Mis à jour le 26/12/2020
« La contre-révolution ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la révolution »
(Joseph de Maistre, Considérations sur la France, fin du chapitre X, in J. de Maistre, Oeuvres, Edition établie par Pierre Glaudes, Bouquins Robert Laffont, p. 276).
Comme nos lecteurs le savent, 1789 marque non pas la prise du pouvoir par le "peuple souverain" (mythe républicain), mais un coup d'Etat d'une oligarchie contre un peuple trompé, manipulé et travaillé par des années d'une "opinion publique" induite par les fausses "Lumières" (Lire : "L'"opinion publique" : arme de la "démocratie" depuis 1793"). Aujourd'hui, le génocide (par substitution) n'est que la continuation du génocide vendéen.
Nous nous proposons de livrer ici notre réflexion en trois parties, publiées successivement, sous le titre "Contre le Nouvel Ordre mondial : en finir avec la "révolution".
Il nous incombe de trouver les moyens catholiques de circonscrire la menace d'une énième "révolution" qui ne serait en réalité qu'un nouveau succès du Nouvel ordre mondial oligarchique.
L'Âge d'or :
La Révolution, la société nouvelle, le monde nouveau, régénéré et changé, enfin débarassé du mal, les mythes libéraux issus de 1789, sont toujours à la recherche d'un Âge d'or, une sorte de paradis terrestre perdu, Jardin d'Eden qu'il s'agirait de retrouver, par tous les moyens, pour apporter le bonheur à l'homme... Voilà la matrice révolutionnaire à l'origine de tous les génocides. Au départ de belles idées mais aboutissant à des massacres de masse et à des génocides.
Jean-Jacques Rousseau, père de l'illuminisme et du communisme (l'abbé Barruel appela Rousseau "'le père de Weishaupt,... sophiste prévenant les leçons du moderne Spartacus" : Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinsime, Editions de Chiré, Chiré-en-Montreuil 2005, tome 2, p. 163-164.), nous dit qu'à l'état de nature les hommes vivaient comme le font les animaux. Pour lui, c'était l'âge d'or, un âge de bonheur indépassable, état de liberté et d'égalité, où "les fruits étaient à tous et la terre à personne" (Discours sur l'inégalité, ndlr.), un état "où chaque homme était citoyen de l'univers..." (cité in Mgr Delassus, La Conjuration antichrétienne, Le temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise catholique, 1910, réd. Expéditions Pamphiliennes, 1999, p. 281.)
Mais cet âge d'or dans l'idéologie révolutionnaire, où les hommes étaient libres et égaux n'a bien évidemment rien à voir avec le vrai Jardin d'Eden biblique (le croquement de la pomme - fruit défendu - et la Chute originelle qui s'en est suivie). Non, ici, la Chute de l'homme due à sa désobéissance au commandement divin, est ignorée. Et cette ignorance de la Chute motive tous nos "humanistes" et grandes "Lumières" : en quelque sorte Dieu aurait menti, l'homme n'aurait pas désobéi à Dieu, il aurait simplement voulu s'émanciper des lois divines pour se fabriquer son propre paradis à lui... Il s'agit bien évidemment-là de satanisme : l'homme qui se fait créateur et son propre sauveur sans Dieu (matérialisme scientiste), l'homme qui se fait dieu à la place de Dieu et de son Christ, unique Rédempteur.
Cette vision largement fantaisiste d'un âge d'or où les hommes étaient libres et égaux, le mythe du "bon sauvage" a été réduit à néant par tout ce que la science a enseigné depuis sur la préhistoire (Voir Laurence Keeley, Les guerres préhistoriques, Le Rocher, Paris 2000; Jean Guilaine et Jean Zammit, Le Sentier de la guerre, Le Seuil, Paris 2001).
Pourtant, de la Ière "république française" de 1792 en passant par 1917 et le communisme ("selon qu'on lit Le Capital ou le Manifeste, à tous, Karl Marx - auteur du Manifeste du Parti communiste, 1848 - semble donner le secret de la divinité de l'homme succédant à celle de Dieu : François Furet, Le Passé d'une illusion, essai sur l'idée communiste au XXe siècle, Robert Laffont / Clamann-Lévy, Mesnil-sur-l'Estée 1995, p. 41), c'est cette hérésie satanique qui continue d'imprégner l'ensemble de nos institutions et d'inspirer les régimes dits libéraux à prétention universelle, fomantant - avec l'argent de la banque - toutes sortes de révolutions.
Le but est toujours le même : détruire la petite propriété (obsession illuministe), propager la société nouvelle antiblique sur le modèle de la construction d'une nouvelle tour de Babel contre la volonté de Dieu (d'où le terme de néo-mondialistes), intégrer les nations sous la tutelle de principes universels. Le propre de l'universalisme est au contraire de reconnaitre la diversité des principes et des civilisations dans le monde, mais nos "humanistes" n'en ont cure. Le grand mouvement planétaire vers une intégration toujours plus grande de l'ensemble des nations sous des principes communs se moque de savoir si la nouvelle société se fait au prix de millions de morts. Cette grande destruction a commencé avec le Génocide des Vendéens, prototype de tous les génocides suivants. Gracchus Babeuf, dans sa brochure intitulée "Vendée et le système de dépopulation", écrite en 1794, appela le génocide vendéen "nationicide" (qui tue la nation). (in Stéphane Courtois, Communisme et totalitarisme, Tempus, Paris 2009, p. 370.)
Le même projet nationicide entend tuer l'ensemble des nations. Sur toute la surface du globe, faire un peuple métissé et heureux de l'être (sauf en Israël, qui nous dit-on, doit "conserver son caractère juif et démocratique"). Tel semble être le paradigme indépassable vers lequel nos grands esprits épris d'"humanisme", de "liberté" et de démocratie veulent nous diriger.
Alors, c'est le sujet de notre article: devons-nous, nous aussi, aujourd'hui, céder à la séduction révolutionnaire, espérer une "révolution" pour en finir avec l'oligarchie cachée ?
Le risque est que, dans les faits, toutes les révolutions ont eu des meneurs, oligarques, financiers, francs-maçons cachés, sortes de sentinelles de la révolution (maçonnique), qui détournant les authentiques projets de réforme, ont établi le pouvoir de l'oligarchie.
Autre question, parallèle, les "révolutions" ont-elles été oui ou non un progrès pour les peuples ou un progrès pour l'oligarchie ?
Pour répondre à ces questions, il nous faut retrouver le sens premier de la Loi qui a été perverti par la Révolution (Volonté humaine en dehors de toute norme naturelle et surnaturelle). Et réfléchir au sens antigonien de la Loi comme recherche et conformité de l'ordre public aux commandements divins, sans quoi nous tombons dans la tyrannie et ce risque de voir les "révolutions" se ré-orienter dans le sens oligarchique.
"A bien des égards, on peut être convaincus de l'unité du phénomène révolutionnaire dans l'histoire contemporaine, depuis la Révolution française incluse, ... et d'y repérer une essence commune, de la France de 1789 à la Russie de 1917 et des révolutions fascistes des années 1920-1930 à la Chine de Mao" (Patrice Gueniffey, Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin Collection Tempus, Paris 2011, p. 177-178.)
L'histoire montre en effet, "de demi-siècles en siècles" (expression de Reynald Secher in "Vendée, Du génocide au Mémoricide", Cerf politique, Paris 2011, p. 306), que républiques et démocraties (populaires, représentatives directes ou indirectes) ont toutes été accouchées par la violence, dans des bains de sang, des guerres internationales, des guerres civiles, des génocides de classes ou de races, au plus grand profit de la banque et des financiers. C'est que, nécessairement, il doit y avoir dans la construction de cette chose de tous, la res publica, un génome de la terreur, une caractéristique pouvant conduire au pire.
Ce génome de la terreur révolutionnaire, nous le trouvons dans deux principes de 1789 - que Patrice Gueniffey, a parfaitement synthétisé en deux termes - le "volontarisme" (la Volonté générale) et le "constructivisme", dont la réunion contient la "révolution" et contient virtuellement toute la Terreur révolutionnaire.
Le constructivisme fut par exemple la thématiques de la campagne présidentielle de François Hollande avec le slogan "Le changement c'est maintenant" ou bien encore celle de Nicolas Sarkozy avec la "France d'après" en 2007.
