L'Eglise catholique est intolérante dans les principes et tolérante dans la pratique.
Une des figures majeures du catholicisme britannique, avec Thomas More, Henry Edward Manning et Ronald Knox, et figure marquante du mouvement d'Oxford qui visait à raviver le caractère catholique de l'Église d'Angleterre, John Henry Newman est un prêtre anglican converti au catholicisme en 1845, cardinal, fondateur, théologien (1801-1890).
Aîné d'une fratrie de six enfants. La famille de John Henry aurait des origines hollandaises, et le nom "Newman", auparavant écrit "Newmann", suggère des racines juives, sans que celles-ci soient prouvées. Sa mère, Jemima Fourdrinier, était issue d'une famille de huguenots français, graveurs et fabricants de papier, depuis longtemps installés à Londres. (1)
Il éprouve un grand plaisir à lire la Bible, mais également les romans de Walter Scott, alors en cours de publication, et, entre 1810 et 1813, il étudie les Anciens tels qu'Ovide, Virgile, Homère et Hérodote. Par la suite, il découvre des auteurs agnostiques comme Thomas Paine et David Hume, qui l'influencent pendant un certain temps. À l'âge de quinze ans en 1816, alors qu'il entre dans sa dernière année de collège, il fait la connaissance du révérend Walter Mayers, protestant évangélique proche du méthodisme de John Wesley. Très impressionné par ce prêtre avec lequel il entretient de longues conversations, il finit par adhérer lui-même à l'évangélisme. Quelques mois plus tard, cette conversion s'approfondit : "Quand j'eus quinze ans (en automne 1816), un grand changement se fit dans mes pensées. Je subis les influences de ce qu'était le dogme et cette impression, grâce à Dieu, ne s'est jamais effacée ou obscurcie." (Jean Honoré, La Pensée de John Henry Newman, Mayenne, Éditions Ad Solem, janvier 2010, p. 11; Apologia Pro Vita Sua, traduction L. Michelin-Delimoges, Bloud et Gay, Paris, 1939, p. 23.)
Son attachement au protestantisme évangélique et au calvinisme lui rend l'Église catholique romaine intolérable (Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, préface du cardinal Jean Honoré, Paris, Éditions du Cerf, février 2009, p. 42) et il "[partage] vigoureusement les préjugés contre les papistes idolâtres et le pape 'Antéchrist'" (Xavier Tilliette, L'Église des philosophes De Nicolas de Cuse à Gabriel Marcel, préface de Giuliano Sansonetti, Paris, Éditions du Cerf, 2006, 306 p. 167.)
Admis au Trinity College d'Oxford le 4 décembre 1816, il s'y installe après six mois d'attente en juin 1817. Sa correspondance avec le révérend Walter Mayers témoigne de son esprit critique, et sa lecture des "Private Thoughts" de l'évêque William Beveridge l'invite à remettre en cause certains aspects du protestantisme évangélique que prône Mayers : fort de ce nouvel apport, Newman s'interroge sur la pertinence des dons sensibles dans les conversions méthodistes et semble entrevoir que la conversion peut, par le baptême, se passer de toute expérience sensible. Il se prend d'amitié avec John William Bowden, de trois ans son aîné, avec qui il suit les cours. Ses camarades cherchent à l'emmener aux fêtes alcoolisées de l'université, mais il ne s'y sent pas à l'aise et leurs tentatives sont vouées à l'échec.
Étudiant à l'Université d'Oxford, il est ordonné prêtre anglican. Ses travaux sur les Pères de l'Église le conduisent à analyser les racines chrétiennes de l'anglicanisme et à défendre l'indépendance de sa religion face à l'État britannique, sous la forme de "tracts". Ainsi naît le Mouvement d'Oxford, dont John Newman est l'un des principaux acteurs.
Ses recherches sur les Pères de l’Église et sa conception de l’Église l'amènent à se convertir au catholicisme, qu'il voit désormais comme la confession la plus fidèle aux racines du christianisme.
Sa réflexion aboutit à la publication en 1833 d'un livre sur l'arianisme, Les Ariens du quatrième siècle ; il décèle chez les Pères de l'Église un authentique humanisme chrétien.
