... Le Saint-Sacrifice aboli ? (Daniel 8,11; Matthieu 24,15)
Vendredi 28 février, Mgr Michel Dubost, Administrateur apostolique à Lyon, a recommandé de "ne pas être agent de la propagation du coronavirus (Covid-19)", appelle "les catholiques [...] à suivre scrupuleusement les consignes des autorités publiques" et demande "en ce qui concerne nos assemblées eucharistiques" "pour éviter tout risque de contamination" "que le « pain eucharistique » soit exclusivement donné dans les mains (et non dans la bouche) et qu’il n’y ait pas de communion des fidèles au sang du Christ. Ces mesures seront levées lorsque les risques de toute contamination auront disparu."
Le même qui, arrivant dans le diocèse, s'étonnait, en s'en agaçant, du nombre de fidèles qui persistent à s'agenouiller. (Le Forum catholique)
L'archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, a adressé une message urgent aux prêtres et aux diacres de la capitale. Il leur demande d'appliquer dès aujourd'hui plusieurs mesures pour éviter la propagation du coronavirus. À savoir :
- proposer la communion uniquement dans les mains des fidèles et refuser dans la bouche,
- ne pas proposer de communion au calice pour les fidèles,
- demander aux concélébrants de communier par intinction,
- demander aux fidèles de ne pas échanger de poignée de main en signe de paix pendant les messes,
- vider les bénitiers présents dans l’église.
Mgr Aupetit a révélé qu'un prêtre du diocèse de Paris, rentré mi-février d'Italie, a été contaminé par le virus. Ce prêtre résidait à Rome et a rejoint la France en traversant l'Italie en voiture. (Le Figaro / Le Forum catholique)
Les messes sont suspendues jusqu'à nouvel ordre dans l'Oise.
Refuser de donner l'hostie dans la bouche des communiants, «vider les bénitiers» : à Paris, Rennes, Lille, Lyon ou Marseille, les archevêques ont demandé aux prêtres de leurs paroisses de prendre des mesures contre la propagation du nouveau coronavirus.
Dans l'Oise, [...] la célébration des messes (entendue dans le simple sens de célébration de l'eucharistie) est suspendue jusqu'à nouvel ordre dans les 41 paroisses du département. (Le Figaro)
La contamination ne se fait pas seulement par les mains mais aussi par les gouttelettes de salive émises durant l’action de parler, il faudrait donc aussi interdire aux fidèles de répondre au prêtre, de chanter, et de parler entre eux à la sortie de la messe !
La suite servile bien plus que scrupuleuse des consignes des autorités publiques semble bien davantage être la ligne de l'Église-qui-est-en-France, laquelle préconise des consignes irrationnelles. La communion dans la main contient en effet beaucoup plus de risques de contagion que la communion directement dans la bouche, la paume de mains et les doigts du fidèle étant beaucoup plus contaminées que la bouche elle-même. De sorte que si l'on voulait vraiment lutter efficacement contre la contagion, c'est la communion dans la main qu'il faudrait logiquement proscrire.
La sécurité totale serait de supprimer les messes en raison du risque de contagion lors des rassemblements de foules. On ne peut s'empêcher de penser qu'il y a donc comme un petit côté idéologique dans le fait de rendre obligatoire la communion dans la main à cause de l’épidémie.
