La future loi sur le "mariage" homosexuel pourrait avoir des incidences sur la notion juridique de filiation. Le texte à venir, qui semble à première vue ne concerner que les homosexuels, pourrait avoir des conséquences sur toutes les familles.
Un point juridique précis ne va pas manquer d'alimenter le débat: la présomption de paternité. Aujourd'hui, quand un enfant naît dans un couple marié, le mari est automatiquement considéré comme le père. C'est l'article 312 du Code civil. Concrètement, cela signifie qu'un père marié n'a qu'à déclarer la naissance de son enfant en mairie mais n'a pas à le reconnaître, comme doivent le faire les concubins ou pacsés. Que devient cette présomption de paternité dans le cadre d'un mariage entre deux personnes du même sexe?
Fondée sur une vision hétérosexuelle de la famille et biologique de la conception de l'enfant, elle ne peut théoriquement pas être étendue aux unions gays. La future loi pourrait cependant remettre en cause cette règle pour l'adapter à tous, homosexuels et hétérosexuels, en la remplaçant par une «présomption de parenté». La filiation ne reposerait alors plus sur la biologie mais sur «l'intention» afin de permettre à deux personnes du même sexe d'être parents ensemble. Les mentions «père» et «mère» pourraient alors être remplacées par celles de «parent 1» et «parent 2» sur le livret de famille. Un bouleversement sociétal et un casse-tête juridique.
«Le projet de loi n'est pas encore écrit mais il porte en germe une complète redéfinition du droit de la filiation hérité des Romains et réaffirmé par le Code civil», prévient Jean Hauser, professeur émérite à l'université Montesquieu-Bordeaux IV. «La filiation ne se définit certes pas par la vérité biologique, mais en référence à la biologie, pour offrir à l'enfant une filiation crédible, lui indiquant son origine et sa place dans la chaîne des générations», estime Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé à l'université d'Évry, proche de l'association Alliance Vita, qui redoute un «Tchernobyl de la filiation». Si l'enfant a été fait “à l'ancienne”, avec un tiers, qu'est-ce qui garantit que le parent biologique ne sera pas éliminé contre son gré de la filiation?»
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a pour l'instant éludé cet imbroglio. «Le projet de loi ne prévoit pas d'équivalent à la présomption de paternité qui existe aujourd'hui au sein des couples mariés», a-t-elle indiqué à La Croix le 11 septembre. Mais la question devrait revenir dans le débat parlementaire par le biais d'amendements.
Une autre hypothèse est encore à l'étude à la Chancellerie et au ministère de la Famille: celle d'écarter toute présomption de paternité ou de parenté pour la remplacer par un acte déclaratif, une reconnaissance volontaire. Les pères hétérosexuels mariés devraient désormais faire la démarche d'aller reconnaître leur enfant. Une nouvelle rupture et un risque supplémentaire de secouer l'opinion, craint-on au gouvernement.
Source: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/09/19/01016-20120919ARTFIG00603-le-mariage-gay-chamboule-le-droit-de-la-filiation.php