Militaire français, prêtre, ermite et missionnaire, sa spiritualité a eu une grande influence au XXe siècle.
Saint Charles de Foucauld (1858-1916) est 'le frère universel' : il est celui qui est passé d’une vie mondaine à une vie fraternelle au plus près des délaissés, avec les Touaregs dans le désert du Sahara. La redécouverte de la foi de son enfance a transformé sa vie.
Orphelin à l'âge de six ans, Charles de Foucauld est élevé par son grand-père maternel, le colonel Beaudet de Morlet. Il intègre l'école spéciale militaire de Saint-Cyr. À la sortie, son classement lui permet de choisir la cavalerie. Il rejoint donc l'École de cavalerie de Saumur, où il se signale par son humour potache, tout en menant une vie dissolue. Il est ensuite affecté en régiment. À vingt-trois ans, il décide de démissionner afin d'explorer le Maroc.
La qualité de ses travaux lui vaut la médaille d'or de la Société de géographie et une grande renommée à la suite de la publication de son livre Reconnaissance au Maroc (1888).
De retour en France et après diverses rencontres, il retrouve la foi chrétienne et devient moine chez les trappistes le 16 janvier 1890. Puis il part pour la Syrie, toujours chez les trappistes. Sa quête d'un idéal encore plus radical de pauvreté, d'abnégation et de pénitence le pousse à quitter La Trappe afin de devenir ermite en 1897. Il vit alors en Palestine, écrivant ses méditations (dont la Prière d'abandon) qui seront le cœur de sa spiritualité.
La conversion de Charles de Foucauld est marquée par les mots de l'Abbé Henri Huvelin : " Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu la lui ravir."
Ordonné prêtre à Viviers en 19012, il décide de s'installer dans le Sahara algérien à Béni Abbès. Il ambitionne de fonder une nouvelle congrégation, mais personne ne le rejoint. Il vit avec les Berbères, adoptant une nouvelle approche apostolique, prêchant non pas par les sermons, mais par son exemple. Afin de mieux connaître les Touaregs, il étudie pendant plus de douze ans leur culture, publiant sous un pseudonyme le premier dictionnaire touareg-français. Les travaux de Charles de Foucauld sont une référence pour la connaissance de la culture touareg.
Il aide les populations qu'il rencontre et distribue médicaments et aliments.
Les écrits de Ste Thérèse d'Ávila et de S. Jean de la Croix constituent avec les Évangiles, la base de ses lectures spirituelles. S. Jean Chrysostome est l'objet de ses méditations quotidiennes, ainsi que L'Imitation de Jésus-Christ.
Cette imitation (imitatio Christi en latin liturgique) le conduit à vouloir l'imiter dans sa vie cachée, qui correspond à la période de la vie de Jésus de Nazareth qui n'est pas mentionnée dans le Nouveau Testament, avant sa vie publique. Charles de Foucauld perçoit dans cette vie cachée une profonde humilité et abnégation de Jésus.
À travers l'humilité, Charles de Foucauld recherche la dernière placeF 34,B 60. Il ne veut pas se différencier des personnes avec qui il vit ; il mène une vie similaire à la leur, travaillant pour gagner sa vie, refusant de manifester sa supériorité du fait de son statut de prêtre.
Lors de l'une de ces médiations en 1896, Foucauld écrit son texte le plus fameux, la Prière d'abandon, résumant sa spiritualité :
"Mon Père, je me remets entre Vos mains ; mon Père je me confie à Vous, mon Père, je m'abandonne à Vous ; mon Père, faites de moi ce qu'Il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ; merci de tout, je suis prêt à tout : j'accepte tout : je Vous remercie de tout ; pourvu que Votre volonté se fasse en moi, mon Dieu, pourvu que Votre Volonté se fasse en toutes Vos créatures, en tous Vos enfants, en tous ceux que Votre Cœur aime, je ne désire rien d'autre mon Dieu ; je remets mon âme entre Vos mains ; je Vous la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je Vous aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre en Vos mains sans mesure : je me remets entre Vos mains, avec une infinie confiance, car Vous êtes mon Père."
Il écrit en 1905 : "Mes dernières retraites de diaconat et de sacerdoce m'ont montré que cette vie de Nazareth, ma vocation, il fallait la mener, non dans la Terre sainte tant aimée, mais parmi les âmes les plus malades, les brebis les plus délaissées."
Quand Charles de Foucauld revient en France en avril 1909, il passe une nuit de prière, avec Louis Massignon, dans la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. L'adoration du Saint-Sacrement et en particulier l'adoration nocturne est un fondement de sa spiritualité.
La spiritualité de Charles de Foucauld accorde une très grande importance à l'eucharistie, dans laquelle il reconnaît la présence de Jésus caché dans l'hostie. L'imitation de la vie cachée de Jésus et l'eucharistie participent de la même logique pour Charles de Foucauld. Il place l'adoration eucharistique comme "l'œuvre caractéristique, spéciale" de l'Union des laïcs dont il a écrit les statuts. Pendant toute sa vie, il passe ainsi des heures à adorer le Saint-Sacrement, et considère cette prière comme prioritaire sur toute autre activité. Il croit que la présence eucharistique rayonne, donne des grâces et permet, par sa simple présence, la sanctification de personnes qui vivent à proximité.
Cet abandon à Dieu est pour Charles de Foucauld un cheminement qui unit la miséricorde de Dieu, son amour et la souffrance. La dévotion au Sacré-Cœur, qu'il prend comme ornement sur son habit de religieux, symbolise l'amour de Jésus, avec le cœur, et la souffrance par la présence de la Croix. Ce don à Dieu nécessite une volonté, un combat : pour Charles de Foucauld, "il n'y a pas d'oblation sans immolation". C’est dans cet esprit d’imitation de Jésus qu’il abandonne toute espèce de bien matériel, se dépouillant jusqu’à l’extrême.
