 500.000 hommes mais il s'agit sûrement d'une exagération) furent contraints à se retrancher dans la place forte de Bétar, près de Jérusalem, et y succombèrent après un très long siège. Le "Fils de l'Étoile" tomba lors de l'ultime combat, tandis que rabbi Akiba fut brûlé vif après avoir été longuement et horriblement torturé. Les pertes juives, considérables, s'élevaient à 580.000 morts, cinquante places fortes et 985 agglomérations juives détruites. Les Romains traquèrent les chefs spirituels afin d’interrompre la transmission de la Loi. L'empereur Hadrien édifia à la place de Jérusalem une cité grecque nommée "Aelia Capitolina", dédiée à Jupiter Capitolin et interdite aux juifs. Ce fut alors la diaspora des juifs qui s'établiront un peu partout dans le monde.

[38] Régine Pernoud, Les Gaulois, 1957, Seuil, Collection Le Temps qui court, rééd. Editions du Seuil, Paris 1980, p. 22 et 118.

[39] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 47-49.

[40] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 59.

[41] Camille JULLIAN, De la Gaule à la France, Nos Origines historiques, ibid., p. 91-92.

[42] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 101.

[43] Camille Jullian, Vercingétorix, Marabout Université, 1979, p. 25

[44] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 82

[45] Camille JULLIAN, De la Gaule à la France, Nos Origines historiques, ibid., p. 153.

[46] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 118-119.

[47] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 181.

[48] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 180.

[49] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 183.

[50] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 189.

[51] Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, ibid., p. 190.

[52] Jean DUMONT, L'Eglise au risque de l'histoire, préface de Pierre Chaunu de l'Institut, Editions de Paris, Ulis 2002, p. 47-52.

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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 17:34
"Valeurs de la république" : Marion Sigaut explique les Massacres de Septembre (1792)

Dans sa rubrique mensuelle pour Médias-Presse-Info, Marion Sigaut s'attaque aux mensonges colportés par les pseudo-historiens sur la Révolution Française. Dans sa ligne de mire, cette fois-ci, les Massacres de septembre. A bien réfléchir, Daesch et l'Etat Islamique passent pour de petits faiseurs devant les grands ancêtres inventeurs des droits de l'homme.

 

Marion Sigaut explique ce que raconte Jean Massin d'un évènement extraordinaire de la Révolution française,

 

"qui se passe au lendemain du 10 août (1792Ndlr.), c'est-à-dire au lendemain de la chute de la royauté et avant la proclamation de la république qui va avoir lieu le 21 septembre. Et cet évènement extraordinaire et absolument abominable, ce sont les "massacres de Septembre.

 

Voilà ce que nous raconte Jean Massin, il dit :

 

'Le 1er septembre, au Conseil général de la Commune, Robespierre affirme qu'il faut purger le sol de la Liberté des conspirateurs qui l'infectent.

 

Voilà au moins une chose qui est annoncée : il va falloir perpétrer des massacres. Cela signifie et c'est ce que Jean Massin va nous affirmer, qu'il existe un complot tramé dans les prisons, puisque le sol de la Liberté doit être purgé des conspirateurs. Voilà ce que nous dit Jean Massin de la préparation des Massacres de Septembre.

 

Je cite :

 

"Il faut dire que cette appréhension se justifie. Les prisons ont vu brusquement s'accroitre considérablement le nombre des détenus alors que les gardiens y étaient déjà en nombre insuffisants.

 

On pourrait au passage dire que le nombre considérable des détenus tient au fait que l'on a fait des raffles et que l'on a rempli les prisons. Et que les gardiens y étaient déjà en nombre insuffisants, cela c'est lui qui le dit, il ne nous donne pas de chiffre, il ne donne pas de sources.

 

Je reprends ma citation :

 

"Les prisonniers peuvent assez facilement communiquer avec l'extérieur, plus encore se réunir entre eux."

 

C'était drôlement sympa les prisons de la Commune de Paris ! Les prisonniers discutent et communiquent avec l'extérieur... On l'apprend, en tous les cas c'est lui qui le dit.

 

Je reprends :

 

"Il règne parmi eux une atmosphère invraisemblable, ils boivent ensemble à la santé de l'ennemi, ils festoient à la nouvelle des victoires prussiennes, ils promettent aux Patriotes un châtiment sanglant et exemplaires quand les Alliés entreront dans Paris.

 

Qu'est-ce que nous raconte Jean Massin ici ? Que les prisons étaient dirigées par les prisionniers qui y faisaient la loi ? Qu'est-ce qu'il raconte ? D'où il sort cela ?

 

Je reprends :

 

"Tout ceci transpire largement au dehors et il faut en tenir compte."

 

Et oui, dans les prisons les prisonniers complotent contre 'la Patrie', et il faut en tenir compte... Je reprends :

 

"La guerre de la contre-révolution contre la Révolution est vraiment une guerre à mort. Ni Robespierre, ni Marat, ni les autres n'étaient des hallucinés pour en avoir conscience."

 

Et voilà comment on avance des contre-vérités historiques ou en tout cas des fausses vérités historiques. Parce que pour avancer des choses comme celles-là, il faudrait à tout le moins citer des sources, donner des preuves, des arguments, et pas seulement des formules à l'emporte-pièce qui consistent à justifier par avance qu'on aille massacrer des gens, qu'on soupçonne des pires intentions alors qu'ils sont prisonniers, donc incapables d'agir.

 

Je reprends :

 

"Si Brunswick, traînant les immigrés, était entré à Paris, il y aurait eu autant de potences dans les rues que de croix sur les routes de Capoue à Rome après la défaite de Spartacus. Et les Suspects, prisonniers de la veille, n'auraient pas été les derniers à y accrocher les Patriotes."

 

Ah ben voilà... Si Brunswick était entré à Paris, les gens qui étaient en prisonniers n'auraient pas été les derniers à accrocher à des potences les têtes des Patriotes... Ce n'est pas comme cela que l'on fait de l'histoire monsieur Massin.

 

Je reprends :

 

"Avant de gémir sur le sort de Mme de Lamballe,

 

(qui était une amie de Marie-Antoinette, qui a été abominablement massacrée parmi les 1500 victimes des Massacres de Septembre.)

 

... Avant de gémir sur le sort de Mme de Lamballe, il vaut mieux réfléchir et réaliser de quel coeur la confidente et la complice de Marie-Antoinette, aurait applaudi du bout de ses doigts distingués, à la pendaison massive des Parisiens. ...

 

De quel droit ose-t-on parler comme cela au nom des morts? Avec des si, on peut refaire toute l'histoire. Et ce n'est pas comme cela que l'on écrit l'histoire. En tous les cas, ce n'est pas comme cela que je la conçois.

 

Je reprends les citations de Jean Massin.

 

"Les Massacres de Septembre devaient durer jusqu'au 4

 

(ils ont commencé le 2)

 

...et faire de 1000 à 1400 victimes."

 

Alors là monsieur Massin ce n'est pas sérieux. Les massacres ont duré du 2 au 9. De dimanche 2 à dimanche 9. Et pas de dimanche 2 à mardi 4. C'est faux. Et vous le savez puisque vous avez accès aux archives.

 

La version de Jean Massin a été relayée à l'époque par Le Moniteur. C'est-à-dire le journal des débats de l'époque, qui a écrit: 

 

"On a des preuves non équivoques du plus horrible complot contre la Liberté publique."

 

Et oui ! On n'a pas massacré simplement des prisonniers mais des gens qui complotaient. Et Le Moniteur dit qu'on a des preuves. Lesquelles ?

 

Je reprends :

 

"Pendant la nuit du 1er au 2 septembre, les prisons seraient ouvertes pour faire évader les conspirateurs."

 

On a des preuves que des gens allaient libérer les gens qu'on avait mis en prison ?

 

"... et que les autres détenus dont le nombre était considérable et auxquels on devait donner des armes, autant qu'il en serait possible, répandraient dans la ville, forceraient les corps de garde, désarmeraient les citoyens. Et réunis, quelques autres Brigants s'introduiraient dans les maisons pour piller et incendier."

 

On a donc fait des massacres préventifs... Les massacres de Septembre ont prévenu la population parisienne contre son massacre par les gens qui étaient en prison.

 

Alors laisson-là les délires de monsieur Jean Massin pour apprendre et pour dire que ce que l'on sait des Massacres de Septembre on l'a trouvé dans l'étude des Archives de la Commune de Paris, qui était à l'époque le gouvernement de Paris, puisque cela a été la dictature de la Commune de Paris sur l'ensemble du territoire. Les archives de la Commune de Paris ont malencontreusement été détruites pendant la deuxième Commune de Paris, celle de 1871. Or il se trouve qu'avant 1871 des chercheurs ont épluché à fond ces archives, et sont en mesure de dire que 235 égorgeurs embauchés par un comité spécial de la Commune de Paris, spécialement créé à cet effet. Le comité était surveillé par Pétion, maire de Paris, Manuel, procureur, Robespierre, dont il s'agit ici, Marat, de triste réputation, les officiers municipaux, et les juges de paix Panis et Sergent, 235 égorgeurs, ont été payés par le ministre de l'Intérieur, Roland (girondin) et par le ministre de la justice Danton (montagnard), pour massacrer dans les prisons au moins 1400 détenus. On a tué à l'arme blanche. Un batallion de 50 soldats mettant les égorgeurs en joue les aurait neutralisé en un quart d'heure. Pas un n'avait une arme à feu. On a leurs noms, on a leurs signatures sur les quittances qu'ils ont signé de leur salaire. Ils ont massacré des prêtres réfractaires, des soldats suisses rescapés de l'horreur du 10 Août, des galériens dont le pécule avait éveillé leur convoîtise. Des galériens... ils ont massacré et pillé des galériens. ... On a massacré les filles de joie et les voleuses de la Salepêtrière. ... Ils ont massacré des prisonniers arrêtés pour des petits délits correctionnels. Et à Bicêtre, ils ont massacré 30 enfants, 30 petits garçons qui étaient là à titre de correction ... ou bien était-ce les enfants de choeurs qui étaient destinés au service religieux de l'établissement.

 

Et vous savez ce que ces valeureux défenseurs de la République en danger, ou de la "Patrie en danger" ont fait avant d'aller massacrer des femmes ? ils sont rentrés dans les dortoirs des petites filles, et ils en ont fait un viol collectif pendant toute une nuit.

 

Vous savez ce que représente le sang de 1500 personnes ? Ca fait 7000 litres de sang,  7 mètres cubes. Un mètre cube multiplié par 7. Ce sang s'est répandu dans les rues de Paris. On a promené des têtes dans les rues de Paris. On a mangé de la chair humaine. On a bu du sang humain. On a violé, outragé, dépecé vivant, mutilé, tué de mort lente. Et heureux celui qui tombait du premier coup. Ceux qui ont vu les autres en réchapper et se faire massacrer disaient qu'ils priaient pour mourir le plus vite possible. Et ne pas subir les outrages que les autres ont subi.

 

Marion Sigaut termine ainsi cette video :

 

"La version de Jean Massin c'est celle de tous les adorateurs de la Révolution française. Les Massacres de Septembre ? Il fallait le faire. C'était nécessaire. La Patrie était "en danger"... En plus, ce n'était pas si grave, et c'est le peuple qui a agi de son propre mouvement, pour se protéger. La vérité ? C'est que ce fut une abomination, que cela a été préparé, voulu, planifié, organisé, surveillé, et payé. Le peuple a été tétanisé de terreur. Et les 'élections' à la convention [1], qui ont vu naître la république... se déroulaient en même temps. Elles ne sont pas belles les 'valeurs de la république' ?"

Notes

 

[1] Les élections" entre guillemets, vu que depuis le "élections" de juin 1791 qui se traduisirent par une forte abstention",  "les consultations organisées les années suivantes,... n'ont "jamais mobilisé plus du cinquième des électeurs." ... La promotion aux responsabilités se faisait "en circuit fermé" : les fonctionnaires peuplent les assemblées chargées d'élire les fonctionnaires. ... L'oligarchie née de ces pratiques n'était pas moins un démenti des attentes... On n'imaginait pas que l'élection puisse conduire à la formation d'une 'classe' politique distincte du reste de la société" (Patrice Gueniffey, Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin, Collection Tempus, Paris 2011, p. 86-88).

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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 06:10
Michel Onfray: la fin de notre civilisation ?

Lors de la sortie de son livre Cosmos à la librairie Mollat le 27 avril 2015, on voit Michel Onfray se rebeller contre la politique de la gauche maçonnique tendance "Grand Orient de France" et décrire avec ironie le mutisme obligatoire des socialistes face aux dogmes et déviances de la "religion de la République" chère au franc maçon Vincent Peillon.

 

"Moi je ne suis pas comme vous un mouton" leur dit-il...

 

Video très intéressante de Onfray, même si le titre de la video ne correspond pas exactement au contenu : 

Michel Onfray critique le nihilisme :

 

"Le nihlisme c'est l'instant pur. C'est l'incapacité à lier le présent avec le passé et avec le futur.

 

Dès qu'aujourd'hui on veut lier le présent avec le passé, on est réactionnaire. Donc on est réac, donc on est facho, donc est vichyste, donc on est pétainiste. Et donc c'est Adof Hitler, donc la Shoah, donc on est à l'origine des six millions de morts.

 

Alors évidemment, et bien on a peur de dire qu'on aimerait bien revenir à une école où l'on apprenait à lire et à écrire. Par exemple, dès qu'on dit cela et qu'on est assimilé à Adolf Hitler, il y a un moment donné où on n'a pas forcément les épaules, quand on a trente ans. Aujourd'hui, cela va je les ai (les épaules). Donc oui, je suis hitlérien, je suis stalinien, je suis léniniste, je suis bolchévique, je suis sartrien - ha non pas ça ! -, ... mais je suis tout ça. Cela ne me fait plus peur comme cela pouvait me faire peur à une époque et je laisse les gens dire 'Onfray réactionnaire'. Cela me generait que Libération dise du bien de moi. Et ils en ont dit récemment, cela me fait un peu de peine. Donc je me dis ils deviennent 'réac' eux aussi, ou alors il va falloir qu'ils revoient leur jugement sur moi !

 

... Mais je me dis à un moment donné, si on a lu Fernand Braudel, et ce qui est mon cas, et qu'on ne s'est pas contenté de ses analyses sur la Méditerranée... on se dit que ce qui est intéressant chez Braudel c'est la longue durée. Et on se dit: nous sommes dans une longue durée qu'on ne saisit pas, parce qu'on est dans l'instant pur. C'est l'instant du tweet, c'est l'instant de l'info, un clou chasse l'autre. Il y a une information, le centre du monde c'est vous, mais demain ce n'est plus vous. Et puis le surlemain ce n'est plus celui qui faisait le centre du monde la veille, et puis etc. Et puis on a perdu la mémoire de tout cela.

 

Donc, celui qui dit le présent s'enracine dans le passé, il produit des effets dans le futur, c'est quelqu'un dont on dit 'mais vous ne seriez pas un peu réac vous?!' 'Vous voudriez faire de l'histoire, mais il y a un éternel présent et l'éternel présent c'est la vérité. C'est l'éternel présent de BFMTV, de toutes ces espèces d'images qui en permanence ne nous dit rien d'autre que 'il y a de l'image'. Et moi je dis non il n'y a pas que de l'image. L'image est enracinée, elle nous dit quelque chose. L'image provient d'un monde et l'image va vers un monde.

 

Et quand on voit cela et qu'on dit 'et si nous faisions un peu d'histoire', 'et si nous pensions l'instant non pas dans l'éternité, n'allons pas jusque-là, mais à une histoire de longue durée, de fait l'on arrive à la question de la civilisation. Question interdite quand on est un homme 'de gauche'. On n'a pas le droit. Si on commence à poser la question de la civilisation, ministère de l'identité, Vichy, Pétain, fasciste, nazi, Auschwitz, etc., et cela continue. Donc, c'est vrai que cela devient difficile.

 

Mais comme c'est tous les jours qu'on se fait insulter, il y a juste un moment donné où cela fait sourire. Et on se dit tant pis ... et je vais proposer une pensée de la civilisation, justement parce que nous sommes dans le nihilisme.

 

Tout le monde est d'accord, 'nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles', comme disait Paul Valéry et on ennuie même les lycéens avec des sujets de philo avec cette question-là. Donc tout le monde est d'accord, mais personne n'est d'accord. Parce que si vous dites que nos civilisations sont mortelles, vous dites : 'et la notre, est-ce qu'elle n'est pas mortelle ? Est-ce qu'elle ne serait même pas un peu mourante, moribonde, voire morte ?' Oh ! décliniste ? Vichy, Pétain, etc. Donc vous vous dites cela va devenir difficile, mais j'en ai fais mon pain quotidien, ce n'est pas mon problème. C'est leur problème. Mais moi je veux essayer de penser des choses qui me sidèrent. Et des choses qui me sidèrent c'est de penser que par exemple la gauche puisse nous dire aujourd'hui les femmes pauvres n'ont qu'à porter les enfants des riches et qu'on doit pouvoir pouvoir louer les utérus. Cela s'appelle de l'esclavage cela, de dire aux femmes 'vous allez louer vos ventres'. Les pauvresses-là, 'il n'y a plus de boulot, vous n'avez qu'à louez votre utérus aux riches'. Oh ! merci Pierre Bergé, même on vous donne une médaille ! Et récemment François Hollande luia donné je ne sais pas quel grade dans la légion d'honneur ! Et on se dit, 'mais si je suis de gauche il faut que je soutienne cela!', parce que si je ne soutiens pas cela ... Vichy, Pétain, ...etc. He bien non ! Je ne défends pas cela, je suis désolé. Mais moi qui suis de gauche je pense qu'il y a un autre destin pour défendre le ventre des femmes que de porter les enfants des riches.

 

... Donc, je dis si on veut penser le nihilisme, la place que nous occupons dans le nihilisme, si on veut penser la question de la civilisation, de la durée de notre civilisation, de l'existence même de notre civilisation (elle née quand ? elle croît comment ? elle devient grande quand ? A quelle époque ? Avec qui, avec quoi ? etc.) Douzième siècle. Prenez une carte de l'Europe et regardez le nombre des abbayes cisterciennes qui se créent au XIIe siècle, c'est extraordinaire, voilà une espèce de floraison sur la totalité de l'Europe. Et vous vous dites, ben oui, civilisation chrétienne. C'est moi l'athée qui vous le dit: notre civilisation est chrétienne. C'est même sidérant que l'on soit obligé de le dire ! Dire aujourd'hui 'notre civilisation est chrétienne' c'est tout de suite passer pour un fasciste, etc. Mais non ! C'est un fait. Et c'est un fait d'évidence. Et l'on construit quoi aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'on construit aujourd'hui ? On n'arrive même pas à finir la Sagrada familia à Barcelone ! Vous vous dites on a un architecte qui a proposé une cathédrale, on ne parvient pas à la faire, elle n'est pas terminée, elle ne se termine pas. Le premier aujourd'hui qui a décidé d"installer un hypermarché avec une cinquantaine de magasins, il vous fait sortir cela su sol en six mois ?

 

Donc il y a des choses qui nous permettent effectivement de voir que notre civilisation s'effondre, est effondrée, ne va pas bien. Alors je ne le dis pas en disant 'soyons réactionnaires !, en restaurant un ordre ancien, c'était mieux avant, etc., etc.' Je dis juste qu'lil faut constater que les civilisations marquent leur époque dans un temps, dans une géographie, dans une histoire, et que cela disparaît. Il y a eu Sumer, Babylone, on a eu les Grecs, on eu les Romains, on a eu l'Europe. L'Europe, cela démarre avec Constantin, IVe siècle ap. J.-C., et cela s'effondre. Je ne vais pas donner le détail de Décadence, j'y travaille. Il y a des processus particuliers qui montrent quand, où, comment cela s'effondre. Et puis un moment donné où on voit effectivement que nous ne créons plus rien, nous ne produisons plus rien et que nous sommes dans un nihilisme généralisé. On écrit des romans à l'époque du 'nouveau roman' où Alain Robbe-Grillet nous dit 'pas de personnage, pas de psychologie, pas d'intrigue !' On nous fait de la musique avec ... du silence. Les 4 minutes 33 de silence de John Cage. On nous fait du cinéma sans image : Guy Debord. On nous fait de la peinture sans sujet, sans représentation, du monochrome: Klein ou Malévitch, Carré blanc sur fond blanc ! On nous fait de la poésie sans mots, le lettrisme d'Isidore Isou, etc.

