Les dessous de l’écotaxe : quand Benetton et Goldman Sachs collectent l’impôt français
[D]errière cette taxe écologique se cache une autre question, qui n’a jamais été soumise au débat public : c’est la première fois que la collecte de l’impôt est confiée à des entreprises privées. Un consortium emmené par Benetton, Goldman Sachs, Thalès et SFR empochera 20% des recettes de la taxe pour assurer son recouvrement. Du jamais vu ! Enquête.
L’État a fait le choix de déléguer le recouvrement de l’écotaxe à un prestataire, par le biais d’un contrat de partenariat public-privé. Le produit de la perception de la taxe, estimée à 1 200 millions d’euros par an, sera reversé à l’administration des douanes. Une première en matière de fiscalité ! Un système choisi sous Sarkozy et mis en œuvre par un gouvernement socialiste et écologiste...
Le contrat de partenariat a été signé en octobre 2011, pour une durée de 13 ans et 3 mois. Au terme du contrat, l’ensemble du dispositif doit être remis à l’État. Celui-ci se trouve lié jusqu’en 2025, sans qu’aucune étude n’ait été menée sur l’opportunité de confier cette mission au secteur privé. « Les Douanes n’étaient pas capables de faire un tel montage technique », tranche le député UMP Hervé Mariton. Sauf qu’il était possible de créer un système bien moins complexe. Ou de déléguer seulement certaines missions au secteur privé.
Qui va toucher ces 280 millions par an (desquels sont déduits 50 millions de TVA) pour mettre en œuvre le dispositif de recouvrement ? Un consortium d’entreprises baptisé Ecomouv’, mené par le groupe italien Autostrade per l’Italia. Celui-ci est une filiale d’Atlantia, la société qui gère la plupart des autoroutes italiennes. Elle est détenue (à 48 %) par le fonds d’investissement Sintonia, propriété de la famille Benetton . La banque états-unienne Goldman Sachs est entrée au capital de ce fonds en 2008. Autostrade, qui détient 70 % d’Ecomouv’, s’est allié avec les groupes français Thales, SNCF, SFR et Steria, une entreprise qui vend des services informatiques aux entreprises. Visiblement, personne ne s’est demandé comment la SNCF appréhendera d’éventuels conflits d’intérêt, alors que les 3 300 camions de sa filiale Geodis, spécialisée dans le transport de marchandises, seront concernés par l’écotaxe. Rappelons également que l’objectif initial de l’écotaxe est de développer des transports plus écologiques, notamment le fret ferroviaire, sur lequel la SNCF a quelques intérêts financiers.
[L]a bataille entre sociétés privées pour le marché de l’écotaxe est rude. L’appel d’offre a déjà été marqué par plusieurs contentieux. En janvier 2011, la Sanef – qui a perdu l’appel d’offre – dépose un recours devant le tribunal administratif de Pontoise afin d’empêcher la signature du contrat. Motif : l’État a été conseillé durant la procédure par la société RAPP, qui a travaillé pour la société Autostrade sur la mise en place d’une taxe poids lourds en Autriche. L’indépendance de ce conseil est donc contestée. La procédure d’appel d’offre est alors annulée par le juge administratif, mais validée par le Conseil d’État.
La Sanef a également saisi le service central de la prévention de la corruption du ministère de la Justice pour « faits relevant du délit de favoritisme, de trafic d’influence et d’incitation à la corruption ». Selon ses dirigeants, la société « a été approchée » et « on lui aurait fait comprendre que le résultat de l’appel d’offre serait fonction de ce qu’elle pourrait accepter de "faire" ou de qui elle pourrait "gratifier" » . L’affaire a été transmise au Parquet de Paris, puis de Nanterre. Qu’importe. Le contrat entre l’État et Ecomouv’ est signé en octobre 2011, sous le gouvernement Fillon. Commence alors un « délai contractuel » de 21 mois au terme duquel le dispositif devra être prêt et la collecte lancée. Jean-Marc Ayrault profitera-t-il du nouveau report annoncé le 29 octobre pour renégocier les modalités de collecte de l’écotaxe ? Pieds et poings liés au partenariat public-privé, le nouveau gouvernement dispose d’une faible marge de manœuvre.
Source: http://www.bastamag.net/article3465.html
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