Article mis à jour le 21-12-2024
Statue de Thomas Jefferson devant le préambule de la Déclaration d'indépendance américaine (1776). Jefferson Memorial, Washington, D.C.
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Le Barbier, 1789, huile sur toile. Timbre de la Poste 1989
Le bonheur de l'être consiste dans son union avec la fin pour laquelle il a été créé. Tous les êtres ayant été créés par Dieu et pour Dieu, leur bonheur consiste dans leur union avec Dieu.
Le bonheur est inséparable de la possession de la vérité.
Se persuaderait-on, par hasard, [...] que la monarchie renversée par des monstres doit être rétablie par leurs semblables ? [...] Pour faire la Révolution française, il a fallu renverser la religion, outrager la morale, violer les propriétés et commettre tous les crimes : pour cette oeuvre diabolique, il a fallu employer un tel nombre d'hommes vicieux, que jamais peut-être autant de vices n'ont agi ensemble pour opérer un mal quelconque. Au contraire, pour rétablir l'ordre, le Roi convoquera toutes les vertus. [...] Son intérêt le plus pressant sera d'allier la justice à la miséricorde. [...] Le rétablissement de la monarchie, qu'on appelle contre-révolution, ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la révolution.
Depuis longtemps déjà Louis XVI porte sur les évènements révolutionnaires un regard surnaturel. À ses yeux, le mal est spirituel et le remède ne peut être que spirituel.
Il y a deux conceptions religieuses de la manière d'agir sur le monde: la manière chrétienne et la manière millénariste. La manière chrétienne consiste à se changer soi-même pour se consacrer aux autres. [...] [L]a solution millénariste est de changer le monde en changeant la société, ce qui veut dire concrètement en changeant les autres par la contrainte et même la violence.
Les Lumières ont parié – mais elles ignoraient en général que ce fut un pari – sur la possibilité de l'amélioration intellectuelle et morale de tous. La déclaration était l'un des instruments de ce pari.
Les droits de l'homme sont une discipline par nature fortement idéologique : on peut faire dire à la Convention une chose et son contraire.
Introduction
Comme nos lecteurs le savent, 1789 marque non pas la prise du pouvoir par le « peuple souverain » (mythe républicain : souverain, le peuple ne l'a jamais moins été que sous leur « démocratie » dite « représentative »), ni l'avènement du « bonheur de tous » dans la fable des « droits de l'homme » de 1789 (préambule) ou dans la déclaration d'indépendance des États-Unis de 1776, bonheur pour tous dont l'origine se trouve dans le mythe du ‘Bon sauvage’ de J.-J. Rousseau, mais un coup d'État d'une oligarchie (un petit nombre) animée d'un affligeant « désir de tout changer » (Jean de Viguerie, Histoire et Dictionnaire du temps des Lumières, Robert Laffont, Bouquins, Paris 1995, p. 1134-1135.).
Patrice Gueniffey, disciple de François Furet, considéré comme « l’un des meilleurs connaisseurs contemporains » de la Révolution et de l'Empire (André Larané, « Histoires de la Révolution et de l'Empire. Portraits et événements d'une époque oubliée », herodote.net, 28 avril 2017) a parfaitement défini cette oligarchie issue de 1789, en ces termes :
« En théorie, le nouveau citoyen se voit reconnaître un pouvoir de contribuer à la formation des décisions. [...] Mais en réalité, il a moins de prise sur la décision qu'il n'en a jamais eu (Voir P. Gueniffey, Le Nombre et la raison. La Révolution française et les élections, Paris, Éd de l'EHESS, 1993, p. 208-213.) En effet, la participation démocratique repose sur une présomption de compétence universelle, laquelle, associée au postulat spontané de la volonté collective, constitue une double fiction dont l'effet est de transférer le pouvoir théoriquement possédé par les individus à une oligarchie composée de professionnels de la politique. Cette oligarchie trie les problèmes et définit les termes dans lesquels ils peuvent être résolus, médiation indispensable pour transmuer la poussière des volontés individuelles en 'volonté collective". La toute-puissance de la "machine", ou du parti, est la réalité de la liberté du citoyen moderne. Tout comme à l'intérieur de la société de pensée ou du mouvement jacobin, le pouvoir réel se trouve entre les mains du "cercle intérieur", [...] le peuple est réellement dépossédé de son pouvoir au profit du parti indispensable au fonctionnement de la démocratie. [...] C'est bien pourquoi le jacobinisme [...], [s]'il incarne par son principe le fondement de la démocratie, il en dévoile aussi, à l'apogée de son influence, le mensonge : la dictature d'une minorité prétendant énoncer la volonté générale au nom du peuple mais à la place du peuple. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 206-207).
Le 23 août 2018, Edgar Cabanas, chercheur en psychologie et sciences sociales Max Planck Institute, et Eva Illouz, Professeure de sociologie Hebrew University of Jerusalem, ont publié un intéressant ouvrage intitulé « Happycratie. Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies », aux éditions Premier Parallèle, où ils évoquent une oligarchie consumériste, mercantile.
Dans un article pour Le Point du 24 août dernier, ils expliquent que le terme « happycratie », qu'ils ont forgé dans ce livre « s'attache avant tout à montrer comment, à l'ère du bonheur, sont apparus, de concert avec une nouvelle notion de la citoyenneté, de nouvelles stratégies coercitives, de nouvelles décisions politiques, de nouveaux styles de management, de nouvelles obsessions individuelles et hiérarchies émotionnelles.» « Ces dernières années, de nombreux écrits ont été consacrés à la question du bonheur, sous un angle critique, que ce soit par des sociologues, des philosophes, des anthropologues, des psychologues, des journalistes ou des historiens. Parmi les plus notables – et qui ont inspiré ces pages –, on pourra citer les travaux de Barbara Ehrenreich et Barbara Held consacrés à la tyrannie de la pensée positive, les analyses de Sam Binkley et William Davies des rapports entre bonheur et marché, ainsi que les réflexions de Carl Cederström et André Spicer sur l'idéologie du bien-être. »
Les deux auteurs indiquent que «si le présent ouvrage apporte une contribution à l'actuel débat, très vivace, sur le bonheur, c'est en vertu de sa perspective sociologique critique. Nous nous sommes appuyés ici sur les travaux que nous avons précédemment menés – des travaux consacrés aux émotions, au néolibéralisme et à la culture thérapeutique –, en creusant certaines idées déjà exposées ailleurs et en en introduisant de nouvelles, notamment quant aux rapports entre la poursuite du bonheur et les modalités d'exercice du pouvoir dans les sociétés capitalistes néolibérales.»
« Le bonheur est un marché très juteux. […] Poursuivre le bonheur, c'est avant tout, aujourd'hui, contribuer à la consolidation de ce concept en tant que marché très juteux, industrie et mode de vie consumériste envahissant et mutilant. Si le bonheur est devenu un moyen de gouverner notre vie, c'est parce que nous sommes devenus les esclaves de cette quête obsessionnelle.
Ce n'est pas le bonheur qui s'est adapté à nous, au clair-obscur et à la complexité de notre vie, aux ambiguïtés de nos pensées, mais bien le contraire : c'est nous qui nous sommes adaptés servilement à cette logique consumériste, qui avons consenti à ses exigences idéologiques aussi tyranniques que masquées, et qui avons accepté sans barguigner ses postulats étroits, réductionnistes et psychologisants. En prendre conscience pourrait causer une douloureuse déception chez certains, au regard des attentes que les chantres du bonheur ont fait naître. Mais ne pas en prendre conscience, ne pas envisager ces questions sous un angle critique, c'est laisser la voie libre à la grande machinerie du bonheur.»
« [D]ans sa forme et ses usages actuels, le bonheur est un puissant outil pour les organisations et les institutions – un outil qui leur permet de construire des travailleurs, militaires et citoyens bien obéissants. À notre époque, l'obéissance adopte la forme d'un travail sur le moi et d'une maximisation de ce moi.»
« Aux XVIIIe et XIXe siècles, poursuivent Edgar Cabanas et Eva Illouz, la revendication au bonheur avait un parfum de transgression ; la ruse de l'Histoire a fait ensuite de ce bonheur un instrument au service du pouvoir contemporain.
Précisons tout de suite que la recherche du bonheur n'est pas en soi une mauvaise chose, c'est même une chose naturelle. Mais les auteurs perçoivent une première incohérence de la pursuit of happiness des déclarations des droits de l'homme de 1776 et 1789 : « S'il (le bonheur) était d'une telle évidence, comme l'ont infatigablement affirmé les scientifiques du bonheur, nous n'aurions pas besoin de spécialistes pour l'approcher.
Et quand bien même s'imposerait un jour la nécessité d'un savoir-faire en la matière, il nous semble qu'il est chose trop importante pour être abandonné à une science réductionniste, incertaine, se caractérisant par des préjugés idéologiques, par un manque total d'autonomie par rapport au marché et à la politique technocratique, qui la recycle sans grands scrupules, et par sa promptitude à se prosterner devant le monde de l'entreprise, celui de l'armée, et l'éducation néolibérale.»
Nous verrons que l'on peut tenir le même argument s'agissant de la constitutionnalisation de la liberté et de l'égalité... Si ces deux valeurs étaient si naturelles, pourquoi avons-nous besoin de les écrire ? Par ces réflexions, nos auteurs produisent ici un véritable ouvrage « contre-révolutionnaire » au bon sens du terme, en ce sens qu'ils portent un regard critique sur le système politique issu des Lumières et les déclarations des droits de l'homme.
« Tout incite à se méfier de ceux qui prétendent détenir les secrets du bonheur, » préviennent les auteurs; en effet, on doit se méfier des marchands de sommeil, surtout si ces secrets du bonheur sont utilisés à des fins politiques ! Or, c'est précisément le cas des déclarations des droits de l'homme de 1776 et 1789. Elles ont été rédigées par des grands partisans du commerce et du libéralisme anglo-saxon, dans le but de promouvoir le commerce et la main invisible qui devrait nous conduire au bonheur et au bien-être matériel. On peut appeler cela la politique de la carotte ! Nous verrons plus bas avec Mona Ozouf que la démocratie moderne, ainsi, se « condamne [...] à rendre sans cesse moins tolérable l'écart entre les promesses [...], les espérances qu'elle suscite et les accomplissements qu'elle offre ! » C'est-à-dire pas grand chose. Et au final une grande désillusion et une défiance généralisée envers les institutions.
« De façon plus fondamentale [...], s'il nous faut absolument nous méfier des apôtres du bonheur, c'est parce qu'en dépit de leurs sempiternelles promesses de nous remettre les clés de la bonne vie, ces clés restent et resteront parfaitement introuvables.» Sur ce point les auteurs ont tort : nous verrons plus bas (par des citations bibliques) que la sainte Bible nous donne les clés pour trouver le bonheur (en Dieu), mais ce bonheur est toujours libre; il respecte notre libre arbitre, il n'est pas obligatoire comme dans la religion des droits de l'homme.
« Alors qu'il est bien difficile de déterminer le nombre exact de personnes qui sont persuadées d'avoir concrètement bénéficié de leurs conseils, les praticiens de la psychologie positive, les économistes du bonheur et les autres professionnels du développement personnel ont touché et continuent de toucher de leur activité des revenus absolument considérables,» poursuivent les auteurs. « [...] Les scientifiques et spécialistes du bonheur s'expriment souvent comme s'ils l'étaient, parlant à n'en plus finir de “découvertes révolutionnaires”, de “preuves irréfutables” ou encore d'“acquis incontestés”. Il est vrai que tout ce qu'ils disent n'est pas faux. Le problème est qu'ils se contentent très souvent de reformuler dans un jargon sentencieux et solennel ce qui est tout simplement – dans le meilleur des cas – du bon sens.
Le problème est surtout que ces lieux communs sont accueillis avec une surprenante facilité par de nombreuses personnes très disposées à y croire, en dépit du vaste corpus scientifique qui met en garde contre elles, solides arguments à l'appui.»
« Comme a pu l'écrire Terry Eagleton (théoricien critique de la littérature britannique, actuellement considéré comme l'un des plus influents du monde britannique) il est sûr que nous avons besoin d'espoir, nous n'avons certainement aucun besoin de l'optimisme tyrannique, conformiste et presque religieux qui accompagne désormais l'idée de bonheur. »
Et les auteurs définissent cet espoir qui laisse une large place au libre arbitre que la philosophie des Lumières tend à éliminer : « L'espoir dont nous avons besoin se fonde sur l'analyse critique, la justice sociale et une politique qui ne soit pas paternaliste, qui ne décide pas en notre nom de ce qui est bon pour nous et qui, loin de vouloir nous épargner les difficultés de la vie, nous y prépare – non en tant qu'individus isolés mais en tant que société.»
« L'industrie du bonheur qui cherche aujourd'hui à prendre le contrôle de nos subjectivités est l'équivalent contemporain de la “machine à expériences” de Robert Nozick, qu'un Aldous Huxley put en son temps mettre en scène à sa façon, à travers le roman [Le Meilleur des mondes, NDLR].
La justice étant la vertu qui rend à chacun ce qui lui appartient, il reste cet espoir d'une société qui nous rende notre libre arbitre : « [c]e sont la justice et le savoir, non le bonheur, qui demeurent l'objectif moral révolutionnaire de nos vies », concluent les deux chercheurs dans l'article du Point.
Edgar Cabanas et Eva Illouz ont vu juste : S'il (le bonheur) était d'une telle évidence, comme l'ont infatigablement affirmé les scientifiques du bonheur, nous n'aurions pas besoin de spécialistes pour l'approcher. »
Les révolutionnaires d'Amérique ou de France, remplis de préjugés francs-maçonniques, prétendent que la politique doit se charger (pour nous) de nous montrer où est le bonheur public : dans le respect des droits de l'homme. Raisonnement circulaire parfaitement totalitaire aux conséquences tragiques. Le bonheur de l'homme et des sociétés ne se trouvent pas dans les droits de l'homme, biens matériels (la liberté, l'égalité), mais dans la possession de biens immatériels, de biens spirituels. L'homme ayant été créé pour louer, honorer et servir Dieu, et par ce moyen faire son salut (S. Ignace, Exercices spirituels), "le bonheur de l'être consiste dans son union avec la fin pour laquelle il a été créé. Tous les êtres ayant été créés par Dieu et pour Dieu, leur bonheur consiste dans leur union avec Dieu." (Mgr Jean-Joseph GAUME, Traité du Saint-Esprit, 1864, Rééd. Éditions Saint-Rémi, 2019, p. 36.) En poursuivant ce raisonnement, l'on dit que l'argent (ou la possession de biens matériels terrestres) ne font pas LE bonheur, tout au plus il y contribue... C'est qu'il y a au-dessus de ce bonheur matériel un bonheur supérieur à rechercher pour atteindre le véritable bonheur.
Ainsi, "'La richesse et la pauvreté étaient destinées à disparaître dans un régime d'égalité', lit-on dans un décret de la ville de Paris en novembre 1793, et : 'Il ne faut plus ni riches ni pauvres. L'opulence est une infamie,' dirait Saint-Just cette même année. ... Montesquieu et Rousseau - d'accord sur ce point - avaient raison. La démocratie, pour être effective, avait besoin d'une égalité qui dépasse le seul plan des droits, pour arriver à toucher la substance de la vie matérielle des citoyens." (Aldo SCHIAVONE, Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle" (traduit de l'italien par Giulia Puma, Fayard, L'épreuve de l'histoire, Saint-Amand-Montrond 2020, p. 153.)
Outre le décalage sans cesse croissant entre les promesses de bonheur (le pouvoir du bonheur ou happycratie) et la réalisation inexistante, des personnes qui se suicident, une crise de l'autorité, une sécession des citoyens (leur désaffiliation bien analysée par le géographe Christophe Guilluy dans son dernier livre No Society, le "There is no society" de Margaret Thatche en 1987, la société, ça n’existe pas...), les contradictions internes des droits de l'homme détruisent la société (ce qui fait le lien social) : il n'y a plus de société.
Dans ce contexte aujourd'hui d'une société française qui n'existe plus, il est urgent de penser l'impasse des droits de l'homme, comme le proposait en son temps François Furet avec son livre "Penser la révolution française" (1978). Le sujet est vaste, il ressortit à plusieurs disciplines (philosophie, théologie..., histoire, sociologie, psychologie.)
Dans un but de recherche des moyens qui rendent possible la vie en société, et devant la destruction généralisée du lien social, cet article se propose de présenter l'optimisme philosophique des hommes des Lumières, l'impasse de la « religion des droits de l'homme », et d'en apporter les premiers remèdes.
Lire aussi : "La crise de la démocratie n'est pas liée à nos institutions. Ça va mal dans toutes les sociétés occidentales !" (Henri Guaino)
La recherche politique du bonheur et la disparition mécanique du libre arbitre : l'individu effacé
La recherche d'un Âge d'or et la quête du bonheur sont les fondements des droits de l'homme des « Lumières »
« "La science divine de la politique est la science du bonheur social", écrivait un de nos premiers apôtres scientifiques du bonheur, John Adams (futur deuxième président des États-Unis après G. Washington), dans Pensées sur le Gouvernement en janvier 1776. » (Cité in Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, Perrin, Collection Tempus, Paris 2012, p. 325.)
Le Dictionnaire de la philosophie de Didier Julia (Larousse, Sciences de l'homme, Evreux 1992) définit le terme « Lumières » (p. 227) ainsi : « [...] couramment, quand on parle de progrès de la civilisation, de la nature humaine, il s'agit d'un progrès vers le Bien: vers l'accroissement des connaissances de l'esprit, du bonheur de l'homme. La croyance au progrès était un des principes de l'esprit encyclopédique au XVIIIe siècle, du positivisme au XIXe siècle: par progrès, les philosophes du XVIIIe siècle (Diderot, Voltaire, les encyclopédistes) n'entendaient pas seulement un progrès de sciences, mais surtout un progrès social dans le sens des libertés politiques et du bien-être économique. » Dès le départ, on note l'importance donnée à l'économique et à un mouvement indéfini de progrès.
« Au XVIIIe siècle, les philosophes écartent la Révélation (autrement dit... la Bible. NdCR.), devenue synonyme d'obscurantisme et de superstition: le mot Lumières est systématiquement appliqué à l'activité intellectuelle et culturelle de l'homme.
« [...] Les Lumières (sans la Révélation. Ndlr.) sont donc le seul moyen de parvenir au bonheur, but de l'existence humaine, accessible à tous, puisque la raison éclaire tous les hommes. Rejetant l'autorité, la tradition, la raison se fonde sur l'expérience. Partant du réel, et non de principes a priori, elle observe, analyse, compare et cherche à découvrir les lois de la nature en s'efforçant de discerner la vérité de l'erreur. » (Guy Cabourdin, Georges Viard, Lexique historique de la France d'Ancien Régime, Armand Collin, 3e éd., Paris 1998, p. 203.)
Or « cette "évolution" [...], ne suffit-il pas qu'on l'examine d'un peu près pour constater qu'elle est le fruit d'un effort organisé de la subversion ?
Envisagé sous cet angle, rien n'est moins naturel que ce prétendu cours "naturel" des évènements. Jamais peut-être leur déroulement ne fut aussi minutieusement et farouchement préparé et conduit par la volonté révolutionnaire d'un petit nombre d'hommes ! (l'oligarchie.)
« Loin de parler d'évolution naturelle de l'histoire, ce sont les violences faites à ce cours de l'histoire que nous aurions profit à étudier !..
« Qu'on jette un regard attentif sur l'enchaînement des principaux évènements depuis 1717 (date de la création de la Grande-Loge d'Angleterre, avènement officiel de l'institution maçonnique) n'y voit-on pas, au lieu de fonctionnement harmonieux de lois naturelles, les violences répétées qu'on sut faire à l'ordre des choses une foule de sectes et d'agents subversifs ? » (Jean Ousset, Pour qu'Il règne, DMM, Niort 1998, p. p. 409.) Voilà le décors planté : une promesse de bonheur économique, la carotte du progrès, une évolution spontanée qui n'est en réalité que le plan des hommes religieux des Lumières.
La première application de ce matérialisme philosophique des Lumières se trouve dans la Déclaration d'Indépendances des 13 États unis d'Amérique du 4 juillet 1776. Thomas Jefferson, assisté de Benjamin Franklin et de John Adams, était le principal rédacteur de cette déclaration, par laquelle les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord firent sécession de la Grande-Bretagne. Elle énumérait les « droits inaliénables » :
«Nous tenons pour totalement évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur" (the pursuit of happiness), et la sûreté (ou droit à la sécurité). « Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. [...] [L]orsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 339.)
« À partir du 5 septembre 1774, un premier Congrès continental réunit au Carpenter's Hall de Philadelphie les cinquante-cinq délégués de douze des treize colonies (la Géorgie mise à part). Parmi eux on remarquait quelques brillantes figures qui allaient s'illustrer dans la guerre d'Indépendance: George Washington et Patrick Henry pour la Virginie, John Adams pour le Massachussets, John jay pour New York, John Dickinson pour la Pennsylvanie. Dans une ardente effervescence [...] on décida le boycott généralisé des produits anglais, la levée d'une armée de volontaires et l'achat d'armes en Europe. On ne revendiquait pas encore l'indépendance mais les "libertés américaines". Le Congrès se dota d'une sorte de bras armée, l'Association continentale, ligue patriotique destinée à former des comités locaux et à lever des milices.
Un article en anglais d'un site maçonnique mentionne : "CARPENTER'S HALL [...] Parmi ses membres, il y avait des maçons, des tailleurs et divers artisans, un certain nombre d'entre eux appartenant à des loges maçonniques de Philadelphie. Le frère Robert Smith, l'un des architectes les plus parfaits de l'Amérique a conçu la salle des charpentiers, ainsi que le Christ Church steeple et d'autres importants bâtiments, dont la maison du frère Benjamin Franklin sur la rue haute (marché)...» (Fin de citation) (source: http://www.masonicworld.com/education/files/apr02/include/masonic%20sites%20in%20philadelphia.htm)
Au 1er janvier (1775), leurs membres arborèrent leur nouveau drapeau, portant en alternance des bandes rouges et blanches, sur lesquelles se superposa en haut du côté de la hampe un canton d'azur couvert d'un cercle de treize étoiles, symbole des treize colonies (ce drapeau sera officiellement adopté le 14 juin 1777 par le Congrès). [...] Une seule nation, plusieurs États formant d'abord une confédération puis, à partir de la Constitution de 1787, une fédération. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin Editions, Lonrai 2012, p. 364.)
« L'Amérique moderne, c'est un rêve que fit l'Europe du dix-huitième siècle et que réalisèrent […] le vingtième siècle et les États-Unis.
[…] Cette civilisation matérielle, […] orientée vers le bien-être, appuyée sur l'optimisme, et soumise avant tout à la disciple du travail utile, c'est l'idéal même du dix-huitième siècle philosophique franco-anglais.
[...] En 1933, deux siècles après que l'Europe philosophique a commencé son prêche, l'Amérique, sa docile élève, offre l'image d'un pays qu'un cyclone a dévasté; les usines sont vides et silencieuses; 20 millions de chômeurs; [...] les riches continuent de travailler, et chaque objet qu'ils produisent ajoute au désarroi de l'univers... »
Triste bilan que l'explosion des inégalités... au pays qui déclara le premier l'égalité des droits ! « L'Amérique a fait faillite, dit-on. Soit. Mais l'Amérique qui a fait faillite c'est celle que le dix-huitième siècle européen avait inventée et façonnée. Elle commença comme un rêve, elle finit par un cauchemar. » (Bernard Faÿ, Roosevelt et son Amérique, Librairie Plon, Paris 1933, p. 10-12.)
« La Déclaration (d'Indépendance) fut saluée un peu partout par force réjouissances; à Philadelphie, le 8 juillet (1776) on proclama l'entrée dans une ère de liberté, au son du canon.» (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 194.)
Avant d'être adoptée, la déclaration d'Indépendance avait été « bloquée par la délégation de Pennsylvanie, toujours temporisatrice. On ne pouvait rien faire sans elle. Franklin décida de lui forcer la main.
« Malgré la campagne d'opinion et le Sens commun les citoyens avaient réélu en mai 1776 une énorme majorité de ces tièdes. Ce parti tenait la colonie et on ne pouvait le briser par des moyens parlementaires. On en employa d'autres. Franklin et ses amis utilisèrent les Loges qui répandaient dans la haute bourgeoisie une doctrine libertaire et les "Associateurs", c'est-à-dire ces volontaires, boutiquiers et ouvriers, qui groupés dès 1749 par Franklin, formaient la police bénévole de Pennsylvanie. Seuls de toute la population ils étaient armés et entraînés. Ils étaient patriotes aussi. [...] Sous l'autorité de leur vieux maître et organisateur Franklin ils réunirent des meetings pour protester contre l'attitude des parlementaires de Pennsylvanie (mai, juin 1776) et de leur délégation au Congrès. Puis une convention préliminaire s'assembla par leur soin (19 juin), qui prépara et fit exécuter une élection (8 juillet). Tous les membres de l'Association, qu'ils qu'ils fussent, y furent électeurs et éligibles, tandis que les autres citoyens devaient montrer patte blanche, il leur fallait démontrer leur "patriotisme" et faire preuve d'une fortune relativement considérable. On eut donc de "bonnes élections". La convention provinciale ainsi élue, se réunit aussitôt et commença son travail (15 juillet) qui consistait à administrer la province et à lui donner une constitution. Son premier acte fut de choisir Franklin comme président [délégué au Second Congrès Continental organisé du 10 mai 1775 au 1er mars 1781. En 1785, de retour aux États-Unis après avoir été ambassadeur en France de 1776 à 1785, Franklin sera de nouveau élu pour trois ans président du Conseil exécutif de Pennsylvanie et participera en 1787 à la rédaction de la Constitution américaine à Philadelphie (Pennsylvanie), avant de mourir en 1790], puis elle le nomma représentant de la Pennsylvanie au Congrès en lui adjoignant une délégation fort patriote. Ainsi la difficulté était tournée. L'Assemblée, atteinte au coeur, protesta avec éloquence, lutta avec noblesse et mourut d'inanition. Grâce à cette manoeuvre, le Congrès avait pu enfin voter une Déclaration d'Indépendance (4 juillet 1776). Ce texte, rédigé par Jefferson et corrigé par Franklin, était destiné à servir de signe de ralliement pour les Américains et à répandre par le moindre cri de guerre de la nouvelle République. Il était avant tout un texte de propagande, d'où son caractère si curieux et si ambigu. Jusqu'alors les Américains avaient combattu le Ministère et le Parlement, ménageant au contraire le Roi comme innocent et comme leur suprême ressource. Maintenant, soudain, ils se tournaient contre lui et l'invectivaient... » (Bernard Faÿ, Benjamin Franklin, Citoyen du Monde**, Nouvelle Collection Historique, ad. Calmann-Lévy, Paris 1931, p. 152-154.)
Lors de son ambassade en France, « Franklin alla s'établir sur la jolie colline de Passy auprès de Paris. [...] Passy était le centre d'une chapelle philosophique, économiste et franc-maçonne. les Loges y travaillaient activement, à la fois à l'écart de la grande ville et proches d'elle. Or, [...] la franc-maçonnerie française, [...] sous l'impulsion de la famille d'Orléans, se réorganisait et essaimait partout.
« Comme philosophe et comme déiste, Franklin fut des leurs immédiatement et ils furent tout acquis à lui. C'était là un poste d'observation et un poste de commandement d'où il lui était facile de faire de la bonne besogne. Ainsi, lui était garanti l'accès aux journaux; car ceux de France, contrôlés officiellement par le gouvernement, étaient en pratique rédigés par des maçons et des Philosophes : Morellet, Suard, La Dixmerie, tous amis de Franklin, étaient de ceux-là. La plupart des journaux français publiés hors de France étaient possédés et rédigés par des Maçons. Sans coup férir Franklin eut ses entrées à la Gazette de France, au Mercure de France, aux Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique, feuille de propagande publiée par le Ministère français pour houspiller les Anglais; il fit insérer tout ce qu'il voulait au Courrier de l'Europe, à la Gazette de Leyde, qui passait pour la meilleure d'Europe, à la Gazette Française d'Amsterdam, au Courrier du Bas-Rhin. Pour ce travail il avait des collaborateurs illustres, le duc de La Rochefoucauld, l'abbé Raynal (le philosophe français le plus en vue du temps), un certain abbé Niccoli, ministre à Paris du grand-duc de Toscane, Courtney Melmoth, polygraphe et acteur anglais, qu'il avait à sa solde. Mais surtout il mettait lui-même la main à la pâte. Dès 1777 circulaient en manuscrit et paraissaient furtivement deux petits écrits de source inconnue, mais de facture révélatrice: Comparaison entre la Grande-Bretagne et les États-Unis en ce qui touche le crédit des deux pays. - Lettre du comte de Schaumberg au baron Henhendorff, commandant les troupes hessoises en Amérique. [...] Par ses affiliations philosophiques et maçonniques, Franklin avait accès à des organes tels que le Journal de Paris, la feuille à la mode en France à cette époque. [...] Membre de la loge des Neuf Soeurs, il en était aussi le Vénérable (1779-1781). Il guidait leurs activités. [...] La loge des neuf soeurs n'avait point tardé [...] à grouper tous les esprits hardis de France: officiers, magistrats, écrivains, artistes, philosophes. » (Bernard Faÿ, Benjamin Franklin, Citoyen du Monde**, Nouvelle Collection Historique, ad. Calmann-Lévy, Paris 1931, p. 179-180; 213; 251-252.)
En tant que « père fondateur » du pays, l'effigie du frère Franklin a figuré sur plusieurs timbres d'usage courant, dont le cinq cents brun, un des deux premiers timbres des États-Unis. Son effigie apparaît sur le billet de cent dollars.
« La devise E Pluribus unum (« un seul à partir de plusieurs » ou dans une traduction plus directe « De plusieurs, un ») remonterait à l'été 1776, lorsque Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et John Adams reçurent mission de trouver un sceau de la nouvelle nation. Ils se tournèrent vers un artiste d'origine genevoise Pierre-Eugène Du Simitière. Franlin avait proposé un Moïse étendant les mais sur les eaux déferlant sur le pharaon avec cette légende : "La rébellion contre les tyrans et l'obéissance à Dieu." Adams avait choisi un jugement d'Hercule, d'après une gravure de Simon Gribelin, tandis que Jefferson songeait aux Israélites dans le désert, et à Hengist et Horsa, les deux dirigeants légendaires des premiers Anglo-Saxons en Grande-Bretagne. Finalement, le choix se porta sur un oeil dans un triangle très maçonnique - que l'on retrouve sur les billets de banque. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., note 2, p. 467.)
Le grand sceau des États-Unis (Great Seal of the United States) est utilisé pour prouver l'authenticité de certains documents au sein du gouvernement américain. C'est en 1782 qu'il a été utilisé publiquement pour la première fois.
Le grand sceau figure sur le verso du billet de un dollar américain. À la suite d'une décision de Franklin D. Roosevelt, président au moment de sa conception en 1935, le sceau y figure inversé ; le verso du sceau (la face qui inclut l'Œil de la Providence au sommet d'une pyramide) est à gauche et le recto à droite.
Si « la déclaration d'Indépendance mentionnait encore en 1776 des "lois de la nature et du Dieu de la nature", [r]ien de tel une dizaine d'années plus tard dans la Constitution ou dans le Bill of Rights. » (B. Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 317.)
Bernard Cottret ajoute : « Le caractère séculier de la société américaine [...] intéresse [...] les historiens : ne doit-on pas admettre le caractère partiellement mythique du passé puritain ? Jean Delumeau avait mentionné voici plusieurs années l'illusion rétrospective qui consiste à créditer les siècles passés de ferveur, en soulignant par contrecoup la déchristianisation ultérieure. Il n'est pas sûr que la société américaine ait toujours été aussi chrétienne qu'on a pu le prétendre, et les études récentes tendraient à démontrer que l'évangélisme conquérant des XIXe-XXe siècles a passablement brouillé les repères.
[...] Il faut renoncer désormais à la thèse d'un retrait linéaire du sacré, caractéristique de la modernité. [...] Le cas américain l'illustre parfaitement : [...] l'on n'est pas passé d'un monde saturé par le sacré à un monde de plus en plus profane. C'est exactement l'inverse : les États-Unis sont à tout prendre moins laïcs de nos jours qu'ils ne l'étaient lors de la Révolution. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 318.) Toute la question est de savoir quelle religion a remplacé quelle autre ? « Ainsi l'historien P. Maier note-t-elle fort justement la sacralisation croissante de la déclaration d'Indépendance depuis deux siècles. » (Pauline Maier, American Scripture, Making the Declaration of Independence, 1997, New York, Vintage 1998, p. IX, cité in Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., note 70, p. 477.)
« La Révolution américaine dut beaucoup plus à la philosophie des Lumières qu'à l'influence de la Bible. Elle demeure l'un des temps forts de la sécularisation des mondes modernes, tout en accouchant d'une "religion civile" prompte à vouer un culte à ses grands hommes. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 318.) Et en effet, la Révolution américaine, comme la Révolution française, méconnaissent les fondements bibliques du bonheur que sont la recherche de Dieu (« connaître le Dieu saint » Pr. 9:10) et le respect des commandements divins.
« Le "modèle américain" est, comme chez nous la République, un "produit du siècle des Lumières", qui puise dans le même fonds commun politique et philosophique... » (D. Lacorne, L'Invention de la République, Hachette, Paris 1991, p. 10 in Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 13.)
« Turgot [...] reprochait [...] aux Anglais, [...] d'avoir oublié la "science la plus intéressante de toutes, celle du bonheur public. » (Turgot, Lettre à R. Price, 22 mars 1778. Appendice à H. G. Riqueti, comte de Mirabeau, Considérations sur l'ordre de Cincinnatus, , p. 187)
« La quête du bonheur devenait ainsi le fondement de ce que l'on allait appeler peu après les droits de l'homme. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, ibid., p. 185; 429 note 14.) Le bonheur se définissait désormais comme matérialiste, par la possession des biens de ce monde, l'importance de l'économique et la recherche du commerce :
« Et un autre observateur français de surenchérir : "Le droit naturel est le droit de l'homme à son plus grand bonheur possible." (C. Guilloton-Beaulieu, Influence du despotisme de l'Angleterre sur les deux mondes, Boston, 1781, p. 11. Et l'auteur de poursuivre: "La satisfaction intérieure de l'âme, qui naît du libre et paisible exercice de ce droit, ainsi que de la possession des biens, des avantages légitimement acquis, est le bonheur. C'est ce mobile impérieux qui est le principe de toutes les actions. Mais l'homme se trompe souvent dans le choix des moyens qui conduisent vers ce but." Et encore: "L'origine des lois naturelles date de ce droit de l'homme. Ces lois sont des règles de direction qui indiquent la route du bonheur; et celui qui veut ardemment la fin d'une chose doit aussi en vouloir les moyens.")
« L'orgueil de l'homme, l'esprit du mal, la révolte contre Dieu » (Gustave Bord), dans la société moderne
Dès 1787, le futur conventionnel « Jacques-Pierre Brissot, exhortait les Français à s'intéresser à un pays (les États-Unis) dont le destin lui paraissait prometteur "pour le bonheur de la France."
[...] Le but de Brissot était nettement d'encourager les Français à "renoncer à leur langueur pour le commerce de l'Amérique" en exportant outre-atlantique une partie de leur production. [...] Chaque fois que l'on parle de la conception américaine du bonheur, c'est pour délivrer la vie économique de ses entraves. Le plaidoyer de Brissot possède déjà toute la rhétorique empruntée de la Lettre aux actionnaires de quelque multinationale de notre temps... » (Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 10.)
« Quant à l'abbé Sieyès, il devait s'exclamer en juillet 1789 : "L'objet de l'union sociale est le bonheur des associés." » (Orateurs de la Révolution française, F. Furet, R. Halévi, Gallimard, La Pléiade, Paris 198, I, p. 1008, in B. Cottret, La Révolution américaine, ibid.,, note 3, p. 363.) Et pour la poursuite de ce bonheur des associés, quoi de mieux que la théorisation du gouvernement représentatif ? (Sieyès, Discours du 7 septembre 1789.) Commerce et démocratie représentative vont ensemble. Au XIXe siècle, François Guizot aurait dit : « Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne et vous deviendrez électeurs.» Comme si devenir électeur était la nouvelle fin de l'homme, les révolutionnaire qui ont inventé la démocratie nous disent de nous occuper de rien : ils s'occupent pour nous de notre bonheur !
Cette prétention des Lumières à représenter les citoyens plongés dans l'obscurantisme (élitisme maçonnique millénariste) est tout sauf démocratique, parce que l'idée des Lumières est que seuls ceux qui ont les Lumières ont le droit de s'exprimer et de décider pour les autres; les autres sont dans les Ténèbres et il faut leur imposer les Lumières, même s'ils n'en veulent pas. C'est l'autoritarisme de la Révolution française où un Robespierre prétend avoir les Lumières et impose aux autres l'obéissance à sa liberté (ou la guillotine). On retrouve ce type de raisonnement dans pratiquement tous les processus révolutionnaires qui sont des révolutions menées par des athées rationalistes, des scientistes. Ce qui est paradoxal puisque les défenseurs des Lumières sont précisément ceux qui prétendent défendre la démocratie.
On remarquera ainsi que dans la soit-disant société démocratique, jamais les Français n'auront été informés ni prévenus de qui est cet Être suprême qui pourtant chapeaute leur droit, à la tête même de la déclaration dite des droits de l'homme ! Depuis deux siècles, les Français vivent sous les « auspices de l'Être suprême » sans qu'il y ait eu aucune discussion à ce sujet pour savoir si ce dieu était le vrai Dieu... Dans le projet jacobin de 1789, la centralisation a la première place, tôt ou tard le bonheur est garanti, et les Français ne sont que des administrés qu'il faut éclairer des Lumières de ceux qui ont la connaissance. Une petite élite connaît la vérité, (ou qui croit la connaître) et elle est chargée de communiquer cette soit-disant connaissance, à nous les profanes (sic vocabulaire maçonnique) qui sommes plongés dans les ténèbres (re sic vocabulaire maçonnique).
En France, en 1789, le « Dieu de la nature » des philosophes commence par être remplacé dans le préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par les « auspices de l'Être suprême » maçonnique.
« Le profane, en effet, celui qui est dans les ténèbres, fait partie d'une humanité différente d'un monde maçonnique; lui n'est pas un égal; c'est à peine si le maçon le considère comme une plante de la vaste pépinière dont il sélectionne les rejetons; mais afin de déterminer les vocations, il contamine la pépinière entière en la développant en vue des doctrines qui doivent dominer en lui; en faisant naître chez le profane des doutes au sujet de ses croyances religieuses, il le conduit ainsi à la religion maçonnique. » (Gustave Bord, La franc-maçonnerie en France des origines à 1815, 1852, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1908, p. 99.)
Que devient notre libre arbitre ? Dans les étapes que le maçon doit parcourir pour gagner ses grades, l'historien Gustave Bord précise cette inégalité dans la conduite du profane par le maçon : « ce qu'il faut qu'il (le maçon) comprenne, c'est comment on conduit les hommes, comment on les fait concourir, malgré eux, à la prospérité de l'Ordre. On leur explique comment un petit groupe organisé en aristocratie secrète mène la foule non-organisée; comment un pouvoir occulte, irresponsable mais actif, mène le pouvoir responsable et le rend le principal artisan de sa décadence et de sa mort. On leur apprend que les vices de l'humanité sont les grands leviers des habiles; que, dans la pratique, on ne rencontre qu'un obstacle : la révolte de la conscience humaine, cette chose qu'ils n'ont pu saisir ni comprendre dans les deux premières chapelles, et que tout l'art consiste à endormir cette conscience pour l'empêcher de se révolter. On leur apprend que lorsqu'il suffira à l'homme de déposer un bulletin anonyme dans une urne pour entretenir ses vices et flatter son orgueil, il le mettra.
Lorsque l'initié saura tout cela, il sera un maçon parfait; sa mentalité maçonnique sera parachevée. [...] Voilà ce qu'au XVIIIe siècle on appelait le travail de loge. Voilà comment au nom de l'égalité, le maçon escamotait cette égalité à son profit. Il veut l'égalité entre initiés, il veut l'égalité entre profanes, mais il ne veut pas l'égalité entre initié et profane. » (Gustave Bord, La franc-maçonnerie en France des origines à 1815, 1852, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1908, p. 200.)
Le président catholique américain John Fitgerald Kennedy pointa le problème d'une société qui détruit le libre-arbitre dans un discours du 27 avril 1961 au Waldorf Hastoria Hotel :
« [W]e are opposed around the world by a monolithic and ruthless conspiracy that relies primarily on covert means for expanding its sphere of influence--on infiltration instead of invasion, on subversion instead of elections, on intimidation instead of free choice, on guerrillas by night instead of armies by day. It is a system which has conscripted vast human and material resources into the building of a tightly knit, highly efficient machine that combines military, diplomatic, intelligence, economic, scientific and political operations.
« Its preparations are concealed, not published. Its mistakes are buried, not headlined. Its dissenters are silenced, not praised. No expenditure is questioned, no rumor is printed, no secret is revealed. »
Traduction :
« Nous sommes confrontés dans le monde entier à une conspiration monolithique et impitoyable qui s'appuie d'abord sur des moyens secrets pour étendre sa sphère d'influence, par l'infiltration plutôt que l'invasion, la subversion plutôt que les élections, et l'intimidation au lieu du libre-arbitre.
C'est un système qui a nécessité énormément de ressources humaines et matérielles dans la construction d'une machine étroitement soudée et d'une efficacité remarquable, elle combine des opérations militaires, diplomatiques, de renseignement, économiques, scientifiques et politiques.
Leurs planifications sont occultées et non publiées. Leurs erreurs sont passées sous silence ou non relayées par la presse. Leurs détracteurs sont réduits au silence et leurs avis non sollicités. Aucune dépense n'est remise en question, aucun secret n'est révélé. »
sources: https://www.jfklibrary.org/Research/Research-Aids/JFK-Speeches/American-Newspaper-Publishers-Association_19610427.aspx
et
https://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_John_Fitzgerald_Kennedy#Le_Président_et_la_Presse_(27_avril_1961)
Entre les élites (maçonniques), c'est-à-dire dans le jargon de la religion maçonnique, ceux qui savent (ceux qui ont la connaissance) ne doivent pas être mis sur un pied d'égalité avec les profanes, les gens du peuple.
On commence à voir la différence entre les deux projets de société.
Dans le christianisme, le bonheur est individuel, il est laissé à notre libre arbitre (Voir plus loin le paragraphe sur le mensonge de la liberté de l'article 1 de la déclaration des droits de 1789), il dépend de notre obéissance au commandements divins, il n'est pas garanti ici-bas et n'est pas obligatoire. Dans le projet jacobin, au contraire, comme nous le verrons plus loin, le bonheur est terrestre, mais il est collectif et il est obligatoire. Marque de tous les totalitarismes.
Du simple point de vue de l'administration des territoires, on observe la même différence entre les deux types de sociétés : « les rois voulaient unir en respectant les traditions et les particularités locales, sans user de violence. Ils cherchaient à supprimer de façon graduelle, et tout en les tolérant d'abord, les frontières administratives, financières, douanières, etc., qui séparaient les diverses provinces de France. Les révolutionnaires, sans comprendre que la variété est une forme de la liberté, et peut-être la plus essentielle pour chacun, s'orientaient vers une unité dans l'uniformité. Le niveau, emblème de la Maçonnerie, correspondait à leur projet principal. » (Bernard Faÿ, La Grande révolution 1715-1815, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 244.) Après l'économique, l'uniformité caractérise la république des Lumières.
