Martyre de sainte Perpétue et de ses compagnons. Vitrail de l'église Notre-Dame de Vierzon (XIXe siècle).
Victimes de la persécution de Septime Sévère, Perpétue, Félicité et leurs compagnons sont probablement originaires de Thuburbo Minus, cité de l'Afique proconsulaire, l'actuelle Tebourba en Tunisie. Ils subirent le martyre à Carthage, dans l'amphithéâtre, le 7 mars 203.(1)
Perpétue est une jeune patricienne, Félicité une jeune esclave. Elles avaient toutes deux demandé le baptême à l'évêque de Carthage.(2)
L'empereur Septime Sévère ayant interdit le christianisme, le groupe des catéchumènes, dont elles faisaient partie, est arrêté, avec Sature, Saturnin, Révocat et Secondule, à Thuburbo minus (Tebourba, actuelle Tunisie), au sud-ouest de Carthage (203). Pendant plusieurs mois, ils connurent la prison dans des conditions très dures, d'autant qu'ils étaient dans l'incertitude du sort exact qui les attendait. Perpétue a laissé une relation écrite de sa détention (Actes et Passions des martyrs chrétiens des premiers siècles, Cerf 2010). On peut noter qu'il s'agit d'un témoignage de femme unique dans l'Antiquité.
À plusieurs reprises, Perpétue affronte victorieusement les autorités, celles de l'État, celle de son père ou encore celle du tribun responsable de la prison militaire.(5)
Félicité était enceinte et Perpétue, jeune mariée, allaitait son enfant. Le père de la jeune femme tenta en vain de la faire sacrifier aux dieux au nom de l'amour maternel. Quant à Félicité, elle mit au monde une petite fille dans sa prison. Trois jours après la naissance, elle était martyrisée et l'enfant fut adoptée par une chrétienne de la ville.
Extraits de la Passion de Perpétue et Félicité :
Un autre jour, pendant que nous prenions notre repas, on nous emmena subitement pour être interrogés et nous arrivâmes au forum. Le bruit se répandit aussitôt dans les environs du forum et une foule immense se rassembla.
Nous montâmes sur l'estrade. Interrogés, les autres firent leur confession de foi. On en vint à moi, et mon père apparut soudain avec mon fils; il me tira de la marche et dit :
"Sacrifie, aie pitié de ton enfant."
Le procurateur Hilarianus, qui avait alors reçu le droit de glaive à la place du proconsul Minucius Timinianus, défunt, dit :
"Epargne les cheveux blancs de ton père, épargne l'enfance de ton fils, fais le sacrifice pour le salut des empereurs."
Je répondis :
"Je suis chrétienne."
Et comme mon père se tenait près de moi pour provoquer ma chute, Hilarian
Comme leurs compagnons, Perpétue et Félicité furent livrées aux bêtes du cirque, enveloppées dans un filet, et livrées à une vache furieuse.
Elles attirèrent la pitié des spectateurs devant ces jeunes mères torturées. L'une des jeunes femmes était très frêle et l'autre venait d'accoucher.
Perpetue, la première, fut projetée en l'air et retomba sur le dos. Sa tunique se déchira sur le côté. Alors, elle s'assit, et l'arrangea afin de cacher ses cuisses, plus préoccupée de sa pudeur que de sa souffrance. Ensuite, elle chercha une épingle à cheveux et rattacha sa chevelure qui s'était défaite. Elle ne voulait pas endurer le martyre les cheveux dénoués et paraître porter le deuil en pleine gloire. Pour une romaine, c'est un signe d'affliction de laisser ses cheveux libres sur ses épaules. Puis elle se releva et voyant Félicité à terre, elle alla vers elle, lui tendit la main et l'aida à se relever. Toutes les deux restèrent ainsi debout. La cruauté de la foule en fut vaincue et on les reconduisit par la porte des Vivants. On les acheva en les égorgeant. C'est Perpétue qui guida la main de l'apprenti gladiateur chargé de l'égorger.
Selon les "acta" de leur martyre, des témoins disaient :
Leur visage était rayonnant et d'une grande beauté. Il était marqué non de peur mais de joie.
Avec saint Cyprien, les saints Perpétue et Félicité comptent parmi les plus illustres des martyrs africains, tant en Afrique même que plus généralement en Occident, en Italie et en Espagne.
Leur culte connut très vite une grande popularité : leur jeunesse, leur situation de mère de famille, leur courage, le fait qu'elles fussent des catéchumènes les font figurer en tête des martyres mentionnées dans la première prière eucharistique de la liturgie latine.
Quelques années plus tard, Tertullien (150- † 220) évoquait la martyre Perpétue (De l'âme, 55, 4.) L'anniversaire de leur martyre, à la date du 7 mars figure dans la Depositio martyrum, calendrier romain du IVe siècle.
Dans toute la littérature hagiographique, il n'est guère de textes qui présentent autant de fraîcheur et de spontanéité que les parties narratives de la Passion de Perpétue et Félicité, un document élaboré probablement peu après le martyre, donc dans les toutes premières années du IIIe siècle. (Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 953-955.)
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Sources
(1) Dictionnaire des saints et Grands témoins du christianisme, Sous la direction de Jean-Robert ARMOGATHE et André VAUCHEZ, CNRS Éditions, Paris 2019, p. 953-958; (2); (3); (4) Anne BERNET, Les Chrétiens dans l'Empire romain, des persécutions à la conversion Ier - IV° siècle, Perrin, Mesnil, sur-l'Estrée 2003; (5) Revue Codex, 2000 ans d'aventure chrétienne, Editions CLD, n° 1, Automne 2016, p. 128-129.