D'autant que à l'issue du conseil extraordinaire des ministres ce matin consacré au coronavirus, Olivier Véran, ministre de la Santé (et médecin) a été particulièrement clair : "la contamination se fait par les mains. Donc, dit-il : on ne se serre plus la main etc." (Le Forum catholique)
Dans un point presse vendredi, le ministre de la Santé Olivier Véran a recommandé de ne plus se serrer la main, en raison de la diffusion du coronavirus sur le territoire français. [...] Olivier Véran affirmait vendredi que "l'essentiel des contaminations se faisait par les mains". (Europe 1)
Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Sainte-Marie à Astana (Kazakhstan), auteur d'un message sur la réception de la sainte communion en temps de pandémie, dénonce dans ces conditions, et assez logiquement, un "abus d’autorité" et un "manque de foi" :
"Personne ne peut nous contraindre à recevoir le Corps du Christ d'une manière qui comporte un risque de perte des fragments, et qui entraîne une diminution de la révérence, comme c’est le cas lorsqu’on reçoit la Communion dans la main. [...] La Communion dans la main n’est pas plus hygiénique que la Communion dans la bouche. En effet, elle peut être dangereuse sur le plan de la contagion. Du point de vue de l’hygiène, la main est porteuse d’une énorme quantité de bactéries. De nombreux agents pathogènes sont transmis par les mains. Que ce soit en serrant la main d’autres personnes ou en touchant fréquemment des objets, telles les poignées de porte ou les rampes et barres d’appui dans les transports en commun, les germes peuvent rapidement passer d’une main à une autre ; et les gens se portent alors souvent ces mains peu hygiéniques au nez et à la bouche. En outre, les germes peuvent parfois survivre pendant plusieurs jours à la surface des objets touchés. Selon une étude de 2006, publiée dans la revue “BMC Infectious Diseases”, les virus de la grippe et les virus similaires peuvent persister pendant quelques jours à la surface d’objets inanimés, comme par exemple les poignées de porte ou les rampes et les poignées dans les transports et les bâtiments publics. De nombreuses personnes qui viennent à l'église et reçoivent ensuite la sainte Communion dans leurs mains ont d’abord touché les poignées de porte ou les rampes et les barres d’appui dans les transports en commun ou dans d'autres bâtiments. Ainsi, des virus s’impriment sur la paume et les doigts de leurs mains. Puis, pendant la Sainte Messe, ils se touchent parfois le nez ou la bouche avec ces mains et ces doigts. Avec ces mains et ces doigts, ils touchent l’hostie consacrée, transférant ainsi le virus également sur l’hostie, et ils transporteront ainsi les virus par l’hostie dans leur bouche. La communion dans la bouche est certainement moins dangereuse et plus hygiénique que la communion dans la main. En effet, la paume et les doigts de la main, à défaut de lavage intense, contiennent indéniablement une accumulation de virus. L’interdiction de la Communion dans la bouche n’est pas fondée par rapport aux grands risques sanitaires de la Communion dans la main en temps de pandémie. Une telle interdiction constitue un abus d’autorité. De plus, il semble que certaines autorités ecclésiastiques utilisent la situation d’une épidémie comme prétexte. Il semble également que certaines d’entre elles éprouvent une sorte de joie cynique à propager de plus en plus le processus de banalisation et de désacralisation du très saint et divin Corps du Christ dans le sacrement eucharistique, exposant le Corps du Seigneur lui-même aux dangers réels de l’irrévérence (perte de fragments) et des sacrilèges (vol d’hosties consacrées).
"Il y a aussi le fait qu’au cours des 2000 ans d’histoire de l’Église, on ne connaît pas de cas avéré de contagion due à la réception de la Sainte Communion.
"Dans l’Église byzantine, le prêtre donne même la Communion aux fidèles avec une cuillère, la même cuillère pour tous. Et ensuite, le prêtre ou le diacre boit le vin et l’eau avec lesquels il a purifié la cuillère, qui parfois avait même été touchée par la langue d’un fidèle lors de la réception de la sainte communion. De nombreux fidèles des Églises orientales sont scandalisés par le manque de foi qu'ils constatent chez des évêques et des prêtres de rite latin lorsque ceux-ci mettent en place l'interdiction de recevoir la Communion par la bouche, interdiction faite finalement par manque de foi dans le caractère sacré et divin du Corps et du Sang du Christ eucharistique.
"Si l’Église de notre temps ne s’efforce pas à nouveau avec le plus grand zèle d’accroître la foi, la révérence et les mesures de sécurité à l’égard du Corps du Christ, toutes les mesures de sécurité pour les êtres humains seront vaines.
