Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Christ Roi

  • : Christ Roi
  • : Blog d'informations royaliste, légitimiste, pour une France libre, indépendante et souveraine
  • Contact

Horloge

9 décembre 2024 1 09 /12 /décembre /2024 07:50
Anthony Schratz analyse habilement les défauts de "l’individualisme expressif" et aborde directement ce que les chrétiens devraient faire dans la situation difficile actuelle.

Anthony Schratz analyse habilement les défauts de "l’individualisme expressif" et aborde directement ce que les chrétiens devraient faire dans la situation difficile actuelle.

Nous vivons dans un monde devenu fou. Cette folie a été annoncée il y a un siècle par le poète irlandais William Yeats (1865-1939) dans La Seconde Venue :  "Les choses s’effondrent, le centre ne peut tenir / Une simple anarchie s’est déchaînée sur le monde". Il nous faut comprendre ce qui s’est passé.

Dans Paradise Cancelled,  Anthony Schratz fait précisément cela en analysant d’abord les fondements intellectuels et spirituels de la vision du monde chrétienne et ceux de la vision du monde postmoderne (qu’il appelle "individualisme expressif"), puis en expliquant pourquoi il est impossible pour ces deux visions du monde de coexister pacifiquement.

La vision chrétienne du monde décrite par Schratz est en tous points conforme au Magistère. Elle proclame que l'univers a été créé par un Être transcendant, infiniment bon et puissant, un Dieu qui est aussi une Trinité de personnes enracinée dans une communion d'amour d'où sont issus l'univers et l'homme. Elle proclame également que Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance, l'appelant à la béatitude céleste avec Lui après une vie vertueuse sur terre.

L’homme possède un corps matériel et mortel, ce qui fait de lui un élément de la nature comme les autres animaux. Mais, contrairement à ces derniers, il a été créé "à l’image de Dieu", ce qui signifie qu’il est doté d’un intellect lui permettant de saisir les réalités universelles et immatérielles, et d’un libre arbitre lui permettant de choisir librement entre le bien et le mal, c’est-à-dire d’obéir ou de désobéir à son Créateur.

En choisissant de désobéir au Créateur, Adam et Ève ont introduit le péché dans le monde. C’est ce qu’on appelle le péché originel. La vision chrétienne du monde est incompréhensible sans cette doctrine du péché originel. Bien que nous ayons encore des facultés remarquables, nous avons tendance à les utiliser pour faire le mal. Au fond, nous savons que quelque chose ne va pas chez nous. Nous naissons sans vie divine dans l’âme parce que la vie humaine que nous avons héritée de nos premiers parents est "déconnectée" de Dieu. Le résultat, comme l’a dit Alexandre Soljenitsyne dans une phrase célèbre, est que "la ligne séparant le bien du mal ne traverse pas les États, ni les classes, ni les partis politiques, mais traverse chaque cœur humain".

 

L’homme étant incapable de remédier à ce mal aux conséquences infinies, seule une intervention divine pourrait le réconcilier avec son Créateur. Ainsi, Dieu lui a promis un Sauveur qui lui rendrait son amitié originelle. Dieu s’est approprié un peuple qui, fortifié par la Loi et les prophètes, devait préparer l’humanité à recevoir ce Sauveur. Après s’être révélé aux hommes par les prophètes, Dieu s’est révélé à eux en prenant leur nature humaine, ce qui a donné naissance à une nouvelle Alliance entre Dieu et l’homme. Cette Alliance est représentée par l’Église, qui continue l’œuvre de la rédemption en proclamant que seul le Christ peut nous conduire au bonheur éternel.

Tout cela implique que l’Église a une conception très spécifique de la nature humaine. Elle enseigne que notre fin première est l’imitation de Jésus-Christ et son incorporation à lui, c’est-à-dire la vertu humaine et la sainteté divine. Le Christ a en effet redéfini le sens de la vie en montrant qu’elle n’est pas destinée à la richesse ou au plaisir, mais plutôt au don de soi et au sacrifice. Parce que le cœur humain ne se réconcilie pas facilement avec un tel enseignement, l’Église est souvent mal comprise, crainte ou persécutée.

 

L’Église enseigne que la loi naturelle (ou  loi morale)  est inscrite dans le cœur de l’homme. Elle nous dit ce que nous devons faire et éviter pour atteindre notre fin, qui est la sainteté. La loi naturelle peut être comparée à un mode d’emploi, c’est-à-dire à l’ensemble des instructions et des informations dont un être humain doit disposer pour vivre selon sa nature. Une chose n’est pas bonne ou mauvaise en raison de ce que dit la loi naturelle à son sujet. Elle nous dit seulement ce qui est bien ou mal à la lumière des grandes données de la vie humaine. Elle est constitutive de notre nature et s’accorde avec notre fin. Par conséquent, la loi naturelle est absolue, objective et universelle. Elle ne dépend pas de nos sentiments ou de nos intentions.

