Des libertés essentielles sont supprimées comme la liberté d'aller et venir, la liberté de réunion, de manifestation, d'entreprendre, la liberté de culte (des messes privées sont interrompues par des policiers en armes), les messes publiques sont interdites, empêchées alors que les supermarchés sont ouverts. On entre dans le règne de l'arbitraire, sans aucun contrôle :
COVID-19 : la loi organique d’urgence empêche-t-elle les recours devant le Conseil constitutionnel ?
La loi organique d’urgence face au COVID-19 inquiète plusieurs constitutionnalistes. Elle permet de différer les réponses aux recours citoyens devant le Conseil constitutionnel contestant l’état d’urgence sanitaire. C’est « une loi sans précédent qui rend moins efficace le contrôle de constitutionnalité » estime Nicolas Hervieu, enseignant à Sciences Po et spécialiste des libertés. « Gravissime » juge à son tour le professeur de droit Paul Cassia.
LE 27 MAR 2020
Par Tam Tran Huy
Le week-end dernier, le Parlement a adopté la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 (LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. En lecture sur Legifrance. Ndlr.). Son effet est à première vue technique. Elle suspend les délais en vigueur dans l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité. La conséquence est potentiellement grave : cette loi permet de différer la réponse des hautes juridictions à des recours de citoyens, qui seraient poursuivis ou condamnés sur le fondement de la nouvelle loi sur l'état d'urgence sanitaire, et qui estimeraient que cet état d’urgence porte atteinte à des droits fondamentaux.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC), quèsaco ?
Droit nouveau entré en vigueur en 2010, la QPC permet à tout justiciable de contester, devant le juge, la constitutionnalité d’une disposition législative qui lui est appliquée. Elle est le seul moyen de contester les dispositions d'une loi après sa promulgation. La procédure prévoit deux délais : si la QPC est jugée recevable par la juridiction saisie de la demande, cette dernière la transmet au Conseil d’État ou à la Cour de Cassation. Ces hautes juridictions ont alors 3 mois pour examiner la QPC et décider de saisir le Conseil Constitutionnel. Saisi à son tour, le Conseil Constitutionnel dispose de 3 mois pour se prononcer. Tous ces délais ont été suspendus jusqu’au 20 juin 2020 par la loi organique d’urgence.
Un outil important pendant l’état d’urgence de 2015 au service des droits fondamentaux
Cette disposition est un recours important pour les citoyens qui s’estiment bafoués dans leurs droits et a fait ses preuves lors de l’état d’urgence instauré après les attentats de 2015. Saisi par des QPC, le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de la loi de 1955 sur l’état d’urgence (généralisation des contrôles d’identité et des fouilles de bagage, ou encore certaines interdictions de séjour…). Intervenir sur les délais de traitement des QPC n’est donc pas anecdotique : « C’est important d’avoir des contrôles juridictionnels efficaces dans des circonstances exceptionnelles. » souligne le spécialiste des libertés Nicolas Hervieu.
La loi organique d’urgence : une loi « sans précédent » et une situation « préoccupante »
Premier problème posé par cette loi, la suspension des délais dans lesquels les hautes juridictions doivent statuer. Cela s’inscrit dans le ralentissement général des juridictions imposé par le confinement : « Comme le confinement ralentit l’activité juridictionnelle et qu’avec une QPC, il y a des délais contraints, l’idée est de desserrer la contrainte » résume Nicolas Hervieu. Mais une suspension générale des délais est-elle pour autant justifiée ? « On pourrait déroger à ces délais pour les QPC portant sur les autres textes, mais toutes celles qui portent sur les textes d’urgence devraient être maintenues. Il n’y a déjà eu aucun contrôle de constitutionnalité a priori. » explique le professeur à Sciences Po. Si on retire ce délai, cela affaiblit le contrôle a posteriori.
Même analyse pour Paul Cassia qui juge que l’on pouvait aussi faire de l’examen de ces QPC une priorité, et que l’on pouvait réaménager les procédures de traitement au Conseil d’État et à la Cour de cassation. « Respecter la Constitution en période de crise est le signe d’un État solide. L’écarter dans une affaire où le Conseil constitutionnel est juge et partie pour des raisons de commodité est le signe que l’État est en panique. » juge-t-il sévèrement.
Un délai de 15 jours réduit à 24 h
Autre critique face à cette loi, le délai de 15 jours qui doit être respecté entre le dépôt de la loi organique et son examen par le Parlement n’a pas été respecté. Il a été réduit à… 24h ! Malgré cela, le Conseil constitutionnel a validé la procédure en invoquant les « circonstances exceptionnelles ».
« Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l'article 46 de la Constitution. » explique-t-il dans sa décision.
« Appliquer les circonstances exceptionnelles à ce type de loi est gravissime » juge le constitutionnaliste Paul Cassia. « Ça ouvre la porte à tout, ça veut dire : on peut tout accepter… » Très critique envers cette loi, il a explicité tous ses griefs au nom de l’Association de défense des libertés constitutionnelles, dans une contribution extérieure envoyée au Conseil constitutionnel. Nicolas Hervieu juge tout cela « préoccupant dans un État de droit : ce n’est pas surprenant, le Conseil d’État tolère un comportement illégal en temps normal dans des circonstances exceptionnelles. Reste que c’est assez spectaculaire ».
