Isidore de Séville par Murillo
En Espagne, saint Isidore contribua largement à convertir les Wisigoths, majoritairement ariens, au christianisme trinitaire catholique, le christianisme ancien issu du premier Concile de Nicée (325).
À la mort de son frère Léandre (601) qui était l'évêque de Séville, Isidore lui succéda et il continua avec éclat l'organisation de l'Église d'Espagne dans le royaume wisigothique, que son frère avait entreprise. En 589, Léandre avait tenu à Tolède un important concile ; Isidore prolongea son action en de nombreux synodes et spécialement dans le célèbre IVème Concile de Tolède (633). (1)
Par sa formule "rex, gens, patria" (un roi, un peuple, une patrie), Isidore rassembla les Hispano-Romains et Wisigoths dans une seule et même nation, référence de la future Reconquista. La monarchie wisigothique se caractérise par une étroite alliance entre le roi et l’Église catholique : "un roi, une foi, une loi" est déjà une devise espagnole.
Il définit la qualité royale par des vertus, essentiellement par la iustitia et la pietas (bonté, miséricorde). Les rois, avant de "rendre des comptes à Dieu pour l'Église que le Christ a remis à leur défense", doivent rendre des comptes aux évêques, qui peuvent les déclarer incapables. Les mauvais rois sont des tyrans qui peuvent être renversés, et les évêques peuvent excommunier ceux qui ont enfreint les lois, y compris les lois civiles : "Reges a recte agendo vocati sunt, ideoque recte faciendo regis nomen tenetur, peccando amittitur".
La conversion de l'Espagne wisigothique, la "Renaissance isidorienne" et l'éclosion de l'unité nationale espagnole
Du temps des rois wisigoths ariens, ceux-ci faisaient lourdement peser leur joug sur les catholiques, tandis qu'ils laissaient les Juifs en possession de leurs droits civils et politiques, les admettaient aux fonctions publiques et leur permettaient de circoncire leurs esclaves païens et chrétiens.
Le frère d'Isidore, Léandre, instruisit le roi wisigoth Récarède Ier, le convertit au catholicisme et présida avec lui le IIIe concile de Tolède, le 8 mai 589. Ce concile consacrait le triomphe de l'Église catholique dans la péninsule. Avec l’abjuration de l’arianisme par Récarède au Concile de Tolède s’ouvre une nouvelle période pour l’Espagne wisigothique, c’est ce qu’on a appelé la "renaissance isidorienne".
Concrètement, Isidore n’admit plus aucune célébration de fête juive, et refusa le shabbat ; toutes ces cérémonies devaient être remplacées par les fêtes chrétiennes (Noël, Pâques) et la messe dominicale.
Par sa pastorale intransigeante et charitable, poursuivant l'action engagée par son frère Léandre et celle du roi Récarède, Isidore permit l'éclosion du sentiment national espagnol.
Havre de paix dans l'Occident de cette fin du VIe siècle, l'Espagne devint le conservatoire de la culture antique ; la bibliothèque sévillane en était alors le centre le plus brillant.
Tout en accordant une priorité aux grands écrivains chrétiens du IVe au VIe siècle, tels Augustin, Cassiodore, Grégoire le Grand — ce dernier fut l’ami personnel de son frère Léandre —, Isidore tenta d’assumer cet immense héritage dans toute sa diversité.
C’est pourquoi il est souvent associé aux Pères de l'Église les plus anciens : Tertullien, Cyprien de Carthage, Hilaire de Poitiers, Ambroise.
Isidore mourut à Séville en 636. Il est canonisé en 1598 et déclaré docteur de l'Église en 1722. (2)
Œuvres
La production littéraire d'Isidore est une sorte d'inventaire de l'ensemble des connaissances humaines, auquel l'auteur fournit un apport original.
Son œuvre majeure est Étymologies (Etymologiæ) constituée de vingt livres, un dictionnaire complet en théologie, philosophie, histoire, sciences naturelles, etc, qui propose une analyse étymologique des mots divisée en 448 chapitres. Par cette œuvre, Isidore essaie de rendre compte de l'ensemble du savoir antique et de transmettre à ses lecteurs une culture classique en voie de disparition.
Dans le livre 8 de ses Étymologies, il énumère 67 hérésies, tout en notant qu’il y avait "d’autres hérésies sans fondateur et sans nom". Depuis l'Ascension de Jésus-Christ, il y a toujours eu une Église catholique et des gens qui, tout en revendiquant le nom du Christ, se contredisent à la fois avec l'Église qu'il a établie et entre eux. "Ces hérésies, bien qu'elles soient en désaccord les unes avec les autres, différant entre elles par de nombreuses erreurs, conspirent néanmoins sous un nom commun contre l'Église de Dieu [l'Église catholique]" (Livre 8, Ch. 5, §70). Les hérésies répertoriées par Saint-Isidore sont : les Simoniens, Mélandriens, Basilidiens, Nicolaïtes (Nicholatiens), Gnostiques, Carpocrates, Cérinthiens, Nazaréens, Ophites, Valentiniens, Apellites, Archontique, Adamites, Caïnites, Sethiens, Melchisétechiens, Angéliques, Apostoliques, Cerdoniens, Marcionites, Artotrites, Verseaux, Sévériens, Tatianites, Alogi, Cataphrygiens, Cathares, Pauliens, Hermogènes, Manichéens (Manichéens), Anthropomorphites, Héraclite, Novatiens, Montanistes, Ébionites, Photiniens, Aériens, Aétiens (Eunomiens), Originiens, Noétiens, Sabelliens, Ariens, Macédoniens, Apollinaristes, Antidicomites, Métangismonites, Patriciens, Coluthiens, Floriens, Donatistes, Bonosiaques, Circoncelliens, Priscillianistes, Lucifériens, Jovinianistes, Elvidiens, Paterniens, Arabes, Tertullianistes, Tessarescaedecatites, Nyctages, Pélagiens, Nestoriens, Euchiens, Acéphalites, Théodosiens, Agnoites."
Parmi ses autres travaux, citons sa Chronique, une histoire universelle, qui reprend la Chronique de S. Jérôme, et son Histoire des Goths (De origine Getarum…).
Il est également l'auteur de traités théologiques et d'une règle monacale (Regula monachorum).
Beaucoup d'autres traités pourraient venir compléter cette liste ; les plus importants sont le De natura rerum, traité d'astronomie, de météorologie et de géographie, dédié à Sisebut, roi des wisigoths (612-621) et le Liber numerorum (théorie des nombres, inspirée principalement de S. Augustin).
Statue en marbre blanc d'Isidore de Séville, sur les marches de la bibliothèque nationale d'Espagne, à Madrid
Saint patron d’Internet !
Suite à son oeuvre « les Etymologies » qui fait appelle à une structure rappelant celle d’une base de données et qui préfigure les inventions du classement avec index, Saint Isidore est nommé en 2002 saint patron d’internet et des informaticiens.(3)