C'était une âme de feu, rayonnante d'audace, le premier et le modèle de cette immense série d'hommes admirables que le christianisme possédera au service de sa cause, et qui, ayant trouvé la vie en Jésus, jugeront naturel de la lui sacrifier.
Helléniste, peut-être même alexandrin d'origine (on l'a supposé d'après la connaissance qu'il semble posséder des doctrines du philosophe juif hellénisé Philon, alors surtout en vogue à Alexandrie, et d'après l'emploi qu'il fait, quatre fois dans son discours, du mot Sagesse, très en usage dans les milieux juifs d'Égypte . Cf. Le livre biblique de la Sagesse en vient), au fait des doctrines philosophiques autant que des traditions hébraïques, Étienne incarne à merveille l'esprit nouveau, tourné vers les conquêtes et décidé aux ruptures nécessaires.
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Quand Pierre enseignait les foules de Jérusalem, Étienne s'appliquait surtout à montrer que Jésus avait été le Messie, l'extrême aboutissement d'Israël. Étienne, lui, a surtout retenu les phrases où il est dit qu'on ne met pas du vin nouveau dans une vieille outre, et qu'on ne coud pas une pièce neuve à un vieux manteau. Aussi les Juifs judaïsants ne s'y trompent-ils pas : voilà un plus dangereux adversaire ! "Cet homme ne cesse de proférer des blasphèmes contre le Saint Lieu et contre la Loi." (1)
Il professait une relation à Dieu qui n'avait plus besoin ni du temple ni des sacrifices d'animaux. (2)
Les Hellénistes comme les Hébreux sont des chrétiens d'origine judéenne mais les premiers proviennent de Diaspora et s'expriment en grec alors que les seconds sont de Palestine et s'expriment en hébreu ou en araméen. Les Hellénistes résidant à Jérusalem sont sans doute rattachés aux nombreuses synagogues de langue grecque qui se trouvent dans la Ville sainte.
Le procès et la mort de Jacques le Majeur, frère de Jean l'Évangéliste, vers 41, sont proches de ceux d'Étienne : pour l'un comme pour l'autre, il est question d'un blasphème formel suivi d'un procès au Sanhédrin et d'une lapidation légale. Étienne développe une doctrine fondée sur une lecture messianique des évènements rapportés dans la Bible : Moïse annonce non seulement jésus (Ac 7,37), mais il en est la préfiguration (Ac 7,22). Il rappelle comment Israël a traité les prophètes en attendant de mettre à mort le "Juste" annoncé par eux (Ac 7,51-52) : il s'agit là d'une véritable confession messianique. (3)
Étienne fut traîné devant le Sanhédrin. En ces jours-là, les autorités juives se sentirent plus libres qu'à l'ordinaire, car Ponce Pilate vient d'être rappelé à Rome pour rendre compte de quelques récentes et trop flagrantes violences et se défend - mal - devant Caligula. Les discours qu'Étienne prononce est beau de rigueur et de force dans le raisonnement, reliant le message du Christ à tout ce qui, dans les Ecritures, l'annonce, et le montrant comme une conclusion indispensable; mais plus encore, il est superbe par son intrépidité. Les accusations claquent contre la nation prédestinée, mais infidèle. Et il termine son long développement apologétique par ces phrases terribles :
"Hommes au cou raide, incirconcis de coeur et d'oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit. Tels furent vos pères, tels vous êtes. Quel est celui des prophètes que vos ancêtres n'ont point persécuté ? Ceux qui annonçaient la venue du Messie, ils les ont tués, comme vous-mêmes avez trahi et tué maintenant le Messie lui-même. Et la loi qui vous a été donnée par les Anges, vous ne l'avez pas observée ! " (Ac 7,51-53)
Étienne répondit victorieusement aux attaques dirigées contre lui, et prouva que le blasphème était du côté de ses adversaires et de ses accusateurs. À ce moment le visage du saint diacre parut éclatant de lumière comme celui d'un ange. Mais il avait affaire à des obstinés, à des aveugles. Pour toute réponse à ses paroles et au prodige céleste qui en confirmait la vérité, ils grinçaient des dents contre lui et se disposaient à la plus noire vengeance. Afin de rendre leur conduite plus coupable, Dieu fit un nouveau miracle; le ciel s'entrouvrit et le saint, levant les yeux en haut, s'écria avec ravissement: "Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu." (Ac 7,56) À ces mots, ses ennemis ne se contiennent plus; ils poussent des cris de mort, entraînent le martyr hors de la ville et le lapident comme un blasphémateur. Étienne, calme et souriant, invoquant Dieu, disait: "Seigneur, recevez mon esprit!... Seigneur, ne leur imputez point ce péché." Saul, le futur saint Paul, était parmi les bourreaux. "Si Étienne n'avait pas prié, dit S. Augustin, nous n'aurions pas eu saint Paul."
