Dans le cadre du CycleBêta, le Père Joseph-Marie Verlinde, spécialiste des philosophies et religiosités orientales revient sur l'idéologie du Genre, sous l'angle de la psychanalyse : "On ne peut pas dissocier le corps de l'âme. Le désir, typiquement humain, qui intègre le corps, va beaucoup plus loin que l'assouvissement ou la satisfaction d'une pulsion ou d'un besoin; et ce désir n'est pas satisfait dans l'idéologie du "gender" qui anéantit les différences."
Extrait :
"Je cite Judith Butler, avec son ouvrage paru en 1990, traduit qu'en 2005 en français, 'Trouble dans le Genre, Pour un féminisme de la subversion', dans lequel elle veut démontrer qu'il n'y a aucun lien réel entre l'appartenance morphologique à tel ou tel sexe et le genre, c'est-à-dire votre comportement. Vous pouvez être un homme biologiquement, cela ne détermine en rien votre comportement. Votre comportement masculin, vous le recevez entièrement des stéréotypes sociaux, de même que si vous étiez une femme, spontanément, vous adopteriez les autres comportements, mais il n'y a aucun lien de nécessité entre le comportement et la sexualité.
"C'est ce point que je voudrais déconstuire en m'appuyant sur la psychologie et la psychanalyse.
"[...] Tout le domaine des pulsions, du désir sexuel, tout ce dont parle le genre, au contraire, vu des lunettes du psychiatre, prouverait l'unité des deux et l'inséparabilité du vécu psychique de mon corps tel qu'il est réel, c'est-à-dire une corps d'homme ou de femme.
"[...] Toute cette théorie du gender nous réduit à notre animalité et parle de pulsions, de besoins, mais quand elle parle du désir, on ne parle pas du même mot.C 'est un désir qu'elle réduit à l'assouvissement d'une pulsion. Le besoin se borne à la satisfaction, il tend à la possession, à l'assimilation d'un objet (nourriture par exemple). Et par le fait même il réduit son objet à l'usage qu'il peut en faire.
"[...] Le désir, sexuel y compris, et parlons de celui-là. Il n'existe que dans la mesure précisément où je renonce à faire de l'autre un objet. Parce que si je le réduis à un objet, alors c'est un objet de consommation. Alors je suis au niveau soit du besoin (satisfaction d'un besoin), soit d'une pulsion (détendre une tension), mais je ne suis pas au niveau du désir. Le désir n'existe que quand je renonce à faire de l'objet de mon désir une chose à consommer, une chose, comme je disais au début.
"Car le désir - et ceci est propre au désir -, suscite un mouvement vers l'Autre, reconnu en tant que Autre. Ce qui suscite le désir, c'est justement la différence, c'est cette altérité.C 'est le fait que ce n'est pas le même. Le même ne suscite pas de désir au sens propre du terme; C'est au contraire l'élan vers ce qui n'est pas moi, vers cet Autre. Et donc un élan, un mouvement en vue d'une rencontre avec l'Autre. Et donc si je réduis cet Autre à moi, je tue le désir. le désir suppose le maintient de l'altérité, de la différence, qui est condition même de ce désir et condition de l'épanouissement de ce désir dans l'amour, qui suppose qu'on maintienne la distinction des sujets.
"Ce qui veut dire, qu'autrui, et cette altérité est ce que je ne suis pas. Si je prétends que je peux tout être et que l'Autre peut également tout être, je nie la possibilité de la différence et donc de l'altérité et donc du désir. Le désir me renvoie, essentiellement, à mon manque. Il suppose que je reconnaissance un manque ontologique au niveau de l'être. Je ne suis pas tout. Il y a un manque au niveau de la voix aussi, je n'ai pas tout. Cette limite me renvoie à une limite que je ne peux dépasser que dans la mesure où mon désir s'épanouit dans l'amour pour une rencontre, avec un échange de l'avoir et de l'être, éventuellement.
"Le désir surgit dans et par mon corps réel, dans la prise de conscience que je ne suis pas tout et que j'ai besoin de cet altérité pour découvrir, peut-être pour combler ce manque qui m'habite. Et c'est ce désir qui va nourrir e mouvement vers l'altérité.
"C'est cette altérité qui me révèle qui je suis. Aristote disait déjà que 'le sang jaillit de la différence.' C'est précisément parce que l'Autre est différent qu'il m'aide à découvrir qui je suis et donc il m'oblige à une renonciation à l'appropriation totale.
"Si je lis le Livre de la Genèse, l'arbre du bien connaître et du mal connaître. Le bien connaître c'est la connaissance qui respecte l'altérité, à commencer par l'altérité divine et qui permet alors le cheminement vers l'amour. Dieu veut me combler de Son Amour, mais pour cela il faut que je reste disponible à cette altérité, en tant que moi-même altérité personnelle. Le mal connaître c'est le connaître qui réduit l'autre à moi, qui réduit l'autre à un objet que je consomme, qui élimine la différence et donc, c'est la caricature de l'amour. C'est la caricature du désir, tout aussi bien.
"La négation de l'altérité, c'est l'effacement d'une présence, condition du désir et de l'amour. Mais cela va plus loin. J'ai besoin de cette présence pour découvrir, moi, ma dimension personnelle, en tant que sujet. C'est dans la sortie de soi vers l'autre que l'homme découvre son être personnel. C'est là qu'il prend la parole. C'est cette sortie de soi vers l'autre reconnu dans sa différence. C'est ainsi que je découvre qui je suis. Annuler l'altérité, refuser que l'Autre soit une présence en soi, c'est me priver d'accéder à ma propre présence, à moi-même, à la conscience véritable de soi, à trouver ma véritable identité.
"Accepter le désir, rester ouvert au mystère de l'amour implique donc ce double manque de l'être et de l'avoir. Et l'indifférenciation sexuelle imposée de nos jours par le travail patient, mais persévérant des lobbys, et même justifié bientôt par le droit international, conduit à cette impasse de l'objectivation et de l'appropriation réciproque qui est une violence. C'est une pseudo relation violente qui est une caricature de l'amour, et dans laquelle je ne laisse subsister aucune présence. On se réduit à l'état d'objet.
"On ne peut pas dissocier le corps de l'âme. Et le désir qui est la seule chose qui nous concerne vraiment, parce que typiquement humain en ouvrant sur l'amour et intègre le corps, bien sûr, mais qui va beaucoup plus loin que l'assouvissement d'une pulsion ou d'un besoin. Ce désir n'est pas honoré dans cette idéologie du 'gender' qui anéantit au contraire les différences.
"[...] Réduire l'homme à la copulation animale, est le pire que l'on peut proposer.
"Je ne dis pas ce que c'est l'intention. Mais je vois que cette dérive qui rejoint cette autre dérive qui est l''érotisation' outrancière des relations - une érotisation, le terme ne me plaît pas parce qu'en grec le terme eros est très beau -, je devrais dire en français (mais le terme n'existe pas) une pornographisation des relations. Pour les Grecs on emploie le terme pornos quand l'objet de l'amour est un être humain réduit à un objet. Normalement l'amour pour l'Autre, c'est philia. L'objectivation de l'Autre est la caricature de l'amour. C'est cela que nous voyons."