Une centaine d’avocats ont souhaité réagir à l’annonce de la création d’un pass sanitaire et ont rédigé cette tribune, que nous publions ce jour sur Le Monde Moderne.
À l’heure où l’urgence sanitaire est plus que jamais d’actualité et qu’il apparait plus que nécessaire d’y apporter des solutions concrètes et efficaces, le gouvernement souhaite tendre à une généralisation de la vaccination auprès de tous les Français1 et pour y parvenir a annoncé de :
– rendre obligatoire le vaccin pour les professionnels en contact avec des personnes vulnérables ;
– obtenir la vaccination généralisée de la population par l’extension du PASS SANITAIRE à plusieurs lieux accueillant du public (etc).
Toutefois, cela ne peut se faire au détriment du respect de nos droits les plus fondamentaux que sont, notamment, le droit au respect de la vie privée et familiale2, le droit à l’intégrité physique et au principe d’inviolabilité du corps humain3, la liberté de conscience, la liberté d’aller-et-venir, le principe de non-discrimination entre les personnes, le droit au secret médical.
En amont, il convient de connaître le réel statut juridique du vaccin COVID-19.
Compte tenu de l’urgence sanitaire, ces vaccins bénéficient d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) Conditionnelle renouvelable chaque année avec obligation pour les laboratoires de produire des données complémentaires.
En effet, le vaccin n’étant pas un produit de santé comme les autres et puisqu’il reste un médicament soumis à un encadrement juridique strict4, il doit répondre à une exigence de sécurité qui passe par une surveillance à court mais aussi à long terme5, ainsi que par une évaluation régulière des effets indésirables au regard des bénéfices attendus6.
Ce n’est qu’une fois que le niveau de sécurité du vaccin, au regard de la balance bénéfice/risque sur le court et sur long terme est obtenu, que l’AMM dite standard est délivrée.
Or, concernant les vaccins COVID-19 « les données à long terme sur l’efficacité et la sécurité n’étant pas disponible »7, la Commission Européenne n’a délivré que des AMM conditionnelles.
C’est pourquoi et dans la mesure où la pharmacovigilance de ces vaccins aujourd’hui, ne permet pas de s’assurer de la sécurité des vaccins sur le long terme, plus que jamais chacun devrait rester LIBRE de consentir ou non de se faire vacciner. Le rendre obligatoire est par conséquent INCONCEVABLE.
A ce titre, concernant l’obligation de recueillir le consentement de tout usager du système de santé, notre corpus juridique bénéficie d’un socle solide passant du Code de Nuremberg à la Résolution 2361 (2021) adoptée le 27 janvier 2021 par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe8.
1 Site du gouvernement : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus ;
2 Article 8 CEDH ;
3 Article 16-1 code civil ;
4 L.5111-1 du Code de la santé publique et suivants ;
5 Notamment sous la tutelle de l’ANSM au niveau national ;
6 Dite : balance bénéfice/risque ;
7 Site ANSM : https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/covid-19-vaccins/covid-19-vaccins-autorises ;
8 Code de Nuremberg, loi bioéthique du 30 juillet 1994, article L521-1 du Code de justice administrative, article 35 du Code de déontologie médicale, article 16-1 du Code civil et article L1111-4 du Code de la santé publique et https://pace.coe.int/fr/files/29004/html ;
À titre d’exemple, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, prévoit que le consentement à tout acte médical doit être libre et éclairé.
➢ Libre, cela signifie que la personne doit manifester sa volonté à l’acte médical et donc son accord non équivoque à l’atteinte à l’intégrité de son corps et cela sans contrainte ni pression.
➢ Éclairé, cela signifie d’avoir au préalable reçu une information loyale, claire, appropriée, complète9et cela quel que soit le contexte d’urgence10, notamment sur le fait que les données sur le long terme ne sont pas disponibles, sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles en l’état des connaissances scientifiques et des conséquences que ceux-ci pourraient entraîner.
Aussi, rappelons que si seul le législateur peut rendre une vaccination obligatoire11, c’est à la double condition que la maladie soit particulièrement bien connue par la médecine12 et comme le rappelle le Conseil d’État que l’ingérence de la vaccination obligatoire dans les libertés individuelles se fasse moyennant un contrôle de proportionnalité prenant acte de l’efficacité certaine des vaccins en cause, au regard du caractère limité de leurs effets indésirables13, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, obliger la présentation du PASS SANITAIRE, pour l’accès à de nombreuses activités de la vie quotidienne (notamment, se rendre à l’hôpital, dans un centre commercial pour faire ses courses, à un spectacle ou au restaurant) c’est :
– nous obliger à divulguer notre statut vaccinal et donc violer notre droit au secret médical ;
– introduire de violentes discriminations entre vacciné.e.s et non vacciné.e.s, volontaires ou non. Puisque ne l’oublions pas, certaines personnes ne peuvent pas ou n’ont pas le droit, et cela pour de nombreuses raisons, de se faire vacciner ;
– porter atteinte à la liberté de circulation ;
– augmenter la fracture économique et sociale à l’égard des plus démunis.
