En déplacement à Forbach le 8 octobre, Manuel Valls a tenté de faire une OPA sur la nation française en ne la faisant débuter qu'en 1789 !
Manuel Valls, en déplacement à Forbach, mardi 8 octobre, a dit : « Historiquement, c'est la gauche qui a inventé la nation, en 1789 ».
Cette déclaration n'est pas nouvelle dans la bouche des républicains. Pour eux, avant 1789, il n'y avait rien... La France a deux cents ans.
On retrouve cette assertion à répétition par exemple chez Ségolène Royal en 2007, lorsqu'elle déclarait :
« La Nation telle que je la conçois ne demande pas aux gens d'où ils viennent, mais où ils veulent aller ensemble. Elle n'est pas fondée sur les racines, l'ethnie, que sais-je, mais sur une idée. » (Ségolène Royal, Le Monde, 28 mars 2007).
« La France,... c'est la grande lumière jamais éteinte de la Révolution française, ... ce sont des valeurs exigeantes et belles proclamées par la Révolution française » (Ségolène Royal, Discours de Villepinte, 11 février 2007)
« La France n'est pas la synthèse de l'Ancien Régime et de la Révolution. (...) C'est la rupture opérée par la Révolution qui explique la France d'aujourd'hui » (Ségolène Royal, Le Monde, 06 Février 2007).
François Bayrou, centriste : « L'identité nationale de la France, elle a un nom, c'est la République ».. (François Bayrou, La Croix, AFP, 09/03/2007 20:54, PERPIGNAN (AFP) - François Bayrou: "l'identité nationale de la France c'est la République").
Nicolas Sarozy, droite UMP, invité à dire s'il se sentait l'héritier de Jacques Chirac, indiqua «ne se sentir l'héritier de personne». «La France, c'est la République, ce n'est pas un héritage », dit-il. (Le Monde, 12.03.07 | 09h24 Sarkozy "touché" par la déclaration de Jacques Chirac).
L'article du site Les décodeurs, blog Le Monde, rédigé par Samuel Laurent, explique pourquoi cette assertion de Manuel Valls « Historiquement, c'est la gauche qui a inventé la nation, en 1789 » est « très discutable » et « historiquement quelque peu péremptoire ». Samuel Laurent explique :
« La première étymologie du mot désignait les "païens" (naciuns). Le mot a ensuite évolué au XIIe siècle, nation correspondant progressivement à "naissance" (nascere), nous précise le site officiel Vie publique. L'université de Paris, au Moyen Age, classait, selon leurs origines, les étudiants en "nations" picarde, normande, etc. Et on trouvait au XVe siècle des références aux "nations des marchands" de Bruges.
Le terme "nation" commence à désigner une entité géographique et politique au cours du XVIIIe siècle. Henri de Boulainvilliers, historien (1658-1722) parlera ainsi de "nation française", dans une controverse sur les origines du royaume, qu'il voit dans les conquêtes militaires des Francs, quand d'autres préfèrent chercher les racines nationales dans la conquête romaine. »
Source: Voici les raisons pour lesquelles cette affirmation est très discutable : http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2013/10/09/manuel-valls-reinvente-la-nation/
Dans Naissance de la Nation France, Colette Beaune explique comment cette conception catholique de la nation France est articulée dans la grande tradition historique royale française depuis les Mérovingiens... À lire d'urgence pour tous ceux qui croient que la nation est née en 1789 !
Cette volonté de ne faire apparaître le mot nation que le plus tard possible participe de la même volonté foncièrement anti-française et anti-nationale de déconstruction de l'histoire de France et de sa reconstruction dans le mythe républicain de 1789, et donc de ne parler de France dans le temps que le plus tard possible... au XIIIe siècle pour les uns (au moment où en 1204 Philippe II Auguste prit, à la place de "roi des Francs" - Rex Francorum - le titre de "roi de France" - Rex Franciæ -, d'une entité géo-politique qui bien évidemment, jusque-là, n'aurait pas existé!...), ou au IXe siècle, à partir du Traité de verdun (843) qui séparait le domaine carolingien entre Francia occidentalis (revenant à Charles), Francia orientalis (ou Germanie, revenant à Louis) et Lotharingie (France médiane, ancienne Burgondie, revenant à Lothaire).