« Ce n'est pas que le pays fût malheureux : le servage, qui subsistait dans plus autres pays de l'Europe, en avait disparu. Le XVIIIe siècle avait été pour le paysan une ère de prospérité relative. Les hommes de la glèbe s'étaient enrichis jusqu'à acquérir et posséder plus de la moitié du sol. Voltaire dit leur bien-être. L'instruction populaire sous l'Ancien Régime était plus développée qu'on ne le croit communément. L'industrie était généralement prospère, le commerce avec l'étranger très florissant; depuis Louis XIV, il avait plus que quadruplé. [...] La population du pays se montait à vingt-cinq millions d'habitants – chiffre égal à celui de l'Angleterre et de l'Allemagne réunies. De quoi pouvait-on souffrir ? D'une crise intellectuelle et morale. L'école économique et philosophique composée de ceux qu'on a dénommés les encyclopédistes – du fait que les principaux d'entre eux étaient les collaborateurs de l'Encyclopédie dirigée par Diderot – avait répandu des doctrines et théories faites d'abstractions et d'idées préconçues; à quoi ne tarda pas à se mêler la sensiblerie humanitaire de Jean-Jacques Rousseau. Les nouvellistes, depuis plus d'un siècle actifs à façonner l'opinion publique, s'emparèrent de cette mystique pour lui donner une multiple publicité: groupes de nouvellistes d'où sortiront les clubs dont Augustin Cochin a montré l'action sur les évènements révolutionnaires. [...] "Périssent les colonies plutôt qu'un principe !" "Et si le principe est faux, ajoutera bonnement le gouverneur Morris – ambassadeur américain en France – la maxime est parfaitement sublime." » (Frantz Funck-Brentano (1862-1947), de l'Institut, La Révolution française, Voir... et... Savoir, Paris : Flammarion, 1935, p. 3-4.)
Les partisans de la première « république » en France en 1792, croyaient dans les promesses du progrès. Voyez cette citation de Voltaire : « Le monde avec lenteur marche vers la sagesse. » (Voltaire. Les Lois de Minos, Act III., Sc. 5.)
L'allemand Emmanuel Kant (1724-1804), penseur de l'Aufklärung (Lumières allemandes), pariait lui aussi sur ce processus historique d'émancipation volontaire et progressive de l'homme, sa capacité à promouvoir le bonheur, la paix et la vertu. « À une philosophie (classique) qui a pour fondement Dieu, Kant substitue une philosophie qui part d'un point de vue : celui de l'homme. En ce sens, il effectue une véritable révolution copernicienne » (Info Bac, Les Philosophies et leurs idées, 65 portraits de philosophes, 82 citations, un mini-glossaire, Philosophie, Nathan.) L'anthropocentrisme trouve son regime dans la république des Lumières. Et le paradoxe est que l'homme disparaît, l'individu disparaît au profit d'une collectivité fabriquée, donc factice. On en verra des résultats meurtriers au XXe siècle dans le communisme et le nazisme. En 1799, l'abbé Barruel avait déja ainsi pu ironiser prophétiquement sur cette philosophie kantiste des Lumières :
« Dans le système de ce fameux docteur : [...] Des milliers et des milliers d'années s'écouleront peut-être avant l'heureuse période de cette paix perpétuelle; mais quelque idée qu'on se fasse du libre exercice de la volonté, si est-il certain que les résultats apparents de cette volonté, les actions des hommes, sont ainsi que tous les autres faits de la nature, déterminés par des lois générales. Cette nature marche d'un pas lent, mais certain, à son objet. [...] Tôt ou tard, l'époque de la confédération générale, de la paix perpétuelle, arrivera. Cependant à cette époque même, l'espèce humaine n'en sera encore qu'à moitié chemin de son perfectionnement. – Je ne sais pas s'il plaît au dieu Kant de nous dire quelle est l'autre moitié de la route qui reste à parcourir (Voyez Idées d'une histoire universelle dans les vues du citoyen du monde, par M. Kant, spectateur du Nord, Avril 1798). Mais en attendant, ses disciples en grand nombre nous disent que "l'Europe doit nécessairement se dissoudre en autant de républiques qu'il y a maintenant de monarchies; et qu'alors seulement le genre humain se montrera dans toute sa force et sa grandeur; qu'alors on ne verra plus des êtres incapables à la tête des nations; qu'elles arriveront à ce haut degré de perfection dans lequel se trouve aujourd'hui la France, où la naissance n'est plus rien, où l'on parvient à tout par le génie et les talents." (Mémoires sur le jacobinisme en Allemagne). En attendant encore, d'autres disciples sentent parfaitement ce que c'est que cette autre moité du chemin à parcourir, pour arriver au perfectionnement de l'espèce; et pour ceux-ci, l'homme perfectionné, c'est l'homme n'ayant plus d'autre maître que lui-même, d'autre loi que sa raison; c'est l'homme du professeur de Iéna, l'homme de Weishaupt et de Babeuf.
« [...] Malgré la différences des procédés, il est en effet aisé de voir que le système du docteur Kant, aujourd'hui encore (1799) professeur de Koenigsberg, vient ultérieurement se confondre avec celui du docteur Weishaupt, ci-devant professeur à Ingoldstadt. C'est près de l'un et de l'autre cette même haine de la Révélation, ce même esprit d'impiété, qui ne peut souffrir l'idée d'un monde à venir, où toutes les énigmes de celui-ci se résolvent par la sagesse et la justice du Créateur, où le grand objet de chaque homme et de tout le genre humain se dévoile au tribunal d'un Dieu vengeur et rémunérateur. C'est dans Kant et Weishaupt la même prétention au génie, punie par le délire de leurs suppositions également gratuites et absurdes, qui ne laisse à la génération présente, pour toute consolation de tous ses désastres, que le règne imaginaire de ces Cosmopolites, dont il leur plait de voir la terre se peupler au bout de milliers et des milliers d'années. [...] C'est la même ineptie d'un fatalisme qui nous montre partout une nature faisant toujours ce qu'elle veut, malgré toutes nos volontés, dominant toutes nos actions par ses lois générales. [...] Toute la différence que je vois ici entre ces deux héros du jacobinisme tudesque, c'est que l'un, au milieu de son école de Koenigsberg, s'enveloppe de tous les dehors pacifiques, tandis que l'autre, dans ses mystères, presse et anime ses adeptes, souffle son enthousiasme et ses fureurs à ses Époptes, en leur montrant le jour où il faudra recourir aux moyens de la force, subjuguer et étouffer tout ce qui leur résiste. [...] Les disciples s'échauffent, les Jacobins sourient; et à mesure que le système s'étend, les élèves de l'une et l'autre école s'unissent, forment leurs alliances souterraines. Sous prétexte de cette paix perpétuelle qui attend les générations futures, ceux-là ont commencé par déclarer et faire à l'univers une guerre de cannibales; et de ceux-ci à peine en est-il un qui ne soit prêt à livrer sa patrie, ses lois et ses concitoyens, pour hâter l'empire de leurs Cosmopolites, annoncé par l'oracle de Kant ou celui de l'Homme-Roi, prédit par le hiérophante Weishaupt. » (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, éd. de Chiré, tome 2, Poitiers 2005 ,p. 521-522.) « Et de ceux-ci à peine en est-il un qui ne soit prêt à livrer sa patrie, ses lois et ses concitoyens, pour hâter l'empire de leurs Cosmopolites... » : Prophétique !
Au Canada, ils ont eu du mal avec ces Français (les Gaulois réfractaires au changement de Macron) : « il n'est pas toujours facile de séduire les Français; "Je ne suivrai pas la disposition naturelle de mon coeur, qui dicte la clémence", s'était écrit James Murray, premier gouverneur militaire du pays (6 novembre 1759. Cité par H. Neatby, Quebec. The Revolutionary Age, Oxford University Press, Oxford 1966, p. 142 in Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 17.) Après avoir combattu au siège de Louisbourg et sur les plaines d'Abraham, devant Québec, J. Murray (1722-1794) devenait gouverneur militaire de la région en 1760, puis gouverneur civil en 1764 avant d'être rappelé en 1766 et perdre sa charge deux ans plus tard. « Le bonheur, instrument de conquête ou de libération ? Succédant à la gloire des armes, le bonheur des peuples faisait visiblement partie du vocabulaire éclairé du gouvernement. » (Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 34.)
« En 1774, le successeur de Murray, Carleton, parla pareillement de l'octroi d'un régiment aux Canadiens, pour que "leur bonheur fût complet..." » (H. Neatby, Quebec. The Revolutionary Age, Oxford University Press, Oxford 1966, p. 142 in Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 375.)
Le son du canon célébrant à Philadelphie la Déclaration d'Indépendance, l'envoi de régiments, le triangle maçonnique associé au dollar anticipent déjà la propagation du règne de la liberté et de la démocratie dans le monde, par la guerre et le capitalisme.
Le 3 mars 1794 (le 13 ventôse, an II), le révolutionnaire Saint-Just s'écriait : « Le bonheur est une idée neuve en Europe !» (Discours et rapports, A. Soboul, Paris, Messidor, 1998, p. 150, cité in Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 325.)
Tous promettaient le bonheur ici-bas.
Mais le bonheur de qui ? Il est légitime de se le demander. Ainsi, un exemple entre mille, la loi de ventôse an II prévoyait de voler les biens des « suspects » reconnus ennemis de la république pour les donner aux patriotes indigents. La mise en place d'États policiers criminels, les violations de la morale commune, les violations du droit naturel de propriété et des libertés publiques, des inégalités jamais vues autrefois, sont autant d'avancées de la démocratie dans le monde.
Depuis 1792 et l'apparition des républiques en Europe, l'ambition de mener l'humanité vers le « Bonheur pour tous », la construction d'une « France nouvelle » (expression de Philippe Pichot-Bravard dans La Révolution française, Via Romana, 2014, p. 79), la fabrication de l'« homme nouveau », « nouvel Adam » (expression de Mona Ozouf dans L'homme régénéré, Gallimard, Paris 1976, p. 116-118), la recherche d'un Âge d'or, sorte de paradis terrestre perdu qu'il s'agit de retrouver par tous les moyens..., quitte à faire la guerre aux autres qui n'en veulent pas, sont avec les droits de l'homme de 1789 les signes du « bonheur obligatoire » (expression du professeur Jean-Louis Harouel.)
Add. 23.02.2023. L'historien Xavier Martin, professeur émérite de l'histoire du droit, Université d'Angers, décrypte le matérialisme des Lumières :
‘Jouir de soi-même’, la dite formule est spécialement harmonisée au génie propre d’un Rousseau, qui en fait grande consommation.
‘’L’idéal du bonheur proposé par les Lumières s’oppose à celui qui est solidement en place qui est celui du bonheur chrétien (la tempérance) qui disqualifie le modèle hédoniste (jouisseur et concupiscent) et privilégie la perspective de l’au-delà.
Le révolutionnaire Brissot pose en principe que l’‘on ne jouit que par les sens.’
Diderot : ‘Il n’y a qu’un devoir c’est d’être heureux.’
Et Voltaire écrit : ‘Jouir de la vie tant qu’on la tient. Car tout le reste est folie.’
Mirabeau père : ‘Notre bonheur est notre premier devoir.’
Et aussi Sieyès : ‘L’homme est fait pour jouir.’
D’Holbach : ‘Jouis, voilà ce que la nature t’ordonne, consent que d’autres jouissent, mets-les à portée de jouir.’
Et Chamfort : ‘Jouis et fais choisir, voilà je crois toute la morale.’
Ou Sonancour : ‘Jouis, il n’est pas d’autre sagesse; fais jouir il n’est pas d’autre vertu.’
N‘est-ce pas assez clair ? On est moins ici dans une perspective de droits subjectifs que dans le devoir, les impératifs, l’impériosité.
Mettre ses semblables à la portée de jouir : message bien reçu par Mirabeau fils. ‘Le code social, affirme-t-il en 1776 doit être fondé sur les sensations et par là-même n’a d’autre objet que les jouissances (ce sont ses mots), leur distribution, leur arrangement, leur reproduction et leur multiplication.’
Consonant écho chez Condorcet: ‘Principal bienfait du libéralisme, il augmente, dit-il, la masse des jouissances.’
En un mot, société, satiété, c’est désormais tout un !
Cette logique affirmée d’un devoir d’être heureux ici-bas inclut bientôt l’obligation, paradoxale, d’un résultat. Elle se transmet en une logique totalitaire, consubstantielle aux utopies, celle du bonheur obligatoire. Logique totalitaire, qui la Terreur venue, viendra jusqu’à traquer l’expression des visages !
Selon un témoin, quand passe en mission un conventionnel, je cite : ‘la tristesse se répand dans tous les coeurs et la gaieté sur tous les visages.’
Pour l’abbé Morlaix, quoique ‘philosophe’, un comité de surveillance va fignoler cette question piège : ‘pourquoi étais-tu gai avant le 10 Août 1792, deux ans plus tôt, et triste après ?’
Le devoir d’être heureux invoqué par Diderot et consorts, est devenu entre-temps, tyrannique, et vital : car on l’a compris, la mine allongée peut bien vous hisser en un tour de main jusqu’au bonheur obligatoire de l’échafaud...’’
(Xavier Martin)
Source video : https://gloria.tv/post/QcbDcYjhAUJm3yaeTCtiHWHd8#1185
« La révolution [...] offre une promesse vague de liberté et de bonheur qui ouvre un espace infini aux spéculations.[...] Sitôt formulée, toute définition de la révolution s'expose à la concurrence d'autre discours, à des définitions qui en approfondiront la nature et en radicaliseront les objectifs. Là réside le moteur de la dynamique révolutionnaire qui, d'outrances en surenchère dans la définition des fins et le choix des moyens, conduit inexorablement, à travers un processus de radicalisation cumulative du discours, à la violence. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 230.)
« Il n'y a jamais de retour en arrière durant ces années, mais, comme dans toute la Révolution (faut-il dire dans toute révolution ?), une radicalisation croissante. » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Paris 1989, p. 42.)
La promesse vague de liberté et la recherche d'un bonheur est la matrice gnostique et millénariste, qui associée au volontarisme et au constructivisme de la Révolution est à l'origine de tous les génocides, de 1789 à 1917, en passant par le nazisme et la promesse aujourd'hui, en 2018, du "nouveau monde" d'Emmanuel Macron avec son lot de remplacement de peuples et de destruction de sociétés...
Au départ pourtant se trouvaient toujours de belles idées, de beaux discours toujours teintés d'anciennes hérésies gnostiques antichrétiennes..., qui n'ont trompé que les personnes naïves. Et à chaque fois, la recherche millénariste de l'Âge d'or a abouti à un enfer.
Jean-Jacques Rousseau, le père de l'illuminisme [1] et du communisme nous dit qu'à l'état de nature les hommes vivaient comme le font les animaux. Pour lui, c'était l'âge d'or. Un âge de bonheur indépassable, un état de liberté et d'égalité, où "les fruits étaient à tous et la terre à personne" (Discours sur l'inégalité, ndlr.) Un état "où chaque homme était citoyen de l'univers..." (cité in Mgr Delassus, La Conjuration antichrétienne, Le temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise catholique, 1910, réd. Expéditions Pamphiliennes, 1999, p. 281.)
L'âge d'or des révolutionnaires, où les hommes étaient libres et égaux n'a rien à voir évidemment avec le vrai Jardin d'Eden biblique (Cf. la Chute originelle) où la Chute de l'humanité est due à la première désobéissance à un commandement divin.
Dans le monde nouveau des révolutionnaires, au contraire, la Chute n'est plus due à la désobéissance à Dieu, le fautif n'est plus l'homme, l'homme devient une victime..., le mal se trouve forcément à l'extérieur dans la société qu'il s'agit de changer pour régler les problèmes et retrouver l'âge d'or de la « liberté ». Il s'agit de la « liberté » du démon de Genèse 3 et pas de celle de Dieu, bien évidemment.
La Déclaration des droits de l'homme de 1789 se place « sous les auspices de l'Être suprême » très maçonnique. Et le « bonheur de tous », opium du peuple, est garanti:
Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.
‘’Il y a un côté vrai dans le libéralisme, qui est d’avoir la liberté en vue ; mais aussi un côté faux, qui est d’en appliquer les fruits, non au mérite acquis, mais à l’orgueil universalisé.’’ (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 99.)
‘’Le libéralisme […] Il pourrait être défini : Un système de politique conçu en dehors de toute donnée théologique et de toute notion tirée de la nature humaine. […] L’aspect de vérité dont se revêt le libéralisme, d’un côté lui attire les nouvelles recrues, de l’autre maintient la société dans l’impuissance de lutter contre l’erreur qui la menace d’un anéantissement complet. Puis, quand le mal a jeté de profondes racines, les libéraux, démontrant aux honnêtes gens l’impossibilité de vaincre la Révolution, déclarent qu’il n’y a rien de mieux à faire que de se replier prudemment. Après s’être emparé des masses par l’erreur, conquérir de la sorte les autres classes par la peur, c’est amener la société à la dernière capitulation. Ce qu’il y a de plus à redouter dans le libéralisme, c’est qu’il ignore entièrement de quel principe il est issu : la raison ne sait où l’atteindre. Il oublie la fausse donnée philosophique dont ses idées sont une conséquence. […] Il croit volontiers, sur la foi de Rousseau, que tout homme naît bon, depuis bientôt un siècle il ramène périodiquement nos crises révolutionnaires. La Révolution, qui a tant péroré sur l'homme, naît toute entière d'une erreur sur l'homme.’’ (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 100-101.)
‘’De là les formules de Rousseau, reçues avec avidité par le vulgaire : ‘l’homme est né libre, et partout il est dans les fers’ ; ‘l’homme est né bon, et la société le déprave’ ; ‘nous devons revenir à l’homme de la nature’, etc. De là, conséquemment, l’ardeur avec laquelle la Révolution se mit à détruire une société d’où, suivant elle, découlaient tous nos maux.
''La Révolution déclara que l’homme retrouverait la perfection et le bonheur en supprimant les prêtres et les rois. Tous les hommes seraient heureux et rentreraient dans leur perfection primitive en retournant à la nature, c’est-à-dire en abolissant l’autorité, les lois, surtout la religion, source de nos erreurs. Il fallait écarter tout ce qui nous vient de la civilisation pour retrouver l’homme de la nature, cet homme heureux et bon, né avec tous les droits. Enivré de cette pensée, le Libéralisme prit pour mission de la servir. […] Le libéralisme fut l’acheminement vers l’état de nature, la république en devait être la réalisation, et c’est pourquoi elle renverse tout. [...] [C]ette idée fournit une base aux désirs de l'orgueil : voilà pourquoi elle devait triompher !’’ (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 101-102.)
Or, la recherche du bonheur simplement matérialiste de ces déclarations révolutionnaires méconnaît les vrais fondements immatériels et spirituels du bonheur (purification intérieure par la pénitence et la mortification, recherche de Dieu et respect de Ses commandements), fondements individuels, libres par nature (libre arbitre chrétien), et nécessairement non obligatoires (afin de respecter le libre arbitre de l'homme).
Nous verrons plus bas que le Décalogue (Dix commandements) est la vraie déclaration de droits universelle.
« La sagesse commence avec la crainte du Seigneur, connaître le Dieu saint, voilà l’intelligence ! » (Proverbes 9:10)
« La sagesse commence avec la crainte du Seigneur. + Qui accomplit sa volonté en est éclairé. À jamais se maintiendra sa louange. » (Ps 110 :10)
« Alléluia ! Heureux qui craint le Seigneur, qui aime entièrement sa volonté ! » (Psaumes 111:1)
« Fais-toi un cœur droit, et tiens bon ; ne t’agite pas à l’heure de l’adversité. Attache-toi au Seigneur, ne l’abandonne pas, afin d’être comblé dans tes derniers jours. Toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta pauvre vie, sois patient ; car l’or est vérifié par le feu, et les hommes agréables à Dieu, par le creuset de l’humiliation. Dans les maladies comme dans le dénuement, aie foi en lui. Mets ta confiance en lui, et il te viendra en aide. » (Livre de Ben Sira le Sage 2:2-6)
« Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! A toi, le bonheur !
Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d'olivier.
Voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur.
De Sion, que le Seigneur te bénisse ! Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie.» (Psaume 127, 1-5)
« Qui donc aime la vie et désire les jours où il verra le bonheur ? Garde ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides. Évite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la. Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le Seigneur affronte les méchants pour effacer de la terre leur mémoire. Le Seigneur entend ceux qui l'appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. (Psaumes 33 :13-18)
« La lumière des justes est joyeuse ; la lampe des méchants s’éteint. » (Proverbes 13:9) La lumière et la lampe sont des symboles bibliques de la vie et de la joie.
« Il réserve aux hommes droits la réussite : pour qui marche dans l’intégrité, il est un bouclier, gardien des sentiers du droit, veillant sur le chemin de ses fidèles. Alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur.» (Proverbes 2:7-9)
La promesse divine de bonheur, d'aide et de soutien dans les difficultés de cette vie n'est pas une garantie matérielle contre toute épreuve ou malheur ici-bas (conséquence de la Chute). Notre Seigneur nous avertit même que ceux qui veulent devenir ses disciples doivent s'apprêter à porter leur croix ! « Alors Jésus dit à ses disciples : "Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive." (Évangile selon S. Matthieu 16:25)
Contrairement au christianisme qui promet un bonheur individuel dans l'autre monde et nullement ici-bas sur terre, la révolution millénariste promet le bonheur terrestre et collectif.
« La crainte du Seigneur, c’est la haine du mal. Je hais l’orgueil, l’arrogance, le chemin du mal et la bouche perverse. À moi le conseil et l’efficacité ; c’est moi l’intelligence, à moi la vigueur ! Par moi, les rois agissent en rois et les souverains édictent ce qui est juste. » (Proverbes 8:13-15)
« Si ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ; s’il s’effondre, ne jubile pas : le Seigneur verrait cela d’un mauvais œil et détournerait de lui sa colère ! Ne t’indigne pas à la vue des malfaiteurs, ne jalouse pas les méchants, car le mauvais n’a pas d’avenir : la lampe des méchants s’éteindra. Crains le Seigneur, mon fils, et aussi le roi, ne fréquente pas le contestataire, car soudain surgira son désastre. » (Proverbes 24 :17-22)
« De tout ton cœur, fais confiance au Seigneur, ne t’appuie pas sur ton intelligence. Reconnais-le, où que tu ailles, c’est lui qui aplanit ta route. Ne te complais pas dans ta sagesse, crains le Seigneur, écarte-toi du mal ! » (Proverbes 3:5-7 )
Notre libre arbitre peut choisir de faire le mal mais il n'y a pas de liberté de pécher : « [À] toi, Seigneur, la grâce ! * [...] tu rends à chaque homme selon ce qu'il fait. » (Ps 61:13) Dans les déclarations des droits de l'homme au contraire, il n'y a plus de libre arbitre, la recherche du bonheur conçu comme le bien-être matériel devient le nouveau dogme obligatoire et l'homme est libre de faire le mal, les nouvelles bornes de la loi étant celles de l'homme (souveraineté nationale que nous présenterons plus bas dans le chapitre « Mensonges et contradictions de la déclaration des droits de l'homme de 1789 ») et non plus celles de Dieu (Décalogue).
« [I]l rendra à chacun selon ses actes. » (Pr 24:12)
« [L]ui qui rendra à chacun selon ses œuvres. » (Rom 2:6)
« Le Seigneur lui rendra selon ses oeuvres. » (2 Thim 4:14)
« [J]e donnerai à chacun de vous selon ses œuvres. » (Apocalypse 2:23)
« Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » (Apocalypse 22:12-13)
Mélanger des erreurs à la vérité a toujours été le propre des gnostiques, qui dès les premiers siècles avançaient masqués au sein de l'Église, afin d'y répandre le mensonge.
« Pour les Pères de l'Église qui, [...] avaient assimilé le paradis de la Genèse à l'âge d'or décrit par la littérature païenne, l'humanité était censée avoir d'abord vécu dans l'abondance sans qu'il y eût ni travail ni propriété privée.
Après quoi, à cause du péché des hommes, il avait fallu instituer la propriété et son corollaire : l'inégalité. Le thème de l'origine commune et publique de tous les biens a été dans l'histoire de l'Église, le sujet d'un grand nombre de sermons.
Ainsi, en 1718, devant le petit Louis XV, le Régent et la Cour, le célèbre prédicateur Massilon expose que toute chose a été commune avant que les biens ne soient partagés et que ne naisse la propriété, pour le bien des peuples et de leur commun consentement.
Personne dans l'Église ne songeait à rétablir ce communisme prétendu des origines, puisque son abandon avait été nécessité par le péché des hommes.
L'évocation d'une origine commune des biens n'était qu'un moyen rhétorique de stimuler la charité envers les pauvres. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 142-143)
La quête d'un bonheur matérialiste qui fonde les droits de l'homme des Lumières dans un état hors de soi est sans aucun doute une illusion. Comme le dit saint Augustin, « le bonheur est inséparable de la possession de la vérité » (Les Confessions, liv. Xe, chap. XXIII.) Le bonheur est donc individuel. Il y a indéniablement une dimension spirituelle toute personnelle au bonheur que la recherche du bonheur collectif des déclarations des droits de l'homme ignore.
Le philosophe Alain (1868-1951) d'ailleurs dit qu'on ne peut trouver le bonheur dans le monde, hors de nous-même : « Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver. [...] Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter; si vous l'avez bien regardé il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur; il faut l'avoir maintenant. » (Alain, Propos sur le Bonheur, Folio, Essai, 1997, Victoires LXXXVII, p. 198-199.)
La Sainte Bible précise qu'on peut trouver ce bonheur, mais ce bonheur est individuel : « Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ! Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! A toi, le bonheur ! » (Psaumes 127)
Platon précise que « ce n'est pas de vivre selon la science qui procure le bonheur; ni même de réunir toutes les sciences à la fois, mais de posséder la seule science du bien et du mal. » (Platon, Dialogues, De la Sagesse.) » Il y a un bonheur tout individuel dans le respect des commandements de Dieu.
Inversement, pour les soit-disant « Lumières », « pour le libre-esprit, le vrai péché mortel est l'ignorance par l'homme de sa propre divinité.
[...] À celui qui se pense Dieu, tout est permis sans péché. Sa volonté est celle de Dieu. Tout ce qu'il fait, c'est Dieu qui le fait. [...] En conséquence, le libre-esprit professe un total mépris de la Bible, du Décalogue, de sa morale et de sa justice. À l'extrême, l'adepte du libre-esprit fait ce qu'il lui plaît, sans aucune limite. Il suit ses pulsions, ses caprices. Toute la Création lui appartient : il prend ce qu'il convoite, et si on veut l'en empêcher de s'en emparer, il peut voler et tuer sans péché. Le reste de l'humanité n'existait que pour être exploité par lui.
[...] Tout ce qu'ils font est saint. Même le vol, le meurtre et le viol sont saints, du moment que les victimes sont extérieures à leur groupe. Car seul leur groupe est saint. Seul les saints - c'est-à-dire les révolutionnaires millénaristes - régneront avec Jésus pendant mille ans. Le reste de l'humanité ne compte pas. Les chefs millénaristes ont le droit et le devoir de mener rudement, dans son propre intérêt, la masse aveugle et pécheresse des hommes ordinaires : ceux qui ne sont pas saints, ceux qui ne possèdent pas la connaissance. On retrouve chez les meneurs millénaristes l'élitisme méprisant qui caractérisait le gnostique. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 44, 105)
La première incohérence de l'illusion moderne est la recherche d'un Âge d'or largement fantaisiste et fantasmé. En effet, tout ce que la science a enseigné depuis sur la préhistoire a réduit à néant le mythe rousseauiste du « bon sauvage ». (Voir Laurence Keeley, Les guerres préhistoriques, Le Rocher, Paris 2000; Jean Guilaine et Jean Zammit, Le Sentier de la guerre, Le Seuil, Paris 2001)
Mais le mythe du bon sauvage n'est pas la seule illusion qui peut être relevée.
Changer la société. Changer les autres pour améliorer nos conditions et trouver le bonheur doit être définitivement réprouvé et condamné comme une position anti-humaine qui a conduit aux pires régimes. Cette grave erreur était déjà celle de Lucrèce, poète philosophe latin du Ier siècle av. J.-C., disciple d'Épicure, dont les idées inséraient la recherche du bonheur des hommes dans une vision matérialiste du monde. C'est cet épicurisme qui a imprégné la culture moderne, les "Lumières" et le darwinisme. La conclusion même de du poème De rerum natura de Lucrèce, se termine dans l'absurde : loin d'éloigner la peur de la mort, les épicuriens l’accentuent : « l'attitude prométhéenne d'un certain siècle des Lumières, du positivisme, du néo-positivisme et de tous les courants qui deviennent les porte-parole d'une vie meilleure grâce aux efforts de la raison humaine pour se libérer du Mystère. L'objectif n'a pas été atteint. La sérénité et la joie dans le poème ne dominent pas. Le sens de l'absurde et de l'irrationnel semble finir par triompher dans les dernières scènes tragiques. » (Lire: Giovanni Fighera, « Lucrèce, l'impossible recherche du bonheur » ) Cette erreur fut ensuite celle de tous les totalitarismes.
La première « république française » (1792-1802), la Révolution dite « russe » de 1917 et le communisme, le nazisme, ont montré que le secret du « bonheur » dans la divinité de l'homme succédant à celle de Dieu est une absurdité dangereuse.
C'est l'historien François Furet qui, le premier, a vu le problème dans "Le Passé d'une illusion, essai sur l'idée communiste au XXe siècle (Robert Laffont / Clamann-Lévy, Mesnil-sur-l'Estée 1995, p. 41) : « En matière de démonstration des lois de l'histoire, Marx est inégalable. Il offre de quoi plaire aux esprits savants comme aux esprits simples, selon qu'on lit Le Capital ou le Manifeste. Tous, il semble donner le secret de la divinité de l'homme, succédant à celle de Dieu... »
« François Furet a observé que communisme et nazisme prétendaient offrir "quelque chose comme un salut en face des misères de l'égoïsme bourgeois." Par-delà les différences de contenu entre nazisme et communisme, il s'agissait dans les deux cas de réaliser le paradis sur la terre... et les mêmes mots furent employés pour décrire la société harmonieuse que l'on entendait fonder. D'où entre eux, une relation complexe, faite d'antagonisme, mais aussi de parenté. Et aussi bien Staline que Hitler ont été débarrassés "de tout scrupule sur les moyens" par la croyance que leur procurait l'idéologie : "La construction du socialisme implique la liquidation des 'Koulaks', et l'organisation de l'Europe nationale socialiste, celle des Juifs." » (François Furet, Le Passé d'une illusion, éd. Robert Laffont / Calmann-Lévy, Paris 1995, p. 217, 224, 228, cité dans Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 154.)
Dans ce progrès des Lumières, seul compte le mouvement, qui donne l'impression que le gouvernement a prise sur le réel (mythe de l'efficacité révolutionnaire).
En 2017, Patrick Buisson a pu ironiser sur les marcheurs :
« vingt millions de marcheurs le 7 mai. Vingt millions, ils se sont mis en marche. Vers où, vers quoi ? La question est superflue. Cela n'a aucune espèce d'importance. L'important, c'est le mouvement. En marche, n'est qu'à bien y regarder la déclinaison remise au goût du jour du slogan de François Hollande en 2012 : "Le changement, c'est maintenant", disait-il. [...] Nous sommes ici au coeur du bougisme. Cette ultime métamorphose de l'idée de progrès. Une idée à bout de souffle, mais qui connaît un nouveau regain à travers le bougisme, règne du mouvement devenu l'essence même de l'existence, avènement du changement perpétuel non comme un moyen pour parvenir à sa fin mais comme sa propre fin !
« [...] Emmanuel Macron, le candidat pro business, le candidat geek des technologies de pointe, porteur d'une promesse d'un paradis de prospérité et de croissance économique, pourvoyeuse de confort et de vie heureuse (les "jeunes vieux"), à peine entré en fonction, a déjà une utopie de retard. Ces gens-là aiment se présenter comme la jeunesse du monde alors qu'il ne sont que la vieillesse de l'homme ! Il (E. Macron) a une utopie de retard car la promesse fondatrice du progrès, l'assurance absolue d'une amélioration, inéluctable, générale et universelle, cette promesse ne fait plus recette parce qu'elle a failli sur la question du bonheur. L'indicateur de cet échec, on le trouve dans la croissance exponentielle de la production, de la consommation et du trafic de la drogue à l'échelle de la planète. Le chiffre d'affaires mondial du trafic des stupéfiants, faut-il le rappeler, n'est dépassé que par le commerce de l'alimentation et celui du pétrole. Il se situe devant celui des médicaments. L'explosion du trafic de la drogue au coeur du village global, au coeur du village planétaire procède du principe fondateur de la modernité : la déception, l'attente toujours insatisfaite de plaisirs croissants, immédiats, l'incompréhension et le rejet de la nature humaine lorsqu'elle amène le vieillissement et l'affaiblissement du corps. En cela, il (E. Macron) exprime le décalage entre le bonheur promis et le bonheur réel dans nos sociétés...
« Comme l'écrit Pierre de La Coste, dans le livre "L'Apocalypse du Progrès", 'le progrès est en lui-même un crack, mélange d'addictifs d'héroïne individualiste et de cocaïne déterministe qui fait de l'homme un dieu." Ajoutons pour compléter ce bilan que la France compte aujourd'hui six millions (soit 10% de la population), de consommateurs d'anti-dépresseurs et d'anxiolytiques et qu'elle détient le record mondial de consommation de médicaments psychotropes avec 65 millions de boîtes vendues par an (une par habitant).
« La promesse du progrès et la dictature du bonheur qui l'a suivait comme un ciel de traîne auront été le paradis artificiel par excellence du demi-siècle qui vient de s'écouler. Érigée en impératif catégorique, l'injonction au bonheur a amplifié le désarroi de ses victimes et transformé l'hédonisme en pensum. Voilà comment nos sociétés, comme le dit Pascal Bruckner, sont "les premières de l'histoire à rendre les gens malheureux de ne pas être heureux !"
« Socialisme et capitalisme, ces "deux idées chrétiennes devenues folles" (Chesterton) sont en train d'achever leurs courses : le mystère chrétien est disponible pour une autre aventure de l'esprit. Toute la question est de savoir maintenant laquelle ! » (Patrick Buisson le mardi 16 mai 2017 au Théâtre Montansier à Versailles.)
Les promesses du progrès et du bonheur collectif terrestre ont leurs sources dans « le millénarisme et la gnose » qui « ont un point commun [...], qui est le refus de considérer que le mal peut résider en l'homme, ainsi que l'enseignent le judaïsme et le christianisme. [...] Pour les gnostiques, le mal résulte exclusivement de l'enfermement de parcelles de l'esprit divin dans la matière et dans le temps, et par voie de conséquence de la formation des sociétés humaines et des règles qui les régissent. Le responsable du mal est le démiurge Yahvé, créateur d'un monde terrestre calamiteux. [Dans la gnose, Dieu devient le mal; la Création est mauvaise, il faut la changer !]
Et « dans cette affaire, l'homme n'est qu'une victime.[...] S. Augustin rapporte qu'ils (les manichéens) enseignaient que "le péché n'est pas notre fait, mais l'oeuvre en nous de je ne sais quelle substance étrangère..."
[...] C'est l'idéologie selon laquelle le fautif est en réalité une victime ! » (Jean-Louis Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple, Desclée de Brouwer, Paris 2016, p. 51.)
Les gnostiques confondent les créatures avec le Créateur (panthéisme); ils disent que le chemin de la libération pour l'homme c'est de se prendre pour Dieu. Ils enseignent un monde moniste (sans distinction du temporel et du spirituel), l'unité de l'homme et de Dieu. « Le gnostique appartient à la race supérieure des êtres "hypercosmiques". C'est l'homme-Dieu. La gnose divinise l'individu, ou du moins certains individus... (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 19.) Ceux qui ont la connaissance.
« À toutes les époques il y eut des hommes qui cherchèrent à expliquer les phénomènes de la nature et à deviner le secret de Dieu. L'homme, dès son berceau, voulut connaître les causes de son origine, le but de son existence, et sa destinée après sa mort. Il voulut goûter au fruit de l'arbre de la science et du mal, entrer en lutte avec la Divinité, et résoudre un problème dont il ne pouvait poser l'équation.
[…] [L]a secte des francs-maçons incarne depuis le XVIIIe siècle les sectes recherchant le secret éternel de l'humanité, de ces gens, qui ne pouvant comprendre et définir Dieu, las de le chercher en vain, trouvèrent plus commode de […] déifier l'homme.
Envisagée de ce point de vue, la franc-maçonnerie est une secte fort ancienne, la plus ancienne même qui fût sur la terre ; sectaires en lutte acharnée avec l'homme résigné qui se contente de son travail, de l'amour, de la foi et de la prière, les francs-maçons représentent, au point de vue chrétien, l'orgueil de l'homme, l'esprit du mal, la révolte contre Dieu. » (Gustave Bord, La franc-maçonnerie en France des origines à 1815, 1852, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1908, p. 5.)
Et alors que « l'homme de droite rejette l'idée de gauche d'une extériorité du mal », « la gauche [...], du fait de ses racines mentales gnostiques et millénaristes, considère que le mal ne réside pas en l'homme, que celui-ci en est la victime et non l'auteur.
« Pour la gauche, le mal n'est pas "un problème interne à l'âme, mais un problème externe, inhérent à un état de choses insatisfaisantes". Il y a là, selon l'expression d'Eric Voegelin, un processus d'"extériorisation du mal..." (Eric Voegelin, La Formation de l'idée de race, 1940, Cités, n° 38, 2008, p. 160).
« Alors que la gauche veut toujours tout changer, la droite prend le monde comme il est : son objectif est de le faire durer tout en essayant de le rendre le plus vivable possible malgré la présence du mal en l'homme. La droite est l'anti-utopie.
« Et cela, fondamentalement, parce que la droite ne croit pas au dogme de la gauche de la bonté de l'homme, un dogme qui - par-delà Rousseau - provient de la gnose et de son idée de divinité des âmes, une âme divine étant par définition parfaite. Cette foi en la divinité de l'âme engendre la croyance d'origine gnostique [...] en l'existence originelle de facultés supérieures, voire surnaturelles, dont on trouve trace chez le primitif et le jeune enfant : des pouvoirs perdus que l'homme moderne se doit de reconquérir (Serge Hutin, Les Gnostiques, Puf, Paris 1959, p. 124).
« [...] Refusant d'accepter le fait que le mal est en l'homme, la gauche est frappée d'une immense cécité envers le mal. [...] Décidant que le mal résultait d'un vice de la société - trop inégale ou comportant trop d'éléments malsains (aristocrates, bourgeois, ecclésiastiques, Juifs, contre-révolutionnaires, complotistes, ou même simples modérés) -, les grandes utopies qui ont prétendu extirper le mal de la société ont déchaîné le mal dans des proportions inouïes. Cela a donné les atrocités et les exterminations des grandes religions séculières, l'horreur des camps où tout reposait sur le mal - les kapos des camps nazis, les camps soviétiques livrés aux bandits -, le martyre de populations entières depuis l'holocauste des Vendéens jusqu'à celui des Cambodgiens, en passant par la Shoah. Et tout est à redouter du grand programme de remplacement par des populations immigrées des peuples européens condamnés à disparaître par le sens de l'histoire de l'utopie droit-de-l'hommiste.
« [...] Dans l'anthropologie chrétienne, le "mal dans le monde est intimement lié à la condition de l'homme en général, et de chaque homme en particulier." (Eric Voegelin» La Formation de l'idée de race, art. cit., p. 160.)
« Et si le mal est en l'homme, rien ne sert de bouleverser la société sinon à accroître encore le mal !
« La recherche du bien de tous passe par l'acceptation des réalités. Il n'y a pas d'utopie de droite : l'homme de droite est fondamentalement réaliste. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, ibid., 123-126.)
Dans l'idéologie progressiste des Lumières, le passé, en plus d'être falsifié, est systématiquement noirci.
Il n'y a rien de positif dans les idées révolutionnaires. La polémique révolutionnaire est négative. « Qu'il s'agisse de La Fayette, de Robespierre, du patriote Palloy, du vertueux La Rochefoucauld ou des commères des Halles, tous ils se grisent d'un enthouaisme dont l'éclat tient à leur haine pour un passé. [...] C'est le seul lien solide entre tous lés révolutionnaires. [...] Et c'est encore à l'heure actuelle, la haine du passé qui, seule, peut maintenir le culte du progrès.
[...] La Révolution [...] commença comme un effort violent pour libérer les hommes de leur passé, mais elle devint à son tour un passé qui prétendit supplanter tous les autres » (Bernard Faÿ, L'homme mesure de l'histoire, La Recherche du Temps, Labergerie, Paris 1939, p. 77-80.)
François Furet a ainsi pu écrire « Le Passé d'une illusion » au sujet du communisme.
Le Sens commun de Thomas Paine – ce britannique « citoyen de l'univers » apôtre des Lumières qui avait débarqué à Philadelphie le 30 novembre 1774, à trente-sept ans, avec en poche une lettre de Banjamin Franklin (B. Vincent, Thomas Paine, ou la religion de la liberté, Paris, Aubier, 1987, p. 11) – célèbre cette genèse du monde qui permettrait à chaque jour d'inventer son avenir, sans les projections d'un passé fallacieux, marqué par la pesanteur et l'inertie.
Thomas Paine croyait à la jeunesse du monde. La monarchie, la filiation, l'inégalité étaient des absurdités qui perpétuaient l'injustice : il suffisait de s'en défaire. « Il existe en effet une "parenté honteuse" entre la succession héréditaire et le péché originel : l'Amérique, nouvel Eden, permettait de surmonter les effets désastreux de la Chute. La Révolution américaine était un nouveau départ pour l'humanité tout entière ! » (Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 187.) Thomas Paine, « sorte d'idéaliste à la Rousseau, qui avait rejeté la religion quaker de son père, s'était installé à Philadelphie. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin Editions, Lonrai 2012, p. 377.) C'est là qu'il publia son manifeste de la Révolution à venir, le Common sense, qui connut un succès phénoménal. Imprégné de la philosophie des Lumières et de messianisme millénariste prophétique, il était franc-maçon. (Bernard Faÿ, Benjamin Franklin, Citoyen du Monde**, Nouvelle Collection Historique, ad. Calmann-Lévy, Paris 1931, p. 132.) « Il appelait au rejet des vieux mondes englués dans leur passé – celui des monarchies, des aristocraties, des castes inégalitaires – , et à l'édification d'un rêve américain, aurore éblouissante d'une ère nouvelle pour l'humanité entière... » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, ibid., p. 377.) La jeunesse du monde de Thomas Paine, en réalité, était vieille comme la Genèse. Ses idées étaient celles du Serpent de Genèse 3. Le serpent, d'ailleurs (et ce n'est sans doute pas un hasard !) est le premier symbole américain (pré-révolutionnaire) de Benjamin Franklin :
Le terme hasard qu'aimaient employer les Lumières du XVIIIe siècle ne tombe-t-il pas bien dans le cas du Serpent de Benjamin Franklin ? Une gravure de 1782 qui suggère la futilité des nouveaux efforts britanniques pour réprimer les Américains par la force, et montre un serpent étouffant les Britanniques en formant un 666 (Source de la gravure) n'est-elle pas significative ?