"Si l’Église de nos jours ne se convertit pas et ne se tourne pas vers le Christ, en donnant la primauté à Jésus, et notamment à Jésus Eucharistique, Dieu montrera la vérité de Sa Parole qui dit : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent ; Si le Seigneur ne garde pas la cité, en vain la sentinelle veille à ses portes » (Psaume 126, 1-2)." (Fin de citation) (Source: Pro Liturgia, actualité du 29 février 2020)
Rappelons qu'en 590, lorsque saint Grégoire le Grand (540–604), Pape et docteur de l'Église, fut élu pape, prenant le nom de Grégoire Ier, "l'Italie se trouvait dans une situation déplorable : la peste et la famine avaient exterminé les populations." (Yvan GOBRY, Dictionnaire des Papes, Pygmalion, Paris 2013, p. 187). Entre 589 et 590, une violente flambée de peste, les terribles lues inguinaria, après avoir dévasté le territoire byzantin à l'est et les terres franques à l'ouest, sema la mort et la terreur dans la péninsule et frappa la ville de Rome. Les citoyens romains virent cette épidémie comme un châtiment divin en réponse à la corruption qui régnait dans la ville. La première victime que fit la peste à Rome fut le Pape Pélage II, mort le 5 février 590 et enterré dans la crypte de la Basilique Saint-Pierre. Le clergé et le Sénat romain élurent Grégoire en tant que son successeur qui, après avoir été praefectus urbis [Préfet de Rome], vécut dans sa cellule monastique à Monte Celio. À l'occasion de cette épidémie de peste à Rome, le saint Pontife s'illustra par sa foi comme le rapporte Grégoire de Tours (538-594), contemporain de ces événements et qui en fut le chroniqueur. Dans un sermon mémorable prononcé dans l'église de Santa Sabina, il invita le peuple romain à suivre — contrit et pénitent — l'exemple des habitants de Ninive :
"Puis le Pape exhorta [tout le peuple] à lever les yeux vers Dieu, Qui permet de si terribles châtiments dans le but de corriger Ses enfants. Pour apaiser le courroux divin, le Pape ordonna une « litanie en sept Chœurs », c'est-à-dire une procession de toute la population romaine, divisée en sept cortèges, selon le sexe, l'âge et la condition. La procession se déplaça depuis les différentes églises romaines en direction de la basilique Saint-Pierre au Vatican, chantant des litanies en chemin. C'est l'origine de ce que l'on appelle aujourd'hui les grandes Litanies de l'Église, ou Rogations, que nous prions pour que Dieu nous protège contre les adversités. Les sept cortèges traversèrent les bâtiments de la Rome antique, pieds nus, à pas lent, la tête couverte de cendres. Tandis que la multitude traversait la ville, dans un silence sépulcral, la peste atteignit un tel point de fureur qu'en l'espace d'une heure, quatre-vingts personnes tombèrent mortes au sol. Cependant, Grégoire ne cessa pas une seconde d'exhorter le peuple à continuer de prier et insista pour que l'image de la Vierge peinte par saint Luc et conservée à Santa Maria Maggiore soit portée en tête de procession. (Gregorio di Tours, Historiae Francorum, liber X, 1, in Opera omnia, a cura di J.P. Migne, Parigi 1849 p. 528)"
(Source: LifeSiteNews / Le forum catholique )
Voici les réactions pour le moment dans le monde catholique traditionnel francophone :
La communion sur la langue ayant été interdite dans le diocèse d'Amsterdam, la paroisse de la Fraternité Saint Pierre suspend la distribution de la communion jusqu'à Pâques. (Le forum catholique)
Par mandement en date du samedi 29 février 2020, l’archevêque de Bordeaux interdit la distribution de la Très Sainte Eucharistie directement sur la langue, afin de contribuer à la lutte contre l’épidémie de coronavirus. En raison de l’attachement de la Fraternité Saint-Pierre à la forme extraordinaire du rit romain qui ne prévoit aucun autre mode de distribution de la Sainte Eucharistie, et dans l’obéissance à leurs supérieurs, les prêtres de Fraternité Saint-Pierre à Bordeaux ne distribueront donc plus la Très Sainte Eucharistie et ce jusqu’à nouvel ordre. (Le Forum catholique)
Un canoniste consulté a fait la réponse suivante :
"De mon point de vue, un évêque ne peut demander à personne de recevoir dans la main. Même dans la forme ordinaire, la prescription est la communion sur la langue, avec le droit d'approcher et de recevoir dans la main. La norme est la norme, et elle est fondée sur le droit des fidèles de choisir comment adorer Dieu à un moment de la messe profondément personnel et non communautaire. Mon opinion est basée sur la jurisprudence répétée du Saint-Siège confirmant le droit d'un catholique de recevoir la communion sur la langue tout en s'agenouillant lors d'une messe OF, même si son évêque a émis une loi particulière à l'effet contraire. Ces lois sont considérées de nature suggestive et nullement contraignantes."
