Mis à jour le 18 janvier 2022.
Sans parler des sacrifices humains dans les pays nordiques et en Gaule (voir en fin d'article), qui sont à présent plus largement attestés et reconnus, la question des sacrifices humains en Grèce et à Rome, bien que plus épineuse, n'est ni une allégorie, ni une fable inventée à plaisir, c'est un fait historique attesté par le double témoignage des historiens païens (Denys d'Halicarnasse , Plutarque, Suétone, Dion Cassius, Tite-Live, Lactance) et des historiens chrétiens (Eusèbe, Tertullien).
Il s'agit d'un sujet encore largement inabordé, qui a souvent gêné les spécialistes de la culture grecque. C'est sans doute pour cette raison que, sauf rares exceptions, on avait tendance à ignorer ce thème non seulement dans des ouvrages généraux sur la Grèce ancienne, mais aussi dans des études plus spécifiques consacrées aux pratiques sacrificielles grecques. Quelques ouvrages cependant commencent à aborder le sujet.
A lire : Le sacrifice humain : Une question controversée de GEORGOUDI Stella
Magazine : Religions & Histoire n° 14 Page : 46-51. Source : http://www.religions-histoire.com/numero-14/sacrifices-offrandes-grece-antique/sacrifice-humain-une-question-controversee.21370.php#article_21370
Les lignes ci-dessous sont tirées de l'ouvrage de Mgr Jean-Joseph Gaume, Pronotaire apostolique, publié en 1877 « Mort au cléricalisme ou résurrection du sacrifice humain » (Gaume et Cie Editeurs, 1877.) Un éclairage théologique des sacrifices humains, disponible en PDF : http://catholicapedia.net/Documents/cahier-saint-charlemagne/documents/C131_Gaume_mort-au-clericalisme_44p.pdf
(Ces développements sont également traités dans le "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume.)
«Parmi les rites prescrits à Moïse, ... celui du bouc émissaire. Deux boucs, nourris pour cet usage, étaient amenés au grand prêtre, à l'entrée du Tabernacle. Chargés de tous les péchés du peuple, l'un était immolé en expiation, l'autre chassé au désert, pour marquer l'éloignement des fléaux mérités. Le sacrifice avait lieu chaque année, vers l'automne, à la fête solennelle des Expiations.
«Dans les républiques de la Grèce et notamment à Athènes, on nourrissait aux frais de l'Etat quelques hommes vils et inutiles. Arrivait-il une peste, une famine, ou une autre calamité ? on allait prendre deux de ces victimes et on les immolait pour purifier la ville et la délivrer. Ces victimes s'appelaient Demosioi, nourris par le peuple ; Pharmakoi, purificateurs ; Katharmata, expiateurs.
«Il était d'usage d'en immoler deux à la fois : un pour les hommes, et un pour les femmes, sans doute afin de rendre plus complète la parodie des deux boucs émissaires.
Afin que tout le monde pût jouir de la fête, on choisissait un lieu commode pour le sacrifice. Un des archontes, ou principaux magistrats, était chargé d'en soigner tous les préparatifs et d'en surveiller tous les détails.
«Le cortège se mettait en marche, accompagné de chœurs de musiciens, exercés de longue main et superbement organisés. Pendant le trajet, on frappait sept fois les victimes avec des branches de figuier et des oignons sauvages, en disant : Sois notre expiation et notre rachat.
«Arrivés au lieu du sacrifice, les expiateurs étaient brûlés sur un bûcher de bois sauvage et leurs cendres jetées au vent dans la mer, pour la purification de la ville malade.
«D'accidentelle qu'elle était au commencement, l'immolation devint périodique et reçut le nom de Fête des Thargélies. On la faisait en automne, elle durait deux jours, pendant lesquels les philosophes célébraient par de joyeux festins la naissance de Socrate et de Platon» (Annales de philosophie chrétienne, juillet 1861, p. 46 et sv.)
«Dans la même catégorie, on peut ranger le sacrifice annuel, offert par les Athéniens à Minos. Les athéniens ayant fait mourir Androgée, furent moissonnés par la peste et par la famine. L'oracle de Delphes, interrogé sur la cause de la double calamité et sur le moyen d'y mettre un terme, répondit : "La peste et la famine cesseront, si vous désignez par le sort sept jeunes gens et autant de jeunes vierges pour Minos. Vous les embarquerez sur la mer sacrée en représailles de votre crime. C'est ainsi que vous vous rendrez le dieu favorable.» (Tum vero dira fames, atque inclementia pestis Deseret, ac tristis melior Deus exuet iras, Cum vestro e numero, scelerisque piacula vestri Quos sors cumque petit, seu mas seu fæmina cedat, Corpora pontus agat magni Minois ad urbem. Ex. Ænomao, apud, Euseb., Præp. Evang., lib. V, c. XIX.)