« En cette fin d'hiver 1780-1781, la situation des Américains paraissait désespérée : pas d'argent, plus de médicaments dans les hôpitaux, une armée en débandade. Washington avait été confronté à plusieurs mutineries, notamment celle des troupes de Pennsylvanie à Morristown » (dans le New Jersey). (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, ibid., p. 413.) Washington informa Rochambeau de la gravité de la situation. (Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 239.) « Pendant ce temps, l'armée régulière de George III tenait New York et les États du sud, et la Royal Navy conservait la suprématie maritime. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, ibid., p. 413.) « Une bataille se déroula à la mi-janvier (1781) aux Cowpens, aux confins des deux Carolines, lorsque Morgan résista victorieusement à l'assaut du général anglais Banastre Tarleton. Charles Cornwallis fut plus heureux à Guilford Court House en mars (1781). » (Bernard Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 240.)
Jean-Christian Petitfils, dans sa biographie sur Louis XVI indique que « La Fayette [...] en juin (1782) [...] se fit recevoir à la loge de Saint-Jean d'Écosse du Contrat Social, mère loge du rite écossais en France, peut-être par fidélité pour Washington qui lui aussi était maçon... » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin Editions, Lonrai 2012, p. 420-421.)
Il suffit de voir le fossé, le gap des inégalités aux États-Unis pour voir qu'il y a un gros problème dans le logiciel des Lumières. Voici une analyse des erreurs et de l'impasse des déclarations des droits de l'homme de 1776 et 1789.
La société de la promesse de bonheur conduit à l'amour obligatoire...
Le totalitarisme de l'injonction au bonheur
« [...] Religion de l'amour divin, le christianisme n'a guère cherché à introduire des valeurs d'amour dans le droit des nations européennes. [...] [C]ela était conforme à la disjonction chrétienne du politique et du religieux, fondée sur l'idée que les responsabilités politiques et juridiques sont d'ordre purement terrestre - de la compétence du prince ou du peuple -, tandis qu'à l'inverse le royaume de Dieu n'est pas de ce monde.
[...] Un monde parfait n'est d'ailleurs même pas chose désirable aux yeux de S. Augustin, car si Dieu (qui est la Vérité) est le dispensateur du bonheur terrestre, il ne veut pas que celui-ci soit considéré comme important. L'instabilité des choses humaines est voulue par Dieu (depuis la Chute originelle) afin que les hommes ne se concentrent pas sur la recherche du bonheur terrestre au détriment du seul bonheur véritable: celui du salut éternel.
[...] Le projet chrétien n'est pas de changer la société, mais de changer les âmes. Il y a dans le dogme chrétien, l"'impossibilité essentielle d'une théologie politique chrétienne." (Pierre Manent, dans Commentaire, cité par Paul-François Paoli, Quand la gauche agonise, éd. Le Roche, 2016, p. 151).
[...] Malgré son appel constant à la charité et son idéal égalitaire et fraternel, le christianisme a toujours refusé l'idée de mesures coercitives pour les imposer à la société.» (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, ibid., 129-131)
L'amour obligatoire, c'es-à-dire l'amour coercitif imposé par la religion des droits de l'homme contre le peuple, la société de l'injonction au bonheur, c'est cette grande hérésie gnostique qui continue d'imprégner nos institutions et d'inspirer les régimes dits libéraux à prétention universelle, fomantant à chaque fois avec l'argent de la banque toutes sortes de révolutions, de coup d'état et autres révolutions de couleurs, pour changer le monde... en changeant les autres biensûr, de force et souvent, contre leur volonté !
Ainsi l'histoire montre que « de demi-siècles en siècles » (selon l'expression de Reynald Secher dans Vendée, Du génocide au Mémoricide, Cerf politique, Paris 2011, p. 306) républiques et démocraties (populaires, représentatives directes ou indirectes) ont toutes été accouchées dans la violence, des bains de sang, des guerres internationales, des guerres civiles, des génocides de classes ou de races, au plus grand profit de la banque et des financiers.
C'est que, nécessairement, il doit y avoir dans la construction de cette chose de tous moderne, la res publica, un génome de la terreur. Ce génome, l'historien Patrice Gueniffey le trouve dans l'association du volontarisme (la Volonté générale) et du constructivisme (la prétention de construire une nouvelle société meilleure que l'ancienne...), dont la réunion contient virtuellement toute la terreur révolutionnaire : « L'association du "volontarisme" et du "constructivisme" constitue ainsi la première racine de la Terreur révolutionnaire. L'histoire de la Terreur ... ne commence de ce point de vue ni en 1793 ni même en 1791 ni en 1792 : elle est consubstantielle à la Révolution qui, dès 1789, se présente comme une pure aventure de la volonté. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 50.)
Le constructivisme est toujours l'idée reçue des politiques, dans la campagne infantilisante de François Hollande (« Le changement c'est maintenant »), la thématique de Nicolas Sarkozy avec sa « France d'après » en 2007, le sujet du clip « Changer le monde avec les jeunes de l'UMP », ou encore l'utopique « nouveau monde » et l'idéologie progressiste d'Emmanuel Macron, définissant les Gaulois « réfractaires au changement »... :
« Emmanuel Macron qui avait promis le nouveau monde, manifestement il a gardé les habitudes, peut-être les pires de l'ancien monde, puisque cette affaire (Benalla) rappelle de sombres affaires que l'on a connues déjà sous la Ve république ! », a pu ironiser le journaliste Bruno Jeudy, dans l'émission C dans l'Air.
Dans le Nouveau Monde d'Emmanuel Macron, les apparatchiks ont une vénération quasi superstitieuse et religieuse pour le mot « changement », sorte de mot magique des marchands de sommeil, professionnels de la politique.
« Je t'aime plus que jamais et jusqu'à la mort », écrivait le rosicrucien Robespierre au conventionnel Régicide Danton [2], un an avant de la lui faire infliger. (Danton sera exécuté le 5 avril 1794.)
Le bonheur: racine de la Terreur révolutionnaire et obligatoire
« C'est que « les acteurs de la Révolution ont la conviction [...] que la régénération du royaume apportera à tous le bonheur.
La tentation est grande, dès lors, de considérer comme un mal tout ce qui peut faire obstacle à cette régénération, à regarder comme nocifs et dangereux tous ceux qui ne partagent pas cet enthousiasme.
Cette conviction porte les plus radicaux à vouloir détruire ces obstacles, éliminer ces êtres qui ne peuvent être que pervers puisqu'ils s'opposent au bonheur de tous.
Quelques massacres individuels ont lieu pour en débarrasser l'humanité et pour frapper de terreur ceux qui seraient tentés de les suivre. [...] La poursuite de la Révolution exige donc leur neutralisation, leur opposition multipliant, en effet, les obstacles sur la route du bonheur collectif.
[...] Elle appelle donc un nouveau durcissement, une radicalisation, [...] de nouveaux massacres, qui suscitent en retour des réactions de rejet.
[...] La machine est lancée, plus rien, ni personne, ne peut l'arrêter.
Plus la Révolution se radicalise, moins elle est suivie; plus son assise populaire réelle est faible, plus la contrainte doit être forte, plus le climat de terreur doit être pesant.
Le paroxysme de cette radicalisation sera atteint, par étapes successives, au cours de l'hiver 1793 - 1794 au moment des colonnes infernales qui sillonèrent la Vendée, des Noyades de Nantes, des fusillades d'Angers et des canonnades de Lyon. » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana, 2014, p. 66-67)
« Cet étrange phénomène a été parfaitement analysé par le doyen Carbonnier. Ainsi qu'il l'observe, il existe indiscutablement, depuis le départ, dans les droits de l'homme, l'idée d'une fraternité humaine et donc d'un devoir d'amour de l'autre. Mais cette dimension d'amour des droits de l'homme est longtemps restée strictement dans le registre de la morale individuelle. Elle ne relevait que de la conscience de chacun, qui était absolument libre de s'y conformer ou non. [...] Ce devoir restait purement éthique: il n'entraînait pas d'obligation juridique et donc pas de sanction judiciaire. L'autre ne disposait pas du droit de s'adresser aux tribunaux pour exiger l'accomplissement du devoir d'amour qui lui était moralement dû. Cette fraternité pouvait être fervente et sans limite, mais elle était librement consentie.
Or tout a changé dans le seconde moitié du XXe siècle après l'entrée en vigueur de la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. [...] Il en est résulté une nouvelle version de la morale des droits de l'homme, centrée sur l'obsession de la non-discrimination. L'Etat s'est approprié cette "morale renouvelée". [...] Dès 1972, la loi Pleven a introduit la sanction pénale de tout propos jugé susceptible d'encourager à une quelconque discrimination. [...] Le nouveau code pénal de 1994 sanctionne comme des délits pénaux "une sérieur de pratiques discriminatoires". [...] Du code civil ainsi que de diverses autres lois, il en résulte une obligation juridique de non-discrimination : celui qui "propose au public quelque avantage" ne doit en exclure personne pour cause de sexe, de race, de religion, etc. Désormais, si quelqu'un estime avoir fait l'objet d'une discrimination de la part d'un autre individu, d'une entreprise ou d'un organisme quelconque, cette personne ou une association désireuse d'agir pour elle peut déclencher un procès pénal.
[...] L'amour qui est au coeur de la religion séculière des droits de l'homme n'est pas l'amour chrétien, même s'il présente des ressemblances avec lui. C'est une version profondément déformée de l'amour évangélique.
[...] (L'amour dans) [L]e christianisme évangélique, [...] c'est une démarche purement personnelle, intérieur et libre. La religion séculière des droits de l'homme transforme radicalement cette démarche en lui fixant pour objet non plus Dieu, mais l'homme-Dieu de la gnose, en la rendant collective et en lui donnant un caractère obligatoire.
[I]l s'agit comme on l'a vu d'obtenir le paradis sur la terre en instaurant hic et nunc un amour de l'autre jusqu'au mépris de soi au nom de l'humanité divinisée. C'est au nom de cet amour que l'on est requis de voir l'autre comme le même, fût-ce contre l'évidence.
[...] Avatar actuel de la religion de l'humanité, la religion séculière des droits de l'home est un système politico-religieux réglementariste, coercitif et répressif dont l'État est en même temps l'Église.
[...] Il y a une véritable trahison du peuple par l'État. Car si tout État a des devoirs envers l'humanité, il a des devoirs prioritaires envers le pays dont il constitue le visage institutionnel. Il doit veiller prioritairement à ses intérêts, sa prospérité, son inscription dans la durée. Mais en Europe occidentale - et en France moins qu'ailleurs -, l'État n'a presque aucun souci des intérêts concrets du peuple. Son avenir importe peu. L'État veille seulement à sa sainteté, à sa vertu, par le respect obligatoire des dogmes du millénarisme de l'amour de l'autre jusqu'au mépris de soi. Les manifestations d'opinions non conformes à ces dogmes sont les nouveaux crimes religieux, sanctionnés par un nouveau droit pénal religieux...
[...] [D]ès 1965 [...] Léo Strauss [...] expose que le libéralisme repose essentiellement "sur la reconnaissance d'une sphère privée, protégée par la loi, mais où la loi ne peut pénétrer." Or une interdiction légale de toute discrimination signifie une inquisition policière et judiciaire constante au sein de la vie privée, et donc "l'abolition de la sphère privée, la négation de la différence entre l'État et la société, la destruction de l'État libéral." (Leo Strauss, cité par Pierre Manent, La raison des nations, p. 82-83) Bref, un système totalitaire. Il est fou et suicidaire de faire de l'amour absolu de l'autre la norme juridique suprême sanctionnée par le juge.
[...] Or, une fois laïcisées et transformées en religion séculière d'État dont les violations sont sanctionnées par le droit, les valeurs évangéliques sont socialement catastrophiques. Il y a un côté impraticable de l'Évangile pour la vie normale. Aimer son ennemi, tendre l'autre joue : ce sont des chemins de sanctification individuelle, pas des règles de droit que l'on peut imposer à toute une population. [...] Le Christ conseille de pardonner sans fin et de tendre l'autre joue quand on est frappé. Mais cela concerne la morale individuelle et non la justice publique. » (Jean-Louis Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple, Desclée de Brouwer, Paris 2016)
La religion civile ou religion séculière des droits de l'homme
« "La doctrine des droits de l'homme est la dernière en date de nos religions civiles", observait dès 1989 Régis Debray (R. Debray, Que vive la république, éd. Odole Jacob, Paris 1989, p. 173).
« Le même constat sera effectué peu après par le célèbre historien François Furet : "Les droits de l'homme sont devenus notre religion civile." (Inventaires du Communisme, éd. Ehess, Paris 2012, p. 68.)
« "La morale des droits de l'homme a revêtu les signes d'une religion d'État", a noté au même moment un juriste réputé, le doyen jean Carbonnier (J. Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve république, éd. Flammarion, Paris 2010 [1996], p. 120).
« "Les droits de l'homme sont devenus notre 'dernière religion séculière", dira pour sa part Élie Wiesel (cité par Justine Lacroix, Jean-Yves Pranchère, Le Procès des droits de l'homme, éd. du Seuil, 2016, p. 23.)
« [...] Le recul des croyances et de la pratique religieuse chrétienne qu'a connu l'Europe occidentale n'a pas fait disparaître le sacré, mais a seulement entraîné son déplacement. [...] Il existe aujourd'hui une véritable religion séculière des droits de l'homme, que l'on peut appeler aussi la religion humanitaire.
[...] Le socialisme, observait Durkheim, "est tout entier orienté vers le futur" (Émile Durkheim, Le Socialisme, édité par M. Mauss, Félix Alcan, Paris 1928, p. 4). Et, selon une formule déjà présente chez Zola, la gauche se considère comme le parti de demain. La gauche est animée par la croyance progressiste en l'existence d'un grand mécanisme historique providentiel et irrésistible conduisant le genre humain vers un avenir radieux. (Jean-Claude Michéa, Les Mystères de la gauche, éd. Flammarion, Paris 2014, p. 30-32.)
[...] Se rattache à la religion de l'humanité cette religion républicaine instaurée sous le nom de laïcité par Ferdinand Buisson, maître d'oeuvre de la construction de l'école laïque de la IIIe république. Voyant dans la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 la transposition sociale de l'Évangile, la morale laïque de Ferdinand Buisson se voulaient explicitement une religion civile se confondant plus ou moins avec le socialisme.. Cette religion laïque visait à instaurer le paradis sur la terre grâce à une rédemption collective assurant le salut de la société et non de l'individu. (Vincent Peillon, Une religion pour la République, éd. du Seuil, Paris 2008, p. 125, 141, 232, 248, in Jean-Louis Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple, Desclée de Brouwer, Paris 2016, p. 41.)
Le christianisme a toujours enseigné que c'est la vérité qui donne un sens à l'amour et non l'inverse. On s'efforce d'aimer son prochain parce qu'on aime Dieu et que l'on souhaite conformer nos actes et nos pensées aux commandements divins.
L'amour des autres, le pardon, la compassion, le don gratuit, et le soutien utile, sont des capacités fondées sur les enseignements du Christ, conduites par la foi en un pouvoir extérieur à l'homme. Toutes les déclarations de droits et codes législatifs pourront proclamer l'amour obligatoire sanctionné pénalement, rien ne sera plus fort que l'amour gratuit, libre et non-coercitif, l'amour du prochain pour l'amour de Dieu. Jean-Louis Harouel l'explique très bien :
« En plaçant dans la perspective du salut son idéal d'amour absolu, le christianisme a pu apporter à la société des valeurs ineffables, mais sans compromettre le fonctionnement de la cité terrestre qui a besoin pour survivre de valeurs de durée.
[...] [M]algré son appel constant à la charité et son idéal égalitaire et fraternel, le christianisme a toujours refusé l'idée de mesures coercitives pour les imposer à la société. Il entend toucher les coeurs et non contraindre les corps. La poursuite de la liberté et de l'égalité à tout prix - même au prix de la violence et de la tyrannie - est une trahison du christianisme (que l'on trouve chez les gnostiques francs-maçons de la république dite française. NdCR.), lequel est certes porteur de ces valeurs, mais qui les inscrit dans l'optique du salut, dans le registre des âmes. Dans cette logique, on ne cherche pas à tout changer par la contrainte (le volontarisme et le constructivisme dans la Révolution. NdCR.) et la spoliation sous le prétexte – toujours menteur au bout du compte – de tout rendre parfait. On s'adapte à la société et aux institutions existantes, quitte à essayer d'y faire souffler un vent de générosité inspiré par l'amour de Dieu.
[...] On aime son prochain non à cause de lui-même, mais à cause de l'amour primordial que l'on porte à Dieu.
[...] Il y a deux conceptions religieuses de la manière d'agir sur le monde: la manière chrétienne et la manière millénariste. La manière chrétienne consiste à se changer soi-même pour se consacrer aux autres. Pour tâcher de rendre meilleur le monde, la solution chrétienne est le don: un don qui dans l'absolu peut être le don intégral de soi-même et de ce que l'on possède.
À la solution millénariste est de changer le monde en changeant la société, ce qui veut dire concrètement en changeant les autres par la contrainte et même la violence. Le projet millénariste de transformation sociale - qui est devenu mutatis mutandis celui de la gauche - repose sur la volonté de contraindre et de prendre. Prendre aux gens ce qu'ils possèdent, leur prendre leur liberté d'agir, de penser, de parler, pour les obliger à une sainteté collective (la vertu de Robespierre. NdCR.) censée être porteuse de l'avenir radieux du paradis égalitaire.
Le projet chrétien, inspirateur de la pensée de droite, repose sur l'idée généreuse du don : donner des secours, donner du savoir. Le projet millénariste, obsédé d'égalitarisme et inspirateur de la pensée de gauche, a pour méthode et pour objectif de prendre, de spolier. La passion égalitariste conduit au vol pur et simple. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 131-132; 138-139.)
En 1789, le culte de l'« Être suprême » légitime le pouvoir de l'oligarchie terroriste (Patrice Gueniffey)
« La Terreur vertueuse exige un pouvoir absolu, soustrait à tout examen comme à toute discussion. C'est à ces différents résultats que tend le culte de l'Être suprême institué le 7 mai 1794 sur la proposition de Robespierre. [Culte de l'être suprême déjà présent dès 1789 dans la déclaration des droits de l'homme de 1789 avec l'expression - en préambule - "sous les auspices de l'être suprême". NdCR.]
« En donnant à la Terreur la caution de la volonté divine, le nouveau culte la soustrait à toute critique qui s'appuierait par exemple sur la disparition de toute menace pour en contester l'utilité; en redéfinissant la révolution comme une guerre déclarée à la "corruption", il parachève l'absorption de la politique dans la sphère de la morale. Dans ce sens, le culte de l'Être suprême, qui est simultanément destiné à la régulation de la république future, [...] constitue une idéologie pour la Terreur au moment où, avec les victoires militaires et la fin des troubles intérieurs, la disparition de toute justification par les circonstances impose une redéfinition globale des fins et des moyens de la Révolution.
Premièrement, le culte de l'Être suprême légitime la perpétuation de la Terreur au-delà des circonstances (guerre, révoltes intérieures, crise de l'État) : [...] non plus vaincre des opposants déclarés ou même supposés, mais traquer le "vice" et la "corruption" jusqu'en chacun.
Deuxièmement, il légitime le pouvoir de l'oligarchie terroriste [...] qui se voit investie de la mission d'accomplir cette grande oeuvre.
Troisièmement, le culte de l'Être suprême confère une justification morale à la Terreur, dont la réalité quotidienne est contraire à toute morale.
Enfin, quatrièmement, la caution divine établit le caractère infaillible de l'entreprise révolutionnaire tout en rassurant les terroristes sur la justice ultime de leurs actes: la Providence, qui veille sur la Révolution française, garantit que les ennemis du peuple, tous les ennemis du peuple mais seulement les ennemis du peuple, seront finalement punis...» (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003
À la disparition du libre arbitre et à l'individu effacé correspond la surenchère dans la revendication des droits, des droits qui se contredisent entre eux et auxquels s'ajoutent les contradictions internes des droits de l'homme. Ces erreurs produisent leurs effets tragiques (inégalités et décalage croissant entre les promesse et la réalisation, suicides, violences.)
Les contradictions, incohérences et erreurs des déclaration des droits de l'homme conduisent nos sociétés dans une impasse
Dans son anthologie inédite présentant en France « les déclarations des droits de l'homme » en 2009, le juriste Frédéric Rouvillois explique :
« L'un des paradoxes de la Déclaration de 1789, ou plutôt de la sacralisation rapide puis de l'immense succès de ce "nouvel évangile" (A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel, 4e éd. Larose et Tenin, Paris 1906, p. 458), tient à son caractère sinon bâclé, du moins incomplet.
Un inachèvement que reconnaissent ses auteurs eux-mêmes: le 27 août, après sept jours d'un travail mené sur "un fonds de réticence, mêlé parfois de grands enthousiasmes, mais aussi de beaucoup de mauvaise foi" (Ch. Fauré, Les Déclarations des droits de l'homme de 1789, p. 16), l'Assemblée nationale décide... d'en rester là. Ce jour-là, en effet, elle accepte, suivant la proposition d'un député aixois, un certain Bouche, d'attendre l'adoption de la Constitution avant d'examiner d'éventuels articles additionnels. Et lorsque Bouche propose ensuite d'adopter l'arrêté suivant : "L'Assemblée reconnaît que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas finie" (Archives parlementaires, 27 août 1789, t. VIII, p. 492), le président de l'Assemblée se contente de répondre que ceci ne ferait que répéter en d'autres termes ce que l'on vient de décréter. Le texte de la Déclaration, un préambule et dix-sept articles, est provisoire, partiel. Inachevé... C'est pourtant sur cette base que va se construire le "mythe de la Déclaration des droits", qui se déploie dans la France révolutionnaire, au fil des ruptures et de bouleversements qui se succèdent à un rythme accéléré.
En août 1791, on décide de l'intégrer sans changement à la nouvelle Constitution : le rapporteur de cette dernière, le juriste normand Thouret, reconnaît certes qu'il a fallu insérer dans le texte constitutionnel des "garanties" permettant de "perfectionner quelques dispositions de la Déclaration qui pouvaient paraître, les unes insuffisantes, les autres équivoques" (Arch. parlementaires, 8 août 1791, t. XXIX, p. 262); pour autant, il n'est déjà plus question de toucher à la Déclaration elle-même, qui est "depuis deux ans devenue le symbole de tous les Français", qui "a acquis en quelque sorte un caractère sacré et religieux", et qui constitue par conséquent "la véritable Déclaration des droits de l'homme et du citoyen." (Arch. parlementaires, 8 août 1791, t. XXIX, p. 226.) » (Frédéric Rouvillois, Les Déclarations des droits de l'homme, Champs Classiques, Paris 2009, p. 55-56)
C'est sans doute au caractère "inachevé" (F. Rouvillois) de la déclaration des droits de l'homme de 1789 que l'on doit ses nombreux mensonges et incohérences, pourtant érigée aujourd'hui au rang de nouvelle religion :
La lettre même de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, nouvelle Table de la Loi, est une absurdité sans nom.
Qu'est-ce que les Droits de l'homme ? Une vérité ou un mensonge ?
... La réponse est en tête de la Déclaration :
« Les représentants du Peuple français constitués en assemblée nationale; considérant que : l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu, etc. »
Ce considérant est unique. ... Or, ce considérant est faux, archifaux !
Non seulement l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme ne sont pas "les seules causes des malheurs publics ou de la corruption des gouvernements", mais ils n'en sont pas même les principales ! Les causes principales sont :
1° "L'ignorance, l'oubli ou le mépris" des Droits de Dieu et de son Christ ! De ce Christ qui a fait la France.
2° "L'ignorance, l'oubli ou le mépris" de cet unique droit de l'homme qui est de remplir ses devoirs, tous ses devoirs envers Dieu, envers son prochain, envers soi-même...
Voilà les deux causes principales des malheurs publics et de la corruption des gouvernements. Donc il est vrai que ce considérant est un mensonge ... aussi colossal que celui qui consisterait à dire : deux et deux font cinq ! Donc toute la Constitution des droits de l'homme qui repose sur ce mensonge, n'est elle-même qu'un mensonge :
Mensonge l'article 1er qui dit que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Sur la "liberté'
La loi humaine détermine les "bornes" (article 4) de ces droits qui sont
- la liberté,
- la propriété,
- la sûreté et la résistance à l'oppression (article 2).
D'un point de vue théologique, et vis-à-vis du péché originel en général,
"en fait, les hommes naissent sans raison, donc sans liberté.
"[...] Et quand la liberté lui arrive avec la raison, il a la liberté du bien seulement et le pouvoir simplement de faire le mal; mais il n'en a pas le droit, donc pas la liberté, qui ne peut jamais être que l'exercice d'un droit. [...]
"L'homme ne fait jamais ni tout le bien, ni tout le mal qu'il voudrait ! Sa liberté est donc relative, très relative et nullement absolue, ainsi que se l'imaginent de très petits esprits à qui l'orgueil révolutionnaire a bouleversé la cervelle !
"Il n'est pas vrai que les hommes naissent et demeurent libres sans autre restriction que celle de la loi humaine, c'est-à-dire de la volonté humaine limitant elle-même sa liberté : cette liberté est limitée par une volonté supérieure à la volonté humaine, la loi de Dieu.» (Abbé Vial, Jeanne d'Arc et la Monarchie, 1910, Éditions Saint-Rémi, p. 33-40).
"Les commandements (divins) [...] sont un don que Dieu fait à l'homme pour qu'il puisse être vraiment lui-même et pleinement homme. [...] En donnant les commandements à son peuple, Dieu voulait le mettre en garde contre le risque d'étouffer le premier don reçu de Lui : la liberté." (Gilles JEANGUENIN, Les Dix Commandements, Pierre Téqui éditeur, Paris 2033, p. 12.)
La liberté à la naissance de l'homme dans la déclaration de 1789 est une liberté matérielle et contingente qui n'est pas celle de Dieu, qui est spirituelle et conditionnée au respect des Dix commandements.
Des quatre 'droits de l'homme' de 1789, seul le droit à la liberté (au sens chrétien) et le droit à la propriété est d’institution divine, sinon il n’y aurait point de 10e commandement (Exode 20, 3-17) ''Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain.''
Ainsi, le 11 juin 1775, lors de son sacre Louis XVI à 21 ans dit : "Il y a quatre droits naturels que le prince est obligé de conserver à chacun de ses sujets ; ils ne les tiennent que de Dieu et ils sont antérieurs à toute loi politique et civile : la vie, l’honneur, la liberté et la propriété." (Cf. Citations célèbres de Louis XVI. Source: Réflexions sur mes entretiens avec M. le duc de La Vauguyon, Louis XVI, éd. J.-P. Aillaud, 1851, chap. XIIème entretien, p. 89)
"Les dix commandements [...] ont été écrits dans la pierre, mais avant tout ils ont été écrits dans le cœur de l'homme comme Loi morale universelle, valable en tout temps et en tout lieu.
"Ils sauvent l'homme de la force destructrice de l'égoïsme, de la haine et du mensonge.
"Ils mettent en évidence toutes les fausses divinités qui le réduisent en esclavage : l'amour de soi jusqu'à l'exclusion de Dieu, l'avidité du pouvoir et du plaisir qui renverse l'ordre de la justice, et dégrade notre dignité humaine et celle de notre prochain." (Gilles JEANGUENIN, Les Dix Commandements, Pierre Téqui éditeur, Paris 2033, p. 16.)
La sainte Bible enseigne que Dieu a donné à l'homme le libre arbitre ( « c’est lui (Dieu) qui, au commencement, a créé l’homme et l’a laissé à son libre arbitre. Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. » Livre de Ben Sira le Sage 15:14-15] ). Le libre arbitre n'est pas la liberté qui se définit comme la faculté de se mouvoir dans les limites du bien. « Il (Dieu) n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher.» (Livre de Ben Sira le Sage, Siracide 15:20)
La restriction de la liberté dans la religion est proche de l'article 4 selon lequel "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits."
Donc on le voit, dans la déclaration de 1789 elle-même, la liberté à la naissance n'est pas sans limites... Elle a des bornes. Ce qui, nous le verrons, aura des conséquences quant à la déduction de droits à partir d'une liberté a priori qui n'existe pas, alors que la loi morale des dix commandements, elle, existe, et pourrait fonder nos droits sur une base autrement plus solide. Jacobi se demandera comment penser la justice à partir de la liberté, et Arendt proposera un droit à la différence...
"Donc, dans une société d'hommes, la liberté digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît : ce serait dans l'Etat une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à l'oppression ; la liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle. Et pour ceux qui gouvernent, la liberté n'est pas le pouvoir de commander au hasard et suivant leur bon plaisir: ce serait un désordre non moins grave et souverainement pernicieux pour l'Etat ; mais la force des lois humaines consiste en ce qu'on les regarde comme une dérivation de la loi éternelle et qu'il n'est aucune de leurs prescriptions qui n'y soit contenue, comme dans le principe de tout droit." (Léon XIII, Libertas, 20 juin 1888.)
"Le libéralisme, dit Charles Maurras, est la doctrine morale politique qui fait de la Liberté le principe fondamental par rapport auquel tout doit s'organiser, en fait, par rapport auquel tout doit se juger, en droit. ... [L]e libéralisme supprime en fait toutes les libertés. Libéralisme égale despotisme. Je le démontre" : En religion. [...] En économie politique [...] En science politique […] Telle est la conséquence naturelle du libéralisme non mitigé: il tue la Société et, par là même, toutes les libertés contenues dans la société existante (il subvertit radicalement la Société en opposant les individus et les classes). Quant au libéralisme mitigé, s'il laisse subsister la société, il la caporalise sous la moins juste, la plus rude et la moins responsable des dictatures, celle du Nombre. Ainsi, le libéralisme et le despotisme, c'est tout un. Le dévouement aux libertés commande donc le sacrifice de l'idole et de la nuée Liberté" (Charles MAURRAS, La Dentelle du rempart, Choix de pages civiques en prose et en vers 1886-1936, Préface de Bernard Grasset, Mayenne 1937, p. 206-211).
"La Révolution! Fondée sur des chimères et soutenue par l'imposture, elle conduit les peuples à leur perte et l'humanité à sa fin !" s'exclame également Antoine Blanc de Saint-Bonnet, dans "La Restauration française" (Tournai, Casterman, 1872, p. 5-6).
Les développements ci-dessous sont tirés de l'article "Le sens métaphysique de la Révolution" (la négation du Péché originel et du Dieu Créateur de la Bible.)
Généalogie de la liberté de la déclaration de 1789
La Révolution n'est pas une évènement historique accidentel. Ce moment marque sans doute un commencement (en opposition à l'Ancien Régime), mais, il est aussi un aboutissement, un résultat: 'Avant d'éclater, la Révolution s'est formée dans les régions de la métaphysique'. C'est un mot catalysant les erreurs qui se sont développées pendant les trois siècles précédents, en gros l'époque moderne.
Certes, la Renaissance a été une période favorable au développement de l'art, de la littérature, de la peinture et de l'architecture,... mais elle constitue aussi la racine d'un mal préjudiciable dans l'ordre des idées. Cette 'fille posthume du paganisme' équivaut, ni plus ni moins, à une régression historique : elle n'est qu'un retour intellectuel à l'Antiquité, tout particulièrement à l'idée de Nature, notion qui depuis lors, a remplacé partout l'idée de Dieu. De là est sorti la 'grande protestation', [...] l'esprit individuel de l'homme voulant se dégager du point de vue divin et de toute transcendance. Ce qu'il est convenu d'appeler le naturalisme (négation de l'ordre surnaturel).
La première manifestation ... a produit le protestantisme, que Saint-Bonnet appelle aussi Réformation. Celle-ci s'est déployée par la suite en plusieurs phases pour aboutir à la Révolution, dont la formule logique accomplie serait le socialisme. L'auteur croit en une continuité entre la révolution religieuse du XVIe siècle et la révolution politique du XVIIIe siècle : Réformation et Révolution sont les moments d'une seule et même Protestation indissolublement religieuse (libre-pensée : négation de l'autorité spirituelle de l'Eglise) et politique (libre volonté : négation de l'autorité temporelle de la société).
Cette Protestation générale se développe en trois phases principales successives :
1- tout d'abord le rationalisme (conception erronée de la raison),
2- ensuite le libéralisme (conception erronée de la liberté)
3- et enfin le socialisme (conception erronée de la nature morale et sociale de l'homme).
Le rationalisme ou "l'intelligence en dehors de la Raison"
La philosophie a perdu la notion de l'Être au profit du Moi, abandon qui se trouve au coeur du célèbre aphorisme de René Descartes: cogito ergo sum. Blanc de Saint-Bonnet a conscience qu'il sera mal reçu en critiquant cette base de la pensée moderne. Pour autant faut-il vraiment reconnaître ce postulat comme une base ? C'est toute la question du deuxième chapitre du livre titré La Raison que l'auteur a publié en 1866: "Il faudrait maintenant savoir... si le je pense joue ici en réalité le rôle qu'on lui attribue; si la pensée est au commencement".
Or, rétorque Blanc de Saint-Bonnet, loin de prouver l'existence par le raisonnement, de fonder l'être sur la pensée, on doit fonder, symétriquement, la pensée sur l'idée de l'être. Pourquoi? Tout simplement parce que le je pense inclut déjà l'idée de l'être avant toute déduction : dans je pense, il y a ce je, et c'est parce qu'on a pu prononcer ce je que la pensée a pu naître. Étant un principe pensant, le moi ne peut pas dire je pense sans avoir au moins inconsciemment l'idée de son existence. ... L'existence précède le raisonnement et même le supplante: un homme privé de raison, ou un enfant qui ne penserait pas, n'existeraient-ils donc pas ?
La démarche philosophique de Descartes oubliant l'idée de l'Être, et l'idée de cause qui nous fait remonter à la Cause première, à l'Auteur du je, la pensée ne voit plus qu'elle-même et se proclame principe et cause. Cette conclusion devait charrier des suites fâcheuses car 'de tout principe faux naissent des conséquences déraisonnables'.
- Si c'est le moi qui apporte la base, alors, tout dans la science procédera du moi (cartésianisme);
- c'est le moi qui trouve dans ses raisonnements les évidences (rationalisme, "émancipation de la raison de toute autorité divine en matière de croyances". Mgr Gaume, Le Traité du Saint-Esprit, Tome 1, Deuxième partie, 1865, troisième édition, Gaume et Cie Editeurs, 3 rue de l'Abbaye, Paris 1890, p. 464);
- ou dans ses sensations, la vérité (sensualisme);
- le moi est le centre, et ce qui est en dehors de sa circonférence l'indiffère (individualisme);
- ce qui est affirmé par le moi appartient à l'existence (idéalisme);
- ce qui est extérieur au moi est douteux (relativisme):
"Tel est l'enchaînement et la marche évidente de deux siècles de philosophisme émanant du je pense. L'erreur cartésienne entre donc dans le cercle de la Protestation dans le sens où cette base trop subjective, en faisant sortir l'existence du monde de ce 'moi' pensant, 'se rallie dans l'ombre au libre-examen de Luther', et frayer la voie à un mécompte grave sur la notion de liberté.
Le libéralisme ou l'erreur sur la liberté
Le libéralisme philosophique qui se présente comme la doctrine de cette liberté, n'est pour Blanc de Saint-Bonnet, que la systématisation d'une incompréhension de cette notion fondamentale.
L'auteur s'inscrit tout à fait en faux contre la définition qui veut voir dans la 'la liberté' la capacité de l'homme à faire ce qu'il veut sans en être empêché par qui que ce soit ou par quoi que ce soit (L'infaillibilité, p. 262, n° 1). Il lui oppose la philosophie classique, qui, postulant que les choses et les êtres ont une nature, considère qu'être libre consiste pour chaque homme à devenir ce qu'il est par nature ou à retrouver cette nature perdue, car les philosophes grecs, comme les théologiens catholiques, pensent que l'homme n'est pas né parfait. Ce que nie la philosophie du moi en écartant l'idée d'un ordre objectif. Blanc de Saint-Bonnet pose alors la question: l'homme a-t-il une loi ou peut-il la créer lui-même?
... En une formule thomiste, Blanc de Saint-Bonnet appelle liberté la capacité de se mouvoir dans le bien. ''La liberté humaine,... est la faculté de faire le bien alors qu'on a la possibilité de faire le mal. ... Mais de ce que l'homme pourra choisir le mal, il ne s'en suit aucunement qu'il ait le droit de le faire. ... Voici le fait. Dieu impose sa loi à la nature, et il la propose à l'homme. La liberté est donc... le pouvoir qu'a l'homme d'accomplir sa loi. ... [L]e pouvoir d'accomplir de soi-même sa loi n'est point le droit de la violer ... : interprétation qui serait digne du néant, d'où nous sommes, et non de l'être que Dieu veut en faire sortir!'' (L'infaillibilité, p. 262-263).
"Il y a donc deux notions différentes : le libre arbitre (faire le choix entre le bien et le mal) et la liberté (agir en conformité avec la loi, ou faire le bien).
"... Donc l'homme ne naît pas libre, à l'inverse de la thèse développée par Rousseau, mais il 'naît pour le devenir', ce qui est tout différent.
"L'homme ne peut pas se donner de lui-même sa loi. ... Si elle se faisait sa loi, la volonté serait l'Absolu: alors elle n'aurait pas besoin de loi!'
De même, il ne peut pas changer l'essence de l'organisation sociale en lui attribuant une loi différente: "Le législateur ne peut pas plus faire une loi pour la société que le physicien n'en peut en faire une pour la nature. Le monde moral, comme le monde physique, a sa loi; il s'agit de la connaître et de la suivre". D'où l'aberration du constitutionnalisme et du parlementarisme, héritiers des prémisses idéologiques du rationalisme, et partant du libéralisme.
"La liberté des philosophes classiques n'est pas une prérogative acquise au berceau et de manière innée par l'enfant qui vient de naître, mais elle est une conquête qui s'offre à l'homme, et s'obtient par un travail incessant sur soi-même: "La liberté est le fruit de l'effort et de la douleur". Elle apparaît donc en contradiction avec l'égalité pour la raison que les hommes accèdent à cette liberté inégalement, et justifie le principe aristocratique.
Le libéralisme, cette "falsification de la liberté" dessine un prolongement diamétralement inverse : comme la "liberté" des modernes est une qualité essentielle à l'homme, tous la possèdent également, et doivent la posséder pour une part égale pratiquement. Le libéralisme menace donc la société. Il met "l'erreur et le mal sur le même pied que le vrai et le bien, ou, dans le fait, [remet] à l'erreur et au mal le pouvoir d'étouffer le vrai et le bien", et supprime le mérite qui découle de l'effort produit pour atteindre une liberté sainement comprise: "Dès que la liberté, qui suppose tant de vertus, est proclamée innée et non acquise, elle ouvra aussitôt la porte à l'armée innombrable des ambitieux, des paresseux et des scélérats, de tous les destructeurs de la liberté."
En plus, cette erreur sur la liberté conduit fatalement au socialisme qui achève le parcours logique du libéralisme et ferme le cercle de la Protestation: "Ces droits innés, ces droits sans cause, établissent de fait l'égalité brutale parmi les hommes: le mérite ne les distingue plus! Cette égalité monstrueuse, négation de la liberté et de l'individualité, conduit à une fausse égalité politique, c'est-à-dire au despotisme; et cette égalité politique, à une fausse égalité économique, c'est-à-dire au communisme..." La boucle est bouclée." (Jonathan Ruiz de Chastenet, doctorant enseignant de l'Université d'Angers, membre du CERIEC (UPRES EA 922), in Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 546-562).
"Ainsi, la Révolution, c'est aussi - paradoxalement -, la négation de l'individu, la négation de l'homme. [Tout en prônant l'individualisme], "[o]n sait que toute l'entreprise des Lumières fut... d'évacuer l'homme en tant qu'individu (voire de l'éradiquer) [Voir la première partie : La recherche politique du bonheur et la disparition mécanique du libre arbitre : l'individu effacé. NdCR;], au nom vague et généraliste de l'Humanité.
"La loi du collectif contre l'individu : voilà quelle fut l'ambition, avouée ou non, consciente ou non, des rédacteurs de l'Encyclopédie - et aussi de tous les idéalistes (vite rattrapés par l'idéologie), qui élaborèrent et rédigèrent les grimoires de leur alchimie à rebours, entre les années 1730 et l'accomplissement de 1789. ... Une humanité enfin corrigée de ses défauts se devait d'être, enfin, débarrassée de ces enfantillages, purgée de l'humain, trop humain de la faute originelle, cette tache ancestrale, indigne du monde idéal, de la société à venir, où la mort elle-même ne serait plus vaincue par le Christ, mais par la science... Les bourreaux de 1793 ne furent-ils pas de fervents hygiénistes? la guillotine n'était-elle pas elle-même (selon les mots des philanthropes qui en proposèrent l'usage à Louis XVI), un 'progrès' dans l'humanitarisme?
"... On croit rêver, et l'on cauchemarde d'avance sur les raisons devenues folles de ces Etats tout-puissants, qui prétendront établir, de force et d'autorité, pour tous leurs citoyens, ce 'meilleur des mondes' prétendument 'pur', propre, aseptisé et égalitaire, en rendant l'existence invivable, et la planète inhabitable." (Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino, L'autre Baudelaire in Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 585-586).
Mais Jean-Jacques Rousseau vit lui aussi l'incohérence d'une liberté a priori... D'abord, il est impossible que "chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant." (J.-J. Rousseau, Du contrat social, liv. I, ch. VI.)
À l'âge d'une minute, les hommes sont-ils libres ?
Et selon la thèse égalitaire, à ce même âge, sont-ils aussi libres que père et mère ?
Les révolutionnaires finirent donc par l'admettre eux-mêmes - et ainsi se contredisant totalement avec la liberté d'expression ou de penser par exemple -, le paradoxe de la liberté est qu'elle ne peut exister sans sa limitation ("bornes"). L'autorité et la censure viennent au secours de la liberté, pour les révolutionnaires aussi !
Pour reprendre l'expression du titre d'un très beau livre du père Henri de Lubac paru en 1944 aux éditions Spes, le drame de l'humanisme athée, est d'avoir "essayé [...] de nous persuader que la seule valeur suprême à respecter et aimer, c'était l'homme...", alors qu'il a supprimé le premier commandement : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur." (Pierre DESCOUVREMONT, Gagner le combat spirituel, éd. de l'Emmanuel, Paris 2006, p. 48-49)
Le britannique Edmund Burke qui se présenta comme un défenseur de la Loi naturelle dans ses grands combats "libéraux", s'éleva dès 1790 contre la prétendue filiation du libéralisme français avec le libéralisme anglais. Alors que Maurras précise "que le libéralisme anglais ne soit point un libéralisme, c'est ce qu'il est un peu trop facile de voir" (Charles Maurras, Kiel et Tanger, La République française devant l'Europe 1895-1921, Bibliothèque des Œuvres Politiques Versailles, Évreux 1928, p. 104), la thèse d'Edmund Burke, en 1790, était déjà de dire que le prétendu libéralisme en France en 1789 n'était qu'une corruption du libéralisme anglais... Pour lui la Révolution française repose sur des principes totalement étrangers au libéralisme. Il commence par observer que dans la Déclaration britannique des droits de 1689, "on ne trouve pas un mot ni même une allusion concernant un droit général 'de choisir nous-mêmes ceux qui nous gouvernent; de les destituer pour cause d'indignité; d'instituer notre propre forme de gouvernement'" (Edmund Burke, Réflexions sur la Révolution de France, 1790, Pluriel Histoire, Paris 2004, p. 21).
"Si l'on s'accordait sans scrupule la facilité de changer de régime autant et aussi souvent et d'autant de manières qu'il y a de fluctuations dans les modes et dans les imaginations, on romprait toute la chaîne et toute la continuité de la chose publique. Il n'y aurait plus aucun lien d'une génération à l'autre. Les hommes ne vaudraient guère mieux que les mouches d'un été...." (E. Burke, ibid., p. 120).
