Par Mike Whitney, le 5 décembre 2006
Dimanche, Russie Unie, le parti de Poutine à remporté la victoire des élections législatives du pays avec 63 pour cent des voix. Russie Unie contrôle maintenant 306 des 450 sièges de la Douma, une majorité écrasante. Le scrutin était un référendum sur le leadership de Poutine et il s'est transformé en raz-de-marée. Maintenant, il est certain que, même si Poutine démissionne de la présidence l'année prochaine, comme prévu, il sera l'acteur dominant de la politique russe dans un avenir prévisible.
On peut dire que Vladimir Poutine est le plus populaire leader de l'histoire russe, même si vous ne le saurez jamais en lisant les médias occidentaux. Selon une récente enquête réalisée par le Wall Street Journal, en novembre 2007 la cote de popularité personnelle de Poutine atteignait 85 pour cent, ce qui faisait de lui le plus populaire chef d'État du monde aujourd'hui. La popularité de Poutine découle de nombreux facteurs. Il est personnellement habile et charismatique. Il est farouchement nationaliste et a travaillé sans relâche à améliorer la vie des Russes et à rétablir l'ancienne grandeur du pays. Il a tiré de la misère plus de 20 millions de Russes, amélioré l'éducation, les soins de santé et le système de pension (partiellement), nationalisé les industries, abaissé le chômage, augmenté la fabrication et les exportations, revigoré les marchés russes, renforcé le rouble, élevé le niveau de vie, réduit la corruption gouvernementale, emprisonnés ou exilés les oligarques vénaux, et accumulé 450 milliards de dollars de réserves.
La Russie n'est plus à prendre comme après la chute de l'Union Soviétique. Poutine a mis fin à tout cela. Il a reconsidéré le contrôle sur les vastes ressources du pays, et il les a utiliser pour améliorer la vie de son propre peuple. C'est un vrai changement depuis les années 90, quand l'alcoolique Eltsine dirigeait la Russie dans le désastre économique en suivant les édits néolibéraux de Washington et en vendant les bijoux de la couronne de Russie au oligarques rapaces. Poutine a remis la maison de Russie en ordre ; stabilisé le rouble, renforcé les alliances économique et militaires dans la région, et a éliminé la corporation des gangsters qui ont volé les biens nationaux de Russie pour quelques sous. Les oligarques sont tous maintenant soit en prison soit enfuis du pays. La Russie n'est plus à vendre.
La Russie est, une fois encore, une grande puissance mondiale et une source vitale d'hydrocarbures. C'est une étoile qui monte régulièrement tout comme les États-Unis ont commencé à décliner. Cela peut expliquer pourquoi Poutine est détesté par l'Occident. Freud pourrait appeler ça l'envie du pétrole, mais c'est plus profond. Poutine a dessiné un plan de changement social en conflit avec les principes fondamentaux du néolibéralisme, principes qui régissent la politique étrangère des États-Unis. Il n'est pas membre de la fraternité de la corporation bancaires, qui croit que les richesses du monde devraient être divisées entre eux sans se soucier de la souffrance ni de la destruction qu'ils peuvent provoquer. Poutine est focalisé sur la primauté de la Russie ; le bien-être de la Russie, la souveraineté de la Russie et la place de la Russie dans le monde. Il n'est pas mondialiste.
C'est pourquoi l'administration Bush a encerclé la Russie avec des bases militaires, renversé les régimes voisins avec ses révolutions de couleurs codées (organisées par des ONG et des services de renseignement des États-Unis), est intervenue dans les élections de Russie et a menacé de déployer un système d'armes nucléaires (prétendument défensif) en Europe de l'Est. La Russie est perçue comme un rival potentiel aux ambitions impériales des États-Unis et elle doit être contenue ou renversée.
Dans les premières années de sa présidence, on pensait que Poutine se conformerait aux demandes de l'Occident et accepterait un rôle subalterne dans le système central US-UE-Israël. Mais ce n'est pas arrivé. Poutine a obstinément défendu l'indépendance de la Russie et résisté à l'intégration dans le système dominant.
Le triomphalisme qui a déferlé sur Washington après la chute du Mur de Berlin a été remplacé par la crainte palpable du pouvoir grandissant de la Russie avec le prix du pétrole qui continuera à monter. La tectonique des plaques du pouvoir géopolitiques se déplace progressivement vers l'est. C'est pourquoi les États-Unis prennent part au Grand Jeu et tente de s'enraciner en Eurasie. Pourtant, il est facile d'imaginer un scénario dans lequel l'accès des États-Unis aux dernières grandes réserves de pétrole et de gaz naturel de la planète, les trois billions de barils de pétrole et de gaz naturel localisés dans le Bassin Caspien, soit complètement bloqué par la résurgence de la superpuissance russe.