Les malheureuses victimes étaient conduites dans l'île de Crète et enfermées dans un labyrinthe, où elles étaient dévorées par un monstre, moitié homme et moitié taureau, qui ne se nourrissait que de chair humaine. (Un documentaire diffusé sur Arte le 21 mars 2009, de nationalité franco-britannique, évoque effectivement les sacrifies humains et les cas de cannibalisme en Crète minoenne. La légende du minotaure aurait été un reflet, un lointain souvenir de sacrifices humains en Crète. Des fouilles archéologiques irréfutables ont découvert des restes humains dont la chair a été arrachée puis cuite... NdCR.)
«Qu'est-ce donc que cet Apollon (l'oracle de Delphes), ce dieu libérateur que consultent les Athéniens, demande Eusèbe aux auteurs païens, historiens du fait ? Sans doute, il va exhorter les Athéniens au repentir et à la pratique de la justice. Il s'agit bien de pareilles choses ! qu'importent de tels soins pour ces excellents dieux, ou plutôt pour ces démons pervers ? Il leur faut au contraire des actes du même genre, immiséricordieux, féroces, inhumains, ajoutant, comme dit le proverbe, la peste à la peste, la mort à la mort.
«Apollon leur ordonne d'envoyer chaque année au Minotaure sept adolescents et sept jeunes vierges, choisis parmi leurs enfants. Pour une seule victime, quatorze victimes, innocentes et candides ! et non pas une fois seulement, mais à tout jamais, de manière que jusqu'au temps de la mort de Socrate, c'est-à-dire plus de cinq cents ans après, l'odieux tribut n'était pas encore supprimé chez les Athéniens. Ce fut en effet la cause du retard apporté à l'exécution de la sentence capitale rendue contre ce philosophe ». (Euseb., ibid., lib. V, c. XVIII.)
«Outre ces immolations périodiques, les Athéniens, dans les circonstances difficiles, n'hésitaient pas plus que les autres peuples de la belle Antiquité, à recourir, sur la demande des dieux, aux sacrifices humains.»
«C'était au moment de livrer la bataille à la flotte de Xerxès. 'Pendant que Thémistocle, écrit Plutarque, faisait aux dieux des sacrifices sur le vaisseau amiral, on lui présenta trois jeunes prisonniers d'une beauté extraordinaire, magnifiquement vêtus et chargés d'ornements d'or. On disait que c'étaient les enfants de Sandaque, sœur du Roi, et d'un prince appelé Artayete. Au moment où le devin Euphrandidès les aperçut, il remarqua qu'une flamme pure et claire sortait du milieu des victimes, et un éternuement donna un augure à droite. Alors, appuyant sa main droite sur Thémistocle, il lui odonna, après avoir invoqué Bacchus Omestès (mangeur de chair crue), de lui immoler ces jeunes gens, l'assurant que la victoire et le salut des Grecs seraient ainsi assurés." Thémistocle semble hésiter; mais les soldats veulent qu'on suive l'avis du devin, et les jeunes gens sont immolés. (In Themist., c. XIII, n.3). (Mgr Jean-Joseph GAUME, Traité du Saint-Esprit, 1864, Rééd. Éditions Saint-Rémi, 2019, p. 193.)
Sans compter les Thargélies, voilà pendant cinq cents ans sept mille victimes humaines, la fleur de la jeunesse athénienne, immolées au démon ! Et l'on ne cesse de nous vanter la belle antiquité : Athènes surtout comme le type inimitable de la civilisation !
Ce n'est pas seulement Athènes, la République modèle, qui sacrifiait des victimes humaines, c'était toute la Grèce. Chaque année au mois de mai, le sixième jour de la nouvelle lune, la ville de Rhodes immolait un homme à Saturne. Avec le temps cet usage fut modifié, mais non supprimé. À la place d'un prisonnier ou d'un esclave, on sacrifiait un condamné à mort. La fête des Saturnales étant arrivée, on conduisait cet homme hors des murs, en face de la déesse Aristobule. Là, après lui avoir fait boire du vin, on l'égorgeait.