"Nous sommes si loin de devoir à la Révolution de 1688 le droit de choisir nos rois qu'on pourrait dire au contraire que si jamais un tel droit avait appartenu à la nation anglaise avant cette Révolution, elle y a alors solennellement renoncé pour elle-même et pour toute sa postérité" (Edmund Burke, ibid., p. 25). "[L]a succession à la Couronne a toujours été ce qu'elle est aujourd'hui, une succession héréditaire conformément à la loi. Cette loi, dans l'ancienne lignée, était de droit coutumier; dans la nouvelle, elle est de droit écrit, établie suivant les principes mêmes du droit coutumier, sans rien changer au fond" (ibid., p. 27). "Chaque membre de la société renonce au premier droit fondamental de l'homme naturel, celui de juger par lui-même et de défendre son propre droit. Il abdique le droit d'être son propre gouverneur. ... Les hommes ne peuvent jouir à la fois des droits de l'état de nature (uncivil) et de ceux de la société civile. Pour obtenir justice, l'individu renonce au droit de la déterminer dans ce qui lui importe le plus. Et pour s'assurer d'un certain degré de liberté, il s'en déssaisit en totalité pour en confier la garde à d'autres instances" (ibid., p. 75-76).
"Nous ne sommes, ni les catéchumènes de Rousseau ni les disciples de Voltaire; et Helvétius n'a guère pénétré chez nous. Les athées ne sont pas nos prédicateurs, ni les fous nos législateurs. Nous savons bien qu'en morale nous ne pouvons nous prévaloir d'aucune découverte; mais c'est que nous pensons qu'en la matière il n'y a pas de découvertes à faire, et fort peu quant aux grands principes de gouvernement et aux idées de liberté, qu'on comprenait tout aussi bien longtemps avant que nous fussions au monde qu'on les comprendra lorsque la terre se sera refermée sur notre présomption et que le silence de la tombe aura mis fin à notre impudent verbiage." (E. Burke, ibid., p. 109).
"Tels maîtres, tels élèves! Qui aurait songé à Voltaire et à Rousseau comme législateurs? Le premier a le mérite d'écrire agréablement et personne n'a, si bien que lui, uni aussi heureusement le blasphème à l'obscénité. Le second n'était pas qu'un peu dérangé dans son esprit, j'en suis à peu près sûr" (Edmund Burke, The Correspondence of Edmund Burke, janvier 1790 in Edmund Burke, ibid., p. 657).
Dans les Frères Karamazov, roman qui explore des thèmes philosophiques et existentiels tels que Dieu, le libre arbitre ou la moralité, Dostoïevski a vu qu'avec la tyrannie des besoins dans la publicité - ce qu'on appelle la société de consommation - , l'homme libre est l'homme auquel on fait en sorte qu'il ait le plus possible de besoins, donc il est enchaîné à ses besoins et en fait il est de moins en moins libre...; il ne peut plus se passer des besoins que la publicité lui présente sinon il est malheureux, et c'est un esclavage intérieur. Donc, en réalité, on est dans un monde tyrannique qui détruit la liberté (libre arbitre) de l'homme.
Le monde moderne qui prône la liberté est à la fois laxiste et tyrannique. Le côté laxiste c'est ce qui lui permet de séduire les foules. En politique, par exemples, on va supprimer la peine de mort, on va réduire les peines le plus possible, on va libérer des prisonniers de la prison, mais le laxisme; le côté tyrannique c'est fait pour mettre les gens à raison. Ce double aspect du monde moderne correspond au visage du diable Woland, consultant de profession, tel qu'il a été décrit dans un roman russe de Boulgakov, Le Maître et Marguerite; il a un visage avec deux yeux; un œil est vert et l'autre est noir. Pourquoi ? L'œil vert, c'est pour séduire les hommes avec l'espérance et les fausses promesses (le vert étant la couleur de l'espérance); il va faire miroiter aux hommes des espoirs extraordinaires (on peut y voir les promesses jamais tenues de tous les candidats aux élections présidentielles); toutes les révolutions viennent de là; et l'oeil noir, c'est pour conduire les hommes vers la mort (la destruction de nos sociétés...) Le communisme a fait espérer une société parfaite et il a conduit vers les camps de Lénine, les charniers de Pol Pot et de Staline.
« En décrétant législativement que les hommes naissaient libres par nature et par droit, les révolutionnaires ont fantasmé la nature et attribué au droit ce qu'il ne peut pas faire.
On n'est libre que par don et l'on se trompe si l'on croit garantir la pérennité d'un don en décrétant qu'il est naturel ou en en proclamant le droit. Un don est beaucoup plus pérenne que la nature (qui donne et reprend à commencer par le premier de ses dons qui est la vie); quant au droit écrit, un autre écrit peut l'annuler, c'est là toute sa faiblesse. Ce qui existe par l'écrit peut cesser d'exister par un autre écrit. En revanche, ce qui est donné ne peut être repris car le don est une extension de soi qui ne peut jamais être récupérée. [Exemple: le don du service gratuit ne peut jamais être repris.] Si Dieu nous a créés libres, c'est parce qu'Il s'est donné lui-même et ne peut se reprendre sans nous détruire et sans se détruire. Si les hommes naissaient libres, c'est que cela se ferait naturellement et il est donc contradictoire de le décréter par écrit. Ce qui est écrit est justement ce qui n'est pas naturel et a besoin de cet écrit pour exister. En confondant et en mélangeant les libertés publiques (qui existaient sous la royauté et dont le roi était le garant puisqu'elles tenaient sur sa parole, autrement plus solide que l'écrit) et la liberté personnelle (dont le siège est ma conscience), les révolutionnaires ont pris le risque qu'elles se contredisent l'une l'autre et s'empêchent de fonctionner.» (Fr. Jean-Michel Potin, o.p., historien archiviste de la Province dominicaine de France, dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 421.)
En écrivant que l'homme est libre dès la naissance, les constituants de 1789 ont constitué un droit tyrannique, puisque il ne respecte pas le libre arbitre de l'homme, qui peut choisir entre le bien et le mal.
''La thèse du libéralisme s'évanouit devant le mal. Par l'hypothèse d'un état de nature, il s'agissait de sortir du christianisme et de l'expérience : dès lors, les philosophes eurent pour eux tous les rêveurs. La Révolution commencera par l'utopie et s'achèvera dans le sang. Pourquoi ? Parce que de jour en jour ses fureurs s'amoncellent contre l'impossibilité. Et la Révolution trouvera éternellement devant elle l'impossibilité : car elle oublie un fait majeur, un fait répandu sur toute la terre, le fait théologique auquel on substitue l'État de nature, savoir, l'existence du mal, au sein de l'homme ! Rêveurs terribles, regardez l'homme : puisque vous ne voulez point lire les pages authentiques du Livre qui nous donne l'histoire des débuts de l'humanité ! Vous dites que les hommes sont frères, et, pour peu que vos lois relâchent le frein, les voilà qui se déchirent entre eux. Vous dites qu'ils veulent la justice, et vous les voyez presque tous iniques et sans pitié. Vous dites que par amour ils travailleront les uns pour les autres, et ils se montrent paresseux, vicieux, sans humanité, transfuges des lois de la famille.
[…] Le libéralisme et la Révolution devraient être déconcertés de ne point rencontrer l'homme qu'ils ont rêvé.. Ils cherchent à travers le temps et les lieux, et partout un fait les arrête : savoir, le MAL ! Le mal, qu'il faudrait expliquer ; le mal, dont il faut à l'instant même nous garantir ! Le Mal, voilà bien la grande question ! Puisque vous sortez bons du sein de la nature, indiquez-nous l'origine du mal ; puis, dites-nous vos moyens d'y remédier.
Le mal ! Tel est bien la difficulté.
Puisque vous retirez les lois qui le compriment, puisque vous supprimez la Foi qui le guérit, et qu'enfin vous affaiblissez l'Autorité qui garantit les lois et protège la Foi, comment réduisez-vous le mal, qui partout apparaît avec l'homme, et qui, partout où on l'a laissé libre, a étouffé la civilisation ?
C'est aujourd'hui qu'il faut répondre. Pour entrer dans la politique, il faut nous dire d'où sort le mal ; puis expliquer pourquoi vous écartez le christianisme, qui vient à la fois l'expliquer et y appliquer le remède. On doit avoir une doctrine quand on s'adresse aux hommes, surtout quand on veut les conduire !
[…] Soyons sincères : pourquoi pensiez-vous restreindre l'Autorité, donner la liberté aux peuples, associer les hommes, placer en eux la souveraineté, leur faire voter leurs lois, enfin mettre en commun leurs biens et abolir la religion? Uniquement parce que vous oubliez le mal ; parce que, contrairement au christianisme, vous pensiez que l'homme est né bon.
Mais pourquoi, depuis quatre-vingts ans (depuis 1789. Ndlr.), la société, suspendue sur l'abîme, vient-elle toujours vous démentir ? Uniquement parce que l'homme est en proie au péché, parce qu'il est exposé à l'erreur, parce qu'il est né avec le mal originel dont les lumières de la Foi viennent vous rendre compte, avec ce mal contre lequel nous venons lutter, et dont nous porterons le germe jusque dans la dernière génération. Oui, sans la Chute, sans le mal, vos systèmes sont vrais, et la Révolution triomphe ! Mais aussi, avec le fait du mal, elle tombe écrasée sous le poids de l'absurde et de la malédiction soulevée par le sang qu'elle a fait couler.
''La thèse du libéralisme s'évanouit devant le fait de la société. Il y a une Chute, il y a le mal, il est au sein de l'homme. Ce mal le détourne du bien, immole sa liberté, affaiblit ou compromet ses droits, obscurcit sa raison et le retient presque partout dans le malheur. Il est urgent de ramener le bien dans l'homme, de lui rendre la vérité, de lui rappeler la justice, de lui faire reconquérir la liberté et toutes les prérogatives dont il a dépouillé lui-même sa nature.. Il y a dès lors un ordre moral, rendant à l'homme la vérité, le bien, la liberté perdue, lui rapportant la vie pendant que l'ordre social l'abrite dans la justice et dans la paix ! Il y a dès lors, également, un ordre temporel et une autorité du même genre, rendant à l'homme la justice et la paix, pendant que l'ordre spirituel s'efforce de le ramener librement à la lumière et de le rendre à l'équité. Aussi, chez les peuples chrétiens, vit-on s'établir un accord entre l'autorité spirituelle et l'autorité temporelle, produisant depuis dix-huit siècles les merveilles de la société.'' (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 104-107.)
On peut enfin se demander pourquoi « des principes simples » seraient-ils « incontestables » (préambule) ?
Ces principes des droits de l'homme seraient "incontestables" parce qu'ils seraient écrits ? Mais comme l'explique Jean-Michel Potin, c'est plutôt le contraire : ce qui est écrit peut cesser d'exister par un autre écrit.
La frénésie de l'écriture chez les révolutionnaires s'explique par l'imprégnation chez les élites modernes de la kabbale qui tient que tout ce qui n'est pas écrit, tout ce qui n'est pas gravé n'existe pas. Or, nos ancêtres les Gaulois n'avaient pas de constitution écrite; la spiritualité et la culture étaient transmises par oral par les druides, le langage avait la première place : écrire les libertés eut été, pour eux, un contre-sens...
De même, notre Moyen-Âge (comme notre Ancien Régime) n'avaient pas de constitution écrite. Il y a là-dedans des éléments d'une « sagesse intuitive et expérimentale » (Bernard Faÿ, La Grande révolution 1715-1815, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 53). Une sagesse politique, propre aux nations celtiques et françaises.
« C'est l'un des premiers penseurs contre-révolutionnaires, Joseph de Maistre, qui a vu que le problème des Lumières était le problème de l'écrit :
"Quant à celui qui entreprend d'écrire des lois ou des constitutions civiles, et qui se figure que parce qu'il les a écrites il a pu leur donner l'évidence et la stabilité convenables, quel que puisse être cet homme, particulier ou législateur, et soit qu'on le dise ou qu'on ne le dise pas, il s'est déshonoré, car il approuve par là qu'il ignore également ce que c'est que l'inspiration et le délire, le juste et l'injuste, le bien et le mal : or, cette ignorance est une ignominie, quand même la masse entière du vulgaire applaudirait." (Platon, Phaed., dans Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, 1809, Lyon, Pélagand, 1880, p. 26-27).
"Toute institution fausse écrit beaucoup, parce qu'elle sent sa faiblesse, ajoute Joseph de Maistre, et qu'elle cherche à s'appuyer. [...] Nulle institution grande et réelle ne saurait être fondée sur une loi écrite, puisque les hommes mêmes, instruments successifs de l'établissement, ignorent ce qu'il doit devenir, et que l'accroissement insensible est le véritable signe de la durée, dans tous les ordres possibles des choses." (Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, 1809, Lyon, Pélagand, 1880, p. 31-32.) La Loi écrite, fondement d'une société, devient une entrave au développement et à la perpétuation de la dite société. Nous le verrons en présentant un peu plus loin l'impasse des droits de l'homme.
[...] La grande erreur de la théorie de la liberté républicaine est d'avoir fait croire qu'un régime de libertés publiques (qui ressemble fort à ce programme : "Nous nous occupons de tout, y compris de votre liberté") puisse instaurer la liberté.
[...] Le roi n'était pas le garant de la liberté de l'homme (il n'avait pas cette toute-puissance) mais il garantissait les libertés publiques, celles qui permettaient le vivre-ensemble dans une négociation constante entre les sujets. » (Fr. Jean-Michel Potin, o.p., historien archiviste de la Province dominicaine de France, dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 421-423).
En soutenant en 1776 les Insurgents (Patriots) américains, Louis XVI offrit l'indépendance à la jeune nation du Nouveau Monde, mais porta au pouvoir les idées nouvelles et endommagea celles du « vieux monde » avec ses valeurs naturelles. Bien que soutenu par Louis XVI pour obtenir l'indépendance des États-Unis, George Washington, premier président des États-Unis (1789-1797) resta fidèle aux idées de ses « frères », portées en France par les Jacobins et autres révolutionnaires de 1789, ne donnant simplement pas suite aux sollicitations du marquis de La Rouërie, son "vieil ami", mais devenu contre-révolutionnaire... Washington apporta son concours de manière implicite au camp révolutionnaire français en suspendant le remboursement des frais de guerre engagés par la monarchie française, l'affaiblissant davantage avec ses finances exsangues. Il les reprendra néanmoins sous le gouvernement révolutionnaire issu des Lumières, ses « frères », qui a contrario, refusa de reconnaître les dettes de la Monarchie... [3] Belle gratitude George Washington.
« Même ceux qui avaient aidé directement les Américains à se libérer furent peu ou mal récompensés. Jacques Leray de Chaumont qui avait hébergé gratuitement Franklin pendant deux ans, ne fut jamais payé des munitions, habits et médicaments qu'il avait envoyés en grande quantité aux États-Unis. Beaumarchais et ses associés, qui eux non plus n'avaient pas ménagé leur peine, hasardant leur capitaux avec générosité et désintéressement, risquant navires, équipages et cargaisons au milieu des batailles navales, ne parvinrent jamais à se faire rembourser la totalité des armes et des marchandises transportées, en espèces ou en biens [...] Les États-Unis devenus pourtant une nation prospère, feignirent de croire qu'ils 'agissait de dons du gouvernement français et ne voulurent rien entendre. "Américains, s'exclamait encore l'auteur du Barbier de Séville dans un mémoire du 10 avril 1795, je vous ai servis avec un zèle infatigable; je n'en ai reçu dans ma vie qu'amertume pour récompense, et je meurs votre créancier." Ses héritiers bataillèrent jusque sous la Monarchie de Juillet (1830) et, en dépit d'innombrables suppliques et de l'intervention de plusieurs ministres n'obtinrent qu'une partielle compensation. Sur une dette reconnue de 2 280 000 livres (qui obéra tant les finances du royaume qu'elle entraîna la convocation des tristes États généraux de 1789 qui finirent comme l'on sait), les Américains n'en versèrent finalement, un demi-siècle plus tard, que 800 000 sans indemnité de retard. À prendre ou à laisser. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin Editions, Lonrai 2012, p. 442.) Belle gratitude de George Washington et des Fils de la liberté envers ceux auxquels ils devaient tout et l'indépendance de leur chère patrie.
Et malheureusement, Louis XVI boira le calice jusqu'à la lie, condamné « pour la liberté » qui n'est pas une « liberté ». Selon la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en effet, la « liberté » est acquise pour l'homme dès sa naissance.
Pourtant, « Louis XVI aima toujours, depuis son enfance, s'entretenir avec les laboureurs, les ouvriers, le peuple des campagnes et celui des villes. À Reims, il ne put s'empêcher de pousser un cri de joie devant l'enthousiasme et leur bonhomie. "J'ai été fâché que vous n'ayez pas pu partager avec moi la satisfaction que j'ai goûtée ici, écrit-il à Maurepas (ministre de Louis XVI), le 15 juin 1775. Il est bien juste que je travaille à rendre heureux un peuple qui contribue à mon bonheur !"
Pendant tout son règne, et jusqu'au 21 janvier 1793 (date de son assassinat. Ndlr.), Louis XVI ne fit rien qui ne tendît au bonheur de la nation. Bien plus, il se sentit toujours proche d'elle, car le peuple de France était encore en 1775 cette population que le Moyen-Âge avait façonnée, qu'il avait enrichie de cette sagesse intuitive et expérimentale, où la foi la plus ardente dans le Christ rejoignait le scepticisme le plus avisé quant aux choses de ce monde. Tel était encore le petit peuple de France, tel était Louis XVI à vingt ans. » (Bernard Faÿ, La Grande révolution 1715-1815, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 53.)
« Louis XVI était « profondément charitable. Il lui arrivait, de bon matin, de se rendre à pied chez les familles les plus pauvres de Versailles. "Parbleu, Messieurs, dit-il un jour en riant à l'adresse des gardes qui venaient de le retrouver, il est cruel que je ne puisse aller en bonne fortune sans que vous le sachiez !" Un roi visitant les chaumières, cela ne s'était pas vu, depuis Henri IV ! Un jour, le directeur des Bâtiments, La Billarderie d'Angiviller, se vit tancer pour avoir dépensé en son absence 30.000 livres afin de restaurer une pièce des petits appartements : "J'aurais rendu trente familles heureuses !' clamait-il avec indignation dans tout le château. Sur sa cassette personnelle qu'on appelait le Comptant du roi, il entretenait quantité de familles nobles ou d'officiers sans fortune, des femmes ou des filles de militaires, réglait les dégâts et accidents de chasse, alimentait les bonnes œuvres du curé de Versailles. En avril 1781, il visita incognito l'Hôtel-Dieu où s'entassaient à trois ou quatre par lit des centaines de malades et de malheureux, dans des chambres qui ressemblaient à des cloaques. Il en ressortit en pleurs, décidant de prendre à sa charge la création de lits individuels et de dortoirs spécialisés pour chaque type d'infection. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin Editions, Lonrai 2012, p. 246.)
« L'organisation du procès du roi se heurtait à un obstacle juridique incontournable, celui de l'inviolabilité du monarque. [...] Le 7 novembre 1792, le girondin Jean-Baptiste Mailhe s'employa à contourner l'obstacle de l'inviolabilité. Toute sa démonstration reposait sur le caractère absolu de la souveraineté de la nation : "La nation a parlé; la nation vous a choisis pour être les organes de ses volontés souveraines. Ici toutes les difficultés disparaissent, ici l'inviolabilité royale est comme si elle n'avait jamais été." (Archives parlementaires, t. LIII, p. 277.) En somme, aucune règle de droit ne résiste à la volonté de la nation. (Le rapport du girondin Jean-Baptiste Mailhe, le 7 novembre 1792, s'asseyait donc sur les droits de l'homme de 1789 qui déclarait l'homme libre dès la naissance. NdCR). « Louis XVI, avant même que le procès ait lieu, était coupable, coupable par principe, puisqu'il était roi. Ces sophismes n'avaient aucune valeur juridique, mais la Convention était composée, en grande majorité de députés déterminés à juger le Roi. Le 3 décembre suivant, Robespierre plaça la question sur le terrain du "salut public" :
"Vous n'avez pas une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à rendre, un acte de providence nationale à exercer (applaudissements).
"[...] Louis ne peut être jugé; il est déjà condamné ou la République n'est point absoute. [...] Si Louis est absout, si Louis peut être présumé innocent, que devient la Révolution ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la Liberté deviennent des calomniateurs; les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l'innocent opprimé." » (Robespierre, Archives parlementaires, t. LIV, p. 74-77, dans Philippe --Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 157-158.)
Le 29 mars 1793, « les auteurs d'écrits royalistes furent promis à la peine de mort. Le 1er avril était supprimée l'immunité des députés. Les libertés individuelles, déjà passablement écornées, se trouvaient réduites à néant. » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 172-173.)
En Amérique, nombre de Patriots furent actifs, avant 1775, au sein de groupes comme les Sons of Liberty. Les plus importants dirigeants des "Patriots" que Louis XVI avait aidé à prendre le pouvoir sont aujourd'hui connus sous l'appellation de Pères fondateurs des États-Unis.
L'appellation "Fils de la Liberté" a été diffusée dans les cercles de la franc-maçonnerie. (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, Perrin, Collection Tempus, Paris 2012, note 43, p.p. 385 ; P. Maier, From Resistance to Revolution, New York, Norton, 1991, p. 81) Quel hasard !
« Depuis longtemps déjà Louis XVI porte sur les évènements révolutionnaires un regard surnaturel. À ses yeux, le mal est spirituel et le remède ne peut être que spirituel. » (Philippe Pichot-bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 164.)
"La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen [...] achèvera d'immoler les libertés et franchises concrètes de l'Ancien Régime sur l'autel de la Liberté théorique, d'une Egalité formelle et d'une Fraternité abstraite.
Ainsi c'est au nom de la 'liberté du travail' que seront désormais interdits - en vertu de la loi Le Chapelier -, toute réunion ou concertation d'ouvriers, tout arrêt pacifique ou organisé du travail. Des amendes et des peines de prison frapperont les fauteurs de grève et les meneurs." (Philippe DELORME, Préface de Jean TULARD de l'Institut, Contre-Histoire de France, Ni romance, ni repentance, Via Romana, Le Chesnay 2024, p. 214)
"Pendant une bonne partie du XIXe siècle, les articles 414 et 416 du code pénal punirent le délit de coalition, empêchant ainsi les ouvriers de s'unir et de défendre leurs intérêts, c'est-à-dire en fait leur gagne-pain.
Seuls [...], Villeneuve-Bargemont sous la Restauration, Armand de Melun sous la Monarchie de Juillet, Albert de Mun et La Tour du Pin sous la Troisième République, [...] tous légitimistes, prirent à coeur de lutter contre cette situation injuste. Il ne faut pas oublier non plus le comte de Chambord lui-même avec sa Lettre publique sur les Ouvriers, publiée le 20 avril 1865. Cette lettre [...] fut la préfiguration de Rerum novarum. Dans cette encyclique, Léon XIII partait du constat, qui est parfaitement exact, que 'le siècle dernier a détruit, sans rien leur substituer, les corporations anciennes qui étaient pour eux (les ouvriers) une protection.'
[...] À chaque fois que les catholiques sociaux avaient proposé des mesures pour améliorer le sort des ouvriers, des plus faibles et des plus démunis, les républicains majoritaires, à la Chambre et au Sénat, s'y étaient opposés. En 1880, ils s'étaient opposés à la proposition de Keller d'interdire le travail de nuit pour les femmes et d'introduire la semaine anglaise. En 1883, aux syndicats mixtes préconisés par La Tour du Pin et par Albert de Mun, la gauche et la droite libérale représentant le grand patronat avaient préféré les syndicats de classe. [...] En 1884, Albert de Mun proposa de créer une législation internationale du travail, de reconnaître la personnalité civile et le droit de posséder aux syndicats et d'assurer une protection aux ouvriers victimes d'accidents du travail. Ces différentes mesures furent rejetées. Il en alla de même deux ans plus tard lorsque le même homme politique eut l'audace de présenter un projet interdisant aux garçons de travailler avant 13 ans, aux filles avant 14 ans, n'autorisant les travaux de force qu'après seize ans, et qu'il demanda de ramener la journée de travail de 12 heures à 11 heures, de protéger les ouvriers contre les maladies professionnelles et contre la vieillesse et d'accorder aux femmes qui accouchent quatre semaine de congé. En 1889, sans se lasser, de Mun proposa que l'Etat fixe un salaire minimum. Sa proposition fut repoussée en commission." (Philippe PRÉVOST, L'Église et le ralliement, Histoire d'une crise 1892-2000, CEC, Paris 2001, p. 81-82.)
Sur l'égalité
"À la fin du XVIIIe siècle, le concept de nation fut radicalement transformé (par les ''Lumières''). Avec les écrits fondateurs de Sieyès, une nouvelle définition triomphe dans le vocabulaire politique. La nation nouvelle est formée d'individus strictement égaux en droits. Elle correspond au seul tiers état. En sont exclus les ordres privilégiés, noblesse et clergé.
'Ce n'est qu'improprement que le tiers est appelé un ordre; il est la nation, il n'a point d'intérêt de corps à défendre; son unique objet est l'intérêt national.'
Sieyès nie une évidence, à savoir que la plupart des Français du tiers état sont eux-mêmes privilégiés, mais il réussit magnifiquement à imposer ses thèses pour deux siècles.
Les ordres 'privilégiés' sont hors de la nation (où est l'égalité dans l'exclusion ? Ndlr.) et doivent être, selon Sieyès, 'neutralisés', c'est-à-dire éliminés.
La nouvelle nation est donc composée des seuls individus.
Elle ne connaît que des citoyens 'à la même distance de la loi qui protège leur liberté et leur propriété'; les corps en sont bannis.
La nation régénérée ne peut être 'un assemblage de petites nations'.
On est à l'opposé du XVIIIe siècle qui reconnaissait le droit à la différence, dans une société de sujets liés à la personne du souverain. Ce que Sieyès qualifiait avec mépris de 'chartreuse politique'." (Dictionnaire de l'Ancien Régime, Sous la direction de Lucien Bély, 2e éd., Quadrige / Puf, Paris 2003, p. 882-883.)
L'idée égalitariste domine l'histoire des nations modernes depuis le XVIIIe siècle. Pourtant, dès le Moyen-Âge, en pleine monarchie absolue de droit divin, Saint Thomas d'Aquin définit la loi comme une "ordonnance de la raison, promulguée par celui qui a autorité sur la communauté, pour le bien commun" (I-II, Q. 90, a. 4). La loi ne lie pas de sa propre autorité mais de celle de Dieu, et nous sommes tenus d'obéir à la loi dans la mesure où elle porte l'autorité de Dieu. Par conséquent, si une loi viole la loi de Dieu - la loi naturelle ou divine - alors non seulement elle ne nous lie pas en conscience, mais nous sommes plutôt tenus de désobéir à ces lois, au moins par une résistance passive (comme le refus de participer à l'avortement ou l'euthanasie). Thomas d'Aquin dit que les lois sont contraignantes si elles remplissent trois critères:
Premièrement, la "fin": la loi doit servir le bien commun de la société pour laquelle elle est promulguée et destinée, et elle ne doit pas seulement être "bonne en général". Il peut être bénéfique pour les étudiants de faire de la gymnastique le matin, mais il serait étrange qu'un collège l'exige comme partie du régime du matin de chaque classe.
Deuxièmement, "l'auteur": la loi doit être promulguée par l'autorité compétente. Un évêque ne peut décréter des lois liturgiques et autres que dans les limites géographiques (ou spirituelles) de son propre diocèse. Il y a des cardinaux et des archevêques qui voudraient imposer leurs protocoles de Covid à des provinces, des États ou des nations entières, mais eh bien, tant pis.
Troisièmement, la "charge" de la loi - car toute loi a sa dimension coercitive - ne peut être disproportionnée par rapport au bien recherché ou au mal évité (le remède ne doit pas être pire que le mal). La loi ne doit pas non plus retomber de manière disproportionnée sur une partie de la population plutôt qu'une autre. Les impôts doivent être imposés de manière équitable, de même que la conscription, la fonction de juré, et personne ne devrait bénéficier d'un traitement préférentiel indu. Tous sont égaux devant la loi, sans que certains soient plus égaux que d'autres.
Une égalité juridique entre les hommes peut exister. Exemple: l'égalité devant l'impôt que cherchèrent à réaliser les rois Louis XV et Louis XVI mais qui en furent empêchés par la magistrature parlementaire avant que les mêmes ne s'en empare en 1789... (Cf. Michel Antoine, Louis XV).
Notons que le principe égalitaire n'était pas une chose évidente pour les droits de l'hommistes eux-mêmes. Historiquement, les mêmes qui déclaraient l'égalité de tous étaient de grands esclavagistes. « Après avoir hardiment affirmé que "les hommes naissent et demeurent libres en droit", les députés de l'Assemblée nationale constituante se déjugeront le 15 mai 1791 en renonçant à changer le statut des personnes que le législateur qualifie pudiquement de "non-libres". Si le maintien de l'esclavage dans les colonies est une entorse spectaculaire au principe, elle n'est pas la seule. Quelques mois plus tôt, l'Assemblée avait fondé l'exercice de la citoyenneté sur un principe censitaire distinguant entre les citoyens actifs et les citoyens passifs. On le voit : les hommes ne sont pas demeurés égaux en droit bien longtemps ! » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 94.)
Aux États-Unis, l'historien Bernard Cottret a remarqué la même « contradiction entre les principes affichés et la réalité profonde ».
Cette contradiction est « plus éclatante encore à l'intérieur même de la société américaine (G. B. Nash, Race and Revolution, Madison, Wis, Madison House, The Merril Jensen Lectures in Constitutional Studies, 1990, p. 3).
D'ailleurs un peu avant le déclenchement de la Guerre d'Indépendance américaine,« les propagandistes anglais (loyalistes) ne manquèrent pas de le faire remarquer : comment refuser l'esclavage prétendu de la métropole quand on maintenait plusieurs centaines de milliers de Noirs dans la plus abjecte des sujétions ? » (Bernard Cottret, La Révolution américaine : La Quête du Bonheur 1763 – 1787, Perrin, Collection Tempus, Paris 2012, p. 178.) Le principal rédacteur de la Déclaration d'Indépendance de 1776 qui proclame l'égalité de tous les hommes, Thomas Jefferson, est un planteur qui possédait des esclaves.
« En 1773, plusieurs esclaves du Massachussets avaient demandé à l'assemblée de leur province d'examiner leur cas, en se référant aux déclarations préalables contre l'esclavage auquel l'Angleterre voulait censément réduire tous les Américains » (H. G. Punger, John Hancock, Merchant King and American Patriot, New York, J. Wiley, 2000, p. 185, in B. Cottret, La Révolution américaine, ibid., note 69, p. 425.)
« Comment se réclamer du droit naturel quand on s'opposait aux "sauvages" amérindiens au nom de la civilisation ? [...] Pouvait-on valablement décréter la liberté de tous les hommes dès leur naissance et enchaîner une partie de l'humanité ? Le paradoxe était flagrant, et les Britanniques, [...] ne manquèrent pas de s'indigner pieusement des moeurs esclavagistes de leurs cousins rebelles... » (B. Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 178.)
« [...] [L]e débat [...] avait des répercussions militaires immédiates : les Britanniques tentèrent d'ouvrir un second front au sein même de la société américaine, en appelant les esclaves à la révolte. Ou du moins, en leur promettant la liberté s'ils se joignaient aux troupes de Sa Majesté contre leurs maîtres. » (B. Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 180.)
« Dans sa défense des constitutions de gouvernement des États-Unis, publiée opportunément en décembre 1787 en Angleterre, John Adams, [...] le futur président des États-Unis associait dans sa réflexion les Anglais et les Germains. [...] La meilleure forme possible de gouvernement était celle qui associait la démocratie et la République – comme le faisait la Constitution. [...] Esclaves et Amérindiens étaient les grands exclus... De plus, le suffrage demeurait censitaire. » (B. Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 319.)
George Washington lui-même « n'était pas hostile à la dépossession des Amérindiens; mais il voulait, flegmatique, qu'elle s'effectuât dans le calme et la bonne humeur, sans laisser les "bandits" profiter des circonstances en abusant de la crédulité des autochtones. Il fallait dépouiller ceux-ci avec distinction, circonspection, bonté et courtoisie, en usant de cette douce bienveillance que l'on voue aux plus faibles. Le général conseillait de concilier trois impératifs: l'établissement de nouveaux États, l'occupation des terres, et la paix. » (B. Cottret, La Révolution américaine, ibid., p. 276.)
« Était opulent en Virginie, celui qui avait à la fois de l'argent, des terres, des esclaves, des maisons et du crédit. Quiconque ne possédait qu'une de ces formes de la richesse était à la merci de la plus petite circonstance. [...] [I]l n'y avait de de sécurité que si l'on possédait abondamment toutes les sortes d'objets et d'êtres qu'il y avait à posséder. Washington le vit tout de suite. [...] Il cherche partout des terres neuves, en Floride, en Ohio, en Pennsylvanie. Il est inlassable. [...] En 1760, il a 49 esclaves; en 1770 87, en 1774 135. » (Bernard Faÿ, Georges Washington, Gentilhomme, Éditions Bernard Grasset, Paris 1932, p. 167-169.)
Alors que le libre arbitre biblique disparaît, l'idolâtrie de l'ego, l'orgueil de l'homme et de sa liberté individuelle apparaît; elle est mise en forme juridique par les déclaration des droits de l'homme qui légitimeront les caprices les plus fous et anti-bibliques qui soient, comme l'esclavage, le divorce, l'avortement, le mariage homosexuel, la procréation pour autrui, etc.
Et comme l'ego est souvent excessif, cela donne - on s'en doute - des droits qui se contredisent les uns les autres, des résultats catastrophiques pour la vie en société.
Un exemple historique frappant : un peu avant la Guerre de Sécession (1861-1865), le sud des États-Unis pratiquait l'esclavage et le nord ne le pratiquait pas (ou peu); et le parlement de l'État de Missouri, entre le nord et le sud, abolit l'esclavage; les esclaves se libèrent, et les propriétaires d'esclaves allèrent devant les tribunaux, disant qu'on les avait privés de leur biens !
Le contentieux entre les propriétaires d'esclaves et l'État de Missouri remonta alors jusqu'à la Cour suprême des États-Unis, qui dans un arrêt Dred Scott vs Ferguson du 6 mars 1857 trancha qu'un parlement d'un état (le Missouri) n'a absolument pas le droit d'exclure l'esclavage, parce que l'esclavage fait partie des droits de l'homme, le droit de propriété étant un droit absolu !
La Cour rejeta la demande de Scott par 7 voix contre 2.
Les esclaves étaient une propriété, et les maîtres avaient la garantie du droit de propriété dans le cadre du cinquième amendement.
Dans le même style, un arrêt Plessy v. Ferguson de la Cour suprême des États-Unis, rendu le 18 mai 1896, autorise les États à imposer par la loi des mesures de ségrégation raciale.
Si une certaine égalité (devant l'impôt par exemple) peut exister, l'égalitarisme, en revanche, cette idéologie issue de la constitutionnalisation de l'idée d'égalité, qui déforme l'idée originale chrétienne de l'égalité de tous les hommes devant Dieu, et établit ici-bas, en système, une stricte égalité à tous points de vue doit être rejetée.
Par exemple, l'idéologie égalitariste est dangereuse pour les destinées des nations européennes, car elle les prive de tout développement naturel possible en leur imposant indéfiniment une immigration pléthorique inassimilable, censée établir le règne de la liberté & de l'égalité. Une immigration qui donnera les mêmes droits à des individus qui ne partagent rien avec les européens.
Le professeur Jean-Louis Harouel, dans la conclusion de son livre « Les Droits de l'Homme contre le peuple », dit que c'est un « dissolvant social » : « On ne peut pas fonder une société sur les droits de l'homme dès lors qu'ils sont un dissolvant social. Très grand nom du droit international privé, Henri Battifol observait qu'un faisceau de droits subjectifs ne résout aucunement le problème premier de toute société qui est celui de la vie en commun et que l'erreur du libéralisme individualiste a été de croire que la protection de l'individu suffirait à organiser la vie en commun. (Cité par Yves Lequette, De la Proximité au fait accompli, Mélanges en l'honneur du professeur Pierre Mayer, Lgdj, Paris 2015, p. 514-515.)
[...] Avec la religion des droits de l'homme, s'estompe l'idée de citoyenneté. L'idée d'une appartenance commune rassemblant les citoyens d'un même pays fait place à une juxtaposition d'individus ne se définissant plus que par leur "droit à avoir des droits" (Yves Lequette, De la proximité au fait accompli, mélanges en l'honneur du professeur Pierre Mayer, Paris, LGDJ, 2015, p. 515), selon la célèbre formule de Hannah Arendt (Les Origines du totalitarisme, Paris, éd. Gallimard, 2002). » (J.L. Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, Paris 2016, p. 135-136.)
La juxtaposition d'individus qui n'ont que des droits fait que notre société est profondément fracturée sur le plan économique et social, mais aussi sur le plan sociétal. Une question d'éthique actuelle est de savoir si l'égalité républicaine ne va pas justifier que la PMA ne conduise à la GPA, cette marchandisation du corps humain.
Nous sommes dans une société où le nous a perdu son sens et ce qui compte c'est l'ego, le moi; il y a sans doute une réflexion à mener sur le nous. On ne construit pas une société en mettant les gens à côté les uns les autres, mais en bâtissant un projet collectif viable.
Gustave Bord, en 1908, faisait déjà la même analyse à propos des droits de l'homme, lorsqu'il parlait d'une « chose grave », d'une « pensée dangereuse, qui conduit les sociétés aux pires cataclysmes », d'une « idée implacable », qui a entraîné les maçons « jusqu'au bord de l'abîme où doivent succomber les sociétés modernes, car le dogme de l'égalité est par essence destructeur de toute idée sociale. » (Gustave Bord, La franc-maçonnerie en France des origines à 1815, 1852, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1908, p. 3.)
Sur le plan du combat citoyen : « [o]n dit toujours qu'un peuple ne doit pas s'enfermer dans son passé, or c'est ce que nous faisons avec notre culte béat de la religion des droits de l'homme. La France ne peut espérer survivre qu'en rompant avec son culte de la non-discrimination. Elle doit tout particulièrement maintenir et surtout restaurer la nécessaire discrimination entre nationaux et étrangers, qui est le fondement de la cité. Là est le véritable combat citoyen, n'en déplaise aux dévôts de l'immigrationnisme. » (J.L. Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, Paris 2016, p. 135-136.)
S'agissant par exemple de l'islam, "[n]ous devons appliquer un régime particulier à l'islam en France.
Ce n'est pas contraire à la liberté religieuse.
L'islam n'est pas une religion au sens habituel du terme: c'est avant tout un code de règles de droit et de comportement qui prétend régir la totalité de la vie sociale.
L'islam est porteur d'un projet politique mortel pour les nations occidentales.
Il est suicidaire de continuer à laisser monter des minarets et proliférer le voile islamique dans les rues et les entreprises. l'actuelle arabo-islamisation visuelle de l'espace public constitue un des aspects de la transformation progressive des pays européens en des pays musulmans dans lesquels aura vocation à s'appliquer le droit musulman.» (J.L. Harouel, Les Droits de l'Homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, Paris 2016, p. 137.)
Quand Emmanuel macron a dit qu'il n'y avait pas de culture française, il voulait dire qu'il n'y a plus de culture française. La liberté de 1789 détruit le lien social; chacun pouvant théoriquement poursuivre ses propres valeurs... Il n'y a plus de valeurs communes ! Il n'y a donc plus de société.
Les partisans des Lumières, dans une surenchère, répondront que ce qui fait nos valeurs communes, c'est l'absence de valeurs; mais l'absence de valeurs communes signifie la disparition de ce qui fait communauté... Il est temps de se réveiller !
Jean-Louis Harouel a donné une conférence video (extraits) pour le Cercle de l'Aéropage dans laquelle il explique : « On ne peut pas fonder une société sur les droits de l'homme, pour une bonne raison que les droits de l'homme sont un dissolvant social. »
Mensonge l'article 2 qui dit « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels,» etc. C'est son but prochain, non son but suprême qui est d'aider par-dessus tout à la conquête des biens surnaturels de l'autre vie, qui est la vraie fin dernière.
La fin dernière de l'ordre surnaturel étant niée, la thèse révolutionnaire ne peut pas conserver les droits naturels qui en sont dérivés.
La négation de l'ordre surnaturel entraîne la négation des droits naturels, et leur destruction dans les régimes totalitaires.
On ne peut pas conserver des droits naturels si l'on ne conserve pas l'ordre surnaturel qui les a créés.
De même,
« la Déclaration des droits de l'homme de 1789 est traversée par deux tensions.
La première : la tension entre l'article 2 et l'article 6.
L'article 2 proclame des droits naturels (influence très lockienne), la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
L'article 6 "la loi est l'expression de la Volonté générale".
Là il n'est plus question de respects de droits naturels.
Il y a donc cette tension entre l'affirmation de droits naturels et puis la définition de la loi que donne Rousseau comme "expression de la volonté générale".
La loi est donc simplement l'expression d'une volonté.
Il suffit que la notion veuille ou ses représentants pour que la loi existe. Il n'y a rien au-dessus de la loi. Pas de lois fondamentales, pas de droits naturels, pas de commandements de Dieu. La chose a d'ailleurs bien été refusée. Le député Mirabeau dit Tonneau avait proposé de mettre le Décalogue. Cela avait été écarté. On ne voulait pas en entendre parler.
Cet article 6, en définissant la loi comme l'expression de la Volonté générale ruine, nie l'autorité juridique du droit naturel et crée un véritable absolutisme qui va bien plus loin que le pouvoir absolu du monarque de droit divin d'avant la Révolution puisque ce monarque de droit divin était soumis au respect des lois fondamentales, au respect du droit naturel, au respect des principes de justice et d'équité...
La deuxième tension nous éclaire beaucoup sur nos institutions.
Le système représentatif mis en place par l'abbé Sieyès supprime les mandats impératifs des États généraux, les remplacent par des mandats représentatifs (un député est le représentant de la nation toute entière et pas le représentant de tel ou tel baillage, il pourra résider à Paris et être élu "député de la Nièvre") et inaugure, non pas un régime démocratique, mais un régime oligarchique, un régime dans lequel le pays est gouverné par un petit groupe, qui agit, et échappe à ceux qui les ont désigné aux États généraux (violant deux fois la constitution: celle des lois fondamentales de la souveraineté du Roi, et celle des États généraux pour lesquels ils avaient été mandatés pour discuter des impôts et non pour créer une nouvelle constitution !) » (Philippe Pichot-Bravard, Conférence "Fondements idéologiques et légitimité du pouvoir", le vendredi 21 février 2014.)
Mensonge l'article 3.
« Il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu ». (Epître aux Romains, 13:1.)
En 1789, la Révolution détruit cet enseignement divin; elle détruit l’autorité transcendante et prétend que l'autorité vient d'en dessous, des inférieurs :
« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.» (Article 3)
Ces derniers jours, une énième violence scolaire sur un professeur braqué avec une arme factice secoue le monde « éducatif » (qui n'éduque pas puisque l'autorité n'existe plus mais réside dans le peuple, une abstraction). Les médias découvrent (ou font semblant de découvrir) des violences qui étaient inimaginables et inexistantes à l'école dans les années 1950 jusqu'aux années 1980 (le temps que le soixante-huitardisme produise ses pleins effets); toutes les crises que nous connaissons dans la société (crises de l'autorité à l'école, refus d'obéissance des enfants, crises éducatives, crises morales, violences aux personnes, suicides, crises culturelles et même crises économiques, etc.), toutes ces crises trouvent leur source dans une seule et même cause, qui est une conception erronée de l'autorité formulée par les révolutionnaires de 1789 et l'oubli du Décalogue.
