Jeune sainte qui souffrit le martyre sous l'empereur Alexandre Sévère, Cécile est l'une des fleurs les plus suaves de la virginité chrétienne. Elle voua sa vie très jeune à Dieu; mariée de force vers l'âge de quinze ou seize ans, elle continua à respecter son vœu de virginité.
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L'histoire de Sainte Cécile, qui n'est pas dénuée de beauté et de mérite, est construite en partie de légendes. La romance de Cécile et Valérien est connue depuis la légendaire passion de Cécile écrite en 535. Toutefois, son nom, le fait qu'elle fonda une église et qu'elle fut enterrée dans une crypte des catacombes de saint Callixte, le contexte tout comme l'existence d'un Valérien et d'un Tubercius, tous faits historiquement vérifiables à son sujet, il est certain que cette vie de saint est basée sur quelques faits réels. C'est l'un des martyrs des débuts de l'Église les plus vénérés, mentionné dans le canon de la messe depuis 496.
Fille d'un illustre patricien de la famille des Caecilii, dont sont issus beaucoup de sénateurs, seule chrétienne de sa famille, alors qu'elle eût consacré sa virginité à Jésus-Christ, elle dut se résigner à sortir de la maison paternelle, où elle vivait dans la prière, lecture des livres saints et le chant des cantiques, pour épouser le jeune Valérien, homme que ses parents lui choisirent, noble et bon, connu pour être de grande compréhension, mais païen.
Le soir des noces, quand les époux se trouvèrent seuls, Cécile s'adressa doucement à Valérien : « Ami très cher, lui dit-elle, j'ai un secret à te confier : mais peux-tu me promettre de le garder ? » Ayant reçu le serment du jeune homme, elle reprit :
« Écoute. Un ange de Dieu veille sur moi, car j'appartiens à Dieu. S'il voit que tu m'aimes d'un mauvais amour, il me défendra, et tu mourras ; mais si tu respectes ma virginité, alors il t'aimera comme il m'aime, et sa grâce s'étendra aussi sur toi. » Troublé, Valérien répondit : « Cécile, pour que je puisse croire à ta parole, fais-moi voir cet ange.
- Si tu crois au vrai Dieu et si tu reçois le baptême des chrétiens, tu pourras voir l'ange qui veille sur moi. »
Valérien accepta la condition, se rendit près de l'évêque Urbain (Urbanus), à trois milles de Rome (non le pape homonyme) lut l'évangile selon Luc, fut instruit, reçut le baptême et revint près de Cécile. Près d'elle, il aperçut un ange au visage lumineux, aux ailes éclatantes, qui tenait dans ses mains deux couronnes de roses et de lis, et qui posa l'une de ces couronnes sur la tête de Cécile, l'autre sur la tête de Valérien, et leur dit : « Je vous apporte ces fleurs des jardins du Ciel. » Les deux jeunes époux vécurent dans la chasteté et se dévouèrent aux bonnes oeuvres.
Valérien avait un frère nommé Tiburce ; au récit de ces merveilles, il abjura les idoles et se fit chrétien. Valérien et Tiburce s'employèrent à donner des sépultures aux corps des martyrs que le préfet Amalchius faisait tuer comme criminels. Les deux frères furent bientôt dénoncés, demeurèrent invincibles dans la confession de leur foi et eurent la tête tranchée. Maximus, l'officier chargé de rendre la sentence, après avoir vu une apparition de martyrs, se convertit soudainement à la religion chrétienne et subit le même sort. Les trois hommes furent exécutés aux alentours de Rome. Cécile parvint à racheter les corps et les ensevelit au cimetière Praetextatus, sur la Via Appia.
Cécile ne tarda pas à comparaître elle-même devant le tribunal du préfet de Rome. Son interrogatoire, que Dom Guéranger tenait pour authentique, a des accents d'une hauteur telle qu'il méritait d'être cité.
- « Jeune femme, quel est ton nom ? lui dit-il.
- Caecilia.
- Ta condition ?
- Libre, patricienne, clarissime.
- Je te parlais de ta religion.
- Ta question manquait donc de clarté puisqu'elle donnait lieu à double interprétation.
- D'où peut te venir une pareille assurance ?
- D'une conscience pure et d'une foi qui ne se cache pas.
- Ignores-tu de quels pouvoirs je dispose ?
- Le pouvoir de l'homme ressemble à une outre pleine de vent. Perce l'outre; elle se dégonfle. Tout ce qui ressemblait à de la consistance s'est envolé!
- Tu as commencé par l'insolence et tu continues sur le même ton!