Par amour de Dieu, il n’a pas cédé à la brutalité des bourreaux, par amour du prochain, il a intercédé pour ceux qui le lapidaient. Par charité, afin de les corriger, il reprend ceux qui errent; par charité, afin d’écarter d’eux le châtiment, il prie pour ceux qui le lapident.
"Voici avait dit Jésus, j’envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes ; vous tuerez et crucifierez les uns, vous en flagellerez d’autres dans vos synagogues, vous les poursuivrez de ville en ville ; ainsi, sur vous retombera tout le sang des justes qui a été versé sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l’autel. Amen, je vous le dis : tout cela viendra sur cette génération. Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre temple vous est laissé : il est désert. En effet, je vous le déclare : vous ne me verrez plus désormais jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !" (Matthieu 23, 34-39)
Lorsque trente ans plus tard, Jérusalem sera devenue "la maison déserte" prédite par le Messie (destruction du temple de Jérusalem en 70 par les armées de Titus), la mort du premier martyr se trouvera payée par une immensité de douleur, mais elle aura puissamment contribué à répandre la Bonne nouvelle, en donnant au christianisme le premier témoignage signés de sang.
Premier martyr de la chrétienté, Étienne apparaît comme étant à l’origine du culte des saints. Dans les quatre premiers siècles du christianisme, tous les saints vénérés par l’Église étaient martyrs.
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À la suite de l'exécution d'Étienne, la répression s'abattit sur les autres membres du groupe des Hellénistes, contraignant la plupart d'entre eux à s'enfuir loin de Jérusalem pour échapper à la persécution : la première visant les chrétiens et venant des autorités religieuses judéennes, comme pour Jésus. (Les Hellénistes) sont passés en Phénicie, à Chypre et à Antioche, ancienne capitale du royaume grec séleucide de Syrie, lieu de rencontre de l'Orient et de l'Occident, où ils ont diffusé le message chrétiens aux judéens et aux Grecs (Ac 11, 19-21) (4), et où les disciples du Christ reçoivent pour la première fois le nom de chrétiens. C'est d'Antioche qu'au plan doctrinal les approches d'Ignace d'Antioche, conservées dans ses sept lettres, influenceront de manière décisive le christianisme du IIe siècle, celui qui se définira comme "orthodoxe". (5)
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Le nom Étienne provient du grec Στέφανος (Stephanos), "couronné" ou encore, selon Jacques de Voragine dans La Légende dorée, du mot hébreu pour "norme".
Ce nom est repris de manière plus fidèle en anglais (Stephen) ou en néerlandais (Stefaan).
Cathédrale Saint-Étienne de Sens : statue de Saint Étienne sur le trumeau du portail central de la façade occidentale (fin du XIIe siècle) |
Basilique S.-Laurent-hors-les-Murs (Rome), où se trouve le corps de S. Étienne |
En 2014, des archéologues ont découvert le lieu de sépulture du saint diacre Etienne, selon le site d'information Linga.
Dans Kharaba au village de Taiar, qui se trouve à 2 km à l'ouest de Ramallah, les recherches menées par les archéologues palestiniens et israéliens ont livré des résultats inattendus. Dans le cadre d'un projet de l'université de Jérusalem pour la découverte et la restauration d'antiquités, un groupe d'archéologues dirigés par le professeur Salah al Hudeliyya a découvert les ruines d'un complexe ecclésial qui comporte une église de l'ère byzantine-omeyades ainsi qu'un monastère byzantin.
Selon une déclaration du prof. Al Hudeliyya, cette découverte est d'une grande valeur pour les Chrétiens du monde entier. "A l'intérieur d'une de ces églises, nous avons découvert une inscription qui indique que cette église a été construite en l'honneur du saint apôtre et diacre Étienne le proto-martyr, qui a été enterré en ce lieu en l'an 35," a déclaré l'historien. (7)
On peut offrir cette journée pour tous ceux qui, d'Irak à la Chine, sont persécutés, et à tous ces chrétiens qui ont passé Noël sans prêtre, souffrent de façon diverse, pour témoigner de l’Évangile du Christ.
Sources : (1) DANIEL-ROPS, Histoire de l'Église du Christ, tome II Les Apôtres et les Martyrs, Librairie Arthème Fayard, Paris 1965, p. 38 ; (2) François BRUNE, Saint Paul Le Témoignage mystique, Oxus, Paris 2003, p. 23 ; (3) Pierre MARAVAL, Simon Claude MIMOUNI, Le Christianisme, des Origines à Constantin, Nouvelle Clio, l'Histoire et ses problèmes, PUF, Clamecy 2018, p. 187-191 ; (4) Pierre MARAVAL, Simon Claude MIMOUNI, Le Christianisme, des Origines à Constantin, ibid.,, p. 191-192 ; (5) Pierre MARAVAL, Simon Claude MIMOUNI, Le Christianisme, des Origines à Constantin, ibid.,, p. 218 ; (6) É (7); (8); (9) ; (10).