Pendant ses vacances de 1828 il lit S. Ignace d'Antioche et S. Justin de Naplouse, puis se penche en 1829 sur S. Irénée de Lyon et S. Cyprien de Carthage. Il entreprend dans la même période l'étude des œuvres complètes de S. Athanase d'Alexandrie et de S. Grégoire le Grand.
Portrait du révérend John Henry Newman.
L'influence de Newman à Oxford atteint un point culminant en 1839, année où, pourtant, son étude de l'hérésie monophysite l’amène à douter : contrairement à ce qu'il croyait, la doctrine catholique, constate-t-il, est restée fidèle au concile de Chalcédoine (451), en d'autres termes, elle ne s'est pas écartée du christianisme originel, interrogation qui redouble à la lecture d'un article de Nicholas Wiseman paru dans la Dublin Review, où figurent les mots de saint Augustin contre les donatistes : "Securus judicat orbis terrarum", "le verdict du monde est concluant"(Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, préface du cardinal Jean Honoré, Paris, Éditions du Cerf, février 2009, p. 261.)
Newman, comme il l'explique plus tard, est "sur son lit de mort pour ce qui était de son appartenance à l’Église anglicane". Il démissionne alors de son poste de rédacteur en chef à British Critic. Désormais, il pense que la position des anglicans est similaire à celle des semi-ariens lors de la controverse de l'arianisme, et le projet d'un diocèse anglican à Jérusalem, avec des nominations relevant alternativement des gouvernements britannique et prussien, achève de le convaincre du caractère non apostolique de l'Église d'Angleterre.
En 1842, il se retire à Littlemore, où il vit dans des conditions monacales avec un petit groupe de proches, auxquels il demande de rédiger des biographies des saints anglais, tandis qu'il achève son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, où il cherche à se réconcilier avec la doctrine et la hiérarchie de l'Église catholique romaine. Il étudie les écrits de S. Alphonse de Liguori, dont il retire la certitude que l'Église catholique n'est pas - comme il le croyait -, une foi superstitieuse. En février 1843, il publie anonymement dans l'Oxford Conservative Journal une rétractation officielle des critiques qu'il a adressées à l'Église romaine, et en septembre, il prononce son dernier sermon anglican à Littlemore, puis il démissionne de Saint-Mary le 18 septembre 1843.
Au cours de l'été (1843), il achève ses travaux sur Athanase d'Alexandrie et commence à rédiger un nouvel ensemble de réflexions théologiques. Deux années s'écoulent avant qu'il ne soit officiellement reçu dans l'Église catholique romaine, le 9 octobre 1845, par Dominique Barberi, passioniste italien au Collège de Littlemore; conversion, assure-t-il, qui lui apporte la paix et la joie.
Se séparer d'Oxford lui est difficile, encore que sa conversion soit suivie par d'autres, de plus en plus nombreuses, parmi les membres du mouvement d'Oxford (Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, préface du cardinal Jean Honoré, Paris, Éditions du Cerf, février 2009, p. 325.)
Dans son Essai sur le Développement de la doctrine chrétienne (1844) , il écrit que ''l’idée (c’est-à-dire la substance même du christianisme, l'Église) change toujours (avec les circonstances) afin de rester fidèle à elle-même. ... Dans le monde d’en haut, il en va autrement, mais ici-bas, vivre, c’est changer ; être parfait, c’est avoir changé souvent.'' (Cf. Biographie succincte du Cardinal Newman). L'Église se renouvelle constamment sous l'action de l'Esprit-Saint tout en gardant intégralement le dépôt de la foi.
Selon le Cardinal Müller pour Kath.net, "son ouvrage de 1845 Essai sur le Développement de la doctrine chrétienne peut être qualifié de véritablement brillant. Il y développe les principes de continuité historique et d'identité de la révélation dans les conditions de la connaissance humaine limitée, au sein d'un sujet de foi qui transcende les générations : le peuple de Dieu dans l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Cette Église du Dieu trinitaire a été fondée par et en Jésus-Christ. Elle est soutenue dans la vérité par le Saint-Esprit et y est conduite toujours plus profondément (cf. Jean 14, 15.26 ; 15, 26 ; 16, 13)."