 

Donc il y a eu effectivement, après 14-18, une espèce d'augmentation du nihilisme avec le surréalisme qui a joué ce rôle-là. Alors évidemment, si vous dites une chose comme cela, vous êtes tout de suite un 'réactionnaire'. Mais on voit bien comment cette invitation à tout détruire, de Tzara, dada, d'abord, puis ensuite de Breton, mais il y a eu aussi avant le futurisme et Marinetti, comment tout cela accompagne - cela ne produit pas mais cela accompagne -. On obéit au fameux Zeitgeist de Hegel, l'Esprit du temps, et on voit que notre civilisation est une queue de civilisation et que cela s'effondre." (Fin de citation)

Si on écoute bien ce que dit le philosophe, c'est la "civilisation" mercantile, matérialiste et nihiliste qui a chassé Dieu de la société qui est responsable de la chute de notre civilisation chrétienne. La seule solution se trouverait donc dans une redécouverte de ce qui a fait ce que nous sommes: le christianisme.

Catholiques, monarchistes et autres défenseurs du droit naturel ! impossible de survivre en démocratie sans s’instruire au préalable de cette technique de subversion de la pensée réaliste.

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30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 19:21

Le Moyen Âge recèle des quantités d'informations, d'explications sur la France, sa création, son identité, ses racines monarchiques, catholiques, qui donnent une vraie profondeur à la France qui n'est pas un objet politique non identifié qui serait né il y a deux siècles.

Gilles Ardinat

La vérité sur l'Inquisition (Gilles Arnidat, Tv Libertés)

"Dans une époque qui souhaite déraciner les personnes, en faire des personnes hors sol", et afin de "se réapproprier notre passé collectif, qui est un passé glorieux, passionnant", Gilles Arnidat, agrégé de géographie qui enseigne à l'Université de Montpellier, aborde à partir de 32:25 dans la video ci-dessous, la question de l'Inquisition médiévale, "qui couvre la période des trois derniers siècles du Moyen Âge".

Extrait :

 

"L'Inquisition est un tribunal ecclésiastique d'exception.

 

Tribunal. C'est-à-dire que ce sont des juges avec une procédure relativement avancée (on le verra après) compte tenu des usages de l'époque; avec des assesseurs. Ce tribunal va émettre des jugements ecclésiastiques. C'est une création de l'Eglise. Il ne s'agit pas comme dans le cas de l'Inquisition espagnole au XVe, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle d'une création étatique. C'est quelque chose de plus ou moins supra-national qui a vocation à intervenir sur l'ensemble de la Chrétienté. Et c'est un tribunal d'exception, c'est-à-dire que cela va venir en complément de la justice ecclésiastique ordinaire. La Chrétienté est organisée en territoires, avec des évêques, des archevêques, toute une hiérarchie qui est une des caractéristiques de l'Eglise catholique.

Ce tribunal a été créé de manière progressive par un certain nombre de décrétales, c'est-à-dire des décisions papales qui vont d'abord dire qu'il fait une enquête et des preuves avant de condamner quelqu'un, et qui vont préciser ensuite que les laïques doivent être tenus à l'écart de ce jugement. Au début des années 1200 va se préciser ce tribunal qui va être, avec la constitution de 1231, complètement institutionnalisé. Donc une création progressive.

La vérité sur l'Inquisition (Gilles Arnidat, Tv Libertés)

Le but est de créer un tribunal qui soit indépendant de la justice locale. Et c'est pour cela que Rome va s'appuyer sur l'ordre des Dominicains, qui est créé en 1215.

La vérité sur l'Inquisition (Gilles Arnidat, Tv Libertés)

Les Dominicains sont un ordre de moines, marqué par son humilité, sa pauvreté, etc., très mobile.

 

L'objectif de ce tribunal est de lutter contre les hérétiques, c'est-à-dire les chrétiens dissidents (ceux qui remettent en question les dogmes NdCR.). Donc l'Inquition médiévale, contrairement à ce que l'on dit, a très peu persécuté de Juifs, de sorcières ou sorciers. la priorité, par exemple, c'était les cathares, ceux qui s'éloignaient de l'orthodoxie romaine.

 

Il faut rappeler que les procès en sorcellerie, c'est l'époque moderne. Une justice laïque rendue par les parlements et qui va principalement dégénérer dans le monde protestant, où il y aura le plus de procès de sorcières.

 

Le terme de légende noire de l'Inquisition désigne le récit extrêmement négatif et atroce qui a été fait de cette inquisition. Cette légende s'inscrit elle-même dans ce que j'appelle, moi, la légende noire du Moyen-Âge. Le but est de présenter le Moyen Âge comme une période d'obscurantisme, c'est-à-dire de régression intellectuelle formidable, dans une période d'dextrême violence, dont l'Eglise catholique serait la principale responsable. Donc on a une vision simplifiée, exclusivement à charge, visant à disqualifier toute une période et l'Inquition est un des épisodes les plus caricaturés.

 

Qui sont les auteurs de cette légende noire de l'Inquisition ?

 

Ce sont les penseurs des Lumières au XVIIIe siècle. Les Lumières, c'est un combat contre l'Eglise catholique. Et le plus emblématique étant Voltaire (16694-1778), génie littéraire incontestable, mais qui est aussi un militant politique. Et qui le dit clairement: le mensonge, la falsfication font partie de ses armes dans son combat. Et on sait dans Candide, ou dans d'autres prises de position, il a contribué à présenter l'Inquisition sous une version en effet, tout à fait effrayante. Et cette tradition des Lumières va être ensuite cultivée par tous les milieux anticléricaux, qu'ils soient protestants et surtout après, républicains.

 

Aujourd'hui, quelque soit leurs tendances, les historiens qu'ils viennent du marxisme, ou même des gens comme Pierre Chaunu (1923-2009), qui est protestant calviniste que l'on ne peut pas soupçonner d'être soudoyés, reconnaissent que cette légende noire est un mythe, mais un mythe dont l'efficacité est redoutable. Donc, c'est l'intérêt de cette émission, c'est de dire aux auditeurs que pratiquement plus aucun historien ne défend cette version-là, et que tous les historiens en utilisant la documentation très importante que les inquisiteurs ont produite montrent les caricatures que l'on retrouve par exemple dans les séries Inquisitio, ou Kaamelott. On voit aussi appraître Bernard Gui dans Le Nom de la Rose, un film qui reprend aussi un certain nombre d'idées reçues.

 

Il faut aussi rappeler le type de justice qui se pratiquait avant l'Inquisition : l'ordalie

 

Il faut remettre les choses dans leur contexte. Au Moyen Âge, on est encore dans des pratiques judiciaires qui nous paraissent aujourd'hui tout à fait farfelues, magiques, avec ce que l'on appelle les ordalies.

 

L'ordalie est une pratique qui visait à utiliser ce que l'on appelait le jugement de Dieu, c'est-à-dire que l'on va brûler une barre de fer jusqu'à ce qu'elle soit incandescente et l'on va demander à l'accusé, par exemple, de la prendre dans la main. On considère à cette époque que si Dieu veut protéger cette personne, il interviendra de façon miraculeuse. On soumet les accusés à des tortures. Et cette justice-là qui se met en place à partir du début du Moyen-Âge, liée à des pratiques apportées du monde germanique, et lié à la déliquescence du système juridique romain, va se maintenir pratiquement jusqu'au milieu du Moyen Âge par des juridictions laïques. L'Eglise a toujours réprouvé ces méthodes-là. Et l'inquisition ne pratiquera jamais les ordalies. Au contraire, il y a une volonté d'avoir une réelle procédure. Cela est un élément important. Parfois les étudiants en droit sont choqués de leurs premiers cours d'histoire du droit et que leur professeur leur expliquent que l'Inquisition a fortement contribué à l'édification de nos méthodes contemporaines. L'inquition a une postérité procédurale extrêmement forte jusqu'à aujourd'hui. L'Inquisition signifie étymologiquement l'enquête (inquisitio). C'est un progrès. L'Eglise et les décrétales en attestent, dit que "la rumeur ne suffit pas à faire condamner quelqu'un". C'est-à-dire qu'on va faire une enquête et il faut des preuves. Aujourd'hui, la procédure dite inquisitoire c'est une création de l'Inquisition de l'Eglise catholique. Cette procédure consiste à dire que l'institution judiciaire elle-même, peut mener une enquête, au nom du Bien commun, sans avoir nécessairement besoin d'une procédure dite accusatoire. La procédure accusatoire, c'est ce que le Moyen Âge avait comme norme jusqu'à la création de l'Inquisition. Cette procédure accusatoire nécessite qu'une tierce personne porte plainte. Il doit y avoir un plaignant identifié pour porter l'accusation. Et dans cette procédure, le juge n'est qu'un arbitre entre deux parties. La procédure inquisitoire, c'est l'institution elle-même qui peut porter les chefs d'accusation sans avoir besoin d'une tierce personne. Toute notre système judiciaire s'est inspiré de cette procédure inquisitoire avec une particularité concernant l'Angleterre. Le Roi d'Angleterre ne va pas accepter la présence de l'Inquisition sur son territoire et donc le droit anglais, à partir de ce moment-là, développe une spécificité puisqu'il veut conserver la tradition de l'époque qui est la procédure accusatoire. Et le droit anglo-saxon, dont on parle aujourd'hui, que l'on voit s'imposer avec les tribunaux d'arbitrage, le traité transatlantique, etc., l'une des spécificités qui expliquent cette évolution est que les rois d'Angleterre n'ont pas voulu de l'Inquisition.

 

La torture

 

La torture, que l'on appelle à l'époque la question, est une réalité de l'Inquisition qu'il ne faut pas nier. C'est une réalité qui se met en palce vingt ans après la création de l'Inquisition à une époque où toutes les justices laïques pratiquent massivement la torture, justice seigneuriale et justice royale comprise. Et cela durera chez nous jusqu'à Louis XVI qui abolira la torture.

 

Il faut savoir en outre, qu'au IXe siècle, la torture avait dors et déjà été condamnée par l'Eglise. Donc l'Eglise a toujours eu une certaine réticence. Et la torture va être autorisée en 1252 par une disposition papale mais d'une manière très codifiée, très réglementée. Ainsi, proportionnellement, les violences faites par les inquisiteurs, par rapport à celles qui étaient réalisées par les juges laïques étaient plutôt clémentes.

 

Ce n'est donc pas l'inquisition qui a créé ce mode interrogatoire et dans une certaine mesure elle est même en retrait par rapport à ce qu'était les pratiques courantes du temps. Sachant que pour tout ce qui est torture et exécution à mort, il y a ce que l'on appelle le bras séculier, c'est-à-dire que l'Eglise a recours aux chevaliers, aux autorités laïques locales, pour exécuter les sentences. Les moines dominicains dans le tribunal, n'étant pas autorisés à pratiquer ces violences.

 

Donc on a un débat contradictoire. Une possibilité pour l'accusés de produire des preuves et des témoins. C'est ce qui est notable, on peut se défendre. Et là il faut comprendre quel est l'objectif de l'Inquisition ? L'objectif de l'Inquisition n'est pas de condamner à tour de bras, mais de réintégrer les brebis égarées dans la foi catholique. Et les documents montrent que lorsque les inquisiteurs n'arrivent pas à cela, c'est un échec pour eux. Un inquisiteur compétent, il réintègre le maximum de monde dans l'Eglise.

 

 

La vérité sur l'Inquisition (Gilles Arnidat, Tv Libertés)

Ainsi, on a des chiffres pour le fameux Bernard Gui (1261-1331), qui a traité d'un certain nombre d'affaires sur Toulouse (qualifié à l'époque de nid d'hérétiques avec les cathares) et les condamnations représentent finalement une part tout à fait minoritaire. De 1208 à 1223, il a produit 930 sentences, dont nous avons des sources précises. Dans ces sentences, il y a 139 acquittements. Donc des personnes qui ont pu démontrer que les accusations d'hérésie étaient totalement infondées, qu'elles étaient catholiques et donc du coup il y a acquittement. Il  ya 286 peines religieuses, c'est-à-dire que la personne doit effectuer des pénitences, et en fonction du niveau d'hérésie cela pouvait être un pélerinage, voire une obligation de se croiser et de partir en Orient. Tout cela était gradué. Et puis dans les peines religieuses il y avait les fameuses croix jaunes, c'est-à-dire que la personne hérétique devait coudre sur ses vêtements une croix chrétienne jaune, d'une part pour être repérée par les Clercs et autres comme quelqu'un qu'il fallait particulièrement suivre sur le plan théologique et spirtituel, et puis c'était aussi une peine infâmante dans cette société chrétienne. Donc, des peines religieuses qui sont très nombreuses. Des peines d'emprisonnement: 307 peines. Et là aussi, l'Inquisition marque dans l'histoire du droit une avancée du point de vue de nos codes d'aujourd'hui. C'est que avant l'Inquisition, la peine d'emprisonnement n'existe pas dans la mentalité. C'est vrai dans le monde antique et dans le monde médiéval. Emprisonner les personnes pour une certaine période n'existait pas. C'est l'Inquisition qui a créé ce système-là. Donc notre système judiciaire doit beaucoup à ces tribu,aux ecclésiastiques. L'emprisonnement était appelé le mur. On va emmurer quelqu'un, contrairement à ce que dit la légende noire, on ne va pas le mettre dans un trou et lui mettre des briques devant lui jusqu'à l'asphyxie. Emmurer quelqu'un c'est l'enfermer dans une cellule. Alors les conditions de détention de l'époque sont très dures. C'était une peine très sévère. Néanmoins il y a deux niveaux d'emprisonnement, deux niveaux de murs. En quelque sorte, le mur le plus sévère c'est le mur étroit où la personne a un régime alimentaire et des conditions de vie très dures. Mais il y a également le mur large où la personne peut recevoir des visites de sa familles, sa famille peut apporter de la nourriture, etc. Et ce qui est surprenant, des autorisations de sortie pour aller à la messe le dimanche, pour les fêtes religieuses. Donc, des conditions de détention plus souples. Et là, cela dépend du niveau de gravité de l'hérésie. Ce système carcéral avant l'heure se met en place avec des principes qu'il y ait des peines à perpétuité, mais la documentation montre que pratiquement une peine sur deux était interrompue. Donc là, il y a une possibilité d'aménagement (de la peine). Ensuite, il y a 156 peines diverses qui vont de l'exhumation (pour un mort jugé hérétique), le pilori, l'exil, etc. Et donc, sur ces 930 sentences, Bernard Gui n'a pratiqué que 42 mises au bûcher, c'est-à-dire 4,5% des condamnés. Moins de 5%. Et ces proprotions se retrouvent sur l'ensemble des tribunaux dont on a une documentation sérieuse.

 

Et il faut replacer tout cela dans le contexte de l'époque. Ce qui montre à quel point les propos tenus par certains journalistes assimilant l'Inquisition à un totalitarisme de type contemporain pèchent complètement par anachronisme.

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24 septembre 2015 4 24 /09 /septembre /2015 19:19
Louis XIV - Roi de France, 1661 - Charles Le Brun - Jean de La Varende, Louis XIV, Éditions France-Empire, Paris 1958 - Château de Versailles

Louis XIV - Roi de France, 1661 - Charles Le Brun - Jean de La Varende, Louis XIV, Éditions France-Empire, Paris 1958 - Château de Versailles

Lettre ouverte à Louis XIV. Marie-Françoise Ousset, Guide-Conférencière de la Ville de Paris, fille du grand Jean Ousset, vient de nous faire parvenir sa "lettre ouverte à Louis XIV" à l'occasion du tricentenaire de sa mort. (Source: Lys de France Nicolas Chotard)

 

LETTRE OUVERTE A LOUIS XIV

Pour le 300ème anniversaire de sa mort

Cher Louis XIV,

 

Peut-être avez-vous été un peu contrarié de la manière dont la télévision a parlé de vous en ce premier septembre 2015. Bien sûr il y eut de magnifiques photos de Versailles mais, comme vous avez pu le constater, « la 2 » vous a fait passer une fois de plus pour un despote à la fois léger et cruel et s’est complu à évoquer l’homosexualité de votre frère, vos maîtresses, la licence des mœurs à la cour, les dragonnades, votre fistule mal placée, la gangrène de votre jambe. Elle a même déclaré péremptoirement que aviez inventé la perruque car vous étiez chauve (ce qui est complètement faux : votre père en portait déjà une et lança la mode en 1620 !). Comme cadeau d’anniversaire, c’était plutôt raté !

Ce n’est tout de même pas pour votre fistule que l’Europe entière a eu les yeux tournés vers vous, que l’empereur de Chine Kangxi essaya de vous ressembler en portant une perruque comme la vôtre, que votre siècle fut appelé « le Grand Siècle », qu’il fut même appelé « le siècle des saints » (il faut dire que St Vincent de Paul vous avait précédé !). Et si les ambassadeurs du Siam se sont prosternés devant vous, ce ne fût tout de même pas pour voir de plus près votre pied gangréné ! Votre règne avait été le plus brillant du monde ! 3 rois seulement en Europe ont été qualifiés de « Grand » : vous, Louis de Bourbon mort en 1342 et Louis 1er de Hongrie. Vous aviez reconstitué la France et, lorsqu’on annonça votre mort à la cour de Frédéric 1er, roi de Prusse il fut seulement dit : « Le roi est mort ». Tout le monde comprit qu’il s’agissait de vous et pas d’un autre roi. Vous les aviez tous éclipsés.

Pour vous consoler un peu, cher Louis XIV, permettez-moi donc de vous dire que beaucoup en France ont appris à vous aimer grâce à de nouveaux et très bons historiens.

Certes, vous avez un peu trop vite déclaré la révocation de l’Edit de Nantes, fait démolir les murs de Port-Royal des Champs mais nous savons que l’homme dur du régime fut Louvois. Les dragonnades c’est lui et lorsque vous avez appris les horreurs qu’il avait commises, vous avez devant lui jeté votre canne par la fenêtre en lui disant : « Autrement, je vous la cassais sur le dos » Il est vrai pourtant que les exactions ont continué. Mais on oublie de dire dans nos médias que le midi avait été mis à feu et à sang de 1621 à 1629 par les protestants. (F. Bluche).

Au lieu de donner une fois de plus la parole à ce Michel de Decker, toujours frétillant de joie lorsqu’il s’agit de raconter les petites bassesses des grands ; au lieu de couper trop vite la parole à l’excellent historien Jean-Christian Petitfils, la TV aurait pu rappeler que vous avez mis fin à 40 années de trouble ; vous avez laissé la France plus prospère, plus peuplée, mieux armée qu’elle ne l’était au début de votre règne. Vous avez aidé Vauban à construire, autour de la France, ce qu’il a appelé sa « ceinture de fer ».Vous avez reconstituée une force navale : de 9 vaisseaux de ligne en 1660, il y en eût 220 en 1680 dépassant ainsi de 45 unités la Royal Navy (Bluche). La France a pu ainsi mieux se protéger contre « les incursions continuelles des algériens sur les côtes du Languedoc et de la Provence… » car « il n’y avait personne qui n’eut à pleurer un parent massacré, un ami esclave ou une famille ruinée » (Cal Maury).

Vous avez acheté Dunkerque à l’Angleterre, vous vous êtes emparé facilement de Lille. Vous avez tenu tête à une quadruple alliance contre la France : Espagne, Autriche, Angleterre, Pays-Bas. Bien loin de parader au château de Versailles, vous fûtes un homme de terrain, inspectant les remparts, les bastions, inaugurant des canaux surveillant les travaux.