- Il n'y a d'insolence que pour ceux qui affirment des choses erronées. Démontre-moi que j'ai dit une sottise; je conviendrai de mon insolence. Sans quoi, tes reproches sont une pure calomnie.
- Ne sais-tu pas que j'ai sur toi pouvoir de vie et de mort !
- Non tu te trompes. Tu n'as que le pouvoir de me tuer. Tu ne peux rendre la vie aux morts. Et si tu soutiens le contraire, tu mens ! » Elle conclut, en désignant les statues des dieux qui président aux audiences :
- « Ces statues en pierre seraient plus utiles si on les jetait dans un four pour en faire de la chaux. Elles s'usent dans l'oisiveté et ne sont pas plus capables de se défendre elles-mêmes des flammes que de t'arracher, toi, à la perdition. »
Auparavant, sans illusion sur le sort qui l'attendait, la jeune veuve confia tous ses biens au pape Urbain et lui recommanda ceux qu'elle avait convertis, ainsi que sa maison pour en faire une église : elle subsiste aujourd'hui, c'est Sainte Cécile du Trastevere, à Rome. Le préfet la fit reconduire chez elle et ordonna de la laisser mourir dans la salle de bains embrasée de vapeurs ; Dieu renouvela pour elle le miracle des Hébreux dans la fournaise. Le bourreau vint pour lui trancher la tête ; mais il le fit si maladroitement, qu'elle ne mourut que trois jours après. Touchés par son exemple, ses parents et sa famille embrassèrent la foi pour laquelle elle avait choisi de mourir (c'est probablement à cette conversion familiale qu'il faut rapporter les quatre cents convertis de sainte Cécile dont parle la passion. Si l'on compte les affranchis et les esclaves, le nombre n'a rien d'incroyable).
Un évènement assez rare sinon exceptionnel conforte la dévotion autour de sainte Cécile, en apportant à sa sainteté un cachet de parfaite authenticité : la découverte, lors de la seconde invention des reliques, en 1599, de son corps intact, préservé des lois ordinaires de la décomposition. En 1590, le titre de Santa Cecilia au Transtévère appartenait au cardinal Paolo Emilio Sfondrate, disciple de saint Philippe Néri et neveu du pape Grégoire XIV. La vieille basilique dont il était titulaire était en mauvais état et nécessitait des travaux de restauration urgents. Mgr Sfondrate s'y employa. Or, au cours de ces travaux, le 20 octobre 1599, des ouvriers mirent au jour, sous l'autel principal, deux tombeaux de marbre blanc. Bon connaisseur de l'histoire de la Ville, le cardinal ne se posa pas de question : il s'agissait des sépultures données en 817 par le pape Pascal Ier à la martyre et à ses compagnons. A cette date en effet, le souverain pontife, navré des déprédations répétées dont les catacombes avaient fait l'objet depuis les premières invasions barbares au Ve siècle, prit la décision de ramener intra muros le plus possible de martyrs de l'Antiquité, les mettant à l'abri des pillages.
Cécile, enterrée sur la Via Appia, et dont on craignait que la sépulture ait été profanée pendant les guerres lombardes, avait été l'une des premières mise en sûreté. Elle repose depuis dans la basilique élevée à l'emplacement de sa maison, au Transtévère. Près d'elle, son époux, Valérien, son beau-frère Tiburce, et le sous-officier Maxime qu'ils avaient converti, ainsi que deux souverains pontifes, Urbain et Lucius. Mgr Sfondrate n'eut aucun doute sur l'identité des martyrs, mais il se souvint de ce que rapportait la Tradition. A l'ouverture du tombeau, le pape Pascal Ier avait trouvé, dans le sarcophage des trois hommes, ce qu'ils s'attendait à y découvrir après plus de sept siècles : quelques ossements. Mais, dans celui de Cécile...
