Un professeur de théologie de l'Université franciscaine appelle le pape à démissionner

Après le scandale de Fiducia Supplicans dans le monde entier, un professeur de théologie de l'Université franciscaine appelle le pape à démissionner : ‘’L’Église, qui a toujours défendu la raison, devra peut-être demander au pape de se retirer afin de rétablir la raison.’’

https://crisismagazine.com/opinion/my-advice-step-down

Régis Martin

2 janvier 2024

Supposons que le cardinal Manuel Fernandez, préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, vous ait demandé de l'aider à rédiger une déclaration officielle sur la possibilité de bénir les couples de même sexe. Il est tout à fait d'accord, bien sûr, mais il aimerait que vous vous joigniez à lui. Et peu importe pourquoi il vous a demandé cela ; le fait est qu'il l'a fait, alors que lui dites-vous ? Qu'il aille se faire voir ailleurs ? Non, ce n'est pas possible. D'accord, alors vous essayez de le dire moins grossièrement, comme dans "Merci de demander, Votre Éminence, mais le sujet me remplit d'une tel effroi et d'un tel dégoût que je préférerais ne pas le faire". Est-ce que ça marchera ?

Cela n'a guère d'importance de toute façon, le cardinal Fernández ayant pris les devants, l'a déjà rédigée lui-même. Il l'a ensuite envoyée au pape François qui, approuvant ce qu'il a écrit, la signe et, hop, elle est immédiatement reconnu comme magistère. Il lui donne même un nom. "Fiducia Supplicans, sur le sens pastoral des bénédictions".

Et maintenant? Eh bien, Elle est diffusée dans le monde entier, provoquant la confusion et la consternation parmi les fidèles. Même les évêques s'insurgent. Alors que se passe-t-il ensuite ?

Et bien, supposons encore qu'au milieu de cette catastrophe, le Pape lui-même se tourne vers vous pour vous demander conseil. "Que dois-je faire?" demande-t-il avec une certaine frustration. ‘’Seuls les Allemands et les personnes LGBTQ l’aiment, et aucun d’entre eux ne pense qu’elle va assez loin ! Bien sûr, je ne peux pas satisfaire tout le monde. Je veux dire, je ne suis pas un magicien !’’

Alors, que dire au Pape ? Si c'était moi, voici ce que je dirais : "Votre Sainteté, avec tout le respect que je vous dois, il y a deux choses que vous devez faire, et deux autres que vous pourriez faire. Les deux premières sont assez faciles. Débarrassez-vous de Fernandez, puis rétractez la Déclaration. Quant aux deux autres, elles sont facultatives, mais je les recommande vivement. Démissionnez de la fonction qu'il est devenu si pénible de l’occuper ; puis partez dans le monastère le plus proche pour une vie de prière et de pénitence".

Qui sait, peut-être peut-on persuader l'ancien préfet d'accompagner l'ancien pape dans le silence ? Cela pourrait faire des merveilles pour leurs deux âmes.

Il n'y a aucune chance que cela se produise, soit dit en passant. Alors, pourquoi me donner la peine de le faire ? N'est-ce pas un peu comme cracher dans le vent ? Ou essayer de résoudre la quadrature du cercle ? Je le fais parce que l'Évangile l'exige. Je ne suis pas saint Paul, mais je n'hésite pas non plus à le paraphraser. Qui, dans sa lettre aux Galates (2,14), a eu le culot d'interpeller saint Pierre lui-même, le premier pape, sur un point de doctrine, rien de moins. Lorsqu'un homme ne marche pas droit, lorsqu'il n'est pas franc, il ne fait aucun doute que quelqu'un doit le lui dire. C'est ce que Paul a dit à Pierre, en le réprimandant en face à Antioche. C'est pourquoi, avec le plus grand respect, il faut vraiment avoir le courage de le dire au pape.