Pour cet anniversaire, la télé aurait pu citer la lettre que le nonce apostolique écrivit à Rome dès votre décès : « (Louis XIV) avait le talent de gagner le cœur de tous ceux qui avaient l’honneur de l’approcher…grande rapidité pour débrouiller les affaires les plus compliquées… il a fait fleurir l’ordre d’un bon gouvernement et étendu les sciences et les arts à travers tout le royaume ». Bien sûr, certains diront : c’est un prêtre et un ambassadeur, il se doit d’être indulgent et élogieux. Mais pourquoi alors n’a-t-on pas cité le très anticlérical Voltaire qui, dans son « Siècle de Louis XIV », reconnait que les amusements de la cour « étaient de perfectionner le goût, la politesse et… de faire des français la nation la plus policée du monde ». Ce Voltaire qui contribua beaucoup à la Révolution Française, écrit également : « Louis XIV (…) fit voir qu’un roi absolu qui veut le bien, vient à bout de tout sans peine. Il n’avait qu’à commander, et les succès dans l’administration étaient aussi rapides que l’avaient été ses conquêtes. C’était une chose véritablement admirable de voir les ports de mer, auparavant déserts, ruinés, maintenant entourés d’ouvrages qui faisaient leur ornement et leur défense, couverts de navires et de matelots… de nouvelles colonies, protégées par son pavillon, partaient de tous côtés pour l’Amérique ».

A ce propos bien peu savent que le mot « Louisiane » vient de Louis XIV et que le fleuve Mississippi s’appelait à l’époque « le fleuve Colbert ». Mais si vous avez eu, cher Louis XIV, des comptoirs, jamais vous n’avez voulu la mondialisation. Lorsqu’on vous a proposé être roi dans les Balkans, vous avez refusé (F. Bluche).

La TV aurait pu citer aussi le Mal de Berwick parlant de vous : « Il était l’homme de son royaume le plus poli … depuis la monarchie vous ne trouverez roi plus humain » « Il n’avait de fier en lui que l’apparence… dès qu’on voulait lui parler, son visage se radoucissait et il avait l’art de vous mettre à l’instant en pleine liberté avec lui. »

La TV aurait pu tout simplement vous donner la paroleciter les sages recommandations que vous avez écrites à votre petit fils, le roi d’Espagne. Citer aussi vos mémoires dans lesquelles vous expliquez que, si vous avez pris le soleil pour emblème, c’est par « le bien qu’il fait en tout lieu prodiguant sans cesse de tous côtés la vie, la joie et l’action » ou encore : « C’est par le travail qu’on règne. Il y a de l’ingratitude et de l’audace à l’égard de Dieu, de l’injustice et de la tyrannie à l’égard des hommes de vouloir l’un sans l’autre » ;

Certes, l’émission a montré que vous étiez un excellent danseur mais on aurait pu rappeler aussi que, sous votre règne, Pierre Beauchamp a eu l’idée de codifier les pas de danse et que, lorsqu’il s’agit de danse classique, encore de nos jours, on emploie des mots français dans le monde entier. On dit « échappée battues » ou « sauts de chat » à New-York comme à Pékin.

Il ne fallait pas, bien sûr, s’attendre à ce que «  la 2 » ait le courage de dire ce que Philippe Erlanger (haut-fonctionnaire et écrivain) a calculé, à savoir qu’en comptant les deux Trianons, sur un demi-siècle, Versailles n’a pas coûté plus cher qu’un porte-avion modernequ’il a coûté le prix du déficit de l’exposition universelle de Léon Blum en 1936 ou encore à peu près le prix d’une campagne électorale d’un Président de la République ! Cela aurait été pourtant amusant !

Heureusement, les images parlent mieux que les mots et les contredisent parfois. On a pu se demander, pendant cette émission, pourquoi un roi aussi despotique que vous, qui avait été entouré parfois à Versailles de 36.000 ouvriers (F. Bluche), avait voulu un château sans douve, sans protection avec, au rez-de-chaussée, uniquement des portes-fenêtres. Comment dit-on portes-fenêtres en anglais ? French windows.

On a pu se demander pourquoi un obsédé sexuel avait fait réaliser un jardin qui parle avant tout à l’intelligence jamais aux sens : pas de banquettes pour s’allonger, presque pas de bancs pour s’asseoir, pas de coins d’ombre, pas de salon de verdure pour se mettre à l’abri des regards indiscrets. On s’est demandé surtout comment « la 2 » avait pu dire que la ménagerie de Versailles ressemblait à un phallus alors que les gravures nous la montre octogonale entourée de cours en éventail pour les différents animaux.

Pour les jeunes qui n’aiment pas la France car ils ne la connaissent pas, on aurait pu montrer vos côtés anti-conformistes. Cela aurait changé un peu ! Leur dire, par exemple que vous fûtes toujours plus passionné par votre jardin que par l’intérieur de votre château. Que, voulant tout comprendre par vous-même, on vous a vu prendre les cisailles du jardinier pour couper des ifs à Versailles, que votre meilleur ami a sans doute été le jardinier André Le Nôtre. Vous le convoquiez tous les matins. Il osait vous embrasser et lorsqu’il fut très âgé, vous l’avez vous-même promené dans sa chaise roulante.

Pourquoi ne parle-t-on jamais de votre amour des enfants ? S’il y a autant de « marmousets » dans le parc de Versailles, c’est sur vos recommandations. Vous aviez peur qu’on y mette toujours plus de statues grecques. Nous avons conservé votre lettre disant « je veux de l’enfance répandue partout » et, à l’intérieur du château, c’est vous qui avez demandé, pour le « salon de l’œil de bœuf », une frise représentant des enfants. C’est d’ailleurs en allant voir les vôtres que vous avez fait la connaissance de Mme de Maintenon. Vous l’avez épousée à l’âge de 45 ans et vous lui êtes resté fidèle jusqu’à votre mort à 77 ans. Elle était pieuse, bigote dit-on à l’encan, mais vous n’avez pas eu peur d’épouser une femme qui était née à la prison de Niort car son père criblé de dettes y était emprisonné ; une femme qui eut une jeunesse misérable avant d’épouser le poète grabataire Scarron. Elle vous a peut-être dit que, pour gagner un peu d’argent, elle nourrissait en foin des chevaux et a même gardé des dindons …avant de garder les enfants que votre Majesté a eus de la Montespan ! (Cal Maury)

Si on avait voulu rétablir la vérité et sortir des poncifs on aurait pu dire tellement d’autres anecdotes amusantes qui vous auraient rendu plus familier à tous !

Vous avez été un grand roi peut-être parce que vous avez su écouter et regarder. Ecouter car dès votre plus jeune âge, Mazarin tenait à vous faire participer au Conseil. Et vous avez écrit dans vos mémoires que vous étiez heureux lorsque vous constatiez que les ministres prenaient la décision que vous aviez choisie dans votre petite tête d’enfant. Vous aviez une oreille excellente, ce qui vous a permis de choisir pour la cour les meilleurs musiciens de votre royaume : Campra, Lully Delalande. Vous aviez également un regard extraordinaire, « insoutenable » même a-t-on pu dire qui vous a permis de reconnaître autant les grands génies de votre époque qu’une erreur sur un champ de bataille, un défaut dans une statue, une dissymétrie dans les fenêtres du Grand Trianon ou dans la hauteur d’un jet d’eau.

Cher Louis XIV, merci pour la beauté que vous avez donnée à la France dans tous les domaines. Merci de nous avoir rendus fiers de notre pays. Vous saviez, sans doute, qu’aucune civilisation ne se détruit du dehors sans s’être détruite de l’intérieur.

Alors s’il vous plait, cher Louis XIV, là où vous êtes maintenant, au Paradis, faites-vous présenter un homme que vous apercevez sans doute au loin, dans le groupe des gens qui auraient donné leur vie pour sauver la France. Il a nom Jean Ousset. Vous devriez vous entendre avec lui. Dans votre brochure « Manière de montrer les jardins de Versailles », vous dites souvent : « il faut faire une pause pour considérer les fontaines, les bas-reliefs…les vases, les statues ». Vous employez pudiquement le terme « considérer » qui laisse entendre qu’il faut regarder attentivement et non pas vouloir admirer ou détester trop vite. Vous dites aussi très souvent dans cette brochure « on en fera le tour… on en fera le demi-tour ». Avec d’autres mots, Jean Ousset disait la même chose : « Il faut qu’une statue tourne, il faut tourner autour de l’œuvre d’art ».

Alors, avec lui, priez pour la France, dites à Jeanne d’Arc qu’elle vienne, d’une manière ou d’une autre, sauver la France une fois encore. Elle en meurt d’envie, elle, qui voulait tant continuer à se battre ! Son cœur est toujours ici, quelque part au fond de la Seine. Si Dieu n’a pas voulu qu’il brûle, vous pensez bien que ce n’est pas pour qu’il soit avalé par un poisson ou qu’il parte dans la Manche se rapprochant ainsi des côtes anglaises ! Son cœur est toujours chez nous, dans la Seine, c’est évident. Peut-être le retrouvera-t-on un jour.

Merci d’avance de tout ce que vous pourrez faire encore pour nous et veuillez agréer, cher Louis XIV, l’expression de ma respectueuse admiration.

 

Marie-Françoise OUSSET

Humour !

 

Le tricentenaire de la mort de Louis XIV coïncidait avec la rentrée scolaire et son nouveau programme d'histoire dans lequel le Roi-Soleil a disparu.
Sur les réseaux sociaux, cet événement a été relayé avec humour   

Lettre ouverte à Louis XIV

Source: Lys de France (Nicolas Chotard)

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17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 11:13

Les coupeurs de têtes de l'Etat islamique ont de glorieux ancêtres :

Devoir de mémoire: 17 septembre 1793, Promulgation de la loi des suspects

17 septembre 1793, Promulgation de la loi des suspects qui inspirera les lois staliniennes.

Durant l'année qu'à durée la Terreur, 500 000 suspects ont été arrêtés et 300 000 de plus furent placés en résidence surveillée. [1]

 

Source: Louis XX facebook

(En 1793) Quand le peuple s'est soulevé pour secouer le joug de ceux qui avaient mis à bas le roi et l'Eglise, on les a massacrés.

Marion Sigaut, Auxerre, mars 2013

Notes

 

[1] Jean Tulard, in Histoire et Dictionnaire de la Révolution française.

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13 septembre 2015 7 13 /09 /septembre /2015 22:12

Le côté épique, chevaleresque marqua encore Marignan comme le dernier épisode d'une chanson de geste.

Louis Fontaine, Le Sang et la Gloire, Des hommes et des batailles qui ont fait la France, Editions de Paris 2003, p. 199.

La Bataille de Marignan, Fragonard

La Bataille de Marignan, Fragonard

La bataille de Marignan, les 13 et 14 septembre 1515 marque une victoire de l'artillerie française supérieure qui commence à jouer un rôle déterminant dans la conduite des guerres. Décrite par les contemporains comme une victoire du Chevalier de la Croix, un nouveau Constantin, grâce au Maréchal de La Palice (qui donnera naissance, bien malgré lui, aux lapalissades) [1] et du Chevalier Bayard qui adoube chevalier François, à 20 ans, sur le champ de bataille.

 

Les Suisses étaient de rudes soldats et François Ier put être fier de les avoir mis en fuite, après une bataille de 2 jours. Il y gagna une ré-annexion éphémère du Milanais (jusqu'en 1522), et une réconciliation avec le pape à Bologne : le premier Concordat (1516) qui durera jusqu’à la Révolution de 1789. Le roi seul a autorité pour désigner les évêques et les abbés dans son royaume. Charge au pape ensuite de les confirmer. Ceci constituait une infraction au principe de la liberté religieuse de l'Eglise et, de ce point de vue, plaçait l'Eglise de France sous la tutelle du roi, dans une situation guère différente de celle d'aujourd'hui. [2] Les évêques ne dépendaient désormais que d'eux-mêmes et se montraient très solidaires. C'est le début de l'esprit gallican de l'Eglise-qui-est-en-France, qui reconnaît le pape mais n'applique pas son magistère.

 

Le roi de France gagna aussi l’estime de ceux qu’il avait battus avec une Paix perpétuelle qui fut signée à Fribourg avec les cantons suisses en 1516. De part et d’autre, exemple presque unique dans l’histoire, le pacte a été observé, jamais cette paix ne s'est trouvée rompue. Les Suisses se mêleront même au service des rois de France jusqu'à la Révolution française. Marignan est l'acte fondateur de la légendaire neutralité suisse.

François Ier armé chevalier par Bayard, par Louis Ducis, 1817

François Ier armé chevalier par Bayard, par Louis Ducis, 1817

Le roi-chevalier

 

Avant de l'adouber Bayard proteste !

 

- Sire, celui qui est couronnée et oint de l'huile sainte, Roi d'un tel royaume et Fils aîné de l'Eglise est par lui-même le premier des chevaliers !

 

Mais sur l'insistance de François, il sort son épée et, alors que le roi porte encore sa cotte de fer, Bayard l'adoube en le frappant à l'épaule droite du plat de son arme :

 

- Pour quels motifs désirez-vous entrer dans l'ordre ?

- Pour le service de Dieu, la défense de la veuve et de l'orphelin.

 

Le relevant, Bayard alors embrasse son souverain. Désormais pour l'Histoire et jusqu'à nos jours, François Ier restera le roi-chevalier.

 

La bataille

 

En quelques jours, il lui fait franchir les Alpes au col de Larches. Exploit remarquable pour l'époque avec une telle armée équipée d’une formidable artillerie de 120 pièces. L’artillerie est l’atout numéro un, c’est la première d’Europe. Il arrive devant Milan avec toute son armée, ses adversaires négocient. Le roi pense avoir satisfaction sans combattre. Brusquement le 13 septembre, les Milanais sortent de la ville et enfoncent l’armée royale. Le plus gros de leurs troupes est formé de la meilleure infanterie du monde, celle des Suisses, qui louent leurs services comme mercenaires. Ces derniers attaquent les lansquenets bavarois qui protègent l'artillerie. Les trois carrés de piquiers (7 000 à 8 000 hommes par carré) les font plier mais le roi vient les soutenir. Le chevalier Bayard, se bat avec une grande bravoure. Son cheval est tué sous lui. Il se remet en selle aussitôt ; les brides sectionnées, sa seconde monture s'emballe et l'entraîne vers les rangs suisses. Mais il se sauve à temps et regagne son camp à travers les vignes. Les troupes tiennent jusqu'à minuit, puis le combat s'arrête. Au petit matin du 14, le combat reprend. L'artillerie française commandée par le sénéchal d'Armagnac fait des ravages mais l'aile gauche de l'armée du roi commandée par le duc d'Alençon, fléchit. L'arrivée des renforts vénitiens alliés des Français ont raison des Suisses. Ils quittent le champ de bataille de Marignan, abandonnant 20 000 morts et prisonniers. François Ier est fait chevalier sur le champ de bataille par Pierre du Terrail, seigneur de Bayard. Le Milanais est reconquis. La ligue des princes italiens se défait.

 

La bataille de Marignan, à l'aube du règne de François Ier, est devenue un symbole de la gloire du roi. [4]

François Ier est ce monarque emblématique de la Renaissance française qui est le fil conducteur de cette création, qui porte le nom donné par les italiens aux troupes françaises durant les guerres d’Italie : « Furia Francese ».

Louis XII et Anne de Bretagne laissèrent un héritage musical très riche à François Ier. En 1515, la Cour de France possèdait de solides institutions musicales qui seront renforcées par ce nouveau roi qui y vit un outil politique indispensable pour présenter au monde la grandeur et la puissance de sa cour.

 

Par sa victoire à la bataille de Marignan François va acquérir renommée et gloire dès le début de son règne, et impulser à la cour de France un nouvel élan artistique et intellectuel. [5]

 

Sous François Ier, la France échapera à l'hégémonie de l'Empire germanique. [6]

Notes

 

[1] http://www.herodote.net/13_septembre_1515-evenement-15150913.php

[2] Depuis 1921 le Vatican consulte le gouvernement français sur les nominations d'évêques. (Sébastien Gué, La France et ses relations avec le Saint-Siège, 1958-1969, Relations internationales 2/2005, n° 122, p. 33-46). Le nonce apostolique à Paris soumet les nominations d'évêques de plein droit, et d'évêques coadjuteurs au ministère des affaires étrangères... Toutefois, les objections du gouvernement ne peuvent avoir qu'un caractère politique et non religieux.

[3] Louis Fontaine, Le Sang et la Gloire, Des hommes et des batailles qui ont fait la France, Editions de Paris 2003, p. 198-199.

[4] http://www.histoire-france.net/batailles/marignan

[5] http://lebanquetduroy.com/programmes/...

[6] Jacques Bainville, Histoire de France.

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31 août 2015 1 31 /08 /août /2015 13:19

Mis à jour le 5 octobre 2015.

300e anniversaire de la mort de Louis XIV

Louis XIV, Roi de France et de Navarre, Louis le Grand, roi guerrier, le Roi-Soleil, protecteur des Arts, est né le 5 septembre 1638 à Saint-Germain-en-Laye et est mort le 1er septembre 1715 à Versailles. Son règne de 72 ans est le plus long de l’Histoire de France. Il est l'un des plus longs d’Europe, avec celui de François-Joseph de Habsbourg et, peut-être, si Dieu lui prête vie, avec celui d’Élisabeth II.

Nous commémorons cette année le tricentenaire de la mort du Grand Roi.

Comme l'explique Georges Michel,

 

"Louis XIV n’avait que cinq ans lorsqu’il devint roi, mais il assuma en outre le pouvoir personnellement durant 54 années, presque onze quinquennats… Osons un anachronisme et imaginons un souverain qui serait monté sur le trône en 1943 et mourrait cette année après avoir dirigé d’une main ferme le pays de 1961 à nos jours. Cela est évidemment inconcevable. Réalise-t-on, par exemple, que durant ces 72 ans, de 1943 à 2015, une petite cinquantaine de ministres de la Justice se sont relayés place Vendôme quand Louis XIV, au cours de son règne, ne connut que cinq chanceliers de France ?" [1]

Cette comparaison montre un des avantages principaux de la monarchie : la continuité dans une politique à long terme (hormis les plans maçonniques qui sont, eux, prévus sans concertation et sans association, à long terme, la république change de politique à chaque nouvelle mandature...) et donc les économies budgétaires substantielles que permet la monarchie. Aujourd'hui par exemple, il a été calculé que sur dix ans, la Couronne britannique coûte 390 millions d'euros, soit moins d’un tiers du coût d'un président en France. Un rapport confidentiel de l'Inspection Générale de l'Administration (IGA) a même révélé, selon Le Parisien, que la "démocratie" a "un coût important" pour une efficacité politique "limitée" et que le "dispositif d'organisation des élections" "ne facilite pas la participation à la vie démocratique". [2]

 

 

 

 

La démocratie a un coût important pour une efficacité politique limitée (Le Parisien, 20 novembre 2014) Source : http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/presidentielle-et-legislatives-de-2012-l-organisation-a-coute-604-millios-d-euros-20-11-2014-4307443.php

La démocratie a un coût important pour une efficacité politique limitée (Le Parisien, 20 novembre 2014) Source : http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/presidentielle-et-legislatives-de-2012-l-organisation-a-coute-604-millios-d-euros-20-11-2014-4307443.php

Le pouvoir sous la monarchie française est conçu du haut en bas de la société [3], comme un service dont le détenteur (le roi) est le gérant, cependant que dans la république, la toute puissance théorisée du pouvoir du peuple n'est jamais qu'un transfert de pouvoir à une une oligarchie dont le but est de se servir.. Voilà, notamment, pourquoi je suis royaliste !

 

«  Cette façon louis-quatorzienne de sans cesse inviter à servir, suivre le détail des services, honorer les bons serviteurs, permet de tenir en haleine ou faire rivaliser de zèle tous ceux dont l'Etat a besoin. Les souverains étrangers admirent et envient le résultat obtenu, qui fait de Louis XIV le monarque le mieux obéi (le plus bravement et le plus intelligemment) de l'Europe. » [4]

300e anniversaire de la mort de Louis XIV

Le roi est "facile d'accès".