Cette erreur fondamentale se répand lentement par métastases dans tout le corps social jusqu'à tuer la société, à présent. Ce n'est plus le vivre ensemble, mais le mourir ensemble !
La nouvelle conception de la souveraineté a pu conduire des fanatiques en 1789 à détruire un million de fois plus d'oeuvres d'art qu'aujourd'hui les djihadistes de l'état islamiste; sur un autre plan, elle a conduit des soixante-huitards et les pédagogistes à déclarer l'égalité entre l'enseignant et l'élève.
Les « citoyens » sont commandés et commandeurs à la fois. Or, l'homme ne peut à la fois être son propre principe de commandement (conception schizophrène) s'il n'a pas d'abord un principe supérieur. Cette erreur conduit des enfants à donner quasiment des ordres à leurs parents ou à leurs professeurs, sous couvert. Ceci se fait dans le cadre d'une politique gouvernementale issue de l'Éducation nationale, relayée par des « éducateurs », des conseillers d'« éducation », des pédagogues et autres professionnels de l'« éducation »...
La conception erronée de l'autorité issue de 1789 conduit l'école républicaine dans l'impasse. Les ministres républicains de l'«Éducation nationale » cherche à y remédier avec des cautères sur une jambe de bois, l'uniforme étant la dernière idée.
Des républicains ont cherché à établir une nouvelle religion, la « religion de la république »™ (version Claude Bartolone), la « religion de la république »™ (version Vincent Peillon), sorte de nouveau principe supérieur nécessaire à l'équilibre de l'édifice franc-maçonnique (C. Bartolone et V. Peillon sont deux adeptes de la franc-maçonnerie). Ce nouveau principe supérieur vient remplacer l'ancien qui avait été éliminé par l'école républicaine, « laïque » et obligatoire...
C'est la verticalité de l'autorité que l'on trouve dans la religion catholique et la société chrétienne, qui fait qu'une société tient debout et peut progresser. Cette verticalité du pouvoir se rencontre dans la monarchie classique française. La république avec sa religion de la république™ cherche à en reproduire le modèle (après l'abaissement de la fonction présidentielle sous François Hollande, Emmanuel Macron : "J’assume la 'verticalité' du pouvoir" ; Emmanuel Macron : “Il y a de la transcendance dans l’engagement politique“; Emmanuel Macron : un président très spirituel...) Mais de quelle spiritualité parle-t-on ?
L'autorité vient d'en haut et non d'en dessous, même la république en vient à le reconnaître aujourd'hui ! L'autorité qui se trouve en-dessous, ou à côté de moi, ou même à mon hauteur, n'est pas respectée très longtemps car elle n'a aucune force, aucun principe supérieur pour être respectée : elle n'a aucune légitimité. La "Souveraineté nationale" en son article 3 est donc une erreur qui ne peut en aucun cas fonder un ordre politique pérenne, à moins de devenir dictatoriale et totalitaire. Exemples: les "démocraties" populaires, le régime hitlérien nazi, le régime communiste, le "nouvel ordre mondial" et les « moyens plus contraignants encore » de Nicolas Sarkozy... pour y parvenir...
L'auteur royaliste Louis de Bonald a expliqué :
« des hommes ont avancé que la souveraineté résidait dans le peuple ... mais, il se trouve que le peuple n'a jamais été et qu'il ne peut jamais être souverain: car où seraient les sujets quand le peuple est souverain ? Si l'on veut que la souveraineté réside dans le peuple, dans ce sens qu'il ait le droit de faire des lois, il se trouve que nulle le part le peuple n'a fait de lois".
[...] Donc cette proposition générale ou abstraite "La souveraineté réside dans le peuple" n'a jamais reçu et ne peut recevoir aucune application, donc c'est une erreur ». (Louis de Bonald, Théorie du pouvoir, cité in Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 490.)
On peut tempérer le propos de Louis de Bonald en précisant que si le peuple n'a jamais effectivement élaboré seul des lois nulle part [à Athènes « Sous le nom de démocratie c’était en fait le premier citoyen qui gouvernait ». Thucydide II, 45, 5 ; 8-9], au Moyen Âge en France et encore sous l'Ancien Régime, théoriquement la loi appartenait au peuple, le roi n'était que le dépositaire de la souveraineté, le premier serviteur du peuple. Il était un avec son peuple, et ne pouvait par exemple pas aller contre les coutumes du peuple...
Comment en est-on donc arrivé à ce mensonge de l'article 3 ? La tactique a consisté d'abord à séparer la personne du roi du peuple, pour substituer à la foi chrétienne la religion civile de l'Être suprême. Ce fut la tactique des parlements d'Ancien Régime (de Louis XV à Louis XVI) et des jacobins de 1789. Aujourd'hui le processus s'achève dans la farce bouffonne d'un Jean-Luc Mélenchon se prenant pour "la république" et déclarant sa "personne sacrée"...
Jean de Viguerie a présenté le détail du conflit entre les cours (parlements) et le roi comme une « lutte sans merci » où « la caste parlementaire manifeste une agressivité jamais atteinte. » (Histoire et Dictionnaire du temps des Lumières, Bouquins, Robert Laffont, 1995, p. 213 et 214.).
Au XVIIIe siècle, « [...] les cours [...], poursuit Jean de Viguerie, exposaient dans leurs remontrances (imprimées et largement diffusées dans le public) une théorie politique nouvelle étrangère à la tradition monarchique et remettant en cause la Constitution du royaume. Selon cette théorie, le roi n'est plus la tête du corps politique, mais il y a deux pouvoirs distincts, celui du roi et celui de la nation. Un pacte lie ces deux pouvoirs, contrat dont les lois fondamentales sont l'expression. Car ces lois fondamentales, selon le parlement de Rennes, "fixent les droits respectifs du monarque et de la nation." (Cité par Roger Bickart, Les Parlements et la notion de souveraineté nationale au XVIIIe siècle, thèse de droit, Paris, 1932, p. 51.) Quant aux parlement, [...] ils sont les représentants de la nation ! Les cours sont, selon l'expression de Malesherbes, les "assemblées représentatives de la nation." (Dionis du Séjour, Mémoires pour servir à l'histoire du droit public de la France. Recueil de ce qui s'est passé de plus intéressant à la cour des aides de Paris, Bruxelles, 1779, p. 39.) »
Mieux que les Jacobins de 1789, ces parlementaires d'Ancien Régime se proclamaient être les représentants de la nation, tout étant non élus ! Pourquoi se gêner ?!
C'est ainsi qu'«en 1766, dans un discours célèbre, Louis XV rappelle que les droits et intérêts de la nation ne forment pas un corps séparé du roi, qu'ils sont unis avec les droits et intérêts du monarque et reposent entièrement entre ses mains. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 198.)
Dans l'esprit du roi et de ses ministres, il s'agit moins de punir que de restaurer. Dans ce discours du 3 mars 1766, Louis XV déclare : « Je ne souffrirai pas, dit le prince, qu'il se formât dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistances le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu'il s'introduise dans la monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en troubler l'harmonie. » (Jean de Viguerie, Histoire et Dictionnaire du temps des Lumières, Bouquins, Robert Laffont, 1995, p. 215.)
Le roi dit encore : « "Entreprendre d'ériger en principes des nouveautés si pernicieuses, c'est faire injure à la magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaître les véritables lois fondamentales de l'État. Comme s'il était permis d'oublier que c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de justice et de raison; que c'est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité; que la plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure toujours en moi, et que l'usage n'en peut jamais être tourné contre moi; que c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage; que c'est par ma seule autorité que les officiers de mes cours procèdent [...], que l'ordre public tout entier émane de moi et que les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains."
« [...] La séance n'avait pas duré une heure et s'était déroulée dans un calme impressionnant. Les magistrats, en effet, n'étaient pas là pour procéder à l'enregistrement de quelque édit ou déclaration qui aurait pu fournir matière à délibération. Ils étaient là en spectateurs et en auditeurs et ce qu'ils avaient vu et entendu les avait terrassés. "Discours de la Flagellation", "séance de la Flagellation" : c'est sous ces dénominations que ce discours et cette séance du lundi 3 mars 1766 entrèrent aussitôt dans l'histoire. » (Michel Antoine, Louis XV, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, p. 853.) On trouve également le texte de ce discours fameux dans Lucien Laugier, Un ministère réformateur sous Louis XV. Le triumvirat 1770-1771 (La Pensée universelle, paris 1975, p. 54-55, note 5.)
Louis XV parachèvera ce discours avec le coup de majesté de Maupéou (1770-1771), qui exila le parlement de Paris, supprima les parlements régionaux, la vénalité des offices de judicature, instaura la justice gratuite et établit pour la première dans le droit français le principe d'égalité devant l'impôt (!) que les parlements avait systématiquement refusé jusqu'ici !... (ce qu'on a appelé l'« obstruction parlementaire au XVIIIe siècle »).
En 1789, à la suite des magistrats d'Ancien Régime, cassant l'unité ancestrale entre le peuple et le roi, les hommes de 1789 ont transformé les États généraux en une assemblée coupée de l'autorité royale... afin de confisquer le pouvoir d'élaborer la loi et se l'approprier avec leur démocratie dite représentative mais ne représentant en fait qu'eux-mêmes et leurs intérêts.
Le danger des assemblées rejetant Dieu, a été relevé par Jean-Paul II : « Dans la mentalité des Lumières, [...] le grand drame de l'histoire du Salut avait disparu. L'homme était resté seul: seul comme créateur de sa propre histoire et de sa propre civilisation; seul comme celui qui décide de ce qui est bon et de ce qui est mauvais. [...] Si l'homme peut décider par lui-même, sans Dieu, de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, il peut aussi disposer qu'un groupe d'hommes soit anéanti. [...] Des décisions analogues furent prises sous le IIIe Reich, [...] par le parti communiste de l'union Soviétique et des pays soumis à l'idéologie marxiste. » (Jean-Paul II, Mémoire et identité, Le testament politique et spirituel du pape, Flammarion, Mayenne 2005, p. 23-24).
« Le remplacement du royaume de France par une république égalitaire, vertueuse, despotique et conquérante a constitué un ébranlement majeur de la civilisation européenne, dont ont découlé beaucoup de malheurs pour la France et l'Europe. (Alain Besançon, Le Malheur du siècle, éd. Perrin, Paris 2005.)
L'idéal républicain a débouché sur la dictature jacobine qui fut un modèle pour Lénine et sur une nation hégémonique qui a suscité le choc en retour des nationalisme européens, et tout particulièrement du pangermanisme. C'est que les révolutionnaires ne voulaient pas seulement le pouvoir: ils voulaient s'emparer du pouvoir pour réaliser une utopie, pour changer le monde en changeant en l'homme, pour faire surgir un homme nouveau, pour accomplir l'émancipation de l'humanité. La Révolution a constitué un moment majeur dans la sécularisation du vieux rêve millénariste d'instaurer sur la terre un paradis égalitaire. D'abord en France et ensuite par contagion dans le monde entier. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 200-201)
Le résultat est un enfer, l'inverse des buts qui avaient été définis par la Révolution.
Les 1 % les plus riches du monde possèdent plus que les 99 % restants ! Jamais dans l'histoire du monde l'écart de richesse entre les plus riches et les plus pauvres n'a été aussi important. Les États-Unis, aujourd'hui, sont les champions du monde de l'inégalité :
« Un Bill Gates était inimaginable à l'époque, ces fortunes qui dépassent la richesse de nombreuses nations n'existaient pas. » (Yves-Marie Adeline, Le Royalisme en question, L'Âge d'Homme - éd. de Paris, Libres Mobiles, 2e édition, Paris 2006, p. 96).
On rappellera en comparaison que sous l'Ancien Régime, faire du commerce, faire de l'argent était interdit aux nobles. La noblesse pouvait se perdre par déchéance à la suite d'une condamnation infamante. Elle se perdait encore par dérogeance, lorsqu'un noble était convaincu d'avoir exercé un métier roturier ou un trafic quelconque : il lui était interdit de sortir du rôle qui lui est dévolu, et il ne devait pas non plus chercher à s'enrichir. (Régine Pernoud, Lumière du Moyen Âge, Grasset, Paris 1981, p. 39-40).
Le « Lexique historique de la France d'Ancien Régime » de Guy Cabourdin et Georges Viard (Armand Colin, 3e éd. Paris 1998, p. 105) précise que "pour un noble, déroger c'est perdre ses prérogatives et ses privilèges par l'exercice d'activités "ignobles", puisque, selon Loyseau, "le propre de la noblesse est de vivre de ses rentes". Plus que des édits royaux, il s'agit d'une maxime coutumière selon laquelle "le commerce dérogeait".» Un exemple frappant de dérogeance fut celui de Nicolas Fouquet. Enrichi grâce à des malversations et de prêts à l'État à des taux usuraires, le surintendant des finances de Louis XIV, fut arrêté par d'Artagnan, mousquetaire du roi, le 5 septembre 1661, déchu de sa charge, condamné au bannissement perpétuel du royaume pour avoir par trop affiché une opulence choquante, enrichie sa famille, et confondu ses finances et celles de l'État.
« Suivant la loi des clans, sa famille bénéficia de sa prodigieuse réussite et se trouva richement pourvue de charges et de bénéfices. [...] L'élimination de Fouquet et de son groupe de financiers attesterait de façon spectaculaire sa volonté (de Louis XIV) de rompre avec un passé de désordre, de corruption, d'improvisation et de laxisme. » (Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, éd. Perrin, Saint-Amand-Montrond 2010, p. 199, 207.) Louis XIV commua la peine de Nicolas Fouquet en emprisonnement à vie. (Lexique du siècle de Louis XIV, BH Créations Lexiques essentiels, p. 48-49). L'usure était interdite par l'Église, les usuriers étaient emprisonnés à vie sous Louis XIV , aujourd'hui ils sont les maitres du monde !
De nos jours, « il est [...] amusant de constater que la gauche, et plus généralement la république, aggrave, toujours les inégalités plutôt qu'elles ne les réduit. Par exemple, sous le septennat de Valery Giscard d'Estaing, l'éventail des revenus était moins large que sous son successeur François Mitterrand.
[...] Aujourd'hui, [...] la moitié du patrimoine national (50%) est détenue par 10% des ménages. Et 40% des Français n'ont aucun patrimoine. 40% des Français sans patrimoine: ce chiffre était le même en 1800, au lendemain de la Révolution... On me parlera pour se consoler d'égalité devant la loi. Il y aurait au moins cela. Avez-vous suivi les affaires politico-financières? Qui va en prison? Les protagonistes secondaires, jamais les plus hautes personnalités. » (Yves-Marie Adeline, Le Royalisme en question (1792-2002), Perspectives pour le XXIe siècle, Préface de Vladimir Volkoff, Postface de Jean Raspail, L'Âge d'Homme - Editions de Paris, Libres Mobiles, 2e édition corrigée, Paris 2002, p. 96-97.)
Quand on est passé de Giscard à Mitterrand en 1981, les marxistes chantaient victoire dans le vide, les riches ne pouvaient pas se douter qu’en fait les choses iraient mieux pour eux, ni les pauvres qu’elles iraient pire, ni les classes moyennes qu’elles étaient destinées à s’appauvrir.
En 2014, un peu plus de deux siècles après leur Révolution, les plus riches s'inquiétaient de ce qu'était devenue leur « égalité » : la pauvreté était le sujet phare de leur réunion annuelle qui se tint du 22 janvier au 25 janvier 2014 à Davos. Près de la moitié des richesses mondiales est détenue par 1% de la population !
Source: http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/01/21/20002-20140121ARTFIG00164-pres-de-la-moitie-des-richesses-mondiales-est-detenue-par-1-de-la-population.php
Aujourd'hui, les États-Unis peuvent être qualifiés de ploutocratie.
[...] Ploutocratie signifie littéralement le pouvoir des riches. Le « pouvoir » peut avoir diverses nuances de signification : ceux qui exercent l’autorité d’une fonction publique sont riches ; leur richesse explique pourquoi ils occupent cette fonction ; ils exercent cette autorité dans l’intérêt des riches ; ils ont la principale influence sur qui occupe ces fonctions et sur les mesures qu’ils prennent. Ces aspects de la « ploutocratie » ne sont pas limitatifs. De plus, le gouvernement des riches et pour les riches n’a pas besoin d’être dirigé directement par les riches. [...] Aujourd’hui, les États-Unis remplissent les critères d’une ploutocratie – pour plusieurs raisons. Regardons quelques éléments de preuve frappants. La redistribution du revenu brut vers le haut de la hiérarchie a été une caractéristique de la société américaine au cours des dernières décennies. Des statistiques bien connues nous indiquent que près de 80 % de la richesse nationale générée depuis 1973 est passée aux 2 % les plus riches et 65 % aux 1 % supérieurs. Les estimations de l’augmentation du revenu réel des travailleurs salariés au cours des 40 dernières années varient de 20 à 28 %. Au cours de cette période, le PIB réel a augmenté de 110 % – il a plus que doublé. En d’autres termes, selon le Congressional Budget Office, selon le revenu le plus élevé de 1 % des ménages aux revenus les plus élevés a gagné environ 8 fois plus que celui des ménages du 60e centile après impôts fédéraux et transferts de revenu entre 1979 et 2007 et 10 fois celui des ménages du centile inférieur. En bref, l’écrasante fraction de toute la richesse créée sur deux générations est allée à ceux qui se trouvent au sommet de la pyramide des revenus. Cette tendance s’est nettement accélérée depuis la crise financière de 2008. Entre 2000 et 2012, la richesse nette réelle de 90 % des Américains a diminué de 25 %. Warren Buffet, Jeff Bezos et Bill Gates et al, c’est-à-dire le 1% le plus riche de la population mondiale, possèdent aujourd’hui plus de la moitié de la richesse mondiale (selon un rapport du Crédit Suisse en novembre 2017).
Un État policier au service de Wall Street. L’un des exemples les plus stupéfiants de l’implication ploutocratique directe dans l’État a été l’audace de Wall Street qui a coopté une partie du service de police de New York se dotant d’une unité semi autonome pour contrôler le quartier financier. Financée par Goldman Sachs et consorts, dirigée en partie par des employés de banques privées occupant des postes administratifs clés et ayant pour mandat explicite de prévenir et de traiter toute activité qui les menace, elle fonctionne avec du matériel à la pointe de la technologie, dans un établissement dédié fourni par ses commanditaires. Pendant des années, l’installation a été gardée « sous le comptoir » afin de ne pas inciter les personnes curieuses à la dénoncer. C’est l’unité qui a coordonné la répression des manifestations du mouvement Occupy à Manhattan. Elle représente l’appropriation d’un organisme public pour servir des intérêts privés. L’hyper-anxiété de l’après-11 septembre 2001 a servi de couverture politique et idéologique à un accord conçu par le maire Mike Bloomberg (lui-même un milliardaire de Wall Street qui a défendu Wall Street contre toute accusation d’abus financier) en collusion avec ses anciens associés. S’agit-il simplement de Bloomberg exposant la dépendance fiscale de la ville de New York à l’égard des emplois du secteur financier ? C’est le même Bloomberg qui a tué dans l’œuf une initiative largement soutenue visant à fixer un salaire minimum décent de 10 $ l’heure avec assurance maladie (11,50 $ sans) pour les projets de développement qui reçoivent plus d’un million de dollars en subventions des contribuables. Il a stigmatisé la mesure comme « un retour à l’époque où le gouvernement considérait le secteur privé comme une vache à lait… La dernière fois que nous avons vraiment eu une grande économie dirigée, c’était l’URSS et ça n’a pas si bien marché ». On pourrait difficilement être plus ploutocratique – et dans le New York de gauche.
Source: Michael Brenner, Consortium News, 05-09-2018 - Les Crises. fr
Mais la France est une ploutocratie depuis 1789. « À l'ancienne aristocratie se substitue l'aristocratie des riches. C'est une chose qui n'a pas été assez vue. On a dit : la Révolution de 1789 a donné le pouvoir à la bourgeoisie. C'est vrai, mais dans la bourgeoisie elle l'a donné à l'Argent. » (Jacques Ploncard d'Assac, Les jeunes ont droit à la vérité, Société de philosophie politique, Lisbonne 1970, p. 105).
« C'est cette situation que Stendhal décrit parfaitement lorsqu'il fait parler M. Leuwen, le banquier : "... depuis Juillet, la bourgeoisie a remplacé le faubourg Saint Germain, et la Banque est la noblesse de la classe bourgeoise... Le ministère ne peut pas défaire la Bourse, et la Bourse peut défaire un Ministère." Et M. Leuwen explique que ce régime coûtera cher, parce qu'il faut donner des places à tout l'état-major de la bourgeoisie: "Il y a là six mille bavards qui feront de l'éloquence contre vous si vous ne leur fermez la bouche avec une place à six mille francs". » (Jacques Ploncard d'Assac, ibid., p. 147).
« Une nouvelle bourgeoisie se substitue à celle de l'Ancien Régime: acquéreurs de biens nationaux, fournisseurs aux armées, nouveaux fonctionnaires, généraux, hommes de loi, etc. » (Pierre Gaxotte, La Révolution française, Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 430.)
« Étrange conclusion: la Révolution, faite au nom de l'égalité, a enrichi les riches et appauvri les pauvres... C'est un résultat qu'on retrouvera sur d'autres terrains... » (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 173-174).
« Il ne s'agit pas d'un avènement du capitalisme: celui-ci coexistait avec l'ancienne société, dans le cadre d'une économie de marché. Mais les capitalistes n'avaient pas le premier rang. Même un Samuel Bernard, même un John Law ne pouvaient prétendre aux honneurs que dans la mesure où ils se pliaient aux règles établies, en s'anoblissant et en entrant dans le système. Le roi, de toute façon, était au-dessus de la mêlée.
Il s'agit d'une explosion du capitalisme. Du second rôle, il passe au premier. Aucune autorité, désormais, ne sera en mesure de lui servir de contrepoids. Les droits de la naissance ne pourront rien contre ceux de la finance. L'explosion se traduit par la promotion du banquier et du spéculateur: tout banquier, dans la tourmente, est nécessairement spéculateur; mais tous les spéculateurs ne sont pas banquiers.
Avant la révolution, les banquiers privés étaient nombreux, parfois influents, mais sauf Necker en 1789, ils ne tenaient jamais le haut du pavé. Beaucoup d'entre eux étaient de confession protestante, d'origine cévenole ou suisse, et ils fondaient des dynasties bancaires: le Genevois Isaac Mallet s'était établi à Lyon en 1735, le Neuchâtelois Perregaux à Paris en 1781. Genevois encore, Bidermann et Clavière apparaissaient dans la capitale en 1782, et le Zurichois Hottinguer en 1783. Le calviniste Tronchin était, à Lyon puis à Paris, le banquier favori de Voltaire, qui ne méprisait pas les manieurs d'argent. La révolution assure d'emblée la promotion des bourgeois fortunés, qui ne tardent pas à prendre le contrôle des municipalités à Marseille, Lyon, Bordeaux ou Nantes. "Ce sont les hommes riches qui vont gouverner Bordeaux" (Jean Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française), Bordeaux qui choisit pour maire Saige, "dix fois millionnaire". À Nantes, le Comité de salut public est entre les mains des plus riches négociants, - la plupart affiliés aux loges maçonniques – dont Buteiller père, le plus opulent. » (René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin Mesnil-sur-l'Estrée 1987, p. 242-243).
Au XXe siècle, l'historien François Furet, ancien communiste qui déconstruisit le communisme, ainsi que la Révolution de 1789 en montrant notamment que la Terreur était bien en germe dès les débuts de la Révolution, et qui devait récolter en retour l'agressivité des historiographes robespierristes, « avait longuement expliqué les potentialités despotiques de la démocratie révolutionnaire. Il n'en méconnaissait pas les potentialités utopiques. Il savait que la démocratie fondée sur la conviction que le corps politique est le produit des volontés de chacun, et portant jusqu'à l'incandescence l'idée d'une création de l'homme par lui-même, est vouée à étendre sans cesse les droits des individus. » (Préface de Mona Ozouf dans François Furet, La Révolution française, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. XXI.)
L'impasse de principes désorganisateurs
Mona Ozouf relève ce qui semble bien être la contradiction fondamentale des principes démocratiques issus des Lumières (et la preuve de leur échec) :
« En écrivant que la Révolution française était terminée, François Furet n'entendait pas dire que la passion révolutionnaire était désormais privée d'avenir. Il avait longuement expliqué les potentialités despotiques de la démocratie révolutionnaire. Il n'en méconnait pas les potentialités utopiques. Il savait que la démocratie fondée sur la conviction que le corps politique est le produit des volontés de chacun, et portant jusqu'à l'incandescence l'idée d'une création de l'homme par lui-même, est vouée à étendre sans cesse les droits des individus. Elle contraint les hommes à vivre dans un monde d'individus inégaux, alors même qu'elle a posé en principe leur égalité. Elle se condamne donc à rendre sans cesse moins tolérable l'écart entre les promesses [...], les espérances qu'elle suscite et les accomplissements qu'elle offre... » (Préface de Mona Ozouf dans François Furet, La Révolution française, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. XXI.)
« Aussi est-elle (la démocratie) une idée sans terme prévisible, exposée à la surenchère, et ouverte à toutes les dérives passionnelles: ce qui laisse prévoir que le répertoire des passions révolutionnaires est loin d'être fermé,» ajoute Mona Ozouf.
Si les droits de l'homme proclament l'égalité, c'est pour organiser la libre concurrence entre eux et les forcer à se combattre, car cela est bon pour le marché. La démocratie en quelque sorte rétablit les combats de gladiateurs, non plus à l'échelle de l'arène mais à l'échelle du marché. Elle contraint les hommes à vivre dans un monde d'individus toujours plus inégaux, et d'inégalités sans cesse croissantes. L'égalité des uns présuppose comme condition préalable l'inégalité économique et sociale des autres ! Belle réussite du marché, mais impasse totale des principes de 1789.
De même, si les droits de l'homme proclament la liberté, c'est pour que désormais soient interdits en vertu de la Loi Le Chapelier tout droit des travailleurs, toute réunion ou concertation des ouvriers, tout arrêt pacifique ou organisé du travail ! Des amendes et des peines de prison frapperont au besoin les fauteurs de grève et les meneurs. Les syndicats interdits ne reverront le jour qu'un siècle plus tard en 1884.
"Les Modernes ont 'l'obsession du bonheur' devenu à la place du salut, la fin légitime de l'État..." (Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 108-109)
"Dans [...] les déclarations des droits de l'homme et du citoyen du 29 août 1789, [...] il s'agissait d'abattre l'Ancien Régime dans ses fondements institutionnels et sociaux, (Le salut n'est plus la fin de l'homme ni de la société, mais son bonheur, désormais obligatoire) "[...] les rédacteurs [...] ont voté des textes programmatiques synthétisant les principaux apports idéologiques du XVIIIe siècle. Ils ont emprunté à Locke et à Rousseau leur idée sur le pacte social et [...] à Grotius la laïcité." (Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 859.)
Nous l'avons vu, la "liberté" de la déclaration des droits de 1789, elle-même, purement matérielle, n'est pas sans limites. Comment une telle "liberté" contingente, peut-elle fonder durablement une société, sans l'apport d'une liberté métaphysique ?
Burke (1729-1797) et Jacobi (1743-1819) dénoncent une absence d'empirisme et une ignorance du rôle des traditions dans la constitution de l'identité politique; ils critiquent la philosophie des droits de l'homme en soulignant son abstraction et ses incohérences : l'erreur de méthode consiste à déduire le droit de principes a priori (la liberté). Cela ne permet pas de penser la véritable justice qui est équité (Jacobi), ni de respecter l'humanité d'un homme, comme le dira Arendt (1906-1975) qui leur opposera le droit à la différence (L'impérialisme; Le Système totalitaire, in Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 766.)
Jacobi, critique à l’égard de la Révolution française, voyait en outre en celle-ci la contrepartie politique du nihilisme qu’il associait au rationalisme.
Parallèlement à l'incohérence de la liberté a priori comme fondement du droit, une autre incohérence surgit : "Comment, à partir de la liberté de l'homme défini comme un ayant-droit, peut-on penser la fraternité des hommes ? [...] Celle-ci n'est-elle pas l'enfant pauvre des droits de l'homme dont l'inflation résulte d'une dialectique entre la liberté et l'égalité où la solidarité n'est présente que comme une parure, simple vestige de la responsabilité et de la vertu auxquelles devraient renvoyer par delà la référence à Paul (Galates 3,28) l'idée d'une humanité unie ? (Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 766.)
"[...] L'individualisme et le matérialisme sont-ils une perversion ou un résultat de la philosophie des droits de l'homme, le point d'aboutissement logique de l'humanisme moderne ? [...] Telles sont les questions qui montre l'actualité de la pensée de Leo Strauss (1899-1973) [...] Il montre que le véritable point de rupture entre Anciens et Modernes concerne une définition de l'homme, [....] une vision où l'humanité est seule maîtresse de son destin : en l'absence d'une Providence bienveillante et d'un Dieu compatissant, [...] l'homme Hobbésien trouvera dans la science qui est propter potentiam, et dans la science politique les seuls moyens lui permettant de s'orienter dans un monde qui n'est pas fait pour son salut." (Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 767.)
Comment s'étonner du désastre ? La liberté considérée comme le fondement du droit ('Le droit est la liberté', affirme Hegel) est-elle (de ce point de vue de son incohérence avec l'égalité et la fraternité), le meilleur fondement du droit comme le signifie la Déclaration de 1789 ?
Comme toute les idéologies fondée sur des principes abstraits, la philosophie des droits de l'homme ne supporte pas la différence; elle est par essence anti-démocratique.
"Le droit au bonheur (sans Dieu) [...] dans l'inflation des droits [...] ne contient-il pas en germe la dissolution de l'idée de justice par une idéologie de l'épanouissement individuel qui rappelle le Meilleur des Mondes de A. Huxley et les dérives totalitaires de l'humanisme moderne ?" (Dictionnaire des Droits de l’Homme, Quadrige / Puf, Paris 2008, p. 109)
''C'est notre liberté qui produit l'inégalité. L'égalité ne saurait se produire que dans la servitude. […] Ne sachant du christianisme que les mots, la Révolution ne cessait de dire : Liberté ! Egalité ! sans voir que la liberté détruit l'égalité. […] Jamais il n'y a eu plus d'inégalité dans les conditions que depuis la Révolution française, soit à cause des fortunes énormes promptement faites dans l'industrie, soit à cause du paupérisme que celle-ci laisse sur son chemin. [...] L'erreur où la Révolution prend sa source ne manque pas de dire que tous les hommes sont égaux. Dieu, effectivement, ne fait acception de personne, et tous les hommes sont égaux en dehors du mérite. Mais, ni devant Dieu, ni devant l'homme, ils ne sont égaux en mérite.. Tous ont un droit égal à la justice et à l'estime, mais tous, en raison de leurs actes, n'obtiennent pas le même arrêt de la justice ni le même accueil de l'estime. Nous demandons donc avec raison la liberté ; acceptons-en les conséquences ! Fiers de ce que le Créateur, par ce noble moyen, pose le pied de l'homme à l'échelle des perfections immortelles.'' (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 233.)
Un livre paru en 2020, de l'historien italien Aldo SCHIAVONE, intitulé "Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle", traduit de l'italien par Giulia Puma, Fayard (L'épreuve de l'histoire, Saint-Amand-Montrond 2020, p. 153; 161-165) évoque lui aussi "la contradiction insurmontable que 1789 laissa en héritage au XIXe siècle, ... jusqu'à nous."
"Émergeait ainsi en pleine lumière, dès les formules sèches de ce texte, ... ce que François Furet pointait comme le grand dilemme du XVIIIe siècle : comment penser la sociabilité - c'est-à-dire plus exactement, le lien, la connexion, le commun - ... en partant uniquement de l'individuel, de la singularité, de la solitude du fragment.
"'La richesse et la pauvreté étaient destinées à disparaître dans un régime d'égalité', lit-on dans un décret de la ville de Paris en novembre 1793, et : 'Il ne faut plus ni riches ni pauvres. L'opulence est une infamie,' dirait Saint-Just cette même année. ... Montesquieu et Rousseau - daccord sur ce point - avaient raison. La démocratie, pour être effective, avait besoin d'une égalité qui dépasse le seul plan des droits, pour arriver à toucher la substance de la vie matérielle des citoyens.
"... Une égalité comme celle projetée en 1789 ... tendait à être rendue vaine, pour ce qui est de son effectivité...
Mais si le problème existait vraiment..., la voie choisie pour le résoudre était tragiquement erronée. Cette dernière imaginait que pour en voir le bout il suffisait d'armer le pouvoir - d'un pouvoir inouï - une avant-garde révolutionnaire, auto-persuadée d'agir au nom de la nation tout entière, et d'imposer, au moyen de son commandement, la politique et la volonté dont il était l'expression, en dehors duquel ne pouvait exister aucun espace de salut, aucune marge autonome de l'humain." Dans ce livre, Aldo Schiavone tente de trouver une solution à la contradiction fondamentale de la déclaration de 1789 : "Si l'individuel demeure la seule forme avec laquelle concevoir l'humain [...], comment concilier la pleine valorisation avec une égalité qui dépasse le niveau d'une parité formelle uniquement politique et juridique ?" (Aldo Schiavone, Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle", ibid.,p. 283.) "La construction de l'individu moderne, cuirassé dans ses libertés - auxquelles ont contribué organisation capitaliste, tradition chrétienne et pensée libérale puis démocratique - reste peut-être la conquête la plus importante d'un parcours d'émancipation auquel l'Occident a voué la meilleure partie de lui-même.
"Si nous définissons l'humain uniquement par l'individuel, son universalité - aussi emphatisée soit-elle par la tradition moderne et son arrière-plan chrétien - en pâtit forcément, et risque de se réduire à tout instant à une construction seulement abstraite. Afin d'écarter ce danger, deux voies ont été suivies. La première a fini par attribuer à l'Etat - comme c'est le cas de la pensée de Hegel, qui représente, à cette aune, l'apogée de la modernité chrétienne-bourgeoise - un rôle de conciliation et de producteur d'éthicité. [...] L'autre a déplacé, au contraire, cette instance de réunification supérieure au-delà du plan de l'histoire, dans un royaume des cieux théologiquement inféré, lieu exclusif où l'on trouverait la plénitude de la vérité et de la vie.
Mais si on parvient plutôt à construire et à articuler, tout en restant bien dans l'horizon de l'histoire, une forme alternative de l'humain, les choses changent. Une figure qui ne se confonde ni avec le 'je' de l'individuel ni avec le 'nous' de la tradition rousseauiste-socialiste, mais avec l'impersonnalité du 'il', [...] qui à l'extérieur de tout homme, permet à chacun d'exister et de penser, et de ne pas se noyer dans la prison d'une autoreprésentation sans fin. [...] Tout l'effort des mystiques a toujours visé à obtenir qu'il n'y ait plus dans leur âme aucune partie qui dise 'je'. Mais la partie de l'âme qui dit 'nous' est encore infiniment plus dangereuse.' (Simone Weil, La Personne et le sacré, 1942-43, paru en 1950, Paris 2017, p. 37) Au contraire, elle finirait même par en perpétuer les effets, en se limitant à juxtaposer les individualités [...] sans les dépasser si ce n'est en surface, en croyant les unifier à travers le seul lien de la sérialité du travail à l'usine..." (Aldo Schiavone, Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle", ibid.,p. 309-311.)
"Il est certain que les inégalités imprévues qui ont soudain vu le jour dans les sociétés occidentales [...] ont eu un poids décisif. Il faut injecter des idées dans la démocratie, et ne pas la considérer comme une forme immuable, la 'fin de l'histoire', le lieu d'une vérité acquise pour toujours, mais simplement un mécanisme imparfait, fruit d'une combinaison instable entre éléments hétérogènes. [...] Une seule réponse, totale et définitive, n'existe pas. Il n'y a pas de proportion idéale - une espèce de règle d'or - à trouver et à mettre en pratique, valable dans toutes les situations. [...] Si nous essayons de [...] réduire l'égalité démocratique à l'intérieur de ses frontières strictement formelles, [...] - droits politiques, parité des citoyens face à la loi, et rien d'autre - nous empruntons une impasse.
"[...] Le moment est venu de commencer à penser un nouveau pacte d'égalité pour sauver le futur de la démocratie. [...] Un pacte d'égalité qui sache se transformer en programme politique [...] et qui parle non pas de la parité des individus, mais de la divisibilité [...] de certaines choses, de certains biens, matériels et immatériels, à commencer par le bien que constitue la vie, à partager équitablement entre tous les vivants. [...]
"À la dernière page de La Personne et le sacré, [...] Simone Weil [...] se demande si, au fond, il est bien vrai que le Dieu-Personne de la tradition chrétienne ne laisse pas de place à la pensée de l'impersonnel - une question qui parcourt silencieusement la pensée du philosophe allemand (Hegel). Et elle conclut qu'une jonction est concevable. À l'appui, elle cite le texte de Matthieu 5,45 : 'afin de devenir fils de votre père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes', considérant ce passage comme un exemple limpide de l'allusion évangélique à un 'ordre impersonnel et divin de l'univers', et donc à la possibilité que la figure de Dieu et celle de l'homme puissent se retrouver au-delà d'une théologie de la personne conçue comme dénuée d'alternatives. Je crois bien qu'elle avait raison." (Aldo Schiavone, Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle", ibid., p. 331-332.)
Le rêve du retour à l'état de nature de Jean-Jacques Rousseau se transforme en cauchemar de la concurrence de tous contre tous et à la loi du plus fort ! Antoine de Rivarol avait vu qu'avec les droits de l'Homme on obtiendrait le contraire de ce que la république se proposait : le retour de la barbarie.
« Principes désorganisateurs » disait l'abbé Barruel, qui devaient conduire à la destruction de toute autorité et de toute religion dogmatique et au rétablissement des droits imprescriptibles de l'homme primitif... C'est en fait un retour à l'Âge des cavernes, à l'état anarchique, primitif et barbare : la loi du plus fort; une incroyable régression.
« Là où la religion est bannie de la société civile, et la doctrine et l'autorité de la révélation divine rejetées, la vraie notion de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la justice et du vrai droit » (Pie IX, Lettre Encyclique Quanta Cura, Rome 8 décembre 1864.)
« Loin d'avancer indéfiniment dans la voie du progrès, comme l'on a accoutumé de s'en vanter, l'humanité semble retourner à la barbarie ! » (Pie XI, Encyclique Urbi arcano, 1922)
« Revenir à Dieu, c'est revenir à la civilisation; c'est en finir avec l'horreur, le chaos et la barbarie ! » (Anne Bernet, Revue Fideliter, Janvier-Février 1996, N° 109, p. 74.)
Toutes les crises que nous connaissons dans la société (crises de l'autorité à l'école, refus d'obéissance des enfants, crises éducatives, crises morales, crises culturelles et même crises économiques, etc.), toutes ces crises trouvent leur source dans une seule et même crise, qui est une conception erronée de l'autorité formulée par les Barbares révolutionnaires et leurs principes désorganisateurs de 1789.
Dans ces conditions il n'est pas surprenant d'apprendre que lors de l'élaboration de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, rien de la déclaration des devoirs qui devait y être intégrée ne subsista dans l'adoption du document final. (Source : Stéphane RIALS, La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Pluriel Inédit, Hachette, La Flèche 1988, p. 15.)
Si l’on veut rétablir l’ordre naturel chrétien, supprimer le désordre maçonnique, et refonder la société sur ses bases naturelles (et donc pérennes), on pourrait commencer par supprimer la conception erronée de l'autorité issue de 1789, et affirmer clairement que l'autorité vient de Dieu et non du peuple. (Cf. Dieu, principe et modèle de toute autorité). La démocratie comme "religion" horizontale est une impasse qui conduit à la destruction de la société; les droits de l'homme de 1789 dans leur article 3 conduisant à la mort de la société par un retour inévitable à la barbarie.
Dans son Du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau, utilise le terme de « démocratie » dans son sens sens originel pour désigner la démocratie directe, exercée sans intermédiaires par l'ensemble des citoyens. Il avait vu juste en rapportant cette fatalité de la démocratie représentative : « la souveraineté ne peut être représentée » : « Le peuple anglais pense être libre; il se trompe, il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les cours moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite qu'il la perde. » (J.-.J Rousseau, Du Contrat social, 1762, Oeuvres Complètes, Paris, Gallimard, Pléiade, 1964, III, p. 429-430.)
« 'Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation', dit la révolution. [...] L'ordre des sociétés politiques est réglé par les lois premières, aussi indépendantes de la volonté de l'homme, générale ou particulière, que le sont les lois qui règlent l'ordre du firmament. L'harmonie, l'accord, le bien-être du corps social sont assujettis à des lois aussi nécessaires en elles-mêmes, que le sont les lois qui font le bien-être et la santé du corps physique, ou qui distinguent le concert du charivari. On peut par ignorance ou par mauvais vouloir méconnaître et violer les unes et les autres; on n'empêchera pas que l'effet ne soit une perturbation, perturbation souvent mortelle, ou qui finira par le devenir. La plus grande injure qu'on puisse faire à un pays, c'est d'affirmer qu'il est représenté par des hommes qui donnent comme des principes incontestables les palpables absurdités que nous venons d'indiquer.
« [...] Tous les législateurs qui n'ont eu que des lumières purement humaines ont manifestement fort mal résolu le problème. Un signe d'horreur est empreint sur toutes leurs législations. ils ont broyé, écrasé la partie la plus nombreuse du genre humain, celle des faibles. Ils l'ont mise sous les pieds des forts, d'une minorité; ils ont gardé ou introduit l'esclavage: esclavage des vaincus, des enfants, des femmes. À vrai dire, ils ont établi des règles destinées au petit nombre seulement; ils ont légiféré pour régler comment les grands se partageraient les petits et conserveraient la proie. Barbares et homicides, ils ne sont pas des législateurs.
« [...] La déclaration n'est pas seulement en opposition avec la raison et la foi; elle est en contradiction avec ses propres principes. » (Père J.-B.-J. Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, 1885, Rééd. Éditions Saint-Rémi, Cadillac 2009, p. 254, 257, 258)
Mensonge l'article 4 qui dit que « les bornes (de la liberté) ne peuvent être déterminées que par la loi » (humaine). Elles ne peuvent être déterminées que par la loi de Dieu qui seule établit la distinction entre le bien et le mal, le permis et le défendu, le possible et l'impossible.
Par exemple, mensonge la loi qui déclarerait libre le divorce, le « mariage » homosexuel, donc mensonge de dire que la loi humaine détermine les « bornes » de la liberté.
Une gravure de Legrand, conservée à la Bibliothèque nationale, illustre la « loi sur le mariage et le divorce » autorisant le divorce en France, adoptée le 20 septembre 1792 par l'Assemblée nationale (jour de la proclamation de la « république »). La gravure, reproduite ci-dessous, montre « le mariage et le divorce républicain en forme de tables du Sinaï, tables de Moïse, surmontées du bonnet rouge, une sorte de déesse portant flambeau et couronnant les jeunes mariés, un simulacre d'autel où officie un fonctionnaire, un soldat en armes surveillant la scène. Tel sera le "mariage républicain". La Révolution voudra répudier le catholicisme; elle cherchera à lui substituer ses propres rites, imités de la liturgie chrétienne. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, sous la direction de Jean Dumont, L'Église des Révolutions, Librairie Arthème Fayard, 1965, p. 12.)
Le divorce fut conservé par les rédacteurs du Code civil, puis abrogé sous la Restauration par la loi du 8 mai 1816. Il ne fut rétabli que sous la Troisième République, avec la loi du 27 juillet 1884.
