Plusieurs faits désormais établis montrent à quel point les assemblées régionales des régions russophones de l’Est et du Sud de l’Ukraine, ne peuvent pas faire confiance à l’assemblée factieuse de Kiev.
Ainsi, il est désormais établi que les tirs des snipers sur la place Maïdan ont tués aussi bien des policiers que des manifestants. Sans doute pour pousser l’affrontement jusqu’à un point de non retour. Une discussion téléphonique entre Catherine Ashton, haute-représentante de l’UE pour les affaires étrangères et le ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, Urmas Paet, montre que l’UE semble croire que ce sont bien les leaders de l’opposition qui sont à l’origine de ces tirs, et non le Président Ianoukovicth. Le même scénario s’est produit au Vénézuéla, où des policiers et des manifestants ont là aussi été tué par des snippers. Une coïncidence, bien sûr.
Les scènes d’une rare violence qui ont montré les militants du mouvement radical Pravi Sektor, faisant irruption, armes à la main, dans une assemblée régionale et frappant les élus soupçonnés de sympathie prorusses, ont profondément choqué les Ukrainiens et les Russes. Ce mouvement, connu pour avoir fourni des hommes à la rébellion islamiste en Tchétchénie, a appelé le 1er mars le leader terroriste Dokou Oumarov, lié à Al-Qaïda, à ouvrir un second front dans le Caucase, pour occuper les troupes russes. Par ailleurs, un gouverneur régional qui demandait l’intervention des troupes russes pour sécuriser la population, a été enlevé par un commando venu de Kiew, et l’on est toujours sans nouvelle de lui. C’est désormais plus de la moitié de l’Ukraine qui se méfie du coup d’état de Maïdan. Partout les municipalités hissent des drapeaux russes et demandent la protection de la Russie.
Bien sûr, la situation en Crimée est encore plus nette. Composée à 85% de Russes, la république autonome de Crimée veut faire sécession de l’Ukraine et a demandé son rattachement à la Fédération de Russie. C’est une demande officielle du gouvernement de la Crimée. Cette demande, officiellement adressée à la Douma de Russie, sera soumise à un référendum dimanche prochain au peuple souverain. Les autorités légales de Crimée ont invité les observateurs de l’OSCE a surveillé le scrutin. Mais bien sûr, personne au sein de l’UE ou de l’OTAN n’en veut. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est valable que si il est conforme aux intérêts de l’OTAN.
Imaginez qu’en 1914, un référendum soit possible en Alsace, alors rattaché de force à l’Allemagne depuis la défaite de 1870. Imaginez que par ce référendum, on demande aux Alsaciens s’ils voulaient revenir au sein de la république française. Et que par ce référendum, on évite la Première Guerre Mondiale et ses millions de morts. On évite le suicide de l’Europe et on laisse l’avidité américaine de l’autre côté de l’océan atlantique.
La Crimée, c’est un peu l’Alsace de la Russie. La Russie ne fait pas pression sur ses habitants, c’est eux qui veulent rejoindre la Fédération et le prouver par un référendum. Et ce droit leur est nié par les mêmes puissances qui sont intervenues pour arracher une partie de la Serbie, le Kossovo, contre l’avis des populations locales, pour la mettre sous la coupe réglée de trafiquants d’organes de l’UCK, protégée par Bernard Kouchner. La Russie est présente en Crimée depuis 230 ans. Elle y dispose d’une base navale, qu’elle loue près de 100 millions de dollars par an. L’OTAN, elle, a installée une base sur le territoire serbe, contre l’avis de la Serbie, sans débourser le moindre dollar. Le camp Bondsteel permet aux Etats-Unis de contrôler la Méditerranée et la mer Noire, ainsi que les routes menant au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans le Caucase, de même que le transit des ressources énergétiques provenant de la Caspienne et d’Asie centrale.
Les Etats-Unis n’ont aucun droit à être en Serbie, au Kosovo et pourtant ils y sont. 230 années de liens historiques, économiques, et culturels entretenus avec l’Ukraine, donnent à la Russie la pleine capacité d’intervenir pour protéger son peuple, les 1,5 million de russes présents en Crimée. Mais là, il s’agirait d’ingérence.
Le droit à l’ingérence, pourtant, l’OTAN et l’UE ne s’en sont pas privés en Irak, en Lybie ou en Syrie. Mais visiblement, ce n’est valable que si on écrase les populations sous les bombes. Si ce sont elles qui vous appellent, comme en Crimée, alors là c’est illégal. Comprenne qui pourra en Occident. En Russie, en tout cas, la population approuve la décision de Vladimir Poutine, du Gouvernement et de la Douma, de répondre présent à l’appel des Ukrainiens. Une manifestation a réuni plus de 65 000 personnes sur la Place Rouge, le jour même où la demande de la Rada de Crimée est parvenue à la Douma. Pratiquement tous les partis russes étaient présents, y compris certains de l’opposition. Présents sur place, nos équipes en ont ramené ces images et les interviews de deux jeunes russes.
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Les forces d’autodéfenses ukrainiennes et les unités cosaques qui protègent les populations russophones de l’Est, ont lancé des ultimatums expirant dimanche à 20 h, aux unités ukrainiennes qui ne les ont pas encore rejointes ou qui n’ont pas encore déposés les armes, avant de rentrer chez eux librement. Les rumeurs de vols dans des casernes de l’armée ukrainienne de l’Est, par les factions les plus radicales de Maïdan, ont poussé les autorités régionales à se prévenir de tels pillages, qui porteraient notamment sur des missiles sol-air.
Cette semaine sera cruciale, et l’on verra jusqu’où l’OTAN et l’UE sont prêts à aller, pour empêcher le référendum d’autodétermination de la Crimée. Car ils se doutent, bien évidemment, que ce choix risque de faire tâche d’huile auprès des autres régions russophones. Et une fois encore, comme en Syrie, c’est la diplomatie russe qui est garante de la paix.