En 1789, "'La richesse et la pauvreté étaient destinées à disparaître dans un régime d'égalité', lit-on dans un décret de la ville de Paris en novembre 1793, et : 'Il ne faut plus ni riches ni pauvres. L'opulence est une infamie,' dirait Saint-Just cette même année. Montesquieu et Rousseau - d'accord sur ce point - avaient raison. La démocratie, pour être effective, avait besoin d'une égalité qui dépasse le seul plan des droits, pour arriver à toucher la substance de la vie matérielle des citoyens..." (Aldo SCHIAVONE, Une Histoire de l'égalité, Leçons pour le XXIe siècle" (traduit de l'italien par Giulia Puma, Fayard, L'épreuve de l'histoire, Saint-Amand-Montrond 2020, p. 153.)
Patrice Gueniffey l'explique parfaitement : "L'association du 'volontarisme' et du 'constructivisme' constitue ainsi la première racine de la Terreur révolutionnaire. L'histoire de la Terreur ... ne commence de ce point de vue ni en 1793 ni même en 1791 ni en 1792 : elle est consubstantielle à la Révolution qui, dès 1789, se présente comme une pure aventure de la volonté". (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 50.) Heureusement pour nous, manque aujourd'hui le volontarisme porté à son incandescence, ce qui interdit la jonction des deux principes révolutionnaires et la virtualité du pire.
"Je t'aime plus que jamais et jusqu'à la mort", écrivait le rosicrucien Robespierre au conventionnel Régicide Danton, un an avant de la lui faire infliger (Robespierre à Danton, 15 février 1793, in Correspondance de Maximilien et Augustin Robespierre, publ. G. Michon, 2 vol., Paris 1926 et 1941, t. 1, p. 160, cité in Xavier Martin, Voltaire méconnu, Aspects cachés de l'humanisme des Lumières, 1750-1800, Dominique Martin Morin, Mayenne 2007, p. 296-297.) Danton sera exécuté le 5 avril 1794. "Avant de faire couler le sang, les révolutions produisent du verbe, des mots, des discours, un flot de discours. ... [L]a production de ces discours ne peut s'exercer que dans un seul sens, celui d'une surenchère permanente. En effet, la 'révolution' ... offre une promesse vague de liberté et de bonheur qui ouvre un espace sans limites aux spéculations. Toute définition de la révolution s'expose, sitôt formulée, à être concurrencée par d'autres définitions qui en radicaliseront les objectifs. Là réside le moteur de l'hubris révolutionnaire qui, d'outrance en surenchère dans la définition des buts et dans le choix des moyens, conduit inexorablement à la violence à travers une dynamique de radicalisation cumulative du discours. ... Chacun doit produire en permanence ses titres en démontrant par ses discours et par ses actes qu'il est plus révolutionnaire que le plus révolutionnaire de ses concurrents. La surenchère est nécessairement la règle et la violence un aboutissement inéluctable." (Patrice Gueniffey, Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin Collection Tempus, Paris 2011, p. 186-187, 191.) "Il n'y a jamais de retour en arrière durant ces années, mais, comme dans toute la Révolution (faut-il dire dans toute révolution ?), une radicalisation croissante" (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Paris 1989, p. 42.)
Dans son livre "Le Passé d'une illusion, essai sur l'idée communiste au XXe siècle", dont le titre est une allusion à l'ouvrage de Sigmund Freud, L'Avenir d'une illusion, François Furet, ancien membre du Parti communiste qu'il quitta en 1959, à qui l'on doit d'être un des premiers historiens de gauche, à avoir cassé le mythe de la Révolution française, explique que "ce que la Révolution française a inventé est moins une nouvelle société, fondée sur l'égalité civile et le gouvernement représentatif, qu'un mode privilégié du changement, une idée de la volonté humaine, une conception messianique de la politique " (F. Furet, Le Passé d'une illusion, Robert Laffont / Calmann-Lévy, Mesnil-sur-l'Estée 1995, réed Malherbes 2007, p. 47). La Révolution se définit par la fin qu'elle se donne : libérer l'homme et les sociétés.
François Furet établit - ce qui lui vaudra la haine indéfectible des historiens marxisants, jacobins et robespierristes jusqu'à sa mort en 1997 - que la Terreur (la violence révolutionnaire) est en germe dès les débuts de la Révolution française. Il refuse d'expliquer la Terreur par les nécessités et les ciconstances. La révolution n'est plus le "bloc" de Clémenceau (La Révolution française, écrit avec Denis Richet, 1965.) que l'on peut prendre sans nuance et sans critique. Dans la Révolution il y a une part d'indéfendable.
Derrière la "volonté humaine" (expression de François Furet), il y a nécessairement son corollaire politique la "Volonté générale", dogme révolutionnaire indéboulonnable qui depuis 1789, organise toutes les sociétés modernes.
Mona Ozouf, dans la préface à l'édition de 2007 de La Révolution française de François Furet (Quarto Gallimard, Malherbes 2007, p. XXI), expose elle aussi le problème : "Il (Fr. Furet) savait que la démocratie, fondée sur la conviction que le corps politique est le produit des volontés de chacun, et portant jusqu'à l'incandescence l'idée d'une création de l'homme par lui-même, est vouée à étendre sans cesse les droits des individus. Elle contraint les hommes à vivre dans un monde d'individus inégaux, alors même qu'elle a posé en principe leur égalité. Elle se condamne donc à rendre sans cesse moins tolérable l'écart entre les promesses qu'elle fait, les espérances qu'elle suscite et les accomplissements qu'elle offre. Aussi est-elle une idée sans terme prévisible, exposée à la surenchère, et ouverte à toutes les dérives passionnelles. ... François Furet retrouve comment l'espérance d'un monde nouveau à construire peut se retourner en son contraire meurtrier."
... Et François Furet de s'interroger sur "le gouffre entre le bilan de la Révolution française et les intentions des révolutionnaires" : "et s'il n'y avait, dans ce discours de la rupture, que l'illusion du changement ?" (Fr. Furet, La Révolution française, Quarto Gallimard, Malherbes 2007, p. 30.)
La souveraineté populaire qui fait de l'homme-citoyen un dieu refusant toute loi qu'il n'a pas lui-même élaborée et approuvée a également pour conséquence un esprit de révolte contre l'ordre naturel. Cet esprit conduit par exemple aujourd'hui à un projet de légalisation du "mariage" homosexuel et à l'adoption d'enfants par des "couples" homosexuels... Le tout au nom de l'"égalité des droits", alors qu'aucun homme n'a de droit sur son prochain, d'autant plus s'il s'agit d'enfants.
Le XXe siècle avec les deux totalitarismes national-socialiste et communiste qu'il a charrié, puis ce début de XXIe siècle avec l'émergence de nouveaux totalitarismes islamiques issus des soit-disant "révolutions" arabes portés toujours sur la même thématique du changement et de la création (Egypte, Tunisie, Libye et la tentative actuelle en Syrie) finissent par convaincre les hommes, pour reprendre l'expression de Reynald Secher, "à partir de leur propre malheur... de demi-siècles en siècles,... que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires..." (Reynald Secher dans son dernier ouvrage, "Vendée, Du génocide au Mémoricide", Cerf politique, Paris 2011,p. 306).
La faillite de l'idée révolutionnaire et des principes de 1789 est en train de se généraliser, au point que Patrice Gueniffey, dans un entretien au Point, publié le 16/04/2011, n'hésite pas à dire que "la Révolution est morte comme événement historique et comme marqueur politique", que la Révolution française "est morte et ses mythes avec elle" ( Histoire de la Révolution et de l'Empire, Perrin Collection Tempus, Paris 2011, p. 16-26).
"La Révolution française, n'est plus aujourd'hui ce qu'elle fut longtemps: l'alpha et l'omega de l'histoire de France et même ... de l'histoire universelle. C'est un fait, elle n'occupe plus le premier rang... Tombée de son piédestal, la révolution de 1789 a subi, de ce point de vue, un véritable déclassement." (Patrice Gueniffey, ibid., p. 7)
L'effondrement du communisme, "a frappé de plein fouet l'idée même de révolution, y compris en France où pourtant, la vie politique offre régulièrement des représentations d'une révolution à laquelle, année après année, leurs figurants croient de moins en moins". Effondrement qui a entraîné avec lui l'effondrement de la croyance à un sens de l'histoire (inéluctable triomphe de la Raison, progrès moral, espoir dans une société sans classes: "c'était bien, des Lumières aux libéraux, et de ceux-ci à Marx et à ses héritiers la même foi dans l'Histoire, dans une histoire ordonnée... au progrès.")