 

 

"S'il est un caractère singulier de cette monarchie, écrit Louis XIV lui-même, c'est l'accès libre et facile des sujets au prince"; et, dans ses célèbres Instructions pour le Dauphin: "Je donnai à tous mes sujets sans distinction la liberté de s'adresser à moi, à toute heure, de vive voix et par placets." (Louis XIV, cité in F. Funck-Brentano, Membre de l'Institut, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 110)

 

"Le roi de France - écrit en 1603, l'ambassadeur vénitien Angelo Badoer, - quand il est en représentation, donne une plus haute idée de sa grandeur que ne le fait le roi d'Espagne; mais, hors d'apparat, il est le monarque le plus affable du monde." 

"Cette grande familiarité, note Michel Suriano, rend, il est vrai, les sujets insolents, mais aussi fidèles que dévoués..." Opinion que confirme Robert Dallington, Secrétaire de l'Ambassadeur anglais auprès de Henri IV :

 

"Les rois de France sont affables et familiers - plus qu'il ne convient, écrit le diplomate anglais; mais c'est la coutume du pays." (F. Funck-Brentano, Membre de l'Institut, Ce qu'était un Roi de France, Librairie Hachette 1940, p. 109.)

 

L'historien Funck-Brentano écrit encore dans L'Ancien Régime, qu'"on entrait dans le palais du roi comme dans un moulin" :

 

"En leurs célèbres dépêches, les ambassadeurs vénitiens constatent que nulle personne n'est exclue de la présence des monarques français et que les gens de la classe la plus vile pénètrent à leur gré dans les pièces du caractère le plus intime, au point dit l'Italien, que quand on veut traiter avec le prince d'une question importante, il faut parler à voix basse pour ne pas être entendu.

 

"C'est ainsi que s'exprime, en 1561, Michel Suriano. Il ajoute: "Les Français ne désignent pas d'autre gouvernement que leur Roi. De là vient l'intimité qui règne entre le monarque et ses sujets. Il les traite en compagnons".

 

"En 1577, un autre ministre vénitien Jérôme Lippoùano: "Pendant le dîner du roi de France, presque tout le monde peut s'approcher de lui, et lui parler comme il le ferait à un simple particulier".

 

"On entrait dans le palais du roi comme dans un moulin. Les étrangers ne cessent pas d'en exprimer leur surprise...

 

"J'allais au Louvre, écrit Locatelli en 1665, 'Je m'y promenai en toute liberté, et traversant les divers corps de garde, je parvins enfin à cette porte qui est ouverte dès qu'on y touche, et le plus souvent par le roi lui-même. Il vous suffit d'y gratter et l'on vous introduit aussitôt. Le roi veut que tous ses sujets entrent librement'. [5]

 

Une cohue turbulente et bruyante de gens de toutes sortes de conditions

 

"La maison du roi devenait une place publique. Le premier venu s'y comportait librement. Un chacun y était chez lui... C'était, du matin au soir, une cohue turbulente et bruyante de gens de toutes sortes de conditions" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 239).

 

La demeure royale reste ouverte à tout venant

 

"Il en fut d'ailleurs au palais de Versailles comme à Paris. La demeure royale reste ouverte à tout venant.

 

"'Nous passâmes, écrit Arthur Young qui en est tout surpris, à travers une foule de peuple et il y en avait plusieurs qui n'étaient pas trop bien habillés'" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 240).

 

Versailles finissait par être envahi par des mendiants

 

"[...] le palais de Versailles finissait par être envahi par des mendiants qui y accrochaient le monde et tendaient la main comme dans la rue" (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 240).

 

Il était facile de souper avec Sa Majesté

 

"Un Allemand, le docteur Nemeitz, écrit de son côté: 'Il était facile de voir souper Sa Majesté. Elle recevait à table toute sa famille et, à moins qu'il n'y eût déjà trop de monde, ce qui arrivait parfois, on était admis... D'ailleurs on pouvait toujours être admis quand on arrivait de bonne heure ' Fréquemment, entre le roi et les assistants, les gens du peuple, la conversation s'engageait, toute familière. On en trouve trace dans les lettres de Mme de Sévigné] et dans les Mémoires de Saint-Simon.

 

"Le public était plus particulièrement admis au "grand couvert" qui avait lieu régulièrement tous les dimanches et - ce qui est à noter - les jours de fêtes dans la famille royale. Celle-ci se trouvait alors réunie tout entière, y compris les princes du sang. Louis XIV s'astreignit à dîner en public jusqu'aux derniers jours de sa vie, jusqu'au 24 août 1715 - il devait mourir le 1er septembre..." (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 241).

 

"Sous Louis XV, les Parisiens, les provinciaux viendront assister au repas du roi pour admirer sa prestance, son élégance, mais plus encore son adresse à faire sauter le haut de la coque d'un oeuf, prestement du revers de sa fourchette!

 

"Attention! le roi va manger son oeuf!"

 

"[...] Au dessert, le roi offrait à toutes les dames présentes des fruits et des glaces. En 1772, une jeune Genevoise, Rosalie de Constant, vient assister au grand couvert. 'On offrit écrit-elle, les glaces du dessert aux dames qui étaient là pour voir. Je les trouvai bien bonnes' (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 241).

On avait organisé des manières d'omnibus pour transporter à Versailles les Parisiens qui désiraient aller voir le monarque

 

"Pour transporter à Versailles les Parisiens qui désiraient aller voir le monarque, on avait organisé des manières d'omnibus, appelés, les uns, des "carabas" et les autres "des pots de chambre" (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 241).

 

"Chacun, dit Retif de la Bretonne, - ceux mêmes qui ne l'avaient jamais vu - considérait le roi comme une connaissance intime.

 

"Les évènements qui concernent le roi et la reine, sont pour la France entière des évènements de famille. La maison du roi est au propre la 'maison de France'" (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 241).

 

Le roi était demeuré dans la pensée populaire, instinctivement, le père auprès duquel on cherche soutien et abri

 

"Issu du père de famille, le roi était demeuré dans la pensée populaire, instinctivement, et sans qu'elle s'en rendît compte, le père auprès duquel on cherche soutien et abri. Vers lui, à travers les siècles, les regards s'étaient portés en cas de besoin. Et voici que, brusquement, cette autorité patronale est renversée. Et c'est parmi le peuple de France, un malaise, un effroi, vague, irréfléchi. Oh! les rumeurs effrayantes: les brigands!... et le père n'est plus là! La 'Grande peur' est la dernière page de l'histoire de la royauté en France. Il n'en est peut-être pas de plus touchante, de plus glorieuse pour elle; il n'en est pas où apparaisse mieux le caractère des relations qui, traditionnellement, s'étaient établies entre elle et le pays" (Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 255).

 

Alors que sous l' "absolutisme", tout Français pouvait aller souper chez le Roi, discuter avec lui, manger et boire si l'envie l'en prenait, aujourd'hui il faut une demande écrite, dans les plus belles formes, et avec les plus belles circonlocutions, pour avoir une "chance" d'obtenir un rendez-vous avec Sa Majesté le Président de la République... et encore pas pour manger avec lui, et dans un rendez-vous vite expédié. Comme quoi, la vraie "démocratie" n'est peut-être pas celle qu'on dit, ni là où on pense... La Révolution a sévi; un autre monde a vu le jour.

 

ImpotsLa France sous Louis XIV a une administration moderne, un régime d'impôts bien rodé (aujourd'hui, selon une étude de l'Institut Coppet, les impôts sont dix fois supérieurs à ceux qu'ils étaient en 1789), une politique économique sobre et rationnelle qui interdit la pratique de l'usure au plan particulier mais aussi au plan national, et qui ne permet donc pas l'endettement indéfini des comptes publics, enfin un système de recrutement militaire efficace :

 

«  En ce pays et en ce temps où nul homme - même le paysan pauvre - n'est corvéable à merci, en ce temps et ce pays où personne n'accepterait l'idée d'un service national obligatoire, les meilleurs sont censés répondre présent à toute réquisition, voire devancer l'appel du Roi et de l'Etat. » [6]

 

« L'absolutisme se révèle, par nature, un régime limité et tempéré, certainement pas la matrice d'un pouvoir totalitaire. Ce n'est pas lui qui parviendra à imposer la fiscalisation généralisée de la population, la conscription obligatoire, la levée en masse et le concept de guerre totale. » [7]

 

Pour l'historien Jean-Christian Petitfils « l'image du paysan français écrasé d'impôts par un pouvoir tyrannique » ne tient pas, il s'agit d'

« une légende inventée par l'historiographie du XIXe siècle à partir des stéréotypes révolutionnaires. En 1715, le contribuable français payait en moyenne deux fois et demie moins d'impôts que son homologue britannique. A cette date, en effet, la pression fiscale représentait un équivalent de 0,70 hectolitre de grain de froment pour la France contre 1,62 de l'autre côté de la Manche. La monarchie absolue, par conséquent, fut moins oppressive fiscalement que la monarchie représentative et tempérée à l'anglaise." [8]

 

« [L]a fiscalité de l’Ancien Régime n’était [donc] pas si atroce qu’on le croit, et, à tout prendre, si nous le croyons, des comparaisons avec notre époque devraient nous faire frémir. Mais voyons plutôt les mots de François Hincker, qui nous aide à faire cette comparaison dans son livre sur l’impôt sous l’Ancien Régime : Utilisons un étalon artificiel mais qui a l’avantage d’être parlant. Les 25 millions d’habitants que compte probablement la France ont donc à payer 470 millions d’impôts, soit chacun entre 18 ou 19 livres. À ce moment, le salaire journalier d’un compagnon maçon à Paris se situe à un peu moins d’une livre. Ainsi un salarié moyen travaillerait un peu plus de sept jours pour payer tailles, capitations et vingtièmes, un peu plus de deux pour payer la gabelle, et un peu plus de neuf pour payer les autres impôts indirects. Dix-huit jours de travail : c’était la contribution que la fiscalité française de l’Ancien Régime réclamait au travailleur.

Les salariés français travaillent jusqu'au 26 juillet pour financer les dépenses publiques, Le Figaro, Home ECONOMIE Impôts, Par Marie Visot Mis à jour le 26/07/2013 à 13:20 Publié le 24/07/2013 à 20:05 Source : http://www.lefigaro.fr/impots/2013/07/24/05003-20130724ARTFIG00498-les-salaries-francais-travaillent-jusqu-au-26juillet-pour-financer-les-depenses-publiques.php

Les salariés français travaillent jusqu'au 26 juillet pour financer les dépenses publiques, Le Figaro, Home ECONOMIE Impôts, Par Marie Visot Mis à jour le 26/07/2013 à 13:20 Publié le 24/07/2013 à 20:05 Source : http://www.lefigaro.fr/impots/2013/07/24/05003-20130724ARTFIG00498-les-salaries-francais-travaillent-jusqu-au-26juillet-pour-financer-les-depenses-publiques.php

Qu’en est-il aujourd’hui ? Avec un taux moyen d’imposition de 56,9 % (chiffre 2013), il faut pas moins de 208 jours de travail pour payer en moyenne ses impôts de l’année. De quoi se demander si la Révolution française a servi à améliorer notre condition, et s’il ne serait pas temps d’en produire une nouvelle. » [9] [Voir notre article du 25 juillet 2013 : Les salariés français travaillent jusqu'au 26 juillet, "jour de libération fiscale et sociale", pour financer les dépenses publiques. Ce qui n'est rien d'autre qu'un retour à l'esclavage!]

 

S'agissant de l'ascenseur social, la promotion au mérite, à la vertu et au service rendu était de mise. Chacun des textes d'anoblissement par Louis XIV « comporte un préambule, qui sonne comme un concert de trompettes. Au début des lettres de février 1677, anoblissant Charles Guillot de la Motte, maréchal de camp, trente-six ans de service, se trouve la formule exemplaire suivante :

 

"Comme les récompenses que nous accordons au mérite et à la vertu sont d'autant plus considérables qu'outre qu'elles rendent un témoignage public de notre justice et de la satisfaction que nous avons des services de ceux que nous en gratifions...."

 

... Elle contient, derrière un style quelque peu emphatique, toute la doctrine louis-quatorzienne de l'émulation au service, de la récompense du mérite, des conditions d'accès à l'élite officielle. » [10]

Louis XIV, le créateur de l'école obligatoire

 

« Théoriquement "l'école date de Louis XIV et non de Jules Ferry [11]; à cette réserve près que nombre de paroises n'ont toujours pas leur classe, et que les sanctions prévues par le roi contre les parents non coopératifs restent lettre morte.

Les mesures de Louis XIV en faveur des petites écoles ont cependant porté leurs fruits: dans le diocèse de Montpellier, certains archipresbyérats comptent en 1715 80% de paroisses dotées d'école. Deux doyennés seulement (Cournonterral et Brissac) sont à moins de 60%. » [12]

L'enseignement secondaire est de haut niveau. L'usage du latin, d'un latin parlé comme une langue vivante, et la compétition des grands instituts (jésuites, oratoriens, doctrinaires) - facteur d'émulation - y sont pour beaucoup. Dans les grands collèges, on enseigne les humanités, mais on forme aussi les futurs serviteurs du Roi. Les mathématiques appliquées, l'art des fortifications, l'escrime, l'équitation, la danse, l'héraldique parfois, vous font un gentilhomme préparé à la vie nobles et aux contraintes de l'état militaire.

Les frères des écoles chrétiennes de Jean-Baptiste de la Salle, dont les premières écoles fonctionnent vers 1680, portent à la perfection une pédagogie simplifiée. La Salle déclasse d'autorité le latin. Dans les classes des frères, on apprend d'abord à prier puis à lire en français. Le latin ne fait son apparition que lorsque l'élève prononce et ponctue très bien son français.

L'édit d'avril 1695 et la déclaration du 13 décembre 1698, interviennent, qui portent obligation d'établir au moins une école élémentaire par paroisse. Cette instruction est liée au catéchisme catholique, imposé d'autorité aux enfants des "nouveaux convertis". C'est donc un règlement religieux, et plus précisément antiprotestant, qui fonde l'école généralisée, cent quatre-vingt trois ans avant que Jules Ferry n'impose l'école obligatoire, gratuite et laïque.

La création de l'institution de l'école elle-même remonte à la Réforme carolingienne de Charlemagne.

Louis XIV, Roi-Soleil, Protecteur des Arts

 

Poursuis, Ô Grand Colbert, à vouloir dans la France des Arts que tu régis établir l'excellence.

Molière, cité in François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 232.

Lorsque, vingt ans avant l'installation de sa cour à Versailles, un roi de vingt-trois ans prend un soleil pour emblème, il n'imagine évidemment pas que le surnom ambigu de Roi-Soleil lui sera toujours attaché et toujours reproché.

Loin d'être symbole païen, le soleil royal est d'abord l'image du droit divin, de la délégation divine des pouvoirs.

Fortement amarré au catholicisme de la Contre-Réforme, immunisé contre toute déviation païenne, le thème solaire monarchique n'en annonce pas moins, comme les Mémoires de Louis XIV, ce qu'on appellera cent ans plus tard le despotisme éclairé.

Si le roi ne se prend en aucune façon pour Dieu [13], ses artistes le représentent sous ses vêtements et dans les attitudes que l'on prête aux héros antique ou aux dieux de l'ancien Panthéon. Ici, le souverain Thésée, Hercule ou Persée; là, il est Apollon. ... Encenser le nouvel Apollon, c'est en même temps féliciter Huygens et Cassini, Perrault et Mansart, Le Nôtre et Jean Racine. [14]

Le fameux style français, en général baptisé classique, semble à bien des auteurs n'être qu'un cas particulier de cette obsession de l'ordre qui, vers 1660, après les remous de la Fronde, a saisi presque tout le royaume. C'est un style régulier, sans monotonie, noble sans sécheresse, logique sans abstraction, royal sans inhumanité, humain sans vulgarité, et dont Versailles demeure l'exemple le plus spectaculaire. [15]

Selon l'excellente formule de M. Pierre Verlet,

 

« on s'accordera à penser que Louis XIV, en nous donnant Versailles, a enrichi la France... Les dépenses du Grand Roi ont valu à l'univers un château que personne n'oserait ne pas admirer. » [16]

image: Versailles,_Le_château_de_Versailles_en_1668.jpg

Versailles, Le château de Versailles en 1668

Philippe Erlanger (haut-fonctionnaire et écrivain) a calculé, à savoir qu’en comptant les deux Trianons, sur un demi-siècle, Versailles n’a pas coûté plus cher qu’un porte-avion moderne, qu’il a coûté le prix du déficit de l’exposition universelle de Léon Blum en 1936 ou encore à peu près le prix d’une campagne électorale d’un Président de la République. (Lettre ouverte à Louis XIV. Marie-Françoise Ousset)

 

Louis XIV et l'indépendance économique

 

 

Alors que pendant des siècles l’Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l’Etat de battre monnaie et le privilège exclusif d’en garder le bénéfice, la République démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce privilège à des intérêts privés. Ce n’est pas là le moindre paradoxe de notre époque.

Maurice Allais, Prix Nobel d'Economie in L'impôt sur le capital et la réforme monétaire, p. 187

Le "droit divin" a longtemps été le rempart à l'Oligarchie et aux maîtres de la monnaie. Au "Moyen Âge", le droit canonique de l'Eglise catholique interdisait formellement de prêter de l'argent avec intérêt. Ce concept avait déjà été édicté par Aristote et saint Thomas d'Aquin. L'intérêt était contraire à la raison et à la justice. En accord avec les règles de l'Eglise au "Moyen Âge", l'Europe a interdit les intérêts sur prêts de monnaie et qualifait ce délit d'"usure". Ce délit et cette interdiction "de droit divin" fondait l'économie française jusqu'à la Révolution française où les banques prirent le pouvoir et l'Empire de Napoléon où la Banque dite "de France" fut créée en 1800 sur injonction des banquiers.

 

En comparaison, on sait que de nos jours, nos gouvernants ne sont en général que des hommes de paille derrière lesquels se tiennent les vrais tireurs de ficelles, eux-mêmes manipulés par d’autres personnages occupant des échelons supérieurs:

 

« Il y a dans tout pouvoir démocratique (…) une oligarchie cachée, à la fois contraire à ses principes et indispensable à son fonctionnement », relevait le célèbre historien François Furet dans Penser la Révolution française (p. 241).

 

En 1889, déjà, René de la Tour du Pin écrivait :

 

 « Le siècle actuel porte la marque de l’usure et mérite d’en conserver le nom. » (R. de la Tour du Pin, Vers un Ordre social chrétien, p. 71.)

 

Et dans l'encyclique Quadragesimo Anno (1931), Pie XI avertissait le monde des deux conséquences du pouvoir discrétionnaire des maîtres de l’argent sur l’économie :
 

- la « déchéance du pouvoir politique (…) tombé au rang d’esclave et devenu le docile instrument (…) de toutes les ambitions de l’intérêt ».

- l’ « internationalisme ou impérialisme international de l’argent, funeste et exécrable, pour lequel là où est la fortune, là est la patrie ».

 

Cette double caractéristique des temps modernes (développement de l’usure, domination de l’économie et de la politique par la dette et donc les puissances d'argent) a été reconnue aussi bien par des hommes de finance et des hommes politiques que par des doctrinaires de ces deux disciplines. Elle tranche avec la saine pratique dite pourtant de "droit divin" qui, précisément, évitait de soumettre le politique à l'Argent..

Louis le Grand, Roi conquérant, roi guerrier

Un prince a autant besoin de conquérir les coeurs de ses sujets que les villes

Furetière

Nous devons considérer le bien de nos sujets bien plus que le nôtre propre.

Louis XIV

Si le royaume de Louis XIV est déjà - notamment grâce à Henri IV, Richelieu, Mazarin - beaucoup plus homogène, plus uni, mieux gouvernable que les autres pays européns, il n'est, bien entendu, ni étatisé, ni vraiment encore centralisé. Nos pères ne l'auraient pas supporté. Le roi ne l'a pas véritablement voulu. Ses intendants y eussent perdu beaucoup de leur pouvoir. [17]

 

« Le même roi Louis XIV, qui n'a jamais dit : "L'Etat, c'est moi", a écrit : "L'intérêt de l'Etat doit marcher le premier" (1679), puis dit, sur son lit d'agonisant : "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours." » [18]

 

De Munster (1645) à Nimègue (1678), le royaume s'est agrandi, provisoirement (le Trournaisis, la Lorraine, Philippsbourg, Brisach, Pignerol) ou définitivement (Artois, Alsace, Flandre, Franche-Comté, Hainaut français, Roussilon)

 

Nouvelle-France sous Louis XIV

Nouvelle-France sous Louis XIV

Outre-Mer, Louis XIV dirige la Nouvelle-France, ce territoire aujourd'hui devenu anglo-saxon aux Etats-Unis : Canada, Louisiane.