Quel que soit le cas avec la forme ordinaire de la messe, il faut comprendre que les évêques n'ont aucun pouvoir de modifier les rubriques de la forme extraordinaire, qui est régie par les rubriques et les lois en vigueur en 1962.
Le document législatif pertinent, l'Instruction Universae Ecclesiae, détermine ce qui suit:
24. Les livres liturgiques de la forme extraordinaire seront utilisés tels qu’ils sont. Tous ceux qui désirent célébrer selon la forme extraordinaire du rite romain doivent connaître les rubriques prévues et les suivre fidèlement dans les célébrations.
28. De plus, en vertu de son caractère de loi spéciale, le Motu Proprio Summorum Pontificum déroge, dans son domaine propre, aux mesures législatives sur les rites sacrés prises depuis 1962 et incompatibles avec les rubriques des livres liturgiques en vigueur en 1962.
À la forme extraordinaire, les laïcs doivent recevoir la communion sur la langue; il n'y a aucun autre moyen envisagé ou autorisé par la loi. Pour qu'une nouvelle coutume soit établie ( quod Deus avertat ), un évêque ou une conférence épiscopale devrait demander un rescrit à la Congrégation pour la doctrine de la foi, tout comme les évêques de différents pays devaient demander à Rome un rescrit pour permettre la communion dans la main il y a des décennies. Et même si un évêque obtenait ce rescrit, il resterait au choix du profane, à qui l'on ne peut refuser le Saint-Sacrement à moins qu'il ne soit un pécheur public notoire. Un prêtre qui, de sa propre initiative, a dit aux gens qu'ils devaient recevoir dans la main violerait la loi et entraînerait le peuple à la violer. (New Liturgical Movement)
Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif.
Voici ce que nous pouvons dire sur ce blog cet après-midi.
Si la communion n'est pas une obligation, elle est nécessité pour notre vie spirituelle et notre croissance en tant qu'enfant de Dieu d'où émane la vie (Jean 6:35) et qui est le pain eucharistique. L'Eucharistie est notre nourriture spirituelle, elle est vitale pour nos âmes. Jésus est présent dans l'Eucharistie, c'est Lui qui donne la vie. Il ne peut pas apporter la maladie !
Et là, les évêques et les prêtres obéissants sont en train de nous dire que Jésus pourrait nous apporter la maladie, Lui qui guérissait les malades ! Et l'eau bénite également puisqu'il est demandé aux prêtres de vider l'eau des bénitiers !
Lire : Comment expliquer que Jésus est présent dans l'hostie ?
Si la Communion reste autorisée mais obligatoirement dans la main, il nous semble moralement permis, voire nécessaire, de ne pas obéir à un tel ordre injustifié du fait de l'état actuel de la science (communiqués de presse du ministère de la santé quant à la propagation de la maladie essentiellement par les mains), et surtout injustifié théologiquement du fait que la communion dans la main expose le Corps du Christ à un risque sérieux de profanation.
D'autant que :
- 91 [...] il n’est pas licite de refuser la sainte Communion à un fidèle, pour la simple raison, par exemple, qu’il désire recevoir l’Eucharistie à genoux ou debout.
- 92 - Tout fidèle a toujours le droit de recevoir, selon son choix, la sainte communion dans la bouche.
