Les travaux de la commission parlementaire établissent l'existence de zones d'ombre et des contradictions sur lesquelles les différents responsables de l'exécutif devront s'expliquer. D'un côté Pierre Moscovici, le 16 juillet, parle d'une rencontre le 16 janvier 2013 à la suite du conseil des ministres entre François Hollande, lui-même, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et Jérôme Cahuzac, au sujet de la demande d'entraide administrative aux autorités suisses du 12 mars 2013. De l'autre, l'ancien ministre du Budget a déclaré à la Commission mardi 23 juillet ne pas se souvenir de cette rencontre en présence du chef de l'Etat et du Premier ministre. « La seule conclusion raisonnable, c’est que Pierre Moscovici se souvient d’une réunion ou d’un échange de mots et moi je ne m’en souviens pas. La chose ne me paraît pas choquante» a-t-il déclaré. Ceci a conduit la Commission à réclamer l'audition du chef du gouvernement pour aider à la manifestation de la vérité devant les représentants du peuple. Or, les socialistes ont refusé hier le principe de cette audition. En plus de donner l'impression d'intouchables faisant ce qu'ils veulent à la tête de l'Etat du moment qu'ils sont majoritaires à l'Assemblée dite "nationale", ce raidissement jette un voile supplémentaire sur cette affaire et renforce la thèse d'une responsabilité au plus niveau de l'Etat. Le moins que l'on puisse dire est que la culture de la transparence pour la manifestion de la vérité n'est pas une préoccupation première "moi président".
L’amnésie de Jérôme Cahuzac lui a en tout cas permis d’affirmer qu’il n’était pas intervenu dans la demande d’entraide avec la Suisse. « Je ne suis pas intervenu ni dans le principe de l’entraide administrative, ni dans sa mise en œuvre » a-t-il dit.
Concernant ses efforts pour obtenir une réponse négative de la part de l’UBS sur l’existence d’un compte en Suisse, il a affirmé avoir déclaré à Pierre Moscovici « je n’y parviens pas, mais j’essaie quand même. » Jérôme Cahuzac a aussi indiqué que l’initiative de cette demande venait de ses « avocats suisses, mais pas des plus hautes autorités de l’Etat ». « Je n’ai pas le souvenir que ce soit François Hollande qui m’ai suggéré d’entamer une procédure auprès de la banque suisse. »
Si le Premier minsitre devait confirmer l'existence de cette réunion, il démontrerait les suspiscions de complot, s'il ne la confirmait pas, il désavouerait Pierre Moscovici qui serait donc le menteur.
Dans une lettre aujourd'hui à Pierre Moscovici, le président de la commission d’enquête parlementaire Charles de Courson, persiste dans sa mise en cause de l’action du ministre de l’Économie dans ce dossier : «la saisine des autorités fiscales suisses a constitué une erreur dont la responsabilité vous incombe, car elle a accrédité la théorie de l’innocence de Jérôme Cahuzac et constitué une tentative de tromperie du peuple français». «Était-ce à votre corps défendant. L’enquête judiciaire nous éclairera sur ce point». «Je maintiens mes propos selon lesquels +telle qu’elle était rédigée, la lettre de la demande d’entraide administrative adressée à la Suisse (concernant la banque l’UBS), ne pouvait qu’avoir une réponse négative», écrit notamment le député.
Du refus socialiste de l'audition de Jean-Marc Ayrault afin que l'on sache si oui ou non cette réunion a eu lieu, Philippe Houillon a jugé que la gauche avait commis «une bêtise stratégique puisque s'il n'y a rien à cacher, l'audition du premier ministre relevait d'une démarche normale»... Guillaume Larrivé a, lui, parlé d'une «affaire d'État peut-être pour protéger un secret d'État».
Add. 1er août 2013 09:09. Le seul élément nouveau est venu, ces dernières semaines... du chef de l'Etat lui-même. C'est lui qui a raconté avec force détails à la journaliste du Point Charlotte Chaffanjon, pour son livre Jérôme Cahuzac, les yeux dans les yeux (Plon), son échange du 16 janvier avec Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac en marge du Conseil des ministres.
Le président de la République a donc rapporté, sans autre forme de précaution, que ce jour-là, il évoque devant ses interlocuteurs la demande d'entraide fiscale. Cahuzac insiste d'ailleurs pour que cette demande coure de 2006 à 2012. Ce récit, garanti, donc, par le sommet de l'exécutif, met dans un grand embarras les trois autres personnalités concernées, notamment Jérôme Cahuzac, contraint d'affirmer qu'il n'a "pas souvenir" de cet échange pour ne pas se rendre coupable de mensonge après avoir affirmé sous serment, le 26 juin, que personne, au sommet de l'Etat, ne l'avait mis au courant de quoi que ce soit. "Finalement, celui qui nous a remis dans la merde, c'est François !" ironise un ministre qui connaît bien le président.
Charles de Courson, qui recevait L'Express dans son bureau le 24 juillet, est persuadé que la saisine des autorités fiscales suisses, alors qu'une procédure judiciaire était ouverte, a constitué une erreur, preuve notable de l'"incompétence" du ministre de l'Economie, qui a ainsi "accrédité la théorie de l'innocence de Jérôme Cahuzac et constitué "une tentative de tromperie du peuple français".
Après le refus des députés de la majorité, par 10 voix contre 8, d'auditionner le Premier ministre, la commission a implosé, transformant en crash politique ce qui aurait dû rester une recherche transpartisane de la vérité. Les parlementaires de l'opposition ont décidé de suspendre leur participation aux débats.
Source: L'Express.fr, le 31 juillet 2013. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/affaire-cahuzac-la-bombe-a-fragmentation_1270320.html