À Salamine, on immolait régulièrement un homme à Aglaure, fille de Cécrops et de la nymphe Aglauris. Le malheureux condamné à mort était conduit par des jeunes gens dans le temple de la déesse, et faisait trois fois le tour de l'autel en courant ; après quoi, le prêtre le frappait dans l'estomac avec une lance ; puis, il le consumait tout entier sur un bûcher préparé à cet effet.
Disons en passant ce qui avait lieu en Egypte, le pays des savants. À Héliopolis les Égyptiens étaient dans l'usage d'immoler des hommes à la déesse, connue en Occident sous le nom de Junon. Ces hommes étaient choisis de la même manière que pour les taureaux sacrés ; et on les marquait d'un sceau. On en immolait trois le même jour.
À Chio, aujourd'hui Scio, île de l'archipel grec, on immolait un homme à Bacchus, que l'on écartelait ; on en faisait autant à Ténédos et à Lacédémone en l'honneur du dieu Mars. Aristomène, roi de Messine, égorgea trois cents Lacédémoniens en l'honneur de Jupiter d'Ithome, croyant que d'aussi nombreuses et de telles hécatombes devaient lui être agréables. En effet, Théopompe, roi de Lacédémone, en faisait partie.
À Pella, ville de Thessalie, on immolait un homme de l'Achaïe en l'honneur de Pélée et de Chiron. Les Lyctiens, peuple de Crète, égorgeaient un homme en l'honneur de Jupiter ; les Lesbiens en l'honneur de Bacchus, et les Phocéens, un homme en holocauste à Diane. Erecthée l'Athénien immola sa propre fille à Proserpine.
L'historien Plutarque nous apprend que tous les Grecs immolaient en commun des victimes humaines avant de marcher aux ennemis. (Apud, Euseb., lib. IV, c. XVI.)
Telle que soit l'origine grecque ou germanique des Pélasges, nous les plaçons ici parce qu'ils habitèrent la grande Grèce. On sait que la grande Grèce était cette contrée située à l'extrémité orientale de l'Italie. Là, comme partout ailleurs, Satan demandait le sang de l'homme et surtout le sang de l'innocence.
«Je vais, dit Eusèbe, citer un témoin non suspect de la férocité sanguinaire des démons, ennemis implacables de Dieu et des hommes: c'est Denys d'Halicarnasse, écrivain très versé dans l'histoire romaine qu'il a embrassée tout entière dans un ouvrage écrit avec le plus grand soin.
«Les Pélasges, dit-il, restèrent peu de temps en Italie, grâce aux dieux qui veillaient sur les Aborigènes. Avant la destruction des villes, la terre était minée par la sécheresse, aucun fruit n'arrivait à maturité sur les arbres. Les blés qui parvenaient à germer et à fleurir, ne pouvaient atteindre l'époque où l'épi se forme. Le fourrage ne suffisait plus à la nourriture du bétail. Les eaux perdaient leur salubrité et parmi les fontaines, les unes tarissaient pendant l'été, les autres à perpétuité.
«Un sort pareil frappait les animaux domestiques et les hommes. Ils périssaient avant de naître ou peu après leur naissance. Si quelques-uns échappaient à la mort, ils étaient atteints d'infirmités ou de difformités de toute espèce. Pour comble de maux, les générations parvenues à leur entier développement, étaient en proie à des maladies et à des mortalités, qui dépassaient tous les calculs de probabilité.
«Dans cette extrémité, les Pélasges consultèrent les oracles pour savoir quels dieux leur envoyaient ces calamités, pour quelles transgressions, et enfin par quels actes religieux ils pouvaient en espérer la cessation. Le dieu rendit cet oracle : "En recevant les biens que vous aviez sollicités, vous n'avez pas rendu ce que vous aviez fait vœu d'offrir : mais vous retenez le plus précieux". En effet, les Pélages avaient fait vœu d'offrir en sacrifice à Jupiter, à Apollon et aux Cabires, la dîme de tous leurs produits.
«Lorsque cet oracle leur fut apporté ils ne purent en comprendre le sens. Dans cette perplexité un des vieillards leur dit : Vous êtes dans une erreur complète, si vous pensez que les dieux vous font d'injustes répétitions. Il est vrai, vous avez donné fidèlement les prémices de vos richesses, mais la part de la génération humaine, la plus précieuse pour les dieux, est encore due. Si vous payez cette dette les dieux seront apaisés et vous rendront leur faveur.