Mensonge l'article 5 qui dit que « tout ce qui n'est pas défendu par la loi (humaine) ne peut être empêché ». Ce qui n'est pas « défendu » par la loi humaine, peut être « empêché » par la loi divine. Le paganisme par exemple, non empêché par la loi humaine est formellement interdit par le 7e commandement de Dieu. Le divorce est interdit par les 6e et 9e commandement de Dieu. Dernier exemple : le vol des biens de l'Église en 1905, n'est-il pas interdit par la loi de Dieu ? « Non furtum facies » (Tu ne voleras pas. Exod. 20:15).
Mensonge l'article 6 qui dit que « la loi est l'expression de la volonté générale », que par conséquent le nombre crée le droit. La loi ne peut être que l'expression de la volonté de Dieu, qui n'a souvent rien de commun avec la volonté générale. (Abbé Vial, Jeanne d'Arc et la Monarchie, 1910, réed. Editions Saint-Rémi, p. 33-40, 561)
« Définir la loi comme l'expression de la volonté générale, (c'est) affranchir le législateur du respect d'un ordre naturel supérieur. L'ordre juridique tout entier se trouve ainsi sécularisé.
[...] L'affirmation du caractère de cette souveraineté marque un renversement complet de l'ordre du monde : le pouvoir ne vient plus d'en haut mais d'en bas. Dès lors, le souverain est affranchi du respect d'un ordre juridique supérieur extérieur à sa volonté. La définition de la loi s'en trouve radicalement bouleversée.
[...] La loi ne se définit plus en fonction de sa finalité mais en fonction de son origine. La loi n'est plus l'acte qui participe au règne de la justice mais l'acte qui exprime la volonté du souverain... Il y a ici une tension évidente entre l'affirmation de l'existence de droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, et le principe légicentriste formulé par l'article 6. L'absence de procédure juridictionnelle de contrôle de la constitutionnalité des lois (d'ailleurs) empêchera de vérifier que les volontés du législateur sont effectivement pleinement respectueuses de ces "droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme". Cette absence est volontaire, comme le montrera le débat du 8 août 1791. Les députés ne veulent pas qu'un organe conservateur de l'ordre constitutionnel vienne faire obstacle à leur volonté souveraine. » (Philippe Pichot-Bravard, Conserver l'ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle), LGDJ, Paris 2011, p. 356-371.)
« [...] Aucune procédure n'est prévue pour veiller à ce que les pouvoirs constitués respectent les dispositions de la Constitution. Les Constituants n'ont pas établi d'organes conservateur vérifiant la constitutionnalité des lois. »
Dans la préface de l'ouvrage La Machine révolutionnaire, Oeuvres d'Augustin Cochin (textes réunis par Denis Sureau), Patrice Gueniffey, le disciple de François Furet, écrit p. 11 : « le club jacobin [...] accompagne l'abstraction toujours croissante des rapports sociaux au nom d'une égalité en droits théoriquement inclusive, mais aboutissant en fait à la dépossession toujours croissante des individus et au règne, sous le nom fallacieux de "volonté générale", d'une opinion collective factice et impérieuse à la fois : la fabrique du consentement sans la participation ni le consentement de ceux qui devront s'y soumettre ! »
Et Denis Sureau dans son introduction aux Oeuvres d'Augustin Cochin, rapporte ce mot de Cochin (p. 32) : « Au terme de son long travail, Augustin Cochin conclut ainsi : "La France transformée en une vaste loge – l'opinion sociale substituée à l'opinion réelle – le Machinisme à l'autorité reconnue – la liberté de principe et la servitude de fait […] : tels sont bien en effet les caractères du "grand œuvre" qui venait de s'accomplir ! » (A. Cochin, Les sociétés de Pensée et la Révolution en Bretagne 1788-1789, t. I, Paris, Plon, 1928, p. 456.)
La France transformée en vaste loge (A. Cochin) : c'était aussi le regard que portait sur les évènements en 1793, Mallet du Pan, ce journaliste calviniste qui, attaché à la propriété, hostile à la bourgeoisie d'argent qui avait pris le pouvoir (10 août 1792) écrivait, dans un style aussi vif que celui de Cochin : « la France est une vaste caserne : tous les révolutionnaires sont soldats ou destinés à le devenir; de gré ou de force, pour l'intérêt même de leur sûreté, les mécontents et les opprimés seront obligés de dévouer leurs armes à la défense de leurs tyrans. Une Convention décrétante et des camps, voilà le régime de la République française: les Représentants du peuple ne sont pas autre chose que les Représentants de l'armée; leur principale fonction est de voler d'une main, et de partager de l'autre leurs vols avec les soldats. Ainsi en usait Cartouche; mais Attila et Mahomet, les Beys des Mameluks et les Sheiks d'Arabes bédouins fondèrent aussi leur autorité sur des procédés analogues ! Les Huns et les Hérules, les Vandales et les Goths, ne viendront ni du Nord ni de la Mer noire, ils sont au milieu de nous.» (Mallet du Pan, Considérations sur la nature de la Révolution française, 1793, rééd. Editions du Trident, Paris 2007, p. 58.)
« Si la loi était l'expression de la volonté générale, il serait à peine nécessaire de l'écrire. Il n'y aurait qu'à laisser faire la volonté générale. [...] La loi expression de la volonté générale ! Le peuple souverain dictant la loi Il aurait donc édicté qu'il dépenserait une partie notable de ses revenus à payer plusieurs centaines de milliers de surveillants, de gendarmes, chargés de lui faire vouloir ce qu'il veut? qu'il hérisserait son sol de prisons destinées à le renfermer et à le punir de ne pas vouloir ce qu'il veut ? Déjà en 1797, un grand ami de la France, Joseph de Maistre écrivait du peuple français :
"Ses maîtres le foudroient en se moquant de lui. Ils lui ont dit : Vous croyez ne pas vouloir cette loi; mais soyez sûrs que vous la voulez; si vous osez la refuser, nous vous tirerons à mitraille pour vous punir de ne pas vouloir ce que vous voulez; et ils l'ont fait." (Considér. sur la France, ch. VIII, p. 126, éd. de 1853).
« C'est ce qui se fait équivalemment depuis une siècle pour une multitude de lois édictées par la révolution. [...] Gendarmes, garnisaires, étaient là pour punir le peuple français de ne pas vouloir ce qu'il voulait. Comme l'on surprendrait la multitude des paysans et des ouvriers de France, qui forment la volonté générale du pays, si on leur disait qu'ils donnent librement mandat pour payer des centaines de millions o l'Université césarienne, toujours si impopulaire après un siècle d'existence; aux théâtres; aux comédiennes de Paris; et qu'ils consentent volontiers à frustrer pour cela leurs fils, leurs filles, leurs femmes, d'un bien-être qui ne serait pas du superflu ! La volonté générale aurait donc statué que, de tous les peuples de la terre, le citoyen français seraient notoirement le plus imposé !!! Quelle lumière quand on rapproche le gros des faits des prétendus principes de la déclaration (des droits de l'homme). Elle ne promet avec plus de solennités et d'ampleur, que pour dénier d'une manière plus cynique et effrontée. » (Père J.-B.-J. Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, 1885, Rééd. Éditions Saint-Rémi, Cadillac 2009, p. 260-262.)
Le mensonge du peuple
«Le 14 juillet 1789 : Spontanéité avec préméditation.
Les thèses "révisionnistes" [...] à propos de la prise de la Bastille [...] ont été formulées dès la fin de l'année 1789 et pendant la Révolution elle-même; elles ont été réétudiées par des historiens comme Lombard de Langres (Des Jacobins, depuis 1789 jusqu'à nos jours, Paris 1822), Taine, au XIXe siècle, Frantz Funck-Brentano (qui possède un fonds remarquable des papiers de la Bastille, dont le registre d'écrou, et écrivit un livre sur les évènements de juillet: La Prise de la Bastille, Paris, Fontemoing, 1899), plus explicitement encore par Gustave Bord (La Prise de la Bastille et les conséquences de cet évènement en province, Paris, 1882), plus tard par Bernard Faÿ, Pierre Gaxotte (La Révolution française, Paris 1928) ou Jean Mistler. À la suite de la plupart des contemporains des évènements, amis ou ennemis du "peuple", tels Montjoie, Marmontel, le marquis de Ferrières (Mémoires pour servir à l'histoire de l'Assemblée constituante et de la Révolution de 1789, Paris an VII, et Mémoires du marquis de Ferrières, 3 vol., Paris 1821), Sourdat (Les Véritables auteurs de la Révolution de France de 1789, Paris 1797), Barruel, Dusaulx lui-même, [...] [Pierre Dominique, Le Quatorze juillet, Lardanchet, 1950], ces thèses soulignent toutes la préparation de l'émeute par des "factions".» (Jean-Pierre et Isabelle Brancourt, historiens, professeur à l'université de Tours et chargée de recherche au CNRS, dans Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 35-36.)
Dans son avant-propos à son ouvrage "Le Quatorze juillet" (Lardanchet 1950, p. 7), Pierre Dominique précise que « la réaction populaire [...] est conduite par des éléments politiques correspondant à ce que nous appellerions aujourd'hui la Gauche et l'Extrême-gauche et qui se groupent autour du duc d'Orléans avec, à l'arrière-plan, la franc-maçonnerie. »
« Le duc d'Orléans [Grand maître du grand Orient de France, cousin de Louis XVI] a pour lui sa fortune. C'est le plus riche seigneur du royaume. [...] En ce début de la Révolution, il paie à bureaux ouverts les journalistes, brochuriers, libellistes de tout Paris et de tout Versailles, les crieurs, parleurs, aboyeurs qui remplissent les cafés, les coupe-jarrets dont il a des dizaines à sa solde et que se chargeront de recruter en payant à boire et, le moment venu, d'encadrer les braillards dans la rue. [...] Il sait agir sur le peuple autrement qu'en le payant; il lui retire son pain, le lui redonne. Comment ? En pratiquant l'agio sur les blés; Montjoie le dit, qui est royaliste, il est vrai, mais Malouet confirme : "Les agents du duc d'Orléans faisaient aussi sur cet objet (les blés), leurs spéculations; ils faisaient vendre et acheter en divers lieux suivant qu'ils avaient besoin de la faveur ou des fureurs de la populace." On l'accusa même d'avoir fait courir de fausses circulaires, signées Necker, arrêtant les approvisionnements sur Paris du 20 avril au 15 mai, au moment où se réunissaient les États généraux.
[...] Les frères se tiennent, marchent en ordre, murmurent leurs mots de passe, suivent aveugklément leurs chefs. le pouvoir ne peut rien contre cette organisation souterraine. Il peut d'autant moins qu'elle pénètre Cour, qu'elle est maîtresse à Versailles comme à Paris. [...] Dès 88, les Maçons avec toujours en bouche les grands thèmes d'ordre et de centralisation, sont la colonne vertébrale du parti national, de ce parti dont LaFayette est le dieu, qui vit des idées politiques anglaises et américaines.
[...] L'opposition secrète de la maçonnerie à la Monarchie traditionnelle se trouve ainsi secrètement manoeuvrée par l'Angleterre, alors que l'Angleterre battue dans une guerre précédente, a sa revanche à prendre sur terre et sur mer. Grave sujet de méditation pour un patriote, mais les patriotes de l'époque ignorent tout cela: ils marchent la tête dans les nuées. » (Pierre Dominique, Le Quatorze juillet, Lardanchet 1950, p. 30, 34-35.) « Louis XVIII pourra écrire à Saint-Priest : "Je crois que le ministère britannique a fomenté et peut-être payés les commencements de la Révolution. » (Pierre Dominique, Le Quatorze juillet, Lardanchet 1950, p. 216.) « Les Financiers, Laborde, Dufresnoy, d'autres, qui ont pris position à la hausse et pour qui Necker c'est la hausse, paient d'honnêtes contributions; on a de quoi acheter qui l'on veut...» (Pierre Dominique, Le Quatorze juillet, ibid., p. 62.) « Aussitôt les banquiers ouvrent plus large que jamais leur caisse aux révolutionnaires; toute la finance prend position contre le Roi.[...] "Il paraît même, dit Mme de Staël, qu'on avait fait distribuer parmi le peuple des imprimés qui annonçaient que M. Necker était la cause de la cherté du pain parce qu'il avait accablé le peuple d'impôts et amassé du blé..." » (Pierre Dominique, Le Quatorze juillet, ibid., p. 77-79.)
« Rivarol accuse [...] les banquiers Laborde de Méréville, Boscary et Dufresnoy, entre autres, d'avoir "soudoyé" l'émeute. Delessert fournit un témoignage en ce sens. (Voir Jacques Godechot, La Prise de la Bastille, p. 249, dans Jean-Pierre et Isabelle Brancourt, Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 43)
«[...]Tandis que le duc conspirateur se voyait cantonné au rôle de pourvoyeurs de fonds, le déroulement des émeutes de juillet 1789 rend saisissante la présence continuelle de membres des loges à tous les échelons de l'action, et dans toutes les initiatives importantes : les noms que l'on connaît des chefs ou meneurs, [...] des délégués du Comité permanent de la commune qui constituèrent des ambassades auprès de Launay, [...] des chefs de la milice bourgeoise, dont La Fayette, à partir du 15 juillet, est le plus illustre, tous ces noms, confrontés aux listes des loges conservées au Fonds maçonnique de la Bibliothèque nationale de France, révèlent une étrange similitude. Bertrand de Molleville put ainsi affirmer : "C'est dans une séance de la loge des Amis réunis que fut décidée la prise de la Batille." (B. de Molleville, Histoire de la Révolution de France, t. I, p. 27). Cette préparation systématique est confirmée par l'innocent Dusaulx [homme de lettres et homme politique français. Membre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, traducteur de Juvénal et disciple de Rousseau] qui confesse: "Le gros du peuple ne se doutait pas que l'on allait marcher sur la forteresse, mais il est certain que la prise de la Bastille avait été projetée." (Dusaulx, De l'Insurrection parisienne et de la Prise de la Bastille, 1790, p. 24.)
[...] L'appartenance des chefs du tiers au "parti patriote", est-elle [...] un secret ? Bailly, Sieyès, Le Chapelier, Mirabeau, La Fayette, [...] Guillotin, tous appartenaient à la loge parisienne des Amis réunis. [...] Tous furent les personnages clés de ces évènements de juillet. » (Jean-Pierre et Isabelle Brancourt, Le Livre noir de la Révolution française, Cerf, Paris 2008, p. 41, 49.)
Dans sa Conférence "Fondements idéologiques et légitimité du pouvoir" donnée le vendredi 21 février 2014, Philippe Pichot-Bravard explique que « le Club des Jacobins était un réseau de sociétés affiliées (maçonniques) et donc un puissant moyen de manipulation de l'opinion. » Il dit l'avoir « constaté cela à plusieurs reprises en consultant les archives parlementaires ». « Avant chaque coup de force, avant chaque mouvement un peu brusque, le 10 août 1792, le 31 mai 1793, lors de l'élimination des Girondins, on assiste à une préparation psychologique de l'opinion par le biais des sociétés affiliées. Le Club a donné des consignes: faites remonter à l'Assemblée des pétitions demandant telles et telles choses. Ainsi, le 10 août, nous demandons la déchéance du roi, le 31 mai nous demandons l'élimination des Girondins. En août-septembre 1793 on recommence... - et là c'est génial... - on vient élaborer une constitution... La constitution a été ratifiée par referendum. 75% des gens n'ont pas voté, mais les autres ont voté... Or les Girondins qu'on a éliminés, aux élections ils vont revenir à l'Assemblée avec des royalistes qui eux aussi auront été élus. Les Jacobins n'ont pas fait tout ça pour ça ! Donc il faut trouver un tour de passe-passe pour que la constitution ne puisse pas être mise en oeuvre. Comment fait-on ? Et bien, consignes aux sociétés (maçonniques) locales et les pétitions qui remontent 15 jours après la proclamation de la constitution ! Et elles disent toutes la même chose ! "Que la Montagne reste à son poste, et notre triomphe est assuré !" On retrouve cela partout. Alors évidemment "la société populaire de" ne dit pas la société populaire, elle dit "le peuple d'Angers" ou "la société populaire et les citoyens d'Angers". D'ailleurs ce n'est pas complètement faux puisque dans le discours révolutionnaire, le peuple ce sont les militants révolutionnaires. Les autres, ce ne sont pas le peuple : ce sont les "ennemis du peuple" ! La seule chose c'est que sur 30000 habitants, ils sont 30. Mais à 30 ils sont "le peuple" !
On crée donc un mouvement d'opinion artificielle, avec quelques centaines de pétitions, et avec ce mouvement, on justifie le coup de force qui est prévu depuis le départ (!), mais qui fait mine de s'appuyer sur une demande du peuple populaire... On l'a fait pour le 10 août 1792, pour la déchéance du roi, le 31 mai et le 2 juin 1793, pour l'élimination des Girondins, et on le fait le 10 octobre 1793 pour la suspension de la Constitution et l'établissement du gouvernement révolutionnaire, qui donnant aux Jacobins les moyens d'action va mettre en place ce programme de régénération qui est vraiment le coeur du dessein révolutionnaire depuis 1789, c'est-à-dire faire naître un monde nouveau, régénérer la France et régénérer l'homme pour rendre cet homme compatible avec ce monde nouveau ! »
Dans cette conférence, à la question de l'entrisme dans les partis politiques existant pour changer le système de l'intérieur, Philippe Pichot-Bravard, lucide, répond qu'il ne croit pas trop à cette thèse : « Je suis assez méfiant avec tout ça, parce que les règles sont faites pour empêcher le pays réel de faire ce que vous dites. Le jour où le pays réel aura peut-être, de ce point de vue, une carte à jouer, et bien les règles seront changées pour qu'il ne parvienne pas au pouvoir. Le bon terrain : il faut reprendre les hiérarchies des priorité, il est d'abord spirituel. Il est ensuite culturel. Il faut mener cette action culturelle, réveiller les esprits. » Le combat est spirituel et culturel, c'était déjà le constat de Louis XVI.
Le nouveau pouvoir fondé sur la souveraineté populaire n'accepte pas le résultat des élections
Afin de conserver le pouvoir, l'oligarchie jacobine donne du canon et fait tirer sur le peuple qui vote royaliste. À Paris, le gouvernement révolutionnaire appelle l'armée à venir le secourir les 1er avril et 20 mai 1795, la troupe s'oppose à une révolte populaire. Dans l'une et l'autre journée, les soldats sont commandés par des généraux « suspects » de sympathie royaliste (Pichegru, puis Menou). Le 13 vendémiaire an III (5 octobre 1795), les soldats commandés par Barras et Bonaparte répriment une insurrection royaliste. Bonaparte, est nommé général en chef de l'armée de l'Intérieur.
Deux ans plus tard, les royalistes sortis vainqueurs aux élections, le gouvernement révolutionnaire est de nouveau menacé. Le 20 mai 1797, le général royaliste Pichegru obtenait la présidence du Conseil des Cinq-cents et Barbé-Marbois celle du Conseil des Anciens. Le tirage au sort élimina Letourneur du Directoire. Et le 26 mai le royaliste Barthélemy était élu comme directeur en remplacement de Letourneur. (Jean Tulard, J.F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1899, Bouquins, Robert Laffont, Paris 2004, p. 391.)
François Furet narre ainsi les évènements :
« Quand les premières élections du Directoire ont lieu, en germinal (mars-avril) 1797, [...] les royalistes prennent le contrôle des assemblées, le général Pichegru préside les Cinq-Cents, Barbé-Marbois les Anciens. Ils votent l'abolition de la loi du 3 brumaire an IV et quelques mesures adoucissant le sort des prêtres réfractaires;
les émigrés [...] ont commencé à rentrer par petits paquets, profitant d'une procédure de "radiation" de la liste fatale qui les rendait passibles de la peine de mort prévue par une loi de la Convention.
Va-t-on vers une restauration ? [...] ceux qu'on appelle les "jacobins blancs", Pichegru, Imbert-Colomès, Willot sont décidés au coup d'État pour ramener Louis XVIII et l'émigration.
[...] Au Directoire, [...] est prêt au coup d'État pour défendre la Révolution : Reubell [...], [l]'ancien député du Tiers-État de Colmar à la Constituante, [...] représentant aux armées, investit dans la défense de la République et des frontières naturelles [...] est rejoint par Barras qui a [...] pris langue avec l'armée d'Italie et son choix est fait au printemps 1797, quand un de ses amis ramène de Milan, transmise par le général en chef, la nouvelle que Pichegru est au service de Louis XVIII. [...] La seule grande force [...] au service de la République est désormais l'armée, qui vient de se couvrir de gloire en Italie. [...] C'est Hoche, à la tête de l'armée de Sambre et Meuse, qui fournit le coup de main décisif, en faisant marcher neuf mille hommes vers Paris en juillet, sous le prétexte d'un transfert de troupes vers Brest. [...] Dans la nuit du 17 au 18 fructidor (4 au 5 septembre 1797), Paris est occupé militairement. Augereau (bras droit de Bonaparte) arrête Pichegru et ses amis des Conseils » (François Furet, La Révolution française, ibid., p. 415), ainsi que des députés et des journalistes royalistes. Le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le Directoire, pressé par Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, a donc fait contre le peuple qui a mal voté un coup d'État. Belle preuve de liberté de penser, belle marque de respect pour le vote et la démocratie, belle preuve de loi « expression de la volonté générale » ! On aura en outre remarqué que le seul « complot » autorisé, le seul « complot » qui existe, est le complot royaliste :
[...] Au matin du 18, une grande affiche-proclamation du Directoire-croupion annonce aux Parisiens et au Pays qu'un complot royaliste a été brisé, et que tout individu coupable de vouloir rétablir la royauté ou la Constitution de 1793 sera fusillé sans jugement !... » (François Furet, La Révolution française, Penser la Révolution française, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. 415.) [4]
« Ce qu'on peut réunir des Conseils siège dans la journée (18 fructidor, 4 septembre 1797) et celles qui suivent pour voter des mesures de "salut public" : l'annulation des "mauvaises" élections, qui exclut un tiers du Corps législatif, la déportation en Guyanne de cinquante-trois députés et de deux Directeurs, Carnot et Barthélémy, plus quelques royalistes notoires. Le Directoire – ce qu'il en reste – casse en même temps les élections des pouvoirs administratifs et judiciaires locaux, désormais à sa discrétion. La presse est muselée. Enfin, une série de textes frappent à nouveau les émigrés et les prêtres réfractaires, passibles de la peine de mort ou de la déportation.
[...] Comme le 2 juin 1793, le 18 fructidor an V (1797) est un coup d'État antiparlementaire, une épuration de la représentation du peuple au nom du salut public. [...] La différence principale tient à ce que, dans le rôle de bras séculier de la Révolution, les sans-culottes ont été remplacés par l'armée. Barras et Reubell triomphent, mais en débiteurs des généraux. Hoche meurt inopinément en septembre, mais un petit général corse, devenu déjà une gloire de la nation en conquérant l'Italie, peut à son tour faire figure de sauveur. [...] Michelet l'imagine royaliste, parce qu'au témoignage de Bourrienne, son camarade de l'école de Brienne, il s'exclame que Louis XVI aurait dû faire tirer sur l'émeute, le 20 juin 1792. » (François Furet, La Révolution française, ibid., p. 415-417)
En Europe, les républiques soeurs connaissent le même régime militaire. Les généraux font et défont les gouvernements. Ils apprennent ainsi, bien avant le 18 Brumaire (9 novembre 1799), la technique du coup d'État : en 1798, par exemple, Joubert en Hollande, Berthier et Brune en République Cisalpine, Schauenbourg en Suisse. S'ouvre ainsi le temps des « missionnaires armés » dont l'Italie devient le théâtre des stratégies de carrière. L'armée d'Italie fut quelquefois présentée comme un porte-parole tardif de la sans-culotterie, un conservatoire de l'esprit égalitaire, et volontiers déchristianisateur, de l'an II, un réceptacle des idées jacobines. La Banque (les « Régents de la Banque de France », tels que Le Couteulx de Canteleu et Guillaume Mallet, fondateurs de la Banque de France), la haute finance et le commerce deviendront les piliers du Consulat puis de l'Empire. La misère ouvrière au XIXe siècle viendra passablement écorner l'optimisme des Lumières : le progrès du bien-être n'était pas au rendez-vous !
Mensonge l'article 10 qui assure que "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi" : la réalité des persécutions antichrétiennes sous la Révolution, l'élimination des réfractaires, l'extermination en Vendée décrétée par la Convention contredit l'article 10.
Affirmer que toutes les opinions sont également respectables lorsque dans le même temps l'Etat interdit la profession publique d'opinions religieuses (Cf. Clergé assermenté toléré vs clergé réfractaire guillotiné, exilé et banni) ou autres, d'ailleurs, c'est mentir hypocritement.
En dehors des opinions toujours discutables, il y a des convictions indiscutables, des vérités certaines, acquises, patrimoine de l'humanité, bases des sociétés qu'un gouvernement digne de ce nom ne doit jamais laisser mettre en discussion. Exemple: l'existence de Dieu, audacieusement remplacé dans le préambule de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 par la « présence » et les « auspices de l'Être suprême. »
Tandis qu'on proclamait la liberté religieuse (article VII de la Constitution de l'an I, 1793), dès « le 28 octobre 1789, "l'émission des voeux dans tous les monastères" fut suspendue : au nom de la liberté individuelle. Le député Treilhard, membre influent de la commission ecclésiastique de l'Assemblée, prépara un décret qui les supprimait; [...] il le fit voter le 13 février 1790. Des officiers municipaux se présenteraient dans les maisons religieuses et demanderaient à chacun ou à chacun des membres de la communauté, s'il désirait sortir ou rester. Ceux qui partiraient recevraient une indemnité, pour vivre. Les religieux fidèles seraient groupés, tous ordres confondus, dans les maisons conservées. Quant aux monastères abandonnés, ils seraient mis en vente, au titre de biens nationaux. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, Librairie Arthème Fayard, 1965, p. 23.)
La Constitution civile du clergé est votée le 12 juillet 1790, elle réorganise unilatéralement le clergé séculier français, instituant une nouvelle Église (l'Église constitutionnelle) et en novembre 1790, l'Assemblée impose au clergé de prêter serment à la Nation : belle preuve de liberté de conscience et de laïcité !
L'historien membre de l'Académie française Daniel-Rops avance que « l'affaire du serment allait précipiter le cours des évènements et entraîner la chute de la monarchie, puisque c'est pour sauvegarder sa liberté de conscience que Louis XVI tentera de fuir Paris et la France, se brouillant avec la Révolution. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, sous la direction de Jean Dumont, L'Église des Révolutions, tome IX, Librairie Arthème Fayard, 1965, p. 32.)
Le 29 novembre 1791, les « réfractaires » sont déclarés « suspects de sédition », perdent leur pension et peuvent être exilés sur décision administrative.
« [...] À l'Assemblée, le Vendredi saint 6 avril (1792), un débat avait commencé sur l'interdiction du vêtement ecclésiastique et la suppression de toutes les congrégations religieuses; le 28 avril, les deux mesures étaient votées. [...] Le 27 mai (1792) la Législative, sur la proposition de Guadet et Benoiston, votait un décret soumettant à la "déportation" (sans jugement) – c'est-à-dire à l'exil – au-delà des frontières tout ecclésiastique que vingt citoyens dénonceraient comme insermenté (dénonciation pour incivisme). [...] Tout prêtre passible de déportation qui serait pris en France serait condamné à dix ans de détention. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 39.) Belle preuve de « liberté » et de liberté religieuse ! Désormais les prêtres se trouvaient directement livrés à la malveillance des dénonciateurs, au bon plaisir des administrateurs.
« Dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, l'abbé Barruel écrit : "Dans la Révolution française, tout, jusqu'à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné, résolu, statué. » (Jean Ousset, Pour qu'Il règne, Dominique Martin Morin 1986, Niort 1998, p. 220)
L'abbé Barruel, traqué et poursuivi durant la Révolution dut se réfugier en Angleterre, où il rédigea ses Mémoires en 1796. Jean Ousset écrit à son sujet : « Barruel a eu des révélations directes de plusieurs personnages de l'époque (témoignages de convertis et de pénitents. Ndlr.) et trouvé en Allemagne surtout, des documents de premier ordre (sur les Illuminés de Bavière d'Adam Weishaupt. Ndlr.).
« Pendant l'empire, il (Barruel) se tint à l'écart. Napoléon le soupçonna d'avoir propagé le Bref de Pie VII et le fit emprisonner à l'âge de 70 ans... Il fut inquiété de nouveau sous les Cent Jours. Sur lui pèse bien entendu la conspiration du silence qui poursuit tous ceux qui se sont attachés un peu sérieusement à démasquer les agissements de la Secte. » (Jean Ousset, Pour qu'Il règne, Dominique Martin Morin 1986, Niort 1998, p. 220.)
Augustin Barruel indique par exemple que la fuite de Varennes fut organisée par la franc-maçonnerie (La Fayette) afin de perdre la monarchie.
Daniel-Rops précise qu'«à Pâques de 1791, le roi, ayant voulu aller à Saint-Cloud recevoir le sacrement des mains d'un prêtre fidèle, la populace, ameutée par le tocsin de Saint-Roch, s'y était opposée. Blessé dans ses convictions les plus profondes, Louis XVI s'était alors résolu à accepter le plan d'évasion qu'on lui proposait depuis déjà longtemps. Le 20 juin (1791), il partait avec toute sa famille, vers la frontière de l'Est, où l'armée des émigrés devait l'accueillir.[...] Lorsqu'à Varennes le maître de poste Drouet eut arrêté la voiture du monarque la monarchie elle-même était perdue. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 32.)
Le traître La Fayette (membre de la loge La Candeur) ne laissa le roi dans l'illusion que pour le ramener couvert d'opprobre, et resserrer ses liens à son retour : « Les monuments publics pourraient manquer à l'historien sur la conduite de La Fayette dans cette circonstance. Bien des personnes ont voulu faire croire qu'il (La Fayette) n'avait pas été prévenu du départ du roi; voici la vérité des faits: une femme allemande mariée à un Français nomme Rochereuil, était attachée à la reine en qualité de porte-chaise-d'affaires. Cette femme avait témoigné tant d'imagination et versé de larmes sur les horreurs des 5 et 6 octobre (1789 marche sur Versailles), que la reine touchée de ces preuves d'attachement, lui donna sa confiance, la chargea du soin de préparer ses bouillons, et la logea au rez-de-chaussée de son appartement, dans une chambre qui communiquait à l'appartement qu'avait occupé M. le duc de Villequier. Au commencement de juin, la reine méditant son évasion, fit transporter dans une autre chambre la femme Rochereuil. Celle-ci soupçonna des projets; elle épia le roi et la reine. La confiance qu'on avait en elle, la mit à portée de connaître exactement ce qui se méditait pour la fuite du roi. Le 10 juin, elle en dénonça les préparatifs à MM. de La Fayette, de Gouvion, et au Comité des recherches de l'Assemblée nationale. Elle eut avec eux onze conférences, dans l'espace de neuf jours. D'après ces dénonciations, M. de La Fayette chargea treize officiers de confiance, de faire toutes les nuits des patrouilles dans l'enceinte des Tuileries, avec l'ordre secret de favoriser l'évasion. Ses ordres furent donnés de même sur la route. Drouet fut prévenu du rôle qu'il avait à jouer. Tout le reste de la fatale journée de Varennes et de l'arrestation du roi se conçoit aisément, si ce n'est cependant l'excès de cette insolence avec laquelle La Fayette usa de sa victoire, et des outrages qu'il fit essuyer à Louis XVI, en le ramenant dans sa prison des Tuileries. » (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, éd. de Chiré, tome 1, Poitiers 2005, p. 466-467.)
« Déjà s'élevaient les premières voix demandant la déchéance d'un souverain qui avait fui. [...] L'échec de Varennes faisait le lit de la république. » (J. Tulard, J.F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont, Paris 1998, p. 838.)
« Louis XVI, à son retour de Varennes, confessa [...] : "Que n'ai-je cru, il y a onze ans? Tout ce que je vois aujourd'hui, on me l'avait annoncé." » (Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, t. II, p. 74 à 81 cité dans Jean Ousset, Pour qu'Il règne, Dominique Martin Morin 1986, Niort 1998, p. 220.)
« Enfermé, de fait, aux Tuileries, depuis le triste retour de Varennes, Louis XVI avait certainement beaucoup évolué. Il se reprochait d'avoir été trop faible, lorsque les évènements avaient commencé. Sur le plan religieux sa conscience souffrait de l'approbation qu'il avait donnée à la Constitution civile, et toutes ses sympathies allaient certainement aux prêtres qui refusaient le serment. (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 38.)
La chute de la royauté et actes de cannibalisme à Paris
Le 10 août 1792 est la journée au cours de laquelle fut envahie l'Assemblée ainsi que le Palais des Tuileries, siège de l'Exécutif pris d'assaut. Un directoire secret entre les amis de La Fayette et du girondin Brissot lâcha des « manifestants » préparés politiquement et militairement pour susciter cette insurrection parisienne non spontanée (Cf. Gérard Maintenant, Les Jacobins, collection Que sais-je? PUF, Paris 1984, p. 52-58) qui devait aboutir à la proclamation de leur « république », le 20 septembre 1792.
Gérard Maintenant précise que jusqu'à la parution de son ouvrage "Les Jacobins", « la participation jacobine à cette journée n'a jamais été réellement abordée. On a beaucoup écrit sur le rôle joué par les dirigeants Robespierre, Danton, et sur leur soit-disant effacement relatif. M; Reinhard a insisté sur l'existence d'un Directoire secret composé entre autres d'Anhoine, Chabot, Carra, lequel organisa l'insurrection. Il tint sa première réunion au faubourg Saint-Antoine, à l'auberge du Soleil d'Or, le 26 juillet. Il est permis de rester sceptique quant aux déclarations de Carra qui écrivit le 30 novembre 1792 un "Précis historique et très exact sur l'origine et les véritables auteurs de la célèbre insurrection du 10 août dernier, qui a sauvé la république."
"Ce directoire secret fut formé par le Comité central des Fédérés, établi dans la salle de correspondance aux Jacobins Saint-Honoré... J'écrivis de ma main tout le plan de l'insurrection, la marche des colonnes et l'attaque du château. Simon fit une copie de ce plan et nous l'envoyâmes à Santerre...."
« La question du rôle précis joué par les Jacobins dans cette journée mérite certainement d'être examinée. [...] Il semble bien établi que les Jacobins se rallièrent, dès le 29 juillet, aux thèses de Robespierre qui proposa la "destitution" du roi. [...] Mais une insurrection ne s'improvisant pas, les Jacobins participèrent à la création du "Directoire secret" insurrectionnel. [...] Le club pratiqua, fin juillet, une double action : l'une, légaliste, au grand jour, faite de motions de pétitions, de résolutions s'inscrivant dans le cadre des institutions; l'autre, secrète, annonçant la stratégie babouviste de prise du pouvoir. Choudieu, député jacobin à l'Assemblée législative et futur conventionnel montagnard, dans ses Mémoires, [...] donna [...] une vision assez juste de la préparation du 10 Août, en mettant en évidence le mouvement sectionnaire.
"Mais où donc fut préparé le 10 août me demandera-t-on ? Ce fut dans les quarante-huit sections, non pas secrètement, mais au su de tout le monde et de la cour elle-même. Parmi les représentants, Bazire, Chabot et Merlin (de Thionville) ont levé les premiers l'étendard de la révolte... Des assemblée secrètes se tenaient dans le faubourd Saint-Antoine, et les trois députés... s'y rendaient toutes les nuits. Mais malgré toute leur audace, ils n'auraient pas réussi s'ils n'eussent été secondés par les assemblées des différentes sections de Paris qui poussaient aussi au mouvement. Celle de Mauconseil se déclara la première en insurrection..."
« Agissant au sein même de leur section respective, les Jacobins contribuèrent, d'une façon décisive, à la mise en pratique d'un stratégie insurrectionnelle. Buchez et Roux écrivent: "Les Jacobins sont les provocateurs du 10 Août; les agents principaux de cette insurrection sont sortis de son sein." »
(Gérard Maintenant, Les Jacobins, Presses Universitaires de France, Paris 1984, p. 52-58.)
Frantz Funck-Brenatano rapporte : « Le 10, les Tuileries étaient envahies par les éléments extrêmes de la faction révolutionnaire, à l'instigation de Robespierre, qui aura le droit de se proclamer l'auteur du coup de force. [...] L'assemblée s'empressa de décréter l'abolition de la royauté; [...] Puis, sous la pression de la Commune de Paris, qui obéissait à Robespierre, elle décida l'élection d'une assemblée nouvelle qui sera la Convention. » (Frantz Funck-Brentano, La Révolution française, Voir... et... Savoir, Paris : Flammarion, 1935, p. 30.)
Jean Tulard sur les « sections » : « Le 9 août (1792) au soir, les députés de la Législative se séparèrent tout en sachant que les sections se préparaient au combat. À 23h45, la grosse cloche des Cordeliers se mit à sonner. D'autres églises répondirent. C'est Danton qui aurait donné le signal. Tout était prêt. De 20 heures à 21 heures, les sections s'étaient réunies pour désigner des commissaires avec mission d'intimider ou remplacer les membres du conseil général de la Commune de Paris jugés trop modérés. À 23 heures, les commissaires étaient à l'Hôtel-de-Ville où ils obtenaient sans problème une salle destinée à abriter leurs délibérations. Ainsi s'établissait parallèlement à la commune légale un pouvoir insurrectionnel qui allait la supplanter. [...] Les insurgés (fédérés et membres des sections) entreprirent de cerner les Tuileries. On réveilla le roi pour lui faire passer en revue la garde nationale et stimuler l'ardeur de cette dernière à défendre le château. Mais le roi ne trouva pas les mots qui convenaient. [...] À 8 heures du matin, les Tuileries avaient été investies. |...] À l'Assemblée [...], sous la pression des députés, le roi signa un billet ordonnant aux Suisses de cesser le feu et de regagner leurs casernes. Ils obéirent mais comme ils opéraient leurs mouvements, ils furent cernés et massacrés dans des conditions ignobles par les émeutiers. [...] La Terreur était lancée. [...] Le roi fut finalement suspendu "jusqu'à ce que la Convention nationale eût prononcé." » (Jean Tulard, J.F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1899, Bouquins, Robert Laffont, Paris 2004, p. 98.)
Sur ces évènements ignobles du 10 août, et le rôle joué par Danton, Bernard Faÿ évoque la minorité qui dirige : « À minuit, Danton donna l'ordre de sonner le tocsin des Cordeliers. D'autres cloches répondirent. Tout se déroula ensuite selon ses ordres, et selon ses espoirs. [...] En décidant de partir pour l'Assemblée, le Roi accomplit l'acte le plus pénible, mais aussi le plus patriotique de sa vie; jusqu'au bout, il refusait de verser le sang français qui ne lui semblait jamais "impur". La ruine de la Monarchie ne résulta du reste point de sa retraite dans l'Assemblée, mais de l'émeute sanglante qui se produisit aux Tuileries après son départ, émeute suscitée par l'artifice des meneurs qui voulaient du sang pour intimider les députés. [...] Les gardes suisses [...] manquant de cartouches et accablés par le nombre, ils succombèrent; le roi, prévenu, essaya d'arrêter le carnage. Il donna ordre de cesser le feu; quelques suisses réussirent à se réfugier à l'Assemblée, les autres furent massacrés et déchiquetés, comme des animaux vaincus dans une lutte entre bêtes féroces. [...] 600 Suisses et 200 défenseurs du Château dépecés, les Tuileries entièrement pillées, 98 morts chez les assaillants, avec quelque 200 ou 300 blessés, tel fut le bilan de cette victoire que ses héros célébrèrent en promenant dans Paris les têtes et les organes des vaincus. [...] Ainsi s'écroulèrent et la Monarchie, vieille de douze siècles, et la Constitution, vieille de dix mois, et la législative, qui ne dura pas un an. [...] L'Assemblée élue jadis par une minorité d'électeurs, eux-mêmes une minorité dans le pays, ne se composait plus que d'une minorité de députés; elle usurpait les fonctions de l'exécutif qu'elle remplaçait par un "Comité exécutif".» (Bernard Faÿ, La Grande Révolution, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 363-364.)
« Rien de spontané dans ce soulèvement, pas plus que dans les précédentes manifestations populaires: le peuple, ou ce qui est censé le représenter, est mis en condition, encadré, conduit là où l'on veut qu'il aille. Ce 10 Août a été prémédité, et même commandité. les chômeurs marseillas qu'on a fait "monter" à Paris, et qui vont constituer la première force de frappe, sont payés trente sous par jour (ce qui est alors un salaire fort confortable) et ils recevront, avec le prix de leurs amres, une gratification supplémentaire de trois mille livres (soit deux à trois années du salaire moyen d'un ouvrier qualifié). Les Sans-Culottes parisiens, qui représentent la seconde force de frappe, touchent eux-mêmes quarante sous pour chaque séance de section, s'ils assurent n'avoir pas d'autre ressource. La colère ds émeutiers n'est pas gratuite ! [...] L'aube se lève sur la journée du Dix Août: inauguration de la Terreur. [...] Le roi a donné aux Suisses l'ordre de ne pas tirer. C'est les offrir à la "canaille" des faubourgs. [...] Les Suisses sont scalpés, éventrés, émasculés, dépecés ! Une fille publique, rue Fromenteau s'occupe tranquillement à délayer une cervelle du bout de son pied (Philippe Morice, dans ses Souvenirs). [...] Le jeune capitaine Bonaparte, qui habite alors rue du Mail, et qui s'est rendu au Carrousel, traverse le jardin des Tuileries: le spectacle des cadavres suisses lui donne la nausée. Bilan global : [...] sept ou huit cents tués dans le camp royal. Dans son Histoire des Girondins, Lamartine évoquera généreusement "les quatre mille cadavres" que, le lendemain, collectent les tombereaux de la Commune à la lumière du feu qui embrase les abords du palais, et qui donne "aux eaux de la Seine l'apparence du sang". » (René Sédillot, Le Coût de la Terreur, Vérités et Légendes, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée, p. 9-10.)
Ghislain de Diesbach dans Le Livre Noir de la Révolution française (Cerf, Paris 2008, p. 61-63) rapporte les actes ignobles commis sur les corps des Suisses : « Les Fédérés traquent les Suisses à travers les appartements, les assomment, puis se livrent à une véritable boucherie; les Suisses sont éventrés, empalés, ou saignés à mort. Des viragos les déculottent, leur tranchent le sexe ou se font des cocardes avec leurs boyaux, d'autres dépècent l'enseigne Georges-François de Montmollin et lui dévorent le coeur. De petits tambours sont lacés par les fenêtres sur les piques et les fourches, d'autres jetés dans les chaudières des cuises royales, qui ont continué de fonctionner, et bouillis tout vifs. Un tambour de neuf ans, qui sanglote accroché au cadavre de son père, est cloué à coups de baïonnettes sur celui-ci. Les médecins sont massacrés, tandis qu'ils donnent leurs soins aux blessés. les scènes de sadisme et de cannibalisme se multiplient. [...] [D]es ivrognes dansent la carmagnole aux carrefours en agitant des lambeaux de chair humaine au bout de leurs piques. [...] Le 10 août produisit en Suisse un déplorable effet, inspirant aux familles des victimes une invincible répugnance à l'égard de la République française, issue d'un bain de sang, répugnance accrue par l'invasion de la Suisse en 1798. Non contents de piller systématiquement le pays, de l'écraser d'impôts et de réquisitions, les Français, brandissant d'une main une torche et de l'autre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tout en répétant à satiété les mots vertu, justice, liberté, y firent plusieurs massacres spectaculaires, enfermant la population dans l'église et y mettant le feu, comme à Stans, et dans l'Unterwald où neuf églises furent brûlées avec les habitants des villages. »
« Le 11 août, [...] était établie une commission martiale pour juger les Suisses échappés au massacre la veille, coupables d'avoir rempli leur devoir et de ne pas s'être laissé massacrer docilement, commission qui sera à l'origine du tribunal révolutionnaire ayant été transformé dès le 15 août, à la requête encore de Robespierre, en un tribunal destiné à juger "les complices de la conjuration du 10 août" ! » (Frantz Funck-Brentano, La Révolution française, Voir... et... Savoir, Paris : Flammarion, 1935, p. 31.)