Mgr Sfondrate fit ouvrir les sépultures. Dans l'une, les restes des trois saints, en effet, moins le chef de Valérien, que Pascal Ier avait retiré. Dans la seconde... Sous le drap de soie précieuse dont le pape, au IXe siècle, recouvrit la dépouille, une jeune fille étendue. Son corps préservé de toute trace de corruption, on eut cru qu'elle dormait, et non qu'elle était morte. Elle portait encore une robe blanche brochée d'or, un vêtement de patricienne, couvert de taches sanglantes, tout comme les linges posés à ses pieds. Selon l'usage, les fidèles qui l'ont ensevelie ont recueilli précieusement le sang qui coulait des plaies de la martyre. Ces plaies, elles sont trois, comme le rapportait la passion, trois blessures portées à la gorge par la main d'un bourreau si tremblant qu'il fut incapable d'achever sa besogne et laissa Cécile mourante étendue sur le sol. La tête était presque détachée du tronc, et ce détail explique pourquoi, lorsque l'on a couché la défunte dans le cercueil, le corps avait pris cette position étrange dans laquelle la mort l'avait trouvée, couché sur le côté mais le visage tourné vers le fond. L'index gauche était demeuré dressé, ainsi que trois doigts à la main droite. Sfondrate et les témoins de l'invention des reliques, saisis, se souvinrent de cette mention de la passion : Cécile, égorgée, incapable de parler, agonisante, avait eu encore la force d'esquisser ce geste, ultime confession du mystère de la Sainte Trinité. Dieu en trois personnes.
Pour contempler le visage de la sainte, il eut fallu le retourner. Et la toucher. Confondus de respect, aucun de ces hommes n'osa porter une main qu'ils eurent estimé sacrilège sur la vierge martyre. Aucun de ceux qui viendront la vénérer ne l'osera, pas même le pape Clément VIII. Cécile sera recouchée dans sa tombe, après qu'un sculpteur en renom, Maderno, sera venu prendre des esquisses de son corps, qui serviront à l'admirable statue témoin du miracle.
Le Martyre de sainte Cécile, par Maderno , représentant fidèlement la martyre baignant dans son sang comme elle tomba après les coups et telle qu'on la trouva lors de l'ouverture de sa tombe en 1599. |
Lors de nouvelles fouilles archéologiques, réalisées en 1902, le sarcophage ne fut pas rouvert, ce qui ne permit pas d'opérer des vérifications plus scientifiques. Cela n'ôte rien à la sincérité et à la probité des témoignages recueillis au IXe et au XVIe siècles. (Source : Anne BERNET, Les Chrétiens dans l'Empire romain, des persécutions à la conversion Ier - IVe siècle, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 183-190)
Actuellement Cécile et Valérien sont à nouveau réunis pour l'éternité. Leurs reliques ainsi que celle de St Urbain se trouvent dans une voûte somptueuse sous le grand autel de l'église Sainte Cécile de Trastevere qui lui a été dédiée par Sfondrati.
Sainte Cécile est la patronne des musiciens, des chanteurs, luthiers et des autres fabricants d'instruments de musique.
Tandis que les instruments de musique retentissaient pour ses noces, Cécile chantait pour Dieu dans son cœur. Il faut ajouter qu’à la fin du Moyen-Age, on attribuait à Sainte Cécile, la composition de plusieurs hymnes, et c’est ainsi que chanteurs et musiciens se placèrent sous son patronage au XVème siècle.
On la représente avec une couronne de fleurs, un plant de lys, un instrument de musique et une épée.
Depuis le XVème siècle, l'emblème de Sainte Cécile est devenu l'orgue. Sur des représentations imagées, elle y est figurée avec un orgue, une harpe ou un autre instrument de musique. Auparavant elle était couronnée de roses, portant une palme ou occupée à convertir son mari Saint Valérien, etc...
Les plus anciennes images de Cécile sans instruments de musique ont été trouvées au VIème siècle sur des fresques romaines dans les catacombes de St Callixte.
Après qu'elle fut peinte par Raphaël en organiste, son image est devenue un sujet favori pour les vitraux.
Raphaël, Le Dominiquin ou encore Carlo Dolci ont peint des tableaux de sainte Cécile.
Dryden a composé en son honneur une ode célèbre ainsi qu'Henry Purcell en 1692 avec l'ode à sainte Cécile Hail! Bright Cecilia.
Le compositeur hongrois Franz Liszt a composé une œuvre chorale nommée La légende de sainte Cécile en 1874.
Plus récemment, l'Estonien Arvo Pärt a composé Cecilia, vergine romana en 2000, oeuvre pour choeur mixte et orchestre pour l'Académie nationale de Sainte-Cécile de Rome.
Extase de sainte Cécile, 1514, Raphaël, Bologne, Pinacothèque nationale, dans Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 686-687.
Sources : (1) ; (2) ; (3) ; (4) ; (5) Anne Bernet, Les Chrétiens dans l'Empire romain, des persécutions à la conversion Ier - IVe siècle, Perrin, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 183-190 ; (6) Christine Barrely, Le Petit Livre des Saints, Éditions du Chêne, tome 1, 2011 ; (7) Rosa Giorgi, Le Petit Livre des Saints, Larousse, Tolède 2006, p. 686-687.