L’installation des compteurs électriques dits « intelligents », comme le Linky en France, qu’Éric Besson veut généraliser, est loin de faire l’unanimité. Intrusion dans la vie privée et risque de piratage des données, multiplication des ondes électromagnétiques avec des effets néfastes sur la santé, « racket » des abonnés, suppression d’emplois chez les distributeurs d’électricité... De Paris à la Californie, en passant par le Québec, la contestation grandit.
Début janvier, en Allemagne, deux hackers ont démontré qu’il était possible d’intercepter les données transitant entre un compteur de nouvelle génération et la compagnie d’électricité [2]. Selon The Hacker News, les deux hackers étaient en mesure, après avoir analysé les données, de connaître le nombre d’ordinateurs ou de téléviseurs dans la maison, le programme de télévision regardé, et si le film DVD en cours de lecture était protégé ou non par un copyright !
« Plus de rayonnements que les téléphones mobiles »
Les compteurs pointés du doigt au Québec sont les mêmes que les deux millions installés par le distributeur d’électricité PG&E en Californie. Depuis l’installation des compteurs intelligents, de nombreux résidents se disent aux prises avec des problèmes de santé, dont des maux de tête, des bourdonnements d’oreille, des nausées, des acouphènes et des troubles cardiaques. Deux mille plaintes ont été déposées. Des collectifs Stop Smart Meters (Stop aux compteurs intelligents) se sont créés ces derniers mois en Californie et dans une vingtaine d’autres États, multipliant les manifestations et actions de blocage des véhicules de PG&E. « Les nouveaux compteurs dits intelligents émettent plus de rayonnements que les téléphones mobiles », témoigne une militante dans le New York Times. « Avec les téléphones mobiles, vous pouvez choisir de ne pas en avoir, ou de l’éteindre lorsque vous ne l’utilisez pas. Mais avec ce nouveau compteur, vous n’avez pas le choix, c’est de façon constante, on vous l’impose, vous ne pouvez pas l’éteindre. »
Bombardement électromagnétique
Le comté de Santa Cruz, en Californie, a fini par décréter fin janvier un moratoire sur l’implantation de ces compteurs. Cette décision s’appuie sur un rapport [7] commandé en décembre 2011 au médecin Poki Stewart Namkung, l’officier de la santé publique du comté. L’exposition aux radiofréquences serait cumulative, notamment en raison du bombardement croissant auquel toute personne en milieu urbain est désormais la victime involontaire.
Le rapport relève, entre autres effets biologiques reconnus des radiofréquences, « une perméabilité accrue de la barrière hémato-encéphalique du cerveau (Eberhardt, 2008), des effets négatifs sur la qualité du sperme, des lésions de la double échelle de l’ADN qui peuvent déclencher un cancer (Phillips, 2011), l’activation du gène de stress comme s’il réagissait à une toxine (Blank, 2011), ainsi qu’une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau (Volkow, 2011) ». Autant d’effets potentiels sérieux qui ont conduit le Dr Namkung à recommander l’application du principe de précaution.
Une technologie en France non exempte de risques sanitaires
En France, des associations comme Robin des toits et Next-Up s’inquiètent des effets potentiellement nocifs sur la santé en raison des ondes émises par les nouveaux compteurs électriques. Certes, les technologies utilisées aux États-Unis et au Canada pour permettre la communication du compteur sont différentes de celles utilisées en France. « Aux États-Unis, précise Étienne Cendrier, porte-parole de Robin des toits, les nouveaux compteurs ne fonctionnent qu’avec des radiofréquences. En France, on va essentiellement passer par du CPL, c’est-à-dire du courant porteur en ligne. » Les données émises par le compteur seront donc transportées via les lignes électriques existantes.
Mais la technologie CPL, qui superpose au courant électrique alternatif de 50 Hz (hertz) un signal à plus haute fréquence, n’est pas exempte de risques sanitaires car les câbles électriques actuels ne seraient pas aux normes CPL. « Les câbles du réseau électrique n’ont pas été conçus à l’origine pour transporter des signaux hautes fréquences, précise l’association Next-Up. Si ERDF veut déployer le Linky, elle doit installer des câbles blindés qui n’irradient pas de hautes fréquences. » Autre solution alternative préconisée par Robin des toits : le raccordement du parc de compteurs actuels en filaire ou en fibre optique.
Totale absence d’études…
Une fois rassemblées dans un concentrateur, les données sont ensuite envoyées à un centre de traitement par la norme GPRS, la même que celle utilisée dans la téléphonie mobile. Or, les ondes électromagnétiques viennent d’être classées par l’Organisation mondiale de la santé dans la catégorie 2B, c’est-à-dire « des agents peut-être cancérigènes pour l’homme ». « À l’occasion de l’expérimentation menée par ERDF en Indre-et-Loire, plusieurs personnes sur place se sont plaintes de nuisances, relève Étienne Cendrier. C’est de l’ordre du déclaratif, mais aucune étude d’impact sanitaire n’a été menée pour approfondir cette question. »