Cette histoire partiale de la France tend soit à ignorer que les historiens anciens, pour désigner notre pays, avaient employé indifféremment les mots Francia ou Gallia, soit à exagérer volontairement la dimension gauloise (au XVIIIe siècle, en 1789 et au XIXe siècle) pour occulter le terme "France" et "français".
Cette volonté assassine de l'histoire de France se retrouve concrètement dans la suppression de l'enseignement de Louis XIV au Collège.
Pierre Chaunu explique même que « nous avons bien failli sous la Révolution, redevenir la Gaule !» « Il fallait une grande révolution dans les mots; la République a évité le pire. La France et les Français sont donc restés français » ! (Pierre Chaunu, La France, Histoire de la sensibilité des Français à la France, Les hommes et l'histoire, Robert Laffont, Saint-Amand-Montrond 1982, p. 31.)
L'utilisation de l'occurence géo-politique "Francia" remonte à l'Empire romain où des géographes parlaient déjà de Francie ou Francia dans leurs documents :
Exemples :
1) le Panegyrici Latini (douze discours solennels de panégyriques romains antiques, d'auteurs anonymes) du IIIe siècle, décrivant le secteur de la Francia à ce moment-là au nord et à l'est du Rhin, grossièrement dans le triangle entre Utrecht, Bielefeld et Bonn et correspondant avec les pays communs des tribus franques Sicambres, Saliens, Bructères, Ampsivariens, Chamaves et Chattuaires ou Hattuaires.
2) La Table de Peutinger (Tabula Peutingeriana ou ou Peutingeriana Tabula Itineraria), appelée aussi Carte des étapes de Castorius, est une copie du XIIIe siècle réalisée par un moine alsacien, du document réalisé au début du IIIe siècle par Castorius. Elle présente les routes et les villes principales de l'Empire romain. Donnée à l'humaniste Konrad Peutinger, elle est aujourd'hui conservée à la bibliothèque de Vienne (Autriche).
En 11 feuillets (6,80 m sur 0,34 m au total), cetteTable représente le monde connu de l'empire romain, de l'Angleterre à l'Afrique du Nord et de l'Atlantique à l'Inde.
Ce document était également connue autrefois sous le nom de Table Théodosienne, (ou tabula theodosiana) du nom de l'empereur romain Théodose, dernier empereur de l'empire romain unifié de 379 à 395.
La carte montre 200 000 km de routes mais aussi l'emplacement de villes, mers, fleuves, forêts, chaînes de montagnes. Quelque 555 villes et 3 500 autres particularités géographiques sont indiquées, comme les phares et les sanctuaires importants, souvent illustrées d'une imagette. Les villes sont représentées par deux maisons, les cités importantes - comme Rome, Constantinople, Antioche - sont signalées par un médaillon.
Le format ne permet pas une représentation réaliste des paysages, ni des distances, mais ce n'était pas dans les intentions du concepteur. La carte doit plutôt être vue comme une représentations symbolique, permettant de se rendre facilement d'un point à un autre, de connaître les distances des étapes, sans offrir une représentation fidèle de la réalité. De fait, elle est considérée comme la première représentation cartographique d'un réseau. Outre la Chine, cette Carte des étapes et des voies romaines dans l'Empire romain mentionne la "Francia".
Source: Table de Peutinger mentionnant l'occurence "FRANCIA" en lettres majuscules. Extrait de la copie IGN de la Table. http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Peutinger.png
Dans la littérature française, la Chanson de Roland, poème épique et chanson de geste de la fin du XIe siècle, formé de 4000 vers en ancien français, relatant le combat fatal du chevalier Roland (ou Hroudland), capitaine de Charlemagne, et de ses fidèles preux contre une armée vasconne à la bataille de Roncevaux, mentionne les occurences "Sainte France", "Douce France" au XIe siècle... Extrait :
93
[...]
Il ne manquera pas, dit il, de lui parler :
« Fieffé coquin, Charles n’est pas fou,
et jamais il n’a toléré la trahison.
Il agit en brave en nous laissant aux cols.
Aujourd’hui, la douce France ne perdra pas sa gloire.
Frappez, Français ; le premier coup est pour nous !