L'explorateur Samuel de Champlain (1567-1635) poursuit la cartographie de l'Amérique du Nord que Jacques Cartier (1491-1557) avait explorée et cartographiée le premier, baptisant le vaste territoire du Golfe du Saint Laurent le Canada. Il fut le premier à naviguer sur les Grands Lacs. Etablissant des relations de confiance avec les Hurons, les Montagnais et Algonquins, il fut le Père de la "Nouvelle-France", le fondateur de la ville de Québec.

René-Robert Cavelier de la Salle (1643-1687) descendit le Mississipi en 1682, du Lac Michigan jusqu'au Golfe du Mexique..., découvrant ainsi tous les territoires situés entre la vallée du Saint-Laurent et le delta du Mississipi, nommant cet immense territoire "Louisiane" en l'honneur du Roi de France Louis XIV.

Depuis notre plus tendre enfance, on interdit aux francophones de se souvenir que la découverte des grands espaces, les aventures et les grands exploits ont été aussi réalisés en français.

Charles-Xavier DURAND, "La Nouvelle Guerre contre l'intelligence III. Un nouveau Programme pour la conscience", éditions François-Xavier de Guibert (2002)

Le roi recherche l'unité. De cette unité, la religion catholique est alors le ciment. La fierté d'être devenu Français reste un phénomène rare. [19]

 

"Les guerres de Louis XIV ont coûté cinq cent mille hommes. Elles ont rapporté dix provinces et un empire. Celles de la Révolution et de l'Empire feront tuer, du seul côté français, quelque quinze cent mille soldats sans modifier véritablement nos frontières. ... Entre 1914 et 1917, nous échangerons douze cent mille soldats tués contre un nombre égal d'Alsaciens et de Lorrains. Ces comparaisons sont cruelles; mais sans elles on ne saurait juger équitablement l'actif et le passif du Grand siècle." [20]

 

A sa mort, Louis XIV laisse une France agrandie : La France de 1715 est plus grande, plus forte : avant la révolution aucun pays étranger ne s’enhardira à l’envahir. Voici les acquisitions définitives :

Lorraine avec ses trois évêchés Metz, Toul, Verdun. 1648

Alsace 1648-1681-1697

Roussillon 1659

Cerdagne 1659

Franche-Comté 1674-1678

Artois 1659

Dunkerque 1662

Flandre wallonne avec Lille 1668

Principauté d’Orange (1713)

Comté de Nice (1713)

 

En dépit des concessions faites à Utrecht (1713), la France détient outre-mer la Nouvelle-France, un domaine beaucoup plus vaste que l’ensemble des possessions coloniales anglaises à la même époque. Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, est reconnu roi d'Espagne. Il sera à l'origine de l'actuelle monarchie espagnole des Bourbons d'Espagne dont un des représentants, le duc d'Anjou, Louis Alphonse de Bourbon, chef de la Maison aînée des Bourbons, est le permier successible à la couronne de France

 

A quelque distance la France possède ou commence de posséder deux escales importantes sur la route de l’extrême-Orient : les Mascareignes – île Bourbon (1649) et île de France (1715) – facilitent la liaison avec les Indes orientales ; là s’activent nos premiers comptoirs : Pondichéry (1660-1697), Chandernagor, Mazulipatam, Calicut (1701).

 

Napoléon Bonaparte visitant un jour le tombeau de Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville, — alors propriété du comte Stanislas de Girardin, qui rapporte la chose dans son Journal et Souvenirs [21], fit soudain cette remarque :

 

Napoleon-copie-3.jpg« Il aurait mieux valu, pour le repos de la France, que cet homme-là [Jean-Jacques Rousseau Ndlr.] n'eût jamais existé.

 

— Et pourquoi, citoyen consul ? lui dis-je.

 

— C'est lui qui a préparé la Révolution française.

 

— Je croyais, citoyen consul, que ce n'était pas à vous à vous plaindre de la Révolution.

 

— Eh bien, répliqua-t-il, l'avenir apprendra s'il n'eût pas mieux valu, pour le repos de la terre, que ni Rousseau ni moi n'eussions jamais existé.

 

...Et il reprit d'un air rêveur sa promenade. »

 

Comme une chandelle qui s'éteint

 

« La gangrène continuait sa progression inexorable. Fallait-il amputer ? Le roi consentant, mais il était bien tard.

 

"Mareschal, n'avez-vous pas là des rasoirs ? Coupez! Et ne craignez rien." Les chirurgiens venus de Paris avaient les larmes aux yeux.

"Me sauvera-t-on la vie? demanda Louis.

"Il y a peu d'apparence", soupira Mareschal.

"Eh bien, il est inutile que vous me fassiez souffrir!" Il préférait mourir en repos.

 

Pénétré de l'imminence de sa fin, se détachant sans regret du néant de toute grandeur humaine, Louis XIV témoigna dans les trois derniers jours la plus parfaite humilité, offrant au Rédempteur ses souffrances, en expiation, disait-il, de ses péchés, dans l'unique espérance de la miséricorde divine.

Le samedi 31 août, vers onze heures, on récita la prière des agonisants. Mêlant sa voix à celles des prêtres et des moines, Louis, visage livide et yeux fermés, répéta plusieurs fois les paroles de l'Ave Maria : Nuc et in hora mortis ("Maintenant et à l'heure de notre mort"). La vie se retirait lentement.

 

"Ô mon Dieu, venez à mon aide, âtez-vous de me secourir!" Telles furent ses dernières paroles.

 

Il entra dans le coma et expira doucement le lendemain, comme une chandelle qui s'éteint.

 

Le 2 septembre, la Parlement de Paris, réuni en séance extraordinaire avec les Princes du Sang, les ducs et pairs, ... proclama Philippe d'Orléans régent de France sans aucune entrave. En remerciement, ces messieurs de la magistrature retrouvaient en plénitude leur droit de remontrance, dont ils firent un détestable usage tout au long du siècle [pour s'opposer à toute réforme d'égalité de l'impôt. Cf. Les révolutions françaises, Sous la Direction de Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1989, chapitre "La pré-Révolution 1788-1789, rédigé par Jean-Marie Harouel. Ndlr.], empêchant, jusqu'à l'explosion finale, la monarchie de se réformer et de se moderniser. Un monde s'achevait, un nouveau commençait à poindre... [22]
 

Le rayonnement de la France de Louis XIV a été bien défini par Victor Hugo :

 

Louis XIV, ce n'est pas le génie dans le maître, mais le génie autour du maître, ce qui fait le roi moindre peut-être, mais le règne plus grand. Quant à moi, qui aime les choses réussies et complètes, j'ai toujours eu une sympathie profonde pour ce brave et magnifique prince si bien né, si bien venu, si bien entouré, roi dès le berceau et roi dans la tombe; vrai monarque dans la plus haute acception du mot... étoile polaire de tout un siècle qui, pendant soixante-douze ans, en a vu tourner majestueusement autour d'elle toutes les constellations.

Victor Hugo cité in F. Funck-Brentano, Louis XIV, Librairie Hachette, Paris 1938, p. 3.

Notes

 

[1] George Michel, L’agonie de Louis XIV, Boulevard Voltaire, 16 août 2015

[2] Présidentielle et législatives de 2012: l'organisation a coûté 604 millios d'euros, Le Parisien, 20 Nov. 2014, 09h54

[3] A comparer avec la manière dont la démocratie était pratiquée au "Moyen Âge" en plein XIIIe siècle chez nous, "dans chaque village" (he oui Attali !...) au plus près des individus et de leur contrôle.

[4] François Bluche, Fayard, Paris 2002, p. 467.

[5] Frantz Funck-Brentano, L'Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 237-238.

[6] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 455.

[7] Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, Collection Tempus, La Flèche 2006, p. 148.

[8] Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, ibid., p. 704-705.

[9] Le « Lien légitimiste » n° 54 en 2013, Comparaisons 1675-2013

[10] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 470.

[11] Jean de Viguerie, L'Institution des enfants, L'éducation en France, XVIe-XVIIIe siècles, Paris 1978, cité in François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 494.

[12] François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire. L'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris 1977, cité in François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 494.

[13] Cela change des socialistes aujourd'hui en France qui prétendent changer même de civilisation avec la loi Taubira établissant le soit-disant "mariage" homosexuel, sans concertation avec les Français ni association.

[14] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 236.

[15] François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, p. 259.

[16] Pierre Verlet, Le Château de Versailles, Paris 1985.

[17] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 476-477.

[18] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 900.

[19] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 484.

[20] François Bluche, Louis XIV, ibid., p. 842.

[21] Revue bleue, 8 mai 1875, p. 1075; et 26 janvier 1878, p. 711.

[22] Le grand coucher du Soleil, 1er septembre 1715, Par Jean-Christian Petitfils in Les Derniers Jours des Rois, Sous la Direction de Patrice Gueniffey, Perrin Le Figaro Histoire, p. 225-226.

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29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 17:47
Oligarques : "400 personnes contrôlent les Etats-Unis" (Lawrence Wilkerson, Ex-responsable US)

L'ancien chef de cabinet de Colin Powell affirme que seuls 0,001% des Américains ont un pouvoir politique réel dans le pays.

La politique des Etats-Unis est définie par un groupe de 400 personnes, dont la fortune dépasse plusieurs milliards de dollars, a annoncé Lawrence Wilkerson, ancien chef de cabinet de l'ex-secrétaire d'Etat Colin Powell, dans une interview accordée à la station de radio lettonne Baltkom.

"Ce sont des oligarques qui contrôlent les processus et gouvernent le pays en coulisses", a-t-il fait remarquer.

"Il s'agit de près de 400 personnes aux Etats-Unis, dont la fortune dépasse plusieurs milliards de dollars. C'est une répartition très injuste, indécente. L'inégalité est énorme. Le pouvoir n'est réellement détenu que par 0,001% de la population US", a ajouté l'ancien chef de cabinet de Colin Powell entre 2002 et 2005l.

Evoquant la politique internationale, Lawrence Wilkerson a souligné que les actions extérieures de Washington ont abouti à des résultats catastrophiques, notamment au Proche-Orient.

"L'intervention de l'armée US en Irak en 2003 a détruit l'équilibre des puissances qui a existé dans le golfe Persique pendant plus de 50 ans. La situation instable d'aujourd'hui est le résultat des actions des Etats-Unis", a-t-il conclu.

 

Source : Ex-responsable US: "400 personnes contrôlent les Etats-Unis", Sputnik,  08:28 29.08.2015(mis à jour 08:29 29.08.2015)

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25 août 2015 2 25 /08 /août /2015 17:30
Louis IX, le roi qui soutint l’œuvre intellectuelle des dominicains

L’Église et la France fêtent le saint roi Louis IX le 25 août. L’année du 800e anniversaire de la naissance des Frères Prêcheurs, un rapprochement historique s’impose : la naissance de saint Louis en 1214, entre l’arrivée des dominicains à Toulouse en 1215 et à Paris en 1217. Les relations entre le roi mendiant et les Frères Prêcheurs furent très étroites. Le roi soutînt en particulier l’œuvre intellectuelle de cette “communauté nouvelle” de l’époque.

 

L’ORDRE des Prêcheurs naît en France à Fanjeaux (1206) puis à Toulouse (1215), et s’installe à Paris en 1217. La vie de saint Louis correspond donc avec le développement de l’Ordre en France, qu’il va contribuer à favoriser, en finançant largement la construction de couvents et d’églises des Prêcheurs, en particulier de 1230 à 1260.

 

À la mort de saint Louis, on compte quelques 100 couvents dominicains, surtout dans les grandes villes, répartis dans les deux Provinces de France et de Provence — saint Louis est d’ailleurs le premier roi de France à régner effectivement sur le Sud de la France actuelle, en particulier sur la région de Carcassonne, berceau de l’Ordre (traité de Melun en 1229).

 

Les Prêcheurs servirent sans réserve les justes ambitions du saint roi, mais Louis, qui compte de nombreux dominicains parmi ses proches, n’est pas en reste, et il favorise l’Ordre à de nombreuses reprises.

Une alliance au coeur de l’Université de Paris

 

Portrait d'Hugues de Saint-Cher par Tommaso da Modena

En implantant leur studium à Paris, qui est alors la ville universitaire la plus importante d’Europe, les frères sont au coeur intellectuel, économique et religieux du royaume.

 

De son côté, saint Louis se réjouit de pouvoir compter sur une élite de prédicateurs et de professeurs pour former la population de sa capitale à la religion et aux bonnes moeurs. Il sait que le prestige de son royaume tient pour une part à l’Université de Paris et aux grands maîtres mendiants qui y enseignent : Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Hugues de Saint-Cher pour les Prêcheurs, Jean de Parme, Alexandre de Halès, Bonaventure pour les Mineurs, entre autres.

 

Le soutien du roi dans la querelle contre les séculiers

 

L’insertion des ordres mendiants dans l’Église et dans l’université surtout ne s’est pas effectuée sans conflit, notamment avec les séculiers. En février 1252, l’université prend la décision que désormais les ordres religieux n’auront droit qu’à une seule chaire par ordre sur les douze possibles. Les dominicains sont directement visés, qui possèdent déjà deux chaires, et révèle la méfiance croissante des séculiers vis-à-vis des ordres mendiants dans le cadre de l’université.

 

Au printemps suivant, éclate une grève universitaire, pour protester contre des sévices infligés par la maréchaussée aux étudiants. Or les ordres mendiants refusent de s’associer à cette grève, ce qui est très mal perçu par les séculiers qui considèrent que c’est un coup de poignard dans le dos, et les mettent au ban de l’université. On fait appel au pape Innocent IV, qui demande la réinsertion des mendiants, mais l’université refuse et publie une encyclique hostile aux mendiants.

 

Pour défendre sa cause, l’université envoie à Rome le maître séculier Guillaume de Saint-Amour, dont l’argumentation se développe en trois points : les ordres mendiants court-circuitent la hiérarchie traditionnelle de l’Église et détournent par leur présence une part des bénéfices normalement afférents au clergé séculier ; au plan universitaire, les frères sont accusés de privilégier leurs constitutions aux statuts de l’université ; enfin et surtout, les ordres mendiants sont accusés d’hérésie, en raison de la mise en circulation d’un opuscule d’un obscur franciscain justifiant l’existence des ordres mendiants par une argumentation d’inspiration joachimite (l’essor des ordres mendiants serait la preuve de l’avènement de l’âge de l’Esprit).

 

Le Pape, probablement ébranlé par le plaidoyer de Guillaume de Saint-Amour, publie la bulle Et sit animarum, où il réduit les privilèges des ordres mendiants (pas dans le cadre universitaire mais ecclésialement). Les frères réagissent par des neuvaines, ce qui a pour effet la mort du Pape dans les quinze jours… Son successeur annule la bulle et exige la réintégration des mendiants dans l’université. Les séculiers, dès lors, sont furieux.

 

Le conflit atteint son paroxysme pendant l’hiver 1256, et passionne l’opinion publique parisienne. Il y a des mouvements de foule, on empêche les étudiants d’aller suivre les cours au Couvent Saint-Jacques, on essaie de tuer à l’arbalète le prieur de Saint-Jacques, au point que le roi Louis est obligé d’envoyer la troupe pour protéger les frères. C’est le moment choisi par Guillaume de Saint-Amour pour publier son Du péril des temps derniers.

 

Une théologie de la vie religieuse

 

Son argumentation est simple : les ordres mendiants n’entrent dans aucune des deux catégories traditionnelles de clercs que sont les curés et les moines ; pour autant, ils ressemblent davantage à des moines, et dans ce sens ne doivent pas enseigner (dolere non docere) ; il estime également que le pape n’a pas juridiction pour imposer aux Églises locales d’autoriser l’enseignement des mendiants ; de même, la mendicité est indigne des moines, qui doivent gagner leur pain par le travail manuel. En réponse, Bonaventure publie en 1956 un traité De perfectione vita evangelica, puis Thomas publie son Contra impugnantes. S’esquisse là les débuts d’une théologie de la vie religieuse.

 

Ce qui intéresse directement notre sujet, c’est le rôle de saint Louis, au-delà de la protection armée des frères, et notamment lors de la leçon inaugurale de Thomas d’Aquin. Car lorsqu’en 1256 le pape condamne le De periculis de Guillaume de Saint-Amour, qui est contraint à l’exil, cela tient beaucoup à l’influence de Louis. Son affection pour les ordres mendiants est réelle, mais il est également personnellement concerné : en effet, les prédications enflammées de Guillaume de Saint-Amour s’en prennent aussi au roi Louis en pointant du doigt son entourage de frères mendiants, qualifiés de vagabonds égoïstes empêchant le roi de gouverner et faisant de lui un vagabond également.

 

Dès lors, Louis s’implique fortement en poussant le pape à agir en faveur des frères. Mais cela a été un prétexte de plus pour critiquer la collusion entre le roi de France et les mendiants, désormais appuyée sur des faits incontestables. Rutebeuf notamment, écrit dans sa Complainte de Constantinople (1262) que l’argent récolté pour la croisade ne sert qu’à doter les couvents de mendiants, lesquels ont désormais rang supérieur aux rois, aux prélats, et aux comtes, et que l’humilité prêchée par les Frères ne servait qu’à maintenir le Royaume dans leur entière sujétion.

 

Mécène de l’activité intellectuelle de l’Ordre

 

Le roi Louis a largement contribué au financement de la construction des nombreux couvents dominicains qui fleurissent durant son règne. Les moyens financiers mis au service des frères les ont fait déroger à la volonté de saint Dominique, qui préconisait des églises pauvres (basses, en briques, sans ornements), mais ils ont accepté cette évolution car elle permettait l’accueil de très nombreux fidèles pour venir écouter la prédication des Frères, finalité de l’Ordre.

 

De plus, saint Louis leur confiait régulièrement la responsabilité de sanctuaires importants ou d’églises de centre-ville, qui étaient autant d’opportunités pour l’annonce de l’Évangile [1]. Les couvents de Rouen, Mâcon, Jaffa, Compiègne, Béziers, Carcassonne et Caen ont été financés directement par le roi, de même que les travaux d’agrandissement du couvent Saint-Jacques à Paris. On sait qu’il faisait également livrer des aumônes en nature –des harengs au couvent Saint-Jacques, à en croire Guillaume de Tocco, biographe de saint Thomas d’Aquin-. En échange de tous ces bienfaits, saint Louis demande aux Frères de prier pour lui, et de venir prêcher devant sa cour (même si le prédicateur le plus régulier au Palais fut sans doute Bonaventure).

Description de cette image, également commentée ci-après

Vincent de Beauvais

Mais saint Louis n’a pas favorisé la vie intellectuelle de l’Ordre uniquement en finançant ses murs et sa subsistance. Il y a plus directement contribué en plusieurs occasions, notamment au travers de son amitié avec le frère Vincent de Beauvais (1190-1264). Ce dernier, né à Beauvais vers 1190 et entré dans l’Ordre vers 1218, devint sous-prieur du couvent de Beauvais vers 1225 puis arrive à Paris au couvent Saint-Jacques, où il mourra. Son grand oeuvre, suscité ou encouragé par saint Louis, c’est son encyclopédie universelle. Cela correspond à ce qu’on sait de Louis IX : peu porté sur les subtilités de la théologie spéculative, mais aimant le savoir autant qu’un roi peut le faire, en tant qu’il est utile au salut.

 

Par ailleurs, le projet encyclopédique répond à la fois à une vogue du temps et à l’ambition du roi, qui est de mettre de l’ordre en tout ce qui dépend de lui. Saint Louis s’est d’ailleurs intéressé de près à la rédaction de l’encyclopédie par Vincent de Beauvais et son équipe (principalement des frères de Saint-Jacques, mais aussi des religieux d’autres ordres), finançant les recherches, et intervenant à l’occasion pour que la dynastie capétienne soit présentée sous un jour favorable.