Pour Henry Newman, les dogmes doivent être moyens d’expression de la foi et non enfermement dans un dogmatisme stérile : “ici-bas, vivre, c’est changer, et être parfait, c’est avoir changé souvent”, précisant de l’Église qu’elle “change toujours pour demeurer la même”. C’est la condition indispensable à son développement. Mais ce développement doctrinal doit être cohérent avec la tradition, sinon cela n'est pas développement mais corruption doctrinale :
Un véritable développement [de la doctrine] peut donc être décrit comme conservant le cours des développements antérieurs, étant réellement ces antécédents et quelque chose d'autre : c'est un ajout qui illustre, et non obscurcit, corrobore, et non corrige, le corps de pensée dont il procède ; et c'est là sa caractéristique par opposition à une corruption...
Une doctrine développée qui inverse le cours du développement qui l'a précédée n'est pas un véritable développement mais une corruption.
John Henry Newman affirme clairement l'immuabilité du dépôt apostolique de la foi et l'exigence d'une cohérence totale de toute définition ou explication ultérieure d'une vérité avec tout ce qui a déjà été soutenu et enseigné à son sujet. Il adhérait notamment à l'idée de saint Vincent de Lérins selon laquelle, si la doctrine doit croître ou progresser, elle ne peut le faire que ''selon le même genre, c'est-à-dire dans la même doctrine, selon le même sens et le même jugement" (Commonitorium : Pour l'antiquité et l'universalité de la foi catholique contre les nouveautés profanes de toutes les hérésies, 434, §§48, 54-59), in eodem sensu eademque sententia – une affirmation maintes fois répétée dans les documents magistériels. (Cf. LifeSite) Peu de gens en effet réalisent à quel point la réalité du développement de la doctrine (en raison des hérésies) est bien établie dans les écrits des Pères de l'Eglise eux-mêmes. [Cf. Saint Clément d'Alexandrie, Les Stromates ou Mélanges, vers 207, Livre 7, Ch. 15 ; Origène (vers 184-vers 253), Sur les premiers principes, ou De Principiis (vers 225, Préface, §§2-3) ; Saint Athanase, De Decretis : Défense de la définition de Nicée vers 350-56, § 19-20) ; Saint Basile, Lettre 140 À l'Église d'Antioche, 373 ; Lettre 159 : À Eupaterius et à sa fille, 373 ; Saint Grégoire de Nysse, contre Eunome vers 364-365, Livre 1, Ch. 13 ; Discours catéchétique, Partie 2, Ch. 3, §§2-3) ; Saint Augustin, De la vraie religion 390, § 15 ; Cité de Dieu vers 413-426, Livre 16, Ch. 2 ; exposition du Psaume 7, §15 ; Exposition du Psaume 55 §§21-22 ; Sermon 1 (51) : Sur l'accord de Matthieu et de Luc sur les générations du Seigneur, §11 ; Confessions, vers 397-400, Livre 7, Ch. 19, §25 ; Traité 36 sur l'Évangile de Jean, §6 ; Sur le baptême, contre les donatistes 400, Livre 2, Ch. 7, §12 ; ch 15 ; Lettre 137 : À Volusien, 412, §6 ; Lettre 194 : À saint pape Sixte, 418 ; Saint Cyrille d'Alexandrie, Lettre 10 : À un certain dévot de Nestorius, §§1, 7 ; Saint Vincent de Lérins, Commonitorium : Pour l'antiquité et l'universalité de la foi catholique contre les nouveautés profanes de toutes les hérésies, 434, §§48, 54-59 ; Saint Prosper d'Aquitaine, Réponses aux Gaulois, Art. 13 ; Sozomène, Histoire ecclésiastique, vers 440-43, Livre 1, Ch. 15 ; Saint Césaire d'Arles, Sermon 110 : Saint Jérôme sur les encensoirs de Core et Dathan, §1 ; Saint Pape Grégoire le Grand, Moralia sur Job, c. 578-595, Livre 27, Ch. 8, §14) ; Lettre 2, Livre 8, À Anastase, évêque d'Antioche Évêque d'Antioche ; Saint Isidore de Séville, Sententiae, vers 612, Livre 1, Ch. 16, §§5, 8. Source: Joshua Charles Sur le développement de la doctrine]
En réaction à des calomnies, John Newman décrit sa conversion au catholicisme dans Apologia Pro Vita Sua. Cet ouvrage change la perception des anglicans à son égard et accroît sa notoriété.