La Fraternité Saint Pierre s'alignant déjà sur les consignes de leurs évêques, il s'agit de trouver des lieux de messes dans la forme extraordinaire du rit romain (missel de 1962), en particulier dans la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Site :
Add. 01/03/2020 20:12. Curieusement en ce jour où l'on nous annonce la quasi suppression de la messe dans nombre de diocèses, nous fêtons un anniversaire providentiel, qui donne à réfléchir sur le sens de l'eucharistie. En effet :
"nous nous trouvons actuellement entre deux anniversaires importants : d’une part, il y a cinquante ans, la nouvelle messe était promulguée et, avec elle, les fidèles se sont vu imposer une nouvelle conception de la vie chrétienne, adaptée aux soi-disant exigences modernes. D’autre part, nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de la fondation de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Il va de soi que ces deux anniversaires ont une relation étroite, car le premier événement demandait une réaction proportionnée. C’est de cela que je voudrais vous entretenir afin d’en tirer quelques conclusions valables pour le présent, mais en faisant d’abord un retour en arrière, car ce conflit qui s’est manifesté il y a cinquante ans a, en réalité, déjà commencé pendant la vie publique de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
En effet, lorsque Notre-Seigneur annonça pour la première fois aux Apôtres et à la foule qui l’écoutait à Capharnaüm le grand don de la Messe et de l’Eucharistie, un an avant sa Passion, certains se séparèrent de lui, tandis que d’autres s’attachèrent à lui de façon plus radicale. Cela est paradoxal, mais c’est l’idée-même de l’Eucharistie qui a provoqué le premier « schisme » et, en même temps, a poussé les Apôtres à adhérer définitivement à la personne de Notre-Seigneur.
Voici comment saint Jean rapporte les paroles de Notre-Seigneur et la réaction de ses auditeurs : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. De même que le Père vivant m’a envoyé, et que, moi aussi, je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi. Voici le Pain qui est descendu du ciel. Ce n’est pas comme la manne, que vos pères ont mangée, après quoi ils sont morts. Celui qui mange ce Pain vivra éternellement. Il dit ces choses en enseignant dans la synagogue, à Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, l’ayant entendu, dirent : “Cette parole est dure, et qui peut l’écouter ?” (…) Dès lors beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui. » (Jn 6, 57-61, 67).
Essayons de répondre à trois questions qui s’appellent l’une l’autre. Pourquoi les Juifs se scandalisèrent et que refusèrent-ils dès lors ? Que refuse à son tour le chrétien moderne ? Que devons-nous faire pour ne pas tomber, nous aussi, dans cette erreur si ancienne ?
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L’Evangile nous dit que les Juifs se scandalisèrent, car ils ne pouvaient pas comprendre comment Notre-Seigneur pouvait leur donner à manger sa chair. Et Notre-Seigneur, devant cette difficulté, au lieu de leur donner des explications rationnellement plus accessibles, insiste davantage, en réaffirmant plusieurs fois la nécessité de manger sa chair et de boire son sang pour avoir la vie éternelle. En fait, ce qui manqua aux Juifs, c’était la disponibilité et la confiance à se laisser guider par Notre-Seigneur, malgré le miracle dont ils venaient d’être témoins (cf. Jn 6, 5-14). En un mot, il leur manquait la foi par laquelle le Père introduit les âmes dans le mystère du salut : « La volonté de mon Père qui m’a envoyé, c’est que quiconque voit le Fils, et croit en lui, ait la vie éternelle ; et moi-même je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 40). Ce faisant, les Juifs refusaient déjà ce qu’ils allaient refuser définitivement une année plus tard : ils rejetteraient le sacrifice de la Croix, dont la Messe est la continuation, et la Sainte Eucharistie, le fruit. Ils refusaient par avance l’économie de la Croix, qui devient incompréhensible sans un regard de foi. Pour eux, la Croix serait un scandale, tout comme les paroles de Notre-Seigneur annonçant la Sainte Eucharistie les scandalisaient. Il s’agit donc de deux manifestations d’un seul et même « scandale ». En effet, l’on ne peut aimer l’Eucharistie si l’on n’aime pas la Croix, et l’on ne peut aimer la Croix si l’on n’aime pas l’Eucharistie.