 

De l’argent bien dépensé

 

On sait également par Geoffroy de Beaulieu, confesseur et premier biographe du roi, dominicain, que saint Louis, impressionné par le soin apporté par les Sarrasins à leurs bibliothèques, « conçut de faire transcrire à ses frais, à son retour en France, tous les livres de l’Écriture Sainte, utiles et authentiques, qu’on pourrait trouver dans les bibliothèques de diverses abbayes pour que lui-même et des hommes lettrés ainsi que des religieux ses familiers puissent les étudier pour leur propre utilité et celles de leurs proches. À son retour, il réalisa son dessein et fit construire à cet effet un lieu approprié et bien défendu. Ce fut la salle du trésor de sa Sainte-Chapelle où il rassembla la plupart des originaux d’Augustin, d’Ambroise, de Jérôme, de Grégoire et les livres d’autres auteurs orthodoxes. Quand il en avait le loisir, il aimait y étudier et permettait volontiers aux autres d’y étudier [2] ».

 

Pendant sa vie et surtout après sa mort par son testament, saint Louis lègue une partie de ces livres au couvent de Saint-Jacques.

 

Aux critiques sur l’argent dépensé par Louis pour les ordres mendiants, ce dernier répondait : « Mon Dieu ! Comme je crois cet argent bien dépensé pour tous ces frères si éminents qui du monde entier confluent vers ces couvents parisiens pour étudier la science sacrée et qui, y ayant puisé, s’en retournent dans le monde entier pour la répandre pour l’amour de Dieu et le salut des âmes [3] ! » Cette anecdote, rapportée par Geoffroy de Beaulieu, dit bien l’esprit dans lequel saint Louis a financé la vie intellectuelle de l’Ordre.

 

Fr. Jean-Thomas de Beauregard op, est religieux de la province dominicaine de Toulouse. Extrait d’un article à paraître dans Liberté politique n° 67, automne 2015.

 

[1] Outre le couvent Saint-Jacques et son église, à Paris, on peut mentionner la basilique de Saint-Maximin destinée à accueillir les pèlerins venus se recueillir devant les reliques de Ste Marie-Madeleine. C’est le neveu du roi, Louis d’Anjou, qui fit venir les Frères et finança la construction de la basilique. Saint Louis lui-même y vint en pèlerinage.

[2] Geoffroy de Beaulieu, Vita, p. 15.

[3] Ibid, p. 11. ***

 

 

Source : Louis IX, le roi qui soutînt l’œuvre intellectuelle des dominicains, Liberté politique, Article rédigé par Jean-Thomas de Beauregard, op, le 24 août 2015

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25 août 2015 2 25 /08 /août /2015 14:47
Chanas: Le retour de Napoléon 1er

La commune de Chanas (Isère) prépare une grande journée sous le signe de l’empereur franc-maçon pour les journées du patrimoine en septembre. Le dimanche 20 septembre, le village vivra à l’heure napoléonienne et parmi les manifestations, un flash mob de quadrille - du nom du fleuron des bals impériaux- et mêlant les costumes du XIXe et du XXIe siècles est programmé. En préambule à cette journée, le 12 septembre, la garde impériale de Dijon donnera un concert.

 

Source: Chanas - Le retour de Napoléon Ier, Le Dauphine, Publié le 25/08/2015 à 12:17

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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 12:21
Mexique: découverte d’un mur de crânes humains

Un mur de crânes humains datant de l’Empire aztèque a été mis au jour par des archéologues mexicains près du centre historique de la ville de Mexico, annonce l’Institut national d'anthropologie et d'histoire du Mexique (INAH).

Composé de chaux, de sable et de gravier volcanique, le mur de 34 m de longueur a été découvert à 2 m de profondeur dans la rue Guatemala. Malgré l'état de ruine de l'édifice, la partie centrale abritant des crânes humains disposés en forme de cercle est bien conservée.

Selon Raoul Barreres, le coordinateur du programme archéologique, le mur nommé Tzompantli ("Mur des Crânes") date de la fin du XVe — début XVIe siècle. Certains historiens supposent que le mur faisait partie de l'ancienne capitale de l'empire aztèque, Tenochtitlan, détruite par les conquistadors espagnols sous les ordres d'Hernán Cortés.

A présent, les archéologues en charge des fouilles ont déjà retrouvé 35 crânes appartenant pour la plupart à des hommes. Quant à leur origine, les chercheurs émettent l'hypothèse que ces crânes humains sont ceux des prisonniers de guerre sacrifiés.

Originellement vers l'an 1200 après J.C., les aztèques exposaient sur des murs, à la vue des habitants de la cité, les têtes des prisonniers et des victimes des sacrifices, une série de pieux pointus sur lesquels on embrochait les têtes sanglantes des ennemis. Enfilées les unes à côté des autres sur de longues traverses en bois, elles se décomposaient à l'air libre.

Source: Mexique: découverte d’un mur de crânes humains, Sputnik,11:04 21.08.2015

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14 août 2015 5 14 /08 /août /2015 18:29
En Auvergne, des archéologues font une découverte majeure sur les Gaulois

Ce genre de découverte archéologique montrant une économie gauloise évoluée n'est pas de trop pour tordre le cou aux derniers fantasmes sur les rustres Gaulois chasseurs de sangliers au casque à corne civilisés par les Romains:

 

"C'est le plus gros ensemble jamais trouvé en France et une découverte majeure pour la compréhension du mode de fonctionnement de l'économie gauloise, qui n'est pas du tout rudimentaire comme on pouvait le supposer il y a une centaine d'années", a déclaré Matthieu Poux, professeur d'archéologie à l'université Lyon-2 et responsable des fouilles, confirmant une information du Monde.
Longtemps considérés par les historiens comme un peuple plus ou moins barbare, notamment en raison de la vision qu'en avait les Romains, les Gaulois bénéficiaient en réalité d'une économie très évoluée. C'est ce que vient appuyer cette découverte, comme le souligne Matthieu Poux:
"C'est une économie qui dégage des surplus, que l'on stocke et que l'on échange. Il y a un circuit de stockage et de redistribution des ressources et ce genre de découverte nous permet de faire des bonds de géant dans la compréhension de ces mécanismes".  [1]

En décidant d’aller creuser le sous-sol du Lac-du-Puy, l’équipe de chercheurs du chantier de fouilles archéologiques de Corent, dans le Puy-de-Dôme, s’attendait à quelque découverte, sans savoir de quelle nature. Le choix ne doit rien au hasard : cette dépression humide – un ancien étang de taille moyenne – se situe à 300 mètres à peine du site de Corent. Là se dressait très probablement la capitale des Arvernes, une grande cité gauloise qui occupait une colline au bord de l’Allier, à huit kilomètres du champ de bataille de la fameuse Gergovie.

"On a immédiatement vu se dessiner des ronds de terre, espacés d’un mètre de façon très homogène, témoigne Matthieu Poux, professeur à l’université Lyon-II et responsable des fouilles de Corent. On en a coupé un ou deux à la pelle mécanique, ce qui a fait apparaître la forme évasée caractéristique d’un silo à récoltes, puis un autre et un autre encore. Sur moins de 10 % de la superficie du lac, nous en avons déjà trouvé 125. C’est colossal."

Selon les estimations que Le Monde dévoile jeudi 13 août, le site pourrait compter un millier de silos environ (entre 600 et 1 500), de profondeurs variables, mais implantés régulièrement dans un sol argileux. D’un volume d’à peu près un mètre cube, chacun avait la capacité de stocker de 500 kilos à 1,5 tonne de céréales : de quoi conserver durablement des centaines de tonnes de grains à la fois. Un tel aménagement représente un imposant chantier de génie civil pour des Gaulois ayant vécu à l’âge de fer. « Sous chaque silo, on observe un creusement comme si on avait réalisé un petit puits de forage pour vérifier que la couche d’argile était suffisante », précise Matthieu Poux.

Les archéologues savent que cette installation ne servait déjà plus à l’époque romaine. Elle avait été comblée et recouverte : des débris de céramiques en surface en attestent. Mais ils ne peuvent dater cette découverte avec plus de précision pour l’heure.

"Les fosses ont pu être creusées au début de l’âge de fer, entre 750 et 450 avant J.-C. ou bien entre 150 et 50, lorsque l’agglomération de Corent occupait tout ce plateau de 50 hectares, y compris le centre de stockage donc, ou encore entre les deux", expose M. Poux. [2]

La découverte témoigne du caractère particulièrement avancé de la société gauloise avant sa conquête par les légions romaines. C'est une découverte de taille sur les Gaulois, et qui vient écorner un peu plus l'image surannée du guerrier brutal et rustre. [...] Une trouvaille inédite, et qui invite à repenser la complexité et l'efficacité de l'économie gauloise, ainsi que le révèle Le Monde. Fouillé depuis 2001, le site est déjà bien connu des chercheurs ; plusieurs siècles avant notre ère s'y dressait une importante agglomération occupée par les Arvernes, une puissante confédération de tribus parmi la soixantaine de peuplades qui occupaient la Gaule avant la conquête romaine en -52 avant Jésus-Christ.

«Une telle découverte était totalement inattendue», s'enthousiasme auprès du Figaro Matthieu Poux. «Les grains de pollen conservés dans cette cuvette peuvent apporter des indices précieux sur les environnements anciens», explique Matthieu Poux. Mais très vite, les chercheurs tombent sur une série de cercles de terre colorée, indiquant que le lac était déjà vide à l'époque du fer, et surtout que son sol a été creusé par l'homme. «En coupant ces ronds à la pelle, on s'est rendu compte qu'il s'agissait de silos creusés dans le sol», explique Matthieu Poux. Au total, 125 cavités de ce type, disposées très régulièrement dans une terre argileuse, et pouvant contenir entre 200 kg et plus d'une tonne de céréales, ont été dégagées. «Mais il pourrait y en avoir entre 600 et 1500», relève l'archéologue qui salue également l'ingéniosité des Gaulois: «Les silos se resserrent vers le haut, sans doute pour faciliter leur fermeture et limiter les infiltrations. Avec la fermentation, l'oxygène restant est rapidement consommé. C'est le principe du Tupperware!». [3]

Pour l'archéologue, le principe de ces silos est "ingénieux": "creusées dans un sol argileux, pratiquement imperméable à l'eau et à l'air, les fosses étaient remplies à ras bord de blé, orge ou seigle, puis obturées hermétiquement". Chacune pouvait contenir "entre un quintal et une tonne de céréales", portant la capacité du site "à plusieurs centaines de tonnes".

Un ingénieux système d'"emballage sous vide".

Ce système d'"emballage sous vide" permettait de conserver les céréales "plusieurs mois, voire plusieurs années". "Elles ont peut-être été stockées là pour soutenir un siège ou à proximité d'une grande place de marché ou alors c'était un surplus exceptionnel", a estimé M. Poux. Les parois des silos étaient recouvertes d'une couche de charbon montrant que ces installations ont été stérilisées au feu, "afin d'être utilisés plusieurs fois". [4]

 

Sources :

 

[1] Archéologie: une centaine de silos à grains gaulois découverts en Auvergne, LEXPRESS.fr avec AFP , publié le 14/08/2015 à 09:28 , mis à jour à 10:40

[2] Découverte d’un méga-site gaulois de silos à grains en Auvergne, LE MONDE | 13.08.2015 à 06h44 • Mis à jour le 13.08.2015 à 14h14 |

[3] En Auvergne, des archéologues font une découverte majeure sur les Gaulois, Le Figaro, Par Romain David Mis à jour le 14/08/2015 à 18:46 Publié le 14/08/2015 à 17:45

[4] Auvergne: découverte d'un important site archéologique gaulois, BfmTv, 14/08/2015 à 10h53

 

 

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13 août 2015 4 13 /08 /août /2015 13:17

Imprégnée de Jean-Jacques Rousseau et du libéralisme, [...] la loi Le Chapelier [...] interdit, pour quasiment la totalité du siècle suivant, toute manifestation, toute grève et toute constitution de syndicats. [...] La loi va provoquer [...] une aggravation importante des inégalités et l’isolement définitif d’un ouvrier rendu, par la loi, incapable de défendre ses droits.


Loi Le Chapelier, loi liberticide

Au XVIIIème siècle, l’économie politique triomphe. Soudainement focalisés sur les questions de la productivité et du calcul, un certain nombre d’esprits enclenchent le processus qui conduira au « désenchantement du monde[1] ». Le libéralisme est à l’œuvre et avec lui son corollaire obligé, le libre-échangisme : désormais, c’est le marché, et lui-seul, qui doit dicter sa loi issue de la seule rencontre de l’offre et de la demande dans un contexte général de concurrence favorisée. Car c’est de la fameuse « main invisible » que, désormais, découleront les orientations des comportements. Jean-Jacques Rousseau prône ainsi l’initiative individuelle, le marché et la propriété privée ; Diderot, la division du travail dans les manufactures. Pour Turgot, l’artisanat est en déclin et la modernisation de l’économie passe par le développement de grandes entreprises et de l’emploi ouvrier ; la société industrielle moderne n’est plus qu’entrepreneurs et ouvriers : « toute entreprise de trafic ou d’industrie exige le concours de deux espèces d’hommes ; d’entrepreneurs qui font les avances des matières premières, des ustensiles nécessaires à chaque commerce ; et de simples ouvriers qui travaillent pour le compte des premiers, moyennant un salaire convenu. Telle est la véritable origine de la distinction entre les entrepreneurs ou maîtres et les ouvriers ou compagnons, laquelle est fondée sur la nature des choses[2] ». Et la grande entreprise revendique la liberté d’entreprendre. Influencés par ce libéralisme du siècle des lumières, les révolutionnaires de 1789 veulent rompre définitivement avec l’Ancien Régime. Cette volonté va se traduire, d’une part, par le décret d’Allarde des 2-17 mars 1791 qui supprime les corporations en vue de faciliter la concurrence et permettre aux ouvriers de créer leur propre entreprise. Les privilèges attribués à une profession doivent, en effet, disparaître car ils entravent la liberté d’entreprendre. Et, d’autre part, par son prolongement, la loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791.

 

 

 

Dès le début de la révolution, les coalitions ouvrières, associations occasionnelles de défense des droits, manifestent de manière de plus en plus virulente pour obtenir des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. Les charpentiers, surtout, réclament un salaire journalier minimum. Ils ont élaboré une sorte de contrat collectif et demandent à la municipalité de Paris de le faire accepter par leurs employeurs. La municipalité refuse et réclame l’intervention de l’assemblée constituante. C’est dans ce climat agité que le 14 juin 1791 s’engagent, devant cette même asssemblée, les débats qui précèderont l’adoption de la loi dite Le Chapelier, du nom de son rapporteur, avocat Rennais au parlement de Bretagne puis député aux États généraux de 1789, présidant l'assemblée lors de la nuit du 4 août. « Il n’y a plus de corporation dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général[3]». Ainsi en décide la loi les 14-17 juin 1791. Désormais, en France, les assemblées professionnelles sont interdites. Proscrivant le régime général d'exercice collectif des métiers ouvriers (les corporations), ainsi que toutes les réglementations sociales particulières, et par conséquent le régime de dérogation des manufactures privilégiées, cette loi réduit à néant les corps et communautés de métiers, laissant la place à l’individualisme et la cristallisation des rapports sociaux en un affrontement entre les ouvriers et leurs patrons, affrontement qui tournera de façon dramatique, à l’avantage des seconds. Inspirée par Rousseau et le libéralisme, la loi Le Chapelier détruit des libertés fondamentales entraînant des effets désastreux. Conduisant à son abrogation, ces effets, plus d’un siècle après, n’ont, cependant, pas complètement disparu.

 

I Les motifs d’une loi « révolutionnaire » au contenu liberticide

 

Imprégnée de Jean-Jacques Rousseau et du libéralisme, la loi Le Chapelier présente le paradoxe suivant que de provoquer la destruction de libertés fondamentales.

 

A/ Une inspiration Rousseauiste et libérale

 

Rejetant les corps intermédiaires, pourtant chers à Montesquieu, et se situant dans le droit fil de la nuit du 4 août 1789, la loi affirme en son préambule qu'il « n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de coopération ». Très fortement inspirée de Rousseau, la loi reprend d’ailleurs des passages entiers du Contrat social dans l'exposé de ses motifs. Toute coalition doit être perçue comme une déformation et, dans certains cas, une perversion de la volonté générale qui ne doit rencontrer aucun obstacle sur sa route. Entre le citoyen et l’Etat, rien n’existe ! Car, dès lors qu’il existe des corps intermédiaires, ceux-ci constituent autant de coins enfoncés dans l’indivisible association volontaire que représente la Nation. Seul compte l’intérêt général auprès duquel les intérêts particuliers ne doivent prospérer. En effet, « quand le peuple suffisamment informé délibère, les citoyens n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la délibération serait toujours bonne[4] » écrit J-J. Rousseau. « Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l'Etat : on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d’hommes ; mais seulement autant que d'associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général. Enfin, quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les autres, vous n'avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique ; alors il n'y a plus de volonté générale, et l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier[5]». Il importe, pour bien obtenir l'énoncé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de société partielle dans l'Etat et que chaque citoyen n'opine que d'après lui. Pour garantir la défense des droits des citoyens, il faut donc briser les liens qui les unissent les uns aux autres. Par conséquent, il faut anéantir les associations. Car l’Etat est la seule association possible et, en tant que tel, l’Etat ne doit permettre la constitution d’aucun autre groupement que lui-même. Dès lors, il est indispensable d’empêcher les ouvriers de se regrouper pour mieux défendre leurs intérêts et cela peut être obtenu en abolissant purement et simplement le droit d’association des travailleurs. Au final, l’essence de cette loi est bien liberticide. Et que l’on ne vienne pas arguer des nécessités du temps, de la présence d’un mouvement contre-révolutionnaire ou d’un autre motif plus ou moins louable d’apparence, il n’est pas, il ne peut pas être dans l’essence d’une loi de détruire une liberté. C’est pourtant ce que fait la loi Le Chapelier qui piétine la liberté d’association, liberté publique s’il en est, droit de l’homme par excellence pourtant affirmé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aujourd’hui constitutionnellement garantie.

 

B/ Un contenu liberticide

 

La loi Le Chapelier n’a, ni plus ni moins, pour but de détruire la constitution française (Art. 1). D’emblée, apparaît l’esprit de la loi qui est celui de «table rase », propre aux révolutionnaires français, pourtant soigneusement vilipendé par la suite par un Portalis, chargé par un Bonaparte devenu Napoléon d’écrire un corps de lois civiles appelées à devenir la constitution d’une France qu’il fallait reconstruire après la dévastation des guerres internes et extérieures qui l’a meurtrirent. Il faut tout détruire, tout faire disparaître, ne rien laisser subsister dans la démesure d’une obsession de « néantisation » du passé, de régénération du présent. Le changement est à l’excès, l’esprit révolutionnaire à l’emballement. Les chevaux ont reçu le fouet au sang et le fiacre est lancé dans une course folle dont à ce moment-là, plus rien ne peut l’arrêter. Et comme les corporations sont présentées comme étant « une des bases fondamentales la constitution française » maintenant à abattre, il faut, naturellement, les anéantir également. La loi est donc radicale dans son contenu : il s’agit de faire disparaître «toutes espèces de corporations des citoyens du même état ou profession » (Art. 1 de la loi), d’interdire de défendre leurs « intérêts communs » que la loi qualifie d’ailleurs de « prétendus » tant elle s’en défie (Art. 2). Et d’ailleurs, au-delà, l’expression même de ces intérêts devient interdite, car nulle et irrecevable par les autorités de la république. Ainsi, « il est interdit à tous les corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou pétition pour la dénomination d'un état ou profession, d'y faire aucune réponse ; et il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette manière, et de veiller soigneusement à ce qu'il ne leur soit donné aucune suite ni exécution ».( Art. 3.). De même, les citoyens d'un même état ou d’une même profession, les entrepreneurs, les ouvriers et compagnon ne pourront « se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements » en la matière » (Art. 2).