Ses conférences sur la nature de l'université, prononcées en 1851 à l'occasion de la fondation de l'Université catholique de Dublin, sont d'une importance capitale pour les débats actuels sur la nature et la finalité des universités, de l'éducation et de la science, ainsi que sur la légitimité de la théologie fondée sur la révélation dans les établissements d'enseignement public.
Dans un premier temps, en mai 1852, Newman donne des conférences où il expose sa conception de l'éducation et de l'université, ainsi que la culture christianisée et la possibilité de concilier science et théologie, notions encore précisées lors de nouvelles interventions qui conduisent à l'une de ses principales œuvres, Idea of a University (L'idée d'université) (Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, préface du cardinal Jean Honoré, Paris, Éditions du Cerf, février 2009, p. 385.)
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Au cours des années 1850, les évêques irlandais s'opposent à l'institution de l'université Queen's d'Irlande demandent à Newman de fonder une nouvelle université à Dublin, la "Catholic University of Ireland". Très vite, Newman en est nommé recteur, fonde une faculté de philosophie et de littérature en 1854, puis une faculté de médecine en 1856.
Lors du Ier concile œcuménique du Vatican (1869-1870), il s'oppose à la définition de l'infaillibilité pontificale présentée par les théologiens qui reviennent de Rome et, dans une lettre privée à son évêque, publiée à son insu, il dénonce "la faction insolente et agressive" qui a soutenu ce dogme. Cependant, il ne s'y oppose pas lors de sa proclamation et, lors de l'attaque du Premier ministre Gladstone accusant l'Église catholique d'avoir "également répudié la pensée moderne et l'histoire ancienne", trouve plus tard l'occasion de préciser son attitude dans une Lettre au duc de Norfolk (1875), où il affirme qu'il a toujours cru en cette doctrine mais a craint qu'elle n'affecte les conversions en Angleterre en raison des spécificités historiques locales du catholicisme (Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, ibid. p. 477); en cela, il affirme la compatibilité entre le catholicisme et la liberté de conscience que certains anglicans, depuis la proclamation du dogme de infaillibilité, ont entrepris de dénoncer. Il y affirme même la primauté de la conscience sur l'autorité du pape, mais aussi sur celle des autorités civiles. Cette lettre fut d'autant mieux reçue qu'elle allait contre certains partisans de l'ultramontanisme (hyperpapalisme) ; elle suscita quelques interrogations à Rome, mais il n'y eut pas de réactions défavorables.(2)
Il écrit par la suite la Grammaire de l'assentiment (1870), qui se veut une défense de la foi face au développement du positivisme.
Sa conception de la conscience et la relation avec l'autorité de l'Église a été développée par des théologiens catholiques au point d'être reprise en partie par le Magistère catholique, notamment lors du concile Vatican II, avec la déclaration Dignitatis Humanae.
La chapelle privée du cardinal Newman
Le nouveau pape Léon XIII, élu en 1878, décide de le créer cardinal en 1879. "Dans son célèbre discours prononcé lors de son élévation au cardinalat (1879), Newman a mis en évidence deux attitudes fondamentales possibles à l'égard de la révélation. Il appelle l'une l'attitude libérale-sceptique de l'agnosticisme et de l'athéisme, et l'autre l'attitude dogmatique, c'est-à-dire la disposition fondamentale à l'obéissance dans la foi à la Parole de Dieu, incarnée dans la parole humaine de la confession de l'Église :
Le libéralisme religieux est la doctrine selon laquelle il n'existe pas de vérité positive en religion, mais qu'une croyance en vaut une autre, et c'est cette doctrine qui gagne en influence et en puissance de jour en jour. Il (le libéralisme religieux. Ndlr.) est incompatible avec la véracité de toute religion. Il enseigne que tout doit être toléré, car tout est en fin de compte une question d'opinion personnelle. La religion révélée n'est pas la vérité, mais une question de sentiment et de goût ; elle n'est pas un fait objectif et n'appartient pas au domaine du miraculeux. De plus, chacun a le droit de lui attribuer les affirmations qui lui plaisent.