"La philosophie libérale de l'histoire et son rejeton matérialiste se sont écroulés en même temps. L'histoire continue, comme chacun peut le constater, mais sans qu'on puisse désormais indiquer la direction qu'elle suit..."
Patrice Gueniffey, néanmoins, rappelant l'interrogation de l'auteur de la Démocratie en Amérique, se demande si nous ne sommes pas en train d'assister à l'avènement d'un pouvoir "immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer la jouissance d'une "foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leurs âmes", un pouvoir "absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux ... ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre" (Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II, 4e partie, chap. 6, op. cit., p. 648). "On croyait savoir que l'histoire était apparue en Grèce avec la démocratie. On peut vérifier qu'elle disparaît du monde avec elle" (G. Debord, Commentaires sur la société du spectacle, Gallimard, Paris 1992, p. 29.)
Sur Christroi, contre ce "pouvoir immense et tutélaire", et avec d'autres mouvements issus de l'ensemble de la société, le poids de l'expérience aidant, nous comprenons qu'une oligarchie s'est toujours emparée du pouvoir dès que les peuples s'en sont remis aveuglément à la démocratie pour régler les problèmes. Nous nous interrogeons donc tous, plus ou moins, sur les principes hérités de 1789. Le "bilan" des révolutions nous montre le décalage constant entre les belles déclarations d'intention des révolutions - principes écrits et constitutionnalisés -, avec l'application réelle des "droits de l'homme" sur le terrain. Tous, nous sentons confusément - pour reprendre l'expression de Joseph de Maistre -, qu'il nous faut faire le "contraire de la Révolution", ne pas utiliser ses moyens, si on ne veut pas finir en oligarchie via de nouveaux massacres. Le principe de non-violence dans la résolution des conflits sociaux doit être pensé comme conquête de la civilisation sur la barbarie. "La Révolution étant complètement satanique, explique Joseph de Maistre, dans une lettre de 1818, elle ne peut être véritablement tuée que par le principe contraire. La contre-Révolution sera angélique ou il n'y en aura point" (J. de Maistre, ibid., p. 1153.) Cela ne signifie pas que nous condamnions tout usage de la violence (le concept de guerre juste permet à un Etat injustement attaqué de se défendre par une réponse proportionnelle), par contre nous devons à nouveau réflechir à ce commandement: "tu ne tueras point" (en vue d'une fin et notamment l'édification d'une société que tu auras jugé idéale...) Seuls les sophistes relativistes et autres révolutionnaires répliqueront qu'ils se moquent de la morale et de ce commandement si la fin est belle et bonne (à leurs yeux).
Deux mots d'ordre nous semblent donc ici importants :
- premièrement, l'amour de Dieu (premier commandement), la reconnaissance de sa souveraineté - c'est Dieu qui est souverain, pas l'homme sa créature comme le prétend faussement l'article 3 de la DDH de 1789 ("Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation") -, la reconnaissance d'une Création antérieure à l'homme, la reconnaissance de la faillibilité de la volonté humaine et de la raison humaine coupée de toute préoccupation supérieure (amour du prochain, deuxième commandement). La nocivité du principe révolutionnaire de la souveraineté de l'homme sans Dieu (article 3 de la DDH de 1789 sur la "souveraineté nationale") est dès lors circonscrite.
- Deuxièmement, l'information et la recherche de la vérité : "Vous connaîtrez la vérité, et la verité vous rendra libres" (Jn, VIII, 32) doivent être un de nos soucis permanents. Les mensonges de la "révolution" installent l'homme dans la facilité, la sensualité et finalement la passivité qui contrôle les citoyens-électeurs : ces techniques de manipulation, de domination et de conditionnement élaborées par les "Lumières" au XVIIIe siècle, seront exposées un peu plus bas.
Enfin, si l'on souhaite être tout à fait complet (IIIe partie), dans le but d'organiser une représentation sincère et non-oligarchique de la société, on remplacera l'élection (loi du nombre) héritée de 1789, par le poids réel des corps sociaux. Par exemples: poids des cadres, employés, ouvriers, familles, fonctionnaires, artisans, professions libérales, étudiants, etc. Représentation par poids réel des corps de la nation plutôt que la soit-disant "représentation" par têtes, "représentation" parlementaire qui n'est jamais que le masque de l'oligarchie bancaire et marchande, le pouvoir donné à une minorité (grands partis) sur la majorité.
Historien, Reynald Secher a apporté des preuves que durant la Révolution la Vendée a été victime d’un génocide programmé. Depuis, il est tenu en quarantaine...
I - La reconnaissance du Christ-Roi
Quid de la "révolution" émancipatrice et libérant les peuples ?
Un satanisme niant le péché originel
"La Révolution est une 'conspiration générale contre Dieu' (La Légitimité, Casterman, Tournai 1873, p. 50.) : 'A la souveraineté absolue de Dieu, la Révolution a d'abord substitué la souveraineté des rois; à la souveraineté des rois, elle a ensuite substitué celle du peuple ! C'était toujours pour ôter Dieu. Mais aujourd'hui qu'il est absent, nous avons l'homme, autrement dit l'orgueil et son despotisme sans fond' (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Restauration française, Casterman, Tournai 1872, p. 411.)
Comme pour Joseph de Maistre, Blanc de Saint-Bonnet estime que la révolution "possède plusieurs des caractères diaboliques par excellence. Elle se définit par le mensonge, la haine, l'orgueil: la révolution ... s'affirme par la négation. Négation de l'histoire pluriséculaire du pays qui l'a vue naître; négation du christianisme et de toute religion; négation des lois naturelles elles-mêmes: 'La Révolution française ne ressemble à rien de ce qu'on a vu dans le passé. Jamais civilisation n'avait osé s'inscrire contre les lois de la nature humaine et rompre tout lien avec le Ciel' (A. Blanc de Saint-Bonnet, La Restauration française, Casterman, Tournai 1872, p. 6.)
"Tandis que l'Eglise continuait à prêcher la déchéance de l'homme, à affirmer sa faiblesse et la nécessité d'un secours divin pour l'accomplissement du devoir, l'humanisme prenait les devants sur Jean-Jacques Rousseau pour proclamer la bonté de la nature; il déifiait l'homme (ou le peuple, ndlr.)
Disciples de Rousseau, les Conventionnels de 1792 donnèrent pour fondement au nouvel édifice, ce principe que l'homme est bon par nature. (Source: Mgr Henri Delassus, La Conjuration antichrétienne, Le temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise catholique, 1910, réed. Expéditions pamphiliennes, 1999, p. 25, 32)
C'est tout le socle chrétien qui est balayé et remplacé par un mythe originel nouveau, le mythe rousseauiste progressiste de "l'homme naturellement bon" (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755, GF-Flammarion, Paris 1992, p. 184), mythe repris par les révolutionnaires de 1789, 1793, 1917, dans lequel nous continuons de vivre aujourd'hui.
Le XVIIIe siècle a dit avec Rousseau que l'homme est né bon (Discours sur l'inégalité, 1755) et que c'est la société qui le rend mauvais et le corrompt, la société, les arts, les gouvernements, le commerce. La nature ne destinait pas l'homme primitif à la vie en société; pendant des milliers d'années il aurait vécu solitaire et c'était un élément essentiel de son bonheur (Discours sur les sciences et les arts, 1750). Antoine Blanc de Saint-Bonnet a répliqué : 'C'est le contraire de la proposition de Rousseau qu'il faut prendre: l'homme naît méchant, et la société le répare, le civilise ... La révolution qui a tant péroré sur l'homme, naît tout entière d'une erreur sur l'homme' ( A. Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Casterman, Tournai 1873, p. 101.)