 

Quel motif justifie donc une interdiction aussi violente ? L’instauration du libéralisme économique, bien sûr, libéralisme qui, seul, est conforme à cette nouvelle constitution que les révolutionnaires entendent vouloir pour la France. Et c’est au nom des principes de liberté et de la constitution que sont déclarées « inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l'homme » et, par voie de conséquence, « nulles », les délibérations des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers, les délibérations, ou les conventions « tendant à n'accorder qu'à un prix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux » (Art. 4). Tout cela paraît parfaitement logique, la lutte contre les monopoles et les ententes semblant justifier parfaitement que les corporations ne puissent plus demeurer le réceptacle de ces pratiques anticoncurrentielles. Et pour s’assurer qu’elle soit bien respectée, la loi prévoit un impressionnant dispositif coercitif. Les corporations étant interdites, il sera, de même, « défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit » (Art. 1). Toutes les délibérations, les conventions des citoyens relatives aux prix sont nulles et « les corps administratifs et municipaux seront tenus de les déclarer telles ». Les auteurs, chefs et instigateurs, qui les auront provoquées, rédigées ou présidées, seront cités devant le tribunal de police, à la requête du procureur de la commune, condamnés chacun à une peine de 500 livres d'amende ainsi que d’une suspension pendant un an de l'exercice de tous leurs droits et de l’interdiction d’entrée dans toutes les assemblées primaires (Art. 4). Ils sont aussi écartés de tous les ouvrages publics et tous les corps administratifs et municipaux devront faire respecter cette interdiction « à peine par leurs membres d'en répondre en leur propre nom » (Art. 5). Les sanctions s’aggravent en cas de revendication par affichage. Les peines sont alors d’une amende de 1000 livres et de trois mois de prison (Art. 6). Les menaces ou violences contre les ouvriers usant de la liberté accordée par les lois constitutionnelles au travail et à l'industrie, sont qualifiés de crimes et sont punis « suivant la rigueur des lois, comme perturbateurs du repos public » (Art. 7). Et pour finir les attroupements que la loi qualifie, d’ailleurs, de séditieux risquent la dispersion par la force, leurs auteurs étant punis avec toute la rigueur de la loi et les émeutiers qui sont qualifiées de criminels, sont condamnés comme « perturbateurs du repos public » (Art 7 et 8). Désormais seront donc proscrits toutes les organisations ouvrières, notamment les corporations des métiers, les associations ouvrières, le compagnonnage mais également les rassemblements paysans et les pétitions au nom d’une profession, les délibérations destinées à fixer les prix ou les salaires, le tout sous peine de sanctions particulièrement lourdes pour des individus qui, dans leur quotidien, trouvent à peine de quoi vivre. En somme, la loi Le Chapelier interdit le rétablissement des corporations, interdit les associations professionnelles et la formation de coalitions ; elle interdit, pour quasiment la totalité du siècle suivant, toute manifestation, toute grève et toute constitution de syndicats. Elle supprime le droit de coalition pour le remplacer par un délit du même nom, gravement sanctionné. Mais ignorante des réalités du monde du travail et à l’opposé de ses objectifs annoncés, la loi va provoquer, au contraire, une aggravation importante des inégalités et l’isolement définitif d’un ouvrier rendu, par la loi, incapable de défendre ses droits. Et ses effets en seront désastreux.

 

II Les effets désastreux d’une loi aujourd’hui abolie

 

A/ la destruction de l’apprentissage et de la formation

 

Avant la révolution, la formation est prise en charge par les corporations. Avec la disparition des corporations du fait de la loi Le Chapelier, disparaît aussi la formation. Contrairement à bon nombre de pays européen, la république décide de séparer l’entreprise et l’enseignement technique. Privant les enfants et les adolescents de la protection que leur accordaient les statuts issus des corporations, ceux-ci se retrouvent isolés, face à un employeur qui n’est plus préoccupé que par son intérêt et celui de son entreprise et peut se retrouver aveuglé. Dans ce contexte, l’apprentissage n’est plus régi que par un contrat individuel conclu entre l’apprenti et son maître d’apprentissage. Les résultats en seront dévastateurs et la situation dégénèrera en une crise de l’apprentissage qui perdure encore aujourd’hui. En clair, la loi Le Chapelier et le décret d’Allarde, en supprimant les corporations, provoquent la remise en cause de l’apprentissage qui ne cessera de se dégrader tout au long du XIXème siècle, laissant place à l’esclavage des enfants jusque dans les années 1880. Le contrat d’apprentissage a disparu et ne réapparaîtra qu’en 1851 avec la première loi sur l’apprentissage, et encore, de manière balbutiante. Ce n’est qu’avec la loi du 4 juillet 1919, dite loi Placide Astier, que l’apprentissage s’organisera véritablement avec plus de 40 000 apprentis.

 

Quant à la formation et en dépit des incantations de Condorcet[6], le droit à la formation sera absent pendant toute la première moitié du XIXème siècle. Limitée à quelques initiatives (1815, classes d’adultes de Guizot ; 1819, création du C.N.A.M. ; 1825, création d’un cours de géométrie et de mécanique à destination des chefs et sous-chefs d’ateliers ; 1831, apparition de cours d’adultes dans les mairies de Paris), la formation a presque totalement disparu. Pourtant, au XIXème siècle, les innovations techniques sont majeures et entraînent des bouleversements dans l’organisation et les techniques de travail. Le chemin de fer apparaît puis l’industrie chimique, gazière, la production pétrolière et, plus tard, la construction automobile. Dans ces conditions, l’adaptation des ouvriers à l’évolution de leur travail est indispensable et urgente. Elle est pourtant inexistante. La spécialisation est absente, la qualification demeure faible, la dépendance à l’égard de la machine est totale. La sécurité se dégrade considérablement : l’usine est insalubre, la machine dangereuse, les produits toxiques, les ouvriers livrés à eux-mêmes. Les maladies et accidents professionnels se multiplient. Et parallèlement, la santé est au travail est complètement négligée, passée sous silence, peu étudiée, reléguée au néant par la question devenue centrale de la productivité. Dès sa création en 1802, le Conseil de salubrité de Paris témoigne d’une infernale indifférence à l’égard des affections qui frappent les ouvriers. Dans ces conditions, nulle information, ni encore moins prévention. L’ouvrier est aux prises avec des conditions de travail dont, la plupart du temps, il est soigneusement tenu dans l’ignorance de la dangerosité ; notamment dans la chapellerie, la dorure sur métaux tellement exposée aux ravages du mercure ou encore dans l’industrie de la céruse accusée de provoquer la sinistre colique du plomb. Le primat de la productivité à court terme, l’intérêt pour le développement économique et ses formidables promesses d’enrichissement mais aussi la méfiance à l’égard des dires des ouvriers et le mépris ou l’indifférence à leur endroit l’emportent. Et si la mauvaise santé des ouvriers, que l’on finit par ne plus pouvoir ignorer, finit par être abordée, c’est sous l’angle seulement de ses causes sociales et non professionnelles[7]. Devant cette dégradation constante des conditions de travail, il faudra attendre la loi du 8 novembre 1892 pour voir érigées des mesures en matière de sécurité au sein des établissements faisant travailler des femmes et des enfants et celle, fameuse, du 9 avril 1898 portant sur la responsabilité des employeurs dans les accidents du travail liés à la multiplication des machines ainsi qu’à la concentration des hommes dans des locaux inadaptés. La théorie des risques bâtie par les juristes de droit civil est une réponse bien tardive à l’exploitation dangereuse de la force de travail des hommes et en tout cas, toujours pas de nature à empêcher Coupeau, distrait par sa fille Nana, de tomber de son toit sous les yeux de son épouse Gervaise en invoquant Dieu d’une voix étouffée[8]…

 

B/ La condition terrible des ouvriers

 

Supprimant toutes les communautés d'exercice collectif des professions, la loi Le Chapelier a pour effet de détruire les guildes, corporations et groupements d'intérêts particuliers, mais aussi, du même coup, les usages et coutumes de ces corps. A la suite de la mise en place massive d’un prolétariat industriel, caractéristique de l’évolution sociale du XIXème siècle, les rapports entre les patrons et les ouvriers sont profondément modifiés. Le contrat qui unit l’employeur au salarié ne connaît aucune définition légale et, devenu tout-puissant, le patron peut alors, s’il l’entend, opprimer l’ouvrier et cela d’autant plus facilement que ce dernier est isolé par une loi qui le prive de toute capacité d’action et de réaction pour faire entendre ses revendications et se défendre. Au lieu d’atténuer les effets de la révolution industrielle, la loi va, au contraire, en augmenter les effets, dévastateurs en matière sociale. Aggravant la loi martiale, la loi Le Chapelier criminalise le mouvement ouvrier, livré maintenant à l’oppression croissante d’un certain patronat.

 

Rencontrant une opposition grandissante, la loi soulèvera, certes, la désapprobation de l’opinion mais aucunement celle des membres à l’Assemblée, trompée d’emblée par l’argumentaire de Le Chapelier ; celui-ci n’hésitera pas, en effet, à présenter les mouvements ouvriers luttant contre l’augmentation du prix de la journée pour tous dans une même branche professionnelle comme animés de la volonté de restaurer les corporations ; constituant, dès lors, autant de menaces pour l’ordre public, tout droit d’action sociale devait leur être enlevé : "plusieurs personnes ont cherché à reconstituer les corporations anéanties ainsi parle Le Chapelier, en formant des assemblées d'arts et de métiers (...). Le but de ces assemblées (...) est de forcer les entrepreneurs de travaux, les ci-devant maîtres, à augmenter le prix de la journée de travail, d'empêcher les ouvriers et les particuliers qui les occupent dans leurs ateliers de faire entre eux des conventions à l'amiable, de leur faire signer sur des registres l'obligation de se soumettre au taux de la journée de travail fixé par ces assemblées et autres règlements qu'elles se permettent de faire. On emploie même la violence pour faire exécuter ces règlements : on force les ouvriers de quitter leurs boutiques, alors même qu'ils sont contents du salaire qu'ils reçoivent. Il n'y a plus de corporations dans l'Etat, conclut-il, il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation". Dès la naissance, le débat est faussé et la cause est acquise sans résistance. Seule une question, celle de Gaultier-Biauzat, viendra troubler cette tacite unanimité : « je pense que ce projet est de trop haute importance pour qu’il puisse être adopté à l’instant même, et je crois convenable que l’Assemblée se donne le temps de la réflexion...un simple renvoi à la séance de demain. Par exemple, à la simple lecture qui vient d’être faite du décret, j’ai cru entrevoir quelques discordances entre l’article qui interdit des assemblées de personnes qui se trouveraient avoir la même profession et les décrets constitutionnels sur la liberté de tenir des assemblées. Sans doute, les individus de même profession ne doivent jamais se coaliser ; mais s’ils se rencontrent en société (...) Je désirerai qu’on ne porte pas atteinte à la liberté qu’on a de s’assembler quelquefois. » Question à laquelle Le Chapelier coupera court immédiatement, toujours au prétexte tronqué de l’urgence et du danger : « il serait très imprudent d’ajourner le projet de décret que nous vous présentons, car la fermentation est aussi grande dans les villes de province qu’à Paris, et il est très important qu’il soit très rapidement adopté. Je crois que nous ne pouvons pas mettre trop de célérité pour éclairer les citoyens. » Bien évidemment, la proposition est immédiatement repoussée par l’Assemblée qui décide l’examen immédiat article par article et c’est presque sans discussion que tous les articles de la loi seront adoptés.

 

Pourtant, Marat dont on connaît le mot : « Nous sommes à Paris vingt mille ouvriers qui ne nous laisserons pas endormir par la bourgeoisie », dénonce « les employeurs qui ont enlevé à la classe innombrable des manœuvres et des ouvriers le droit de s’assembler pour délibérer en règle sur leurs intérêts[9] ». Leur but est bien d’ « isoler les citoyens et les empêcher de s’occuper en commun de la chose publique ». Car désormais, seuls les entrepreneurs sont valorisés, procurateurs de ce travail qui permet à l’ouvrier, à peine, de vivre. La liberté du commerce et de l’industrie est totale et ne rencontre plus de limite, instituant, notamment, le droit d’exploiter les manufactures sans réglementation. Les résultats en seront déplorables. De l’aveu même de l’Institut CGT d’histoire sociale, dont pour le moins que l’on puisse dire, on ne peut douter d’accointance quelconque avec la pensée monarchiste, les conséquences de la loi Le Chapelier seront immenses et graves : «une masse croissante de travailleurs va connaître les ravages de la paupérisation qui se développe dans le sillage de la grande industrie, alors qu’elle subit les terribles conséquences de la Loi Le Chapelier. Celle-ci, en frappant d’interdit toute coalition ou association, a considérablement freiné le développement des structures organiques capables de médiatiser les aspirations à la solidarité collective, alors même que les rapports sociaux sont considérablement bouleversés. » Et encore, « pour les ouvriers, les fruits de la Révolution sont amers. La conception de la liberté du travail imposée par les Constituants a sensiblement déséquilibré les rapports entre les patrons et les ouvriers. Ces derniers, désormais privés de toute structure d’entraide ou de résistance, sont à la merci de tous les dérèglements du marché du travail ». L’oppression est sans limite. Emblématique de cette situation est la situation sociale effrayante des enfants de ce XIXème siècle, pourtant souvent dénommé comme étant celui des progrès, traversant une société enorgueillie des lumières. Quelques rappels suffiront à décrire l’innommable traitement infligé à ceux qui sont les plus faibles parmi les plus faibles : à ce siècle et dès l'âge de 4 ans, l’usine exploite les enfants aux travaux que les machines ne peuvent exécuter à cette époque. Le travail est encouragé par les patrons : les enfants sont de petite taille, ils sont habiles et surtout rémunérés trois à quatre fois de moins que leurs parents dont, bien souvent, les salaires ne sont déjà pas suffisants pour vivre. Les conditions de travail de ces enfants sont inhumaines. Ce n’est qu’en 1841 que la loi du 22 mars interdit le travail des enfants de moins de huit ans et doit limiter la journée de travail à huit heures pour les 8-12 ans ainsi qu’à douze heures pour les enfants de 12 à 16 ans. Le travail de nuit (9 heures du soir-5 heures du matin) est interdit aux moins de 13 ans et pour les plus âgés, deux heures comptent pour trois. Jusqu’en 1851 en France, la journée de travail d’un enfant peut, en toute légalité, dépasser 12 heures. Le 24 avril 1874, une enquête parlementaire s’ouvrira sur les conditions de travail en France qui débouchera, en 1874, sur la création de l’Inspection du travail, chargée de veiller au respect des lois sociales et sur la promulgation d’une loi interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans. Et pourtant, jusqu’en 1891, la durée maximum de travail dépasse 10 heures quotidiennes à 13 ans, 60 heures hebdomadaires entre 16 et 18 ans et les enfants pourront légalement exécuter des travaux dangereux jusqu’au décret du 21 mars 1914. Les droits des salariés reculent de manière considérable : ainsi, le 21 mars 1804, l’article 1781 du Code civil stipule qu’en cas de litige sur le salaire, la parole du maître l’emporte sur celle de l’ouvrier devant les tribunaux : l’infériorité légale de l’ouvrier face à l’employeur est consacrée par la loi. Si, le 18 mars 1806, les premiers conseils de prud’hommes sont créés, en revanche, les ouvriers n’y sont pas admis. Exclus de la sphère judiciaire, les ouvriers sont rejetés dans l’illégalité, contraints et forcés. Car, dans le même temps, cette loi provoque, dès 1800, la formation de ligues privées de défense, appelées syndicats, et des grèves, qu'elle permet de réprimer pendant presque tout le XIXe siècle. Entre 1825 et 1862, on dénombrera près de 10 000 ouvriers emprisonnés pour faits de grèves dont plus d’une centaine seront condamnés à plus d’un an de prison[10]. Et loin d’emboîter le pas à la sévérité d’un législateur davantage préoccupé d’ordre et de paix publics que de justice sociale, l’analyse des décisions rendues montre des magistrats compréhensifs et témoignant plutôt d’une indulgence à l’égard d’ouvriers égarés, voire d’une sensibilité certaine à l’égard de la dureté de leur condition et de la légitimité de leurs demandes.

 

Comme si cela ne suffisait pas, la loi sera complétée par toute une série de textes : la loi des 26-27 juillet-3 août 1791 sanctionnant les attroupements contre la liberté du travail et de l’industrie ; le décret du 29 nivôse an II autorisant l’arrestation des ouvriers coalisés. Le 12 avril 1803, la loi sur la réglementation du travail dans les manufactures et les ateliers renouvelle l’interdiction des coalitions ouvrières. Le 1er décembre 1803, le livret ouvrier permettant à la police et aux employeurs de connaître la situation exacte de chaque ouvrier. Tout ouvrier voyageant sans son livret est réputé vagabond et condamné comme tel. De son côté, le délit de coalition est réaffirmé dans les articles 414 et 415 du Code pénal de 1810. Toute coalition ouvrière tendant à la cessation du travail ou à la modification des salaires est réprimée très sévèrement. Le 15 mars 1849, une nouvelle loi est votée contre les coalitions ouvrières et patronales. Par ailleurs, les coopératives ouvrières, développées à partir de 1834, sont considérées (hormis une brève période sous la Deuxième République, en 1848) comme des coalitions jusqu'à la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés, qui leur reconnaît un statut légal. En février 1810, l’Empire dotera la France d’un nouveau Code pénal lequel contiendra notamment en ses articles 414 et 415 la répression du délit de coalition. La deuxième République ne sera pas plus tendre puisque si la loi du 15 mars 1849 confirme l’interdiction des coalitions ouvrière, elle y adjoint la prohibition de celles des patrons ; le 27 novembre de la même année, la loi rappelle l’interdiction des grèves. Sous le Second Empire, la loi du 25 mai 1864 modifie les articles 414 et 415 du Code pénal pour ne retenir que l’entrave au libre exercice de l’industrie ou du travail mais aussi et surtout pour maintenir l’interdiction de la grève. Bien que dirigée autant contre les patrons que contre les ouvriers, ce sont uniquement les derniers qui auront à en souffrir de la loi Le Chapelier. Car bien qu'ils soient également interdits, la loi ne parvient pas à empêcher la formation de véritables syndicats patronaux qui, quant à eux, ne verront aucun obstacle se dresser sur leur route. De même, la loi ne pourra pas, non plus, empêcher l'organisation de sociétés de compagnonnage. Placés dans l’impossibilité de défendre collectivement leurs intérêts, les ouvriers majoritaires quantitativement demeureront minoritaires socialement face à une coalition de patrons sachant imposant leur politique d’entreprise. Du coup, repoussant le mouvement ouvrier dans la clandestinité, la loi Le Chapelier aura pour conséquence funeste de le contraindre à la radicalisation tout en favorisant la collusion entre le pouvoir politique et le patronat.

 

Parce qu’affectée de failles profondes dès son origine, dictée par les circonstances, cette loi ne pouvait être promise à autre chose qu’à la sa disparition comme son auteur principal d’ailleurs, lui-même tristement guillotiné sous la terreur, dès 1791 non sans avoir, au préalable, pris position en faveur de l’attribution du droit de vote aux seuls propriétaires et s’être opposé à l’abolition de l’esclavage, soutenant ainsi les négriers de Lorient et de Nantes. La loi Le Chapelier a été abrogée en deux temps : le 21 mars 1884 par la loi Waldeck-Rousseau, qui légalise les syndicats et le 25 mai 1864, par la loi Ollivier qui abolit le délit de coalition. « Loi terrible » pour Jean Jaurès, « erreur fondamentale » pour Emile Ollivier, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 a profondément marqué le syndicalisme et les relations sociales en France et ce n'est qu'en 1884, soit presqu'un siècle plus tard, que l’interdiction qu’elle posait sera levée. Malgré tout, le droit de grève demeurera interdit et la cessation concertée du travail, un motif de résiliation unilatérale du contrat de travail pour faute et de répression pénale. Le syndicalisme français ne se remettra pas de la loi Le Chapelier : il ne sera jamais vraiment reconnu comme interlocuteur valable par des employeurs, eux-mêmes peu organisés, qui avaient pris l'habitude de ne traiter qu'avec des individus… Et, a contrario, si les pays d’Europe du Nord, germanique ou scandinaves, connaissent un syndicalisme puissant, c'est sans doute parce que le développement du capitalisme s'y est produit sans rupture brutale avec la tradition corporatiste. D'où des systèmes de relations sociales où les "corps intermédiaires" jouent un rôle beaucoup plus important qu'en France.