Le plus puissant des groupes de réflexion de Washington, le Council on Foreign Relations (conseil sur les relations étrangères ou CFR), a reconnu ce problème et décidé dès le début l'entier remaniement de la politique étasunienne vis-à-vis de la Russie.
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John Edwards et Jack Kemp ont été nommés pour diriger un groupe de travail du CFR qui concocte des prétextes d'attaques tout azimut contre Poutine. C'est là qu'a été inaugurée l'idée d'un Poutine faisant « reculer la démocratie. » Dans leur article Russia's Wrong Direction (Mauvaise direction de la Russie), Edwards et Kemp déclarent que le « partenariat stratégique » avec la Russie n'est plus possible. Ils affirment que le gouvernement est devenu de plus en plus autoritaire et que la société est de moins en moins « ouverte et pluraliste. »
Kemp et Edwards ont fourni les fondements idéologiques sur lesquels a été entièrement construite campagne de relations publiques contre Poutine. Et c'est vraiment une campagne impressionnante. La recherche sur Google News montre environ 1.400 articles de divers services d'information sur Poutine. Pratiquement tous contiennent exactement la même rhétorique, les mêmes slogans, les mêmes fausses affirmations, les mêmes calomnies. Sur 1.400 articles, il est même impossible d'en trouver un qui diverge un tant soit peu des thèmes originaires du Conseil sur les Relations Étrangères.
Il est intéressant de voir jusqu'à quel point les médias sont devenus le porte-voix de la propagande de la sécurité nationale. La cote de popularité personnelle de Poutine confirme son énorme renommée, et pourtant les médias continuent à le traiter comme si c'était un tyran. C'est absolument incongru.
Dans la plupart des articles, Poutine est traité d'« anti-démocrate, » une accusation qui n'est jamais dirigée contre la famille royale saoudienne, même si les femmes n'ont pas le droit de conduire, doivent être entièrement couvertes tout le temps, et peuvent être lapidées à mort si elles sont jugées infidèles. De même, en Arabie Saoudite, la décapitation est toujours la peine privilégiée pour les crimes capitaux.
Quand Abdullah le Roi saoudien visites les États-Unis, il n'est pas accablé de mépris pour les traitement répressifs de son régime sur son peuple. Il est plutôt récompensé par des photos flatteuses de lui et George Bush, flânant bras dessus bras dessous à travers la sauge de Crawford.
Pourquoi calomnie-t-on Poutine en disant qu'il fait « reculer la démocratie » quand le client étasunien, Mikhail Saakashvili, déclare arbitrairement la loi martiale et déploie ses Robot-cops brandissant leur matraque pour battre les manifestants avant de les traîner inanimés dans le goulag de Géorgie ? Les images de la sanglante répression de Saakashvili sont parues dans la presse étrangère, mais pas aux États-Unis. Les médias ont plutôt tous focalisé leurs caméras sur Garry Kasparov (auteur contribuant au Wall Street Journal et de la droite timbrée), alors qu'il était emmené menotté en taule à Moscou pour avoir manifesté sans autorisation.
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Le vrai crime de Poutine c'est qu'il sert les intérêts nationaux de la Russie plutôt que les intérêts du Capitaux mondial. Il rejette aussi le modèle mondial « unipolaire » de Washington. Comme il l'a dit à Munich :
Le monde unipolaire se réfère à un monde dans lequel il y a un maître, un souverain, un centre d'autorité, un centre de force, un centre de prise de décision. Au bout du compte c'est pernicieux non seulement pour tous ceux qui sont dans le système, mais aussi pour le souverain lui-même parce que ça se détruit de l'intérieur.
Ce qui est même encore plus important, c'est que le modèle lui-même est défectueux parce que par principe il n'y a et il ne peut y avoir de base morale pour la civilisation moderne.
Il a ajouté :
Nous constatons de plus en plus de mépris pour les principes fondamentaux du droit international... Nous assistons à un presque incontrôlable usage excessif de la force, de la force militaire, dans les relations internationales, force qui plonge le monde dans un abîme de conflits permanents. Je suis convaincu que nous avons atteint le moment décisif où il faut sérieusement réfléchir à l'architecture de la sécurité mondiale.
Bien dit, Vladimir.
Poutine n'est pas un saint, mais il ne mérite pas la raclée qu'il obtient des médias occidentaux.
Suite "Et un dernier mot sur Garry Kasparov"
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