Les agences bancaires ont rouvert ce matin à Chypre pour six heures. Après douze jours sans banques depuis le bankrun du samedi 16 mars, et la fermeture des banques ce jour-là, les chypriotes peuvent retirer depuis midi heure locale (11 h à Paris), un minimum d'argent liquide.
Le plan de sauvetage initial du lundi 18 mars, dit, selon les mots de Christine Lagarde, directrice générale du FMI, "durable pérenne et dans l'intérêt de l'économie chypriote", prévoyait l'instauration d'une taxe sur tous les dépôts bancaires (6,75% sur les dépôts inférieurs à 100.000 euros et 9,9 % au-dessus). (1) On a vu que ce plan avait été rejeté par le parlement de Chypre et qu'en représailles, la Troïka a organisé le blocus monétaire de l'Île.
L'accord n'a été conclu que lundi 25 mars. Des centaines de personnes défilaient hier soir contre ce "plan de sauvetage". Des "centaines" ce qui dans le langage oligarchique signifie des "milliers"... Les forces de l’ordre ont reçu des consignes très strictes pour faire face à de possibles violences.
Voici le détail du plan de sauvetage dit "durable, pérenne et dans l'intérêt de l'économie chypriote" (!) :
Les autorités chypriotes mettront en place une restriction des mouvements de capitaux, pour éviter la fuite des capitaux et les retraits.
Le pantin qui fait office de "président" de Chypre, Níkos Anastasiádis (Rassemblement démocrate), a entériné le diktat européen, pris les mesures d'austérité draconiennes et inédites dans la zone euro qu'il s'était pourtant engagé à combattre (!) : de l'argent au compte-gouttes, des retraits limités à 300 euros en liquide par personne et par jour, des transferts limités à 5000 euros par mois vers des comptes à l'étranger et des voyageurs autorisés à repartir de Chypre qu'avec 1000 euros en liquide sur eux... (2)
Les médias se sont fait le relais du décret gouvernemental adopté dans l'urgence mercredi soir et valable au minimum quatre jours.
Les actionnaires détenteurs d'obligations et les déposants non assurés au-delà de 100 000 euros subiront des pertes importantes, dans le cadre de la liquidation de la banque Laiki Bank (dite "Popular Bank" en anglais), mise en faillite.
La première banque du pays, la Bank of Cyprus, reprendra à terme les dépôts garantis de Popular Bank. Elle reprendra aussi les dettes de Popular Bank envers la Banque centrale européenne (BCE), qui s'élèvent à 9 milliards d'euros.
Une ponction d'environ 30 % sera appliquée sur les dépôts auprès de la Bank of Cyprus à compter de 100 000 euros. (3)
L'économiste Jacques Sapir prévient : "compte tenu de l’évasion des capitaux qui a eu lieu entre le 16 et le 25 mars, il faudra taxer les comptes de plus de 100 000 euros à plus de 80% (et non 30% comme initialement annoncé). Cet accord est lourd de menaces pour l’ensemble de la zone Euro, mais surtout pour Chypre, qu’il condamne de facto à un appauvrissement considérable. ... Les autorités monétaires n’auront donc pas le choix. Si elles veulent retrouver les montants nécessaires (5,8 milliards d’euros) tels qu’ils ont été prévus dans le plan, il faudra augmenter la taxe sur les dépôts de plus de 100 000 euros. Ceci équivaudrait à une confiscation des dépôts, et provoquerait la fuite des dépôts de moins de 100 000 euros, non seulement hors de la Bank of Cyprus mais aussi des autres banques chypriotes. Le plan, censé éviter un effondrement complet du secteur bancaire, le provoquerait en réalité..."
Lundi 25 mars, la directrice du FMI, Christine Lagarde, s'est dite "satisfaite". Cet accord fournit « un plan complet et crédible pour traiter les défis économiques auxquels est confronté le pays », a-t-elle déclaré (4). Comprenez "cet accord fournit un plan complet et crédible pour ruiner l'économie chypriote", dont on connaît l'importance des investissements russes dans l'Île.
"Cet accord, explique Jacques Sapir, montre le triomphe de la stratégie allemande. L’Allemagne est dans la contradiction suivante : elle entend conserver la zone Euro, dont elle tire le plus grand profit, mais elle entend la conserver au moindre coût pour elle. D’où l’idée de faire contribuer, en cas de restructuration bancaire non pas les seuls actionnaires (ce qui serait normal) mais aussi tout ou partie des déposants. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne s’est montrée inflexible dans la négociation. Elle a donc obtenu qu’une large part de la contribution aux sommes nécessaires (5,8 milliards sur les 17,5 milliards) proviennent de la « tonte » des déposants. Elle peut donc continuer sa politique selon laquelle une crise doit être payée avant tout par le pays qui la subit. On peut remarquer que cette politique est très proche, dans son principe, de celle que le Royaume-Uni mit en place par rapport à l’Irlande lors de la famine de 1847. Ici encore, on prétendait que les secours devaient être majoritairement payés par les Irlandais. On sait ce qu’il en advint." (5)
Sources:
(1) http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/03/18/le-plan-de-sauvetage-de-chypre-inquiete-les-marches_1849658_3214.html
(2) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/03/28/20002-20130328ARTFIG00425--chypre-les-premiers-clients-deboussoles-attendent-la-reouverture-des-banques.php
(3) http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/24/reunion-au-sommet-a-bruxelles-pour-sauver-chypre-de-la-faillite_1853427_3234.html
(4) http://www.rfi.fr/europe/20130325-chypre-accord-plan-sauvetage-banques-laiki-zone-euro
(5) http://russeurope.hypotheses.org/1089