Le niveau de vie des Français s’effondre relativement à celui de leurs voisins.
https://atlantico.fr/article/decryptage/le-niveau-de-vie-des-francais-s-effondre-relativement-a-celui-de-leurs-voisins-et-voila-les-responsables-pouvoir-d-achat-france-zone-euro-pib-par-habitants-union-europeenne-effondrement-industriel-christian-saint-etienne
L’indicateur le plus neutre est le PIB par habitant tel que publié par Eurostat en niveau réel. C’est d’ailleurs cohérent avec la forte baisse du PIB relatif de la France par rapport à l’Allemagne et l’effondrement industriel de la France depuis 25 ans explique cette forte baisse du revenu français. La tendance au déclin relatif de la France est un peu générale vis-à-vis de tous les pays développés, y compris les Etats-Unis, mais c’est particulièrement notable vis-à-vis de l’Europe du Nord, alors que nous partageons la même monnaie. Jusqu’en 2021, on observait une baisse du niveau de vie des Italiens et des Espagnols. Et depuis un an, la France baisse plus que ces deux pays, les Italiens ayant gardé une industrie puissante et les Espagnols ayant une part de l’industrie manufacturière dans le PIB supérieure à la France.
La France n’a rien à vendre à l’international, ou presque. [...]
C’est un phénomène très particulier lié ultra majoritairement au fait que le taux d’imposition sur les sociétés est à 12,5 % en Irlande, alors qu’il est à 25 % en France et entre 19 et 25% en Europe. Toutes les GAFAM ont basé leur siège social à Dublin et les ventes de ces sociétés sont comptabilisées comme vendues par l’Irlande, ce qui conduit à surévaluer massivement le PIB Irlandais.
Quelles sont les responsabilités politiques de la situation française actuelle ?
[...] Au milieu des années 1990, et plus précisément vers 1995-1997, les élites français politiques, économiques, sociologiques et médiatiques se sont convaincues que nous entrions dans un monde post-industriel, post-travail. L’essentiel de l’activité tournerait autour des services et la production de biens serait secondaire.
[...] Or, et nous le savons depuis plusieurs années maintenant, nous sommes dans un monde hyper-industriel avec une nouvelle révolution industrielle, liée à l’informatique. Cela mène à l’émergence des GAFAM aux Etats-Unis et à l’absence d’équivalent en France.
[...] [L]a nouvelle baisse des impôts de production prévue pour 2023-2024 est intervenue trop tard.
[...] La seule solution sérieuse, c’est de continuer de baisser les impôts de production, éventuellement les impôts sur les sociétés, et réinvestir dans l’industrialisation, ce qu’Emmanuel Macron ne fait pas. Ainsi, sans stratégie de réindustrialisation, la situation ne fait que se dégrader. Cela fait bientôt 30 ans que le paradigme post-travail gouverne la France et la plombe. [...] Tant qu’on ne réindustrialisera pas sérieusement, on continuera d’être dans la situation qui est la nôtre, c’est à dire celle d’un déficit public et extérieur colossal.
[...] Les économistes officiels ont une seule obsession : la lutte contre les inégalités, alors même que nous sommes détenteurs du record du monde de la dépense publique, ce qui ne les émeut pas.
Comment expliquer cet affaiblissement du pays ? Avons-nous cédé à une certaine pression de la gauche ?