«Les uns considérèrent cette solution comme parfaitement raisonnable, les autres, comme un piége. En conséquence, on proposa de consulter le dieu pour savoir si, en effet, il lui convenait le recevoir la dîme des hommes. Ils députent donc une seconde fois des ministres sacrés, et le dieu répondit d'une manière affirmative.
«Bientôt des difficultés s'élevèrent entre eux sur la manière de payer ce tribut. La dissension eut lieu d'abord entre les chefs des villes ; ensuite elle éclata parmi les citoyens qui soupçonnaient leurs magistrats. Des villes entières furent détruites, une partie des habitants déserta le pays, ne pouvant supporter la perte des êtres qui leur étaient le plus chers et la présence de ceux qui les avaient immolés.
«Cependant les magistrats continuèrent d'exiger rigoureusement le tribut, partie pour être agréables aux dieux, partie dans la crainte d'être accusés d'avoir dissimulé des victimes, jusqu'à ce qu'enfin la race des Pélasges trouvant son existence intolérable se dispersa dans des régions lointaines ». (Multæ propterea migrationez, quæ Pe!asgam gentem varias in terras longe lateque deportarunt. Dieu, Haly., Hist., lib.I.)
Voilà ce qui se passait chez ces Grecs si vantés, avant la prédication du cléricalisme. ET AUJOURD'HUI ON VEUT L'EXTERMINER! ET ON DIT QUE TOUTES LES RELIGIONS SONT ÉGALEMENT BONNES !
À l'instar des Grecs, les Romains avaient aussi leurs expiateurs publics
Après notre rapide excursion dans l'ancienne Asie, dirigeons notre voyage vers l'Europe. Sans doute cette partie du monde, privilégiée entre toutes, ne nous offrira pas l'affreux spectacle des sacrifices humains. Du moins les Romains, l'admiration des collèges, des lycées et même de certains petits séminaires, eurent constamment en horreur une pareille barbarie. L'éducation classique ne les accuse jamais d'y avoir participé, il est vrai ; mais l'éducation classique n'est pas l'histoire. Celle-ci va nous ouvrir ses sanglantes annales et nous montrer ce qu'étaient, non seulement sous le rapport des mœurs, mais encore de la cruauté, ces Romains si vantés, qu'un chrétien n'a pas craint d'écrire qu`il faut adorer leurs reliques.
On le sait, les Romains avaient reçu des Grecs une partie de leurs institutions, de ce nombre était celle du sacrifice humain. Comme les Grecs, les Romains avaient donc leurs expiateurs publics. C'étaient des victimes choisies et dévouées d'avance. Dans les calamités publiques on allait, pour les égorger, les prendre dans le lieu où elles étaient nourries, comme le boucher va chercher au pâturage le bœuf qu'il conduit à l'abattoir.
Rome, la capitale de la civilisation païenne, a sacrifié des victimes humaines jusqu'à l'avènement du christianisme; et parmi les sacrificateurs, Dion Cassius cite l'homme le plus éminent de l'Antiquité, Jules César.
«À la suite des jeux qu'il fit célébrer après ses triomphes (dans lesquels fut égorgé Vercingétorix), ses soldats se mutinèrent. Le désordre ne cessa que lorsque César se fut présenté au milieu d'eux, et qu'il eut saisi de sa main un des mutins pour le livrer au supplice. Celui-là fut puni pour ce motif, mais deux autres hommes furent, en outre, égorgés en manière de sacrifice. C'est dans le champ de Mars, par les pontifes et par le flamine de mars qu'ils furent immolés.» (Hist. Rom, XLIII, c. 24, in Mgr Jean-Joseph GAUME, Traité du Saint-Esprit, 1864, Rééd. Éditions Saint-Rémi, 2019, p. 193-194.)
Voici, d'après Denys d'Halicarnasse, comment les choses se passaient :
«Les anciens Romains offraient à Saturne des victimes, telles que les Carthaginois (des enfants) ne cessèrent d'en offrir tant que leur république subsista, et telles encore que celles offertes de nos jours chez les Gaulois et d'autres peuples occidentaux, c'est-à-dire qu'ils immolaient des victimes humaines.
«Pour une raison ou pour une autre, ce genre de sacrifice fut remplacé par le suivant : à la place des hommes dont ils liaient les pieds et les mains, et qu'ils précipitaient dans le Tibre pour apaiser la colère des dieux ils firent des images semblables à ces hommes, vêtues de la même manière. Peu après l'équinoxe du printemps, aux ides de mai, les pontifes, les vestales, les préteurs et ceux qui ont droit d'assister aux sacrifices religieux, jettent dans le Tibre du haut du pont Sacré trente images (mannequins) représentant des hommes, qu'ils nomment Argiens ou Grecs. C'est ce que les Romains n'ont cessé de mettre en pratique jusqu'à moi » (Denys d'Halycarnasse vivait vingt-cinq ans avant Notre-Seigneur. Apud Euseb., Præp. Evang., lib. IV, c. XVI.).