Cette erreur sur la nature de l'homme s'est retrouvée dans le communisme et explique pourquoi l'Urss a fini par s'effondrer en 1991 : même dans un pays communiste, la nature de l'homme ne change pas. Un ouvrier qui voit son patron rouler en mercedes voudra lui aussi rouler en mercedes. La jalousie, l'envie, l'orgueil ou simplement le désir feront encore partie de sa nature humaine et ne pourront pas être abolis...
La révolution est donc un échec catastrophique. Un échec qui expose progressivement la civilisation à s'anéantir et les hommes à s'ensauvager jusqu'à s'exterminer les uns les autres (les uns après les autres pour les révolutionnaires de 1789 !) : c'est 'une abominable imposture' (A. Blanc de Saint-Bonnet, La Restauration française, ibid., p. 211.)
En effet, la civilisation occidentale, c'est-à-dire le génie de l'Antiquité et de la chrétienté, avait en somme consisté à domestiquer l'hybris de l'individu. Tout au contraire, la Protestation ruine ce progrès pour restaurer la barbarie qui sommeille par nature au fond de l'orgueil... (Source: Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 547-572).
"L'auteur (Blanc de Saint-Bonnet) s'inscrit en faux contre la définition du libéralisme découlant de la négation du péché originel, une définition qui veut voir dans la liberté la capacité de l'homme à faire ce qu'il veut sans en être empêché par qui que ce soit ou par quoi que ce soit. Il lui oppose la philosophie classique qui, postulant que les choses et les êtres ont une nature, considère qu'être libre consiste pour chaque homme à devenir ce qu'il est par nature ou à retrouver cette nature perdue, car les philosophes grecs, comme les théologiens catholiques, pensent que l'homme n'est pas né parfait. Ce que nie la philosophie du moi en écartant l'idée d'un ordre objectif. Blanc de Saint-Bonnet pose alors cette question : l'homme a-t-il une loi ou peut-il la créer lui-même ? ... En une formule thomiste, Blanc de Saint-Bonnet appelle la liberté la capacité de se mouvoir dans le bien. (Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 557-558).
La "liberté" dans la mentalité des "Lumières"
Chose étonnante, peu de personnes savent que les "Lumières" du XVIIIe siècle avaient une conception étroite de la liberté humaine, qui se réduisait à une liberté mécanique, celle d'un animal...
"En mars 1794, un rebelle (vendéen) capturé, Ripault de la Cathelinière, à qui l'on fait grief d'avoir 'tout mis à feu et à sang pour la religion et pour le roi', rétorque aux représentants en mission: 'Vous méritez le même reproche, puisque vous sacrifiez le peuple pour la liberté, qui n'est qu'une chimère' (Rapport de Hentz et Francastel, de vendémiaire an III, cité dans Chassin, La Vendée patriote, op. cit., t. 4, p. 338.) A s'en tenir aux catégories de l'historiographie académique de toutes tendances, ... il est normal de voir un noble vendéen, pris les armes à la main, contester comme 'chimère' la liberté de la Révolution... Mais si, on se remémore que par exemple pour Voltaire la liberté est 'de toute façon une belle chimère', qu'à ses yeux elle est même, 'en effet, une chimère absurde' (Voltaire, Corr., t. 3, 1753 à Cideville, et t. 10, p. 314.), que pour d'Holbach 'le libre arbitre est une chimère', et que subséquemment le 'sentiment' que l'homme a 'de sa propre liberté est une chimère' (D'Holbach, Le Bon Sens, op. cit., p. 70., titre même du chapitre LXXX; Système de la Nature, t. 1, p. 234), ... que 'le mot liberté', si l'on en croit Diderot, 'est un mot vide de sens' (Diderot, Corr., t. 1, p. 255, lettre de 1756.), alors n'est-il pas évident que la réplique du captif vendéen s'éclaire d'un jour inattendu ?"
(Source: Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française, Du siècle des Lumières au Code Napoléon , Dominique Martin Morin, Mayenne 2002, p. 143-144.)
"Les Lumières, et pas seulement Rousseau, inclinent à le croire: l'homme, fondamentalement, est surtout bon comme animal, il est un 'animal bon et juste qui veut jouir' (Mirabeau, Essai sur le despotisme, 2e éd.? Londres 1176, p. 63.) et l'exercice de la fonction intellectuelle, Diderot le dit autant que Rousseau, détériore 'la condition animale' ( Xavier Martin, ibid., p. 140) Diderot concède que 'nous ne sommes pas destinés à la lecture, à la méditation, aux lettres, à la philosophie' (A Sophie Volland, 7 novembre 1762: Diderot, Corrs.., t. 2, Paris 1958, p. 212-213) (ibid., p. 106.)
Lequinio en offre une autre illustration. Député à l'Assemblée législative, où le signalent des propositions davant-garde, puis conventionnel, régicide et représentant en mission spécialement pugnace, a offert à la France un livre de doctrine, Les Préjugés détruits, en 1792. Il y démontre avec rigueur que l'homme n'est pas fait pour penser, entendons : pour penser par effort, autrement qu'en délaissant, passive, son intériorité en proie à l'unique jeu des sensations.
'L'homme, dit-il après d'autres, n'est pas né pour penser, mais pour sentir'. ... Lequinio, parlant de la sorte ne s'éloigne guère de la moyenne de ses contemporains les philosophes. Rousseau ... aime mieux ne penser que 'librement et sans gêne en laissant aller à leur gré ses idées sans les assujettir à rien', il préfère 'se laisser gouverner par une imagination riante, que de gouverner avec effort sa tête par la raison', il répugne 'à toute oeuvre où il faut que l'esprit agisse, quelque peu que ce puisse être'. Et c'est de longue date que cela le conduisait à opposer à la pensée (passive) la réflexion (active), laquelle veut un effort dérogatoire aux facultés normales de la nature de l'homme, qui naît, disait-il, 'pour agir et penser, et non pour réfléchir' (Rousseau, Préface de Narcisse, écrite fin 1752, début 1753, dans oeuvres complètes, Pléiade, t. 2, Paris 1964, p. 970.) C'est bien cela que Lequinio veut dire. Jean-Jacques insistait : 'L'étude corrompt ses moeurs, altère sa santé, détruit son tempérament, et gâte souvent sa raison'. Ce n'est donc nullement par inadvertance que Rousseau sertira son prétexte fameux selon quoi méditer déprave la bête humaine, car violentant sa complexion, tout comme, pour un clapier, battre la générale, ou danser pour un équidé" (Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française, Du siècle des Lumières au Code Napoléon , Dominique Martin Morin, Mayenne 2002, p. 103-105.)
Une liberté qui s'arrête à la tolérance philosophique
"Mais alors la tolérance ? Les philosophes des Lumières dont se réclament les révolutionnaires n'ont-ils pas prêché la tolérance ? Oui, certes. Ils ont dit et répété: il faut tolérer toutes les opinions. Mais ils ont dit aussi qu'il ne fallait pas tolérer les intolérants. Or, les catholiques fervents sont des intolérants. Ce sont des 'fanatiques', et comme l'a enseigné Voltaire, 'il faut donc que les hommes commencent par n'être pas fanatiques pour mériter la tolérance' (Voltaire, Traité de tolérance, édition de 1764, p. 172.)
On s'est souvent demandé pourquoi la Révolution qui avait proclamé la liberté religieuse avait aussi persécuté la religion. Car elle l'a proclamée, cette liberté, à plusieurs reprises. Elle l'a proclamée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle l'a proclamée à nouveau le 18 frimaire an II (8 décembre 1793), c'est-à-dire en pleine Terreur et en pleine déchristianisation. Elle l'a proclamée enfin le 3 ventôse an III (21 février 1795). Mais cette liberté si souvent et solennellement déclarée n'est pas la liberté que nous entendons. Elle est d'une autre essence. Elle est imprégnée de l'esprit de la tolérance philosophique, et cet esprit-là est un esprit d'exclusion et de persécution. Ainsi s'explique-t-on fort bien pourquoi la révolution de la liberté persécute la liberté. Ainsi peut-on comprendre pourquoi la Révolution a tué 8000 prêtres, religieux et religieuses, et des milliers de fidèles. Ce n'est pas la liberté ou la mort, c'est la liberté et la mort" (Jean de Viguerie in Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 217-218).