La pensée dogmatique est à l'opposé. Elle reconnaît la réalité de la Parole révélée de Dieu, qui a parlé à l'humanité en Jésus-Christ. Contrairement à une perception purement émotionnelle d'une présence divine impersonnelle, la Parole incarnée de Dieu est rationnelle et clairement exprimable. Le Credo de l'Église en témoigne. De plus, la Parole incarnée est présente dans les actes sacramentels de l'Église, ordonnés par le Christ.
Newman ne visait pas le libéralisme politique, dans la mesure où la liberté et la dignité personnelle de chaque être humain, ainsi que ses droits civiques, constituent le fondement d'un État constitutionnel démocratique. Il reconnaissait assurément l'esprit humanitaire de nombre de ses partisans. Après la fin des guerres de religion européennes et les ravages causés par la Révolution française et les guerres d'expansion napoléoniennes, il n'y avait d'autre choix que de réorganiser la société sur les principes de liberté religieuse, de tolérance et d'égalité de tous devant la loi. Par conséquent, si la religion était confiée à la conscience individuelle pour la vérité, cela ne signifiait pas qu'elle devenait une affaire privée ou arbitraire. Au contraire, le défi pour l'individu de rechercher la vérité et d'en affronter la force contraignante s'était considérablement accru par rapport à l'époque où les dirigeants européens pouvaient encore déterminer la religion de leurs sujets et où la véracité des doctrines controversées était même décidée par l'État. La liberté religieuse moderne, bien sûr, ne comprend pas seulement le droit de l'individu à se libérer des prétentions au pouvoir de l'État et de la pression sociale pour se conformer. La dimension communautaire de la question de la vérité est également cruciale pour la pleine réalisation de ce droit fondamental. Chaque communauté religieuse doit être capable de déterminer elle-même quels sont les éléments contraignants, c'est-à-dire dogmatiques, de sa constitution et les conditions fondamentales de sa validité qui peuvent être rationnellement démontrées à la lumière du Logos de la Révélation et quels ne sont pas ces éléments. C'est ici qu'apparaît le conflit moderne entre foi et incrédulité. Le libéralisme idéologique revendique la totalité et l'exclusivité de sa validité, contrairement à ses propres principes. Sa générosité et sa prétendue ouverture à toutes les confessions ne sont souvent qu'une indifférence militante à la revendication de la foi en la Parole de Dieu. Le libéralisme, critiqué par Newman, est une autre forme de rationalisme : 'Le libéralisme est donc l'abus consistant à soumettre à lui les doctrines révélées, qui, par leur nature même, sont au-dessus et indépendantes du jugement humain, et à prétendre déterminer, sur des bases internes, la vérité et la validité des propositions qui reposent pour leur acceptation sur la seule autorité externe de la Parole divine.' (Apologia pro vita sua, p. 327.)
Le libéralisme affirme la seule validité du scepticisme métaphysique, même si des affirmations métaphysiquement valides et indiscutables sont impossibles sous les prémisses du libéralisme. Il s'oppose à la liberté des communautés religieuses de déterminer le contenu de vérité et l'horizon de réalité de leurs croyances selon leurs propres principes métaphysiques et épistémologiques, eux-mêmes issus de la révélation. En contradiction avec ce genre de libéralisme et de rationalisme, la justification rationnelle de l’acte de foi et du contenu de la foi est devenue le thème de la vie de Newman. ... Pour Newman, le christianisme est la religion de l’avenir parce que Dieu, qui a élu domicile une fois pour toutes dans notre monde dans son Verbe incarné, est aussi l’avenir de l’humanité.