L’absence de délais fixés n’empêche pas de statuer dans les conditions habituelles
Si les Sages ont finalement jugé « conforme » cette loi organique, ils ont aussi souligné dans leur décision que le texte « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période ». En clair, les citoyens peuvent poser des QPC pendant cette période, les hautes juridictions peuvent travailler rapidement mais n’y sont pas obligées. Une expression alambiquée, insatisfaisante pour l’avocat Vincent Brengarth qui estime que « le Conseil constitutionnel botte en touche ».
Les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth ont saisi le Défenseur des droits. Entretien avec Vincent Brengarth
« Cette loi, c’est une dérive extrêmement préoccupante. C’est une sorte d’instrument pour venir neutraliser le contrôle de constitutionnalité. Sur l’état d’urgence qui a suivi les attentats de 2015, il y avait eu des censures du Conseil constitutionnel postérieures à la loi. Dans le cas présent, imaginez : des personnes peuvent être condamnées par comparution immédiate sur le fondement d’un délit dont elles auraient pu contester la constitutionnalité, notamment en termes de proportionnalité. Sans effet impératif sur les délais, la peine sera déjà exécutée avant de pouvoir être contestée devant le Conseil constitutionnel. Les QPC sont des moyens de droit essentiels aujourd’hui, d’autant plus si l’on considère les circonstances dans lesquelles cette loi a été adoptée : sans concertation, sans temps du débat…
Avec cette loi, on a dupliqué cet état d’urgence sanitaire sur l’état d’urgence de 1955, donc antérieur à la Constitution de 1958. On a donc dupliqué une loi antérieure à la Constitution et on empêche ensuite le contrôle de constitutionnalité ! Il est intéressant de constater que les situations de crise amènent à une mutation temporaire de l’Etat de droit dans un sens de restriction du contrôle juridictionnel… Il ne nous reste plus que les autorités administratives indépendantes pour rappeler le droit, dans le cadre de leurs prérogatives. Nous attendons du Défenseur des droits qu’il critique la décision du Conseil constitutionnel (de valider la loi le 26 mars) et qu’il fasse au moins une communication pour rappeler que cette loi n’empêche pas de respecter les délais habituels d’une question prioritaire de constitutionnalité. »
Publié le : 27/03/2020 à 14:51 - Mis à jour le : 03/04/2020 à 16:24
Source: PUBLIC SENAT.FR
Le Conseil constitutionnel accepte que les libertés publiques soient drastiquement restreintes tout en en différant le contrôle.
La ligue des droits de l'Homme parle à la suite de cette LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 de "violation évidente de la Constitution" :
Par sa décision, qui valide une violation évidente de la Constitution et conduit à lui permettre de reporter l’examen des Ordonnances prises par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel accepte que les libertés publiques soient drastiquement restreintes tout en en différant le contrôle.
Rien ne justifie une telle décision. On ne sache pas, en effet, que les membres du Conseil constitutionnel souffrent d’une incapacité à travailler en visioconférence alors qu’en même temps, ces Ordonnances valident le recours immodéré à ce moyen, souvent au préjudice des libertés et des droits de la défense.
Alors que le respect de l’Etat de droit doit prévaloir en toutes circonstances, la protection des libertés individuelles et collectives ne devrait souffrir d’aucun retard ni d’aucun empêchement.
Le Conseil constitutionnel crée ainsi une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions et donc à tous les renoncements.
Paris, le 3 avril 2020
La LDH Toulon résume :
Le Conseil constitutionnel crée une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions (03-04-2020)
Un avocat déclare publiquement que le confinement est illégal :
Le nouveau délit de violations répétées des règles du confinement, jugé illégal
par Jean-Philippe Deniau publié le 13 avril 2020 à 20h45
Le tribunal de Rennes a relaxé un prévenu qui comparaissait après avoir été verbalisé quatre fois pour être sorti de son logement sans motif dérogatoire valide. Une décision qui pourrait faire boule de neige.
https://www.franceinter.fr/justice/le-nouveau-delit-de-violations-repetees-des-regles-du-confinement-juge-illegal
« La violation du confinement se traduit par une contravention, or comme dans toute contravention, il y a un délai de recours de 45 jours. Or là, on punit les gens de s’être fait verbaliser plus de trois fois en trente jours, mais si on conteste une de ces trois contraventions, elle n’est plus définitive et on est toujours présumé innocent », poursuit Maître Sébastien Delorge. Autant d’arguments qui vont être scrutés de près par la Cour de cassation. Après avoir été saisie, elle s’est engagée le 9 avril « à répondre dans les délais les plus brefs possible » et à juger du caractère sérieux de ces QPC. Si tel était le cas, elle transmettra alors au Conseil constitutionnel qui devra alors se prononcer et statuer.
« Les deux premières QPC en ce sens ont été enregistrées en toute fin de semaine dernière et seront donc examinées les premières, lors de l’audience de la chambre criminelle du 12 mai. Pour le moment, une seule autre QPC similaire est en cours d’enregistrement, en provenance du tribunal judiciaire de Paris », a indiqué un porte-parole de la Cour de cassation, contacté par 20 Minutes.
Le 12 mai : soit après la fin du confinement...