« Cette minorité active va alors mettre tout en oeuvre pour parvenir au pouvoir au moment où vont se tenir les élections pour la Convention. Elle commence par Paris, désormais sous la coupe des patrouilles jacobines (Danton écrit à propos des massacres de septembre : "C'est dans Paris qu'il faut se maintenir par tous les moyens. Les républicains sont une minorité infime, et, pour combattre, nous ne pouvons compter que sur eux; le reste de la France est attaché à la royauté." » (Robinet, Procès des dantonistes, p. 45, cité dans Hippolyte Taine, Les Origines de la France contemporaine, t. III, La Révolution: La Conquête jacobine, 101-1904, Paris, Robert Laffont 1986, p. 330, dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 110-111.)
Depuis les élections de juin 1791 qui se traduisirent par une forte abstention, « les consultations organisées les années suivantes »,... n'ont « jamais mobilisé plus du cinquième des électeurs. » « La promotion aux responsabilités se faisait en circuit fermé : les fonctionnaires peuplent les assemblées chargées d'élire les fonctionnaires. [...] L'oligarchie née de ces pratiques n'était pas moins un démenti des attentes. [...] On n'imaginait pas que l'élection puisse conduire à la formation d'une "classe" politique distincte du reste de la société. » (Patrice Gueniffey, Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin, Collection Tempus, Paris 2011, p. 88-88).
Frédéric Bluche résume ainsi la non-spontanéité des journées révolutionnaires:
« Il est ainsi possible, à partir de plus caractères dominants, de brosser à larges traits le déroulement d'une journée révolutionnaire type. Quelque soit la part de la spontanéité dans les mouvements populaires, l'origine d'une journée révolutionnaire ne peut être considérée comme spontanée. L'initiative ne vient pas exclusivement d'en bas; elle vient parfois d'assez haut. Si les mystères demeurent sur les véritables organisateurs des journées d'octobre 1789, la journée du 20 juin 1792 a sans doute été inspirée par les Brissotins-Girondins et leurs amis de la Commune de Paris (Pétion et Manuel, respectivement maire et procureur); celle du 10 Août et celle du 2 juin 1793 sont ouvertement cautionnées par des ténors de la Montagne. » (Frédéric Bluche, et Stéphane Rials, Les Révolutions françaises, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1989, p. 234-235.)
Jean de Viguerie ajoute: « L'histoire de la France pendant la Révolution est l'un des épisodes les plus dramatiques de l'histoire du christianisme. Une grande persécutions sévit alors contre la religion. Cette persécution fut inattendue, surprenante et d'une extrême cruauté.
« Elle fut inattendue. Quatorze siècles s'étaient écoulés depuis la dernière persécution du paganisme, celle de Dioclétien. [...] La persécution exercée par la Révolution française est la première en date en occident depuis l'édit de Constantin.
Cette persécution fut surprenante. N'advenait-elle pas au siècle des Lumières, au siècle qui avait exalté la tolérance ? Elle fut d'une extrême cruauté. Elle fit périr 8 000 prêtres, religieux et religieuses, et plusieurs milliers de laïcs mis à mort en haine de la foi. L'accusation de férocité lui fut portée un jour par l'une de ses victimes. C'était au Puy-en-Velay en 1794. Suspectée d'avoir reçu chez elle son fils, prêtre réfractaire, Mme Beauzac, âgée de soixante ans, venait d'être condamnée à mort. Au moment de monter à la guillotine, elle se tourna verses juges, et les apostropha ainsi : "Une chienne peut nourrir ses petits, et une mère ne pourrait nourrir son enfant. Vous êtes plus féroces que des tigres." (Cité dans Jacqueline Bayon-Tollet, Le Puy-en-Velay et la Révolution française 1789-1799, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 1982, p. 338.)
[...] On ne saurait oublier le serment exigé des prêtres contre leur conscience. On ne peut passer sous silence la déchristianisation systématique, l'instauration des cultes sacrilèges, et tant d'autres mesures violatrices des consciences et des âmes. La prison, la déportation et la mort ne sont que les conséquences extrêmes d'une détermination affirmée, explicite de changer les esprits et d'imposer la volonté de l'État. [...] [C]ette volonté existe et se manifeste dès le début de la Révolution. » (Jean de Viguerie dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 213-214.)
« [L]a Terreur est bien en germe dès les débuts de la Révolution. » Préface de Mona Ozouf dans François Furet, La Révolution française, Quarto Gallimard, Malesherbes 2007, p. XVIII.)
Les journées d'Octobre 1789. « On se mit en route le 5 octobre : sept ou huit mille individus, des femmes en majeure partie; troupe débraillée, hurlante, [....] Des harangères, chevauchaient des pièces d'artillerie tirées à la bricole. L'armement de la bande était des plus variés: fusils, hallebardes, piques, sabres et pertuisanes, faux à faucher le blé, broches, couteux de cuisine emmanchés au bout d'un bâton. À Versailles, dans le désarroi, la défense du château fut lamentable comme l'avait été celle de la Bastille. Quelques gardes du roi furent tués, leurs têtes, en style révolutionnaire, fichées au bout de piques sanglantes, cependant qu'une partie de nos conquérantes envahissaient l'Assemblée où elles s'installaient familièrement à côté des députés. [...] Louis XVI avait été contraint de se montrer à la foule, avec ses enfants, sur l'un des balcons du château. Contre la reine, qui vint à ses côtés, furent criées des menaces de mort. L'un des héros la mit en joue : la reine demeura impassible; le fusilleur n'osa tirer. La manifestation, en sa violence, dura jusqu'à deux heures du matin. La famille royale dut monter en carrosse, escortée d'une foule hurlante et qui portait au bout de piques sanglantes les têtes des gardes du corps massacrés. On les avait pour leur entrée dans la capitale, frisées, enrubannées. Le cortège allait au pas; on mit neuf heures de Versailles aux Tuileries. Le roi et les siens s'y installèrent. [...] Comme l'écrit P. Gaxotte : "les clubs tiennent leurs otages." » (Frantz Funck-Brentano (1862-1847), de l'Institut, La Révolution française, Voir... et... Savoir, Paris : Flammarion, 1935, p. 17.)
« En 1789 la Révolution commençante abolit l'ordre du clergé, supprime la dîme qui représentait plus de la moitié des revenus des prêtres, et nationalise les biens ecclésiastiques. » (Jean de Viguerie dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Éditions du Cerf, Paris 2008, p. 213-214.) On se demande où est la laïcité – comme principe de distinction des pouvoirs temporel et spirituel – là dedans ?
« La suppression de l'ordre du clergé et la confiscation de ses biens placent les ministres du culte dans la dépendance entière de l'État. Il n'y aura plus désormais d'Église face à l'État. [...] [E]n confisquant les biens, c'est l'ordre du clergé que l'on veut achever de détruire. Comme le déclare le députe Le Chapelier, "si le clergé demeure propriétaire, il continuera à former un ordre dans la nation." (Cité dans Pierre de la Gorce, Histoire religieuse de la Révolution française, t. I, p. 150.)
[...] La nationalisation n'affecte pas seulement le clergé. La spoliation du clergé va contre les intentions des donateurs et des fondateurs qui, en constituant par leurs libéralités le patrimoine ecclésiastique, ont donné à l'Église et non à l'État. Elle lèse les pauvres, l'Église se servant de ses biens pour un grand nombre d'oeuvres d'assistance et d'éducation, et l'État, quoi qu'il en Veuille, n'étant pas encore en mesure de prendre en charge la totalité de ces oeuvres.
1790 est une année plus mauvaise encore. Le décret du 13 février 1790 interdit de prononcer des voeux solennels de religion, et supprime tous les ordres où l'on fait ce genre de voeux, c'est-à-dire tous les ordres monastiques ! [...] les religieux pressés de quitter leurs couvents, et bientôt rejetés de force dans la vie du siècle.
[...] La même année, la loi intitulée "Constitution civile du clergé" [...] crée une nouvelle Église en France, l'Église de l'ordre nouveau, simple administration du culte (!) [...] une Église d'État, [...] et une Église schismatique, les évêques se voyant interdire de solliciter du pape leur institution canonique et leur juridiction spirituelle. [...] L'Église de France est séparée de Rome en vertu de la loi. Ainsi est-elle condamnée au schisme. Car le schisme est vite rendu obligatoire. Par le décret Voidel, voté le 26 novembre, évêques et curés sont mis en demeure d'y adhérer.. Sous peine d'être démis de leurs fonctions, ils doivent jurer fidélité "à la nation, à la loi et au roi et à la Constitution." [...] C'est le serment constitutionnel. Si l'évêque veut garder son diocèse, si le curé veut garder sa paroisse, ils sont obligés de le prêter. Jurer ou s'en aller, telle est l'alternative. » (Jean de Viguerie dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Éditions du Cerf, Paris 2008, p. 214-215) On se demande là encore où sont la laïcité et la liberté de conscience dans toutes ces mesures ?!...
« Donc, en cette fin de l'année 1790, un an et demi à peine après le commencement de la Révolution, et alors que ce n'est pas encore manifestée la persécution sanglante – les premiers assassinats de prêtres datent de l'été 1792 – l'Église est déjà humiliée, asservie, mutilée. Humiliée par la confiscation de ses biens, asservie par l'État, mutilée par l'abolition des ordres religieux et par la suppression de 52 diocèses et de près de 4 000 paroisses. Mutilée, amputée, adjugée au plus offrant, vendue à l'encan: dès 1790, on commence à disperses aux enchères les biens des ordres religieux et ceux des paroisses supprimées, on vend des monastères, on vend des églises abbatiales. La France monastique est vendue. On vend même des églises paroissiales et des chapelles. À Angers, au début de 1791, l'église Saint-Denis, paroisse supprimée, est vendue à un menuisier. En Bretagne, dans le seul district de Locrognan, 13 chapelles sont vendues.
(En 1792) La Convention les déporte (les prêtres) et ordonne la mort pour tous ceux qu, refusant de quitter la France, se sont soustraits à la déportation. On est ainsi passé par trois étapes : 1) il faut prêter serment sous peine d'être démis; 2) il faut prêter serment sous peine d'exil; 3) il faut quitter le territoire ou se laisser déporter sous peine de mort. On est passé d'une liberté sous condition à une contrainte absolue. [...] Ce n'est pas la liberté ou la mort, c'est la liberté et la mort. » (Jean de Viguerie dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 215-218)
En 1793, la Terreur s'installe, qui suspend toutes les grandes libertés: liberté individuelle à laquelle met fin la "loi des suspects" du 17 septembre 1793. « La guillotine dressée en permanence est devenue moyen de gouvernement. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, sous la direction de Jean Dumont, L'Église des Révolutions, tome IX, Librairie Arthème Fayard, 1965, p. 53.)
Les ouvriers ont été envoyés à la guillotine par charrettes entières (fournées). Les « décapitations [...] concernent pour 28% des paysans, pour 31% des artisans et des ouvriers, sans doute pour plus de 20% des marchands ... 8 à 9% des nobles, pour 6 à 7% des membres du clergé. » (René Sédillot, Le Coût de la Révolution française, Vérités et Légendes, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 24.)
« Le bilan estimé des morts liées à la Révolution demeure toujours incertain. [...] On s'en remet souvent aux calculs de Donald Greer en 1935 qui recense 30 000 à 40 000 victimes des procédures juridiques (fusillées et guillotinées). Il s'agit d'une base minimale à laquelle il faut ajouter environ 170 000 victimes vendéennes. » (Patrice Gueniffey in La Révolution française, Préface de Michel Winock, L'Histoire Edition, 2014, p. 119-120.)
« Pie VI [...] s'écriait, après avoir lu le récit de la mort de M. de Sandricourt, évêque d'Agde, une des dernières victimes de Robespierre, arrêté uniquement parce qu'il fallait un évêque légitime dans la fournée, et alors qu'il vivait totalement à l'écart de la politique, occupé seulement à prier : "Qu'on me dise que tous ces prêtres ne meurent pas pour la foi ! Voilà bien de vrais martyrs !" » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, sous la direction de Jean Dumont, L'Église des Révolutions, tome IX, Librairie Arthème Fayard, 1965, p. 71.)
« Le "catéchisme national", comme disait (le révolutionnaire) Barnave, reposait sur des bases irréligieuses. L'historien Mathiez, connu pour son agnosticisme, l'a noté en une formule parfaite: "Les principes de 1789 sont présentés comme un corps de doctrine qui se suffit à lui-même, qui tient sa valeur de l'évidence rationnelle et nullement de la révélation. Ainsi l'humanité devient son propre Dieu." (Albert Mathiez, historien socialiste de la religion civile révolutionnaire, cité dans Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 20.)
Albert Mathiez fut l'éditeur des œuvres de Saint-Just, le président de la Société des études robespierristes, et l'initiateur de la comparaison bolchevisme/jacobinisme. En 1920, il voyait dans l'institutionnalisation des soviets par Lénine un moyen d'« éviter les inconvénients de la bureaucratie et du parlementarisme, et réaliser autant que possible ce gouvernement du peuple par le peuple qui est pour lui, comme pour Rousseau et pour Robespierre, le propre de la démocratie véritable. » (Article paru dans Le Progrès civique des 11 et 18 septembre 1920, cité dans François Furet, Le passé d'une illusion, Essai sur l'idée communiste au XXe siècle, Robert Laffont/Calmann-Lévy, Mesnil-sur-l'Estrée 1995, p. 92.)
« D'autre part, l'article 10 affirme de manière alambiquée une liberté de culte strictement encadrée par l'"ordre public établi par la loi" : le Religieux est soumis au politique. » (Drôle de conception de la "laïcité" !)
[...] Le triomphe de la loi positive, "expression de la volonté générale," expression d'une souveraineté qui réside "essentiellement dans la nation" renverse la source de la légitimité. [...] La loi suprême, la loi positive n'est plus soumise au respect d'un ordre naturel. Rien ne peut faire obstacle à la volonté de la nation souveraine, beaucoup plus absolue que la volonté tempérée du Roi sous l'Ancien Régime. » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 87; 92; 101; 107.) « Cette monarchie tempérée que Louis XVI avait décrite lors de la séance royale du 23 juin 1789. » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, ibid., p. 249.)
Constituant un « appel au peuple », l'historien Jean-Christian Petitfils qui commente cette Déclaration du roi adressée à tous les Français du 23 juin 1789, indique qu'« écrite de sa propre main, sans pression ni contrainte, [...] le roi y travailla quatre ou cinq mois, à l'insu de ses ministres. [...] Louis XVI commence par énumérer les gestes de bonne volonté qu'il a accomplis afin d'éviter la guerre civile et les sujets de défiance : la convocation des états généraux, le doublement du tiers, la réunion des ordres, le renvoi des troupes en juillet 1789, sa visite de conciliation à Paris, son installation aux Tuileries malgré les incommodités du lieu, alors qu'il aurait pu s'échapper de Versailles, le renvoi de ses fidèles gardes du corps... [Imaginez-vous aujourd'hui un quelconque président de la république agir de la même façon pour s'en remettre à des Français insurgés et les inviter à discuter avec lui ? NdCR.] Évitant de se référer à ses droits de souverain légitime, il (Louis XVI) évoque alors les cahiers de doléances, qui stipulaient que la confection des lois devait se faire de concert avec lui... Or l'Assemblée nationale, au mépris de cette demande, lui a imposé tous les articles qu'elle jugeait appartenir au domaine constitutionnel. [...] Que restait-il au roi sinon "le vain simulacre de la royauté" ?
[...] L'Assemblée triomphe, explique le roi, elle s'imagine omnipotente, mais elle est en réalité dominée par la Société des Amis de la Constitution - autrement dit le Club des Jacobins (club réunissant l'ensemble de la franc-maçonnerie. NdCR.) et ses multiples filiales, qui ont tissé sur le pays une véritable toile d'araignée, avec d'autant plus de facilité que l'administration s'est effondrée. Les clubs dominent tout, envahissent tout, s'arrogent tout, grâce à leurs comités de correspondance, leurs journaux, leurs pamphlets "calomniateurs et incendiaires" qui tyrannisent les esprits libres et s'acharnent à renverser les "derniers restes de la royauté", au nom d'idéaux abstraits éloignés de l'expérience et du bon sens.
"Français, s'exclame-t-il, est-ce là ce que vous attendiez en envoyant vos représentants à l'Assemblée nationale ? Désirez-vous que l'anarchie et le despotisme des clubs remplacent le gouvernement monarchique sous lequel la Nation a prospéré pendant quatorze cent ans ?" Et de conclure : "Français, et vous surtout Parisiens, [...] revenez à votre roi; il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas à oublier toutes ses injures personnelles et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution, qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée [que de naïveté de la part du roi au sujet des intentions antichrétiennes réelles des francs-maçons du club des Jacobins!], que le gouvernement sera rétabli sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables !".
(Dans cette déclaration du roi du 23 juin 1789), « [o]n y trouve des éléments traditionnels et d'autres plus nouveaux : le roi, comme dans la pure conception monarchique, est inséparable de l'État et de la Nation, dont il est l'incarnation. Il veut le bien du peuple. Il n'a cessé de le dire et de le répéter depuis deus ans. Il est son protecteur naturel, son vrai père. [Aujourd'hui c'est la tentative d'un Emmanuel Macron qui tente d'incarner la volonté du peuple, mais sans la légitimité !] Mais il ne rejette pas la nécessité d'une représentation des forces et des intérêts du pays. En cela, il se sépare de l'absolutisme de ses prédécesseurs. Certes, il ne précise pas les contours des institutions nouvelles, mais on peut penser qu'il s'accommoderait d'une Chambre des députés permanente, sans distinction d'ordres ni de classes, chargées à ses côtés de confectionner les lois et de voter les impôts. En revanche, il pense que l'exécutif doit être fort et revenir intégralement au roi, à qui incomberaient le droit de paix et de guerre, celui de soumettre au parlement les projets de loi. Les ministres seraient nommés par lui et responsables seulement devant lui.
[...] Sa critique des Jacobins et des sociétés populaires est révélatrice des limites de son ouverture politique. Il a mis le doigt sur l'un des fléaux de la Révolution qui ont empêché sa stabilisation : la toute-puissance des factions, petites minorités agissantes et turbulentes, forces de négation et de révolte, éprises de violences, affichant superbement leur volonté de puissance et qui, sous prétexte d'éduquer le peuple, parlent en son nom, l'endoctrinent, manipulent l'opinion, suscitent des pétitionnaires qui viennent régulièrement interpeller les députés. Non seulement ces minorités s'approprient le pouvoir de l'Assemblée, mais elles détourent à leur profit la souveraineté du peuple. Étrangement prémonitoires, ces pertinentes observations rejoignent les analyses des historiens modernes, d'Augustin Cochin à François Furet, qui ont été frappés par le rôle des clubs dans la montée de cette démocratie intolérante et totalitaire, radicalement contraire à la Déclaration des droits de l'homme ! » (Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin, Lonrai 2012, p. 809-812.)
« Parcourez tous les articles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans tous vous trouverez plus ou moins déguisés le mensonge du considérant fondamental.» (Abbé Vial, Jeanne d'Arc et la Monarchie, 1910, réed. Editions Saint-Rémi, p. 33-40, 561.)
Les révolutionnaires de 1789 dans leur combat contre l'« absolutisme » utilisent le même vocabulaire que celui des nobles et des parlementaires d'Ancien Régime, qui au nom des libertés, de la nation, des droits fondamentaux, du peuple, de la suprématie de la loi et de la souveraineté de la nation, refusaient toute réforme royale d'égalité devant l'impôt !, et se revendiquaient comme les membres d'un Corps (en réalité arcbouté sur la défense de ses privilèges) susceptible de s'opposer au corps du Roi. Ces parlementaires proclamaient les « lois fondamentales du royaume » dont ils se disaient être les gardiens, l'indépendance de la justice, la dévolution du droit à consentir l'impôt. Il liait le sort des parlements entre eux et déclaraient les magistrats inamovibles. Le vocabulaire des révolutionnaires de 1789, identique à celui des privilégiés de l'Ancien régime, était susceptible de rassembler l'opinion publique d'autant plus qu'il était polysémique. (Cf. L'obstruction parlementaire sous Louis XV et Louis XVi. Lire: Michel Antoine, Louis XV ; et Frédéric Bluche et Stéphane Rials, Les révolutions françaises.)
Incohérence de l'article 14 " Tous les citoyens ont le droit de constater eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique" ?
« On lit [...] dans l'article 14 :"Tous les citoyens ont le droit de constater eux-mêmes ou par leur représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée." A quoi se réduit dans la pratique cette pompeuse garantie ? La majorité de la chambre nomme une commission d'environ quarante membres. [...] Ces trente ou quarante membres réunis dans un appartement isolé échafaudent un budget de trois milliards, que la majorité se hâte de voter à quelques cent millièmes près. Tous les citoyens, c'est-à-dire un sur un million, ont constaté la nécessité d'imposer à la France une contribution phénoménale, l'ont consentie librement, etc. La dérision pourrait difficilement être plus complète. Une immense et barbare dérision, c'est bien le dernier mot de cet étalage de droits de l'homme, de liberté, de consentement général. - En fait, c'est la confiscation de tout droit, l'esclavage le plus absolu; et cela en vertu d'un blanc-seing qu'on n'est as libre de refuser, dont la multitude ne choisir que fictivement le dépositaire. » (Père J.-B.-J. Ayroles, Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, 1885, Rééd. Éditions Saint-Rémi, Cadillac 2009, p. 262.)
Incohérence de l'article 17 : décalage entre le beau discours sur la « propriété » «droit inviolable et sacré » et les vols des biens du clergé, de la Couronne et des émigrés
« Tandis que l'article 17 affirme que "la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité", l'Assemblée nationale constituante, deux mois et une semaine plus tard, décide de mettre "les biens ecclésiastiques à la disposition de la Nation". (L'Église) Le premier propriétaire de l'État se voit donc privé de sa propriété, pourtant "inviolable et sacrée", sans bénéficier pour autant de la moindre indemnité. Plus tard, les émigrés, les insurgés et les condamnés à mort de la Terreur verront à leur tour leur propriété confisquée purement et simplement. Jamais la propriété ne sera aussi peu respectée qu'après qu'elle aura été reconnue "inviolable et sacrée." » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 94-95)
«Le révolutionnaire Le Chapelier, déclara « que ce n'était pas seulement pour éviter la banqueroute qu'il fallait enlever ses biens à l'Église, mais "pour détruire l'ordre du clergé", au nom de l'égalité nécessaire.
Par 568 voix contre 346, un décret rédigé par Mirabeau, mit les biens du clergé à "la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres". Le décret parut sous la signature du roi et sous le contreseing du garde des sceaux Mgr Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 20.) Joli progrès du droit de propriété et de la laïcité en 1789 !
« On commença par dresser des inventaires. Puis une première tranche des biens confisqués – biens de la Couronne et biens du clergé – fut mise en vente pour 400 millions. Puis, par deux décrets, votés en juillet et octobre 1790, l'aliénation totale des biens ecclésiastiques fut autorisée. L'Église perdait donc à la fois toutes ses sources de revenus, les dîmes étant abolies et les autres richesses spoliées. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 20.)
« L'État y gagna-t-il assez pour se sauver de la faillite ? Nullement. La mise en vente d'un seul coup d'une si grande quantité de terres et d'immeubles en fit baisser la valeur rapidement. Les "assignats", billets gagés sur les biens confisqués, ayant fait l'objet d'une inflation sans mesure, perdirent de leur valeur nominale très vite, au point qu'on devait en arriver à payer un hectare de bonnes terres au prix d'une motte de beurre. » (Daniel-Rops, Histoire de l'Église du Christ, IX, L'Église des Révolutions, ibid., p. 21.)
Le vol des biens du clergé, c'est-à-dire la violation du droit de propriété proclamé par la déclaration des droits de l'homme de 1789 sera renouvelée avec la soit-disant loi sur la "laïcité" en 1905. L'année suivante, en 1906, dans l'encyclique Vehementer nos, le pape S. Pie X protesta contre cette loi de spoliation :
«la loi de séparation viole encore le droit de propriété de l'Eglise et elle le foule aux pieds! Contrairement à toute justice, elle dépouille cette Eglise d'une grande partie d'un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes, ou pour le fonctionnement des différentes oeuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques où l'on chercherait vainement le moindre vestige de religion! En quoi elle ne viole pas seulement les droits de l'Eglise, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs et des testateurs! Il nous est extrêmement douloureux aussi qu'au mépris de tous les droits, la loi déclare propriété de l'Etat, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs au Concordat.»
Le 24 avril 1793, Robespierre définissait la propriété comme "le droit qu'a tout citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui est est garantie par la loi." Pour lui, la propriété n'était pas naturelle, elle n'existait que par la loi, soumise à la volonté du législateur. Dès lors l'impôt devait permettre une redistribution des richesses afin d'être l'instrument d'une égalisation obligatoire et relative des conditions. Il proposa d'établir un impôt "progressif", idée que la république radical devait mettre en oeuvre au début du XXe siècle. (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 174.)
« Les "acquis de la Révolution" désignent d'abord le gigantesque transfert de propriété des biens nationaux, [...] qui a permis à nombre de petits notables d'arrondir substantiellement leur patrimoine au détriment du clergé, des émigrés et des victimes de la Terreur. Les plus habiles et les plus cupides bâtirent alors de véritables fortunes, détruisant parfois de véritables chefs-d'oeuvre comme l'abbatiale de Cluny. Ils furent bientôt les grands notables de la bourgeoisie française.
Napoléon Bonaparte couronnera ces fortunes récentes de charges administratives, de décorations et, parfois même, de titres nobiliaires, enracinant dans le paysage social une nouvelle élite. » (Philippe Pichot-bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 246-247.)
« Quelques années plus tard, dans une lettre adressée au comte de Chambord, le 14 janvier 1852, Alexis de Tocqueville écrivait:
"Je ne suis pas de ceux qui disent avec assurance que la longue et terrible révolution à laquelle nous assistons depuis soixante ans aboutira nécessairement et partout à la liberté. Je dis, au contraire, qu'elle pourrait bien finir par mener partout au despotisme." » (Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Gallimard, Paris 1964, p. 89-90, dans Philippe Pichot-bravard, La Révolution française, Via Romana 2014, p. 267.)
De plus en plus de gens aujourd'hui savent que ce n'est pas les autres États européens qui déclarèrent la guerre à la France révolutionnaire, mais que c'est la république qui déclara la guerre à l'Europe. Ce n'est pas pareil...
Ce sont les révolutionnaires Girondins qui ont organisé la déroute pour établir la preuve de la trahison du roi : "En 1792 déjà, la rupture de l'alliance avec l'Autriche avait été décidée par les révolutionnaires en fonction de principes idéologiques et de calculs partisans : les Girondins avaient voulu, en déclarant la guerre à l'Autriche sous prétexte d'une imaginaire coalition internationale contre la Révolution, non seulement porter un coup fatal à l'alliance forgée par la monarchie, mais attaquer le roi dans ses alliances familiales et démontrer ainsi - à condition que cette guerre fût perdue dans les meilleurs délais - qu'il était, au coeur de la France révolutionnaire, le représentant et l'allié des ennemis de la Révolution. 'Nous avons besoin de grandes trahisons', avait avoué Brissot, l'un des artisans de ce projet, en se réjouissant par avance des défaites qui établiraient ainsi la preuve de la trahison royale." (Source: Patrice GUENIFFEY, Histoires de la Révolution et de l'Empire, Perrin, Collection Tempus, Paris 2011, p. 670.)
"Nous ne pourrons être tranquilles dit Brissot, que lorsque l'Europe, et toute l'Europe, sera en feu".
Jacques Pierre Brissot, qui avait des biens à Ouarville dans l'Eure-et-Loir, et qui en bon anglomane, se disait Brissot de Warville, était en fait le stipendié des banquiers et des hommes d'affaires (René Sédillot, Le Coût de la Terreur, Vérités et Légendes, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 1990, p. 213-214), en plus d'être le secrétaire général et trésorier de chancellerie du duc d'Orléans, alors « Grand Maitre du Grand Orient de France » (Bernard Faÿ, La Grande révolution 1715-1815, Le Livre contemporain, Paris 1959; p. 183, 345 et suivantes, 367, 369, 407). Or, le girondin Brissot appelait à la guerre « révolutionnaire » (sic) « pour libérer les peuples » (re sic). Jusque-là, Brissot s'était illustré comme « philanthrope », « ami de l'humanité », un grand créateur (et financeur !) de sociétés dites « philosophiques », en réalité de véritables postes centraux maçonniques dispersés sur l'ensemble du territoire.
"La guerre de la liberté, (dit Brissot, Ndlr. ce 16 décembre 1791) est une guerre sacrée, une guerre commandée par le ciel; et comme le ciel elle purifie les âmes. [...] Au sortir des combats, c'est une nation régénérée, neuve, morale; tels vous avez vu les Américains: sept ans de guerre ont valu pour eux un siècle de moralité. [...] La guerre seule peut égaliser les têtes et régénérer les âmes. » (Jacques-Pierre Brissot de Warville, Discours du 16 décembre 1791, cité dans Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, p. 72.)
« Comment ne pas rapprocher ces propos de ceux, fréquents, chez Billaud-Varenne – par exemple dans son grand discours du 1er floréal an II (20 avril 1794) : "La guerre, qui paraissait devoir consommer notre ruine, est pourtant ce qui nous a sauvés. La guerre, en enflammant tous les esprits, en agrandissant tous les coeurs, en inspirant, comme passion dominante, la gloire de sauver la patrie, a rendu le peuple constamment éveillé sur ses dangers, sans cesse exaspéré contre les forfaits de la monarchie et du fanatisme." Comme chez Brissot, la guerre constitue ici une refonte morale, elle tend à créer le "caractère national" (expression de Billaud) que le gouvernement révolutionnaire recherche. » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, p. 72.)
« [L]a guerre avait également chez Brissot une visée économique : "Enfin, n'y a-t-il pas un commerce au milieu des guerres ?" [...] Il faut cependant signaler que les "brissotins" ne furent pas les seuls initiateurs de la guerre; comme l'ont signalé F. Furet et D. Rocher (La Révolution française), c'est tout le courant d'esprit démocratique en France qui s'enflamma pour elle ! » (L. Jaume, ibid., p. 73.)
« Les Brissotins (ou "Girondins") avaient voulu, en déclarant la guerre à l'Autriche (20 avril 1792), porter un coup fatal à la monarchie, en se réjouissant par avance de la défaite militaire de la France, qui établirait enfin la preuve de la "trahison du roi"... » (P. Gueniffey, Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin, Collection Tempus, Paris 2011, pages 176, 227 et 670).
Au sujet de l'insurrection du 10 août 1792 au cours de la quelle le Palais des Tuileries, siège de l'exécutif fut pris, le politologue Lucien Jaume indique que « ces manifestants [...] ont été préparés politiquement et militairement, car l'insurrection n'est pas spontanée.» (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, note 65, p. 84.) « Le 10 août résulte, pour une part, de la collusion supposée entre La Fayette et les amis de Brissot, l'appel à la "grande lessive" au sein de l'Assemblée se formule et se prépare chez les Jacobins, tout en étant finalement exécutée par d'autres: les sections, les membres de la Commune, des organes insurrectionnels, le Peuple dans sa colère.» (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, p. 89.) « Sur le directoire secret, une synthèse est fournie par G. Maintenant : Les Jacobins, coll. Que sais-je? PUF, Paris 1984, p. 52-58.» (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, note 65, p. 425.)
Et l'abbé Barruel, en 1779, ajoute ces informations à propos de la « conspiration du 10 août » (sic) ourdie non pas par les royalistes comme l'a laissée entendre la propagande robespierriste (belle inversion accusatoire!) mais « ourdie par Brissot », ce qui n'est pas pareil ! (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, éd. de Chiré, tome 2, Poitiers 2005, p. 468).
En effet, après le 10 août, « dès lors, on les entend dire dans leur club, ce que Brissot écrivait ensuite aux généraux de sa Révolution: "Il faut incendier les quatre coins de l'Europe, notre salut est là !" (Voyez Considér. sur la nature de la Révol. par M. Mallett du Pan, p. 37).
Par la voie des adeptes et des clubs, répandus dans l'intérieur, ils excitent en même temps des troubles continuels, pour en faire retomber l'odieux sur le roi et sur la reine. Dans le sein de l'Assemblée, sous prétexte d'écarter le danger dans lequel tant de séditieux semblent mettre la France, sous le nom de Commission extraordinaire, ils composent ce Comité secret, dont la faction est appelée celle des Girondins. C'est là que Brissot, à la tête de ses Élus, [...] prépare et rédige, dans le silence des complots, les décrets consommateurs de la rébellion. Il voudrait lui donner l'apparence d'une révolution toute philosophique, toute sollicitée par un peuple philosophe, lassé de ses monarques, et ne voulant enfin avoir d'autre roi que lui-même. Il envoie ses émissaires dans les provinces; ils reviennent lui apprendre que le peuple français ne se résout point à se passer de roi. Il sonde l'Assemblée législatrice elle-même; la grande majorité se trouve encore disposée comme le peuple. Ce qu'il n'a pas pu faire en sophiste et par conviction, il le fera au moins en tyran, par les piques et les foudres des brigands. Il appelle tous ceux que la Révolution a rassemblés vers le midi, sous le nom de Marseillais. Les Jacobins de l'Occident sont avertis de faire avancer vers Paris leurs brigands de Brest. Dans Paris même, il dévoile ses projets à tous les chefs des Jacobins. Barbaroux et Panis, Carra et Beaujois, vicaire intrus de Blois, de Besse de la Drôme, Galissot de Langres, Fournier le Créole, le général Westermann, Kieulin de Strasbourg, Santerre, le brasseur, Antoine de Metz, Gorsas, le journaliste, se joignent aux Girondins. Les Conseils se tiennent tantôt chez Robespierre, tantôt à l'auberge du Soleil d'Or, auprès de la Bastille. Sieyès, avec son club des Vingt-deux et l'arrière-conseil des Jacobins, fournit tous ses moyens. Marat et Prud'homme, et Millin, et tous les journalistes du Parti, ajoutent chaque jour aux calomnies, contre Louis et son épouse. Alexandre et Chabot soufflent la rage aux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau. Philippe d'Orléans (grand-Maître du Grand Orient de France. NdCR.) les sert tous de son argent et de son parti, parce qu'il espère se servir de tous pour monter sur le trône après en avoir précipité Louis XVI. [...] Tous les conseils sont pris et les brigands sont arrivés; le tocsin a sonné toute la nuit; le 10 août paraît.
[...] Pour la conviction du lecteur, lisons ces paroles de Brissot : "[...] On m'accuse [...] d'avoir présidé la Commission extraordinaire; et si de bons esprits de cette Commission n'avaient pas préparé, et même longtemps avant le 10 Août, les décrets sauveurs de la France, de la suspension du Roi, de la convocation de la Convention, de l'organisation d'un ministère républicain. [...] Qu'on calomnie tant qu'on voudra la journée du 10 Août; la valeur des Fédérés, et les décrets réfléchis de l'Assemblée nationale, préparés par la Commission, immortaliseront à jamais cette journée." (Lettre de Brissot à tous les républicains de la France, de la Société des Jacobins, le 24 octobre 1792.) [...] Et parlant ensuite des Girondins, [...] continue Brissot, "[...] [l]a défaite des Patriotes était inévitable. Il fallait donc louvoyer pour se donner le temps, ou d'éclairer l'opinion publique, ou de mûrir l'insurrection, car la suspension ne pouvait réussir que par l'un ou l'autre. Tels étaient les motifs qui me dictèrent ce discours du 26 juillet (1792), qui m'a valu tant d'injures et me fit ranger parmi les royalistes." [...] Ces insurrections, qu'on nous donne pour les grands mouvements du peuple, de la majorité de la Nation, ne sont précisément que les grands mouvements des factieux contre la majorité de la Nation; que si la Nation eût pensé comme ces factieux, ils n'auraient pas eu besoin de réunir tous leurs brigands pour triompher par les armes et la terreur, d'une Nation qui n'a que son opinion sans armes et prise au dépourvu.
[...] L'historien pourra trouver toute l'histoire de cette atroce révolution du 10 août, dans les discours du député Louvet (journaliste, conventionnel régicide, député aux Cinq-Cents. NdCr;) : "Nous voulions la guerre; [...] nous la voulions, nous autres Jacobins, parce qu'à coup sûr la paix tuait la république... Parce qu'entreprise à temps, ses premiers revers inévitables pouvaient du moins se réparer, et devaient purger à la fois le Sénat, les armées et le trône... Ils appelaient la guerre, tous les Républicains dignes de l'être."
[...] Ainsi, ces conjurés législateurs ont fourni eux-mêmes à l'histoire toutes les preuves de leurs forfaits et de leurs complots contre la Royauté. » (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, éd. de Chiré, tome 2, Poitiers 2005, p. 469-474.)
La guerre conçue comme un moyen d'arriver à la fin républicaine est une méthode bien analysée par Patrice Gueniffey :
« L'incendie qui devait mettre le feu à toute l'Europe pendant un quart de siècle résulta des calculs et des intérêts des différents partis. [...] L'exploitation des tensions internationales, voire leur fabrication pure et simple au moyen de l'adoption de mesures exceptionnelles à des fins de politique intérieure: Brissot ne devait pas oublier la leçon, puisqu'il la mit en oeuvre dès le mois d'octobre (1791) pour son propre compte, dans un environnement international aussi peu propice à la guerre qu'il l'était en juillet (1791). [...] Les Girondins orchestrent la campagne d'opinion destinée à imposer la guerre. [...] Les sang versé devient un acte de justice, la source même de la vertu. La guerre qui extermine les ennemis de la liberté doit faire le même mouvement "régénérer" ceux qui la font, tuent et se font tuer. La guerre, clame Brissot, "purifie les âmes". Elle [...] enseigne l'égalité : "En confondant les hommes et les rangs, en élevant le plébéien, en abaissant le fin patricien, la guerre seule peut égaliser les têtes et régénérer les âmes." (Jacques Pierre Brissot, Discours sur la nécessité de déclarer la guerre aux princes allemands qui protègent les émigrés, prononcé le 16 décembre 1791, Paris, impr. du Patriote français, 1791, p. 14-16, dans Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 133;137; 161-162.)
Certains historiens robespierristes cherchent à défendre la Révolution en justifiant la violence révolutionnaire par le danger que représentait les « contre-révolutionnaires ». C'est la thèse de la « guerre défensive » à l'intérieur et à l'extérieur qui se résume grosso modo par l'adage illuministe d'Adam Weishaupt : « la fin sanctifie les moyens. » (Source de cet adage illuministe repris par tous les révolutionnaires jusqu'à aujourd'hui: Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1797, réédition Chiré, Poitiers 2005, tome II, p. 102.)
Lire: Illuminés de Bavière : l'illuminisme au XVIIIe siècle
La fin chez les soit-disant philosophe et l'illuminisme du XVIIIe siècle justifie en quelque sorte l'emploi de tous les moyens.
La Terreur n'aurait été qu'un réflexe défensif de la république contre la peur que lui aurait inspirée les insurrections populaires de 1793. Le peuple qui se souleva partout en France contre la levée en masse de 300.000 hommes (décret du 23 février 1793) suscita lui-même les mesures de violence que le gouvernement révolutionnaire décréta contre lui !
Aux insurrections spontanées à Marseille, Lyon, Toulon, Bordeaux, et en Vendée répondit la force armée et la « Terreur » au nom du « Peuple souverain », et de la « Liberté ». Les républicains ne craignent pas la contradiction : « Liberté » et surtout coercition ! « Qu'un sang impur abreuve nos sillons ! »
« Nombre d'historiens ont expliqué, et implicitement justifié, la Terreur par le péril qui menaçait la patrie théorie des circonstances). Ainsi Jean-Clément Martin fait de la Terreur le fruit conjugué du péril extérieur et de la faiblesse de l'État.
« Plus qu'un excès d'État, […] c'est au contraire le manque d'État, […] qui explique cette explosion de violence » (J.-C. Martin, La Révolution française (1789-1799), une histoire socio-politique, Paris, Belin, 2008, p, 207. Du même auteur : Une nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, Perrin, 2012). » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana, 2014, p. 208
« Cette affirmation n'a qu'un but, explicitement assumé : dédouaner le gouvernement révolutionnaire de 1793 de toute parenté avec les expériences totalitaires du XXe siècle » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana, 2014
p. 209.)
Parmi ces historiens, Jean-Clément Martin est « l'auteur, l'acteur et le continuateur de la politique de mémoricide », explique Reynald Sécher dans « Vendée: Du Génocide au Mémoricide. » Le mémoricide étant « un crime contre l'humanité qui consiste à concevoir, réaliser, être complice, tant dans la conception que dans la réalisation partielle ou totale, d'une volonté ou d'un acte dont la finalité est de nier, relativiser, justifier, partiellement ou totalement dans le temps, un acte premier de génocide. » (Reynald Sécher, Vendée: Du Génocide au Mémoricide, Mécanique d'un crime légal contre l'Humanité, Editions du Cerf, Paris 2001, p. 247 et 267.)
Philippe Pichot Bravard, explique que les colonnes exterminatrices dites « infernales » du général Turreau en Vendée commencèrent alors que les armées vendéennes avait été vaincues : le gouvernement révolutionnaire ne pouvait donc plus justifier le génocide au nom d'un pseudo « salut public ». Tout indique que la Révolution en 1793-1794 ne fut rien d'autre qu'une guerre de la république contre le peuple français et contre les peuples européens qualifiés (déjà) de « réfractaires au changement » !
« [L]es impératifs du salut public... ne permettent pas de comprendre la prolongation de la Terreur après l'automne 1793, après la prise de Bordeaux, de Lyon, de Toulon, après la déroute de l'armée vendéenne au Mans (12 décembre) et à Savenay (23 décembre), après les victoires de Wattignies (16 octobre), du Geisberg et de Wissembourg (26-27 décembre). Or, c'est précisément après ces victoires, alors que le danger s'éloignait, que la Terreur atteignit son apogée. Ainsi, les colonnes du général Turreau entreprirent l'extermination de la Vendée et de ses habitants après la destruction de l'armée vendéenne à Savenay, en application d'un plan général approuvé par le Comité de Salut public de la Convention. La loi de prairial an II aggrave à Paris la Terreur, alors que tout danger a disparu depuis plusieurs mois déjà, tant sur le théâtre extérieur que sur le théâtre intérieur. » (Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, Via Romana, 2014, p. 210.)
Le génocide en Vendée démarre à l'automne 1793 par un décret-loi voté à l'unanimité par la Convention, le 1er octobre 1793, relatif à la création de l'armée de l'Ouest et à l'"extermination des brigands vendéens". "Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d'Octobre : le salut de la Patrie l'exige." (Reynald Sécher, ibid., p. 241.)