La révélation commence là où la religion naturelle échoue. La religion naturelle n'est qu'un commencement incomplet et a besoin d'un complément. Mais elle ne peut avoir qu'un seul complément, et ce complément est le christianisme. La religion naturelle est fondée sur le sens du péché ; elle reconnaît la maladie, mais elle ne peut que chercher le remède, sans le trouver. Ce remède à la culpabilité et à l'incapacité morale se trouve dans la doctrine centrale de la révélation, la médiation du Christ... C'est pourquoi le christianisme est l'accomplissement de la promesse faite à Abraham et de la révélation messianique ; c'est pourquoi il a pu, dès le début, prendre possession du monde et s'implanter dans toutes les classes de la société humaine où ses prédicateurs ont pénétré ; c'est pourquoi la puissance romaine et la multitude de religions qu'elle a embrassées n'ont pas pu lui résister ; c'est le secret de son énergie inébranlable et de son martyre infatigable ; c'est pourquoi il est encore si mystérieusement puissant aujourd'hui, malgré les nouveaux et terribles adversaires qui assaillent sa route. Il porte en lui ce don qui peut refermer et guérir une blessure profonde de la nature humaine – un don qui agit davantage pour Son succès est supérieur à celui d'une encyclopédie entière de connaissances scientifiques et d'une bibliothèque entière de controverses ; elle doit donc perdurer aussi longtemps que la nature humaine. C'est une vérité vivante qui ne vieillira jamais."(Cardinal Müller)
John Newman meurt onze années plus tard à l’âge de 89 ans. Il est enterré dans le cimetière de Rednall Hill (Birmingham). Il partage sa tombe avec son ami, Ambrose St. John, qui s’est converti au catholicisme en même temps que lui. Dans le cloître de l'oratoire de Birmingham où sont placées des plaques commémoratives, il voulut que soit inscrite au-dessous de son nom cette épitaphe : Ex umbris et imaginibus in veritatem ("Des ombres et des images vers la vérité") (Louis Bouyer, Newman sa vie sa spiritualité, ibid. p. 485.)
Son œuvre comprend 40 livres et plus de 20 000 lettres, dont :
-la Grammaire de l'assentiment (son travail le plus abouti dans lequel la foi religieuse est étayée par des arguments souvent différents de ceux qu'emploient les théologiens catholiques et qui se veut une défense de la foi face au développement du positivisme); explique comment l'esprit humain parvient à des certitudes dans le domaine religieux sans se limiter à une approche logique ou empirique, en passant par une approche plus intuitive, le "sens illatif" (illative sense), qui joue un rôle central dans l'assentiment et permet de tirer des conclusions certaines à partir d'indices convergents, sans preuves logiques. Cette approche s'oppose au scepticisme qui exige une certitude absolue pour croire.
La foi n'est pas irrationnelle. Elle repose sur le sens illatif, qui intègre la raison, l'expérience personnelle et la conscience morale. La foi religieuse, bien qu'elle transcende la raison est compatible avec elle, car elle repose sur une convergence d'indices (Ecritures, tradition apostolique, expérience spirituelle).
L'intuition morale, combinée au sens illatif, conduit à un assentiment à l'existence de Dieu.
La Grammaire de l'assentiment est une œuvre majeure qui offre une réponse au rationalisme sceptique moderne en montrant que la certitude repose sur une logique humaine naturelle, bien que non formelle. Elle est influente en théologie, en philosophie et dans les débats sur l'épistémologie de la croyance.
-l'Apologia Pro Vita Sua (oeuvre autobiographique qui retrace la recherche de la vérité ayant conduit à sa conversion, grand succès de librairie, qui lui vaut le soutien et les félicitations de nombreux catholiques dont il leva les doutes).
"Avec ce chef-d'œuvre littéraire, également écrit dans un anglais brillant, comparable aux Confessions de saint Augustin (354-430) et aux Pensées de Blaise Pascal (1623-1652), il restaura également l'honneur du clergé catholique dans l'Angleterre protestante, marquée par des polémiques anticatholiques depuis la Réforme. À cette époque, renforcée par les polémiques des Lumières en France au XVIIIe siècle, la conviction était encore profonde que les prêtres catholiques et les membres de l'ordre n'étaient que de vils hypocrites et des agents sans scrupules de l'Antéchrist sur le trône papal romain, prêts à tout pour assouvir leur soif de pouvoir. Les préjugés sur l'Église catholique, hostile à la science et au progrès, étaient encore bien vivants, et l'universalisme romain était considéré comme le principal ennemi de l'idée d'État-nation, avec ses visées impérialistes et colonialistes – lesquelles, avant d'être discréditées par les massacres du XXe siècle, étaient encore considérées comme moralement justifiables. Dans ce contexte, l'Église ne pouvait être tolérée qu'en tant qu'Église nationale et d'État anglaise. Les évêques anglicans se sont volontiers laissés mettre au service d'un christianisme étroitement nationaliste.