 

François des Millets

 

[1] M. WEBER, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Presses Électroniques de France, 2013.

[2] A-R-J. TURGOT, Œuvres de Mr. Turgot, ministre d’état : précédées et accompagnées de Mémoires et de notes sur sa vie, son administration et ses ouvrages ..., Paris, A. Belin, 1809, p. 340.

[3] I. R. G. LE CHAPELIER, « Rapport sur les assemblées de citoyens du même état de profession, (14 juin 1791) », cité in Les Orateurs de la Révolution française, tome 1, les Constituants, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, p. 428-432.

[4] J-J. ROUSSEAU, Le contrat social, Œuvres complètes de J.J. Rousseau, A. Houssiaux, Paris, 1852, p. 650.

[5] J-J. ROUSSEAU, Le contrat social, Œuvres complètes de J.J. Rousseau, A. Houssiaux, Paris, 1852, p. 650.

[6] M-J-A-N. CARITAT, marquis de CONDORCET, Rapport et projet de décret relatifs à l'organisation générale de l'instruction publique. Présentation à l'Assemblée législative : 20 et 21 avril 1792.

[7] R. L. VILLERME, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures decoton, de laine et de soie. (1840)

[8] E. ZOLA, Les œuvres complètes, Bernouard, Paris, p. 119.

[9] MARAT, L’Ami du Peuple n°493, 18 Juin 1791.

[10] M. PIGENET, D. TARTAKOWSKY, Histoire des mouvements sociaux en France : De 1814 à nos jours, La Découverte, Paris, 2014.

 

Source: Loi Le Chapelier, loi liberticide, Vexilla-Galliae., Publié dans Idées, le jeudi 13 août 2015 par François des Millets

 

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4 août 2015 2 04 /08 /août /2015 18:58
4 août 1789 : LES LIBERTÉS PERDUES ! - Isaac Le Chapelier (juif-franc-maçon)

«On représente les privilèges de l’Ancien Régime comme les privilèges des nobles qui ne payaient pas l’impôt. Mais savez vous ce qui a été aboli dans la nuit du 4 août 1789 ? Les privilèges des nobles seulement ? Non, tous les privilèges : ceux de certaines villes, ceux de certains métiers, de certaines corporations etc., et il y en avait une multitude, qui dépassaient de très loin le seul cadre des individus appartenant au Second Ordre. Or après deux cents ans, il est remarquable de constater que les privilèges sont revenus partout. (…) Privilège, oui. Toute société a ses privilèges nécessaires, je ne le conteste pas, sauf quand ce sont seulement des avantages injustifiés [comme en République]. Mais au moins, qu’on cesse de nous parler des privilèges de l’ancien Régime…»

 

Yves-Marie Adeline (Le royalisme en questions)

 

C'est tout le peuple français qui, sur le plan économique, perd ses libertés élémentaires.

 

Les paysans d'abord, et les plus pauvres. Cette Révolution est faite pour les propriétaires individuels, à l'encontre des droits collectifs du monde rural. La propriété est un « droit sacré » dont on veut « le maintien éternel ». Les révolutionnaires y tiennent d'autant plus que les biens nationaux sont vendus contre assignats, et qu'ils ne trouveraient pas acquéreurs si les titres de propriété en étaient contestés. Cambon souligne : « Nos assignats ne seraient rien sans le respect des propriétés. »

 

A l'Assemblée, le Normand Thouret s'est fait l'interprète de la nouvelle conception : « Il faut des propriétaires réels. Les communautés ne sont que des propriétaires factices. » Traduction :

 

l'Église, qui est une propriétaire collective, sera dépossédée, et ses biens seront vendus par la nation, contre assignats.

 

Autre traduction, qui abolit les vieux droits d'usage : il n'est plus permis aux vieillards, aux veuves, aux enfants, aux malades, aux indigents, de glaner les épis après la moisson, de profiter des regains, de recueillir la paille pour en faire des litières, de grappiller les raisins après la vendange, de râteler les herbes après la fenaison; tout ce qu'ont laissé sur place les moissonneurs, les vendangeurs ou les faneurs, selon la loi biblique et l'usage féodal. Il n'est plus permis aux troupeaux d'avoir libre accès aux chaumes, aux guérets, aux jachères : la Révolution prétend interdire la « vaine pâture », qui, étendue par le « droit de parcours », permettait de passer d'une paroisse à l'autre. Elle donne aux propriétaires le droit d'enclore leurs champs (loi du 6 octobre 1791). Elle édicte le partage des biens communaux, avec répartition par tirage au sort (loi du 10 juin 1793). Mais les traditions seront les plus fortes : elles maintiendront longtemps la vaine pâture et le droit de parcours fondés sur un usage immémorial. Le partage des communaux doit être rendu facultatif, puis, sous le Consulat, totalement arrêté.

 

Comme les paysans, les salariés de l'industrie et du commerce sont atteints par l'idéologie révolutionnaire, hostiles à tout ce qui peut s'interposer entre l'État et l'individu. Avant la Révolution, tandis que les confréries groupaient maîtres et compagnons, les compagnonnages rassemblaient, en fait ou en droit, et surtout dans les métiers nouveaux, qui étaient des métiers libres, les seuls compagnons face aux maîtres. Ces compagnonnages devenaient des organisations de solidarité, mais aussi souvent de lutte ouvrière.

 

La Révolution y met bon ordre. Après avoir aboli le système corporatif, elle supprime les compagnonnages, en interdisant aux citoyens d'une même profession, ouvriers et maîtres, de « nommer des présidents, secrétaires ou syndics, de tenir des registres, de prendre des arrêtés, ou délibérations, de former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs ». Prohiber la nomination de « syndics », c'est prohiber les syndicats, c'est refuser toute coalition de salariés.

 

Le Constituant qui se fait le promoteur de cette loi s'appelle Isaac Le Chapelier [franc-maçon]. Élu de la sénéchaussée de Rennes, il a présidé l'Assemblée lors de la nuit du 4 août. Il a contribué à poser le principe de l'égalité dans les successions. Il a rédigé le décret qui abolit la noblesse et les titres féodaux. Cette fois, il exclut toute tentative d'union des travailleurs face à l'entrepreneur, il écarte toute menace de grève. La loi Le Chapelier, du 14 juin 1791, met fin à ce qui pouvait subsister de libertés ouvrières : « Si des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers faisaient entre eux des conventions..., lesdites conventions sont déclarées attentatoires à la liberté, et de nul effet... Tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail sont tenus pour séditieux. »

 

Le Chapelier est guillotiné en 1794, mais son oeuvre subsiste. Le Code civil ignore la législation du travail. Le Consulat parachève l'asservissement des salariés en exerçant sur eux un contrôle de police, avec le livret ouvrier, où sont consignés les embauches et les licenciements, voire les appréciations, élogieuses ou sévères, de l'employeur, ainsi que les sommes dont le salarié peut être débiteur. Le livret doit être visé par le commissaire de police à chaque changement de place. Ce système ne tombera en désuétude que sous la Restauration.

 

Les compagnonnages renaîtront seulement dans la clandestinité. Le droit de grève ne sera reconnu que sous le second Empire, et la liberté syndicale que sous la troisième République : la Révolution aura fait reculer la législation sociale de trois quarts de siècle.

 

René Sédillot, « Le coût de la Révolution française ».

 

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9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 21:23
Réforme du collège : l'enseignement des Lumières sera optionnel (1)

La réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem prévoit que l’enseignement des Lumières en Histoire sera optionnel. Cet élément fondateur de la France d’aujourd’hui valait-il que les professeurs s’y arrêtent ? Du moins dans la forme dans laquelle son apprentissage était prescrit ?

Nous avons posé la question du sens de cette réforme de l'enseignement de l'Histoire au Professeur Xavier Martin* et à Jean-François Chemain, professeur d'Histoire en ZEP. Leurs réponses sont aussi passionnantes que complémentaires. Nous reproduisons ici celle du Professeur Xavier Martin et publierons très prochainement celle de Jean-François Chemain.

 

Entretien avec Xavier Martin, Professeur émérite de l’Université d’Angers

 

Propos recueillis par Clémence Gidoin

Qu’entend-on exactement par « esprit des Lumières » ?

 

Ce qu’on entend par là ? Dans la rhétorique officielle, uniquement de grandes, belles et bonnes choses. Le XVIIIe siècle, en France notamment, – Voltaire, Diderot, Rousseau, Montesquieu et consorts, – aurait enfin brandi la liberté d’expression, découvert et promu la dignité de l’homme, affirmé haut une unité du genre humain, et compati au sort des humbles. Il aurait mis à mal les préjugés de sexe et de couleur, œuvré contre l’absolutisme, et désembué l’esprit humain des obscurantismes religieux, spécialement catholique… La réalité, telle qu’on la voit dans les écrits des philosophes, est soit diamétralement contraire, soit pour le moins très différente, sensiblement plus « composée ». Mais la version imaginaire, dans l’enseignement, dans les médias, demeure en principe et omniprésente, et omnipotente. À tout un chacun, notamment ceux qui ambitionnent la qualité de bachelier, il est donc fort déconseillé d’y contrevenir.

 

Pourquoi alors le siècle des Lumières apparaît-il comme malmené par la réforme, au point d’être annoncé comme propre à devenir un thème facultatif ?

 

Spontanément, je vous dirai que je n’en sais rien. Ladite annonce me laisse sans voix : j’ai cru d’abord que mes oreilles me trahissaient. Alors oui, pourquoi ? La France, pays des Lumières, pays des Droits de l’homme, pays des « valeurs de la République » : c’est un tout magmatique dans l’inlassable formatage médiatico-académique ici rappelé. Le sacro-saint anti-racisme (imaginaire), l’idolâtrée (mais sélective) liberté d’expression se prévalent jour et nuit des Lumières… La perspective de délaisser à la légère un adossement théoriquement aussi flatteur, de disqualifier voire mettre au rebut ce resplendissant esprit des Lumières comme une vieille chaussette, est pour le moins énigmatique, et laisse songeur. La réponse, escomptais-je, m’allait venir de L’Homme Nouveau ! Et de guetter le facteur, apprêtant mes besicles et taillant mes crayons. Votre interrogation, qui inverse les rôles, est donc désarçonnante ! Une Cour européenne des droits de l’abonné devrait bien mettre un terme à ce type d’abus.

 

Le temps d’une réponse, ne pourriez-vous pas vous considérer comme non abonné ?

 

L’idée est ingénieuse : il suffit d’y penser ; ce sera, de fait, moins douloureux… Bref, à la question posée, je vois une seule explication rationnelle, mais j’ai du mal à y souscrire résolument : depuis vingt ans, une certaine relecture des Lumières a malmené assez vivement notre vulgate républicaine à cet égard. Elle montre sans grand mal, à la faveur d’une immense masse de citations, que ce courant, sous maints rapports déterminants, a été violemment le contraire de ce dont on le crédite : négation de l’unité de l’espèce humaine, hyper-élitisme forcené, mépris des gens de couleur, des femmes, des gens de condition modeste, mécanisation du comportement des individus (le fameux Homme Machine, 1747), donc négation du libre arbitre et conception mécaniciste des relations interindividuelles (donc, ipso facto, sociopolitiques), biologisme scientiste inclinant au racisme et à l’antiféminisme, absence de confiance dans la raison humaine (oui !), animalisation du petit peuple… Cette énumération, sévère quoique incomplète, souffrirait quelques nuances, voire ponctuellement quelques solides tempéraments, mais elle résume assez nettement la tendance lourde du dossier.

 

Et, bien sûr, ça change tout ! Le prestigieux « libre examen » des philosophes (avec l’adulé Sapere aude : ose savoir !) est noble chose, assurément, mais si l’un d’entre eux se mêle d’en user pour évaluer (assez chichement) votre degré d’humanité, s’il « ose » vous « savoir » très voisin du singe et vous en méprise, on vous verra probablement, et à bon droit, plus réservé quant aux vertus de cette notion emblématique, et circonspect dorénavant face à ces « humanistes » qui un jour sur deux, selon leur humeur, vous sous-humanisent. Ose savoir, nous dit-on en leur nom ? Il faut répondre : chiche ! et les tenir enfin pour ce qu’ils sont vraiment.

 

Sur cette profonde et diamétrale restitution, abondamment documentée, des vraies « Lumières », les grands médias, comme on s’en doute, ont fait silence. Et néanmoins l’occultation n’est pas totale. Au moins modestement le vrai, en cette matière, progresse et s’insinue, et sans bruit, vaille que vaille, par capillarité, s’infiltre aux interstices. Conséquence : les tireurs de ficelles (s’ils existent) ont peut-être jugé meilleur d’abandonner sans tambour ni trompette ce glorieux champ de bataille. Peut-être, à tout le moins, se posent-ils la question. À parler vrai, c’est peu de dire que l’hypothèse m’en laisse sceptique, mais, de rationnelle, je n’en vois pas d’autre. Nous reste alors l’irrationnel : ladite mesure ressortirait, comme fréquemment, à un pur et simple « n’importe quoi » troussé à la hâte ; ne l’excluons pas : c’est le plus vraisemblable.

 

Il est toutefois vrai que depuis le bicentenaire de la Révolution, qui au fil de colloques richement subventionnés, avait en fait bien défraîchi l’image convenue de cette dernière, la tendance de l’idéologie dominante est de prudemment relativiser ses mythes fondateurs de 1789 (donc des Lumières) pour transplanter résolument son camp de base référentiel autour de 1945. Et je n’exclus pas que la touche (malgré tout) « nationale » des Lumières et de la Révolution françaises ait pu devenir aussi, dans le mondialisme aujourd’hui prégnant, un motif d’estompage. Le tout, néanmoins, laisse assez perplexe.

 

Quelles conséquences cet estompage peut-il avoir sur la culture des jeunes Français ?

 

Question, là encore, délicate. En soi, il est difficile de déplorer que les élèves échappent à ce massif malentendu sur les Lumières. Je dis seulement « malentendu », car la grande masse de ceux qui le propagent, conditionnés à cet effet, sont de bonne foi… ou peu s’en faut ; les vrais menteurs (éventuellement par omission) sont concentrés dans le cercle restreint des spécialistes universitaires : ceux qui « savent », mais verrouillent un savoir différent imposé, aux étapes décisives des carrières d’enseignement. Sans doute, au surplus, croient-ils ne mentir que pour la bonne cause, ce qui les aide possiblement à oublier, cahin-caha, qu’ils ne disent pas la vérité ! Cela noté, l’on ne saurait, évidemment, imaginer que des talents aussi monumentaux et influents que ceux de Voltaire, Diderot, Montesquieu ou Rousseau, passent à la trappe ! Pareille amputation est inimaginable, et il va sans dire, à mon sentiment, qu’elle n’aura pas lieu. Mais qu’enseigner exactement, à leur sujet ? C’est une tout autre affaire, et un réel problème.

 

Justement, des enseignements d’Histoire à « trous » chronologiques conservent-ils un sens ?

 

La réponse théorique est sans réserve négative, ça va de soi. Cela étant, en tous domaines je me méfie des « il faut que ». Si par malheur j’étais moi-même en charge pratique des programmes et manuels, je serais plus qu’embarrassé. Toute pédagogie est nécessairement simplificatrice d’une complexité, elle-même souvent inextricable : c’est vrai dans l’Université, ce l’est a fortiori, de façon croissante, en raison inverse de l’âge des auditeurs. L’Histoire n’est enseignable que très simplifiée – je n’ajouterai pas « donc très mythifiée », pour ne pas choquer : mais sur ce point, au minimum, je m’interroge, et ce furtif ballon d’essai pose la question (c’est bien mon tour). La notion de « roman national » est plus qu’une formule, et donne à penser. S’agissant de l’Histoire, il importe au surplus de ne pas négliger un trait élémentaire, qui ne facilite rien : plus s’accumulent les décennies (et ça va vite !), moins il est facile de tout maîtriser, d’opérer un tri, de synthétiser. Cette lapalissade, à titre accessoire, a son importance. Ce qui, pour le grand-père, continue de tenir à un passé récent, dont l’ignorance, dans les jeunes classes, annonce la fin des haricots académiques, touche à la nuit des temps pour sa progéniture. C’est assez naturel.

 

Qu’on me pardonne d’oser ici un sentiment tout personnel, qui déplace le problème à défaut d’amorcer la moindre solution : pour chaque professeur, c’est le haut défi et c’est l’essentiel, de chercher la voie toujours mystérieuse, d’atteindre la flamme et de l’activer, au cœur des élèves, avec ferveur, avec respect, avec réserve, sans oublier l’accompagnement synergétique des anges gardiens, qu’à l’ordinaire sous-évalue assez sottement le Ministère – c’est là une des clés de son handicap, de la déprimante phraséologie étalée sur ses pauvres tartines, et de ses tristes résultats. Cette authentique disposition professorale ? Les « sciences cognitives » n’ont probablement que peu à y voir, et les « méthodes » pré-mastiquantes guère davantage, ni les programmes, souvent biaisés, jamais parfaits, rarement traités en leur entier. Dire que, dans l’enseignement, la transmission de connaissances est négligeable serait la première des absurdités. Mais l’essentiel est autre chose. Ladite transmission est, sinon le prétexte, du moins l’occasion de plus profond qu’elle : cet imperceptible toucher des âmes, objet de mystère, ambitionné sans crispation, en vue d’ineffables germinations, parfois à long terme. L’affaire des programmes en est, malgré tout, relativisée.

 

*Depuis quelque vingt ans, le professeur Xavier Martin propose un regard radicalement neuf sur l’esprit des Lumières et la Révolution, à travers une dizaine d’ouvrages, dont le premier, Nature humaine et Révolution française (DMM, 302 p., 26 €), va connaître sa troisième édition, et dont le plus récent, de portée synthétique, est intitulé Naissance du sous-homme au cœur des Lumières (Les races, les femmes, le peuple) [DMM, 440 p., 28,50 €]. Le plus diffusé, Voltaire méconnu. Aspects cachés de l’humanisme des Lumières (1750-1800) [DMM, 352 p., 26 €], vient de connaître lui aussi sa troisième édition, et sera réédité à la rentrée en format de poche.

 

 

Source: Réforme du collège : l'enseignement des Lumières sera optionnel, L'Homme nouveau, Rédigé par Xavier Martin le 09 juillet 2015 dans Société

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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 06:00
La statue qui saigne de la rue aux Ours

Pendant près de quatre cents ans, Paris vit s'accomplir les rites d'une fête dont le souvenir est totalement effacé aujourd'hui. Depuis 1418 jusqu'à la Révolution, le coin de la rue aux Ours, à Paris, s'illuminait, le 3 juillet, et de nombreux cierges éclairaient la niche vide d'une statue.

Cependant, les rues d'alentour retentissaient de clameurs ; c'est que la foule suivait en vociférant le cortège d'un mannequin costumé en Suisse. La procession durait pendant plusieurs heures et parcourait tous les quartiers de la ville avant de revenir aux carrefours des rues Salle-au-Comte et aux Ours. Puis, à la nuit tombante, le mannequin était enfin brûlé et la fête s'achevait dans l'apothéose d'un feu d'artifice.

S'il faut en croire les différents compartiments d'un tableau peint en 1772, un fait inouï aurait donné naissance à cette procession plusieurs fois séculaire. En effet, le 30 juin 1418, un soldat suisse frappa de son épée la statue de la Vierge placée dans la niche de la rue aux Ours. Le sang jaillit aussitôt. Le soldat fut arrêté, jugé, condamné et exécuté au lieu même du crime. Quant à la statue mutilée, on la transporta à Saint-Martin-des-Champs, où la vénération populaire lui donna le nom de Notre-Dame de la Carole. Et, tous les 3 juillet, on donnait une fête en son honneur... Le souvenir de la mutilation se perdit peu à peu, mais la réjouissance se poursuivit jusqu'à la Révolution.

 

Source: http://www.france-pittoresque.org/article-la-statue-qui-saigne-de-la-rue-aux-ours-102846524.html

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