Selon moi, cela remonte encore plus loin. Jean-Jacques Rousseau a causé des dégâts considérables avec cette idée du Contrat Social notamment. Il explique qu’en laissant les autonomies individuelles se développer, des conflits en résulteront. C’est par cela qu’il développe la notion de volonté générale. Il est à la base des analyses, avec Hegel, qui vont conduire au Marxisme et au Léninisme, c’est à dire que quelques-uns doivent décider pour les autres... [C'est-à-dire une oligarchie née en 1792 et qui se perpétue dans ces principes rousseauistes étatistes jusqu'à aujourd'hui. "Jusqu'au bout, les hommes de la Révolution auront refusé de faire des électeurs, même au second degré, les arbitres de la dévolution du pouvoir..." (François Furet, préface in Patrice Gueniffey, Le Nombre et la Raison, La Révolution française et les élections, préface de François Furet, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales, Paris 1993, p. XI.). En 1789, "[...] (e)n théorie, le nouveau citoyen se voit reconnaître un pouvoir de contribuer à la formation des décisions, ... Mais en réalité, il a moins de prise sur la décision qu'il n'en a jamais eu (Voir P. Gueniffey, Le Nombre et la raison, p. 208-213). En effet, la participation démocratique transfère le pouvoir théoriquement possédé par les individus à une oligarchie composée de professionnels de la politique. Cette oligarchie trie les problèmes et définit les termes dans lesquels ils peuvent être résolus, médiation indispensable pour transmuer la poussière des volontés individuelles en 'volonté collective'. La toute-puissance de la 'machine', ou du parti, est la réalité de la liberté du citoyen moderne. [...] [L]e pouvoir réel se trouve entre les mains du 'cercle intérieur'. [...] [L]e peuple est réellement dépossédé de son pouvoir au profit du parti indispensable au fonctionnement de la démocratie. [...] [L]e mensonge: la dictature d'une minorité prétendant énoncer la Volonté générale au nom du peuple mais à la place du peuple." (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 206-207). NdCR.]
C’est un sous-jacent majeur dans la pensée politique française. Au XXème siècle, les deux guerres vont également laisser des traces. Nous avons gagné la Première Guerre mondiale, mais au lourd prix de la perte de 15% des hommes de 18 à 35 ans, ce qui affaiblira terriblement le pays. Enfin, la débâcle de 1940 a beaucoup joué sur la perte de confiance de la France et sur sa projection dans le monde. En somme, nous avons une histoire très mouvementée, marquée par le socialisme redistributif et l’idée que le marxisme-léninisme doit décider pour les autres. Tout cela produit un certain univers culturel qui émet notamment l’idée qui suffit de taxer les riches pour réduire le déficit public, sans même comprendre que 80% de la fortune des riches est de la fortune papier. On se retrouve donc dans un contexte culturel et politique qui conduit à un déficit public permanent.
[NdCR. "Le socialisme [...] découle du libéralisme..." Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité.]
[...] Quelles sont les responsabilités « extérieures » à la France dans cet affaissement du niveau de vie de Français ?
[...] Nous ne pouvons donc pas nous permettre indéfiniment d’avoir des déficits publics et commerciaux, sans quoi nous pourrions avoir un jour une crise de notre balance courante. Il faut donc que les Français se réveillent et se remettent au travail.
Du fait de l’affaiblissement Français et de la désindustrialisation, le pouvoir politique européen est passé de la France à l’Allemagne. [...] Avant cela, lorsqu’elle était encore en position de leader en Europe, de 1950 à 2010, elle menait ce qu’on peut appeler une « politique européenne en Europe », c’est à dire une politique bénéfique pour l’ensemble des pays européens. Quand ce leadership est passé de la France à l’Allemagne, ces derniers menaient une « politique allemande en Europe », qui était uniquement favorable à leurs propres intérêts. Ils ont une dent contre la France et ne se gênent pas pour écraser les Français à la moindre occasion. Tout cela conduit à une perte de vitesse de la France. Nous sommes aujourd’hui marginalisés et nous nous retrouvons dans une situation déplorable, avec une dette publique qui augmente massivement. Il va falloir mener des ajustements massifs mais les Français n’y sont pas préparés. De plus, nous sommes depuis 20 ans dans une situation où les élites françaises considèrent l’industrie comme une activité du passé, sans comprendre que sans une industrie puissante il n’est pas possible de peser sur les plans économiques, politiques et stratégiques au niveau européen et mondial.
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