Fort de son excellente connaissance de la Bible et des Pères de l'Église, il ne pouvait manquer de remarquer que l'Église catholique est en complète continuité doctrinale et constitutionnelle avec l'Église de ses origines apostoliques, et que les accusations protestantes de corruption de la foi apostolique ou d'enrichissement d'éléments doctrinaux non bibliques retombent sur l'Église elle-même. Dans le quatrième chapitre de son Apologie, il cite sa lettre du 16 novembre 1844 : 'Si je ne me trompe, ma principale raison d'envisager la conversion est la conviction profonde et immuable que notre Église est en schisme et que mon salut dépend de l'union avec l'Église romaine.' (JHN, Apologia pro vita sua, Mayence 1956, 265)
C'est la même conception de l'Église qui a été exprimée au Concile Vatican II comme profession de foi. La déclaration 'Dominus Iesus' de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 6 août 2000, souvent mal interprétée car (volontairement) omise, dit la même chose.
Newman avait de bonnes raisons de rejeter la théorie selon laquelle l'Église anglicane suivait une voie médiane entre le catholicisme et le protestantisme. Il rejetait l'idée erronée selon laquelle on pourrait accepter pragmatiquement la division du christianisme, dans la mesure où elle impliquait de multiples branches de l'arbre unique de l'Église. Cependant, on ne peut présenter la majorité des communautés existantes comme des réalisations partielles de l'unique Église du Christ, car celle-ci est indivisible. Cette indivisibilité s'exprime dans la forme visible de son unité dans la foi, dans la vie sacramentelle et dans la constitution apostolique, partie inaliénable de son essence. Par conséquent, l'objectif du mouvement œcuménique n'est pas une fusion artificielle de sous-unités ecclésiastiques, mais le rétablissement de la pleine communion dans la foi et la reconnaissance des évêques légitimement ordonnés comme successeurs des apôtres. Cette Église du Christ s’est réalisée dès le début et continuellement tout au long de l’histoire dans l’Église visible, qui est 'gouvernée par le Successeur de Pierre et par les Évêques en communion avec lui' (Dominus Iesus 17).
L'idée répandue selon laquelle une confession chrétienne est comme une autre et que le véritable christianisme réside uniquement dans les mécanismes intérieurs du cœur, au-delà des croyances, des dogmes, des sacrements et de l'autorité ecclésiastique, peut paraître plausible à un grand nombre de chrétiens aujourd'hui, mais elle est indéfendable au vu des déclarations de l'Écriture Sainte sur la révélation et l'Église. L'Église sacramentelle visible et la communauté invisible des croyants étant inextricablement liées, Newman a dû se demander laquelle des communautés chrétiennes empiriques existantes pouvait légitimement revendiquer l'identité de sa croyance et sa continuité historique. Il n'a pas compris sa conversion comme un changement de confession chrétienne. Il n'a pas non plus décidé de franchir ce pas parce que la piété catholique aurait pu l'attirer davantage émotionnellement ou parce qu'une culture catholique romane aurait pu lui plaire davantage. Au contraire ! L'apparence extérieure de l'Église catholique aurait même dû le rebuter.
Il a franchi ce pas parce qu'il reconnaissait, dans sa foi et sa conscience, l'identité complète de l'Église du Christ avec l'Église catholique visible. Ce n'était pas un affront à l'Église anglicane. Sa conversion n'est pas un motif de chagrin pour certains et un sentiment de triomphe pour d'autres. Newman appartient à toute la chrétienté ! Il est l'un des témoins les plus marquants de l'unité visible de l'Église, voulue par Jésus lui-même et qui constitue donc un modèle inébranlable de l'identité chrétienne (Jean 17, 22 et suivants)." (Cardinal Müller)
sont une référence constante chez des écrivains tels que G. K. Chesterton, Evelyn Waugh ou Julien Green, mais aussi pour des théologiens et des philosophes comme Avery Dulles, Erich Przywara et Edith Stein, qui a traduit en allemand son ouvrage L'Idée d'université (conférences données par John Henry Newman entre 1852 et 1858 dans lesquelles il défend sa conception de l'éducation et de l'université).