Les Romains ne se contentèrent jamais de ces symboles de victimes humaines, ni de quelques victimes isolées. D'abord, toutes les fois qu'on donnait dans l'amphithéâtre les jeux en l'honneur de Jupiter Latialis (Latialis Jupiter et nunc sanguine colitur humano. De divin. instit., lib. 1, 13) ou Latiaris, la fête commençait par le sacrifice d'une victime humaine. La fête revenait chaque année et durait quatre jours.
«Encore maintenant, dit Lactance, Jupiter Latialis est honoré par le sang humain».
Prudence, Dion Cassius et Tertullien témoignent du même fait. Le grand apologiste s'exprime ainsi :
«Voilà que dans cette très religieuse ville des pieux fils d'Énée, il y a un certain Jupiter que dans leurs jeux, ils arrosent de sang humain » (Ecce in illa religiosissima urbe Æneadorum piorum est Jupiter quidam quem Ludis suis humano proluunt sanguine. Apud., IX.)
Saint Cyprien confirme le fait et décrit la manière dont se faisait l'immolation. Le prêtre égorgeait la victime, recevait le sang tout chaud dans un vase, et le jetait à la face de l'idole, comme pour le lui faire boire (Cruor etiam de jugulo calidus exceptus patera, cum adhuc fervet, et quasi sitienti idolo, in faciem jactatur crudeliter propinatur. De spertaculi. Voir les notes sur Euseb., Præp. Evang., lib. IV, c.xv, note 2.)
Ensuite, les combats de gladiateurs dans l'amphithéâtre n'étaient autre chose que des hécatombes humaines offertes aux dieux, en actions de grâces de quelque victoire, ou de quelque grand événement favorable à la République. C'était l'accomplissement de la promesse faite par les généraux romains, lorsqu'ils assiégeaient une ville.
Leur premier soin était de prononcer la formule d'évocation par laquelle ils priaient les divinités protectrices de la ville, de l'abandonner et de venir dans leur camp. A cette condition ils leur promettaient des temples et des jeux, c'est-à-dire des combats d'hommes ou des immolations de victimes humaines.
Pour rendre grâces aux dieux de la prise de Jérusalem, Titus donna cinq mille paires de gladiateurs, c'est-à-dire qu'il fit immoler, pendant l'espace de vingt jours, dix mille victimes humaines.
Octave, depuis l'empereur Auguste, lui avait donné l'exemple. Après la prise de Pérouse il offrit en sacrifice aux mânes de César trois cents chevaliers ou sénateurs romains (Trecentos ex diditiis electos, utriusque ordinis ad aram divo Julio extructam, idibus Martii hostiarum more mactatos. Suet., in Octav., n° 15.)
En cela il ne faisait que suivre l'exemple de César lui-même :
«A la suite des jeux qu'il fit célébrer après son triomphe sur Vercingétorix (qui fut égorgé), ses soldats se mutinèrent.
Le désordre ne cessa que lorsque César s'étant présenté au milieu d'eux, saisit de sa main un des mutins pour le livrer au supplice. Celui-là fut puni pour ce motif ; mais deux autres hommes furent en outre égorgés en manière de sacrifice.
C'est dans le champ de Mars, par les pontifes et par le flamine de Mars qu'ils furent immolés. Au reste, continue Tite-Live, il était permis au consul, au dictateur et au préteur, quand il dévouait les légions des ennemis, de dévouer non pas soi-même, mais le citoyen qu'il avait pris dans une légion romaine» (Hist., lib. XLIII, c. XXIV; et Iib. VIII, c. X.)
Le même Esprit qui ordonnait autrefois dans le monde païen, le sacrifice humain, l'ordonne aujourd'hui dans tous les pays où il continue de régner sans contrôle : là, sous le nom de Mars, de Jupiter ou d'Apollon ; ici, sous le nom de Fétiche ou de Manitou. Sous une forme ou sous une autre, l'anthropophagie suit le sacrifice. L'Océanien mange ses victimes avec les dents, tandis que le Romain les dévorait des yeux et les savourait avec délices. L'Océanien est un sauvage inculte, le Romain était un sauvage policé. Dans l'un comme dans l'autre, on trouve la soif naturellement inexplicable de sang humain.