« Le Comité de salut public [11 novembre 1793],... a arrêté un plan vaste général tel que les brigands doivent disparaître en peu de temps non seulement de la Vendée mais de toute la surface de la république.» (Reynald Sécher, ibid., p. 81.)
« Le Comité de salut public [17 décembre 1793] La Convention nationale vous appelle à l'honneur d'exterminer les brigands fugitifs de la Vendée. (Reynald Sécher, ibid., p. 81.)
Le général Turreau, organisateur des colonnes "infernales" |
Le général « bon républicain », propose par écrit, le 24 janvier 1794, un nouveau plan d'extermination et d'anéantissement de la Vendée basé sur les colonnes mobiles dites « infernales » et espère ainsi sous quinze jours, avoir exterminé tous les habitants de la Vendée. Le 6 février 1794, le député Lazare Carnot, au nom du Comité de salut public, donne son accord à ce nouveau plan dit « Turreau »... (Reynald Sécher, ibid., p. 140-141.)
Le dernier bilan chiffré des victimes de la Terreur en vue de « salut public » oscille entre 117 000 et 200 000 :
« Dans sa thèse d'Etat, Reynald Secher affirme qu'il y en a eu "au moins 117 257 (R. Sécher, Le Génocide franco-français, La Vendée-Vengé, Paris, PUF, 1986, 2è éd., Perrin 2006) Il s'agit d'un minimum. Le chiffre réel est sensiblement plus élevé, avoisinant les 200 000, ce qui représente le quart ou le tiers de la population des paroisses insurgées. » (Philippe Pichot-Bravard, ibid., p. 222.)
« Terreur : Combien de morts ? Le bilan estimé des morts liées à la Révolution demeure toujours incertain, peut-être impossible. On s'en remet souvent aux calculs de Donald Greer en 1935 qui recense 30 000 à 40 000 victimes des procédures juridiques (fusillées et guillotinées). Il s'agit d'une base minimale à laquelle il faut ajouter environ 170 000 victimes vendéennes et sans doute 20 000 à 30 000 soldats républicains morts dans l'Ouest. » (Patrice Gueniffey, La Révolution française, Préface de Michel Winock, L'Histoire Editions, p . 119-120.)
Le grand absent des droits de l'homme de 1789: le droit à la sécurité
La déclaration des droits de l'homme (de 1789) n'était pas un droit à la sécurité. « Le doyen Georges Vedel soulignait que, dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le terme de sûreté désignait la liberté au sens de Montesquieu, le fait de ne rien craindre de l'autorité et de pouvoir aller et venir librement: bref la liberté individuelle. (Georges Vedel, Cours de droit constitutionnel, éd. Les Cours du droit, Paris 1952-1953, p. 173) Et Jean Morange, un des principaux spécialistes actuels des droits de l'homme, confirme que la sûreté consistait à ne pas risquer de faire l'objet d'une poursuite, d'une détention ou d'une arrestation arbitraire. (Jean Morange, La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Puf, Paris 2002, p. 46). Cela n'a pratiquement rien à voir avec la reconnaissance d'un droit à la sécurité des personnes et des biens, refusé par l'idéologie des droits de l'homme.
[...] Pourtant, en 1789, [...] dans les cahiers de doléances rédigés en vue de la réunion des États généraux, on trouve de fréquentes plaintes contre le trop petit nombre des cavaliers de la maréchaussée: on en voudrait bien davantage. [...] Les droits de l'homme déclarés le 26 août 1789 n'ont pas pris en compte l'aspiration populaire à la sécurité des biens et des personnes. Les juristes bourgeois de la Constituante ont créé des droits répondant à leurs propres préoccupations: celles de politiciens fortunés ou aisés, contestataires et ambitieux, voulant pouvoir fronder en toute sécurité le gouvernement royal. Le droit-de-l'hommisme de la Révolution française fut un luxe d'idéologues nantis, très loin des mentalités populaires, lesquelles restaient très proches du Décalogue et de sa volonté de museler le mal présent en l'homme. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 163-165.)
« Les hommes de 1789 voulaient faire table rase de la France existante pour construire en France ex nihilo la cité idéale, puis très vite la faire passer du cadre national au cadre international. [...] La Révolution se pense comme le modèle de l'avenir radieux pour le monde entier. [...] La liberté était d'abord mis en avant, afin d'abattre le pouvoir des rois : la liberté ou la mort ! Mais, ensuite c'était l'égalitarisme qui passait au premier plan. Il y a eu à Bordeaux, une rue appelée : J'adore l'égalité. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 202-203)
Belle réussite ! La liberté fut d'abord mise en avant, afin d'abattre le pouvoir des rois: La Liberté ou la mort ! L'historien Jean de Viguerie a pu préciser : « Certains révolutionnaires en 1789 ont même dit : "La liberté ET la mort..." La mort à tous les points de vue, physique, spirituel, moral... »
La mort pour les réfractaires, les nobles, le petit peuple, la mort pour tous ceux qui ne voulaient pas de l'utopie millénariste.
« [...] La "Grande nation", ainsi que s'appelait elle-même la France révolutionnaire, s'est taillée par des interventions militaires présentées comme libératrices, tout un empire de pays annexés et d'États vassaux soumis au régime républicain - les républiques soeurs -, allant du sud de l'Italie au nord de la Hollande. (J.L. Harouel, Les républiques soeurs, Puf, Paris 1997.) Un impérialisme que Napoléon, qui fut à bien des égards la Révolution bottée, va reprendre et amplifier. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 202-203)
La république du soupçon des « Argus, Surveillants, Dénonciateurs, Sentinelles et Aveugles clairvoyants » repose tout entière et seulement dans l'exercice du soupçon (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 70)
« Dès son commencement, l'histoire révolutionnaire est polémique. Les chefs du mouvement populaire et leurs agents, journalistes, pamphlétaires, orateurs, tribuns, dénoncèrent tout de suite le complot des gens de cour et des aristocrates contre la "volonté du peuple". » (Bernard Faÿ, L'homme mesure de l'histoire, La Recherche du Temps, Labergerie, Paris 1939, p. 77-80.)
« L'idéologie révolutionnaire est à la recherche d'auteurs, de responsables, d'un ou plusieurs "individus" à désigner. » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, note 65, p. 170.) « La recherche et la dénonciation nominale des ennemis de la Nation ou du Peuple n'a pas été le propre des Jacobins; il s'agit d'une conduite généralisée dès le début de la Révolution. » (L. Jaume, Le Discours jacobin, ibid., p. 192.)
« Lors du serment du Jeu de Paume, lors du soulèvement du 14 juillet, lors de l'émeute des 5 et 6 octobre, [le 10 Août] ce fut toujours la peur des "complots aristocratiques" qui entraîna le peuple et servit à le pousser à l'assaut. L'assassinat de Foulon et de Berthier, l'arrestation puis l'exécution de Favras n'eurent point d'autre cause. Plus tard les évènements qui suivirent, la fuite à Varennes, les affaires de juin 1791, celles de juillet et d'août, celles de septembre 1792 et toutes les "journées" que firent la Convention, les Thermidoriens et le Directoire, sont le résultat de l'orchestration de cette "lutte contre les conspirations." De 1788 à 1798, la presse et les brochures jacobines regorgent de ces dénonciations, démonstrations et déclarations. » (Bernard Faÿ, L'homme mesure de l'histoire, La Recherche du Temps, Labergerie, Paris 1939, p. 82.)
« Le Jacobin [...] développe l'argumentation qui devient ensuite un lieu commun du discours de la Terreur : ce qui est un mal sous le régime du "despotique", devient un bien lorsque le peuple est au pouvoir par la médiation de ses vrais représentants : "Sous l'ancien régime, le rôle de dénonciateur était vil et abject, [...] mais depuis la Révolution tout est changé, et la dénonciation politique, loin d'être un crime en morale, est devenue une vertu et un devoir." De ce fait, il faut aller plus loin, et dire que le non-dénonciateur devient dénonçable : "Se taire, quand il y va du salut public, c'est se rendre complice des ennemis." » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin, ibid., p. 204.)
« En cela, les militants de l'an II [...] se croyaient fidèles au conseil que Rousseau avait énoncé: "Faire en sorte que tous les citoyens se sentent comme immédiatement sous les yeux du public, que chacun dépende absolument de tous" (Gouvernement de Pologne). » (L. Jaume, Le Discours jacobin, ibid., p. 209.)
Après l'obsession de l'écrit pour donner une existence à de qui n'existe pas (Voir Mensonge l'article 1), « l'imaginaire du complot remplit une autre fonction encore. La crainte du "complot aristocratique" est en effet le vecteur par lequel la nation se constitue. [...] La nation [révolutionnaire. NdCR.] se définit par ce qu'elle rejette; elle prend forme forme matérielle, consistance et réalité, à travers la mobilisation qu'entraînent les rumeurs sur les complots qui le menacent. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 65.)
« Le fantasme du "complot aristocratique" envahit très vite l'espace du discours révolutionnaire.
[...] [I]l suffit de considérer le flot ininterrompu des dénonciations qui sont adressées au Comité des recherches de l'Assemblée constituante (Pierre Caillet, Comité des recherches de l'Assemblée nationale 1789-1791, Inventaire analytique de la sous-série D XXIX bis, Paris, Archives nationales, 1993.)
L'inventaire de cette correspondance présente un tableau à la mesure de l'intensité de la passion égalitaire qui s'empare du pays en 1789. Il convient de préciser que cette frénésie dénonciatrice témoigne autant de l'irruption de l'esprit révolutionnaire que de la persistance de cette mentalité traditionnelle déjà évoquée et accoutumée à incriminer des conspirateurs.
« [...] En conduisant à l'organisation spontanée, dans toute la France, des gardes nationales pendant l'été 1789, l'obsession du complot a finalement donné un visage à l'idée plutôt abstraite d'une société d'individus sans autre lien réciproque que l'identité des droits possédés séparément par chacun d'entre eux. Le fantasme d'une menace pesant sur les droits récemment conquis a réalisé ce que ces droits ne pouvaient par eux-mêmes produire: la réinvention d'une communauté, par l'exclusion au moins symbolique d'une fraction de ses membres. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 64-65.)
« Le 23 juillet 1789, la Constituante fut saisie de deux propositions d'une l'une visait à créer un comité chargé de "recevoir les dénonciations contre les ennemis des malheurs publics" et l'autre tendait à établir un "tribunal spécial pour juger les personnes arrêtées sur le soupçon de crime de lèse-nation" (Albert Métin, Les Origines du Comité de sûreté générale de la Convention nationale, La Révolution française, 1895, p. 257-270 et 340-363, ici p. 259, dans Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 81-82.)
« [...] Marat exerce très tôt, parce qu'il campe sans jamais faiblir sur la crête la plus élevée du radicalisme révolutionnaire, une sorte de "royauté" dans un domaine bien encombré : celui de la dénonciation. Car Marat n'est pas le seul à s'être donné pour mission la surveillance et la dénonciation des complots et des agissements coupables. [...] Argus, Surveillants, Dénonciateurs, Sentinelles et même Aveugles clairvoyants : telles sont les publications qui se bousculent aux étalages des libraires. [...] L'originalité de Marat [...] est dans son style théâtral, frénétique et compulsif, dans l'étendue des complots qu'il dénonce, dans le nombre de ceux qui s'y trouvent compromis, enfin dans la violence des solutions qu'il préconise. Au chapitre des châtiments indiqués pour déraciner le mal, Marat [...] exhorte ainsi ses lecteurs à passer les ennemis de la patrie au fil de l'épée; il voudrait qu'on les lapide, qu'on les poignarde, qu'on les fusile, qu'on les pende, qu'on les brûle, qu'on les empale ou qu'on les écartèle, et, à défaut, il conseille qu'on leur coupe les oreilles ou qu'on leur tranche les pouces afin de les identifier plus aisément.
Ce délire homicide n'exclut pas une grande précision lorsqu'il s'agit d'estimer le nombre des têtes à faire tomber. "Quelques têtes abattues à propos, écrit-il en 1790, arrêtent pour longtemps les ennemis publics."
[...] Lorsque Marat propose d'abattre "quelques têtes", ces mots n'ont pas le sens qu'on leur donne communément. Ici, "quelques têtes" signifie aussi bien plusieurs milliers. En juillet 1790, il déplore que l'on n'ait pas immolé les cinq cents coupables dont la mort aurait permis d'assurer, au moins quelque temps, le bonheur de la nation; un mois plus tard, le chiffre des victimes à sacrifier passe à six cents, puis bondit à la fin de l'année à vingt mille, pour doubler après la chute de la royauté et atteindre le chiffre très précis de deux cent soixante-dix mille traîtres à éliminer en novembre 1792. Violence regrettable sans doute, concède Marat, mais indispensable, et même humanitaire si on la compare aux vingt mille patriotes que la contre-révolution, assure-t-il, a déjà assassiné et aux cinq mille autres dont elle a juré la mort.
[...] Marat [...] n'est pas sans exprimer [...] quelque chose de la Révolution : il témoigne à sa façon, comme l'observe Mona Ozouf, du pouvoir acquis par cette nouvelle puissance qu'est l'opinion publique; il invente, mieux que d'autres peut-être par la forme paroxystique qu'il lui donne, le magistère du "journaliste redresseur et formateur de l'opinion", si absorbé par l'accomplissement de sa mission.» (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 70-71.)
Aujourd'hui, l'imaginaire du complot revient dans le discours de l'Otan sur le "complot russe", seul complot autorisé : un discours fantaisiste destiné à renforcer la solidarité de l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord par rapport à une menace qui n'existe pas.
L'imaginaire du complot (en moins violent),a également pu être en 2016 celui d'une Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale décorée par la franc-maçonnerie (source) pour sa lutte contre le « complotisme », qui n'aurait pas démérité des grands ancêtres de 1789, pour sa dénonciation des « sites complotistes qualifiés d'"armes de désinformation massive". » « A peine vingt minutes après son arrivée et une remise de médaille plus tard, Najat Vallaud-Belkacem quittait déjà la Bourse - un bouquet de fleurs sous le bras. "Najat avait un rendez-vous urgent ou quoi ?", s'étonne un membre de l'assemblée. Cette visite est un "simple déplacement parmi tant d'autres", "déconnectée" du travail de lutte contre les théories du complot entamé par Najat Vallaud-Belkacem au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, insiste son cabinet :"Nous ne sommes pas dans une stratégie qui consisterait à faire le tour de toutes les organisations qui font fantasmer les complotistes. La ministre n'est pas du tout là-dedans". » (Source: Nouvel Obs)
Dans cet imaginaire du complot, seul existe le complot des personnes qui contestent les fondements philosophiques des droits de l'hommes (le complot des francs-maçons, lui, n'existe pas...). La nation républicaine se constitue depuis 1789 contre les complotistes. Elle se constitue contre le complot royaliste ou aristocratique, aujourd'hui contre le complot des complotistes. La république ne se constitue pas par libre adhésion mais par opposition, par force et contrainte. On retrouve ici l'obsession gnostique du changement du monde par tous les moyens. « Marat, [...] Machiavel, plus que Montesquieu, l'a convaincu que le pouvoir est toujours conquis par la force ou par la ruse et qu'il ne peut se conserver qu'au moyen de la force. [...] Le despotisme n'est le destin possible d'aucun régime politique particulier; il est l'horizon nécessaire, inévitable, de tous les régimes. De ce point de vue, la démocratie ne possède aucune supériorité sur l'aristocratie, ou la république sur la monarchie. C'est pourquoi Marat sera citoyen de la république avec autant d'indifférence qu'il avait été sujet du roi sous la monarchie, bien persuadé que la forme de gouvernement n'est qu'un leurre. Ainsi, le suffrage universel, comme la séparation ou l'équilibre des pouvoirs ne sont à ses yeux qu'un masque qui recouvre la réalité oppressive de tout pouvoir. Ni la participation politique des citoyens ni le dispositif constitutionnel ne peuvent assurer la garantie de la liberté. Celle-ci repose tout entière et seulement dans l'exercice du soupçon qui dévoile et dénonce les attentats auxquels tout pouvoir, lors même que son discours est celui de la loi [ou des "droits de l'homme"] doit nécessairement recourir pour se maintenir et accroître sa puissance. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 72-73.)
Patrice Gueniffey ajoute ce commentaire : « Si la participation politique est un leurre et la loi un mensonge, l'exercice du soupçon est la seule fonction qui vaille pour le peuple, avec un moyen, la presse, et un organe, l'Ami du peuple en personne. Ce magistère de la surveillance et de la dénonciation ne peut être en effet assumé par le peuple lui-même. "Dans un combat de discussions épineuses, observe Marat dans le numéro du 23 septembre 1789, le peuple a tout à craindre des artifices de ses ennemis et il n'a rien à espérer de ses forces, de son audace. [...] Il lui faut donc des hommes versés dans la politique qui veillent jour et nuit à ses intérêts, à la défense de ses droits, au soin de son salut. Je lui consacrerai tous mes instants." » (Marat cité dans Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, ibid., p. 73.)
« Cette doctrine réduit la politique à l'exercice permanent du soupçon. » (Patrice Gueniffey, La politique de la Terreur, ibid., p. 74.)
« [L]a politique du soupçon. Terreur permanente, nécessairement plus étendue et plus générale dans une démocratie que sous une monarchie, dans la mesure où, dans la démocratie, la multiplication des organes du pouvoir et la participation des citoyens élargissent considérablement le cercle des individus exposés à la surveillance : ici, les complots peuvent avoir des ramifications dans tout le corps social », résume parfaitement Patrice Gueniffey (La politique de la Terreur, ibid., p. 75.)
Aujourd'hui, pour imposer la religion des droits de l'homme, pour faire respecter les exigences de l'antiracisme, ou de l'anticomplotisme, des discussions ont cours pour surveiller les réseaux sociaux, en y plaçant des dénonciateurs, des surveillants, des mouchards chargés de traquer l'hérésie et l'hérétique.
En 1789, le « fantasme du "complot aristocratique" envahit très vite l'espace du discours révolutionnaire. [...] [I]l suffit de considérer le flot ininterrompu des dénonciations qui sont adressées au Comité des recherches de l'Assemblée constituante (Pierre Caillet, Comité des recherches de l'Assemblée nationale 1789-1791, Inventaire analytique de la sous-série D XXIX bis, Paris, Archives nationales, 1993.) L'inventaire de cette correspondance présente un tableau à la mesure de l'intensité de la passion égalitaire qui s'empare du pays en 1789. Il convient de préciser que cette frénésie dénonciatrice témoigne autant de l'irruption de l'esprit révolutionnaire que de la persistance de cette mentalité traditionnelle déjà évoquée et accoutumée à incriminer des conspirateurs.» (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 64-65.)
En 1793-1794, « la Terreur [...] ne se confond pas avec la guillotine. Le plus souvent, elle est une menace diffuse qui pèse sur les actions et les propos les plus anodins. Chacun se trouve à la merci d'une dénonciation, du zèle d'un fonctionnaire, et menacé d'être pris dans un engrenage dont nul ne peut prévoir l'issue; peut-être de simples tracasseries, voire une amende, mais peut-être la prison, et même pis. Tous les Français ont subi cette Terreur au quotidien.» (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, ibid., p. 239.)
Le Décalogue est la vraie déclaration de droits universelle
« Au moment du vote de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, deux députés de la Constituante, parmi ceux que l'on appelait les aristocrates ou les "Noirs" (en raison du grand nombre de soutanes noires que l'on voyait de ce côté de l'Assemblée) - qui allaient très vite devenir la droite -, le vicomte de Mirabeau (Limoges) (dit Mirabeau-Tonneau) et l'évêque de Pamiers ont protesté que la Décalogue était bien suffisant. (Jacques de Saint Victor, La Chute des aristocrates, éd. Perrin, Paris 1992, p. 104).
Le propos paraît au premier abord surprenant, car le Décalogue est un code moral.
Mais à la réflexion, on se rend compte que l'intuition de Mirabeau et de l'évêque de Pamiers était juste.
Texte normatif ayant pour ambition de garantir la sécurité des personnes, des liens familiaux et des biens en agissant dans ce sens sur le comportement des individus composant la société, le Décalogue peut avoir les mêmes effets pratiques que s'il énonçait des droits. Avec ses commandements interdisant de tuer, de voler ou de commettre l'adultère, le Décalogue contient en creux la première déclaration de droits individuels : il énonce implicitement le droit de n'être pas assassiné, le droit ne n'être pas volé, le droit à ce qu'on ne vous prenne point votre femme, etc. Le Décalogue vise à offrir la garantir de vivre dans la sécurité avec sa famille et ses biens, ce qui est la plus fondamentale de toutes les garanties.
Ce projet de vie personne protégée de la violence et du vol correspond assez bien à l'idée d'un projet libéral minimal: chacun chez soi avec les siens, en toute sécurité. Fondé sur une conception pessimiste de la nature humaine, le Décalogue veut agir sur les esprits pour contenir au maximum le mal en l'homme, afin de fournir toute la protection possible contre ce qui est le plus grand danger pour la sécurité de chacun: l'autre. Inversement, les rédacteurs de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne voulaient voir l'origine du mal que dans une certaine forme d'organisation politique (la monarchie qu'ils qualifiaient d'absolue) et dans une certaine forme d'organisation sociale (la société d'ordres et son inégalité institutionnelle), constituant selon eux deux pathologies à éliminer.
On voit le résultat aujourd'hui où le fossé entre les plus riches et les plus pauvres n'a jamais été aussi important, et où « la république française est elle-même totalement présidentialisée, même si elle ne s’affirme pas comme telle » avec « l’essentiel du pouvoir concentré entre les mains de son chef suprême qui n’est plus considéré comme un obstacle à la démocratie mais comme le principal vecteur de l’expression du peuple. » (Louis de Lauban).
« Pour le reste, ils professaient une conception optimiste de l'homme, venue de la gnose et du millénarisme, et ils refusaient à admettre que le principal danger pour la sécurité d'un individu vient de l'action du mal en l'autre. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 161-162.)
Une théocratie gnostique de droit occulte
La déclaration des droits de l'homme de 1789 : « [O]n commença à discuter de la Constitution le 17 août, et [...] on aborda la Déclaration des Droits. [...] On choisit comme base de discussion, le projet de La Fayette, celui de Sieyès et celui du 6e bureau. [...] Après avoir défini la loi comme l'expression de la volonté générale, proclamé la liberté individuelle, la liberté religieuse, celle des opinions et de la pensée, l'égalité devant l'impôt (la vieille réforme royale que les magistrats des cours parlementaires d'Ancien régime refusèrent obstinément...), le vote de l'impôt par la nation [...] [c]ette théorie des droits, mise au point par les juristes anglo-saxons au XVIIIe siècle, puis répandue par la Maçonnerie dans la haute société, se réclamait, non du juste, mais de l'utile, et correspondait aux besoins commerciaux des colonies anglaises de l'Amérique.
La "Déclaration" de la Constituante résume ainsi la pensée mercantile et optimiste du siècle, plus qu'elle n'offre une base solide et originale pour créer une nouvelle société française. [...] Depuis janvier 1787, la Révolution prenait son élan grâce à la triple intrigue des Parlements, d'Orléans et de la noblesse maçonnique. » (Bernard Faÿ, La Grande Révolution, Le Livre contemporain, Paris 1959, p. 185-186; 227.)
« Pendant l'essentiel du XIXe siècle, [...] en France, comme dans toute l'Europe, la gauche ne songe qu'à délivrer les nations des princes qui les gouvernent par la révolution et au besoin par la guerre. La gauche conserve de la nation une conception à la fois millénariste - toujours le paradis égalitaire - et conquérante. C'est toujours la même prétention de faire advenir un monde meilleur grâce aux conceptions révolutionnaires et aux droits de l'homme.
[...] En ce temps-là, tout ce qui était bon pour la France était réputé bon pour le monde [...] Du fait des deux guerres mondiales et de la décolonisation, ce sont les Etats-Unis qui se sont emparés de la posture de la nation porteuse de l'universel, au détriment de la France. Celle-ci ne parvenant plus à se faire reconnaître das ce rôle par les autres nations, essaye au moins de se persuader elle-même qu'il est toujours le sien. Pour cela, la France a retourné contre elle-même sa passion de l'universel. Ce qui est bon pour le monde est maintenant réputé bon pour la France. Or ce n'est jamais vrai. Sous l'influence des idées de gauche, la France martyrise les Français au nom d'un universel avec lequel elle s'obstine à vouloir se confondre malgré l'évidence du contraire. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 203-205.)
« (Aujourd'hui) [...] Se trouvant en situation d'alliance objective avec l'immigration extra-européenne [...], cette bourgeoisie progressiste peut s'imaginer qu'elle incarne le sens actuel de l'histoire. En phase avec des médias presque entièrement de gauche, dont les journalistes se recrutent dans ses rangs, c'est elle aujourd'hui qui joue le petit jeu si ancien du mépris de l'élite à l'esprit subtil, qu'elle s'imagine être, envers l'esprit réputé grossier de la bourgeoisie traditionnelle et des classes populaires autochtones.
[...] Tout cela se fait avec la bénédiction du grand patronat qui voit dans l'immigration, surtout clandestine, une source de main d'oeuvre moins exigeante et donc moins onéreuse que la population d'origine. (Les nouveaux esclaves. Ndlr.)
« [...] D'origine gnostico-millénariste, le sentiment méprisant par lequel la gauche se persuade qu'elle est détentrice du vrai savoir quant à la marche souhaitable vers les changements sociaux d'ailleurs inscrits dans le sens de l'histoire est évidemment contradictoire avec l'idée de souveraineté du peuple qui fonde la démocratie. Car le peuple souverain ne décide pas forcément dans le sens voulu par ceux qui estiment détenir le savoir, par les nouveaux spirituels qui prétendent le guider dans la bonne direction, celle que dictent les dogmes de la religion de l'humanité. Telle est la raison pour laquelle la franc-maçonnerie a toujours été si hostile à l'idée de décision populaire par referendum. Il faut dire que, par sa nature, la franc-maçonnerie est aux antipodes de la démocratie (Philippe Nemo, La France aveuglée par le socialisme, éd. François Bourins, p. 57-88). C'est une organisation à caractère ésotérique qui, en dépit de toutes les variantes existant entre les différentes obédiences, offre la caractéristique globale d'oeuvrer dans le secret afin de conduire la société dans une certaine direction qui est la seule bonne selon l'idéologie maçonnique, laquelle est par définition progressiste. On retrouve ici la vieille certitude gnostique et millénariste d'être l'élite qui possède le monopole de la connaissance du vrai et du bien et qui va sauver l'humanité.
« La maçonnerie se réfère à un sens de l'histoire qui est sensiblement celui qui résulte de la religion séculière des droits de l'homme, dont on sait combien elle est funeste à l'institution famille, au respect de la vie, au bon exercice de la justice, à l'avenir même des nations occidentales. Sous prétexte de conduire l'humanité vers la lumière de l'avenir radieux, la maçonnerie travaille patiemment et de manière occulte à la destruction progressive du monde occidental. Ainsi, depuis des décennies, la franc-maçonnerie a été largement à l'origine de la législation en matière familiale et sexuelle (divorce, droits des enfants adultérins, des concubins, glorification de l'avortement, union puis mariage des personnes de même sexe, PMA et bientôt GPA), avec pour objectif non-dit de disloquer la famille classique et pour effet de creuser un profond vide démographique qui n'est pas sans évoquer la phobie de la gnose à l'égard de la procréation...
« La franc-maçonnerie prétend conduire la société vers son bien supérieur sans lui demander son avis et au besoin contre sa volonté. C'est toujours la vieille croyance d'origine millénariste et gnostique qu'une élite de justes, élus du ciel ou initiés à une mystérieuse sagesse, a pour mission sainte de diriger la masse aveugle des hommes. C'est toujours le même clivage entre les gens ordinaires censés être englués dans la matière, et l'élite porteuse de lumière des pneumatiques à l'esprit subtil que prétendent être les francs-maçons.
« [...] L'État est en France un État-Église de la religion des droits de l'homme. Le parlement, le gouvernement, et l'administration sont le visage civil et officiel de cet État-Église; la franc-maçonnerie en constitue le visage religieux et occulte, celui dont partent les impulsions qui déterminent les grandes orientations de la nation pour le grand dommage de celle-ci. La symbiose entre ces deux éléments est d'autant plus complète que nombreux sont les hommes politiques ou les administrateurs qui sont aussi francs-maçons. Ce qui fait que le haut clergé de la religion des droits de l'homme est aussi en charge du pouvoir politique. C'est l'équivalent, pour un monde sécularisé, de ce que l'on appelle la théocratie.
Le redressement de la France et même sa survie en tant que peuple exigent que soit mis fin à cette confusion du politique et du religieux - car la maçonnerie est de nature ecclésiale - qui constitue une telle régression par rapport au principe de disjonction du politique et du religieux issu de la parole christique ordonnant de rendre à César et à Dieu ce qui leur est respectivement dû. [...] Il faut en finir avec tous les avatars de la religion de l'humanité. Il n'y a pas de sens de l'histoire; une civilisation peut périr pour avoir cru à son existence.
[...] L'utopie est la toile de fond de toute la gauche. Il faut en finir avec les mirages suicidaires d'utopies qui peuvent être le tombeau de peuples entiers. Car si la gauche se croit le parti de l'avenir, en réalité elle compromet l'avenir du fait qu'elle rejette les valeurs de durée. » (Jean-Louis Harouel, Droite – Gauche, Ce n'est pas fini, Desclée de Brouwer, Paris 2017, p. 111)
Conclusion
"L’élimination de Dieu et de sa loi, comme condition de la réalisation du bonheur de l’homme, n’a en aucune manière atteint son objectif ; au contraire, elle prive l’homme des certitudes spirituelles et de l’espérance nécessaires pour affronter les difficultés et les défis quotidiens. Lorsque ... il manque l’axe central sur une roue, c’est toute sa fonction motrice qui disparaît. Ainsi, la morale ne peut remplir sa fonction ultime si elle n’a pas comme axe l’inspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien. ... A l’époque post-moderne, Rome doit retrouver son âme la plus profonde, ses racines civiles et chrétiennes, si elle veut devenir promotrice d’un nouvel humanisme qui place en son centre la question de l’homme reconnu dans sa pleine réalité. Séparé de Dieu, l’homme serait privé de sa vocation transcendante. Le christianisme est porteur d’un message lumineux sur la vérité de l’homme, et l’Eglise, qui est dépositaire de ce message, est consciente de sa responsabilité à l’égard de la culture contemporaine." (Benoît XVI, Discours du pape Benoît XVI au Capitole à Rome le 9 mars 2009)
''La vérité du développement réside dans son intégralité: s’il n’est pas de tout l’homme et de tout homme, le développement n’est pas un vrai développement. Tel est le centre du message de Populorum progressio, valable aujourd’hui et toujours. Le développement humain intégral sur le plan naturel, réponse à un appel du Dieu créateur, demande de trouver sa vérité dans un « humanisme transcendant, qui (…) donne [à l’homme] sa plus grande plénitude: telle est la finalité suprême du développement personnel » [49]. La vocation chrétienne à ce développement concerne donc le plan naturel comme le plan surnaturel; c’est pourquoi 'quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le “bien” commence à s’évanouir''. (Benoît XVI, Discours aux jeunes, Sydney 17 juillet 2008 in Caritas in veritate § 18).
Du point de vue économique, "la richesse mondiale croît en terme absolu, mais les inégalités augmentent... Dans les pays riches, de nouvelles catégories sociales s’appauvrissent et de nouvelles pauvretés apparaissent." (Caritas in veritate § 22).
La promesse de bonheur (« pursuit of happyness »), politique de la carotte « afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous », « les seules causes des malheurs publics » étant « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme » est une promesse au bonheur terrestre qui n'est pas fondée du point de vue philosophique. Le philosophe Alain (1868-1951) le dit très justement :
« Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver. [...] Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter; si vous l'avez bien regardé il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur; il faut l'avoir maintenant. » (Alain, Propos sur le Bonheur, Folio, Essai, 1997, Victoires LXXXVII, p. 198-199.)
Le décalage croissant entre les promesses de la Révolution et la déception devant une réalisation qui ne confirme pas les promesses de bonheur, les violences et les suicides, les inégalités croissantes, imposent d'ouvrir une réflexion différente sur ce que nous devons individuellement et collectivement faire pour bâtir un monde plus efficace, plus cohérent, bref, plus rationnel et démystifié...
Le bonheur ne se trouve pas dans un matérialisme juridique où l'homme est seul face à lui-même et à l'Etat, mais dans une juste compréhension du développement humain intégral que l'on trouve dans la transcendance en Dieu, véritable écologie humaine.
''La Révolution échoue dans toutes ses tentatives, dans toutes ses promesses, et jusque dans ses généreux désirs, écrivait en 1873 Antoine Blanc de Saint-Bonnet. Elle a jeté les âmes dans l’erreur, les nations dans l’anarchie, les ouvriers dans la misère, la France dans l’angoisse et les familles dans le malheur. […] En voyant la nature de nos malheurs, la Révolution doit se sentir elle-même profondément atteinte dans ses plus chères illusions. La barbarie a reparu parmi les hommes..." (Antoine Blanc de Saint-Bonnet dans La Légitimité, Tournai Vve H. Casterman, Rome 1873, p. 1.)
La barbarie a donc reparu. Ce qui signifie que nous enjambons deux mille ans de civilisation chrétienne pour retourner à avant même le paganisme, à la vie primitive et barbare sans secours divin possible, Dieu ayant été chassé de nos institutions par des professionnels du mensonge.
"Les temps modernes sont les plus irrationnels et les plus violents de toute l'histoire de l'humanité.'', écrit justement Alain PASCAL (La Guerre des Gnoses, Les ésotérismes contre la tradition chrétienne **, Islam et Kabbale contre l’Occident chrétien, éd. Cimes, 2e éd. revue et augmentée, Paris 2015, p. 8.)
''La corruption des idées a entraîné la corruption des mœurs, et celle-ci une sorte de décomposition de l’homme. Nous connaissons tant de malheurs pour nous êtres livrés sans mesure à l’ingratitude. Notre faute rappelle en quelque sorte celle d’Eve : méfiance envers Dieu, crédulité à l’égard du serpent. D’ailleurs, quitter le christianisme pour ce donner à des sottises ! Tomber des sources du génie pour courir vers des apparences ou suivre des idées dont on n’a saisi que les mots !'' (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, ibid., 9). Quitter le Christ-Roi pour le règne de la barbarie et de la sottise ! Quelle erreur !
"Le péché de la France est de s’être éloignée de Dieu. ... L’homme succombe sous le joug de l’homme. En péchant contre le Créateur, il a péché contre lui-même, il a perdu ses droits, son repos, son bonheur ; tout un peuple a perdu sa gloire." (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, ibid., 9).
La logique interne de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, faisant de l'homme en quelque sorte l'homme-Dieu (des rosicruciens satanistes et de la franc-maçonnerie) est résolument athée : le choix moral n'a plus à voir avec une loi morale divine à laquelle il faudrait se conformer pour atteindre les formes les plus authentiques de bien-être et de bonheur spirituels collectifs. De telles normes morales divines sont considérées comme oppressives et anti-humaines dans la logique de la déclaration dites des "droits de l'homme'' sans Dieu, et l'ensemble du projet moderne peut être considéré comme une série lente mais inexorable de transgressions sans fin de tout ce qui a précédé, une rébellion ouverte contre toutes la morale divine. Mais les contraintes, et les limites morales ne sont-elles pas la discipline qui seule, apporte le vrai bonheur comme tout parent d'adolescent cherche à l'inculquer à son enfant rebelle la discipline sans laquelle nous sommes tous comme du béton mouillé versé sans but sur le sol et non dans une forme qui lui donne une vraie forme ?
Le résultat de l’athéisme latent de la déclaration est qu'il ne nous donne aucun sens transcendant à nos souffrances, à nos sacrifices pour poursuivre la morale privée et publique vers le bien privé et commun. Il est par exemple difficile – voire impossible – d'apprivoiser notre concupiscence sexuelle sans un tel repère transcendant, qui seul peut alimenter notre prise de conscience qu'eros est destiné à quelque chose de tellement plus et tellement mieux ! Seul un tel repère peut donner un sens aux souffrances que nous infligent les maladies corporelles et les maladies mentales. Et bien sûr, pour une personne moderne vivant dans un monde moderne qui n’a pour repère que la déclaration moderne des droits de l'homme, de telles souffrances semblent vaines et inutiles, une incongruité. C'est pourquoi le lien commun dans la déclaration moderne est l'angoisse de n'être pas heureux. Et qui doit (et peut) soulager cette peur ? L'Église. Qu'a-t-elle à offrir comme eau vive pour étancher notre soif existentielle de quelque chose de plus que le magasin d'horreurs séculaires dans lequel nous sommes piégés depuis 1789 ? L'Église a le Christ crucifié et ressuscité, le seul véritable remède. Notre seule Constitution.
La réflexion à mener se trouve donc dans l'articulation entre l'individuel et le collectif, comment recréer du collectif et de l'égalité dans une société individualiste qui en rejetant le Créateur pour choisir l'homme-Dieu, est source de toujours plus d'irrationnel, et donc de violences et d'inégalités. C'est que tout en revendiquant des valeurs évangéliques, les révolutionnaires en expulsant le Dieu véritable pour le remplacer par le culte de l'« être suprême » se sont coupés de la source sans laquelle on ne peut plus reconnaître les fruits.
''Une liberté qui n'est pas donnée par un Père est un mouvement incohérent; une égalité qui ne reconnaît pas le choix préférentiel d'un amour est mensongère et une fraternité qui s'autoproclame sans référence à une origine commune est fausse.. Vouloir tuer le Père tout en gardant les valeurs, par lui, léguées est impossible.'' (Fr. Jean-Michel Potin, dans Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 415-416.) On aime son prochain non parce qu'une déclaration écrite nous l'impose, on aime son prochain par amour pour Dieu. Voilà la différence. Il y a dans cet amour et cette égalité une part de don, libre, de gratuité de l'offrande, une part de liberté intérieure qu'aucune loi écrite ne pourra contraindre.
Au total, nous seuls chrétiens, par notre doctrine de sanctification et de purification intérieure, sommes les vrais défenseurs du Bien commun, de l'intérêt général, de la société, les protecteurs de l'Etat, de la loi et de l'ordre public. Nous seuls chrétiens, par notre doctrine dogmatique sommes le seuls détenteurs de la Raison, les seuls organisateurs d'un monde rationnel lorsque les tenants de la déclaration moderne sombrent eux-mêmes dans l'angoisse, l'irrationnel, le magique, le totalitarisme.
En 2005, Benoît XVI "a rappelé à la catholique Italie qu'une "saine laïcité de l'État, en vertu de laquelle les réalités temporelles sont régies selon leurs règles propres", ne doit cependant pas oublier "les références éthiques qui trouvent leurs fondements ultimes dans la religion". Quand la communauté civile écoute le message de l'Église, elle est 'plus responsable', plus 'attentive à l'exigence du bien commun'. Son livre, L'Europe de Benoît dans la crise des cultures, a été présenté le 21 juin 2005 à Rome est un recueil de trois conférences en italien données de 1992 à 2005 par celui qui était alors le gardien de la doctrine de l'Église. Le futur pape estimait que la crise de l'Europe était due au développement d'une culture "qui, de façon inconnue jusqu'ici, exclut Dieu de la conscience publique." (Source: Le Vatican : Hervé Yannou, Le Figaro, Benoît XVI veut réconcilier l'Europe autour des valeurs chrétiennes, 25 juin 2005).
Pas de liberté, pas d'amour possible, donc pas d'égalité ni de fraternité dans le mensonge, l'erreur ou la contradiction. L'impasse elle-même des droits de l'homme aujourd'hui réside dans la contradiction entre liberté et égalité qui se résoudrait simplement dans un horizon démocratique (celle de l'économie de marché qui est prétendue rendre spontanément le bonheur aux gens selon les déclarations des droits de l'homme américaine et française), sans transcendance (hormis aux Etats-Unis mais les démocrates s'y opposent) et donc sans responsabilité... Or, s'il n'y a pas de transcendance, il n'y a pas de responsabilité, ce système peut parfaitement se conjuguer avec le totalitarisme communiste, qui met l'économie au service de son hégémonie. Tout l'enjeu pour l'Occident, est d'inscrire ses valeurs démocratiques de liberté et d'égalité dans la transcendance chrétienne qui les a vu naître et se développer... Or, la tendance actuelle des gouvernements occidentaux maçonniques est de combattre le christianisme. S'il n'y a pas de liberté authentique dans le carcan étatique, il n'y a pas non plus d'égalité dans une civilisation où la liberté est déresponsabilisée dans un système horizontalisé qui nie et combat la responsabilité de chacun devant la transcendance.
On ne peut pas ignorer que ce fut la négation de Dieu et de ses commandements qui créa, au siècle passé, la tyrannie des idoles exprimée à travers la glorification d’une race, d’une classe, de l’Etat, de la nation, du parti, au lieu du Dieu vivant et véritable.
C’est précisément à la lumière des évènements tragiques du vingtième siècle que l’on comprend comment les droits de Dieu et de l’homme s’affirment ou disparaissent ensemble.
L'homme est créé pour une fin dernière, Dieu. C’est pourquoi tout dans sa vie doit être ordonné à cette fin dernière, y compris la politique. Affirmer le contraire revient à dire que l’homme peut agir contrairement à sa fin sans conséquence sur son âme ou son bonheur.
Réinscrire nos valeurs dans la transcendance et la logique. Mettre fin au magique
Le monde moderne inverse l'ordre classique où Dieu était central, elle met l'homme à la place de Dieu (c'était déjà le projet des « Humanistes »).
Le « Grand architecte » de la déclaration n'est pas le Dieu de la Bible, c'est le dieu des « philosophes » francs-maçons : tout part de l'homme et y revient (l'Homme-Dieu), y compris en politique. Cette magie irrationnelle (puisqu'elle n'a pas d'autre explication du monde que l'homme) ne donne pas de réponse au mal, ni même à l'ordre surnaturel qui nous entoure.
Cette vision est désormais dépassée par la science elle-même.
Selon un article de Science et Vie du 5 avril 2023 ( à lire en Pdf : http://michelbeja.com/wp-content/uploads/2020/08/D-SC-ET-VIE.pdf ), "après quinze siècles de recherches menées par les plus grands penseurs, les mathématiques et l'informatique ont parlé : selon les règles de la logique, l'existence de Dieu est nécessaire ! [...] [L]’existence de Dieu est nécessaire à tout système de pensée logique. [...] Le théorème [...] affirme [...] qu’il est irrationnel de dire qu’il (Dieu) n’existe pas."
Source : https://www.science-et-vie.com/article-magazine/existence-de-dieu-les-mathematiques-ont-enfin-la-reponse
La révolution a commencé par la déclaration des droits de l'homme : elle ne finira que par la déclaration des droits de Dieu.
Notes
[1] L'abbé jésuite Augustin Barruel appela Jean-Jacques Rousseau "'le père de Weishaupt,... sophiste prévenant les leçons du moderne Spartacus..." (Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, Editions de Chiré, Chiré-en-Montreuil 2005, tome 2, p. 163-164).
[2] Robespierre à Danton, 15 février 1793, dans Correspondance de Maximilien et Augustin Robespierre, publ. G. Michon, 2 vol., Paris 1926 et 1941, t. 1, p. 160, cité dans Xavier Martin, Voltaire méconnu, Aspects cachés de l'humanisme des Lumières, 1750-1800, Dominique Martin Morin, Mayenne 2007, p. 296-297.
[3] Lys de France
[4] De la même manière qu'aujourd'hui le seul complot autorisé est le complot russe, à l'époque le seul complot autorisé était le "complot royaliste". Aujourd'hui on n'est plus très loin du moment où ils parleront du complot des "complotistes" !