J. R. R. Tolkien, l'auteur du "Seigneur des Anneaux" a été élevé par l'Oratoire de Birmingham, la communauté même fondée par St. John Henry Newman en 1849.
En 1991, John Henry Newman a été proclamé vénérable par la Congrégation pour les causes des saints.
Il a été béatifié à Birmingham, le 19 septembre 2010, par le pape Benoît XVI, et est proclamé saint le 13 octobre 2019 par le pape François.
Dans l’Homélie de béatification par le Pape Benoît XVI (Cofton Park de Rednal - Birmingham, dimanche 19 septembre 2010 - Vatican.va), celui-ci explique que John Henry Newman "mérite bien de prendre place dans une longue lignée de saints et d'érudits de ces Iles, saint Bède, sainte Hilda, saint Aelred, le bienheureux Dun Scott, pour n'en nommer que quelques-uns.
"[...] La devise du Cardinal Newman, 'Cor ad cor loquitur', ou 'e cœur parle au cœur' nous donne une indication sur la manière dont il comprenait la vie chrétienne : un appel à la sainteté, expérimenté comme le désir profond du cœur humain d'entrer dans une intime communion avec le Cœur de Dieu.
"Il nous rappelle que la fidélité à la prière nous transforme progressivement à la ressemblance de Dieu. Comme il l'écrivait dans l'un de ses nombreux et beaux sermons, 'pour la pratique qui consiste à se tourner vers Dieu et le monde invisible en toute saison, en tout lieu, en toute situation d'urgence, la prière, donc, a ce qu'on peut appeler un effet naturel, en ce qu'elle élève et spiritualise l'âme. L'homme n'est plus ce qu'il était auparavant : progressivement, il s'est imprégné de tout un nouvel ensemble d'idées, il a assimilé de nouveaux principes'." (S. John Henry Newman, Sermons paroissiaux, IV, p. 203, Le paradoxe chrétien, Cerf, 1986), (S. John Henry Newman, Méditations sur la doctrine chrétienne, Ad Solem, Genève 2000, pp. 28-29).
Le bienheureux John Henry Newman, est fêté, dans le calendrier liturgique catholique, le 9 octobre et non le jour anniversaire de sa mort, le 11 août. Ce jour étant déjà celui de la fête de sainte Claire d'Assise, c'est le 9 octobre, date de l'accueil officiel dans l'Église catholique de John Henry Newman, qui a été retenu. (3)
"Newman était l'ennemi juré du libéralisme, le plus grand théologien du développement doctrinal, qui insistait sur le fait qu'un véritable développement ne peut jamais être un renversement de doctrine, et mettait en garde contre les abus de la doctrine de l'infaillibilité papale. Son œuvre est des plus pertinentes aujourd'hui." (Edward Feser)
Le 31 juillet 2025, le Vatican a annoncé que Léon XIV déclarera prochainement S. John Henry Newman "Docteur de l'Église universelle".
Ce faisant, Léon XIV corrige trois erreurs :
-Il met fin à l’erreur populaire selon laquelle le pape est toujours infaillible dans tous ses enseignements officiels sur la foi et la morale — l’hyperpapalisme.
-Il corrige l’erreur populaire selon laquelle les catholiques croient que la vérité change en fonction de qui est le pape et de ce qu’il enseigne – le relativisme papal.
-Il corrige la marginale mais croissante erreur selon laquelle un pape qui enseigne l’erreur n’est pas le pape — le sédévacantisme. (Shane Schaetzel)
S. John Henry Newman sera le troisième Anglais à recevoir ce titre, après saint Bède le Vénérable et saint Anselme, qui était d'origine italienne mais a servi 16 ans comme archevêque de Canterbury au XIIe siècle. | National Catholic Register (Edward Pentin)
Citations
La messe, célébrée en latin, est la même partout dans le monde. Où que vous alliez, la langue est la même ; et une telle unité est en soi un grand bien, bien plus grand que la simple compréhension des mots.
Sources:
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Henry_Newman
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_au_duc_de_Norfolk#Contenu
(4) https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2019-10/messe-canonisations-pape-francois-vatican-13-octobre-newman-bays.html
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