Il écrit quatre mois avant sa mort à Louis Massignon : "Il n'y a pas, je crois, de parole de l'Évangile, qui ait fait sur moi une impression et transformé davantage ma vie que celle-ci : 'Tout ce que vous faites à l'un de ces petits, c'est à Moi que vous le faites.'"
Dès l'occupation de l'Algérie en 1830, la France avait aboli l'esclavage, qui devait s'appliquer également dans les colonies. Cependant, afin de ménager les susceptibilités et les intérêts des chefs de tribu et des marabouts, l'esclavage était maintenu. En arrivant à Béni-Abbès, Charles de Foucauld découvre que l'esclavage existe encore; Il rachète plusieurs esclaves, comme les Pères blancs le faisaient, tels Joseph du Sacré-Cœur et Abd-Jésus, et dénonce l'esclavage dans sa correspondance.
Charles de Foucauld est convaincu que l'évangélisation passe par le respect et la compréhension des cultures dans lesquelles il vit.
"Son exemple fut des plus convaincants pour son entourage d’alors, comme pour nous aujourd’hui : l’homme est d’abord un frère ou une sœur, avant d’être un étranger, un concurrent ou un ennemi" (Mgr Grallet).
Charles de Foucauld voit dans la colonisation une mission civilisatrice au bénéfice des populations colonisées : 'Que ces frères cadets deviennent égaux à nous.'' Dans une lettre à René Bazin, il affirme qu'il y a une incompatibilité profonde entre la religion musulmane et l'assimilation des populations musulmanes à la France. Non pas que les populations ne puissent pas progresser comme beaucoup de personnes le pensaient à son époque, et auxquelles Foucauld s'oppose, mais parce qu'il considère que les musulmans "regardent l'Islam comme une vraie patrie". La politique d'assimilation des populations musulmanes lui semble impossible, d'autant qu'aucun effort pour l'éducation et l'exemple de vie n'est fait pour les populations. Il affirme ainsi dans sa lettre que "si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent français est qu'ils deviennent chrétiens."
Le 1er décembre 1916, Charles de Foucauld est assassiné à la porte de son ermitage. Il est très vite considéré comme un martyr et fait l'objet d'une véritable vénération appuyée par le succès de la biographie de René Bazin (1921). De nouvelles congrégations religieuses, familles spirituelles et un renouveau de l'érémitisme s'inspirent des écrits et de la vie de Charles de Foucauld.
À sa mort, en plein conflit mondial, il semble que la spiritualité de Charles de Foucauld ait peu d'avenir : personne ne l’a rejoint dans sa congrégation religieuse. Son association de laïcs, l’Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, ne comprend que quarante-huit membres et n'a plus de direction. L'Union est progressivement reprise par Louis Massignon, qui publie les premiers extraits de son directoire en 1917. En 1919, le cardinal Amette donne un avis favorable à la reprise de l'Union, sous la présidence de Mgr Le Roy, désigné par Mgr Livinhac. En 1928, Massignon publie l’intégralité du directoire de l'Union. En 1947, il crée la Sodalité et différents groupes ou fraternités regroupés ensuite en "Association". L’Union devient Union-Sodalité et regroupe les nombreuses associations autour de la spiritualité de Charles de Foucauld. Elle comprend actuellement plus de 1 000 membres dans 53 pays.
La tombe de Charles de Foucauld et les endroits où il a vécu sont l'objet de pèlerinages et de "Goums" sur ses traces.
Le modèle de monachisme proposé par le bienheureux Charles de Foucauld, même s'il respecte les formes traditionnelles des vœux religieux, constitue une révolution de la vie religieuse : il envisage la disparition de la séparation des convers et des moines, la suppression totale de la propriété privée tant personnelle que communautaire. De même, il développe la présence des moines immergés dans le monde, étant ainsi le précurseur des prêtres ouvriers. Jean-Paul II range Charles de Foucauld parmi les grands saints : "Ils sont tellement présents dans la vie de toute l’Église, tellement influents par la lumière et la puissance de l’Esprit Saint!". Il voit dans Charles de Foucauld la même recherche de la "sainteté inconnue de la vie quotidienne" que chez Thérèse de Lisieux. En 1974, le cardinal Duval affirme que "Le père de Foucauld a été le précurseur de Vatican II, car l'idée centrale du Concile est que tout chrétien doit porter témoignage du Christ. Or Charles de Foucauld a insisté sur le fait que tous les chrétiens, même laïques, doivent porter le témoignage de l'amour fraternel".
Le processus de reconnaissance par l'Église catholique de Charles de Foucauld prend presque un siècle.
La position de Charles de Foucauld en faveur de la colonisation, et son interprétation de la Première Guerre mondiale, différente de celle de Benoît XV, a pu créer des difficultés, d'autant plus que la décolonisation était défendue par de nombreuses organisations, notamment les Nations unies.
Son procès en béatification commence dès 1927. Interrompu durant la guerre d'Algérie, il reprend et Charles de Foucauld est déclaré vénérable le 24 avril 2001 par Jean-Paul II, puis bienheureux le 13 novembre 2005 par Benoît XVI. Pour sa béatification, il est crédité d'un miracle : la guérison d'une Italienne atteinte d'un cancer qui a prié Charles de Foucauld d'intercéder en sa faveur.
Le pape François signe le 27 mai 2020 le décret reconnaissant un miracle attribué au bienheureux. Il est canonisé le dimanche 15 mai 2022.
Sources:
https://www.ktotv.com/article/le-1er-decembre-leglise-fete-pour-la-premiere-fois-saint-charles-de-foucauld
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Foucauld