Lui dire quoi exactement ? Qu'il est tout mouillé. Que la déclaration signée et délivrée par lui est carrément fausse. Une ‘’grande tromperie’’, pour reprendre les termes de l’archevêque Tomash Peta du Kazakhstan et de son évêque auxiliaire Athanasius Schneider, qui affirment que les bénédictions proposées pour les couples de même sexe, ainsi que pour ceux qui commettent l’adultère, « contredisent directement et sérieusement la Révélation divine et la doctrine et la pratique ininterrompues et bimillénaires de l’Église catholique. Cela constitue, ajoutent-ils, ‘’un grave abus du très saint Nom de Dieu, puisque ce nom est invoqué lors d’une union objectivement pécheresse d’adultère ou d’activité homosexuelle’’.

https://catholicherald.co.uk/archbishop-prohibits-priests-from-performing-any-form-of-blessing-of-same-sex-couples-in-response-to-new-vatican-declaration/

Bref, on ne peut pas la sauver. Si on la laisse subsister, affirment-ils, l’Église elle-même risque de devenir ‘’une propagandiste de l’idéologie mondialiste et impie du genre’’. Ainsi, pour réparer les dégâts, qui sont à la fois considérables et profonds, il faut que des têtes tombent. À commencer par son auteur. Mais il ne faut pas s'arrêter là ; il ne peut pas être le seul à tomber dans la pièce.

Une solution sans cœur, pensez-vous ?

Pour qui, en fait ? Certainement pas pour le jeune homme dont m'a parlé un jour le regretté père Benedict Groeschel, qu'il avait désespérément sollicité dans sa lutte permanente contre l'attirance pour le même sexe, pour obtenir des conseils. "Je suis dans une sorte d'enfer", dit-il au vieux prêtre sage. "Un jour, je voudrais sortir de cet enfer. Mais en attendant, mon père, promettez-moi deux choses : Premièrement, que vous ne m'abandonnerez jamais et, deuxièmement, que vous ne jetterez pas l’éponge."

Avec Fiducia Supplicans , on dirait que l'Église vient de jeter l’éponge. Et avec l’éponge, elle abandonne pratiquement tous ceux qui luttent contre le péché sexuel. Il est certain qu’il n’y a rien dans le document qui puisse apporter du réconfort ou de l’encouragement à ce jeune homme, ou d’innombrables autres qui luttent, souvent de manière héroïque contre le péché, pour surmonter leur affliction. Qui acceptent les dures paroles de notre Mère l’Église avec une conviction totale et sincère. Ils ne cherchent pas à se complaire dans leur péché, sûrs que grâce à la bénédiction de leur Père, tout va bien. Ils recherchent la grâce, un peu d'espoir pour leur dire que la lutte, bien que dure, en vaut la peine en fin de compte. Mais vous chercherez en vain une quelconque reconnaissance des drames cachés qu’ils jouent dans leur vie.

Comme tout cela est incroyablement triste. Après tout, le Pape n’avait-il pas dit, il y a à peine deux ans, exactement le contraire de ce qui est dit aujourd’hui ? À moins que la loi de non-contradiction soit abrogée entre-temps, l’Église ne peut pas gagner sur deux tableaux. Même si le pape François souhaite étendre la portée de sa tant vantée ‘’vision pastorale’’, elle ne pourra jamais englober la bénédiction du péché. Soit l’adultère et la sodomie sont répréhensibles, et ceux qui se livrent à de telles pratiques commettent un péché grave et ont besoin de se repentir ; soit il n’y a rien de répréhensible ou de fâcheux dans ces pratiques, et aucun prêtre ne devrait s'opposer à ceux qui se présentent pour que leurs unions soient bénies.

C’est là que réside la folie. Et l’Église, qui a toujours défendu la raison, devra peut-être demander au Pape de démissionner afin de rétablir la raison.

Auteur

Régis Martin

Regis Martin est professeur de théologie et professeur associé au Centre Veritas pour l'éthique de la vie publique de l'Université franciscaine de Steubenville. Il a obtenu une licence et un doctorat en théologie sacrée de l'Université pontificale Saint-Thomas d'Aquin à Rome. Martin est l'auteur de plusieurs livres, dont Still Point: Loss, Longing, and Our Search for God (2012) et The Beggar's Banquet (Emmaus Road). Son livre le plus récent, publié par Sceptre, s'intitule Looking for Lazarus: A Preview of the Resurrection.

https://crisismagazine.com/opinion/my-advice-step-down

Car Dieu n'est pas un Dieu de confusion mais de paix.

1 Co 14,33