3/4 La Révolution Française (1789-1799) Révolution Française
Jean de Viguerie sur la tolérance philosophique, la conception de la liberté et de la nature humaine chez les philosophes
Il y avait plus de liberté de penser sous l'Ancien Régime que sous le nouveau.
Devant le désastre révolutionnaire, "Manon Roland confirme et signe un an plus tard: 'La France n'est plus qu'un vaste théâtre de carnage, une arène sanglante où se déchirent ses propres enfants'. Il faut se rendre à l'évidence : le renversement de la monarchie 'na été que le signal des passions haineuses et du débordement des vices les plus hideux'" (Mme Roland, Mémoires, Paris 1966, p. 234-235., passages datés du 28 août 1793.) La fière idéaliste est alors retenue par la république dans une geôle, qui absurdement ne la vomira que pour l'échafaud : 'Liberté, que de crimes on commet en ton nom', aurait-elle murmuré in fine. ... "La malheureuse avait mal saisi le tour dialectique un peu délicat du Contrat social où Rousseau écrit que le citoyen, 'on le forcera d'être libre'. ... De même entendra-t-on sous la Révolution - c'est Turreau en personne qui l'exprime en Vendée - que l'on fera 'le bien du peuple, malgré le peuple. Il faut le contraindre à être libre'" (Circulaire du Prieur de la Marne et de Turreau, 4 novembre 1793, cité d'après Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, 1840-1842, 4 vol., Paris 1979, t. 1, p. 312, in Xavier Martin, La France abîmée, Essai historique sur un sentiment révolutionnaire , 1780-1820, Dominique Martin Morin, Mayenne 2009, p. 45.)
Si l'on compare avec ce que dit Chateaubriand de l'Ancien Régime, la comparaison est déprimante : 'Dans aucun temps, dans aucun pays, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, jamais la liberté de penser n'a été plus grande qu'en France, au temps de sa monarchie' (Chateaubriand, Génie du Christianisme, Pléiade, Paris 1978, p. 840, cité in Xavier Martin, La France abîmée, ibid., p. 80-81.)
« On aurait donc bien tort de croire que l'ancien régime fut un temps de servilité et de dépendance. Il y régnait beaucoup plus de liberté qu'aujourd'hui. »
(Alexis de Tocqueville, "L'Ancien Régime et la Révolution", 1856)
"La plus libérale des démocraties actuelles est bien plus absolue que la monarchie dite absolue. En effet, l’autorité étatique y est beaucoup plus à même d’imposer sa volonté." (Jean-Louis Harouel, L’esprit des institutions d’Ancien Régime, in Le miracle capétien, Perrin, 1987)
Et Camille Desmoulins, pris dans la tourmente, de préciser : "'Nous n'avons jamais été aussi esclaves que depuis que nous sommes républicains, si rampants que depuis que nous avons le chapeau sur la tête'. Il sera guillotiné deux mois plus tard, hélant à ses collègues de la Convention : 'Représentant du peuple, oserais-tu parler aujourd'hui au premier commis de la guerre aussi courageusement que tu le faisais il y a quatre ans [sous la Constituante] à Saint-Piest [ministre], à Mirabeau, à La Fayette, à Capet lui-même ?'" (C. Desmoulins, Le Vieux Cordelier, publ. P. Pachet, Paris 1987, 15 pluviôse an II, 3 février 1794, p. 110, cité in Xavier Martin, La France abîmée, ibid., p. 81.)
La fabrication d'un "homme nouveau" manipulé et heureux d'être manipulé
Jean-Jacques Rousseau "veut produire une humanité régénérée. Le véritable projet qui sous-tend le Contrat social est 'd'altérer la constitution de l'homme pour la renforcer', de 'changer, pour ainsi dire, la nature humaine' (Du Contrat social, II, 7 cité in Jean-Louis Harouel, Le Vrai génie du christianisme, Laïcité, liberté, développement, Ed. Jean-Cyrille Godefroy, Clamecy 20012, p. 193.)
"C'est donc, accotée, à la lecture de Rousseau, la Révolution qui ouvre une carrière à un souhait qui devient un travail : la reconstitution d'une nouvelle innocence, la recréation d'un nouvel Adam. Par là, ils (les hommes de la Révolution) ont exprimé une ambition philosophique illimitée" (Mona Ozouf, L'homme régénéré, Essais sur la révolution française, Nrf Editions Gallimard, Mayenne 1989, p. 118).
"[M]odifier l'homme en vue de son bonheur social... Ce n'est pas d'hier que Jean-Jacques 'entrevoit une secrette opposition entre la constitution de l'homme et celle de nos sociétés' (Dialogues). La chose sans doute mérite d'être sue: 'Celui qui ose entreprendre d'instituer un peuple doit se sentir en état de changer pour ainsi dire la nature humaine; de transformer chaque individu; d'altérer la constitution de l'homme pour la renforcer' (J.-J Rousseau, Contrat social, L. II, chap. 7 'Du Législateur', p. 381, cité in Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française, Du siècle des Lumières au Code Napoléon, Dominique Martin Morin, Mayenne 2002, p. 68.)
"Rousseau dira aussi de 'quiconque se mêle d'instituer un peuple' qu'il 'doit savoir dominer les opinions et par elles gouverner les passions des hommes' (Considérations sur le Gouvernement de Pologne, 1770, in Oeuvres complètes, t. 3, Paris 1964, p. 965-966.) Il se confirme là que la tendance n'est aucunement à une exaltation de volontés individuelles libres et souveraines, mais au pur et simple contrôle des psychismes. Car, notons-le, il ne s'agit pas seulement de 'dominer les opinions', mais au surplus de gouverner par elles, ce qui indique un nécessaire téléguidage des intériorités, donc à leur allégeance sans limite ni relâche à l'omnipotence étatique. 'Il n'y aura pas de bonnes et solides constitution que là où la loi régnera sur les coeurs des citoyens'; et il avait dans sa candeur quelque conscience du caractère anodin de ses propos, puisqu'il enfonçait le clou : il faut, insistait-il, que 'la force législative' aille 'jusque là' (ibid., p. 955), et l'on sait bien à quel modèle d'unanimisme totalitaire ressortissent et contribuent de telles formulations" (Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française, Du siècle des Lumières au Code Napoléon , Dominique Martin Morin, Mayenne 2002, p. 69.)
"Que cette inclination à encourager la secrète télécommande des 'volontés' n'ait rien d'accidentel, Emile ou de l'Education achèverait au besoin de nous en convaincre. Comment ne pas songer au fameux conseil de la 'ruse' donné au 'gouvernement', lequel, tenant 'à sa merci' l'élève, 'qui ne sait rien, qui ne peut rien, qui ne connaît rien', se trouve donc en puissance de lui fabriquer l'illusion de la liberté alors même que ... il le conditionne, par la disposition souveraine de 'tout ce qui l'environne', où l'on retrouve encore solidement assumée la logique sensualiste et son réductionnisme (Emile, p. 150: "Ne disposez-vous pas, par rapport à lui, de tout ce qui l'environne? N'êtes vous pas le maître de l'affecter comme il vous plaît? Ses travaux, ses jeux, ses plaisirs, ses peines, tout n'est-il pas dans vos mains sans qu'il le sache', à son insu) 'Qu'il croit toujours être le maître, explique Rousseau, et que ce soit toujours vous qui le soyez. Il n'y a point d'assujetissement si parfait que celui qui garde l'apparence de la liberté: on captive ainsi la volonté même' (ibid.) Ces mots pèsent lourd. Utiliser ses propres vices pour mener l'homme et le tenir en laisse, au lieu de l'inciter à s'en défaire et l'aider à s'en libérer, l'idée est bien du siècle, et les auteurs du Code Napoléon sauront ne pas en disconvenir qu'elle est en effet opportune." (X. Martin, ibid., p. 75, 78.)
Or, il importe de savoir qu'à ses yeux, "c'est le Contrat qui est, par rapport à l'Emile, 'une espèce d'appendice'. Rousseau jugera même que son traité d'éducation est non seulement 'son plus grand et meilleur ouvrage' (Premier Dialogue, p. 687), mais celui qui contient les premiers principes 'de son système' (Troisième Dialogue, p. 933), ce qui bien sûr a pour effet de suggéger l'importance fondamentale de l'éducation dans la problématique des Lumières" (X. Martin, ibid., p. 79.)