C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que, le 21 janvier dernier, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé instamment aux États membres et à l’Union européenne « de s’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s’il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement » et « de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner ».
Ainsi, pour tous ces motifs, nous ne pouvons pas accepter ce chantage déguisé du président de la République justifié, à tort, par sa volonté de faire primer la protection de la santé collective au détriment, en l’état des connaissances scientifiques, de la protection certaine de l’individu et de bon nombre de nos libertés individuelles et collectives.
9 L.1111-2 du Code de la santé publique ;
10 CCNE avis du 21 décembre 2020 ;
11 QPC n°458 du 20 mars 2015 ;
12 CEDH 2 mars 2021 ;
13 CE 6 mai 2019 n°419242.
AVOCATS SIGNATAIRES
-Besma MAGHREBI Barreaux de PARIS et MARSEILLE,
-Stéphane MAUGENDRE Barreau de BOBIGNY,
-Marine ROGE Barreau de PARIS,
-Samir KAHOUL Barreau du VAL DE MARNE,
-Flavie De MEERLEER Barreau de TOULOUSE,
-Hadjar KHRIS-FERTIKH Barreau de PARIS,
-Mélody OLIBE Barreau de PARIS,
-Christine CLAUDE-MAYSONNADE Barreau de TARBES,
-Shirley DEROO Barreau de PARIS,
-Agnès ASCENSIO Barreau de PARIS,
-Helena BONDO Barreau des HAUTS-DE-SEINE,
-Karine SHEBABO Barreau de PARIS,
-Sophie MAZAS Barreau de MONTPELLIER,
-Loreleï VITSE Barreau de DUNKERQUE,
-Agnès TEISSEDRE du barreau de PARIS,
-Julie MAIRE Barreau de PARIS,
-Anaïs GALLANTI Barreau de PARIS,
-Anne MILEO Barreau de PARIS,
-Sarah SCALBERT Barreau de PARIS,
-Anne LASSALLE du barreau de BOBIGNY,
-Alima BOUMEDIENE THIÉRY Barreau du VAL D’OISE,
-Hicham ABDELMOUMEN Barreau de PARIS,
-Marianne PIEROT Barreau de PARIS,
-Marie Noëlle SPINELLA Barreau de PARIS,
-Michael NEUMAN Barreau de PARIS,
-Nadine REY Barreau de PARIS,
-Sabrina BOUAOU Barreau de l’ESSONNE,
-David LIBESKIND Barreau de PARIS,
-Anna CHERIF HAUTECOEUR Barreau de PARIS,
-Laura ROUSSEAU Barreau de PARIS,
-Armide REY-QUESNEL Barreau de DUNKERQUE,
-Corinna KERFANT Barreau de VERSAILLES,
-Arnaud LIBAUDE Barreau de BOBIGNY,
-Maria del pilar motote ARCE Barreau de PARIS,
-Audrey AVRAMO-LECHAT Barreau de PARIS
-Cynthia BYRAM Barreau de PARIS,
-Sabrina ABDENNOUR Barreau des HAUTS-DE-SEINE,
-Laure LAYDEVANT barreau d’AIX EN PROVENCE
-Lauriane BUNOMANO Barreau d’AIX EN PROVENCE
-Aline BRIOT Barreau de CHAMBERY,
-Jean-Marc ANDRE ANCIEN BATONNIER Barreau de VERSAILLES,
-Stéphanie TOURE-JENNI Barreau de BOBIGNY,
-Valérie LEPAGE-ROUSSEL Barreau de PARIS,
-Nathalie WOROCH Barreau BETHUNE,
-Séverine MANNA Barreau de PARIS,
-Fabien GRECH Barreau de NICE,
-Sandra MACKAYA Barreau de MARSEILLE,
-Stéphane SCHONER Barreau de BETHUNE,
-Hugo BOUILLET Barreau de TOULOUSE,
-Camille DIRE Barreau de NICE,
-Pierre ROUANET Barreau de PARIS,
-Mehdi BOUZAIDA Barreau de PARIS,
-Dominique GANTELME Barreau de PARIS,
-Norbert GRADSZTEJN Barreau de PARIS,
-Hakima SLIMANE Barreau de PARIS,
-Marine GRINSZTAJN Barreau de PARIS,
-Sophia ALBERT-SALMERON Barreau d’AVIGNON.
(Liste non définitive)
Source: Le Monde moderne