«Vue à travers Rome chrétienne, dit M. L. Veuillot (Parfums de Rome. Le sot païen), l'antique Rome inspire aussitôt le dégoût. Ces grands Romains, ces maîtres du monde n'apparaissent plus que comme des saurages lettrés. Y a-t-il chez les cannibales rien de plus atroce, de plus abominable, ou de plus abject, que la plupart des coutumes religieuses, politiques ou civiles des Romains ? Y voit-on une luxure plus effrénée, une cruauté plus infâme, un culte plus stupide ? Quelle différence même de forme peut-on signaler entre le Fétiche et le dieu Lare ? Quelle différence entre le chef de horde anthropophage qui mange son ennemi vaincu, et le patrici en qui achète des vaincus pour qu'ils se combattent sous ses yeux et se tuent dans les festins ? »
Voilà ce qui se passait chez les Romains avant la prédication du cléricalisme ! ET AUJOURD'HUI ON VEUT L'EXTERMINER ! ET ON DIT QUE TOUTES LES RELIGIONS SONT ÉGALEMENT BONNES !
- Tiré de l'ouvrage de Mgr Gaume publié en 1877 « Mort au cléricalisme ou résurrection du sacrifice humain (Gaume et Cie Editeurs, 1877.)
- Disponible en PDF : http://catholicapedia.net/Documents/cahier-saint-charlemagne/documents/C131_Gaume_mort-au-clericalisme_44p.pdf
Autres sources :
(1) Le sacrifice humain en Grèce ancienne, de Pierre Bonnechere http://books.google.fr/books/about/Le_sacrifice_humain_en_Gr%C3%A8ce_ancienne.html?id=pvsoAAAAYAAJ&redir_esc=y
(2) Sacrifices humains. Dossiers, discours, comparaisons
Actes du colloque tenu à l'Université de Genève, 19-20 mai 2011
A. A. Nagy, F. Prescendi (eds.)
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274 p., 20 b/w ill., 155 x 240 mm, 2013
ISBN: 978-2-503-54809-8
Languages: French, English
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Les auteurs de ce volume, historiens des religions, anthropologues et archéologues, étudient des rituels traditionnellement appelés « sacrifices humains », choisis dans leurs domaines respectifs de recherche – des tombeaux royaux d’Ur aux rites anthropoctoniques égyptiens, grecs, romains ou indiens, et des mises à mort rituelles des Gaulois et anciens Mochica aux crimes d’honneur des rapports onusiens. Leur questionnement tourne autour de problèmes méthodologiques fondamentaux pour l’histoire des religions : quand et pourquoi ces rites ont-ils été décrits comme des « sacrifices humains » ? Est-il possible, souhaitable, voire nécessaire d’interpréter autrement de telles mises à mort ? Au fil des diverses interventions, on se rendra compte combien ces « sacrifices barbares » hantent notre imaginaire scientifique, aujourd’hui comme par le passé. Il s’agit en fait d’un concept opératoire, hérité de l’Antiquité classique et consolidé par la culture judéo-chrétienne, qui sert indifféremment de grille de lecture pour expliquer les rites les plus variés.
Source : http://www.brepols.net/Pages/ShowProduct.aspx?prod_id=IS-9782503548098-1
Mise à jour 22.10.2015. Dans son livre « Nos ancêtres les Gaulois », Jean-Louis Brunaux affirme que « la réalité du sacrifice humain en Gaule est indéniable, comme elle l'est dans la Grèce archaïque et dans la Rome royale. » (J.-L. BRUNAUX, Nos ancêtres les Gaulois, Editions du Seuil, Points Histoire, Villeneuve d'Asq 2012, p. 152)
Frantz FUNCK-BENTANO, Les Origines, Librairie Hachette, 1925, p. 36.)
Plus tard, le christianisme triomphant en Gaule, "si les sacrifices ne font plus couler le sang humain, du moins sont-ils nombreux encore en l'honneur des divinités légendaires.
Et l'on comprend l'obstination des chrétiens à traquer ces survivances tenaces, non seulement en proscrivant les vieilles pratiques druidiques, mais en s'efforçant de faire oublier la langue même dont se servaient les sectateurs du culte condamné. (F. Funck-Brentano, Les Origines, ibid., p. 190.)
Dans tous les lieux où le christianisme n'a pas détruit son empire, le Roi de la Cité du mal continue la sanglante parodie.