En 1776, Mirabeau définit l'homme comme "un animal bon et juste qui veut jouir" (Essai sur le despotisme, 2e édition, Londres 1776, p. 63.), ce qui suggère l'exacte tonalité d'une certaine bonté naturelle de l'homme, laquelle n'est guère plus dissociable que chez Rousseau d'un rassasiement à dominante animale. [I]l s'agira non certes de libérer les hommes en les aidant à desserer l'étreinte de leurs appétits, mais au contraire de libérer les appétits, de rendre libres les jouissances en les harmonisant" ( X. Martin, ibid., p. 89-90.) C'est si on y réfléchit bien le projet matérialiste, hédoniste, sensualiste de 1789 qui aboutit aujourd'hui en 2012 à l'"homme consommateur", dans le phénomène de la publicité et la société de consommation. Au point que d'aucuns ont pu dire : "Je consomme, donc je suis"...
"Le lien entre sensualisme matérialisant et propagation d'un hédonisme démagogique, ce lien fut fait de très bonne heure, en tout cas on en trouve par exemple mention dès après De l'Esprit, le premier livre d'Helvétius (1758); ce fut sur le mode plaisant, dans une chanson satirique : "
Un Législateur habile
Joindra, selon ses désirs,
Un gouvernement utile
Avec l'amour des plaisirs.
Oui, la règle la plus sûre
Pour rendre un peuple soumis,
C'est qu'en suivant la nature,
A ses sens tout soit permis.
(Helvétius, Chanson anonyme publiée dans Corr. gén., t. 2, Toronto et Oxford 1984, p. 305. Plusieurs des vingt couplets auraient ici leur place" : X. Martin, ibid., p. 91-92.)
"Désentraver l'aspiration à jouir, mais pour rendre un peuple soumis. Voilà qu'ici peut-être on brûle, proche est la clé de quelque faux-semblant, non secondaire, de la Révolution. Et tant qu'on veut elle est une explosion, un feu d'artifice de libérations, auquel Mirabeau a sa large part. Mais ce feu d'artifice est un jeu d'artifices qui nous semble bien demeurer dans le contraire exact d'une logique de libération.
A qui douterait encore de ce positionnement de Mirabeau législateur et sensualiste en tout-puissant télémanipulateur de ses compatriotes, sans doute suffirait-il de consulter quelques alinéas de ses discours posthumes, que pieusement édita Cabanis :
"L'homme, en sa qualité d'être sensitif, écrivait
Mirabeau (l'homme qui "à l'ouverture des Etats-généraux, dit en montrant le roi : 'Voilà la victime'" (Source: Mgr Delassus, La Conjuration antichrétienne, Le temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise catholique, 1910, réd. Expéditions Pamphiliennes, 1999, p.92.) est mené par ses sensations, il est donc aisé de le conduire 'par des objets imposants, des images frappantes, de grands spectacles, des émotions profondes'. Par ce moyen, tient-il à souligner, l'homme est tellement manipulable que l'on pourrait lui rendre attractive 'une organisation sociale, entièrement absurde (!), injuste et même cruelle'; et faire qu'il y trouve 'du bonheur'" (Br. Baczko, Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l'époque révolutionnaire, Paris 1982, Deuxième Discours, p. 96, in X. Martin, ibid., p. 93. )
"'L'homme ... obéit plutôt à ses impressions qu'au raisonnement (Mirabeau le 17 août 1789 à l'Assemblée, parlait d'un 'peuple préparé à la liberté par l'impression des faits et non par des raisonnements' : Archives parlementaires 1/8/438.) ... [A]ussi faut-il, pour le rendre docile et heureux collectivement que l'on 's'empare ... de son imagination. Il s'agit donc moins de le convaincre que de l'émouvoir; moins de lui prouver l'excellence des lois qui le gouvernent que de les lui faire aimer par des sensations affectueuses et vives, dont il voudrait vainement effacer les traces, et qui, le poursuivant en tous lieux, lui présentent sans cesse l'image chère et vénérable de la patrie'" (Dans Br. Baczko, op. cit., p. 97, cité in X. Martin, ibid., p. 93.)
Cette argumentation... est destinée à justifier la création de fêtes nationales (publiques, civiles et militaires), dont chacun sait que le souci sera une constante au long de la Révolution, et dont le très persistant substrat sensualiste, qui pose le citoyen en passivité que l'on manie et remanie, est dès ici on ne peut davantage explicite. ... Mirabeau ... est philanthropiquement totaliraire, il veut à des fins de bonheur politique, imprimer aux intériorités des marques ineffaçables" (X. Martin, ibid., p. 93.)
"Cabanis avait recueilli... un texte de Mirabeau exposant que si la technique de conditionnement des psychismes 'est rigoureusement applicable aux individus, elle l'est bien plus encore aux nations prises collectivement, surtout à la nation française, du fait de sa mobilité' (Mirabeau, Deuxième discours sur l'Education publique, entre 1789 et 1791, op. cit., p. 92-93, publié par Br; Baczko, loc. cit., p. 97, in X. Martin, ibid., p. 167.)
Quand Mirabeau ou Cabanis raisonnent ainsi, demeure mystère ce qui eux-mêmes les distingue du troupeau et leur confère un mandat, sauf si l'on songe, une fois encore, que les hommes éclairés, dans la tradition des Lumières, sont une élite des plus restreintes, ipso facto habilitée à nourrir des projets décidés impliquant le destin de leurs concitoyens, et régentant sans état d'âme leurs intérêts.
Voltaire... parle des 'gens pensants', dont même en s'y comptant il doit convenir qu'ils sont en nombre infime, et qui, se réjouit-il, 'gouvernent à la longue les autres' (A D'Argental, 20 avril 1769, Voltaire, Corr., t. 9,, p. 872.)
Et Rousseau tient que, pour valablement trancher sans prendre peine de consulter ceux qu'on gouverne, il suffit que l'on soit 'bien intentionné'." (X. Martin, ibid., p. 167-168.)
"La fête républicaine. ... Jean-Jacques avait dit qu'à la vue de celle-ci, 'insensiblement on se sent attendrir sans savoir pourquoi' et que 'la voix de la nature amollit nos coeurs farouches' (Rousseau, La Nouvelle Héloïse, 1761, Ve partie, Lettre VII, Paris 1988, p. 589.) Tel est exactement l'objectif affiché de Fabre d'Eglantine, façonneur en chef du calendrier neuf. [A] l'en croire, il s'agit de 'frapper l'entendement', de 'frapper l'imagination' (Fabre d'Eglantine, 24 octobre 1793: Arch. parlem., 1/77/500-502.) C'est donc à leur insu que ses concitoyens seront condionnés, c'est 'insensiblement et sans s'en apercevoir' (Arch. parlem., 1/77/503/1.)
"(Ainsi, en 1796) [L]e procédé de la fête nationale comme entreprise de mise en condition des intériorités par recours calculé à une gamme de sollicitations sensorielles, est-il plus que jamais à l'ordre du jour, même si l'inertie des citoyens à s'y prêter rivalise avec l'empressement des organisateurs à les organiser.
L'arrêté du Directoire qui, le 8 juin 1796, fixe les modalités de la fête de l'agriculture, sur le grave motif que 'l'oubli des honneurs publics que mérite l'agriculture, est une marque certaine de l'esclavage et de la corruption d'un peuple (arrêté du 20 prairial an IV pour la fête fixée au 10 messidor, 28 juin 1796: Bull., Lois n° 52, p. 9,10,11.), agence minutieusement défilé, tambours et fanfares." (X. Martin, ibid., p. 148.)
"Pour la bonne fin de son projet éducatif de grande ampleur, l'Etat-démiurge doit perpétrer deux violations, transgresser deux écrans qu'ipso facto il nie comme tels: celui de l'intimité familiale et celui de l'intériorité humaine.
Le conventionnel Portiez veut faire aux futurs citoyens 'une sorte de violence pour apprendre'"; Chénier, son collègue, 'presser l'âme des enfants et l'environner d'un triple rempart de patriotisme' (cités par M. Ozouf, L'Homme régénéré, Paris 1989, p. 144-145.). "La famille comme obstacle à la programmation de l'harmonie sociale, les parents intrus, comme concurrents abusifs de l'Etat dans la formation des enfants : cette idée est d'époque, elle est conforme au soubassement nominaliste de la pensée moderne" (X. Martin, ibid., p. 109.)