Nous avons pour nous le droit, et ces canailles ont tort. »
94
Il y a là un duc, nommé Falsaron.
C’était le frère du roi Marsile ;
il tenait la terre de Dathan et d’Abiron.
Sous le ciel il n’est traître plus endurci.
Entre les deux yeux il avait le front si large
qu’on pouvait y mesurer un bon demi pied.
La douleur l’accable, à voir son neveu mort.
Il sort de la foule, s’expose aux coups
et pousse le cri de guerre des païens.
Envers les Français il est fort insolent :
« Aujourd’hui, la douce France perdra son honneur. »
À l’entendre, Olivier devient furieux.
Il pique son cheval de ses éperons dorés
et va le frapper en vrai baron.
Il brise son bouclier et fend sa cuirasse ;
dans le corps il lui enfonce les pans du gonfanon,
de la longueur de sa lance il l’abat des arçons, mort.
Il regarde à terre et voit étendue la canaille ;
il l’a vivement apostrophée :
« De vos menaces, misérable, je me moque.
Frappez, Français, car notre victoire sera complète ! »
Il crie « Monjoie » : c’est le cri de guerre de Charles.
[...]
171
Roland sent qu’il a perdu la vue,
il se redresse et fait tous ses efforts.
Son visage a perdu sa couleur.
Devant lui il y a une roche grise.
Il y frappe dix coups, de chagrin et de dépit.
L’acier grince, mais il ne se brise ni ne s’ébrèche.
« Ah ! dit le comte, sainte Marie, aide moi !
Ah ! Durendal, ma bonne épée, quel malheur pour vous !
Puisque je suis perdu, de vous je perds la charge.
Combien de batailles par vous j’ai remportées,
combien j’ai conquis de terres immenses,
que tient Charles, dont la barbe est chenue !
Ne soyez pas à quelqu’un qui fuit devant un autre !
Un valeureux vassal vous a longtemps tenue ;
jamais il n’en sera de pareille à vous dans la sainte France. »
172
Roland frappe sur le bloc de sardoine.
L’acier grince, mais il ne se brise ni ne s’ébrèche.
Quand il voit qu’il ne peut la rompre,
en lui même il commence à la plaindre :
« Ah ! Durendal, comme tu es belle, claire, éclatante !
Comme au soleil tu brilles et flamboies !
Charles était dans les vallées de Maurienne
quand Dieu, du ciel, lui fit savoir par son ange
qu’il te donnât à un comte capitaine :
alors il me la ceignit, le noble roi, le grand.
Avec toi je lui conquis l’Anjou et la Bretagne,
et lui conquis le Poitou et le Maine ;
avec toi je lui conquis la libre Normandie,
et lui conquis la Provence et l’Aquitaine
et la Lombardie et toute la Romagne ;
avec toi je lui conquis la Bavière et les Flandres
et la Bourgogne et toute la Pologne,
Constantinople dont il recut l’hommage ;
et sur la Saxe il règne en maître.
Avec toi je lui conquis l’Écosse et l’Irlande
et l’Angleterre qu’il appelait son domaine ;
avec toi je lui conquis tant et tant de pays
que tient Charles dont la barbe est blanche.
Pour cette épée j’éprouve douleur et peine.
Mieux vaut mourir que la laisser aux païens !
Dieu ! Père, ne laissez pas déshonorer la France ! »
Source:
http://www.la-litterature.com/textes/tex_display.asp?NomTexte=ma_Roland
Dans La France, Histoire de la sensibilité des Français à la France, Les hommes et l'histoire, Pierre Chaunu pose la question :
« À quel moment, se demande Paul Marie Duval, commence l'histoire de France ? Voilà une question (P.M. DUVAL, Introduction à Ferdinand Lot, La Gaule, éd. revue par P.M. Duval, Fayard, 1967, p. 3) précise-t-il immédiatement, que nos ancêtres ne se posaient pas. Pour eux, l'histoire de notre pays commençait à l'arrivée des Francs, des François, comme ils disaient, en Gaule. » ( Pierre Chaunu, La France, Histoire de la sensibilité des Français à la France, Les hommes et l'histoire, Robert Laffont, Saint-Amand-Montrond 1982, p. 81.)