Après avoir servi de mantra dans les milieux socialo-communistes où le « droit » était un vain mot, le terme « révolution » fait son grand retour en sociologie, en politique et même... dans l’Église. N’entend-on pas certains clercs nous dire que Vatican II fut une « révolution » ?
« En réalité, une seule révolution aura métamorphosé du tout au tout le destin des hommes “jusqu’aux extrémités de la terre” : la venue de Jésus, sa prédication, sa Passion, sa mort, sa Résurrection. L’événement que nous commémorons le jour de Noël fut la mutation de l’Histoire la plus féconde. Elle a enfanté une ère inédite en abolissant le fatum décrété invincible par toutes les société antérieures, comme l’atteste la littérature de l’hellénisme et de la romanité. L’Enfant Jésus emmailloté dans une crèche sous le regard attendri d’une mère et d’un père, puis émerveillé de mages venus de pays lointains, c’est l’espérance d’un monde à venir où l’homme, selon la prophétie de Marx, “ne sera plus un loup pour l’homme”. Son message met au rebut les systèmes de valeurs qui sous des latitudes variables ont tous cautionné le règne de la force et de l’argent. Il ouvre des cœurs jusque là en pénitence dans les clôtures de la raison. Il prône l’esprit d’enfance, capable d’arraisonner, avec sa charge de pureté et d’innocence, l’iniquité brutale de César et de clouer le bec à la cohorte de moralistes à sa solde. Les Évangiles inaugurent l’avènement de la liberté la plus printanière, la plus ensoleillée, celle qui procède de l’amour.
« Pour avoir trahi ce message en oubliant que le Mal est “originel” et non social, la Révolution dont la France s’enorgueillit a engendré des Robespierre, des Lénine, des Mao, des Pol Pot. Pour l’avoir dédaigné, les “nouveaux mondes” proposés par des marchands d’illusion à grands renforts de communication sont de pâles contrefaçons de l’espérance inouïe qui, la nuit de la Nativité, allume des étoiles au plus intime de notre sensibilité. En somme, la seule révolution susceptible d’éclairer les lanternes du troupeau humain dans les ténèbres de ses expectatives a eu lieu il y a vingt et un siècles, quelque part en terre d’Israël. Et le “nouveau monde” a débuté avec la propagation des paroles de Jésus par le truchement de saint Paul et des Apôtres.
« Encore faut-il y croire, dira-t-on ! Ce n’est pas nécessaire. L’émotion ressentie par tout un chacun aux approches de Noël, en dépit d’un barnum commercial de plus en plus vulgaire, est une grâce. Elle incité à la trêve des agressivités militantes, elle ouvre chez le butor claquemuré dans ses certitudes les portes d’un sourire qui rajeunit son âme. Elle incite l’agnostique, voire l’athée, à accompagner ses loupiots à la messe de minuit - et quand ils chantent à l’unisson “Il est né le Divin Enfant”, une sorte de tendresse le surprend. Il n’est peut-être pas mûr pour la foi qui soulève les montagnes, mais il aurait envie d’y croire.
« (...) Il l’oubliera vite, et la vie reprendra son cours avec ses sempiternelles scories de l’ancien monde (...). Bref, la chute dans la folie du quantitatif.
« (...) Tout de même, la magie de Noël aura déposé en son for la promesse imprécise d’un bonheur sans commune mesure avec l’obtention d’un avantage, salaire augmenté, pension de retraite revalorisée. Ce qui ne signifie pas que ses revendications sont illégitimes ; mais que la félicité suggérée par “Les Anges dans nos campagnes” n’a cure du PIB, de points de croissance et de balance des paiements. Elle est à notre portée. Ne la laissons pas se perdre dans le temps profane où nous titubons comme des aveugles. (...) »
Source : Denis Tillinac, Valeurs actuelles, 12 décembre 2019 / Pro Liturgia, Actualité du vendredi 13 décembre 2019
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