En bref, la vision chrétienne du monde est une anthropologie centrée sur le Christ. L’anthropologie pose la question : quel est le sens de la vie ? La réponse n’est pas une idée, mais une personne : Jésus-Christ ! Dieu fait chair !

La vision du monde concurrente est ce que Schratz appelle "l’individualisme expressif", autrement connu sous le nom de "wokéisme", de théorie critique ou, plus généralement, de postmodernisme. Elle affirme que l’univers est gouverné par l’homme et non par Dieu. Sa devise est celle de Protagoras, pour qui l’homme est la mesure de toutes choses. Elle contredit celle de Platon, pour qui Dieu est la mesure de toutes choses ; d’où l’impossibilité pour les deux visions du monde de coexister pacifiquement.

La caractéristique distinctive de cette vision du monde concurrente est l’accent qu’elle met sur l’autonomie personnelle.

Plus précisément, elle ne reconnaît aucune autorité supérieure, religieuse ou autre, à laquelle nous devons rendre des comptes. Elle nie l’existence de tout ordre sacré ou, en fait, de toute vérité permanente. Nous sommes donc tenus de choisir nos propres valeurs et nos propres modes de vie. La nature humaine n’est pas un don dont nous héritons, mais une sorte de pâte à modeler – une sorte de pâte à modeler sophistiquée – que chacun peut manipuler à sa guise.

 

L’expression la plus aboutie de l’autonomie personnelle est l’idéologie LGBTQ+ qui remet en cause les fondements biologiques du couple homme-femme et de la famille. Elle vise à les remplacer par une conception purement subjective de la sexualité et du genre destinée à abolir la famille traditionnelle.

 

L'expression la plus éloquente de ce sens gnostique de l'autonomie personnelle a peut-être été exprimée dans la décision de la Cour suprême des États-Unis de 1992 dans l'affaire Planned Parenthood v. Casey, qui a défini cette autonomie comme suit : "Au cœur de la liberté se trouve le droit de définir sa propre conception de l'existence, du sens, de l'univers et du mystère de la vie humaine". En bref, il n'y a pas de sens transcendant à la vie.

 

L’un des grands mérites de Cancelled Paradise est la clarté avec laquelle il montre les contradictions internes de l’individualisme expressif. Il met en évidence l’intolérance de ceux qui partagent cette vision du monde envers ceux qui n’y adhèrent pas. Comme tous les idéologues du passé, qu’ils soient marxistes, fascistes ou maoïstes, ils considèrent tous leurs adversaires comme pathologiquement irrationnels, homophobes, transphobes, sexistes ou racistes. Tous ces soi-disant "déplorables" ne doivent pas être tolérés car ils menacent l’avènement du paradis laïc que les individualistes expressifs autoproclamés éclairés (également connus sous le nom de libéraux progressistes ) cherchent à établir. Et si ces déplorables invoquent un jour leur droit à la liberté d’expression, on leur répond qu’il n’existe pas de droit au "discours de haine" et que s’opposer à l’individualisme expressif revient à s’engager dans un discours de haine.

 

Un autre mérite important de Paradis annulé est qu’il aborde directement ce que les chrétiens devraient faire dans la situation difficile actuelle. Il affirme qu’il n’y a pas de solution politique à notre crise existentielle et que la solution est essentiellement spirituelle. C’est ce qu’a écrit Jacques Maritain (1893-1973) dans L’humanisme intégral, lorsqu’il a appelé à une "nouvelle chrétienté", fondée sur "un nouveau style de sainteté, que l’on peut caractériser avant tout comme la sainteté et la sanctification de la vie séculière". C’est ce que le Concile Vatican II nous a rappelé lorsqu’il a proclamé que tous les catholiques – laïcs comme clercs – sont appelés à être des saints au milieu du monde. C’est ce que demandaient les papes Jean-Paul II et Benoît XVI lorsqu’ils ont proposé une nouvelle évangélisation. Et c’est la réponse à l’affirmation de Yeats dans La Seconde 0Venue selon laquelle l’ère chrétienne est terminée.

 

En bref, la vision chrétienne du monde ne peut vaincre son pendant laïc que si vous et moi devenons des saints. Dans le langage d’aujourd’hui, cela signifie devenir "bizarre", comme l’a récemment découvert une personnalité publique bien connue. C’est aussi ainsi qu’étaient perçus les chrétiens vivant dans l’Empire romain. Ils étaient témoins du Christ dans un monde païen qui ressemblait à bien des égards au nôtre.

 

Le paradis annulé : dévoiler les fausses promesses d'une utopie laïque
par Anthony Schratz, 
True Freedom Press, 2024
Broché, 151 pages

 

Cf. https://www.catholicworldreport.com/2024/12/07/review-of-paradise-cancelled/

***

Partager cet article
Repost0

commentaires

Articles RÉCents