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Et que refuse, de son côté, le chrétien moderne ? Il rejette également d’entrer lui-même dans l’économie de la Croix, c’est-à-dire d’être incorporé au sacrifice de Notre-Seigneur, qui se renouvelle sur l’autel. Cette perspective le scandalise de nouveau aujourd’hui. Il ne parvient pas à comprendre comment Dieu pourrait lui demander une telle chose, car il ne comprend plus comment Dieu le Père a pu demander à Notre-Seigneur de mourir sur la Croix. Par-là, sa conception de la vie chrétienne change irrémédiablement. Il n’accepte plus l’idée de compléter en lui-même ce qui manque aux souffrances du Christ (cf. Col. 1, 24). Ainsi, graduellement, l’esprit de la Croix est remplacé par celui du monde. Le désir profond de voir le triomphe de la Croix laisse la place à un vague désir de voir un monde meilleur, une terre plus vivable, le respect de l’écosystème, une humanité meilleure, mais sans plus savoir dans quel but et par quel moyen. Ainsi, du moment que cette nouvelle perspective propre au chrétien moderne n’a pas de sens et conduit à l’indifférence, l’Eglise tout entière, avec sa hiérarchie et ses fidèles, perd sa raison d’être, entre dans une crise profonde et cherche alors désespérément à se donner dans le monde une nouvelle mission, car elle a abandonné la sienne propre, celle qui ne cherche que le triomphe de la Croix par la Croix. Immanquablement, dans cette nouvelle conception de la vie chrétienne et de l’Eglise, le saint sacrifice de la Messe n’a plus sa place, car la Croix elle-même ne l’a plus. Par conséquent, la chair et le sang du Christ, que les hommes sont censés manger et boire pour avoir la vie éternelle, vont revêtir une nouvelle signification. La nouvelle messe n’est pas seulement un nouveau rite, mais c’est la dernière expression de l’infidélité à la Croix, telle que Notre-Seigneur l’avait prêchée aux Juifs et telle que les Apôtres l’avaient prêchée à l’Eglise naissante. Nous avons ici, à la fois, la clef d’interprétation des derniers cinquante ans d’histoire de l’Eglise et celle de la plupart des erreurs et des hérésies qui l’ont menacée pendant deux mille ans.
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Mais alors, que devons-nous faire en 2020 pour garder l’esprit de la Croix et un amour inconditionnel envers l’Eucharistie ? Car, tôt ou tard, la même tentation qui poussa les Juifs à s’éloigner de Notre-Seigneur, va nous atteindre par d’autres biais et Notre-Seigneur nous interrogera comme il a interrogé les Apôtres : « Et vous, est-ce que vous voulez aussi vous en aller ? » (Jn 6, 68) Comment pouvons-nous être toujours prêts à répondre comme saint Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que Vous êtes le Christ, le Fils de Dieu. » (Jn 6, 69-70) ?
La réponse à cette question primordiale se trouve dans la vraie participation au sacrifice de la Messe et dans une vie vraiment eucharistique. La sainte Messe renouvelle nos âmes dans la mesure où nous entrons dans le mystère de la Croix, où nous le faisons nôtre, non seulement en assistant à un rite exprimant notre foi dans le Sacrifice, mais en entrant nous-mêmes dans ce Sacrifice, de telle manière qu’il devienne parfaitement nôtre, tout en restant parfaitement celui de Notre-Seigneur. Pour y parvenir, pour s’offrir soi-même avec Notre-Seigneur, il est d’abord nécessaire d’accepter sincèrement la Croix, avec toutes ses conséquences. Il s’agit de nous détacher de tout pour être vraiment en mesure de tout offrir avec et par Notre-Seigneur : notre ego, notre volonté, notre cœur, nos aspirations, nos ambitions, nos affections, en un mot ce que nous sommes et ce que nous avons, et même nos frustrations.
Avec ces prédispositions, lorsque le Fils s’offre au Père, nous sommes aussi dans le Fils, car la Croix nous unit à lui et fusionne notre volonté avec la sienne. De cette façon, nous sommes prêts pour être offerts au Père avec lui. Nous ne pouvons pas nous offrir véritablement au Père si nous ne sommes pas un seul être avec le Christ. C’est seulement grâce à cette union à la divine Victime que l’offrande de nous-mêmes acquiert une grande valeur. Or cela peut se réaliser uniquement pendant et par la sainte Messe.
Et c’est après ce don total de nous-mêmes, renouvelé à chaque Messe, que nous sommes capables de recevoir le Tout en échange : c’est la sainte Eucharistie, fruit du Sacrifice, dans lequel le Fils s’offre et dans lequel nous nous offrons avec lui."
(Don Davide Pagliarani, Supérieur général de la FSSPX, Lettre du Supérieur général aux amis et bienfaiteurs, n° 89, 29 FÉVRIER, 2020, le 1er mars 2020, premier dimanche de Carême. Source: FSSPX.news )