Jérôme Cahuzac n'est pas le seul politique et ministre à avoir un compte en Suisse. C'est ce que montre un document qu'Europe1.fr déclare avoir eu en main.
Pierre Condamin-Gerbier, ex-cadre de la banque suisse Reyl et témoin dans l'enquête sur l'affaire Cahuzac, a affirmé hier à l'AFP disposer d'une liste "d'une quinzaine" de noms d'ex-ministres ou d'actuels ministres détenteurs d'un compte en Suisse (1) et estimé que Jérôme Cahuzac n'était qu'un "fusible". "[O]n dit que c’est le mensonge d’un homme, mais des Cahuzac il y en a d’autres». «C’est le mensonge d’un système et d’un Etat», a-t-il assuré ensuite à plusieurs journalistes. (2) Une allégation faite initialement la veille, mercredi (12 juin, NdCR.), devant les sénateurs.
Interrogé sur l’éventuelle divulgation des noms de la liste qu’il dit détenir, il a répondu à l’AFP : «J’attends le bon moment pour le faire», notamment lorsque cela «aura le moins de répercussions pour moi et ma famille». Il a expliqué, comme il l’a déjà fait dans d’autres médias, qu’il subissait «des menaces», notamment des «menaces de mort». Il a raconté jeudi que récemment il avait retrouvé sa moto «trafiquée», «destinée à lâcher» et qu’il avait «porté plainte» à ce sujet.
Le député PS Yann Galut, rapporteur du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale a déclaré que dans les documents qu'il possède, se trouvent "des éléments de preuve", qui ont été remis à "une partie tiers".
Europe1.fr a annoncé aujourd'hui avoir eu accès à l'un de ces documents: le compte-rendu d'une réunion dans un cabinet d'avocats parisiens de la banque Reyl daté de 2008 et signé de la main de Pierre Condamin-Gerbier, "qui confirme ce qu'avance le banquier". Ce document, affirme Europe1.fr "confirme qu'un banquier suisse a bien géré les comptes de politiques français". (3)
Dans ce document à en-tête de la banque suisse, on peut lire les modalités d'une transaction entre un homme politique français et un homme d'affaires. Ainsi, figure la mention PEP, trois lettres qui signifient : Personnalité Exposée Politiquement, qui apparaît comme "un acteur important de la communauté politique française". Son nom a été volontairement modifié. Cet homme politique, dont le nom est volontairement remplacé par un autre, souhaite transférer de l'argent depuis ses comptes personnels chez HSBC en Suisse sur ceux de l'homme d'affaires, resté anonyme lui aussi. La somme est colossale : plus de 23 millions d'euros. L'opération doit se faire en toute opacité, à travers des trusts - un montage occulte, fait d'intermédiaires- dont le but est de brouiller au maximum les pistes pour échapper au fisc.
Ultime détail, le document est daté de mars 2008. Or, c'est précisément à cette période que court une rumeur insistante sur la place de Genève : une liste de milliers d'exilés fiscaux, tous clients de la banque HSBC, est sur le point d'être dévoilée. Tout laisse donc à penser que cet homme politique a voulu disparaître de cette fameuse liste de la banque HSBC dont il était client en Suisse, et abriter discrètement ses 23 millions d'euros sur les comptes de son ami richissime.
Le document ne donne aucun indice sur l'identité de cet homme politique. Le nom qui figure n'est pas le sien. Et ni sa tendance politique, ni son âge, ni ses fonctions ne sont mentionnés. Selon Europe1.fr, cela révèle en revanche que Jérôme Cahuzac n'est bien pas le seul homme politique français à avoir eu des comptes non déclarés en Suisse. Dans un communiqué envoyé à la presse, la banque suisse Reyl a démenti et dénonce des "amalgames et allégations".
Benoît Hamon, ministre délégué à la Consommation, a déclaré hier, que s'il existait une liste d'une quinzaine d'hommes politiques possédant un compte en Suisse, "il fallait la donner". "C'est simple, il faut la donner. Je suis pour la transparence: qu'il la donne", a lancé le ministre, à l'adresse de Pierre Condamin-Gerbier.
Ce dernier a été entendu lors de l'affaire Cahuzac, par les policiers dans un premier temps, et ensuite par le juge Van Ruymbeke dans le cadre de l'information judiciaire pour "blanchiment de fraude fiscale" visant l'ex-ministre du Budget. Les juges avaient demandé au parquet une extension de leur enquête à d'éventuels autres détenteurs de comptes non déclarés à la suite de l'audition de Pierre Condamin-Gerbier.
Fin avril, dans un entretien à l'AFP en Suisse il avait assuré qu'il n'avait pas donné aux juges les noms d'éventuels autres détenteurs de comptes non déclarés en Suisse. Le fait que de nombreux responsables politiques français ont utilisé des places financières comme la Suisse pour eux-mêmes ou pour leur parti est un "secret de polichinelle", avait-il dit. Pierre Condamin-Gerbier a été responsable de la délégation UMP en Suisse, notamment lors de la campagne présidentielle de 2007, mais a quitté son poste en 2009.
Sources:
(1) http://www.huffingtonpost.fr/2013/06/14/affaire-cahuzac-banque-reyl-politiques-compte-suisse_n_3439571.html
(2) http://www.liberation.fr/politiques/2013/06/13/un-temoin-de-l-affaire-cahuzac-evoque-d-autres-comptes-en-suisse-de-politiques_910561
(3) http://www.europe1.fr/France/Fraude-fiscale-une-enquete-sur-la-banque-Reyl-1551475/