Lequinio, que nous avons vu à l'oeuvre pour dire que l'homme n'est pas né pour penser, ne craint pas d'imprimer en 1792 : 'qu'il serait heureux pour l'espèce humaine que tous les enfants ne connussent point leur père' (Lequinio, Les Péjugés détruits, Paris 1792, p. 144.) Jean-Jacques avait prêché l'exemple en donnant soubassemement doctrinal à l'abandon néo-natal de ses propres enfants, auquel sa plume offrait statut de pure et simple livraison à l'éducation publique: 'Je me contenterai de dire qu'en livrant mes enfants à l'éducation publique, je crus faire un acte de citoyen et de père; et je me regarderai comme un membre de la république de Platon' (Rousseau, Les Confessions, L. VIII, Paris 1980, p. 423, cité in X. Martin, ibid., p. 111.)
Le rose-croix du chapitre d'Arras, Robespierre (Cf. Jean Ousset, Pour qu'Il règne, DMM, Niort 1998, p. 219.) et Danton sont d'accord pour dénoncer l'effet rétrécissant de la famille sur le décor mental de l'enfant. Robespierre parlera d'un 'fédéralisme domestique qui rétrécit les âmes en les isolant' (18 floréal an II, 7 mai 1794, Archives parlementaires, 1/82/138/2.) Et Danton: 'Tout se rétrécit dans l'éducation domestique' (13 août 1793, Arch. parlem., 1/72/126/2.) (Source: X. Martin, ibid., p. 113.)
Il faut, disait Robespierre 'saisir les enfants à l'époque où ils reçoivent des impressions décisives, pour préparer des hommes dignes de la République' (13 août 1793, Arch. parlem., 1/72/126/1.) Et de rappeler: 'La patrie seule a le droit d'élever ses enfants' (18 floréal an II, Arch. parlem., 1/82/138/2.) Cependant que Danton avait dit: 'Mon fils ne m'appartient pas, il est à la république' (13 août 1793, Arch. parlem., 1/72/126/2.), application de ce principe, également formulé par lui, que 'les enfants appartiennent à la République avant d'appartenir à leurs parents' (22 frimaire an II, 12 décembre 1793: Moniteur n° 84, 24 frimaire, 14 décembre, p. 339/2.) (Source: X. Martin, ibid., p. 112.)
Le pasteur franc-maçon Rabaut Saint-Etienne qui prêta le Serment du Jeu de Paume aux Etats généraux de 1789, "ne craignait pas de conférer à cette éducation nationale un monopole originel exorbitant : 'Toute sa doctrine consiste donc à s'emparer de l'homme dès le berceau, et même avant sa naissance; car l'enfant qui n'est pas né, appartient déjà à la patrie' (Ibid., p. 346/2.) La raison immédiate en est claire. Nourrir la prétention immodérée de bâtir un monde neuf en programmant les nouveaux-nés de la manière idoine". (X. Martin, ibid., p. 116.)
"La création, en octobre 1794, de l'Ecole 'normale', c'est-à-dire destinée, on l'oublierait presque, à dicter la norme, lui donne expressément pour tâche, aux dires de Lakanal et de Garat qui rapportent sur elle, de former 'un très grand nombre d'instituteurs capables d'être les exécuteurs d'un plan qui a pour but de régénérer l'entendement humain dans une République de vingt-cinq millions d'hommes que la démocratie rend tous égaux' (cité dans J. Dhombres, dir., L'Ecole normale de l'an III, Leçons de mathématiques, éditions annotée des cours de Laplace, Lagrange, Monge, Paris 1992, p. 125, in X. Martin, ibid., p. 153.)
L'Ecole polytechnique, créée en octobre 1794, prévoit bientôt des cours d'anatomie humaine, comme nécessaires 'aux ingénieurs qui ont à déterminer l'action que les moteurs animés exercent sur les machines' (Du Conseil de Perfectionnement de l'Ecole, nivôse an III, janvier 1795: cité par A. Fourcy, Histoire de l'Ecole polytechnique, 1828, reprint Paris 1987 (J. Dhombres), p. 70.)
Le programme de l'Ecole porte une rubrique 'De l'homme et des animaux considérés comme moteurs' (Laplace, Rapport sur la situation de l'Ecole Polytechnique..., 3 nivôse an IX, 24 décembre Paris 1800, fléréal an IX, avril-mai 1801, p. 51, cité in X. Martin, ibid., p. 155-156.)
"Cette réduction de l'homme à un pur cas particulier de l'animé, allège évidemment de tout scrupule éthique la pulsion d'eugénisme, présente, et plus qu'en filigrane, dans ces lignes des Rapports. En cela aussi, Cabanis est fidèle à la haute tradition des Lumières. Après avoir amélioré 'les races des animaux ou des plantes utiles', s'indigne Cabanis, 'combien n'est-il pas honteux de négliger totalement la race de l'homme!' (P.J.-G. Cabanis, Rapports du Physique et du moral de l'Homme, 1802, reprint de l'éd. de 1844, Paris-Genève 1980.)
Sieyès avait écrit en 1793, non sans l'aval du Comité d'Instruction publique, qu''après avoir cherché à perfectionner l'individu', il se faudrait soucier d''améliorer l'espèce' (Article de Sieyès dans le Journal d'Instruction sociale, fin juin-début juillet 1793, relativement au plan d'instruction nationale présenté par Lakanal à la Convention au nom du Comité (dont Sieyès était membre), le 26 juin : Arch. parlem., 1/68213/1. Article publié par J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d'Instruction publique, t. 1, Paris 1891, p. 573.) 'Le perfectionnement des races est un des objets les plus dignes de l'attention d'un vrai législateur', ajoute-t-il presque aussitôt, parlant d'animaux domestiques (ibid., p. 573.) Le thème de la régénération physique, à connotation purificatoire, inexplicablement sous-exploité par des historiographes pourtant férus de 'valeurs', même en période de bicentenaire, et de périls racistes menaçants, ce thème est bien au coeur de l'esprit révolutionnaire, en cela fils docile des Lumières.
Dans le dossier de la répression vendéenne, par exemple, un agent de Carrier assure vouloir 'régénérer l'espèce humaine en épuisant le vieux sang' (Xavier Martin, Les Droits de l'homme et la Vendée, Colloque de Poitiers, décembre 1993; et Sur l'Homme de la Déclaration des droits, dans Droits, revue française de théorie juridique, n° 8, 1988, p. 83-89.)
"Ce texte peut faire figure de plaque tournante de l'histoire moderne et contemporaine. On y voit converger les lignes de force de la pensée du XVIIIe siècle. Et l'on y voit pointer la manipulation des consciences, plus ou moins douloureuse, plus ou moins indolore, par toutes les propagandes étatiques de notre siècle, et pointer, également, les totalitarismes collectivistes, et l'eugénisme, évidemment, du national-socialisme, et jusqu'à l'actuelle floraison des manipulations génétiques dont cet eugénisme a été l'éclaireur, l'expérimentateur de pointe (Voir Benno Müller-Hill, La génétique après Auschwitz, dans Les temps modernes, n° 511, février 1989, p. 52-85, trad. de l'allemand par A.-D. Balmès.) (Source: Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française, Du siècle des Lumières au Code Napoléon , Dominique Martin Morin, Mayenne 2002, p. 171-172.)
"Léon Poliakov, (dont les travaux ont largement porté sur la Shoah et l'antisémitisme, Ndlr.) reconstituant l'histoire du mythe aryen, n'a pas manqué de souligner la fonction de relais remplie dans cette affaire par le scientisme de Cabanis, n'omettant pas non plus de rappeler... que les idéologues ont 'profondément marqué certaines traditions intellectuelles françaises, spécialement celle du laïcisme militant' (Léon Poliakov, Le Mythe aryen, Paris 1971, réd. Bruxelles 1987, p. 222-224, cité in X. Martin, ibid., p. 172.)
Et d'observer, dans ses Mémoires :
'Que l'idéologie raciale fût une fille des Lumières n'était pas une révélation pour les spécialistes. Mais en dépit des innombrables travaux qui y ont été consacrés depuis, l'intellectuel moyen continue de n'en rien savoir' (L. Poliakov, L'Auberge des musiciens, Mémoires, Paris 1981, p. 220.)
"L'efficacité ou l'ingéniosité des méthodes employées ou conçues s'inscrivent dans le droit fil de la croyance en l'être humain comme passivité pure et substance à modeler. ... les mécaniques individuelles n'arborent, ... laissées à elles-mêmes aucune disposition à l'harmonie sociale. Il y faut une torsion, une rééducation, à quoi va s'employer le génie de la propagande jacobine. ... " (X. Martin, ibid., p. 118-119.)
"On retrouve là le thème accoutumé de la petite élite qui sait, manipule et profite, et du troupeau que l'on observe et téléguide à son insu, et qui, sous la Révolution fut tant utilisé, à Paris notamment, comme masse de manoeuvre. Voltaire parle des 'gens pensants, qui gouvernent à la longue les autres' (A d'Argental, 20 avril 1769 in Voltaire, Correspondance, Coll. Pléiade, éd. établie d'après l'éd. Bestermann, 13 vol., 1977-1993, t. 9, p. 872.), tandis que Robespierre, qui est un démocrate, exalte 'la minorité pure et courageuse', au détriment sévère de la 'majorité imbécile et corrompue' (Cité par Jean-Marie Carbasse, 'Les responsables de la Terreur en Vendée: les hommes et le système', dans La Vendée dans l'Histoire, Actes du Colloque de la Roche-sur-Yond, avril 1993, Paris 1994, p. 341-657, p. 355, note 18.)
Le conventionnel Laignelot - qui vota la mort de Louis XVI, ndlr. - tient que 'c'est à la minorité de faire la loi', et dit, pour s'en vanter, que c'est une petite minorité qui imposa la République (Chassin, La Vendée patriote, t. 4, p. 59.) Voltaire, encore une fois, juge 'à propos que le peuple soit guidé, et non pas qu'il soit instruit. Il n'est pas digne de l'être' (A Damilaville, 19 mars 1766: Voltaire, Corr., t. 8, p. 409.)" (Source: X. Martin, ibid., p. 141-142.)
'Le vulgaire ne mérite pas qu'on songe à l'éclairer' (Voltaire, Corr., t. 3, p. 710.; et t. 8, p. 819, cité in X. Martin, ibid., p. 21). Ou encore: 'La vérité n'est pas faite pour tout le monde. Le gros du genre humain en est indigne' (Corr., t. 7, p. 877, à Damilaville, 1er octobre 1764.)
Rousseau, du moins, préconise d'éclairer le peuple avant qu'il délibère : "Si, quand le peuple suffisamment informé délibère, les citoyens n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre des petites différences résulteraient toujours la volonté générale, et la délibération (issue du nombre, Ndlr.) serait toujours bonne" (Contrat, II, 3.)
L'adhésion aux Club des Jacobins recquérait notamment, la volonté de défendre les droits de l'homme (dont la déclaration est fixée le 26 août 1789 et le souci d'éclairer le peuple pour lui faire connaître ses droits. Paraphrasant le Contrat social de Rousseau (II, 3), une adresse de la Société aux filiales explique : 'De lui-même le peuple veut toujours le bien, mais il ne le voit pas toujours: il faut le guider, éclairer son jugement, le garantir de la séduction des volontés particulières" (Adresse du 10 octobre 1790: A. Aulard, La société des Jacobins, Recueil de documents pour l'histoire des Jacobins, Jouaust Noblet Quentin, 6 vol., Paris 1889-1897, tome I, p. 323, cité in Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989.)
Il restait pour nos amis de l'Humanité de 'faire une Révolution dans les têtes et dans les coeurs comme elle s'est faite dans les conditions et dans le gouvernement' (Rabaut Saint-Etienne, décembre 1792, Arch. parlem., 1/55/346/1.)
Le modèle jacobin, dit Lucien Jaume, est 'un projet de visibilité absolue où l'indétermination est insupportable', et l'on y part en guerre contre l'intériorité' (cité in X. Martin, ibid., p. 121.) "C'est un combat total, où tous les moyens sont bons, et c'est par exemple à cette aune qu'il faut comprendre la publicité des délibérations et scrutins. Robespierre insista pour qu'une architecture idoine permît la tenue des assemblées parlementaires devant 12.000 spectateurs (10 mai 1793, Arch. parlem., 1/64/431-432.). ... Ce dont il va s'agir, c'est de manipuler (comme dans une immense pièce de théâtre, ndlr.), ce n'est pas de persuader, mais de procéder par illusionisme. L'éducation que l'on propose au peuple doit être 'enchanteresse' (Rabaut Saint-Etienne), il s'agit de mainmise magique sur les consciences (J. Starobinski, 1789, Les Emblèmes de la Raison, op. cit., p. 45.)
Cette 'autorité la plus absolue ' 'qui pénètre jusqu'à l'intérieur de l'homme, et ne s'exerce pas moins sur la volonté des actions que sur les actions' (Rousseau, Discours sur l'Economie politique, op. cit., p. 251 in X. Martin, ibid., p. 120), 'cet idéal de parfaite visibilité sociale et psychologique est le fond du jacobinisme' (Mona Ozouf, L'école de la France, Essais sur la Révolution, l'Utopie et l'Enseignement, Paris 1984, p. 83.), dont le monde, 'est celui de la déclaration', entendons: de l'aveu, civiquement nécessaire de toute chose; elle (Mona Ozouf) pourrait dire aussi: de la dénonciation, puisqu'on y put aller jusqu'à faire un mérite de la délation anonyme (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Paris 1989, p. 203.) (Sur le système de délations et dénonciations érigé en mode de gouvernement, voir notre IIe partie.)
Quatre génocides : quatre républiques
Quatre républiques, quatre génocides : le Génocide vendéen ("République française"), le génocide des Juifs et l'accession démocratique d'Hitler au pouvoir (république de Weimar), le génocide ukainien ou Holodomor (Union des républiques socialistes soviétiques) et le génocide des Arméniens (république turque). De ces quatre génocides sont nées quatre républiques.
Joseph de Maistre s'interroge: "Comment une nation peut-elle se faire le dépositaire de ce qu'elle présente par ailleurs comme un bien commun de l'humanité ? En identifiant les intérêts nationaux à ceux du genre humain, les révolutionnaires français ne se sont nullement élevés à l'universalité d'un principe unificateur: ils ont surtout dévoilé, selon Maistre, les potentialités funestes d'un impérialisme portant en lui les germes de la division et de la violence. Dans l'horreur sans limites de la terreur, puis des campagnes napoléoniennes, Maistre voit donc la conséquence directe de la proclamation de ces droits universels, qui ne sont rien d'autre à ses yeux, que la "guerre civile du genre humain", s'écrie-t-il en 1793 dans la première des Lettres d'un royaliste savoisien.
L'idée même des droits de l'homme, au nom de laquelle la Déclaration est devenue un manifeste insurrectionnel, n'est en effet, pour Maistre, qu'une abstraction maléfique, car il n'existe aucun 'droit naturel' permettant de fixer la légalité dans des termes qui vaudraient en toutes circonstances pour l'humanité. L'homme étant par essence un animal sociable, il n'existe au contraire que des droits du citoyen qui varient dans l'histoire, selon les pays et les formes de gouvernement.
La Déclaration, loin d'avoir rendu les hommes plus libres et plus fraternels, a déchaîné la guerre et son cortège de malheurs dans l'Europe entière. La révolution a provoqué une militarisation de la vie civile au terme de laquelle les combats, par leur ampleur et leur intensité, ont changé d'échelle, en mettant en jeu l'existence même des peuples ou leur dignité. ... C'est pourquoi la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne saurait représenter un progrès de la civilisation. Tout indique au contraire qu'elle constitue une terrible régression.
Parce qu'il dénonce la violence inscrite dès l'origine dans l'émancipation révolutionnaire, Maistre anticipe sur les catastrophes des deux derniers siècles, faisant ainsi écho au désenchantement postmoderne. (Le Livre noir de la Révolution française, Les Editions du Cerf, Paris 2008, p. 482.)
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Contre le Nouvel Ordre mondial : en finir avec la révolution (IIe partie)